HISTOIRE ILLUSTRÉE DE LA GUERRE DE 1914

 

CHAPITRE XI. — LES PUISSANCES EUROPÉENNES : LA BELGIQUE.

 

 

La Neutralité belge. — La Belgique et l'Angleterre. — L'Armée belge. — Une puissance asiatique : le Japon.

 

IL Y avait un pays au monde qui croyait pouvoir vivre en toute sécurité, à l'abri des traités, c'était assurément la Belgique. La neutralité belge n'était pas seulement le fait de la volonté propre du pays ; elle était spécialement garantie par les gouvernements européens.

Le traité des 18 articles du 26 juin 1831, qui fondait la Belgique, en la détachant de la Hollande, lui garantissait : cette neutralité perpétuelle. Le traité des 24 articles, du 15 novembre 1831, contient le texte suivant : Art. 7. — La Belgique, dans les limites fixées aux articles 1, 2 et 4, formera un Etat indépendant et perpétuellement neutre. Elle sera tenue d'observer cette même neutralité envers tous les autres Etats.

Enfin, le 19 avril 1839, un traité définitif, conclu entre la Belgique et la Hollande, reproduisait ces dispositions et les grandes puissances, l'Autriche, la France, la Grande-Bretagne, la Prusse et la Russie, intervenant au traité, déclaraient que tous les articles de celui-ci se trouvaient placés sous leur garantie.

La neutralité de la Belgique était, pour l'Europe, une nécessité d'équilibre. Depuis que la mer du Nord est devenue, un peu au détriment de la Méditerranée, l'exutoire de l'activité européenne sur le monde, la position exceptionnelle des terres belges, aux embouchures de l'Escaut et de la Meuse, face à l'Angleterre et face aux royaumes scandinaves, à l'extrémité des grandes voies de l'Europe centrale, lui assure une importance telle que son indépendance est, si l'on peut dire, une condition d'hygiène et de santé pour cette partie du monde : l'Europe respire par la Belgique.

L'histoire des provinces belges n'est qu'une longue lutte pour l'indépendance, et elle a, le plus souvent, trouvé, dans cette lutte, l'appui de l'Angleterre.

Il serait injuste, cependant, de ne pas insister sur l'étroite parenté qui, même au cours de démêlés séculaires, a uni la Belgique à ses voisins du sud. Clovis, roi des Francs de Tournai, étendit sa domination sur toute la Gaule et, avec l'aide des évêques gallo-romains, fonda la France.

C'est une question de savoir si les Francs (perpétuels ennemis des Germains) appartenaient, eux-mêmes, aux races germaniques.

Une étude attentive des faits du passé tend à révéler l'existence d'une race nordique, apparentée aux Scandinaves, aux Danois, aux Anglais, aux Frisons, aux Normands et qui provenait, non du centre de l'Europe et des pays asiatiques, mais des pays d'au delà de la mer, c'est-à-dire, sans doute, de la Norvège et, peut-être, des régions affaissées de la mer du Nord elle-même.

Quoi qu'il en soit, le même idéal rapproche, durant les siècles de la formation européenne, les populations belges de leurs voisins méridionaux. Nos plus anciens souvenirs épiques naissent aux régions de Tongres, aux rives de la Meuse, aux forêts de l'Ardenne ; les vassalités belges se rattachent, presque toutes, à la suzeraineté capétienne. Godefroy de Bouillon et Baudoin IX, comte de Flandre, combattant à la tête des armées franques, devinrent, l'un, roi de Jérusalem, l'autre, empereur de Constantinople.

Les longues luttes des ducs de la maison de Bourgogne, contre leurs aînés, les Capétiens de Paris, furent des querelles de famille.

Il est vrai que, par l'héritage de la Bourgogne, l'empire austro-espagnol domina les rivages de la mer du Nord et, qu'à la suite des guerres de Louis XIV, les Pays-Bas autrichiens restèrent rattachés à l'empire : mais, combien de souvenirs tragiques se reportent à ces temps de la domination hispano-allemande, à la résistance des Provinces-Unies et des Provinces Belges !

Quand la Révolution éclata, un mouvement unanime porta les Belges vers la France. Combien de fois les amitiés franco-belges se reconstituèrent, à la suite des crises politiques ou militaires qui les avaient mises à l'épreuve ! La France signe à la naissance du royaume des Pays-Bas et à la naissance de la Belgique.

La conférence de Londres, en créant le royaume neutre, a sanctionné, en somme, une politique essentiellement française.

De ces antiques origines, il reste, vivant et prospérant, sur le limon fertile de ces provinces, deux races parlant deux langues différentes, la race flamande et la race wallonne.

Le Wallon est ardent, vif, résistant. Il est mobile, ne reste pas en place, s'émeut et s'attendrit facilement : une teinte de mélancolie assombrit son visage et, tout à coup, un sourire efface tout et illumine sa physionomie large et bon enfant. Le Flamand est plus froid, plus flegmatique, plus réfléchi : fidèle à lui-même, passionné dans ses convictions et dans ses croyances, attaché aux mœurs antiques, il procède lentement mais sûrement. Le pays flamingant est l'ossature solide d'un peuple dont le pays wallon représente la chair abondante et fleurie. Un équilibre remarquable est, le plus souvent, obtenu par le mélange des deux races.

Ainsi s'est créé cet admirable petit peuple qui donna au monde, depuis moins d'un siècle qu'il existe politiquement, des exemples si étonnants d'initiative, de labeur fécond et de réussite dans l'activité.

La nature l'a favorisé : la terre, la mer et le ciel lui sont également indulgents. Il suffisait que la paix lui fût assurée pour qu'il se développât, sans souci et sans trêve. Que pouvait-il arriver qui mît en péril la prospérité croissante à laquelle il travaillait d'un si bon cœur et en une si pleine confiance ?...

Ce calme même eût dû l'avertir. Les dieux sont jaloux du bonheur humain : la loi de l'existence ne laisse aux corps que des jouissances éphémères ; il faut que les âmes souffrent.

Des avertissements s'étaient produits : on les remarquait un jour, puis, on les oubliait. La terre belge, féconde nourricière, tenait ses deux enfants, l'industrie et l'agriculture, pressées contre sa double mamelle, cependant que résonnait déjà le pas lourd du conquérant.

Mons et le Hainaut, d'une part, Charleroi, d'autre part, c'est le pays noir. Le charbon est le pain de l'industrie. Les ateliers et les fourneaux flambent au-dessus des plaines plates ; combien la vie serait abondante et facile si le terrible schnaps ne la détruisait dans la négligence du présent et l'insouciance de l'avenir. Liège, ville militaire, travaille les métaux et l'acier ; la construction mécanique fournit à l'industrie moderne des bras multipliés. Verviers est la ville de la laine. Gand tisse le coton et s'applique aux vieux arts de dinanderie. Malines achève les dernières dentelles. Bruxelles, capitale politique et bourgeoise, anime le pays, le grandit par sa volonté d'être, l'élargit par sa verve audacieuse, par sa cordialité bruyante et obligeante. Bruges s'assied mélancolique auprès des béguinages, en attendant que la mer, après s'être éloignée, revienne.

Anvers, enfin, donne son véritable sens à la Belgique, ouvrant son port aux flottes universelles. Anvers lutte pour enlever à Hambourg le premier rang parmi les ports continentaux. Anvers entreprend des travaux qui lui assureront bientôt 63 kilomètres de quais et 705 hectares de surface d'eau[1].

Anvers, se confiant en sa paix garantie, s'élance vers un avenir assuré. Anvers a foi dans la légende : Brabo coupe la main du géant Antigonus qui mutile les bateliers remontant le cours de l'Escaut...

Est-ce Antigonus qui revient ?... L'Allemand s'installe sur ces rives. Cette prospérité nouvelle, il la jauge, il l'étudie, il la guette, il s'y mêle... Il la hait, il la veut.

LA NEUTRALITÉ BELGE.

Quelques hommes clairvoyants l'avaient pressenti. Dès 1882, le péril de l'invasion allemande était étudié dans les conseils du gouvernement. Le général Brialmont avait signalé comme probable, l'entrée, sur le territoire belge, de trois ou quatre corps et de deux divisions de cavalerie, passant la Meuse entre Liège et Maëstricht et marchant vers la Sambre. Un corps de liaison s'avancerait à travers l'Ardenne belge. Le dixième jour, la concentration se ferait sur Aix-la-Chapelle et, en sept jours de marche, l'armée allemande franchirait les 16o kilomètres qui séparent Aix de Maubeuge.

Ces prévisions, même encore vagues, avaient déterminé la construction des camps retranchés de Liège et de Namur. Après les avoir achevés, Brialmont persévéra dans sa manière de voir et, la précisant encore, affirma que les armées allemandes s'efforceraient de tourner le front français de la Meuse : la pauvreté du sol et la difficulté du terrain rendant impossible une offensive puissante par le Luxembourg et l'Ardenne belge, le passage de l'armée allemande s'opérerait entre Visé et Maëstricht et sa direction serait Tongres, Avesnes, Gembloux, Maubeuge ; les places de Liège et de Namur seraient masquées par des forces d'observation. Brialmont avait des clartés véritablement géniales.

D'ailleurs, l'Allemagne, se sentant découverte, ne cachait pas ses intentions. Nous reviendrons sur le programme de l'Etat-major allemand, infiniment plus vaste et plus décisif que tout ce qui avait été supposé, mais, du moins, convient-il de citer un des nombreux passages où le principal auteur militaire allemand, Bernhardi, déclare, par avance, l'intention arrêtée de l'Etat-major de violer la neutralité belge : Quand il s'agit de l'armée d'une grande puissance, qui doit agir comme un tout animé d'une pensée unique, il faut absolument renoncer à une pure opération de flanc. Au contraire, on pourrait très bien donner à l'idée fondamentale de l'attaque de flanc, une forme stratégique conforme aux conditions modernes, la forme, par exemple, de l'attaque stratégique par aile refusée.

Elle est comparable à l'ordre oblique. Ce qui se passe en petit, au point de vue tactique, se retrouve là dans le domaine stratégique et dans les plus vastes proportions... Quand on néglige toutes les conditions politiques, on peut se représenter une guerre offensive de l'Allemagne contre la France, telle que l'aile nord de l'armée allemande avancerait avec des armées échelonnées à travers la Hollande et la Belgique, l'extrême aile droite marchant le long de la mer, tandis que, dans le sud, les forces allemandes esquiveraient le choc de l'adversaire et se déroberaient par l'Alsace et la Lorraine vers le nord pour laisser à l'adversaire la route libre sur l'Allemagne du Sud. La marche par échelons de l'aile marchante allemande contraindrait l'aile gauche de l'armée adverse à un grand changement de front et la mettrait, par cela seul, dans une situation désavantageuse ; et, au sud, les Français seraient obligés de faire aussi une conversion à gauche qui les placerait dans une situation désavantageuse par rapport à leur base. On aurait donc gagné, au point de vue stratégigue, ce que le grand Frédéric obtint à Leuthen, au moyen de son attaque échelonnée.

Un succès des Allemands au nord les amènerait immédiatement à Paris et troublerait les organes vitaux de l'armée française, bien avant qu'elle eût obtenu dans l'Allemagne du Sud des succès décisifs... Il faudrait aussi maintenir énergiquement le pivot du mouvement qui se trouverait dans le nord de la Lorraine et dans le Luxembourg. On a pensé souvent à faire de Trèves une forteresse d'armée et l'idée de fortifier Luxembourg repose sur des hypothèses analogues.

On voit que le plan général de l'offensive réelle de l'Allemagne est là tout entier, sauf en ce qui concerne la Hollande, mais le point de départ importe peu.

Quoi d'étonnant si la Belgique, après avoir pris la précaution de fortifier le passage de la Meuse à Liège et à Namur — cela évidemment dans l'intention de se prémunir contre l'invasion allemande — après avoir achevé à Anvers l'enceinte et le système de défense qui paraissaient pouvoir servir de réduit pour sauver l'indépendance du pays, s'inquiéta des moyens dont les puissances garantes pourraient, un jour, sauvegarder sa neutralité et sa liberté ?

LES NÉGOCIATIONS ANGLO-BELGES DE 1906-1912.

Nous abordons ici l'examen des faits tant reprochés à la Belgique par le gouvernement allemand, tant exploités contre elle par la presse allemande et qui, remontant aux années 1906 et 191112, sont présentés comme la preuve d'une volonté arrêtée de la Belgique de s'arracher d'elle-même à sa neutralité et de se précipiter aveuglément au-devant de sa ruine.

L'armée allemande ayant occupé Bruxelles, les archives d'Etat ont été dépouillées et on y a trouvé deux documents (l'un au ministère de la Guerre, le second au ministère des Affaires Étrangères), que le gouvernement allemand lança dans la presse, sous le titre de Conventions anglo-belges (mots ajoutés sur la couverture du dossier par une main plus que probablement allemande).

En fait, il ne s'agit réellement ni d'une ni de plusieurs conventions.

Le premier de ces documents, daté du 19 avril 1906 et contemporain, par conséquent, de la crise d'Algésiras, est la minute d'un rapport adressé au ministre de la Guerre de Belgique par le général Ducarne, chef de la première direction au ministère de la Guerre.

Ce rapport expose le compte rendu d'un entretien du général Ducarne avec l'attaché militaire anglais au cours duquel cet attaché militaire, M. Bernardiston, examine les conditions dans lesquelles l'Angleterre pourrait envoyer un corps expéditionnaire de 100.000 hommes en Belgique dans le cas où la Belgique serait attaquée. Cette éventualité est expressément mentionnée, en marge du document, de la main du général Ducarne : L'entrée des Anglais en Belgique ne se ferait qu'après la violation de notre neutralité par l'Allemagne.

Or, qu'ont fait les Allemands dans leur polémique, ils ont omis de mentionner cette condition si clairement formulée ; et, quand, sur la sommation formelle du gouvernement belge, le gouvernement allemand se décida à publier le fac-similé, il y manquait la phrase essentielle, subordonnant toute l'action de l'Angleterre à la violation de la neutralité belge par l'Allemagne.

Depuis la dépêche d'Ems, on n'avait pas fait un plus fâcheux usage du grattoir diplomatique. Les traductions répandues dans les pays neutres, ne portent pas, non plus, la phrase décisive. Ce faux par omission sera l'un des incidents les plus scandaleux de cette histoire de la violation de la neutralité belge, où, hélas ! les scandales abondent.

Il ne s'agissait, d'ailleurs, en quoi que ce soit, d'une convention. Le général Ducarne dit expressément, dans son rapport confidentiel, que le colonel Bernardiston insista sur ce fait que : 1° la conversation était absolument confidentielle ; 2° qu'elle ne pouvait lier son gouvernement, etc. La lecture du document ne peut laisser le moindre doute dans l'esprit.

Le second document, également publié en fac-similé dans la brochure allemande, Die belgische Neutraliket, relate un autre entretien entre le lieutenant-colonel Bridges, successeur du colonel Bernardiston, et le général Jungbluth, chef de l'État-major belge, document daté du 23 avril, sans que l'on ait mentionné l'année. — On a hésité entre la date de 1911 et celle de 1912 : cette dernière paraît être la vraie.

Or, de quoi est-il question dans ce document ? De l'envoi d'une force britannique de 160.000 hommes au cas où les Allemands tenteraient de passer par la Belgique. Que répond à cette indication le général Jungbluth ? Voici la phrase prise sur le fac-similé : Le général a objecté qu'il faudrait pour cela notre consentement.

Preuve absolue qu'il n'y avait nulle convention entre l'Angleterre et la Belgique et même, qu'en avril 1912, une négociation tendant à une telle convention n'était même pas engagée. Le général belge dit : Il faudrait notre consentement. Donc, ce consentement restait libre. La prétendue preuve se retourne contre ceux qui l'ont altérée pour pouvoir la produire.

Que démontrent ces documents ? Une seule chose, à savoir que la Belgique et l'Angleterre, se préoccupaient de l'intention qu'avait notoirement l'Allemagne de violer le territoire et la neutralité belges. Avaient-ils raison ? Qui peut en douter aujourd'hui ? Ce projet, les Allemands le déclaraient tout haut, ils procédaient à son exécution par la construction de leurs voies ferrées, par la disposition de leur mobilisation et de leurs camps retranchés.

Bernhardi avait dit : La France doit être écrasée. Il faut obtenir ce résultat coûte que coûte... La neutralité de la Belgique ne nous arrêtera pas. Et c'est ce qui s'est produit, en fait : la Deutsche Krieger Zeitung, journal officiel de l'Union militaire allemande, écrit, dans son numéro du 2 septembre 1914 : Le plan de l'invasion en France était, de longue date, solidement établi. Il devait se poursuivre avec succès dans le Nord, à travers la Belgique, en évitant la ligne des forts d'arrêts qu'il eût été très difficile d'enfoncer.

Le 4 août 1914, comme nous le verrons par la suite, M. von Jagow dit à son tour : Le salut de l'Allemagne est dans l'action rapide... Nous ne pouvions céder quant à la frontière belge. Il fallait qu'elle fût violée.

Et le chancelier, enfin : Neutralité, un chiffon de papier ! Tout se tient.

L'Angleterre était donc en droit de se demander comment elle pouvait garantir la neutralité belge. Et la Belgique montrait une réserve remarquable, une fidélité extraordinaire au principe de la neutralité, puisqu'en présence de ce péril imminent, l'officier qui parlait en son nom disait à l'attaché militaire anglais : Mais notre consentement serait nécessaire ; et qu'il ajoutait, comptant sur la vaillance de l'armée belge : que celle-ci était d'ailleurs parfaitement à même d'empêcher les Allemands de passer...

Tandis que l'héroïsme belge mesurait ses forces, la politique allemande tendait ses filets.

En 19ii, à la suite d'une polémique de presse, le gouvernement belge interrogea discrètement le gouvernement allemand sur les intentions de l'Allemagne au sujet du respect de la neutralité et fit observer qu'une déclaration à la tribune apaiserait les inquiétudes. M. de Bethmann-Hollweg fit répondre que l'Allemagne ne violerait pas la neutralité belge, mais qu'une affirmation publique en ce sens affaiblirait la situation militaire de l'empire.

En 1913, M. de Jagow, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, répondant, dans une séance de la commission du budget du Reichstag, à une interpellation d'un député socialiste, avait déclaré que la neutralité de la Belgique était déterminée par des conventions internationales et que l'Allemagne était décidée à respecter ces conventions.

L'empereur vint, en personne, à Bruxelles, en 1910 ; il renouvela, dans ses conversations familières, dans ses toasts officiels, les protestations d'amitié et d'estime pour le roi et le peuple belge. Quels étaient les véritables sentiments impériaux ? On le sait dès maintenant. Dès le mois de novembre 1913, il ne cachait pas au roi des Belges son intention de faire la guerre à la France et cette confidence voulue tendait visiblement à une sorte de sommation au roi Albert d'avoir à se prononcer. (Livre jaune, p. 20.) Au même moment, à l'occasion de la joyeuse entrée du roi et de la reine à Liège, l'empereur chargea le général von Emmich d'aller, dans cette ville, saluer les souverains belges en son nom. On a dit que le général von Emmich, qui commandait les forces allemandes sur la frontière, faisait élever sa fille dans un pensionnat à Liège. Ainsi, il étudiait à loisir la ville qu'il devait tenter de surprendre un an plus tard.

Jamais un tel traquenard fut-il tendu avec une persévérance plus odieuse ? Et contre qui ? Contre un peuple inoffensif et d'une loyauté inaltérée.

Après l'avoir trompé, on l'écrase et, pour comble, on s'efforce de le salir !

L'histoire ne serait pas digne d'elle-même si elle ne flétrissait un pareil tissu de forfaits.

L'ARMÉE BELGE.

La Belgique savait qu'elle serait attaquée ; la Belgique était résolue à se défendre. Voilà ce qui résulte de plus clair de ces publications, si honorables pour elle et pour son gouvernement ; et c'est dans cette résolution qu'elle puisait les forces nécessaires pour s'accabler elle-même d'un fardeau militaire que sa neutralité l'eût autorisée à rejeter.

En 1912, M. de Broqueville, président du conseil, déposa devant les chambres un projet de loi généralisant le service militaire, et dont l'effet devait être de doubler les effectifs. Malheureusement, ce système nouveau, mis en vigueur seulement en 1913, ne devait atteindre tout son effet qu'en 1917. Sur ce point encore, l'Allemagne sentit la méfiance accrue contre elle.

Un officier allemand, prisonnier, a déclaré que si l'Allemagne s'est précipitée vers la guerre, c'était pour éviter une catastrophe militaire qui se serait produite en 1916, lorsque le service de trois ans aurait donné, en France, tous ses effets ; la même remarque s'appliquait évidemment aux nouvelles lois militaires russe et belge. (Temps du 17 mars 1913.)

L'Allemagne savait qu'il en était de même en Russie et même en Belgique, et que toutes les puissances menacées par sa politique agressive prenaient leurs précautions : elle n'avait plus de temps à perdre si elle voulait profiter de son avance.

Voyons cependant quelles étaient les forces de la Belgique, au moment où, bien malgré elle, elle était obligée de prendre part à la guerre pour défendre son indépendance et sa liberté.

La loi fondamentale de l'organisation militaire en Belgique était la loi du 14 décembre 1909 sur le recrutement de l'armée ; comme il vient d'être dit, elle fut profondément modifiée par celle du 19 juin 1913. La première établissait en principe le service obligatoire, sur la base d'un fils par famille, avec exemption des élèves ecclésiastiques et ministres du culte. Mais la seconde consacre le principe du service généralisé. Ces fréquentes mutations avec tendance au renforcement suffisent pour indiquer l'état d'inquiétude où la Belgique vivait, dans ces dernières années, au sujet de sa neutralité.

La nouvelle loi fixait le chiffre du contingent à 49 % des inscrits de l'année (environ 60.000 hommes). C'est donc à peu près 30.000 hommes et, en plus, 2.000 engagés volontaires qui forment le contingent annuel ou milice. Les causes d'exemption sont l'état physique, la situation matérielle et les charges de famille. Les élèves ecclésiastiques ou ministres des cultes sont appelés en temps de guerre pour remplir des offices humanitaires utiles à l'armée.

Les miliciens forment l'armée active ; ils doivent huit ans de service dans l'armée active et cinq ans dans la réserve. Le temps de présence sous les drapeaux est de quinze mois pour l'infanterie, deux ans pour la cavalerie et vingt et un mois pour l'artillerie montée.

En outre, tous les hommes valides de vingt et un à cinquante ans font partie de la garde civique, dont le principal rôle est de veiller à l'ordre intérieur, mais qui peut être appelée également, en cas de guerre, pour servir à la défense nationale.

En 1913, l'effectif de paix était de 3.542 officiers, 44.061 hommes de troupes et 10.435 chevaux. En cas de guerre, la nouvelle loi, augmentant considérablement les effectifs, pouvait porter l'ensemble des troupes, y compris les réserves, aux nombres suivants :

150.000 hommes pour l'armée de campagne, 130.000 hommes pour l'armée de forteresse, 60.000 hommes pour les troupes auxiliaires.

Cet effectif pourra être atteint avec 13 classes seulement, l'armée active étant formée par les jeunes gens des cinq premières classes. L'infanterie se compose de 20 régiments à 3 bataillons. Chaque régiment du pied de paix forme 3 régiments : le 1er régiment de la brigade, le régiment bis et le régiment ter (de forteresse).

L'infanterie est armée du fusil à répétition (système Mauser), du calibre de 7 mm 65.

La cavalerie comporte ro régiments à 4 ou à 5 escadrons. Elle est armée du sabre, de la carabine Mauser et, pour les régiments de lanciers, bien entendu, de la lance.

L'artillerie compte, à la date du 16 décembre 1913 : 6 régiments divisionnaires d'artillerie montée, 20 groupes d'artillerie montée affectés aux 20 brigades mixtes ; et, en outre, l'artillerie de place, l'artillerie de côte, l'artillerie de siège, spécialement affectée à Anvers ; une artillerie lourde était en voie de formation au moment de la guerre.

Étaient spécialement affectées à la place de Liège : 12 batteries actives et 4 batteries de réserve ; pour Namur, 9 batteries actives et 3 batteries de réserve.

Au 16 décembre 1913, le génie comprenait 6 bataillons divisionnaires, outre les compagnies et sections des services spéciaux, notamment ceux détachés dans les forteresses de Liège, Namur, Anvers.

Une circulaire du 19 juillet 1913 a ordonné la constitution de corps de transports ; de nouveaux crédits ont été affectés, en 1912, aux travaux de la défense d'Anvers ; des mitrailleuses Maxim ont été distribuées dans les régiments d'infanterie ; une école d'aviation militaire a été créée à Brasschaet.

Le général Michel, ministre de la Guerre et successeur du général Hellebaut, a réorganisé le ministère de la Guerre, a créé un conseil supérieur de la Défense nationale, organisé un Comité de contrôle ayant pour tâche d'enquérir constamment sur la situation de l'armée et l'emploi des crédits.

L'armée belge, on le voit, était loin de s'endormir dans une sécurité trompeuse. Elle se tenait prête à remplir le noble devoir de désintéressement et d'héroïsme que devait lui imposer la situation du pays et ses admirables traditions de liberté et d'énergie.

La nation belge était résolue à soutenir, le cas échéant, les vigoureuses résolutions qu'elle savait être celles de son roi et de son gouvernement. 50.000 hommes de la garde civique active et, notamment, un corps de volontaires atteignant 7.000 hommes, étaient prêts à répondre au premier appel, pour seconder l'armée active ; la garde civique non active — appartenant aux communes de moins de 10.000 habitants — formait enfin un second contingent d'environ 100.000 hommes.

 

LE JAPON.

Le Japon a pris part à la grande guerre européenne pour deux raisons qui dépendent toutes deux de la situation générale prise volontairement par l'Allemagne à l'égard des autres puissances : l'Allemagne ne pouvait pas ignorer qu'un traité d'alliance unissait le Japon et l'Angleterre ; d'autre part, l'Allemagne, en occupant Kiao-Tchéou, dans le Chantoung, s'était installée délibérément au cœur des intérêts internationaux d'Extrême-Orient, face au Japon, en concurrence avec lui pour l'exploitation commerciale et la domination politique de la Chine.

Vers 1895, au plein de l'expansion coloniale, certaines puissances européennes visèrent cet énorme morceau. La Russie, poussée surtout par l'Allemagne, prit Port-Arthur et ce fut la cause initiale de la guerre russo-japonaise ; l'Angleterre occupa Wéïhaï-Wéï, et elle n'a pu s'y maintenir qu'en se concertant, sur tout le reste de sa politique asiatique, avec le Japon ; l'Allemagne s'empara de KiaoTchéou.

On offrit à la France Fou-Tchéou : mais elle ne succomba pas à la tentation ; elle crut plus sage de ne pas s'engager dans les grandes querelles qu'il était facile de prévoir comme devant éclater pour la domination du golfe de Petchili. Elle élargit et fortifia son empire indo-chinois et s'en tint là.

La Russie ayant été vaincue à Moukden, l'Angleterre étant l'alliée du Japon, il eût fallu, à l'Allemagne, une grande prudence pour développer ses intérêts économiques en Chine sans éveiller les dangereuses susceptibilités de l'empire du Levant.

Malgré le point de départ malheureux, — car le premier geste de l'Allemagne en Orient, au traité de Simonosaki, avait été une insulte au Japon, — malgré ce point de départ, le succès n'eût pas été impossible, si l'Allemagne avait su y mettre plus de souplesse et de modération. Depuis quelques années, l'activité expansionniste de la race germanique s'était exercée dans l'archipel japonais et y avait conquis une position très avantageuse, contrebalançant l'influence anglaise et se substituant à l'influence française. Les étudiants japonais s'étaient fait un idéal de la culture allemande et venaient achever leurs études à Berlin.

Mais, ici encore, le gouvernement compromit et anéantit, par ses fautes, l'œuvre des individus et des administrations particulières.

L'aveugle application de la Weltpolitik posa la lourde botte allemande sur le travail délicat que des mains expertes et fines eussent seules pu sauver.

De ces erreurs, la plus lourde fut le caractère militaire et naval donné à la colonie du Chantoung qui, pendant de longues années, eût dû se présenter plus modestement, comme un simple débouché commercial. Le Japon ne pouvait pas supporter un Gibraltar à ses portes.

Cela dit, on ne saurait nier le prodigieux effort d'activité qui créa Kiao-Tchéou et prépara cette place comme une base pour la conquête éventuelle de la Chine du Nord : cet effort même indique combien la perte en devait être pénible pour l'orgueil allemand.

Ce point avait été choisi dès 1896, à la suite d'une enquête minutieuse, poursuivie par la flotte allemande sur tous les rivages chinois. Kiao-Tchéou est situé à l'extrémité de la presqu'île du Chantoung, à vingt heures par mer de Shanghaï, à vingt-quatre heures de l'embouchure du Peï-ho, dominant le golfe du Petchili et, par conséquent, la route de Pékin.

Le climat est sain, le froid et la chaleur également supportables ; cette colonie ne tombait pas sous le reproche alternatif fait par un Allemand aux colonies allemandes : ou fécondes mais malsaines, ou bien saines mais stériles. La population était peu nombreuse, tranquille, laborieuse : on avait reconnu d'avance des gisements de houille et de fer. Excellente situation pour une entreprise à longue échéance !

Le dessein une fois arrêté, l'affaire fut menée rondement. On profita du premier prétexte : l'assassinat de deux missionnaires allemands dans une insurrection en Chine. Des marins allemands furent débarqués et, aussitôt, le prince Henri de Prusse fut envoyé à la tête d'une escadre pour imposer la volonté de l'Allemagne au gouvernement chinois ; c'est alors que fut prononcée la fameuse phrase du gantelet de fer.

Le gouvernement chinois souscrivit le traité qui cédait, à bail renouvelable, pour une durée nominale de quatre-vingt-dix-neuf ans, toute la baie de Kiao-Tchéou avec les îles qui s'y trouvent. A la mer haute, elle a 22 kilomètres de diamètre, environ ; les fonds y sont excellents ; le tirant d'eau atteint 10 mètres à l'entrée, 15 à 20 mètres au centre et le long de la rive est où les navires de forte taille peuvent facilement s'ancrer le long du littoral. La cession à bail portait sur Tsing-Tao, petit port modeste, destiné à devenir le véritable chef-lieu du futur établissement, sur toute la péninsule environnante, de manière à englober les collines qui commandent ce port ; en plus, la protection de l'empire allemand s'étendait sur une zone neutralisée de 60 kilomètres où les autorités chinoises ne pouvaient prescrire aucune mesure importante, sans l'assentiment de l'Allemagne. (Daniel BELLET, Tsing-Tao, Revue des Deux Mondes).

La prise de possession avait eu lieu le 14 novembre 1897 ; le traité est du 6 mars 1898. Voici, maintenant, les résultats de quinze années d'efforts soutenus. Le port est créé, une ville construite à Tsing-Tao, la province du Chantoung subalternisée, un système de voies de pénétration en Chine inauguré. Avant tout, la baie de Kiao-Tchéou est disposée pour devenir le point d'appui de la flotte allemande en Extrême-Orient.

Pour confirmer ce caractère militaire, on confia la direction du protectorat, non pas à l'office des colonies, mais au ministère de la Marine. On construisit forts, canons, ouvrages militaires de toute nature. On reconnaît, à tous les détails, la volonté personnelle de l'empereur, excitée par le désir de faire, de sa colonie, une rivale de Hong-Kong.

En 1907, on avait dépensé plus de 125 millions, et il est permis de penser que cette somme était plus que doublée en 1914. Tsing-Tao était déclaré port franc, libre de toutes formalités douanières et le commerce se développait en même temps que la puissance militaire.

En 1914, la population du territoire avait atteint 6o.000 âmes. Les statistiques donnaient les chiffres suivants : dès 1904, le port était fréquenté par 702 navires, 687 à vapeur, dont 400 battant pavillon allemand et, en 1913, 939 navires représentant un tonnage de 1.323.000 tonnes ; 331 navires battant pavillon allemand ; la valeur totale du commerce du port, qui était de 12.500.000 marks en 18991900, était passée, en 1912, à 210 millions de marks.

Mais les résultats obtenus étaient peu de chose, si on les comparait aux perspectives d'avenir, telles qu'il était permis de les concevoir, par suite de la construction des chemins de fer de pénétration dans la province du Chantoung et vers l'hinterland chinois.

Un Syndicat pour l'exploitation économique du Kiao-Tchéou et de son hinterland se mit à la tête de l'organisation économique de la colonie et fonda, à son tour, la Société des chemins de fer du Chantoung au capital de 67 millions et demi de francs.

Cette société avait pour objet de construire, d'abord, les lignes dé chemins de fer reliant le port aux principaux centres houillers signalés dans la province du Chantoung, puis, les lignes assurant le raccordement avec l'ensemble du réseau chinois. Ici, les espérances et les projets allaient beaucoup au delà d'un simple établissement local. Dans la pensée toujours un peu mégalomane de l'empereur Guillaume, les lignes du Chantoung, par un prolongement de la voie de Tsing-Tao à Tsinan-Fou et vers Pékin, devaient devenir le terminus du chemin de fer transsibérien vers le premier port asiatique libre de glaces en toute saison. Ainsi, un réseau d'intérêt allemand réunissait l'Allemagne asiatique à l'Allemagne européenne par un trajet de douze jours, en faisant abstraction de la puissance intermédiaire des Slaves et de la puissance adversaire des Japonais. L'Allemagne ne voit qu'elle dans le monde et ne tient pas compte des intérêts rivaux.

Ces intérêts existent cependant. Le Japon surveillait du coin de l'œil ces ambitions croissantes, ces réalisations qui n'étaient que des pierres d'attente.

Après les victoires sur la Russie, verrait-on un autre Port-Arthur s'élever dans une position aussi avantageuse et plus dangereuse peut-être ?

Avec la construction des chemins de fer, avait commencé l'exploitation des mines et la mise en valeur du pays. La Société minière du Chantoung en était arrivée à extraire plus de 550.00o tonnes par an ; la Société allemande pour les mines et l'industrie à l'étranger abordait de nouvelles entreprises.

En résumé, le trafic des voies ferrées de la colonie dépassait 910.000 tonnes en 1913, et le mouvement des voyageurs 1.315.000. (Daniel BELLET, loc. cit.)

Certainement, le Japon n'attendait qu'une occasion : l'eût-il fait naître ? La question peut se poser. Quoi qu'il en soit, il n'hésita pas à la saisir, dès qu'elle s'offrit. Un bail renouvelable peut se renouveler même si l'on change de locataire.

C'était un succès très important, pour les puissances alliées, de s'assurer le concours du Japon dans la guerre que l'Allemagne leur déclarait. Pour l'Angleterre, la tranquillité dans le Pacifique, pour la France, la sécurité en Indo-Chine ; pour la Russie, l'apaisement en Sibérie et en Mandchourie, résultats considérables que la prévoyance de la diplomatie britannique avait su leur préparer.

L'alliance anglo-japonaise remontait à 1895, aux événements qui avaient donné lieu à la paix de Simonosaki. Depuis la guerre russo-japonaise, la France, d'abord, puis la Russie elle-même s'étaient successivement rapprochées du Japon. Aucun désaccord grave n'existait plus entre les puissances de la Triple-Entente et l'empire qui venait de donner une si haute idée de sa puissance et de son adaptation à la civilisation européenne. Toutefois, le Japon avait éprouvé une certaine gêne dans ses relations avec les États-Unis. On pouvait se demander si une rivalité latente ne s'affirmerait pas entre les deux États riverains du Pacifique.

L'enjeu était certainement l'avenir de la Chine. Ni le Japon, ni les États-Unis ne se désintéressaient du sort de ces immenses contrées. L'instabilité confinant à l'anarchie dans le Céleste Empire pouvait motiver des interventions extérieures.

Cette complexité d'intérêts rendait très difficile la solution d'une question qui se posa dès l'ouverture des hostilités : le Japon serait-il amené à participer avec toutes ses forces à la lutte contre l'Allemagne ou se bornerait-il à une action localisée dans le Pacifique et en Extrême-Orient ? La solution de cette question ne devait se dégager qu'au fur et à mesure des événements.

De toute façon, le Japon prenait position du côté des alliés ennemis de l'Allemagne. Il était résolu à ruiner l'influence allemande en Chine et il apportait à cette entreprise la puissance militaire et navale dont il suffit d'indiquer, maintenant, les principaux éléments.

L'ARMÉE ET LA FLOTTE JAPONAISE.

Le Japon compte une population agglomérée de 52 millions d'habitants et de près de 70 millions pour tout l'empire. En vertu de la loi du 21 janvier 1889, modifiée en 1904 et en 1907, le service militaire est obligatoire pour tous les citoyens japonais de 17 à 40 ans.

Dans l'armée active (Gueneki), le service est de deux ans ; dans la réserve (Yobi), le service est de 5 ans et 4 mois ; dans le Kobi ou landwehr, le service est de 10 ans ; et dans le Kokumin ou garde nationale, le service se prolonge jusqu'à l'expiration de la quarantième année.

En 1909, le chiffre des appelables était de 559.317, plus 102.864 ajournés des classes précédentes. Le contingent incorporé a été de 120.000 hommes. On évalue le chiffre total des armées japonaises, en ne comptant que les hommes plus ou moins instruits, à un million 150.000 hommes, chiffre qui peut être porté à 1.500.000 hommes.

L'infanterie compte, avec la garde, 228 bataillons armés du fusil à répétition, modèle 1905 (système Avisaka) du calibre de 6 mm 5. Six mitrailleuses Hotchkiss par régiment. La cavalerie compte 89 escadrons, armés du sabre et d'une carabine à baïonnette.

L'artillerie de campagne se compose de 15o batteries de campagne, 100 batteries de réserve, et 25 batteries.de dépôt : au total, 275 batteries, armées du canon Krupp à tir rapide, de 75 mm, modèle 1905.

L'artillerie de montagne compte 21 batteries et l'artillerie lourde 96 batteries de première ligne, 24 batteries de réserve et 6 batteries de dépôt : au total, 126 batteries. L'artillerie de montagne est armée d'un canon, modèle Meidji (1909), mélange des systèmes Schneider, Ehrhardt et Skoda.

Le génie comprend 19 bataillons ; le train, également 19 bataillons.

Sur le pied de paix, l'armée japonaise compte 250.000 hommes, et en plus, 24.00o hommes formant les corps d'occupation des îles de Formose, Sakhaline, etc. En cas de mobilisation, les forces japonaises disponibles sont évaluées à 742.000 hommes, armée de campagne de première ligne, 780.000 hommes formation de réserve, 115.000 hommes, formation territoriale.

La flotte japonaise vient au 5e rang parmi les flottes du monde : les constructions navales ont été suspendues pendant quelque temps, en raison des difficultés financières.

En 1912, les deux cuirassés Kawashi et Lettsu (21.000 tonnes), armés de 12 canons de 30 centimètres, sont entrés en service, et le cuirassé Fushi (30.000 tonnes) a été mis en chantier ; quatre croiseurs cuirassés, du type Kongo (27.000 tonnes et armement de 8 pièces de 35) sont en construction ; trois croiseurs éclaireurs du type Yahayi (5.000 tonnes) sont sur le point d'entrer en service.

En tenant compte de certaines unités un peu démodées, on évalue ainsi les forces navales du Japon : cuirassés de ligne, 19 ; croiseur de bataille, 1 ; croiseurs cuirassés, 8 ; croiseurs éclaireurs, 16 ; torpilleurs d'escadre, 25 ; sous-marins, 15.

 

FIN DU PREMIER VOLUME

 

 

 



[1] New-York : 59 kilomètres 300 hectares ; Liverpool : 56,231 ; Londres : 51,254 ; Rotterdam : 35,183 ; Hambourg : 16,148.