HISTOIRE ANCIENNE DE L'AFRIQUE DU NORD

TOME I — LES CONDITIONS DU DÉVELOPPEMENT HISTORIQUE - LES TEMPS PRIMITIFS - LA COLONISATION PHÉNICIENNE ET L’EMPIRE DE CARTHAGE

LIVRE PREMIER — LES CONDITIONS DU DÉVELOPPEMENT HISTORIQUE

CHAPITRE V — LES CONDITIONS DE L’EXPLOITATION DU SOL

 

 

— I —

Pendant tout le cours de leur histoire, les populations de l’Afrique du Nord ont tiré presque uniquement leurs ressources de la culture et de l’élevage. Il n’y eut dans l’antiquité qu’une exception : Carthage, grande ville industrielle et commerçante.

Il ne sera donc pas inutile d’exposer brièvement quelles furent, dans la Berbérie d’autrefois, les conditions de l’exploitation du sol. L’étude des régions naturelles et du climat a montré qu’elles ne pouvaient pas être partout les mêmes, qu elles ne permettaient point partout des résultats également heureux.

Les végétaux cultivés dans l’Afrique septentrionale à l’époque antique furent ceux dont le choix était indiqué par la situation de cette contrée, ceux qui, depuis une longue série de siècles, sont répandus dans les autres pays de la Méditerranée. Nous n’avons pas à parler ici de certaines plantes dites exotiques, que les anciens ont peu connues ; qu’en tout cas, ils ne paraissent pas avoir acclimatées en Berbérie, où elles ne peuvent réussir que dans quelques lieux privilégiés : tels le cotonnier et la canne à sucre, cultivés çà et là à l’époque arabe[1] ; tel le riz, qui n’a été introduit dans l’agriculture méditerranéenne qu’au moyen âge[2].

Dans l’Afrique du Nord, ce sont surtout les sols argilo-calcaires (marnes) et silico-calcaires qui conviennent aux céréales[3]. Les premiers constituent des terres fortes, exigeant un labeur intensif ; les autres, des terres légères, faciles n travailler, absorbant et conservant bien l’humidité, dont l’agronome romain Columelle a pu dire : En Afrique, en Numidie, des sables friables l’emportent en fertilité sur les sols les plus robustes[4].

La distribution des couches de phosphate de chaux est importante au point de vue agricole. On sait qu’elles représentent des sédiments, d’épaisseur variable, qui se sont accumulés le long d’anciens rivages à l’époque tertiaire, dans la période éocène, et où abondent les restes de grands poissons, les coprolithes, les coquilles de mollusques, etc.[5] L’érosion a attaqué ces dépôts en beaucoup d’endroits, en a charrié d’innombrables parcelles, éléments de fertilité qu’elle a mêlés au sol des vallées et des plaines. Il est curieux d’étudier, écrit un géologue[6], la répartition des ruines romaines [en Tunisie] ; on constate que les ruines d’exploitations agricoles sont tout particulièrement nombreuses sur les marnes de l’éocène, qui accusent toujours une teneur notable en phosphate de chaux à. Les principaux gisements de phosphate aujourd’hui connus se trouvent au Sud-Ouest de Kairouan (à Sidi Nasser Allah) ; entre le Kef et Tébessa et dans le voisinage de cette dernière ville ; à l’Ouest de Gafsa, sur une longueur d’une soixantaine de kilomètres ; au Sud du pays des Némenchas (djebel Ong) ; dans la région de Souk Ahras ; dans la Medjana (au Sud-Ouest de Sétif), aux environs d’Aumale, de Berrouaghia, de Boghari.

Mais l’étendue des sols géologiquement fertiles surpasse cella des terres où la culture des céréales peut se faire dans des conditions favorables. Une tranche de pluie de 35 à 40 centimètres est en général considérée comme un minimum nécessaire pour le succès des récoltes. Or, d’après un calcul approximatif, il n’y aurait guère, en Algérie et en Tunisie, que 18 millions d’hectares recevant 0 m. 10 de pluies annuelles[7] c’est à peu près le tiers de la France. Pour suppléer par l’irrigation au manque ou aux caprices des précipitations atmosphériques, il faudrait disposer de réserves d’eaux, superficielles et souterraines, bien plus abondantes qu’elles ne le sont en Berbérie. On évalue à environ 220.000 hectares la surface totale des terres irriguées actuellement en Algérie et en Tunisie[8], et si de futurs travaux hydrauliques, inspirés par les exemples de l’antiquité, élèvent ce chiffre, ce ne sera pas de beaucoup : peut-être du double. L’irrigation fait prospérer des cultures arbustives ou maraîchères relativement peu étendues ; elle n’est possible qu’exceptionnellement pour les vastes champs où l’on sème les céréales. Aussi ce mode d’exploitation est-il très aléatoire dans des régions où la nature des terres s’y prêterait fort bien, par exemple dans le centre et le Sud de la Tunisie.

Même dans les pays qui conviennent aux céréales par la constitution du sol et le climat normal, on doit compter avec les sécheresses, trop fréquentes durant la saison des pluies et particulièrement graves a l’époque des semailles et au printemps. Il en résulte que les récoltes sont bien plus incertaines et d’un produit beaucoup plus variable que dans l’Europe centrale[9]. Les pluies cessant ou devenant rares en mai, parfois eu avril, et les chaleurs brusques qui surviennent alors nuisant à la bonne formation des grains dans l’épi, il est nécessaire de semer de bonne heure, afin de moissonner tôt. Mais, pour labourer et semer, il faut que le sol, durci pendant l’été, soit amolli par les pluies, qui tardent souvent en automne. Ajoutons quel cette saison d’automne est celle on il est le plus difficile de trouver de la nourriture pour les bœufs de labour.

On peut, il est vrai, remédier, dans une certaine mesure, à ces conditions défavorables, cultiver même en céréales des régions où la tranche de pluie s’abaisse au-dessous de 0 m. 35, où elle n’atteint guère que 0 m. 25. L’agriculture antique a pratiqué les labours préparatoires, exécutés au cours d’une année de jachère : ils facilitent l’absorption de l’eau dans le sol, l’empêchent de s’évaporer, détruisent les herbes qui l’épuiseraient. Il est ainsi possible de semer sans attendre les pluies, dés la fin de septembre ou le début d’octobre. En semant clair dans les pays secs, on ménage l’humidité qui s’est emmagasinée pendant la jachère et que des plantes trop serrées tariraient vite[10].

Dans une bonne partie de l’Afrique du Nord, à proximité du littoral et à de basses altitudes, la douceur du climat en hiver[11] permet aux céréales de poursuivre leur croissance et de parvenir rapidement à maturité[12]. Mais, dans les hautes plaines de l’intérieur, par exemple dans la région de Sétif, le froid retarde, la végétation et, après qu’elle est partie, les gelées printanières peuvent lui être funestes. Les mauvaises herbes (folle avoine, chiendent, etc.) abondent et se développent vigoureusement[13]. Enfin, au printemps, le siroco cause parfois de graves dommages.

De toutes les cultures méridionales, disent MM. Rivière et Lecq[14], c’est incontestablement celle des céréales qui est le moins bien adaptée au climat méditerranéen. Cette affirmation est plus vraie encore pour le blé que pour l’orge, qui craint moins la sécheresse et met un mois de moins a mûrir : elle doit donc être préférée au blé dans les pays où il ne pleut guère, dans les années où l’un est forcé de semer tard.

Malgré les risques qu’elle comporte, la culture des céréales a pris une grande extension en Berbérie à l’époque antique. Nous ne savons guère comment elle s’y est établie et propagée. La lutte contre la forêt et le marais dut être moins pénible qu’en Gaule[15] : les sols marécageux sont assez peu nombreux[16] et nous avons vu que beaucoup de terrains ne sont pas favorables à la végétation arbustive. Mais il fallut s’attaquer à la broussaille, qui est souvent très dense et très tenace, surtout dans les bonnes terres[17].

L’identité des conditions naturelles et quelques témoignages explicites[18] permettent de croire que les régions où l’on cultivait les céréales étaient à peu près les mêmes qu’aujourd’hui. Nous mentionnerons surtout les plateaux du Maroc occidental, où s(étendent en vastes nappes les terres noires, connues sous le nom de tirs, et où des terres rouges sont fertiles aussi ; la plaine de Sidi bel Abbés ; des espaces, d’ailleurs assez restreints, dans les régions de Saïda et de Tagremaret ; le plateau de Tiaret et le Sersou ; les plaines de la Medjana, de Sétif et celles qui sont situées au Sud de Constantine, de Guelma, de Souk Ahras ; les plaines de Ghardimaou et de la Dukhin, traversées par la Medjerda ; le plateau central tunisien et les vallées environnantes ; une partie du littoral oriental de la Tunisie, au Sud du golfe de Hammamet, au Nord et autour de Sousse. La plupart des pays que nous venons d’énumérer sont des plaines, hautes ou basses. Ailleurs, dans les régions montagneuses, Rif, grande et petite Kabylie, Khoumirie, Aurès, etc., des vallées se prêtent à la culture des céréales, mais les superficies disponibles sont en général peu étendues.

L’arboriculture a été autrefois et redeviendra sans doute très florissante en Afrique. Elle peut réussir sur des terres médiocrement favorables aux céréales. En premier lieu, dans les pays de montagnes, à pluies abondantes, mais à sol pauvre : comme la végétation naturelle des forêts, certaines espèces fruitières sen contentent. Les sources, nombreuses dans ces régions, servent en été ‘ou durant les périodes saches de l’hiver à des irrigations, nécessaires aux jeunes plants et utiles aux arbres adultes.

Cependant les arbres fruitiers, surtout l’olivier, le figuier, l’amandier, supportent assez bien de longues sécheresses[19]. Leurs racines puissantes vont chercher l’humidité qui s’est maintenue dans les profondeurs du sol, alors que le soleil a desséché la croûte supérieure. Cette réserve existe en quantité suffisante, même dans des pays où la tranche de pluie ne dépasse guère 0 m, 25. Si, par l’aménagement habile des eaux disponibles, on s’y procure le liquide nécessaire à l’arrosage des jeunes sujets, on peut y créer de vastes vergers, à récoltes presque assurées. Telle fut, dans l’antiquité et même plus tard, la cause de la prospérité de la Tunisie orientale et méridionale, du pays des Némenchas, du Hodna.

Il est naturel que les centres de quelque importance s’entourent d’arbres fruitiers, dont les produits servent surtout à la consommation locale. Aujourd’hui, encore, bien des villes de l’Afrique septentrionale sont parées d’une ceinture de beaux jardins[20]. Il en fut de même au moyen âge, comme l’attestent les géographes arabes, et sans doute aussi dans l’antiquité : où sait que les vergers de Tlemcen ont succédé à ceux de Pomaria. Enfin, dans les oasis du Sud où l’irrigation permet la culture, de nombreux arbres à fruits poussent sous le couvert des palmiers-dattiers, assez chétivement et au prix d’un travail acharné. Seul, le dattier, probablement indigène au Sahara[21], a une véritable valeur économique, que les anciens n’ont pas négligée[22].

Dans la Berbérie proprement dite, les deux espèces principales sont la vigne et l’olivier, qui y existent à l’état sauvage depuis les temps les plus reculés[23]. Des oléastres se rencontrent à peu près partout, fort loin dans l’intérieur des terres[24], et n’attendent que la greffe pour donner d’excellents produits.

L’olivier cultivé vient, sans avoir besoin d’engrais, sur les sols les plus pauvres, sauf sur les terrains marécageux[25]. Il peut fructifier à des altitudes assez hautes, plus hautes même qu’on ne le dit d’ordinaire, puisque nous trouvons des restes de pressoirs antiques à plus de 1000 mètres[26]. Cependant il se ressent des froids vifs et persistants de l’hiver, des gelées tardives et répétées du printemps. Au contraire, la chaleur, pourvu qu’elle ne soit pas excessive[27], semble exercer une influence heureuse sur la teneur des fruits en huile : on a constaté que les mêmes variétés sont plus riches en matières grasses en Afrique qu’en France, et dans les stations du Sud que dans celles du Nord[28]. La vigne cultivée prospère admirablement dans les régions à climat tempéré, voisines de la mer. A l’intérieur ; elle peut être très éprouvée par des gelées survenant au printemps, alors quelle a déjà commencé à bourgeonner[29].

Le figuier et l’amandier paraissent être indigènes aussi en Berbérie[30]. Le premier de ces arbres ne souffre ni du froid, ni de la sécheresse ; il accepte tous les terrains et s’élève à de hautes altitudes (1200 mètres en Kabylie). L’amandier est de même très rustique[31] et ne redoute guère, en dehors du littoral, que les froids printaniers.

Parmi les cultures légumières, celle des fèves convient particulièrement à l’Afrique du Nord[32]. Cette plante craint peu la sécheresse, grâce à ses racines très longues. De plus, par la qualité qu’elle a de fixer l’azote de l’air, elle constitue un véritable engrais et prépare le sol à recevoir des céréales ; il en est de même, du reste, des autres légumineuses.

 

— II —

Pour l’élevage comme pour l’agriculture, il faut tenir compte de la répartition des pluies. Dans les pays où la moyenne annuelle dépasse 0 m. 35, et lorsque les chutes d’eau ont lieu sans trop d’irrégularité, les conditions d’existence du bétail sont bonnes pendant une grande partie de l’année. En décembre, dès novembre même quand les pluies sont précoces, le sol se couvre d’un talus d’herbes naturelles, graminées et légumineuses, dont beaucoup plaisent aux troupeaux. Elles sont plus savoureuses et plus nutritives dans les régions élevées, telles que les montagnes du Nord du département de Constantine, les hautes plaines de Sétif et de Tiaret. Mais elles se développent mieux dans les parties basses du littoral, où le climat est plus doux. Aux hautes altitudes, le froid ralentit la vie des plantes ; les chutes de neige empêchent le bétail de paître ; la rigueur de la température et surtout les gelées nocturnes font de nombreuses victimes. A partir du mois de juin, le soleil grille les pâturages que n’humecte plus la pluie, et son action peut être hâtée par des coups de siroco. En juillet, parfois en août, le bétail s’alimente encore, tant bien que mal, avec les herbes desséchées et les chaumes. Mais, entre le mois d’août et la fin de novembre environ, la campagne ne lui fournit presque rien, sauf sur des terres où l’humidité est maintenue par des irrigations artificielles, et dans les forêts où les arbres protègent le gazon contre les ardeurs du soleil. Pendant cette période critique, il est en général nécessaire de nourrir an moins le gros bétail avec des réserves.

Dans les pues de steppes, c’est-à-dire dans le Sud de la Tunisie, dans une partie des liantes plaines de la province de Constantine, dans celles des provinces d’Alger et d’Oran, dans le Dahra marocain (à l’Est de la Moulouia supérieure), dans la zone intérieure des plateaux qui s’étendent entre l’Océan et l’Atlas, les pluies, peu abondantes et irrégulières, font cependant pousser une végétation chétive, composée de graminées et de salsolacées. L’alfa vient sur les sols calcaires[33], le drinn sur les dunes, l’armoise blanche (chih des indigènes) dans les dépressions limoneuses ; le guettaf est surtout répandu dans  l’Est, sur les terres salées. Le bétail ne se nourrit pas d’alfa, il mange de l’armoise quand il n’a pas autre chose à se mettre sous la dent, mais il recherche le guettaf et les petites herbes qui viennent s’intercaler entre l’alfa et le chih[34]. Il y a donc en hiver, dans ces régions, d’utiles pâturages, moins souvent ensevelis sous la neige que les montagnes élevées du Tell. Mais ils s’épuisent vite : ce qui nécessite le déplacement fréquent des troupeaux, qu’exigent aussi la rareté et le peu d’abondance des points d’eau. Le bétail doit subir le froid sans abri, car des étables l’immobiliseraient. Après la saison des pluies, la végétation est encore entretenue pendant quelque temps par des rosées, que provoque un rayonnement nocturne très intense. Mais, en été, l’eau manque dans les steppes, le sol ne donne plus guère de nourriture ; les maigres herbes qui le tapissaient en hiver n’ont pas pu être fauchées pour constituer des réserves. Il faut donc que les troupeaux se transportent ailleurs, soit dans les montagnes du Sud, où ils ne trouvent pas toujours l’alimentation liquide et solide dont ils ont besoin, soit plutôt dans le Tell.

Enfin, la lisière septentrionale du Sahara offre çà et là, dans la saison hivernale, des pâturages, vite épuisés.

Les bœufs ne peuvent être élevés que dans les régions à pluies abondantes et à pâturages riches. Ils se plaisent surtout dans les pays montagneux, où les herbes sont fines, où la végétation se conserve plus longtemps qu’ailleurs, grâce aux nombreux suintements des eaux souterraines et au couvert des forêts. Ils sont nombreux au Maroc, chez les Zemmours et les Marnes, dont les territoires sont parcourus par l’oued Bou Regreg et ses affluents ; dans la pointe Nord-Ouest du Maghrib (entre Tanger et l’oued Sebou) ; dans les régions d’Aumale et de Boghar ; dans le Nord-Est de la province de Constantine (pays de Guelma, de Jemmapes, de Bône, de Souk Ahras) ; dans le Nord de la Tunisie.

Le cheval a besoin de moins d’humidité et peut même vivre dans la steppe. Les pays qui produisent aujourd’hui les plus beaux sujets sont, au Maroc, la province d’Abda (au Sud-Est de Safi) ; en Algérie, les régions de Sebdou, de Daya, de Frenda, d’Ammi Moussa, de Tiaret, de Chellala, de Boghar, d’Aumale, les hautes plaines de la province de Constantine (Medjana, régions de Saint-Arnaud, de Châteaudun-du-Rummel, d’Aïn Mila, de Batna, de Khenchela, de Tébessa), le bassin du Hodna ; en Tunisie, les environs du Kef, les plaines de Kasserine et de Fériana.

Le mouton s’accommode naturellement fort bien des pâturages du Tell[35], et il ne faudrait pas que l’expression banale pays du mouton, par laquelle on désigne les steppes de l’intérieur de l’Algérie, fit croire qu’elles soient les terres qui lui conviennent le mieux. Ce qui est vrai, c’est qu’elles doivent surtout à cet animal leur valeur économique, d’ailleurs trias médiocre. Sur de vastes espaces où l’eau est ratio et où les déplacements s’imposent, le mouton peut rester jusqu’à quatre jours sans boire et accomplir de longues marches. Il rechercha les herbes salées et accepte les eaux magnésiennes, fréquentes dans les steppes.

Si les chèvres sont très nuisibles par la voracité avec laquelle elles broutent les bourgeons, les écorces et même les rameaux des jeunes arbres, elles savent, quand il le faut, se contenter des plus maigres pâturages des plus misérables broussailles. Elles supportent au besoin la soif pendant plusieurs jours, Comme les moutons, et elles résistent bien aux intempéries. Très prolifiques, elles rendent de grands services par leur lait, leur viande, leur poil et leur peau.

Un des grands obstacles au développement de l’élevage fut, dans l’antiquité, l’abondance des fauves, dont le nombre diminua beaucoup à l’époque romaine.

 

— III —

Dans certaines parties de l’Afrique septentrionale, on n’a guère l’embarras du choix entre les différents modes d’exploitation que nous venons de passer en revue. Les steppes ne se prêtent qu’à l’élevage ; les hautes plaines du centre de la province de Constantine, les terres noires de l’Ouest du Maroc ; propices aux céréales, ne sont pas favorables, en général, à la bonne venue des arbres ; au contraire, le sol d’une partie du centre et du Sud de la Tunisie convient bien à l’arboriculture, ‘tandis que le climat exclut presque les céréales ; dans les oasis, on ne peut guère faire que des cultures fruitières.

Cependant une classification qui prétendrait répartir les régions de l’Afrique du Nord en terres à céréales, en pays d’élevage, en pays d’arboriculture, serait évidemment inexacte. Beaucoup d’entre elles admettent des exploitations diverses. La monoculture, souvent reprochée à nos contemporains, ne se justifie pas dans une grande partie du Tell. Sous un ciel d’ordinaire clément, l’homme de la compagne peut s occuper dehors pendant presque toute l’année et il dispose de plus de temps que dans l’Europe centrale ; par suite, des conditions de la végétation, les travaux nécessaires aux différentes cultures s’échelonnent de manière à pouvoir être exécutés les uns après les autres par les mêmes bras. Les labours pour les céréales, dit M. Saurin[36], se font de juillet à fin novembre ; à peine les semailles sont-elles terminées qu’il est temps de labourer, de piocher et de tailler les vignes. Aussitôt après, le cultivateur... coupe ses fourrages et ses moissons (avril à fin juin). Les travaux de la vendange interrompent, durant une quinzaine de jours, les labours préparatoires aux semailles.

Ce ne sont pas seulement les produits qu’ils peuvent tirer du sol qui déterminent les hommes à se fixer dans telle ou telle région. Ils doivent se préoccuper d’avoir à leur disposition l’eau nécessaire à leur alimentation et à celle des animaux domestiques. C’est auprès des sources que s’élèvent les habitations. Or il y a des pays de l’Afrique septentrionale où ces sources sont rares et tarissent même en été. Ils ne peuvent être que tris maigrement peuplés, si l’on n’y constitue pas des réserves en emmagasinant les pluies d’hiver, si l’on ne creuse pas des puits pour atteindre les nappes souterraines : tel est le cas du Sud de la Tunisie et d’une bonne partie du Maroc occidental.

Il faut tenir compte aussi de la résistance plus ou moins grande des organismes humains au climat, L’Afrique du Nord y est presque partout salubre[37]. Elle l’était déjà autrefois. Hérodote dit que les Libyens sont les plus sains des hommes qui lui soient connus[38]. Salluste parle en ces termes des indigènes : Race d’hommes au corps sain, agile, résistant à la fatigue : la plupart succombent à la vieillesse, sauf ceux qui périssent par le fer ou par les bêtes, car il est rare que la maladie les emporte[39]. — Les Numides, écrit Appien[40], sont les plus robustes des Libyens et, parmi ces hommes qui vivent longtemps, ceux dont la vie est la plus longue. La cause en est peut-être que l’hiver est peu rigoureux chez eux et que l’été n’y est pas d’une chaleur torride, comme chez les Éthiopiens et les Indiens. Masinissa, qui mourut nonagénaire, qui eut, dit-on, un fils à quatre-vingt-six ans et montait encore à cheval deux ans avant sa mort, fut, pour les Grecs et les Romains, le plus bel exemple de cette vigueur et de cette endurance physiques[41]. A l’époque de la domination romaine, les inscriptions latines qui mentionnent des centenaires sont fort nombreuses[42].

Certaines régions sont cependant fiévreuses, surtout quelques plaines basses, voisines du littoral ; elles devaient l’être plus encore dans l’antiquité, du moins dans les parties qui n’étaient pas drainées par des canaux artificiels, car le travail des fleuves, comblant peu à peu les marécages par des apports d’alluvions, était moins avancé qu’aujourd’hui. Nous avons dit que la Mitidja était alors à peu près inhabitable ; là même où la terre ferme avait pris la place du marais, la malaria s’opposait à des établissements humains. Il en était sans doute de même de la plaine de la Macta et d’une partie de celles qui s’étendent en arrière de Bône. L’air de la ville d’Hippone était assez malsain, du moins en été[43]. A l’intérieur, il y avait aussi des régions insalubres. Une inscription d’Auzia (Aumale) est l’épitaphe d’une femme, qui vécut quarante ans sans avoir souffert des fièvres, sine febribus[44] : c’était, dans cette ville romaine, une exception digne d’être signalée[45]. Observons aussi que les nombreux travaux hydrauliques établis par les anciens ont pu çà et là contribuer à la diffusion du paludisme. Au Sud de la Berbérie, les oasis, où les eaux d’irrigation s’écoulent mal, où souvent les rideaux de palmiers empêchent le vent de circuler, sont malsaines pour les blancs ; les nègres et les métis en supportent mieux le climat[46].

De pestes, dont on n’indique pas en général le caractère exact, sont mentionnées à plusieurs reprises, soit à l’époque carthaginoise[47], soit à l’époque romaine[48]. L’une d’elles, qui éclata à la fin du Ve siècle avant J.-C., parait avoir été propagée par des troupes qui l’avaient contractée en Sicile[49]. Une autre, qui fit beaucoup de victimes à Carthage au milieu du IIIe siècle de notre ère, vint d’Éthiopie et se répandit dans tout le bassin de la Méditerranée[50]. Celle qui sévit sous la domination byzantine, en 543, fut aussi apportée d’Orient[51]. Une autre, signalée en 125 avant J.-C., fut provoquée pur une terrible invasion de sauterelles ; elle s’étendit en Numidie, dans la province romaine et en Cyrénaïque. Ces contagions désastreuses, comme aussi certains tremblements de terre[52], furent des accidents, qui ne causèrent que des maux passagers.

En somme, l’Afrique du Nord est une contrée où la vie humaine se développe dans des conditions favorables, pour les autochtones aussi bien que pour les immigrants originaires des régions tempérées de l’Europe et de l’Asie ; où, d’ordinaire, le climat n’affaiblit ni la force physique, ni l’intelligence. Ces qualités doivent se déployer presque partout avec vigueur, car le pays n’est pas une terre bénie qui dispense libéralement ses dons. Nous verrons qu’une grande partie de ses habitants, non seulement, les Carthaginois et les Romains, mais encore beaucoup d’indigènes, ont fait bon usage des ressources qui s’offraient à eux, lorsqu’ils ont été libres de travailler en paix lorsqu’ils ont su qu’ils tireraient de leur travail un profit équitable.

 

 

 



[1] Pour le cotonnier, voir de Mas Latrie, Traités de paix et de commerce concernant les relations des chrétiens avec les Arabes de l’Afrique septentrionale, p. 221 ; Lacroix, dans Rev. africaine, XIII, 1869, p, 160-7 et 314, pour la canne à sucre ; Mas Latrie, l. c., p. 218 ; Lacroix, l. c., p, 167 (cf. Berhrugger, Rev. africaine, VI, 1882, p. 116-0).

[2] Nevers (die Phönizier, II, 2, p. 411. note) semble disposé à faire venir le mot latin oryza (riz) du berbère aruz. Mais le terme rouz, dont les Berbères se servent, est un mot qu’ils ont emprunté aux Arabes, et oryza est évidemment une transcription du grec. — Un passage de Strabon (XVII, 3, 23), relatif à l’oasis d’Augila, au Sud de la Cyrénaïque, se lit ainsi : όρυζοτροφεί δ'ή γή διά τών αύχμόν. Mais dire que la sécheresse est une condition de la culture du riz est une absurdité. Le texte est donc altéré ; voir dans l’édition de Müller, p. 1044, les diverses corrections proposées (cf. le même, édition de Ptolémée, n. à p. 671).

[3] Les terrains siliceux qui s’étendent sur la majeure parsie de la région littorale, dans la province de Constantine et le Nord de la Tunisie, manquent de calcaire et ne sont point propices à la culture des céréales, si on ne les amende pas. Certains sols, comme ceux de la plaine voisine d’Oran, de quelques plaines du centre de la province de Constantine, sont rendus infertiles par leur forte salure.

[4] De re rustica, I, préface : In Africa, Numidia putres arenæ  fecunditate vel robumtissimum solum viacunt. Cf. le même, II, 2, 23 : ... Numidiæ  et Ægypto, ubi plerumque arboribus viduum solum frumentis seminatur. Atque ejusmodi terram pingnibus arenis putrem, veluti cinerem molutam, quumvis levissimo dente moveri satis est. Pline l’Ancien (XVII, 41) parle des terres du Byzacium, où, après les pluies, le travail de la charrue se fait très facilement.

[5] Rappelons à ce propos un passage assez curieux de Pomponius Mela (I, 33) : Interius (à l’intérieur de la Numidie) et longe satis a littore, si fidem res cupit, mirum ad modum spinæ  piscium, muricum ostrenrumque fraglenta, saxa adtrita, uti solent, fluctibus et non differentia marinis, inflaxæ cautibus anchoræ [!] et alia ejusmodi signa atque vestigia effusi olim usque ad eu loca pelagi in campis nihil alentibus esse invenirique narrantur. Cf. Strabon, XVII, 3, 1.

[6] Pervinquiere, dans Revue scientifique, 1903, II, p. 353. Voir aussi Bernard et Ficheur, dans Annales de Géographie, XI, 1902, p. 365.

[7] Saurin, l’Avenir de l’Afrique du nord (Paris, 1896), p. 48.

[8] Bernard, dans Annales de Géographie, XX, 1911, p. 411.

[9] Par contre, la très grande rareté des pluies d’été permet de faire dans de meilleures conditions la moisson et le battage.

[10] Voir Bernard, l. c., p. 412 et suiv.

[11] Il ne faut cependant pas oublier les refroidissements nocturnes.

[12] Cf. Pline, XVII, 31 : Est fertilis Thracia frugum rigore, nestibus Africa et Ægyptus.

[13] Rivière et Lecq, Manuel de l’agriculteur algérien, p. 72 ; Battandier et Trabut, l’Algérie, p. 49 ; Trabut et Marès, l’Algérie agricole en 1906, p. 10. Cf., pour l’antiquité, Corippus, Johannide, II, 299-303. — Columelle et Pline donnent, il est vrai, des indications contraires. Columelle, II, 12, 3 : ... Ægypti et Africæ, quibus agricola post sementem ante messem segetem non attingit ; quoniam cæli conditio et terræ bonitas ea est, ut vix ulla herba exeat, nisi ex semine jacto, sive quia rari sunt imbres, seu quia qualitas humi sic se cultoribus præbet. Pline, XVIII, 186 : In Bactris, Africa, Cyrenis... a semente non nisi messibus in arva redeunt, quia siccitas coercet herbes, fruges nocturno tantum rore nutriente. On voit qu’il s’agit ici des régions sèches de l’Afrique. Mais, même pour ces régions, les assertions des deux auteurs que nous venons de citer ne sont pas conformes à la vérité.

[14] Cultures du Midi de l’Algérie et de la Tunisie, p. 77.

[15] Voir Jullian, Histoire de la Gaule, I, p. 103.

[16] Il y a des raisons de croire que les anciens ont desséché le lac Halloula, au Nord-Ouest de la plaine de la Mitidja ; Gsell, Atlas archéologique de l’Algérie, f° 4, n° 50. Il est bien plus douteux qu’ils aient mis à sec le lac Fetum, au Sud-Ouest de Bôno. Dans cette dernière région, des marais furent desséchés au second siècle de notre ère, mais peut-être seulement pour établir une route : Cagnat, dans Comptes rendus de l’Académie des inscriptions, 1904, p. 380 et 381. Dans la Tunisie centrale, l’inscription d’Aïn et Djemala nous montre des colons demandant des concessions de terres marécageuses, afin de les planter en arbres fruitiers : Carcopino, dans Mélanges de l’École de Rome, XXVI, 1906, p. 308 (cf. p. 370).

[17] Cf. saint Augustin, Quæst. in Heptafeuchum, II, 2. Le même, Contra Faustum, XXII, 70.

[18] Nous les indiquerons quand nous étudierons l’agriculture carthaginoise et l’agriculture romaine.

[19] Il faut excepter les espèces à pépins, qui craignent les chaleurs sèches, et aussi les cerisiers et les pruniers.

[20] Tétouan, Fez, Sefrou, Meknès, Demmat, Debdou, Miliana, Mita, Msila, Ngnous, etc.

[21] Cosson, le Règne végétal en Algérie, p. 52. De Candolle, Origine des plantes cultivées, p. 240-2. Fischer, Die Dattelpalme, dans Petermanus Miteit, Ergänzungsheft LXIV (1881), p. 2. Il convient d’ajouter que l’on n’a aucune preuve de l’existence actuelle de dattiers véritablement sauvages dans le Sahara.

[22] Hérodote, IV, 172,182, 183. Théophraste, Hist. plant., II, c. 2 ; IV, 3, 5. Pline, V, 13 ; XIII, 26 (où il est question de dattes qui ne se conservent pas et doivent être consommées sur place) ; XIII, 111, XVIII, 188.

[23] Dans l’antiquité, des oliviers sauvages (oléastres) sont indiqués en divers lieux : Pline, V, 3 (pris de Lixus, sur la côte occidentale du Maroc) ; Ptolémée, IV, 1, 3 (Όλέαστρον άκρον, sur la côte septentrionale de la même contrée) ; Salluste, Jug., XLVIII, 3 (région de l’oued Mellégue) ; Table de Peutinger (Ad Oleastrum, entre Sfax et Gabès) ; Corippus, Johannide, VI, M3 (au Sud-Est de Gabès) ; Périple de Scylax, § 110, dans Géogr. gr min., I, p. 87 (île de Djerba) ; inscriptions d’Henchir Mellich, d’Aïn Ouassel et d’Aïn e Djemala, apud Toutain, L’inscription d’Henchir Mellich, p. 8 (III, 10-11), et Carcopino, Mélanges de l’École de Rome, XXVI, 1900, p. 370 (Tunisie centrale), Cf. saint Augustin, Contra Faustum, XXII, 70.  — Ballandier, Flore de l’Algérie, Dicotylédones, p. 581 :  Aucune plante ne peut, d’après sa dispersion actuelle, être considérée comma indigène en Algérie à plus juste titre que l’olivier, qui constitue notre espèce forestière, la plus généralement répandue, en dehors de toute action de l’homme. — Cf. Fischer, Der Oelbaum, dans Petermanns Mitteit., Ergänzungshen CXLVII (1904), p. 4-5,8. On peut cependant se demander si une partie de ces oléastres ne sont pas nés de noyaux provenant d’oliviers cultivés, noyaux que les oiseaux auraient transportés.

La vigne, bien nettement caractérisée, a été trouvée dans des dépôts quaternaires en Algérie (Ballandier et Trabut, l’Algérie, p. 211), nomme en Europe (de Suporta et Marion, l’Évolution du règne végétal, II, p.179 ; en Italie, dès le pliocène). Des textes anciens mentionnent des vignes sauvages. Telles étaient sans doute celles du cap Spartel, qui valurent à ce promontoire le nom d’Ampelusia (Άμπελουσία d’άμπελος, vigne), traduction grecque d’un mot indigène ayant, nous dit-on, la même signification (kôtès) : Pomponius Mela, I, 25 ; cf. Strabon, XVII, 3, 2, et Ptolémée, IV, I, 2. Telle étaient peut-être aussi ces vignes de la Maurusie (Maroc actuel), au sujet desquelles Strabon (XVII, 3, 4) donne des indications dont il ne se porte pas garant : deux hommes pouvaient à peine en étreindre le tronc et les grappes avaient une coudée de longueur. Les Lixites, habitants de l’Atlas, se nourrissaient, dit Pausanias (I, 33, 5), du raisin de la vigne sauvages. Pline (XII, 133 ; cf. XXIII, 9) parle du produit de la vigne sauvage d’Afrique, qui servait à des usages médicaux ; on l’appelait massaris. Un traité faussement attribué à Aristote (De mirabilibus auscultationibus, 161) signale une espèce de vigne qui existait en Libye ci qu’on appelait vigne folle : elle portait presque dans le même temps des fruits mûrs, verts et en fleur. C’était probablement une vigne sauvage. — La vigne pousse encore à l’état sauvage dans beaucoup de lieux de la Berbérie : Ballandier et Trahut, l’Algérie, p. 20-21 ; Engler, apud Hehn, Kulturpflanzen und Hausthiere, p. 89 de la 6e édition. Il faudrait savoir, il est vrai, s’il s’agit de vignes véritablement sauvages, ou de pieds issus de pépins pris à des plants par des oiseaux : sur les caractères distinctifs de la Vitis silvestris et de la Vitis vinifera (vigne cultivée), voir Stummer, Mitteilungen der anthropologischen Gesellschaft (Vienne), XLI, 1911, p. 283 et suiv. Dans l’Afrique du Nord, la Vitis vinifera a peut-être été introduite par les Phéniciens.

[24] On est trouve en plein Sahara : Schirmer, le Sahara, p. 190. Dans l’Ahaggar, l’olivier sauvage est appelé aleo, nom qui n’est sans doute que le mot latin olea (olivier cultivé) : indication de M. Basset, d’après le P. de Foucauld.

[25] Rivière et Lecq, Manuel, p. 333. Cf. Columelle, De arboribus, 17, 1.

[26] Selon une opinion rapportée par Théophraste (Hist. plant., VI, 2, 4 ; cf. Pline, XV, 1), l’olivier ne croîtrait pas à plus de trois cents stades de la mer (51 kilomètres). D’autres indiquaient une distance plus grande. Columelle, V, 8, 5 : Hanc arborem plerique existimant ultra millarium sexagesimum (près de 90 kilomètres) a mari aut non visere, nul non esse feracent. Sed in quibusdam lacis recte valet. On rencontre dans l’Afrique du Nord des oliviers bien plus loin du littoral.

[27] Cf. Pline, XV, 4 : Fabinnus negat provenire in frigidissimis oleam, neque in calidissimis. Géoponiques, IX, 3 : l’air chaud et sec est nécessaire à l’olivier, comme cela se voit en Libye et en Cilicie.

[28] Ballandier et Trabut, l’Algérie, p. 80. Cf. Fischer, l. c., p. 39-40.

[29] D’autre part, la culture de la vigne présente des risques dans les régions où règnent de très fortes chaleurs à l’époque de la vinification (par exempte dans la vallée du Chétif). La fermentation s’y fait dans de mauvaises conditions, à moins qu’on n’emploie des procédés de réfrigération, inconnus des anciens.

[30] Pour l’indigénat du figuier dans les pays méditerranéens, voir Engler, apud Hehn, l. c., p. 97-99. Le figuier cultivé descend certainement du figuier sauvage : de Candolie, Origine des plantes cultivées, p. 236. L’amandier abonde à l’état sauvage (avec des amandes toujours amères), dans du nombreuses montagnes de l’Algérie, Casson (le Règne végétal en Algérie, p. 26) déclare qu’il est manifestement indigène. Ballandier, Flore de L’Algérie, Dicotylédones, p. 296 : Il parait réellement spontané sur divers points.

[31] Cf. Columelle, V, 10, 12 ; Palladius, Agric., II, 15, 7.

[32] Il est possible que cette plante soit indigène en Berbérie. Pline (XVIII, 121) mentionne en Maurétanie une fève sauvage. On trouve encore dans le Sersou une féverole qui parait être spontanée : voir Trabut, dans Bull. de la Société d’histoire naturelle de l’Afrique du Nord, 1911, P. 116-122. — Nous devons toutefois observer que le nom berbère de la fève, ibiou, plur. ibaouen (en dialecte zounoua), n’est nullement un indice d’une haute antiquité, comme de Candolle (p. 259) semble disposé à le croire ; il vient du mot latin, faba : Stumme, dans le Zeitschrift für Assyriologie, XXVII, 1912, p. 122 et 126.

[33] L’alfa est le spartum africanum de Pline (XIX, 26, XXIV, 63), sorte de jonc, propre à un sol aride, qui est en Afrique de taille exiguë et ne sert à rien.

[34] Ballandier et Trabut, l’Algérie, p, 113.

[35] Sauf dans les pays de froid numide.

[36] La Tunisie (Paris, 1807), p. 14-15.

[37] Surtout le Maroc, où la malaria parait être très rare : Fischer, Mittelmecr. Blider, II, p. 301.

[38] IV, 187 ; cf. II, 77. Les Maures, dit Élien (Nat. anim., XIV, 5), sont beaux et grands.

[39] Jugurtha, XVII, 1.

[40] Lib., 71.

[41] Polybe, XXXVI, 16 (édition Büttner-Wohst). Appien, Lib., 71. Cicéron, De senectute, X, 61. Valère Maxime, IX, 13, ext., 1.

[42] Cf., entre autres, Masqueray, dans Bull. de correspondance africaine, I, 1882-3, p. 168 ; Poulle, dans Rec. de Constantine, XXII, 1882, p. 201-6 ; ibid., XXXI, 1897, p. 334-8. Je citerai en particulier cette inscription de Sétif (C. I. L., VIII, 20387) : Pescennia Saturuina vix(it) an(nis) CXXV ; se valente fecit.

[43] Saint Augustin, Lettres, CXXVI, 4 : neris morbidi. Augustin y mourut des fièvres à la fin du mois d’août 430 : Possidius, Vie de saint Augustin, 29. Cf. Gsell, Atlas archéologique de l’Algérie, f° 9, n° 39 (p. 5, col. 1).

[44] C. I. L., VIII, 9030.

[45] Pour les fièvres d’Afrique dans l’antiquité, voir encore Celse, Medic., III, 4 ; saint Augustin, Sermons, XIX, 6.

[46] Schirmer, le Sahara, p. 231 et suiv.

[47] Justin, XVIII, 6, 11 : au VIe siècle, à Carthage. Diodore de Sicile, XIII, 114 : à la fin du Ve siècle, à Carthage et dans d’autres lieux de l’Afrique. Le même, XV, 24 et 73 : vers 310, à Carthage (cette peste fut très meurtrière).

[48] C. I. L., VIII, 9048 (Aumale) ; 18792 (région d’Aïn Béïda). Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions, 1906, p. 431 (Carthage).

[49] Diodore, XIII, 114.

[50] Saint Cyprien, De mortalilate, 14 (où il décrit les effets physiques de la maladie) ; Ad Demetrianum, 10. Pontius, Vie de saint Cyprien, 9. Cf. Monceaux, Histoire littéraire de l’Afrique chrétienne, II, p. 224-5, 303 et suiv. — Le martyr Marianus, exécuté à Lambèse, en mai 259, aurait prophétisé, au dire de celui qui raconta la passion peu de temps après, varias sæculi plagas..., luem,... famem, terræque motus et cynomiæ  venena cruciantia (il s’agit de mouches venimeuses) : von Gebhardt, Ausgewäldle Märtyreracten, p. 143.

[51] Corippus, Johannide, III, 212 et suiv. Cf. Partseh, édition de Corippus, p. XVI-XVIII ; Dhiel, l’Afrique byzantine, p. 339.

[52] C. I. L., VIII, 13362 (à Aunolaris, dans la Tunisie centrale : [templum... per ter]ræ motum dilatsum. — Tremblement de terre en Asie, à Rome, en Lybie, en 202 de notre ère. Histoire Auguste, Gallieni duo, V, 4 : mota et Libya  (mais il n’est pas sûr qu’il s’agisse de la Berbérie.) — C. I. L., 2480 et 2481 (en 267, à Ad Maiores, au Sud de la Numidie). Ce tremblement de terre parait avoir aussi causé des dégâts à Lambèse : Wilmanns, au C. I. L., VIII, 2371 ; Cagnat, l’Armée romaine d’Afrique, 2e édit., p, 442. — Saint Augustin, Sermons, XIX, 6 : en 419, tremblement de terre violent à Sétif ; pendant quinze jours, toute la population campa dans les champs.