LE PRÊTRE-SOLDAT DANS L'HISTOIRE

 

CHAPITRE XXIV. — (XXe SIÈCLE). - Luttes de nos Missionnaires de la Chine - Jésuites et Lazaristes - contre les Boxers.

 

 

I. L'insurrection des Boxers. - Chrétientés menacées. - Les Jésuites décident de défendre, les armes à la main, les Chrétiens Chinois. — II. Les Missions de Fan-Kia-Kata et de Wei-Tsuen, sous le commandement des Pères, opposent une résistance victorieuse aux insurgés. - Prestige de ces succès militaires. — III. Investis à Pékin, dans le Pé-Tang, par les Boxers, Mgr Favier, Archevêque de Pékin et son coadjuteur, Mgr Jarlin, soutiennent, avec renseigne de vaisseau Paul Henry, un siège de deux mois contre les émeutiers. - Triomphe final.

 

I

 

Au mois de juillet 1900, au moment où l'Exposition universelle entraînait dans la spirale de ses kermesses une foule délirante, accourue de tous les coins de l'Europe pour célébrer la fin de la barbarie et l'avènement de la paix définitive, une dépêche soudaine nous montrait les ambassadeurs de l'Europe, assiégés à Pékin, dans leurs Légations, par des bandes qui, le jour, recevaient du Gouvernement chinois un désaveu et, la nuit, un salaire.

D'où venait cette agitation ? Dans le courant de mai, un décret de l'Impératrice, mettant les Chrétiens en demeure d'apostasier, sous peine de mort, avait allumé les fureurs et déchaîné les convoitises des Boxers, secte redoutable, depuis longtemps à l'affût d'une crise où sa haine contre les Européens pût s'assouvir sans limites et sans péril. Si, pendant plusieurs mois, les Boxers réussirent à dominer la capitale, on s'imagine quelle maîtrise et quelle pression ils exercèrent sur les provinces lointaines. Dans ces régions, le fer et le feu anéantirent en quelques mois la plupart des Chrétientés, abandonnées par les mandarins aux sévices des factieux et aux rapines du peuple, entraîné dans leur sillage. Les Missions ne pouvaient compter, ni sur les pouvoirs locaux, pusillanimes ou complices, ni sur nos marins, trop peu nombreux ou trop éloignés pour protéger leurs compatriotes. Au milieu de cette tourmente, devant l'offensive croissante des Boxers, deux groupes de religieux, relevant de la Compagnie de Jésus, assument la même attitude et s'astreignent aux mêmes devoirs qu'imposa l'invasion de l'Islam aux évêques et aux abbés du VIIIe siècle. Le P. Wetterwald et le P. Bataille gouvernent, le premier la Chrétienté de Wei-Tsuen et le second celle de Fan-Kia-Kata, toutes les deux situées au sud de Pékin, centres trop écartés des ports pour obtenir l'assistance de nos équipages, mais suffisamment peuplés de Chrétiens pour risquer contre les brigands une défensive efficace. Le supérieur de la province, le P. Becker, tout en nous laissant libres de nos décisions, écrit le P. Bataille, semblait croire que nous serions obligés de nous échapper, et nous conseillait, dans une lettre du 16 juin, de le faire, s'il fallait en venir là, durant la nuit, et à cheval, armés de revolvers. Le 17, il se déclarait impuissant à nous porter secours, et s'informait des dispositions de nos Chrétiens : S'ils ne veulent pas se battre à outrance, disait-il, il faut qu'ils se dispersent. Or, la résistance servira-t-elle à autre chose qu'à augmenter le nombre des massacres ?... Que le Saint-Esprit vous inspire ![1]

Il nous inspira de rester avec nos chrétiens, — déclare le P. Bataille, — pour les soutenir jusqu'au dernier moment et mourir avec eux, s'il le fallait. Nos supérieurs en furent informés, et, de Tchang-Kia-tchoang, le P. Sénéchal nous écrivit pour nous bénir, au nom de la Compagnie. Le moment était grave. On ne savait pas si l'on se reverrait en cette vie : Je comprends, disait le P. Sénéchal, le parti que vous avez pris. Le bon Pasteur donne sa vie avec ses brebis. Adieu, ou au revoir, comme le bon Dieu voudra ! Ainsi, les Jésuites, résolus à lutter, les armes à la main, contre l'ennemi, reçoivent de leur supérieur une réponse favorable à la seule mesure, d'ailleurs, que comportent la sûreté des Chrétiens et l'avenir de la Mission.

 

II

 

Pendant qu'autour de Fan-Kia-Kata, les villages et les moissons flambent, le P. Bataille et ses confrères, les PP. Paul Wetterwald et Siao, s'érigent en chefs militaires des mille Chrétiens, ralliés au drapeau de la Mission, leur font construire un rempart circulaire en terre battue, haut de trois à quatre mètres, et percé de meurtrières, robuste forteresse qu'entoure une tranchée large d'un mètre et profonde d'autant. En même temps que les fossés se creusent, les Pères fabriquent de la poudre, fondent des canons, construisent des forges. Douze bouches à feu, 26. grands fusils de rempart, 110 fusils à chien, 6 fusils à tir rapide, quelques revolvers, 45 lances et des sabres, constituent l'armement de la forteresse et de ses défenseurs. C'est avec ce modeste arsenal que la citadelle improvisée de Fan-Kia-Kata soutient, du 20 juin au 15 septembre, un siège de trois mois contre 2.000 Boxers et subit cinq attaques qui se dénouent, chaque fois, par la victoire des religieux et la confusion des mandarins, étonnés de cette résistance.

Chef de la Mission de Wei-Tsuen, le P. Albert Wetterwald, en proie aux mêmes menaces et hanté des mêmes scrupules que le P. Bataille, doit se résigner au même parti imposé par la cruauté des temps et des hommes. Faut-il partir ? Faut-il rester ? se demande, dès le début des troubles, l'éminent religieux. Et le Père de répondre : Ceux qui, comme nous ici, ont charge de grandes paroisses, ne doivent pas songer à partir, me semble-t-il. Ces grandes Chrétientés peuvent et doivent essayer de se défendre ; or, c'est le missionnaire qui est l'âme de la défense. Si la défense devient impossible, la fuite le sera davantage encore ; le dernier refuge étant forcé, il n'y a plus qu'à songer à mourir. Or, c'est encore le missionnaire qui doit encourager ses Chrétiens à mourir généreusement pour leur foi. Chacun doit consulter les circonstances ; il y en a pour qui la fuite est un devoir ; il y en a dont le devoir est de rester au poste[2].

Et le Père reste !

 

Les sept à huit cents Chrétiens qui se serrent autour du P. Albert Wetterwald pour se soustraire aux fureurs de douze à quatorze cents Boxers, ne disposent, eux aussi, que d'engins archaïques : fusils chinois ou européens, flèches, sabres, lances, coutelas, fusils de rempart, pauvres armes avec lesquelles il faudra pourtant tenir à distance et même mettre en déroute une armée de barbares munis de winchesters et de canons. Trois batailles, livrées le 18, le 20 et le 22 juillet, pourvoient à cette besogne, batailles d'abord indécises, étant donnée la supériorité numérique et matérielle de l'ennemi, mais batailles couronnées, toutes les trois, par l'éclatante victoire de l'armée chrétienne, que favorisent les talents stratégiques du général et, la discipline des soldats. Le 20 juillet, surtout. il faut suppléer à l'inégalité des forces par l'habileté de la manœuvre : Dire, écrit le Père, que je me sentais à l'aise, ce serait mentir. Un moment de panique, un seul, pouvait tout perdre ; et, tout en m'animant d'une immense confiance en Dieu, notre seul appui, je ne pouvais me dissimuler la gravité de la situation. Ce n'est pas sans angoisse que je songeais à ce que nous laissions derrière nous : plus de deux mille femmes, enfants, vieillards, dont la vie ou la mort dépendait de cette bataille. Physiquement, vous pouvez vous imaginer ce que nous souffrions. A l'ombre, le thermomètre marquait 40°, et nous devions rester là, en rase campagne, sous ce soleil de feu, cinq brûlantes heures. Il me fallait courir à pied, d'un bout de la plaine à l'autre. A quel plan recourt le courageux jésuite ? Enfonçant l'aile droite de l'ennemi, il provoque dans les rangs des Boxers un désordre qui jette la frayeur parmi l'aile gauche et entraîne la débandade de la troupe.

Le 22 juillet, le triomphe définitif, — triomphe acheté par de douloureux sacrifices — délivre Wei-Tsuen du blocus et permet à la Mission de communiquer avec les Chrétientés environnantes. Ainsi, le P. Albert Wetterwald apprend, au mois d'août, que, dans le district de Iu-tai, les Chrétiens, au nombre de trois cents, sous les ordres d'un autre Jésuite, le P. Lomüller, eurent la satisfaction, non seulement de battre les Boxers, mais de les voir ensuite poursuivis par des païens, subitement brouillés avec cette horde et, comme de juste, peu tendres aux vaincus.

 

Rien ne réussit, d'ailleurs, comme la force heureuse. Ces succès militaires confèrent aux religieux un prestige qui fait réfléchir les populations hésitantes et désarme les mandarins hostiles. L'arrivée des marins français achève l'œuvre des Milices chrétiennes. La veille, les Chinois des environs n'étaient que les voisins plus ou moins sympathiques des Missions ; le lendemain, ils en deviennent les vassaux volontaires. Sans conniver avec les Boxers, un certain nombre avaient profité de leurs déprédations pour s'enrichir. Ceux qui ne se sentent pas la conscience tranquille sollicitent un aman que la bienveillance chrétienne des Pères ne sait pas leur refuser. Les Alliés pouvaient demander des comptes. A ces tributaires empressés, la Mission distribue des drapeaux, enseignes de la bonne cause triomphante, et sauvegarde des neutres, peureux ou suspects, mais enchantés du patronage qui les amnistie et les immunise.

 

III

 

Enclave de la capitale de la Chine, résidence de l'Archevêque, Mgr Favier, et de son coadjuteur Mgr Jarlin, chefs de la Mission de Saint-Lazare, — ville sacrée où se groupent la procure, le vicariat, les séminaires, les écoles, les orphelinats, l'imprimerie, la crèche, le dispensaire, etc., le Pé-Tang joue, à Pékin, le rôle de ces castella, de ces camps retranchés où, contre les Vikings se réfugièrent, du IXe et au Xe siècle, les populations du Nord et de l'Ouest de la France, sous la tutelle des Evêques et des Abbés chassés de leurs manoirs ou de leurs monastères en flammes. C'est un vaste parallélogramme, au milieu duquel se dressent : la cathédrale ; —une bastille close de murs mais veuve de forts ; — un caravansérail dominé, à l'Est et au Sud, par des maisons chinoises et, à l'Ouest, par le mur jaune de la Cité impériale. Tout ce que représente le Christianisme, sa civilisation, sa morale, ses lois, ses œuvres préparent, dans ce sanctuaire, la déchéance de la civilisation païenne et la victoire de l'Evangile.

 

Au mois de juin 1900, l'insurrection des Boxers, — secrètement soutenus par le Gouvernement chinois,— les incendies, les massacres poussent vers le Pé-Tang, les Chrétiens d'alentour et rapprochent dans la même enceinte près de quatre mille fuyards, sans autres ressources que les approvisionnements de la Mission et sans autre défense que les trente fusils des marins que commande l'enseigne de vaisseau Paul Henry, débarqué de l'Entrecasteaux, jeune officier breton, à peine âgé de vingt ans, ravi de la bonne fortune qui le met à même de se battre si tôt pour sa patrie et pour les principes qu'elle incarne dans le monde.

Le 15 juin 1900, les portes de la Ville impériale, forcées par les Boxers, ouvrent passage aux forbans qui se ruent aussitôt vers le Pé-Tang, la tête coiffée d'un turban rouge, une ceinture écarlate au flanc, la torche d'une main, le sabre de l'autre. Cet armement sommaire voue à une mort certaine les premiers agresseurs chinois qui défient nos Pompons rouges. Mais, bientôt, munis de fusils Mauser et de canons Krupp, les Boxers redoublent d'audace et obligent le commandant français à transformer le Pé-Tang en une forteresse où la science stratégique utilise toutes les saillies et toutes les hauteurs. Murs d'enceintes, fortins, postes de tir, tranchées, casemates, talus de terre, etc., promptement créés, mettent les assiégés à l'abri d'un coup de main et les protègeront, pendant de longs jours, contre les obus et contre les surprises.

 

Le siège dura deux mois. La première salve d'artillerie ouvre les hostilités le 15 juin 1900 ; l'arrivée du général Fay les clôt le 16 août. Au cours des pages que M. René Bazin a consacrées à l'enseigne de vaisseau Paul Henry[3], se succèdent, haletantes, les vicissitudes d'une lutte que la guerre actuelle a, certes, dépassée en horreurs, mais non en prouesses. Trente marins français tenant bon, pendant près de soixante jours, dans un camp retranché, sans base de ravitaillement, à deux mille lieues de la mère patrie, contre plusieurs milliers de barbares, n'est-ce pas un prodigieux fait d'armes ? Et quel exploit rend un plus noble témoignage à la discipline, à l'endurance, à la force morale, à la vertu du chef et de sa troupe ? Et ce chef a vingt-quatre ans, à peine ! Empressons-nous à ajouter que les prêtres et les religieux, enfermés dans le Pé-Tang, assistèrent le commandant de toutes les ressources que leur fournissait une aptitude instinctive à tous les emplois et à tous les sacrifices. On pouvait craindre que les Chrétiens chinois opposassent au devoir leurs intérêts privés ; — que les femmes troublassent par des plaintes le silence de la place forte ; — que le plus noble sentiment, la pitié, élevant dans le cœur du jeune chef sa supplication illicite, avançât l'heure où les places doivent tomber. Il n'en fut rien. Nulle doléance ne fit sentir aux soldats qu'ils étaient le très petit nombre. Pas une minute les forts ne furent amollis par les gémissements des faibles. Il fallait vaincre ou mourir. Toutes les âmes se haussèrent à cette cime où le danger perd son nom et la mort son effroi.

Mais, les Lazaristes et leurs frères ne se contentent pas d'entretenir par leurs discours chez les quatre mille réfugiés du Pé-Tang la foi dans la victoire et dans la délivrance ; ils se jettent eux-mêmes dans la lutte ; le combat cesse d'être pour les Lazaristes un spectacle et devient un devoir. Tout d'abord, le dévouement des religieux s'exerce dans les services auxiliaires, où le soldat court le risque de perdre la vie sans répandre lui-même le sang de l'ennemi. Ainsi, nos Lazaristes creusent les tranchées, gabionnent les forts, accumulent les fascines. Quelques jours plus tard, le P. Giron et quatre séminaristes chinois, embusqués sur le toit de la cathédrale, observent les mouvements des Boxers et signalent, avec le clairon, les points que les rebelles menacent. Mais voici que, le 22 juin 1900, les agresseurs approchent, avec des canons, pour bombarder la porte principale. Il faut empêcher cette attaque. Une sortie est commandée, et les missionnaires, Mgr Jarlin, à leur tête, briguent et obtiennent l'honneur d'y jouer un rôle. Mgr Jarlin, écrit Paul Henry sur son carnet, a spécialement fait preuve d'un magnifique courage à la prise du canon. C'est surtout à son empire sur les chrétiens chinois que nous sommes redevables de nos succès. Le 28 juin 1900, nouvelle sortie, nouvelle intervention de Mgr Jarlin, improvisé chef des Chrétiens chinois qu'il conduit à l'assaut et à la délivrance. Le 11 juillet, dans un troisième combat, le prélat, blessé à la tête, reste quand même au feu. Parmi les nombreuses lettres, émanant des marins et dépouillées par M. René Bazin, toutes glorifient Mgr Jarlin, les Pères, les Frères, les séminaristes ; vantent leur sang-froid et leur bravoure ; mais préconisent, surtout chez Mgr Jarlin, les vertus du militaire et qualifient spontanément de commandant en second l'Evêque présent à toutes les rencontres, couchant avec les hommes dans la tranchée et se souvenant, au combat comme au repos, qu'il porta le harnais de guerre, avant d'endosser la robe du prêtre. Les Frères maristes font également le coup de feu et fournissent à la liste des morts et des blessés proportionnellement le même chiffre que les marins. Un jeune Lazariste, Gartner, brave entre les braves, déploie dans toutes les sorties une si intelligente vigueur que Paul Henry lui fait coudre au bras gauche un galon d'or, moins pour honorer l'attitude du religieux que pour établir son autorité sur les hommes. Le 18 juillet, explosion d'une mine. Dans cette conjoncture, le dévouement et le sang-froid du frère Gartner se surpassent. Après avoir disparu sous les décombres, le Lazariste sort du cloaque, maculé de boue et de sang, mais avec un enfant sauvé dans les bras. Le lendemain, le même religieux, pour dégager le Pé-Tang, conduit une troupe de Chrétiens hors du camp retranché, brûle trente cases chinoises et les nettoie des Boxers, trouvés endormis. Le 30 juillet, jour de deuil. La balle d'un Boxer terrasse soudain Paul Henry, qui meurt presque aussitôt, entre les bras du pauvre Archevêque, submergé de douleur. Ce n'est point le moment de perdre courage, mais de sauver les quatre mille Chrétiens déconcertés par cette catastrophe. Munitions, vivres, commencent à faire défaut. On mange les feuilles des arbres ; on dévore les racines des dahlias et des balisiers ; on s'arrache la marmelade où les cuisiniers ont malaxé des oignons de lys. Trois cents enfants, privés de nourriture, harcèlent d'un charivari de vagissements lamentables les braves gens qui se battent. Cependant, les explosions de mines se multiplient. Une brèche de quatre-vingt mètres crève le mur. Si les Boxers s'élancent à l'attaque, le Pé-Tang s'effondre. Mais, nos flibustiers, en proie à la peur, au lieu de franchir les décombres, trouvent moins dangereux d'invectiver les Chrétiens que de les assaillir. Au milieu de ce chaos, les religieux arborent, comme un drapeau, leurs invincibles espoirs. Une prière persévérante, obstinée, érige les cœurs au-dessus des détresses et des ruines. Enfin, le 15 août, l'aube de la délivrance se lève. Envoyés en reconnaissance, des Chrétiens chinois annoncent que les troupes européennes s'avancent vers les murs de Pékin et que des fanfares percent la nue : serait-il vrai ? Les cris des affamés s'apaisent ; sur les lèvres flétries voltige un fugitif sourire. Point d'erreur ! Le bruit de la bataille se rapproche ; les salves d'artillerie redoublent. Aussitôt, le vieil Evêque de Pékin, embouchant un clairon, sonne par trois fois la Casquette du père Bugeaud. Nulle autre réponse que le fracas d'une bombe qui éclate aux pieds du prélat. Une demi-heure s'écoule, Vers huit heures et demie du matin, les vedettes signalent les Européens, dévalant, en toute hâte, à travers les rues arrosées de mitraille. Mgr Jarlin renouvelle la sonnerie. Enfin ! la Patrie répond à l'appel de l'Evêque. Une compagnie française marche droit sur le Pé-Tang, renverse les barricades, monte aux échelles et, pénétrant dans l'enceinte, se trouve en présence d'un vieillard aux cheveux blancs, à la barbe de neige, le crucifix d'or sur la poitrine et le drapeau tricolore à la main. C'est l'Archevêque, c'est Mgr Favier, le père des quatre mille Chrétiens et l'âme de la résistance. A la vue du defensor civitatis ferme à son poste, — comme, au Ve siècle, saint Aignan sur les remparts d'Orléans, devant Ætius, accouru d'Arles au secours du Pontife, — un cri s'échappe de toutes les poitrines et salue, dans Mgr Favier, l'Eglise, égide indéfectible des peuples !

 

 

 



[1] Etudes, 20 mai 1901, 434 et suivantes.

[2] Études, 5 mars 1901, 667 et suivantes.

[3] L'Enseigne de vaisseau Paul Henry, 216-271.