HISTOIRE DE LA GRÈCE

PREMIER VOLUME

CHAPITRE VI — LES ÆOLIDES, OU FILS ET FILLES D’ÆOLOS

 

 

Si deux des fils d’Hellên, Dôros et Xuthos, nous présentent des familles relativement peu mentionnées dans les récits mythiques, le troisième fils, Æolos, comble largement cette lacune. De lui nous passons à ses sept fils et à ses cinq filles, au milieu d’une grande abondance d’incidents héroïques et poétiques.

Toutefois, en s’occupant de ces familles mythiques étendues, il est nécessaire de faire observer que le monde légendaire de la Grèce, tel qu’il nous est offert, se montre avec un degré de symétrie et de cohérence qu’il n’avait pas dans l’origine ; car les vieilles ballades et les antiques histoires qui se chantaient ou se racontaient dans les nombreuses fêtes de la Grèce, chacune d’elles ayant son sujet propre et spécial, ont été perdues. Les récits religieux, que l’exégète de chaque temple avait présents à la mémoire, et qui servaient à expliquer les cérémonies religieuses particulières et les coutumes locales de sa propre ville ou de son dôme, avaient disparu. Tous ces éléments primitifs, distincts et sans lien dans l’origine, n’existent plus pour nous, et nous n’aurons plus qu’une collection, un ensemble, formés de la réunion d’une foule de courants de fables et rattachés entre eux par le travail des poètes et des logographes postérieurs. Ceux même qui ont concouru le plus anciennement à les réunir et à les systématiser, les poètes hésiodiques, n’ont, pour ainsi dire, pas été conservés. Nos connaissances touchant la mythologie grecque sont tirées surtout des logographes en prose qui les ont suivis, et dont les ouvrages, puisqu’un régit continu était pour eux ce qu’il y avait de plus essentiel, plaçaient leurs fabuleux personnages dans des généalogies encore plus étendues, déguisant encore mieux l’isolement primitif des légendes. Hécatée, Phérécyde, Hellanicus et Acusilas vivaient à une époque où, l’idée de la Hellas, considérée comme un grand tout composé de sections fraternelles, était profondément enracinée clans l’esprit de tous les Grecs, et où l’hypothèse d’un petit nombre de grandes familles, dont les branches sortant d’une seule souche commune se répandaient au loin, était plus populaire et plus agréable que celle d’une origine indigène distincte dans chacun des districts séparés. Ces logographes, il est vrai, ont été perdus eux-mêmes ; mais Apollodore et les différents scholiastes, nos grandes sources immédiates de connaissances touchant la mythologie grecque, leur ont principalement emprunté : ainsi ce n’est de fait que par eux que nous connaissons le monde légendaire de la Grèce, en les combinant avec les poètes dramatiques et les poètes alexandrins, avec leurs imitateurs latins, et la classe encore plus récente des scholiastes, en exceptant toutefois telles lueurs que nous fournissent à l’occasion et l’Iliade et l’Odyssée, ainsi que les fragments hésiodiques qui restent, et où l’on ne trouve que trop fréquemment une différence inconciliable, si on les confronte avec les récits des logogriphes.

Bien qu’Æolos (comme on l’a déjà dit) soit appelé lui-même le fils d’Hellên erg mène temps que Dôros et Xuthos, cependant les légendes concernant les Æolides, loin de dépendre de cette généalogie, ne s’y rattachent même pas toutes ; en outre le nom d’Æolos dans la légende est plus ancien que celui d’Hellên, en tant, qu’il se rencontre quelquefois dans l’Iliade et dans l’Odyssée[1]. Odysseus voit dans les Enfers la belle Tyrô, fille de Salm6neus, et épouse de Krêtheus, fils d’Æolos.

Æolos est représenté comme ayant régné en Thessalia : ses sept fils furent Krêtheus, Sisyphos, Athamas, Salmôneus, Deiôn, Magnês et Periêrês : ses cinq filles, Canacê, Alcyonê, Peisidikê, Calycê et Perimêdê. Ce qui semble distinguer les fables de cette race, c’est non seulement que le dieu Poseidôn y est constamment introduit, niais encore que les héros Æolides, par une particularité peu ordinaire, ont comme attributs un orgueil et une présomption, qui les conduisent à affronter les dieux en prétendant les égaler, quelquefois même en les défiant. Le culte de Poseidôn doit probablement avoir été répandu et prééminent parmi un peuple chez lequel ces légendes prirent naissance.

 

SECTION I — FILS D’ÆOLOS

Salmôneus n’est pas désigné dans l’Odyssée comme fils d’Æolos, mais il est qualifié ainsi dans le Catalogue hésiodique, ainsi que dans les logographes postérieurs. Sa fille Tyrô devint éprise de l’Enipeus, le plus beau de tous les fleuves qui traversent la terre ; elle en fréquentait assidûment les rives, et c’est là que le dieu Poseidôn trouva moyen de satisfaire sa passion pour elle, en jouant le rôle du dieu du fleuve lui-même. Il résulta de cette union deux jumeaux, Pelias et Nêleus : dans la suite, Tyrô fut donnée en mariage à son oncle Krêtheus, autre fils d’Æolos, de qui elle eut Æsôn, Pherês et Amythaôn, tous noms célèbres dans les légendes héroïques[2]. Les aventures de Tyrô formaient le sujet d’un drame touchant de Sophocle, perdu aujourd’hui. Son père avait épousé une seconde femme, nommée Sidêrô, dont les cruels conseils le poussèrent à punir et à torturer sa fille à cause de ses relations avec Poseidôn. On lui coupa sa magnifique chevelure ; elle fut battue et maltraitée de mille manières, puis confinée dans un horrible cachot. Ne pouvant prendre soin de ses deus enfants, elle avait été forcée de les exposer immédiatement après leur naissance dans une petite barque sur le fleuve Enipeus : ils durent leur salut à la bonté d’un berger, et quand ils furent parvenus à l’âge d’homme, ils délivrèrent leur mère, et vengèrent les maux dont elle avait été victime en mettant à mort Sidêrô au coeur de fer[3]. Ce conte pathétique au sujet du long emprisonnement de Tyrô est substitué par Sophocle à la légende homérique, qui la représentait comme étant devenue l’épouse de Krêtheus et la mère de nombreux enfants[4].

Son père, l’injuste Salmôneus, montra dans sa conduite l’impiété la plus insolente à l’égard des dieux. Il prit le nom et le titre même de Zeus, et se fit offrir à lui-même les sacrifices destinés à ce dieu ; il imita aussi le tonnerre et lès éclairs, en allant de côté et d’autre avec des chaudières d’airain attachées à son char et en lançant des torches allumées vers le ciel. Une telle perversité finit par attirer sur lui la colère de Zeus, qui le frappa de la foudre, et fit disparaître de dessus la terre la cité qu’il avait fondée, avec tous ses habitants[5].

Pelias et Nêleus both stout vassals of the great Zeus (tous deux forts serviteurs du grand Zeus) furent divisés au sujet du royaume de Iôlkos en Thessalia. Pelias en obtint la possession et y habita au sein de l’abondance et de la prospérité ; mais il avait offensé la déesse Hêrê en tuant Sidêrô sur son autel, et les effets de la colère de la déesse se manifestèrent dans ses rapports avec son neveu Jasôn[6].

Nêleus quitta la Thessalia, vint dans le Péloponnèse, et là fonda le royaume de Pylos. Il acheta, au moyen d’immenses cadeaux de noces, le privilège d’épouser la belle Chlôris, fille d’Amphiôn, roi d’Orchemenos, et il eut d’elle douze fils et une seule fille[7], la belle et séduisante Pêrô, que des prétendants venus de tous les pays voisins recherchaient en mariage. Mais Nêleus, le plus orgueilleux de tous les vivants[8], refusa d’accueillir les prétentions d’aucun d’eux : il ne voulait accorder sa fille qu’à l’homme qui lui amènerait les boeufs d’Iphiklos, de Phylakê en Thessalia. Ces précieux animaux étaient gardés avec soin, aussi bien par des bouviers que par un chien que ni hommes ni animaux lie pouvaient approcher. Néanmoins Bias, fils d’Amythaôn, neveu de Nêleus, devenu éperdument amoureux de Pêrô, persuada son frère Melampe de tenter par amour pour lui la périlleuse aventure, malgré les connaissances prophétiques que possédait Melampe et qui lui annonçaient que, bien qu’il dût finir par réussir, le prix devait être acheté par une rigoureuse captivité et par des souffrances. Melampe, en essayant de dérober les boeufs, fut saisi et jeté en prison, et ses facultés prophétiques purent seules l’en tirer. Connaissant le langage des vers, il entendit ces animaux se communiquer mutuellement, dans le toit au-dessus de sa tête, que les poutres étaient presque entièrement mangées et étaient sur le point de tomber. Il fit part de ce renseignement à ses geôliers, et demanda à être emprisonné ailleurs, annonçant que le toit allait bientôt tomber et les ensevelir. La prédiction s’accomplit, et Phylakos, père d’Iphiklos, frappé d’étonnement à la vue de cette puissance prophétique, le fit immédiatement relâcher. De plus, il le consulta sur la position de son fils Iphiklos, qui n’avait pas d’enfant, et lui promit de lui donner les bœufs à la condition qui il indiquerait un moyen infaillible d’avoir des enfants. Un vautour ayant communiqué à Melampe les renseignements nécessaires, Podarkês, fils d’Iphiklos, naquit peu après. Par là Melampe obtint la possession des boeufs et les amena à Pylos, assurant à son frère Bias la main de Pêrô[9]. On a raconté dans un chapitre précédent comment ce grand personnage légendaire, en guérissant miraculeusement les filles de Prœtos frappées de démence, avait acquis pour lui-même et pour son frère le pouvoir à Argos.

Des douze fils de Nêleus, l’un du moins, Periklymenos, outre Nestôr à jamais mémorable, se distingua par ses exploits aussi bien que par les facultés miraculeuses dont il était cloué. Poseidôn, le divin père de cette race, lui avait accordé le privilège de se transformer à son gré et de devenir oiseau, bête, reptile ou insecte[10]. Il eut l’occasion de faire usage de toutes ces ressources, et il les employa pendant quelque temps avec succès en défendant sa famille contre la terrible indignation d’Hêraklês, qui, irrité du refus que fit Nêleus d’accomplir pour lui la cérémonie de purification après qu’il eut tué Iphitos, attaqua les Nélides à Pylos. Periklymenos, grâce à ses merveilleuses facultés, prolongea la résistance ; mais l’heure fatale arriva enfin pour lui à la suite de l’intervention d’Athênê, qui le désigna à Hêraklês, pendant qu’il était posé sous la forme d’une abeille sur le char du héros. Il fut tué, et Hêraklês remporta une victoire complète, triomphant de Poseidôn, de Hêrê, d’Arès et de Hadês, et même blessant les trois derniers, qui prenaient part à la défense. Onze des fils de Nêleus périrent de sa main, tandis que Nestôr, alors jeune homme, ne dut son salut qu’à son absence accidentelle, car il était à Gerêna, loin de la demeure de son père[11].

L’orgueilleuse maison des Nélides était dès lors réduite à Nestor ; mais Nestor seul suffisait pour maintenir sa supériorité. Il apparaît non seulement comme défenseur de Pylos, qu’il vengea de l’insolence et de la rapacité des Epeiens ses voisins en Elis, mais aussi comme l’auxiliaire des Lapithes dans leur terrible combat contre les Centaures, et comme compagnon de Thêseus, de Pirithoos ; et des autres grands héros légendaires qui précédèrent la guerre de Troie. Dans son extrême vieillesse il avait perdu, il est vrai, son habileté jadis merveilleuse à manier ses armes, mais son activité n’avait reçu aucune atteinte, et sa sagacité aussi bien que son influence dans le conseil étaient plus grandes, que jamais. C’est lui qui non seulement réunit les différents chefs grecs pour l’armement contre Troie, en parcourant les districts de la Hellas avec Odysseus, mais il prend une part très active au siège lui-même, et il est d’un très grand secours à Agamemnon. Et après la fin du siège, il est du petit nombre des princes grecs qui retournent dans leurs premières possessions. On le trouve, dans une vieillesse vigoureuse et honorée, au milieu de ses enfants et de ses sujets, — assis, le sceptre du pouvoir en main, sur le banc de pierre devant la maison de Pylos, — offrant des sacrifices à Poseidôn, comme son père Nêleus l’avait fait avant lui, et ne pleurant que la mort de son fils favori Antilochos, qui était tombé pendant la guerre de Troie avec tant de braves compagnons d’armes[12].

Après Nestôr la ligne des Nélides compte des noms peu connus, — Bôros, Penthilos et Andropompos, — trois générations successives jusqu’à Melanthos qui, lors de l’invasion du Péloponnèse par les Héraclides, quitta Pylos et se retira à Athènes, où il devint roi de la manière que je raconterai ci-après. Son fils Kodros fut le dernier roi des Athéniens ; et Nêleus, un des fils de Kodros, est mentionné comme étant le principal chef de ce qui est appelé l’émigration Ionienne d’Athènes en Asie Mineure[13]. Il est certain que, pendant l’époque historique, non seulement la famille princière des Kodrides à Éphesos, à Milêtos et dans d’autres cités ioniennes, mais encore quelques-unes des plus grandes familles même d’Athènes, faisaient remonter leur généalogie héroïque par les Nélides jusqu’à Poseidôn, et les légendes concernant Nestôr et Periklymenos trouvaient une faveur spéciale parmi les Grecs avec de tels sentiments et une telle croyance. Les Kodrides à Ephesos, et probablement dans quelques autres villes ioniennes, conservèrent longtemps le titre et la préséance honoraire de rois, même après avoir perdu le pouvoir réel appartenant à cette fonction. Personnifiant et le culte religieux et les ancêtres supposés, ils étaient vis-à-vis des Nélides et de Poseidôn dans le même rapport que les chefs des colonies Æoliennes vis-à-vis d’Agamemnôn et d’Orestês. Le tyran d’Athènes Pisistrate était nommé après le fils de Nestôr dans l’Odyssée, et nous pouvons hardiment présumer que le culte héroïque des Nélides était aussi soigneusement entretenu à Milêtos la ville ionienne que dans la cité italienne Metapontum[14].

Après avoir suivi la ligne de Salmôneus et de Nêleus jusqu’à la fin de sa carrière légendaire, nous pouvons maintenant retourner à celle d’un autre fils d’Æolos, Krêtheus, — ligne presque tout aussi célèbre sous le rapport des noms héroïques qu’elle offre. Alkêstis (Alceste), la plus belle des filles de Pelias[15], fut promise par son père en mariage à l’homme qui pourrait lui amener un lion et un sanglier soumis au joug et attelés ensemble. Admêtos, fils de Pherês, l’éponyme de Pheræ en Thessalia, et ainsi petit-fils de Krêtheus, parvint, avec l’aide d’Apollon, à remplir cette condition et à obtenir la jeune fille[16]. Apollon, en effet, se trouvait à cette époque être à son service comme esclave (condamné à ce châtiment par Zeus pour avoir mis à mort les Cyclôpes), et en cette qualité il gardait les troupeaux et les chevaux avec un tel succès, qu’il put fournir à Eumêlos (fils d’Admêtos) pour la guerre de Troie les plus beaux chevaux de l’armée grecque. Bien que, des devoirs serviles lui fussent imposés, et même la corvée pénible de moudre au moulin[17], il emporta cependant avec lui un sentiment de reconnaissance et d’amitié à l’égard de son maître mortel, et il intervint pour le soustraire à la colère de la déesse Artemis, quand elle s’indigna de l’omission de son nom dans les sacrifices des noces. Admêtos était sur le point de périr d’une mort prématurée, quand Apollon, par d’instantes sollicitations auprès des Parques, obtint pour lui la faveur de la prolongation de son existence, s’il pouvait trouver quelqu’un qui consentit à mourir à sa place. Son père et sa mère refusèrent tous deux de faire ce sacrifice pour lui, mais le tendre dévouement de son épouse Alkêstis la disposa à accepter avec joie la condition de la mort pour sauver son mari. Elle venait de mourir lorsque Hêraklês, depuis longtemps l’hôte et l’ami d’Admêtos, arriva pendant la première heure de deuil ; sa force et son audace lui permirent d’arracher Alkêstis morte même aux étreintes de Thanatos (la Mort), et de la rendre vivante à son inconsolable époux[18].

Le fils de Pelias, Akastos, avait donné asile et protection à Pêleus, obligé de fuir sa patrie par suite du meurtre involontaire d’Eurytiôn. Krêthêis, épouse d’Akastos, devenant amoureuse de Pêleus, lui fit des avances qu’il repoussa. Exaspérée de son refus, et décidée à le faire périr, elle persuada à son époux que Pêleus avait attenté à sa pudeur : alors Akastos conduisit Pêleus à la chasse au milieu des contrées boisées du mont Pêlion, s’arrangea pour lui dérober l’épée fabriquée et donnée par Hephæstos, puis le laissa tout seul et désarmé, exposé à périr sous les coups des Centaures ou sous la dent des bêtes sauvages. Cependant, grâce au secours amical du centaure Chirôn, Pêleus fut sauvé et son épée lui fut rendue : de retour à la ville, il se vengea en mettant à mort et Akastos et sa perfide épouse[19].

Mais parmi toutes les légendes auxquelles se rattache le nom de Pelias, celle de Jasôn et de l’expédition des Argonautes est de beaucoup la plus mémorable. Jasôn était fils d’Æsôn, petit-fils de Krêtheus, et ainsi arrière-petit-fils d’Æolos. Pelias, ayant consulté l’oracle au sujet de la stabilité de son pouvoir à Iôlkos, avait reçu pour réponse l’avis de se tenir en garde contre l’homme qui paraîtrait devant lui avec une seule sandale. II était en train de célébrer une fête en l’honneur de Poseidôn, quand il advint que Jasôn se présenta à lui, n’ayant qu’une sandale : il avait perdu l’autre en traversant à gué les eaux grossies du fleuve Anauros. Immédiatement Pelias comprit que c’était là l’ennemi contre lequel l’oracle l’avait mis en garde. Comme moyen de détourner le danger, il impose à Jasôn la tâche désespérée de rapporter à Iôlkos la toison d’or, la toison de ce bélier qui avait porté Phryxos d’Achaïa en Kolchis, et que Phryxos, dans ce dernier pays, avait consacrée comme offrande au dieu Arès. Le résultat de cet ordre fut la mémorable expédition du navire Argô et de son équipage appelé les Argonautes, composé des jeunes gens les plus braves et les plus nobles de la Grèce, événement qui ne peut être convenablement compris au nombre des légendes des Æolides, et dont le récit est réservé pour un chapitre séparé.

Le voyage de l’Argô se prolongea longtemps, et Pelias, persuadé que ni le navire ni son équipage ne reviendraient jamais, mit à mort et le père et la mère de Jasôn avec leur fils encore tout enfant. Æsôn, le père, ayant obtenu la permission de choisir le genre de mort qui lui convenait, but du sang de taureau pendant qu’il offrait un sacrifice aux dieux. A la fin cependant Jasôn revint, ramenant avec lui non seulement la toison d’or, mais encore Mêdea, fille d’Æêtês, roi de Kolchis, en qualité d’épouse, — femme remarquable par sa science et son habileté dans la magie, et dont le secours seul avait permis aux Argonautes de réussir dans leur projet. Bien que décidé à se venger de Pelias, Jasôn sut qu’il lie pourrait y parvenir qu’en usant de stratagème. Il resta avec ses compagnons à une faible distancé d’Iôlkos, tandis que Mêdea, feignant de le fuir à cause de ses mauvais traitements, entra seule dans la ville, et parvint à avoir accès auprès des filles de Pelias. En montrant ses talents magiques, elle acquit bientôt un ascendant sans bornes sur leur esprit. Par exemple, elle choisit dans les troupeaux de Pelias un bélier extrêmement vieux, le coupa en morceaux, le fit bouillir dans une chaudière avec des herbes, et le fit reparaître sous la forme d’un jeune et vigoureux agneau[20] : ainsi elle fit croire aux filles de Pelias que leur vieux père pourrait de la même manière recouvrer la jeunesse. Dans cette conviction, elles le dépecèrent de leurs propres mains et jetèrent ses membres dans la chaudière, comptant que Mêdea produirait sur lui le même effet magique. Mêdea prétendit qu’une invocation à la lune était une partie nécessaire de la cérémonie : elle monta au faîte de la maison sous prétexte de la prononcer, et là elle alluma le fanal, signal convenu avec les Argonautes. Alors Jasôn et ses compagnons se précipitèrent dans la ville et s’en emparèrent. Content de cette vengeance, Jasôn accorda la souveraineté de Iôlkos à Akastos, fils de Pelias, et se retira avec Mêdea à Corinthe. C’est ainsi que la déesse Hêrê satisfit son ancien ressentiment contre Pelias : elle avait constamment veillé sur Jasôn, avait conduit Argô le navire connu de tous à travers ses innombrables périls, afin que Jasôn pût ramener avec lui Mêdea et accomplir la ruine de son oncle[21]. Les filles abusées de Pelias s’imposèrent un exil volontaire en Arcadia : Akastos son fils célébra en l’honneur de son père décédé de magnifiques jeux funèbres[22].

Jasôn et Mêdea se retirèrent de Iôlkos à Corinthe, où ils résidèrent dix ans : leurs enfants furent Mêdeios, que le centaure Chirôn éleva dans les régions du Pêlion[23], et Mermeros et Pherês, nés à Corinthe. Après un séjour de dix ans dans cette ville au sein de la prospérité, Jasôn s’attacha à Glaukê, fille de Kreôn[24], roi de Corinthe ; et comme son père consentait à la lui donner en mariage, il se décida à répudier Mêdea, qui reçut l’ordre de quitter Corinthe sur-le-champ. Vivement irritée de cet affront, et résolue à se venger, Mêdea prépara une robe empoisonnée, et l’envoya nomme cadeau de noces à Glaukê, qui l’accepta et la mit sans réflexion, et le corps de la malheureuse fiancée fut brûlé et consumé. Kreôn, son père, en essayant d’arracher du corps de sa fille le vêtement incendiaire, partagea sa destinée et périt. Mêdea, triomphante, se sauva au moyen d’un char traîné par des serpents ailés que lui avait procuré son grand-père Hêlios : elle se plaça sous la protection d’Ægeus à Athènes, et eut de lui un fils nommé Mêdos. Elle laissa ses jeunes enfants dans l’enceinte sacrée de Hêrê Akræenne, comptant sur la sainteté de l’autel pour assurer leur salut ; mais les Corinthiens furent tellement exaspérés contre elle à cause du meurtre de Kreôn et de Glaukê, qu’ils arrachèrent les enfants de l’autel et les mirent à mort. Le malheureux Jasôn fut tué par un fragment de son propre vaisseau Argô, qui tomba sur lui pendant qu’il était endormi sous le navire[25], tiré sur le rivage, selon l’usage habituel des anciens.

Le premier établissement à Ephyrè, ou Corinthe, avait été fondé par Sisyphos, un autre des fils d’Æolos, frère de Salmôneus et de Krêtheus[26]. L’1Eolide Sisyphos se distinguait comme un maître sans pareil en ruse et en fourberie. Il fermait la route le long de l’isthme, et tuait les étrangers qui s’y engageaient en roulant sur eux de grosses pierres du haut des montagnes qui la dominaient. Il pouvait aisément le disputer même à l’archi-voleur Autolykos, fils de Hermês, qui tenait de son père le privilège de changer la couleur et la forme des objets Volés, de sorte qu’on ne pouvait plus les reconnaître ; Sisyphos, en marquant ses moutons sous le pied, découvrit le vol d’Autolykos, et le contraignit a lui rendre son larcin. Sa sagacité pénétra l’intrigue de Zeus avec la nymphe Ægina, fille du dieu-fleuve Asôpos. Zeus l’avait transportée dans l’île d’Ænonê (qui plus tard porta le nom d’Ægina) ; Asôpos, impatient de la recouvrer, demanda à Sisyphos où elle était allée ; celui-ci lui dit c qui avait eu lieu, à condition qu’il fournirait une source d’eau sur le sommet de l’Acrô-Corinthe. Zeus, indigné contre Sisyphos a cause de cette révélation, lui infligea comme supplice dans l’empire d’Hadês l’obligation de pousser sur une colline une grosse et lourde pierre, qui, aussitôt qu’elle atteignait le sommet, roulait dans la plaine avec une force irrésistible en dépit de tous ses efforts[27].

En appliquant à Corinthe la généalogie Æolide, Sisyphos, fils d’Æolos, parait comme le premier nom ; mais le vieux poète corinthien Eumêle trouva ou inventa pour sa ville natale une généalogie héroïque indépendante et d’Æolos et de Sisyphos. Selon cette généalogie, Ephyrè, fille d’Okeanos et de Têthys, occupait la première le territoire de Corinthe, Asôpos, celui de Sikyôn (Sicyone) ; Briareus les adjugea tous les deux au dieu Hêlios, en arrangeant un différend entre lui et Poseidôn. Hêlios partagea le territoire entre ses deux fils Æêtês et Alôeus : au premier il donna Corinthe, au second Sikyôn. Æêtês, docile à l’avis d’un oracle, émigra en Kolchis (Colchide), laissant son territoire sous le pouvoir de Bunos, fils d’Hermès, avec cette convention qu’il serait restitué dans le cas où soit lui, soit un de ses descendants quelconque reviendrait. Après la mort de Bunos, Corinthe et Sikyôn furent possédées par Epôpeus, fils d’Alôeus, homme méchant. Son fils Marathôn, plein de dégoût, le quitta et se retira en Attique, mais revint après sa mort et hérita de son territoire, qu’et .son retour il partagea entre ses deux fils Corinthos et Sikyôn, de qui les deux districts tirèrent pour la première fois leurs noms. Corinthos mourut sans enfants, et alors les Corinthiens appelèrent d’Iôlkos Mêdea, comme représentant Æêtês : c’est ainsi qu’elle et son époux Jasôn obtinrent la souveraineté de Corinthe[28]. Cette légende d’Eumêle, l’un des plus anciens poètes généalogistes, si différente de l’histoire adoptée par Néophrôn ou par Euripide, fut certainement suivie par Simonide, et vraisemblablement par Théopompe[29]. Les incidents en sont imaginés et arrangés en vue de la suprématie de Mêdea ; l’émigration d’Æêtês et les conditions sous lesquelles il transférait son sceptre étant disposées pour conférer à Mêdea un droit héréditaire au trône. Les Corinthiens rendent à Mêdea et à ses enfants un culte solennel, soit divin, soit héroïque, en même temps qu’à Hêrê Akræa[30], et cela suffisait pour donner à Mêdea une place saillante dans la généalogie composée par un poète Corinthien, accoutumé à mêler les dieux, les héros et les hommes dans les antiquités de sa ville natale. D’après la légende d’Eumêle, Jasôn devint (par Mêdea) roi de Corinthe ; mais elle cacha les enfants nés de leur mariage dans le temple d’Hêrê, comptant que la déesse les rendrait immortels. Jasôn, découvrant sa conduite, l’abandonna et se retira, plein de dégoût, à Iôlkos ; Mêdea aussi, désappointée dans son projet, quitta l’endroit, laissant le pouvoir aux mains de Sisyphos, à qui, suivant l’histoire de Théopompe, elle s’était attachée[31]. D’autres légendes racontaient que Zeus avait couru une passion pour Mêdea, mais qu’elle avait rejeté ses hommages par crainte du déplaisir d’Hêrê, qui, pour récompenser une telle fidélité, rendit ses enfants immortels[32] : de plus Mêdea, sur l’ordre spécial de Hêrê, avait érigé le célèbre temple d’Aphroditê à Corinthe. Le caractère de ces fables montre le lien qui les rattache au temple de Hêrê ; et nous pouvons considérer la légende de Mêdea comme ayant été dans l’origine entièrement indépendante de celle de Sisyphos, mais comme greffée sur elle de manière à former une suite qui semble être chronologique, et à satisfaire les sentiments de ces Æolides de Corinthe qui passaient pour être ses descendants.

Sisyphos eut pour fils Glaukos et Ornytiôn. De Glaukos naquit Bellerophôn, dont les aventures romanesques commencent dans l’Iliade et sont ensuite développées par des poètes postérieurs : d’après quelques rapports il était réellement le fils de Poseidôn, la principale divinité de la famille Æolide[33]. La jeunesse et la beauté de Bellerophôn le rendirent l’objet d’une vive passion de la part d’Anteia, l’épouse de Prœtos, roi d’Argos. Voyant ses avances repoussées, elle conçut contre lui une haine violente, et s’efforça par de fausses accusations de persuader à son mari de le tuer. Prœtos refusa de commettre cette action sous son propre toit, mais il l’envoya à son gendre, le roi de Lykia (Lycie), en Asie Mineure, lui remettant entre les mains des tablettes fermées remplies de signes devant causer sa mort.

Conformément à ces suggestions, on imposa à Bellerophôn les entreprises les plus périlleuses. On le chargea d’attaquer le monstre Chimæra et de vaincre les belliqueux Solymes ainsi que les Amazones : comme il revenait vainqueur de ces expéditions, une embuscade lui fut tendue par les plus braves guerriers lykiens, mais il les tua tous. A la fin, le roi de Lykia le reconnut comme le véritable fils d’un dieu et lui donna sa fille en mariage avec la moitié de son royaume. Les petits-fils de Bellerophôn, Glaukos et Sarpêdôn, ce dernier fils de sa soeur Laodameia et de Zeus, combattent comme alliés de Troie contre l’armée d’Agamemnôn[34].

Nous passons maintenant de Sisyphos et des fables corinthiennes à un autre fils d’Æolos, Athamas, dans l’histoire de la famille duquel on ne trouve pas moins d’incidents tristes et tragiques, amplement diversifiés par les poètes. Athamas, nous dit-on, était roi d’Orchomenos ; son épouse Nephelê était déesse, et il eut d’elle deux enfants, Phryxos et Melle. Après un certain temps, il négligea Nephelê, et prit pour nouvelle épouse Inô, fille de Kadmos, de qui il eut deux fils, Learchos et Melikertês. Inô, regardant Phryxos avec la haine d’une marâtre, tendit un piège à ses jours. Elle persuada aux femmes de faire griller le blé des semailles, de sorte que, semé dans cet état, il ne produisit pas de moisson et que la famine se répandit sur la terre. Athamas envoya à Delphes pour demander arec instance un conseil ou un remède : il lui fut répondu, par suite des, machinations d’Inô de connivence avec l’oracle, qu’on ne pourrait remédier à la stérilité des champs qu’en offrant Phryxos en sacrifice à Zeus. La détresse du peuple força le roi à exécuter cet ordre, et Phryxos fut conduit comme victime à l’autel. Mais le pouvoir de sa mère Nephelê l’arracha à sa perte, et lui procura par l’entremise d’Hermês un bélier dont la toison était d’or, sur lequel lui et sa sœur Hellê montèrent et furent transportés à travers la mer. Le béliers prit la direction du Pont-Euxin et de la Kolchis (Colchide) : pendant qu’ils passaient l’Hellespont, Hellê tomba dans le détroit, qui prit son nom de cet incident. Alors le bélier, qui était doué de la parole, consola Phryxos épouvanté, et finit par le transporter sain et sauf en Kolchis : Æêtês, roi de cette contrée, fils du dieu Hêlios et frère de Circê, reçut Phryxos avec bonté, et lui donna sa fille Chalkiopê en mariage. Phryxos sacrifia le bélier à Zeus Phyxios, et suspendit la toison d’or dans le bois sacré d’Arês.

Athamas, selon quelques-uns Athamas et Inô, furent dans la suite frappés de folie par la colère de la déesse Hêrê ; le père alla jusqu’à tuer son propre fils Learchos, et aurait aussi mis à mort son autre fils Melikertês, si Inô ne l’eût arraché de ses mains. Elle s’enfuit avec l’enfant, et traversa le territoire de Megara et le mont Geraneia, jusqu’au rocher Moluris, qui surplombe le golfe Saronique ; Athamas la poursuivit, et pour lui échapper, elle se précipita dans les flots. Elle devint une déesse de la mer, sous le nom de Leukothea ; tandis que le corps de Melikertês fut jeté sur la côte, dans le territoire de Schœnos, et enterré par son oncle Sisyphos, qui fut chargé par les Néréides de lui rendre les honneurs héroïques sous le nom de Palæmôn. Les jeux Isthmiques, une des grandes fêtes périodiques de la Grèce, étaient célébrés en l’honneur du dieu Poseidôn, conjointement avec Palæmôn, honoré comme un héros. Athamas abandonna son territoire, et s’établit le premier dans une contrée voisine appelée d’après lui Athamantia, ou plaine Athamantienne[35].

La légende d’Athamas se rattache à quelques rites religieux sanguinaires et à des coutumes de famille très particulières qui régnèrent à Alos, dans l’Achaïa Phthiôtis, jusqu’à une époque[36] postérieure à l’historien Hérodote, et dont quelques restes existaient à Orchomenos, même au temps de Plutarque. Athamas était adoré à Alos comme héros ; il avait à la fois une chapelle et un bois sacré, voisins et dépendant du temple de Zeus Laphystios. A la famille dont il était l’auteur héroïque étaient attachées une malédiction et une incapacité particulières. Il était interdit à l’allié de la race d’entrer dans le prytaneion ou palais du gouvernement ; si on le trouvait en deçà des portes de l’édifice, les autres citoyens le saisissaient à sa sortie, l’entouraient de guirlandes et le conduisaient en procession solennelle pour être sacrifié comme victime à l’autel de Zeus. Laphystios. Cette prohibition entraînait avec elle l’exclusion de toutes les réunions et de toutes les cérémonies publiques, politiques et religieuses et du feu sacré de l’Etat. Beaucoup des individus ainsi stigmatisés avaient donc été assez hardis pour la transgresser. Quelques-uns avaient été saisis en sortant de l’édifice et effectivement sacrifiés ; d’autres avaient fui le pays pour longtemps, afin d’éviter un pareil sort.

Les guides qui conduisaient Xerxès et son armée à travers la Thessalia méridionale lui racontèrent en détail la coutume existante, rattachée à la légende locale, disant qu’Athamas, de concert avec Inô, avait cherché à accomplir le meurtre de Phryxos, qui cependant s’était sauvé en Kolchis ; que les Achæens avaient reçu d’un oracle l’injonction d’offrir Athamas lui-même en sacrifice expiatoire pour délivrer le pays de la colère des dieux ; mais que Kityssoros, fils de Phryxos, revenant de Kolchis, arrêta le sacrifice d’Athamas[37], d’où il résultait que la colère des dieux n’avait pas encore été apaisée, et qu’une malédiction constante planait sur la famille[38].

Il parait certain que de tels sacrifices humains continuèrent dans une proportion plus ou moins grande, même jusqu’à une époque postérieure à Hérodote, au sein de la famille qui honorait Athamas comme son auteur héroïque : il est aussi fait mention de semblables coutumes dans des parties de l’Arcadia et de la Thessalia, en l’honneur de Pêleus et de Chirôn[39]. Mais nous pouvons présumer avec raison qu’à l’époque plus civilisée dont Hérodote fut témoin le sacrifice dont nous parlons était devenu très rare. La malédiction et la légende subsistaient encore, mais n’étaient pas appelées à être mises en pratique, excepté pendant les périodes de grande souffrance ou de grande crainte nationales, époques auxquelles la sensibilité religieuse était toujours fortement excitée. Nous ne pouvons nullement douter que, pendant l’alarme causée par la présence du roi perse avec son armée innombrable et, indisciplinée, les Thessaliens n’aient dû se rappeler vivement tout ce qu’il y avait d’effrayant dans leurs histoires nationales, ainsi que tout ce que leurs solennités religieuses contenaient de rites expiatoires. De plus, l’esprit de Xerxès lui-même fut tellement rempli d’une émotion religieuse par ce conte, qu’il témoigna son respect pour le séjour consacré à Athamas. Les guides qui lui racontaient la romanesque légende la donnaient comme la cause historique et créatrice de la règle et de la coutume actuelles : en l’examinant au point de vue critique, on est forcé (comme on l’a fait remarquer plus haut) de renverser l’ordre de priorité, et de regarder la coutume comme ayant été la cause occasionnelle de la légende servant à l’expliquer.

L’histoire de la famille d’Athamas et le culte de Zeus Laphystios sont expressément rattachés par Hérodote à Alos dans l’Achaïa Phthiôtis, l’une des villes énumérées dans l’Iliade comme étant sous la domination d’Achille. Mais il y avait aussi une montagne appelée Laphystion, et un temple et un culte particulier de Zeus Laphystios entre Orchomenos et Korôneia (Coronée), dans la partie septentrionale du territoire connu comme Bœôtia durant les temps historiques. Ici aussi l’histoire de la famille d’Athamas est localisée, et Athamas nous est présenté comme roi des districts de Korôneia, d’Haliartos et du mont Laphystion : il est ainsi mêlé à la généalogie d’Orchomenos[40]. Andreus (nous dit-on), fils du fleuve Pêneios, fut la première personne qui s’établit dans le pays, qui, d’après son nom, s’appela Andrêis. Athamas, venant après Andreus, reçut de lui le territoire de Korôneia et d’Haliartos avec le mont Laphystion : il donna en mariage à Andreus Euippê, fille de son fils Leukôn, et de ce mariage naquit Eteoklês, que l’on dit être fils du fleuve Kêphisos (Céphise). Korônos et Haliartos, petits-fils du Corinthien Sisyphos, furent adoptés par Athamas, puisqu’il avait perdu tous ses enfants. Mais lorsque son petit-fils Presbôn, fils de Phryxos, revint vers lui de Kolchis, il partagea son territoire de telle manière que Korônos et Haliartos devinrent les fondateurs des villes qui portèrent leurs noms. Almôn, fils de Sisyphos, reçut aussi d’Eteoklês une portion de territoire, où il établit le village Almônes[41].

Avec Eteoklês commença, d’après un récit donné par un des poèmes hésiodiques, le culte des Charites ou Grâces, continué si longtemps et d’une manière si solennelle à Orchomenos dans la fête périodique des Charitêsia, à laquelle un grand nombre de cités et de districts du voisinage semblent avoir contribué[42]. Il distribua aussi les habitants en deux tribus, Eteokleia et Kêphisias. Il mourut sans enfants et eut pour successeur Almos, qui n’eut que deux filles, Chrysê et Chrysogeneia. Le fils de Chrysê et du dieu Arès fut Phlegyas, le père et le fondateur de la race belliqueuse et dévastatrice des Phlegyæ, qui dépouillaient quiconque était à leur portée, et attaquaient non seulement les pèlerins en route pour Delphes, mais encore les trésors du temple lui-même. Le dieu offensé les châtia en les frappant continuellement de la foudre, par des tremblements de terre et par une peste qui fit mourir toute cette race impie, excepté un faible reste qui s’enfuit en Phokis. Chrysogeneia, l’autre fille d’Almos, eut Minyas du dieu Poseidôn : le fils de Minyas fut Orchomenos. C’est de leurs deux noms que furent tirés celui de Minyæ pour le peuple, et celui d’Orchomenos pour la ville[43]. Pendant le règne d’Orchomenos, Hyêttos vint vers lui d’Argos, forcé de s’exiler par suite de la mort de Molyros : Orchomenos lui donna une portion du territoire, où il fonda le village appelé Hyêttos[44]. Orchomenos, n’ayant pas d’enfant, eut pour successeur Klymenos, fils de Presbôn, de la maison d’Athamas : Klymenos fut tué par quelques Thébains pendant la fête de Poseidôn à Onchêstos ; et son fils aîné, Erginos, pour venger sa mort, attaqua les Thêbains avec toutes ses forces ; attaque qui eut untel succès, que les Thébains furent forcés de se soumettre et de lui payer un tribut annuel.

Le pouvoir d’Orchomenos était alors à son apogée Minyas et Orchomenos avaient tous deux,-été des princes jouissant d’une extrême opulence, et le premier avait bâti un édifice spacieux et durable qu’il avait rempli d’or et d’argent. Mais le succès d’Erginos dans sa lutte contre Thèbes vit bientôt sa fin, et sa puissance fut détruite par le bras de l’irrésistible Hêraklês, qui repoussa dédaigneusement la demande du tribut, et même mutila les envoyés chargés de le réclamer : non seulement il affranchit Thèbes, mais il abattit et dépouilla Orchomenos[45]. Erginos dans sa vieillesse prit une jeune épouse ; de ce mariage naquirent les héros ou les dieux illustres Trophônios et Agamêdês ; bien que plusieurs auteurs (parmi lesquels est Pausanias lui-même) considérassent Trophônios comme le, fils d’Apollon[46]. Trophônios, l’un des personnages les plus remarquables de la mythologie grecque, était adoré comme un dieu dans divers endroits ; mais ce culte avait une sainteté spéciale à Lebadeia (Lébadée), où on l’honorait comme Zeus Trophônios : dans le temple qu’il avait dans cette ville, les manifestations prophétiques survécurent à celles de Delphes même[47]. Trophônios et Agamêdês, jouissant d’un renom sans pareil comme architectes, construisirent[48] le temple de Delphes, le thalamos d’Amphitryôn à Thèbes, et aussi le caveau inaccessible de Hyrieus, à Hyria, dans lequel, dit-on, ils avaient laissé une seule pierre qu’ils pouvaient écarter à volonté afin de se réserver une entrée secrète. Ils y entrèrent si souvent, et dérobèrent une telle quantité d’or et d’argent, que Hyrieus, surpris de ses pertes, tendit à la fin un filet mince, dans lequel Agamêdês se prit sans pouvoir se débarrasser : Trophônios coupa la tête de son frère et l’emporta, de sorte que le corps, qui resta seul, ne suffit pas pour faire constater l’identité du voleur. Comme Amphiaraos, auquel il ressemble sous plus d’un rapport, Trophônios fut englouti par la terre près de Lebadeia[49].

De Trophônios et d’Agamêdês là généalogie d’Orchomenos passe à Askalaphos et à Ialmenos, les fils d’Arès et d’Astyochê, qui sont nommés dans le Catalogue de l’Iliade comme chefs des trente vaisseaux envoyés d’Orchomenos contre Troie. Azeus, le grand-père d’Astyochê dans l’Iliade, est présenté comme frère d’Erginos[50] par Pausanias ; qui ne fait pas descendre l’arbre généalogique plus bas.

La généalogie donnée ici d’après Pausanias mérite d’autant plus d’attention, qu’elle semble avoir été copiée sur l’histoire spéciale d’Orchomenos par le Corinthien Kallippos (Callippe) qui, de son côté, l’emprunte du poète Chersias, natif d’Orchomenos : les ouvrages de ce dernier n’étaient jamais venus entre les mains de Pausanias. Elle jette un grand jour sur le principe d’après lequel ces généalogies mythiques .étaient composées, car presque chaque personnage de la série est un Eponyme. Andreus donna son nom au pays, Athamas à la plaine de ce nom ; Minyas, Orchomenos, Korônos, Haliartos, Almos et Hyêttos sont chacun de la même manière rattachés a quelque nom de peuple, de tribu, de ville ou de village ; tandis que Chrysê et Chrysogeneia doivent leur origine a l’ancienne opulence renommée d’Orchomenos. On trouve cependant de nombreuses différences au sujet de cette vieille généalogie, si nous jetons les yeux sur d’autres récits. D’après l’un d’eux, Orchomenos était fils de Zeus et d’Isionê, fille de Danaos ; Minyas était fils d’Orchomenos (ou plutôt de Poseidôn) et d’Hermippê, fille de Bœôtos ; les fils de Minyas étaient Presbôn, Orchomenos, Athamas et Diochthôndas[51]. D’autres représentaient Minyas comme le fils de Poseidôn et de Kallirhoê, nymphe océanique[52], tandis que Dionysius l’appelait fils d’Arès, et Aristodême, fils d’Aleas ; enfin il ne manquait pas d’auteurs qui appelaient Minyas et Orchomenos fils d’Eteoklês[53]. Nous ne trouvons pas non plus dans aucune de ces généalogies le nom d’Amphiôn, fils d’Iasos, qui figure d’une manière si saillante dans l’Odyssée comme roi d’Orchomenos, et dont la fille, la belle Chlôris, épousa Nêleus. Pausanias le mentionne, mais non comme roi, ce qui est le titre qui lui est donné dans Homère[54].

Les différences que nous venons de citer ne sont guère nécessaires pour prouver que ces généalogies d’Orchomenos n’ont aucune valeur historique. Cependant il semble qu’on peut déduire quelques conséquences probables du caractère général des légendes, soit que les faits ou les personnes dont elles sont composées soient réels ou fictifs.

Durant toute l’époque historique, Orchomenos est un membre de la confédération Bœôtienne. Mais on dit que les Bœôtiens, en venant de Thessalia, avaient immigré dans le territoire qui portait leur nom ; et, avant le temps de leur immigration, Orchomenos et le territoire environnant semblent avoir été possédés par les Minyæ, qui sont reconnus comme habitant cette localité et clans l’Iliade et dans l’Odyssée[55], et dont les généalogistes empruntent l’éponyme qui revient constamment, le roi Minyas. Une légende poétique rattache les Minyæ d’Orchomenos, d’un côté, à Pylos et à la Triphylia, dans le Péloponnèse ; de l’autre côté, è, la Phthiôtis et à la ville d’Iôlkos en Thessalia ; également à Corinthe[56], par Sisyphos et ses fils. Phérécyde représentait Nêleus, roi de Pylos, comme ayant aussi été roi d’Orchomenos[57]. Dans la contrée appelée Triphylia, voisine de Pylos ou se confondant avec elle, Homère mentionne une rivière Minyéienne ; et nous trouvons des traces d’habitants appelés Minyæ même dans les temps historiques, bien que le récit donné par Hérodote de la route qu’ils suivirent pour y arriver soit étrange et peu satisfaisant[58].

Avant les grands changements qui survinrent parmi les habitants de la Grèce à la suite de l’immigration des Thesprôtiens en Thessalia, des Bœôtiens en Bœôtia, ainsi que des Dôriens et des Ætoliens dans le Péloponnèse, à une époque que nous n’avons aucun moyen de déterminer, les Minyæ et les tribus qui étaient unies avec eux fraternellement semblent avoir occupé une large portion de la surface de la Grèce, depuis Iôlkos en Thessalia jusqu’à Pylos dans le Péloponnèse. L’opulence d’Orchomenos est renommée même dans l’Iliade[59] ; et l’étude détaillée de sa topographie nous fournit une explication vraisemblable et de sa prospérité et de son déclin. Orchomenos était située sur la rive septentrionale du lac Kôpaïs (Copaïs), qui reçoit non seulement le fleuve Kêphisos venant des vallées de la Phôkis, mais encore d’autres rivières venant du Parnassos et de l’Helikôn. Les eaux du lac trouvent plus d’une voie souterraine, en partie par des fentes et des cavités naturelles dans les montagnes formées de pierres calcaires, en partie par un tunnel percé artificiellement et de près d’une demi lieue de longueur, pour sortir dans la plaine au nord-est, d’où elles coulent jusqu’à la mer de l’Eubœa près de Larymna[60]. Et il parait que, tant qu’on eut soin de veiller à ces canaux et de les conserver libres, une grande partie du lac était dans l’état d’une terre d’alluvion, d’une richesse et d’une fertilité excessives. Mais quand les canaux venaient à être ou négligés, ou bouchés à dessein par un ennemi, l’eau s’accumulait au point d’occuper le sol de plus d’une ville ancienne, de mettre en danger la position de Kôpæ, et de forcer Orchomenos elle-même à quitter la plaine pour se placer sur la pente du mont Hyphanteion. Un ingénieur, Kratês, entreprit, sous le règne d’Alexandre le Grand et d’après son ordre, de nettoyer les conduits d’eau obstrués ; le destructeur de Thèbes était désireux de relever la prospérité éteinte d’Orchomenos. Kratês parvint à dessécher et à diminuer le lac partiellement, ce qui rendit visible la place de plus d’une ancienne ville ; mais la résurrection de Thêbes par Kassandre, après le mort d’Alexandre, arrêta les progrès de l’entreprise, et le lac reprit bientôt ses premières dimensions, sans qu’on ait fait plus tard de nouvelles tentatives pour le resserrer[61].

Selon la légende thébaine[62], Hêraklès, après qu’il eut vaincu Erginos, avait fermé l’issue des eaux et transformé la plaine d’Orchomenos en un lac. Le fait de ces eaux se répandant ainsi se rattache à l’humiliation des Minyæ ; et il n’y a guère lieu d’hésiter à attribuer à ces anciens habitants d’Orchomenos, avant qu’elle fût devenue bœôtienne, l’agrandissement et la conservation de ces canaux protecteurs. Et il n’était pas non plus possible qu’un tel dessein eût été accompli sans l’action combinée et l’ascendant reconnu de cette ville sur ses voisins, et s’étendant jusqu’à la mer à Larymna, où se décharge le fleuve Kêphisos. Nous trouvons une preuve remarquable de son influence étendue aussi bien que de son activité maritime dans l’ancienne et vénérable assemblée amphiktyonique à Kalauria (Calaurie). La petite île ainsi appelée, près du port de Trœzên, dans le Péloponnèse, consacrée à Poseidôn, était un asile d’une sainteté inviolable. Dans le temple de Poseidôn, à Kalauria,- il avait existé, depuis un temps d’une date inconnue, un sacrifice périodique célébré en commun par sept villes s Hermionê, Epidauros, Ægina, Athènes, Prasiæ, Nauplia et Orchomenos du pays des Minyæ. Cette ancienne combinaison religieuse date du temps où Nauplia était indépendante d’Argos, et Prasiæ de Sparte : Argos et Sparte, selon l’usage habituel en Grèce, continuèrent à remplir l’obligation, chacune pour sa part, imposée à la ville devenue respectivement leur sujette[63]. Six de ces sept États sont à la fois des villes maritimes, et situées assez près de Kalauria pour qu’on s’explique leur participation à cette réunion amphiktyonique. Mais l’adjonction d’Orchomenos, à sa distance relative, devient inexplicable si l’on ne suppose que non territoire s’étendait jusqu’à la mer, et qu’elle exerçait un commerce maritime considérable, fait qui sert à jeter du jour et sur son lien légendaire avec Iôlkos, et sur la part qu’elle prit dans ce qu’on appelle l’émigration Ionienne[64].

Le grand pouvoir d’Orchemenos fut renversé et la ville réduite à une position secondaire et à demi dépendante par les Bœôtiens de Thèbes ; à quelle époque et dons quelles circonstances, c’est ce que l’histoire n’a pas conservé. Comme le récit qui nous apprend que le héros thébain, Hêraklès, délivra sa ville natale de la servitude et du tribut qu’elle payait à Orchomenos est tiré d’une légende kadméenne, et non d’une légende d’Orchomenos, et que les détails de ce récit étaient des sujets favoris de commémoration dans les temples thébains[65], on peut présumer que Thèbes fut réellement autrefois sous la dépendance d’Orchomenos. De plus, les mutilations sauvages infligées par le héros aux envoyés chargés de réclamer le tribut, et que dépeint si fidèlement son surnom de Rhinokoloustès (coupeur de nez), répandent dans le mythe une portion de ce sentiment amer qui régna si longtemps entre Thèbes et Orchomenos, et qui amena les Thêbains à détruire et à dépeupler la ville rivale aussitôt que la bataille de Leuktra eut placé la suprématie entre leurs mains[66]. La génération suivante vit Thèbes à son tour soumise à la même destinée, ainsi que la restauration d’Orchomenos. La grandeur légendaire de cette cité, longtemps après qu’elle avait cessé de se distinguer par son opulence et son pouvoir, continuait à être gravée d’une manière impérissable dans les esprits des nobles citoyens et à être rappelée dans les compositions des poètes : le langage expressif de Pausanias montre combien il avait trouvé sur ce sujet dans l’ancienne épopée[67].

 

SECTION II — FILLES D’ÆOLOS

A plusieurs des filles d’Æolos se rattachent de mémorables généalogies et récits mythiques. Alkyone épousa Kêyx, fils d’Eôsphoros, mais ils déployèrent tous deux à un haut degré la présomptueuse insolence commune à la famille d’Æolos. Alkyone donnait à son époux le nom de Zeus, tandis que celui-ci l’appelait Hêrê, acte d’orgueil que Zeus punit en les changeant tous les deux en oiseaux[68].

Kanakê eut du dieu Poseidôn plusieurs enfants, au nombre desquels étaient Epôpeus et Alôeus[69]. Alôeus épousa Iphimêdea, qui devint amoureuse du dieu Poseidôn, et se vanta de son intimité avec lui. Elle eut de lui deux fils, Otos et Ephialtês, les immenses et formidables Alôides, êtres semblables aux Titans, qui avaient neuf toises en hauteur et neuf coudées en largeur, même dans leur enfance, avant d’avoir atteint tout le développement de leur force. Ces Alôides défièrent et insultèrent les dieux dans l’Olympe. Ils firent la cour à Hêrê et Artemis ; de plus ils saisirent même Arès et le lièrent, le confinant dans une chambre d’airain pendant treize mois. Personne ne savait où il était, et le poids intolérable de la chaîne aurait fini par causer sa mort, si Eribæa, la jalouse belle-mère des Alôides, n’eût révélé le lieu de sa détention à Hermês, qui l’enleva subrepticement quand il était à la dernière extrémité. Arès ne put obtenir de réparation pour un tel outrage. Otos et Ephialtês se disposèrent même à attaquer les dieux dans le ciel, en entassant l’Ossa sur l’Olympe et le Pélion sur l’Ossa, afin d’atteindre jusqu’à eux. Et ils auraient accompli leur projet s’il leur avait été donné de parvenir à leur entier développement, mais les flèches d’Apollon mirent à propos fin à leur courte carrière[70].

La généalogie attribuée à Kalykê, autre fille d’Æolos, nous conduit de Thessalia à Elis et en Ætôlia. Elle épousa Aëthlios (fils de Zeus et de Prôtogeneia, fille de Deukaliôn et soeur d’Hellên), qui conduisit une colonie hors de la Thessalia, et s’établit dans le territoire d’Élis. Il eut pour fils Endymiôn, au sujet duquel le Catalogue hésiodique et les Eoiai rapportaient plusieurs choses merveilleuses. Zeus lui accorda le privilège de déterminer l’heure de sa propre mort, et même le transporta dans le ciel, qu’il perdit pour avoir osé courtiser Hêrê ; un nuage trompa sa vue dans ce criminel attentat, et il fut précipité dans les enfers[71]. Selon d’autres récits, sa grande beauté fit que la déesse Selênê devint éprise de lui, et le visita la huit pendant son sommeil : — le sommeil d’Endymiôn devint une expression proverbiale pour dire un repos digne d’envie, exempt de trouble et de mort[72]. Endymiôn eut pour enfants (Pausanias nous donne, pour le nom de son épouse, trois versions différentes, et Apollodore une quatrième) Epeios, Ætôlos, Pæôn et une fille Eurykydê. Il fit courir ses trois fils dans le stade à Olympia, et Epeios, étant victorieux, fut récompensé par la succession au trône ; c’est d’après lui que le peuple fut appelé les Epeiens.

Epeios n’eut pas d’enfant mâle, et il eut pour successeur son neveu Eleios, fils d’Eurykydê et du dieu Poseidôn ; le nom du peuple fut alors changé d’Epeiens en Eleiens. Ætôlos, le frère d’Epeios, ayant tué Apis, fils de Phorôneus, fut forcé de s’enfuir du pays : il traversa le golfe de Corinthe, et s’établit dans le territoire alors appelé Kurêtis, mais auquel il donna le nom d’Ætôlia[73].

Le fils d’Eleios, ou, selon d’autres versions, du dieu Hêlios, de Poseidôn, ou de Phorbas[74], est Augias, que nous trouvons mentionné dans l’Iliade comme roi des Epeiens ou des Eleiens. Augias était riche en biens ruraux de toute sorte, et il possédait des troupeaux de bétail si nombreux, que le fumier des animaux s’accumula dans l’étable ou enceintes destinées au bétail à un point qu’on ne put le supporter. Eurystheus, pour faire outrage à Hêraklês, lui imposa l’obligation de nettoyer cette étable : le héros, dédaignant de transporter le fumier sur ses épaules, détourna le cours du fleuve Alpheios (Alphée), qu’il fit passer à travers le bâtiment, et ainsi enleva tout ce qui l’encombrait[75]. Mais Augias, malgré un service aussi signalé, refusa à Hêraklês la récompense promise, bien que son fils Phyleus protestât contre une telle déloyauté, et que, voyant qu’il ne pouvait décider son père a tenir sa parole, il se retirât plein de douleur et de colère dans l’île de Dulichiôn[76]. Pour se venger de la perfidie dont il était victime, Hêraklês envahit Elis ; mais Augias avait de puissants auxiliaires, particulièrement ses neveux, les deus Molionides (fils de Poseidôn et de Molyonê, épouse d’Aktôr), Eurytos et Kteatos. Les corps de ces deux frères miraculeux, d’une force surnaturelle, se réunirent au point de n’en faire qu’un, mais ils avaient cieux têtes et quatre bras[77]. Telle était leur puissance irrésistible, qu’Hêraklês fut défait et repoussé d’Élis ; mais bientôt les Eleiens envoyèrent les deux Molionides comme Théôres (envoyés sacrés) aux jeux Isthmiques, et Hêraklês se plaçant en embuscade à Kleônæ, les surprit et les tua à leur passage. Les Eleiens tâchèrent en vain d’obtenir réparation de ce meurtre et à Corinthe et à Argos ; telle est la raison que l’on donne de l’exclusion qu’ils s’imposèrent eux-mêmes, exclusion qui dura pendant toute l’époque historique, et par suite de laquelle aucun athlète éleien ne voulait jamais se présenter comme compétiteur aux jeux Isthmiques[78]. Les Molionides étant ainsi écartés, Hêraklês envahit Elis de nouveau, et tua Augias avec tous ses enfants, a l’exception de Phyleus, qu’il fit venir de Dulichiôn et mit en possession du royaume de son père. Selon le récit plus humain qu’adopte Pausanias, Augias ne fut pas tué, mais obtint son pardon à la requête de Phyleus[79]. Il fut adoré comme héros[80] même jusqu’à l’époque de cet auteur.

Ce fut à l’occasion de cette conquête d’Élis, selon le vieux mythe embelli par Pindare dans une ode magnifique, qu’Hêraklês consacra pour la première fois le sol d’Olympia et établit les jeux Olympiques. Telle était du moins une des nombreuses fables touchant l’origine de cette mémorable institution[81].

Il a déjà été dit qu’Ætôlos, fils d’Endymiôn, quitta le Péloponnèse pour avoir tué Apis[82]. La contrée située au nord du golfe de Corinthe, entre les fleuves Euênos et Achelôos, reçurent de lui le nom d’Ætôlia, au lieu de celui de Kurêtis. Il en acquit la possession après avoir tué Dôros, Laodokos et Polypœtês, fils d’Apollon et de Phthia, bien qu’il eût reçu d’eux un bon accueil. Il eut de son épouse Pronoê (la fille de Phorbas) deux fils, Pleurôn et Kalydôn, et c’est d’après eux que furent nommées les deux principales villes de l’Ætôlia[83]. Pleurôn épousa Xanthippê, fille de Dôros, et eut pour fils Agênôr, de qui naquirent Portheus ou Porthaôn et Demonikê : Euênos et Thestios furent enfants de cette dernière et du dieu Arès[84].

Portheus eut trois fils, Agrios, Melas et Œneus : au nombre des enfants de Thestios se trouvaient Althæa et Léda[85], noms qui nous amènent à une période intéressante dans l’histoire légendaire. Léda épouse Tyndareus, et devient mère d’Hélène et des Dioskures : Althæa épouse Œneus, et a entre autres enfants, Meleagros et Deianeira ; cette dernière est fille du dieu Dionysos, et le premier, fils d’Arès[86]. Tydeus aussi est son fils, Tydeus, le père de Diomêdês : une supériorité guerrière avec des malheurs tragiques sont inséparables parmi les membres, de cette mémorable famille.

Nous sommes : assez heureux polar trouver la légende d’Althæa et de Meleagros présentée avec une étendue considérable dans l’Iliade, dans le discours prononcé par Phœnix pour apaiser la colère d’Achille. Œneus, roi de Kalydôn, dans les sacrifices qu’il offrit aux dieux à l’occasion des vendanges, omit de comprendre Artemis : cet homme mal conseillé, ou bien l’oublia, ou ne songea pas à elle[87] ; la déesse, irritée par un tel outrage, envoya contre les vignes d’Œneus un sanglier sauvage, de taille et de force immenses, qui déracina les arbres et détruisit tous leurs fruits. Ce sanglier était si terrible, qu’il n’y avait qu’une troupe nombreuse d’hommes qui pût s’aventurer a l’attaquer : cependant Meleagros, fils d’Œneus, ayant réuni un nombre considérable de compagnons, en partie des Kurêtes de Pleurôn, finit par le tuer. Mais la colère d’Artémis ne fut pas encore apaisée. Elle suscita une dispute entre les combattants touchant la possession de la tête et de la peau du sanglier, trophées de la victoire. Dans cette dispute Meleagros tua le frère de sa mère Althæa, prince des Kurêtes de Pleurôn ; ces Kurêtes attaquèrent les Ætôliens de Kalydôn pour venger leur chef. Tant que Meleagros prit part à la bataille, les Ætôliens eurent l’avantage. Mais il refusa bientôt de sortir, indigné des malédictions prononcées contre lui par sa mère Althæa en effet, profondément affligée de la mort de son frère se jeta à terre toute en larmes, frappa le sol de ses mains avec violence, et supplia Hadês et Persephonê d’infliger la mort à Meleagros, prières que les implacables Erynnies n’entendirent que trop bien dans l’Erèbe. Le héros ressentit si vivement cette conduite de sa mère, qu’il se tint éloigné de la guerre. En conséquence, les. Kurêtes non seulement repoussèrent les Ætôliens du champ de bataille, mais encore assaillirent les murs et les portes de Kalydôn, et furent sur le point d’accabler ses habitants terrifiés.

Il n’y avait aucun espoir de salit ; si ce n’est le bras de Meleagros : mais Meleagros reposait dans sa chambre aux côtés de sa belle épouse Kleopatra, fille d’Idas, sans s’inquiéter de la situation critique. Tandis qu’on entendait les cris que poussaient aux portes les assaillants presque certains de la victoire, les vieillards d’Ætôlia et les prêtres des dieux suppliaient instamment Meleagros de sortir[88], lui offrant la plus belle terre à son choix dans la plaine de Kalydôn. Ses amis les plus chers, son père Œneus, ses soeurs, et jusqu’à sa mère elle-même, ajoutèrent, leurs supplications, mais il demeura inflexible. Enfin les Kurêtes pénétrèrent dans la ville et se mirent à l’incendier : à ce moment suprême, Kleopatra son épouse, dans un appel pathétique, le conjura de détourner d’elle et de sa famille les affreuses horreurs qui les menaçaient tous. Meleagros ne put résister davantage : il mit son armure, sortît de sa chambre et repoussa les ennemis. Mais quand le danger fut passé, ses compatriotes lui refusèrent les splendides présents qu’ils lui avaient promis, parce qu’il avait rejeté leurs prières et n’était sorti que d’après l’inspiration de son propre caprice hautain[89].

Telle est la légende de Meleagros dans l’Iliade : un vers dans le second livre mentionne simplement la mort de Meleagros sans plus de détails, comme pour expliquer pourquoi Thoas parut comme chef des Ætôliens devant Troie[90].

Des poètes postérieurs ont étendu et modifié la fable. Les Eoiai hésiodiques, aussi bien que le vieux poème appelé Minyas, représentaient Meleagros comme ayant été tué par Apollon, qui prêta son aide aux Kurêtes dans la guerre ; et l’incident du tison ardent, bien que tout à fait en désaccord avec Homère, est au moins aussi ancien que le poète tragique Phrynichus, et antérieur à Eschyle[91]. Les Mœræ ou Parques, se présentant à Althæa peu après la naissance de Meleagros, lui prédirent que l’enfant mourrait aussitôt que le tison qui brûlait, alors sur le feu placé près d’elle serait consumé. Althæa l’arracha aux flammes, l’éteignit et le garda arec le plus grand soin, jusqu’au moment où elle s’emporta de colère contre Meleagros à cause de la mort de soli frère. Alors elle jeta le tison dans le feu, et aussitôt qu’il fut consumé la Fie de Meleagros se terminé.

Nous savons par la critique de Pline que Sophocle ajouta à ce que ce sujet avait de pathétique, en racontant la mort lamentable des soeurs de Meleagros, qui succombèrent à l’excès de leur chagrin. Elles furent métamorphosées en oiseaux appelés méléagrides, et leurs larmes incessantes se changèrent en ambre[92]. Mais entre les mains d’Euripide, est-ce dans l’origine par lui ou non[93], c’est ce que nous ne pourrons pas dire, Atalantê devint le caractère et le motif saillants de la pièce, tandis que la troupe convoquée pour chasser le sanglier de Kalydôn comprenait tous les héros distingués de toutes les parties de la Grèce. Dans le fait, comme Heyne le fait remarquer avec raison, cet événement est l’un des quatre drames collectifs de la vie héroïque grecque[94], avec l’expédition des Argonautes, le siège de Thèbes et la guerre de Troie.

Pour accomplir la destruction du terrible animal que, clans sa colère, Diane avait envoyé, Meleagros réunit non seulement l’élite de la jeunesse parmi les Kurêtes et les Ætôliens (comme nous le trouvons dans l’Iliade), mais encore une troupe illustre, comprenant Kastôr et Pollux, Idas et Lynkeus, Pêleus et Telamôn, Thêseus et Peirithoos, Ankæos et Kêpheus, Jasôn, Amphiaraos, Admêtos, Eurytiôn et autres. Nestôr et Phœnix, qui paraissent comme vieillards devant les murs de Troie, déployèrent leur jeune vaillance en secourant les Kalydôniens malheureux[95]. Remarquable entre tous était la vierge Atalantê, fille de l’Arcadien Schœneus ; belle et sans égal pour la légèreté à la course, mais vivant dans la forêt comme chasseresse et odieuse à Aphroditê[96]. Plusieurs d’entre les héros furent tués par le sanglier ; d’autres échappèrent à la mort par divers stratagèmes : enfin Atalantê la première le frappa dans le dos, puis Amphiaraos dans l’oeil, et enfin Meleagros le tua. Epris de la beauté d’Atalantê, Meleagros lui céda les principales dépouilles de l’animal, donnant pour raison qu’elle lui avait fait la première blessure. Mais ses oncles, les frères de Thestios, les lui enlevèrent, proclamant leurs droits comme étant les parents les plus proches[97], si Meleagros refusait de garder le prix pour lui-même : celui-ci, exaspéré de cette conduite, les tua. Althæa, pénétrée de douleur à cause de la mort de ses frères et irritée contre son fils, est poussée à tirer le tison fatal qu’elle avait précieusement gardé si longtemps, et à le jeter dans les flammes[98]. La tragédie se termine par la mort volontaire d’Althæa et de Kleopatra.

Quelque intéressante que soit en elle-même Atalantê, la chasseresse arcadienne, ce caractère n’est qu’une intrusion, et une intrusion faite assez mal à propos, dans le récit homérique de la chasse du sanglier de Kalydôn, où une autre femme, Kleopatra, occupait déjà le premier plan. Mais la version plus moderne devint accréditée dans toute la Grèce et fut confirmée parure preuve que peu de personnes à cette époque se sentaient le goût de contester. Atalantê rapporta avec elle en Arcadia les dépouilles et la tête du sanglier ; et là, pendant une série de siècles, restèrent suspendues dans le temple d’Athênê Alea à Tegea la même peau et les défenses gigantesques, longues de trois pieds. Callimaque les mentionne comme y étant conservées dans le troisième siècle avant l’ère chrétienne[99] ; mais ce qui prouve le mieux la valeur extraordinaire qu’on y attachait, c’est que l’empereur Auguste prit les défenses à Tegea, en même temps que la grande statue d’Athênê Alea, et les fit transporter à Rome, pour y être gardées parmi les curiosités publiques. Même un siècle et demi plus tard, lorsque Pausanias visita la Grèce, on lui montra la peau usée par le temps, et l’on n’avait pas oublié le vol des défenses.

Les restes du sanglier n’étaient pas non plus le seul souvenir de l’héroïque entreprise qui fût conservé à Tegea. Au fronton du temple d’Athênê Alea, monument sans égal dans le Péloponnèse pour la beauté et la grandeur, le célèbre sculpteur Scopas avait exécuté un de ses bas-reliefs les plus parfaits, représentant la chasse de Kalydôn. Atalantê et Meleagros étaient placés au premier rang des assaillants, tandis qu’Ankæos, un des héros Tégéens, auquel les défenses du sanglier avaient été fatales[100], était représenté succombant à sa mortelle blessure entre les bras de son frère Epochos. Et Pausanias fait observer que les Tégéens, tout ayant montré la même ardeur honorable que d’autres communautés arcadiennes dans la conquête de Troie, la lutte contre Xerxès, et la bataille de Dipæa contre Sparte, peuvent à bon droit revendiquer pour eux-mêmes grâce à Ankæos et à Atalantê, l’honneur d’avoir pris part, seuls de tous les Arcadiens, il, la glorieuse chasse de Kalydôn[101]. Tant est naïve et entière la foi que les Tégéens et Pausanias ajoutent h l’ancienne réalité historique de cette romanesque aventure.. Strabon, il est vrai, essaie (le transformer le roman en quel que chose qui a une ressemblance extérieure avec l’histoire, en faisant remarquer gaze la querelle au sujet de la tête et de la peau du sanglier ne peut avoir été la cause réelle de la guerre entre les Kurêtes et les Ætôliens ; la vraie cause de la dispute (prétend-il) fut probablement la possession d’une portion de territoire[102]. Ses remarques sur cette tête sont analogues à celles de Thucydide et d’autres critiques, quand ils attribuent la guerre de Troie, non à l’enlèvement d’Hélène, mais à des vues de conquête et à des craintes politiques. Mais il regarde le fait général de la bataille entre les Kurêtes et les Ætôliens, mentionné dans l’Iliade, comme un événement réel, historique, incontestable, et il récapitule en même temps une quantité de différences venant de différents auteurs, mais sans donner son propre jugement sur la vérité ou la fausseté de leurs assertions.

Si Atalantê n’est qu’une intrusion dans la chasse de Kalydôn, elle semble aussi avoir été introduite de la même manière dans les mémorables jeux funèbres célébrés après le décès de Pélias à Iôlkos, où elle n’avait pas place à l’époque où furent exécutés les travaux sur le coffre de Kypselos[103]. Mais le véritable lieu de sa naissance est l’Arcadia, où l’on montrait encore du temps de Pausanias la carrière oïl elle courut, près de la ville de Methydrion[104]. Cette carrière avait été le théâtre de la mort de plus d’un prétendant malheureux. Car Atalantê, opposée au mariage, avait déclaré que sa main ne serait gagnée que par le concurrent qui la dépasserait a la course : tous ceux qui essayèrent sans succès furent condamnés a périr ; et nombreux étaient ceux auxquels sa beauté et sa légèreté, également incomparables, avaient été fatales. Enfin Meilaniôn, qui avait tâché en vain de gagner son affection par des services assidus dans ses excursions à la chasse, osa entrer dans la périlleuse lice. Sachant qu’il ne pouvait espérer la dépasser que par la ruse, il avait obtenu de la bienveillance d’Aphroditê trois pommes d’or du jardin des Hespérides, qu’il laissa successivement tomber auprès d’elle pendant qu’elle courait. La jeune fille ne put résister à la tentation de les ramasser et fut ainsi vaincue : elle devint l’épouse de Meilaniôn et la mère de l’Arcadien Parthenopæos, un des sept chefs qui périrent au siège de Thêbes[105].

Nous avons encore dans la famille d’Œneus une autre femme, dont la légende a immortalisé le nom. Sa fille Deianeira fut recherchée en mariage par le fleuve Achelôos, qui se présenta sous diverses formes, d’abord sous celle de serpent, ensuite sous celle de taureau. Elle fut délivrée des importunités de cet odieux prétendant par l’arrivée d’Hêraklês, qui engagea le combat avec Achelôos, le vainquit et brisa une de ses cornes, qu’Achelôos racheta en lui abandonnant la corne d’Amaltheia, qui avait la merveilleuse propriété de fournir en abondance à son possesseur tous les mets et toutes les boissons qu’il désirait. Hêraklês reçut, pour récompense de sa vaillance, la main de Deianeira, et céda à Œneus la corne d’Amaltheia comme son cadeau de noces[106]. Forcé de quitter la demeure d’Œneus, pour avoir clans un accès de colère frappé le jeune serviteur Eunomos et l’avoir tué involontairement[107], Hêraklês se retira à Trachin, en traversant le fleuve Euênos à l’endroit où le centaure Nessos avait coutume de passer les voyageurs pour un salaire. Nessos passa Deianeira ; mais quand il fut arrivé de l’autre côté, il se mit à la traiter avec brutalité ; à cette vue Hêraklês le tua d’une flèche trempée dans le poison de l’hydre de Lerne. Le centaure mourant conseilla à Deianeira de conserver le sang empoisonné qui coulait de sa blessure, lui disant qu’il opérerait comme un philtre pour lui regagner la tendresse d’Hêraklês, si jamais elle venait à être menacée d’une rivale. Quelque temps après, le héros vit et aima la belle Iole, fille d’Eurytos, roi d’Œchalia : il prit la ville d’assaut, tua Eurytos, et fit Iolê prisonnière. Deianeira, docile au mauvais conseil, eut recours alors à son philtre supposé : elle envoya comme présent à Hêraklês une magnifique tunique imprégnée secrètement du sang empoisonné du centaure. Hêraklês se para de la tunique à l’occasion d’un sacrifice solennel qu’il offrait a Zeus sur le promontoire Kênæon en Eubœa ; mais le fatal vêtement, une fois mis, s’attacha à lui d’une manière indissoluble, brûla sa peau et sa chair, et lui occasionna d’horribles souffrances dont la mort seule put le délivrer. Deianeira se tua de désespoir à la suite de cette déplorable catastrophe[108].

Nous n’avons pas encore épuisé la carrière si pleine d’événements d’Œneus et de sa famille, illustrée surtout parmi les Ætôliens et par un culte religieux et par les éloges poétiques, et formant le sujet favori non seulement de quelques-uns des poèmes hésiodiques, mais encore d’autres anciennes productions épiques, l’Alkmæônis et le poème Cyclique, la Thêbaïs[109]. D’un autre mariage, Œneus eut pour fils Tydeus, dont la célébrité poétique est attestée par les nombreux récits différents faits et sur le nom et sur la condition de sa mère. Tydeus, ayant tué ses cousins les fils de Melas, qui conspiraient contre Œneus, fut forcé de s’exiler, et se réfugia à Argos chez Adrastos, dont il épousa la fille Deipylê. De ce mariage naquit Diomêdês, dont les brillants exploits au siège de Troie ne furent pas moins célèbres que ceux de son père au siége de Thèbes. Après le départ de Tydeus, Œneus fut déposé par les fils d’Agrios. Il tomba dans une pauvreté et dans une misère extrêmes, dont il ne fut tiré que par son petit-fils Diomêdês, après la conquête de Troie[110]. Les souffrances de cet ancien guerrier, ainsi que la restauration et la vengeance finales opérées par Diomêdês, formaient le sujet d’une tragédie, aujourd’hui perdue, d’Euripide, et les plaisanteries mômes d’Aristophane prouvent qu’elle était éminemment pathétique[111].

Lien que la généalogie d’Œneus, que l’on vient de donner, soit cri partie homérique, et semble avoir été généralement suivie par les mythographes, cependant nous en trouvons une autre entièrement différente dans Hécatée, qui l’empruntait sans douté de quelques-uns des vieux poètes : la simplicité du récit qui y est joint semble en attester l’antiquité. Orestheus, fils de Deukaliôn, passa d’abord en Môlia, et acquit le royaume : il fut père de Phytios, qui fut père d’Œneus. Œtôlos fut fils d’Œneus[112].

L’émigration primitive d’Ætôlos d’Elis en Ætôlia, et le fait, à savoir que plus tard s’établit à Elis Oxylos, son descendant au dixième degré, au moment de l’invasion du Péloponnèse par les Dôriens, étaient rappelés par deux inscriptions, l’une dans l’Agora d’Elis, l’autre dans celle de la capitale des Ætôliens, Thermon, gravées respectivement sur les statues d’Ætôlos et d’Oxylos[113].

 

 

 



[1] Iliade, VI, 151, et Odyssée, XI, 234.

[2] Homère, Odyssée, XI, 231-257 ; XV, 226.

[3] Diodore, IV, 63. Sophocle, Fragm. 1. Le génie de Sophocle est à l’occasion entraîné à jouer sur l’étymologie d’un nom, même dans les scènes les plus touchantes de ses tragédies. V. Ajax, 425. Cf. Hellanicus, Fragm., p. 9, éd. Preller.

Il y eut une première et une seconde édition de Tyrô, — τής δευτέρας Τυροΰς. Schol. ad Aristophane, Av., 276. V. le petit nombre des fragments du drame perdu dans la collection de Dindorf, p. 53. L’intrigue était sous plus d’un rapport analogue à l’Antiopê d’Euripide.

[4] Une troisième histoire, différant et d’Homère et de Sophocle, au sujet de Tyrô, se trouve dans Hygin. (Fab. 60) : elle a un caractère tragique, et est empruntée, comme tant d’autres contes de ce recueil, de l’un des drames grecs aujourd’hui perdus.

[5] Apollodore, I, 9, 7. Hésiode, Fragm. Catal., 8, Markts.

Où était située la cité de Salmôneus ? c’est un point sur lequel ceux qui parmi les anciens ont fait des recherches à cet égard ne sont pas d’accord ; était-ce dans la Pisatis, en Elis, ou en Thessalia (V. Strabon, VIII, p. 356) Euripide dans son Æolus la plaçait sur les rives de l’Alpheios (Euripide, Fragm. Æol., 1). Un village et une fontaine dans la Pisatis portaient le nom de Salmônê ; mais la mention du fleuve Enipeus semble indiquer la Thessalia comme le théâtre primitif de la légende. La naïveté du conte conservé par Apollodore (Virgile dans l’Énéide, VI, 586, l’a retouché) prouve sa date ancienne : la circonstance finale de ce conte était que la cité et ses habitants avaient été anéantis.

Ephore fait de Salmôneus le roi des Epeiens et des Pisatæ (Fragm. 15, ed. Didot). Le drame de Sophocle nommé Σαλμωνεύς, aujourd’hui perdu, était un δράμα σατυριxόν. V. Fragm. Dindorf, 483.

[6] Homère, Odyssée, XI, 280. Apollodore, I, 9, 9.

[7] Diodore, IV, 68.

[8] Homère, Odyssée, XV, 228.

[9] Homère, Odyssée, XI, 278 ; XV, 234. Apollodore, I, 9, 12. Le fond de ce curieux roman est dans l’Odyssée, et a été développé par des poètes postérieurs. Il y a des points, cependant, dans la vieille légende homérique, telle qu’on la voit brièvement esquissée dans le XVe livre de l’Odyssée, qui semblent avoir été dans la suite abandonnés ou changés. Nêleus s’empare des biens de Melampe pendant son absence ; celui-ci, à son retour de Phylakê avec les boeufs, se venge de Nêleus pour l’injure qu’il lui a faite. Odyssée, XV, 233.

[10] Hésiode, Catal. ap. Schol. Apollon. Rhod. I, 156 ; Ovide, Métamorphoses, XII, p. 566 ; Eustathe ad Odyss., XI, p. 284. Poseidôn protège soigneusement Antilochos, fils de Nestôr, dans l’Iliade, XIII, 554-563.

[11] Hésiode, Catal. ap. Schol. Ven. ad Iliad., II, 236 ; et Steph. Byz. v. Γερηνία ; Hom. II. V. 392 ; XI, 693 ; Apollodore II, 7, 3 ; Hésiode, Scut. Herc., 360 ; Pindare, Ol., IX, 32.

Selon la légende homérique, Nêleus lui-même ne fut pas tué par Hêraklês des poètes ou des logographes postérieurs, que suit Apollodore, semblent avoir regardé comme une injustice, que l’offense faite par Nêleus lui-même eût été vengée sur ses fils et non sur lui ; en conséquence ils changèrent la légende sur ce point, et rejetèrent le passage de l’Iliade comme apocryphe (V. Schol. Ven. ad Iliad., XI, 682).

Le refus de purification fait par Nêleus à Hêraklês est une véritable cause légendaire ; les commentateurs, disposés à étendre un vernis historique sur ces événements, ont donné une autre cause. — Nêleus, comme roi de Pylos, avait prêté son aide aux Orchoméniens dans leur guerre contre Hêraklês et les Thêbains (V. Sch. Ven. ad Iliad., XI, 689).

Le voisinage de Pylos se distinguait par son culte antique rendu et à Poseidôn et à Hadês : il y avait de nombreuses légendes locales concernant ces dieux (V. Strabon, VIII, p. 314, 345).

[12] Sur Nestôr. Iliade, I, 260-275 ; II, 370 ; XI, 640-770 ; Odyssée, III, 5, 110, 409.

[13] Hellanicus, Fragm. 16, éd. Didot ; Pausanias, VIII, 2, 3 ; Hérodote, V, 65 ; Strabon, XIV, p. 633. Hellanicus, en donnant la généalogie depuis Nêleus jusqu’à Melanthos, la fait passer par Periklymenos et non par Nestôr : les termes d’Hérodote disent d’une manière implicite que lui, Hérodote, doit y avoir compris Nestôr.

[14] Hérodote, V, 67 ; Strabon, VI, p. 264 ; Mimnerme, Fragm. 9, Schneidewin.

[15] Iliade, II, 715.

[16] Apollodore, I, 9, 15 ; Eustath. ad Iliad., II, 711.

[17] Euripide, Alkêstis, init. Welcker, Griechisch. Tragoed. (p. 344) sur la pièce perdue de Sophocle appelée Admétos ou Alkêstis ; Homère, Iliade, II, 766 ; Hygin, Fab. 50-51 (Sophocle, Fr. Inc., 730 ; Dind. ap. Plutarch., Defect. Orac., p. 417). Le conte de la servitude temporaire de certains dieux, punition infligée par ordre de Zeus pour mauvaise conduite, revient assez souvent parmi les incidents du monde mythique. Le poète Panyasis (ap. Clem. Alexand., Adm. ad Gent. p. 33).

La vieille légende suivait l’idée fondamentale avec une remarquable logique. Laomedôn, comme maître temporaire de Poseidôn et d’Apollon, menace de leur lier les pieds et les mains, de les vendre dans les îles éloignées, et de leur couper les oreilles à tous deux, quand ils viennent réclamer les gages stipulés (Iliade, XXI, 455). Les poètes alexandrins donnaient un tour nouveau au récit, en introduisant le motif de l’amour, et on faisant d’Apollon un esclave volontaire (Callimaque, Hymn. Apoll., 49 ; Tibulle, Eleg., II, 3, 11-30).

[18] Euripide, Alkêstis, Arg. ; Apollodore, I, 9, 15. Pour donner davantage à cette belle légende la couleur de l’histoire, on la présenta plus tard sous une forme nouvelle : Hêraklês, comme profondément versé dans la médecine, sauvait la vie d’Alkêstis, au moment où elle était près de périr d’une maladie désespérée (Plutarque, Amator., 17, vol. IV, p. 53, Wytt.).

[19] La légende d’Akastos et de Pêleus était donnée en grand détail dans le Catalogue d’Hésiode (Catal. Fragm. 20-21, Markscheff) ; Schol. Pind., Nem., IV, 95 ; Schol. Apoll. Rhod., I, 224 ; Apollodore, III, 13, 2.

[20] Cet incident se trouvait dans un des plus anciens drames d’Euripide, les Πελιάδες, aujourd’hui perdu. Moses de Chorênê (Progymnasm. ap. Maii ad Euseb. p. 43), qui donne un extrait de l’argument, dit que le poète extremos mentiendi fines attingit.

La pièce de Sophocle, Ριζότομοι, semble aussi avoir roulé sur la même catastrophe (V. Fragm. 479, Dindorf).

[21] La bienveillance de Hêrê pour Jasôn semble être plus ancienne dans la légende que son courroux contre Pelias ; du moins, elle est particulièrement indiquée dans l’Odyssée, comme la grande cause du salut du navire (XII, 70). Dans la Théogonie hésiodique, Pelias est vis-à-vis de Jasôn dans le même rapport qu’Eurystheus vis-à-vis d’Hêraklês, un maître dur et rigoureux aussi bien qu’un homme méchant et insolent, (Théog., 995). Apollonius de Rhodes conserve au premier plan la colère d’Hêrê contre Pelias, I, 14 ; II, 1134 ; IV, 242 ; V. aussi Hygin. f. 13.

Il y a une grande diversité dans les récits des circonstances immédiates se rattachant à la mort de Pelias ; Euripide, Mêdea, 491 ; Apollodore, I, 9, 27 ; Diodore, IV, 50-52 ; Ovide, Métamorphoses, VII, 162, 203, 297, 347 ; Pausanias, VIII, 11, 2 ; Schol. ad Lycoph. 175.

La légende d’Akastos et de Pêleus, telle qu’elle est racontée ci-dessus, faisait périr Akastos de la main de Pêleus. Je ne me charge pas de concilier ces contradictions.

Pausanias dit qu’il n’a pu trouver dans aucun des poètes, autant qu’il en a lu, les noms des filles de Pelias, et que le peintre Mikôn leur avait donné des noms (Pausanias VIII, 11, 1). Cependant leurs noms se trouvent dans les auteurs que Diodore copiait ; et Alkêstis, en tout cas, était la plus mémorable. Mikôn a donné les noms d’Asteropeia et d’Antinoê, tout à fait différents de ceux qui sont dans Diodore. Diodore, ainsi qu’Hygin, décharge Alkêstis de toute participation à la mort de son père (Hygin. f. 24).

Le vieux poème appelé les Νόστος (V. Argum. ad Eurip., Mêd., et Schol. Aristoph., Equit., 1321) racontait que Mêdea avait fait bouillir dans une chaudière le vieil Æsôn, père de Jasôn, au moyen d’herbes et d’incantations, et qu’elle l’en avait fait sortir jeune et vigoureux. Ovide copie cette donnée (Métamorphoses, VII, 162-203). Il est singulier que Phérécyde et Simonide disent qu’elle avait accompli cette opération sur Jasôn lui-même (Schol. Aristoph., l. c.). Diogène (ap. Stob., Florileg., t. XXIX, 92) enlève à l’histoire son caractère surnaturel, et fait de M3dea l’enchanteresse une femme qui, par ses enseignements, améliore et régénère les hommes. La mort d’Æsôn, telle qu’elle est décrite dans le texte, est empruntée de Diodore et d’Apollodore. Mêdea, semble avoir été adorée comme déesse dans d’autres lieux encore que Corinthe (v. Athenagor., Legat. pro Christ., 12 ; Macrobe, I, 12, p. 217, Gronov.).

[22] Ces jeux funèbres en l’honneur de Pelias étaient au nombre des incidents mythiques les plus renommés : Stésichore les célébra dans un poème spécial, et ils se trouvaient représentés sur le coffre de Kypselos à Olympia. Kastôr, Meleagros, Amphiaraos, Jasôn, Pêleus, Mopsos, etc., y combattaient (Pausanias, V, 17, 4 ; Stésichore, Fragm. 1, p. 54, éd. Klewe ; Athénée, IV, 172). Plutarque atteste indirectement combien les détails en étaient familiers à l’esprit des Grecs lettrés, Sympos., v. 2, vol. III, p. 762, Wytt.

[23] Hésiode, Théogonie, 998.

[24] Selon le Schol. ad Euripid., Mêdea, 20, Jasôn épouse la fille d’Hippotês, fils de Kreôn, lequel est fils de Likæthos. Likæthos, après que Bellerophôn fut parti de Corinthe, régna vingt-sept ans ; ensuite Kreôn régna trente-cinq ans ; puis vint Hippotês.

[25] Apollodore, I, 9-27 ; Diodore, IV, 54. La Mêdea d’Euripide, qui, heureusement, nous a été conservée, est trop bien connue pour avoir besoin qu’on s’y réfère expressément. Il représente Mêdea comme donnant la mort à ses propres enfants, et tire de cette circonstance les traits les plus pathétiques de ce drame si beau. Parmeniskos l’accusait d’avoir été gagné il pris d’argent par les Corinthiens pour donner ce tour à la légende, et nous pouvons regarder l’accusation comme une preuve que le conte plus ancien et plus répandu imputait aux Corinthiens le meurtre des enfants (Schol. Eurip., Mêdea, 275, où Didyme donne le récit tiré du vieux poème de Kreophylos). V. aussi Élien, V. H., v. 21 ; Pausanias, II, 3, 6.

Le fait le plus significatif par rapport à la fable, c’est que les Corinthiens célébraient périodiquement un sacrifice propitiatoire en l’honneur d’Hêrê Akræa, de Mermeros et de Pherês, comme expiation du péché qu’ils avaient commis en violant le sanctuaire de l’autel. La légende naquit de cette cérémonie religieuse, et fut arrangée ainsi comme pour l’expliquer et en rendre raison (V. Euripide, Mêdea, 1376, avec le Schol. Diod., IV, 55).

Mermeros et Pherês étaient les noms donnés aux enfants de Mêdea et de Jasôn dans les anciens vers Naupaktiens ; cependant la légende doit y avoir été racontée d’une manière toute différente, puisqu’ils disent que Jason et Mêdea étaient allés de Iôlchos, non à Corinthe, mais à Korkyra, et que Mermeros avait péri à la chasse, sur le continent opposé de l’Épire. D’autre part, Kinæthôn, autre ancien poète généalogiste, appelait les enfants de Mêdea et de Jasôn Eriôpis et Mêdos (Pausanias, II, 3, 7). Diodore leur donne des noms différents (IV, 31). Hésiode, dans la Théogonie, parle seulement de Mêdeios comme fils de Jasôn.

Mêdea ne parait ni dans l’Iliade ni dans l’Odyssée : dans le premier poème nous trouvons Agamêdê, fille d’Augeas qui tonnait tous les poisons (ou remèdes) que la terre nourrit (Iliade, XI, 710) ; dans le second nous avons Circê, soeur d’Æêtês, père de Mêdea, et vivant dans l’île d’Ææa (Odyssée, X, 70). Circê est fille du dieu Hêlios, comme Mêdea est sa petite-fille, — elle est elle-même déesse. Elle est, sous bien des points, le pendant de Mêdea : elle avertit et sauve Odysseus de tous ses dangers, comme Mêdea aide Jasôn : d’après le récit hésiodique, elle eut deux enfants d’Odysseus, Agrios et Latines (Théog., 1001).

Odysseus va à Ephyrè trouver Ilos, le fils de Mermeros, afin de se procurer du poison pour ses flèches ; Eustathe traite ce Mermeros comme le fils de Mêdea (V. Odyssée, I, 270, et Eustathe). Comme Ephyrè est le nom légendaire de Corinthe, nous pouvons présumer que c’est là un fil du même tissu mythique.

[26] V. Euripide, Æol. Fragm. 1, Dindorf ; Dicæarq., Vit. Græc., p. 22.

[27] Sur Sisyphos, V. Apollodore, I, 9, 3 ; III, 12, 6 ; Pausanias, II, 5, 1 ; Schol. ad Iliade, I, 180. Une autre légende sur l’intrigue de Sisyphos avec Tyrô est dans Hygin, fab. 60, et sur la manière dont il attrapa Hadês lui-même (Phérécy. ap. Schol. Iliad., VI, 153). Le rocher roulé par Sisyphos dans les Enfers paraît dans l’Odyssée, XI, 592. Le nom de Sisyphos était donné pendant l’époque historique aux hommes habiles dans les ruses et les stratagèmes, tels que Dercyllidês (Xénophon, Helléniques, III, 1, 8). Il passait pour le père réel d’Odysseus, bien que Heyne (ad Apollod. I, 9, 3) traite celui-ci comme un autre Sisyphos, supposition par laquelle il détruit la justesse de l’épithète concernant Odysseus. Doubler et tripler des personnages synonymes est une ressource ordinaire dans le but de ramener les légendes à une suite qui semble être chronologique.

Même à l’époque d’Eumêle on observait un mystère religieux au sujet des tombes de Sisyphos et de Nêleus, — ce dernier était aussi mort à Corinthe, — personne ne pouvait dire où ils étaient enterrés (Pausanias, II, 2, 2).

Sisyphos trompa même Persephonê et s’échappa des Enfers (Théognis, 702).

[28] Pausanias, II, 1, 1. 3, 10. Schol. ad Pindare, Olymp., XIII,74. Schol. Lycoph. 174-1024. Schol. Apoll. Rhod. IV, 1212.

[29] Simonid. ap. Schol. ad Euripid., Mêdea, 10-20 ; Théopompe, Fragm. 340, Didot ; bien que Welcker (Der Episch. Cycl., p. 29) pense que ceci n’appartienne pas à l’historien Théopompe. Epiménide aussi suivait l’histoire d’Eumêle en faisant d’Æêtês un Corinthien (Schol. ad Apollod. Rhod. III, 2.12).

[30] Schol. Eurip., Mêdea, 10. Cf. aussi v. 1376 de la pièce elle-même, avec les Scholies et Pausanias, II, 3, 6. Alkman et Hésiode représentaient tous deux Mêdea comme une déesse (Athenagoras, Legatio pro Christianis, p. 54, éd. Oxon.).

[31] Pausanias, II, 31 10 ; Schol. Pindar., Olymp., XIII, 74.

[32] Schol. Pindar., Olymp. XIII, 32-74 ; Plutarque, de Herodot. Malign., p. 1171.

[33] Pindare, Olymp., XIII, 98, et Schol. ad 1 ; Schol. ad Iliad., VI, 155 ; ceci semble être le sens de l’Iliade, VI, 191.

Le drame aujourd’hui perdu de Sophocle, Iobatês, et les deux d’Euripide appelés Sthenebœa et Bellerophôn, traitaient des aventures de ce héros. V. la collection du petit nombre de fragments qui restent dans Dindorf, Fragm. Sophocle, 280 ; Fragm. Euripide, p. 87-108, et Hygin, f. 67.

Welcker (Griechische Tragoed., II, p. 777-800) a rapproché d’une manière ingénieuse tout ce que l’on peut deviner au sujet des deux pièces d’Euripide.

Voelcker cherche à prouver que Bellerophôn est identique à Poseidôn Hippios, — personnification distincte de l’un des attributs du dieu Poseidôn. A l’appui de cette conjecture il donne quelques raisons plausibles (Mythologie des Japetisch. Geschlechts, p. 129 sqq.).

[34] Iliade, VI, 155-210.

[35] Euripide, Mêdea, 1250, avec les Scholies, récit d’après lequel Inô tua ses deux enfants.

Cf. Walckenaer, Diatribe in Eurip. ; Apollodore, I, 9, 1-2 ; Schol. ad Pindar., Argum. ad Isthm., p. 180. On peut voir dans Hygin, fabl. 1-5, les nombreuses variétés de la fable d’Athamas et de sa famille ; Philostephanus ap. Schol. Iliad., VII, 86 : c’était un sujet favori pour les poètes tragiques, et il fut traité par Eschyle, par Sophocle et par Euripide dans plus d’un drame (V. Welcker, Griechische Tragoed., vol. I, p. 312-332 ; vol. II, p. 612). Heyne dit que la vraie leçon du nom est Phrixus, non Phryxus, — forme incorrecte, à ce que je crois : Φρύξος rattache le nom à la fois à l’histoire du blé grillé (φρύγειν) et à la contrée Φρυγία, dont on prétendait que Phryxos était l’éponyme. Inô, ou Leukothea, était adorée comme héroïne à Megara ainsi qu’à Corinthe (Pausanias, I, 42, 3). La célébrité des jeux Isthmiques porta son culte, aussi bien que celui de Palæmôn, dans la plus grande partie de la Grèce (Cicéron, de Nat. Deor., III, 16). Elle est la seule personne de cette famille que l’on trouve mentionnée soit dans l’Iliade, soit dans l’Odyssée : dans ce dernier poème, c’est une déesse de la mer, qui a jadis été une des mortelles, fille de Kadmos ; elle sauve Odysseus d’un danger imminent en mer en lui présentant son xρήδεμνον (Odyssée, v. 433 ; V. les Raffinements d’Aristide, Orat., III, p. 27). Le voyage de Phryxos et d’Hellê en Kolchis était raconté dans les Eoiai Hésiodiques : nous trouvons les noms des enfants de Phryxos et de la fille d’Æêtês cités d’après ce poème (Schol. ad Apoll. Rhod., II, 1123). Hésiode, ainsi que Phérécyde, mentionnait la toison d’or du bélier (Eratosth., Catasteriæ, 19 ; Phérécyde, Fragm. 53, Didot).

Hécatée conservait le roman du Bélier parlant (Schol. Apoll. Rhod., I, 256) ; mais Hellanicus abandonne l’histoire de la chute d’Hellê dans la mer : selon lui, elle mourut à Paktyê dans la Chersonèse (Schol. Apoll. Rhod., II, 1144).

Le poète Asius semble avoir donné la généalogie de la descendance d’Athamas et de Thémistê, à peu près comme nous la trouvons dans Apollodore (Pausanias, IX, 23, 3).

Selon les ingénieux raffinements de Dionysius et de Palæphate (Schol. ad Apoll. Rhod., II, 1144 ; Palæph., de Incred., c. 31), le bélier de Phryxos était après tout un homme nommé Krios, serviteur fidèle qui l’aida à se sauver ; d’autres imaginèrent un vaisseau avec une tête de bélier à l’avant.

[36] Plutarque, Quæst. Græc., c. 38, p. 299. Schol. Apoll. Rhod., II, 655.

[37] On connaît peu de chose de l’Athamas de Sophocle, dont le sujet était ce sacrifice projeté, mais non accompli, si ce n’est par un passage d’Aristophane et par les scholies qui le concernent (Nubes, 258). Athamas paraissait dans ce drame avec une guirlande sur la tête, sur le point d’être sacrifié en expiation de la mort de son fils Phryxos, quand Hêraklês intervient et le délivre.

[38] Hérodote, VII, 197 ; Platon, Minôs, p. 315.

[39] Platon, Minôs, c. 5. Comme preuve du fait existant encore ou supposé existant, ce dialogue est tout à fait suffisant, bien qu’il ne soit pas de Platon.

Clemens Alexand., Admon. ad Gent., p. 27, Sylb. Au sujet des sacrifices faits dans le temple de Zeus Lykæos en Arcadia, V. Platon, Republ., VIII, p. 565. Pausanias (VIII, 38, 5) semble, lorsqu’il était sur les lieux, avoir reculé même devant l’idée de demander ce qu’ils étaient, preuve frappante de l’idée effrayante qu’il s’en était faite. Plutarque (de Defectu Oracul., c. 14) parle de τάς πάλαι ποιουμένας άνθρωποθυσίας. Le Schol. ad Lycophron. 229, fait le récit d’un sacrifice d’enfants offert à Melikertês à Ténédos ; et Apollodore (ad Porphy., de Abstinentia, II, 5..5, V. Apollod., Fragm. 20, éd. Didot) disait que les Lacédæmoniens avaient sacrifié un homme à Arês. Au sujet de Salamis en Cypre, V. Lactante, de Falsii Religione, l. c. 21. Apud Cypri Salaminem, humanam hostiam Jovi Teucrus immolavit, idque sacrificium posteris tradidit : quod est nuper Hadriano imperante sublatum.

Au sujet des sacrifices humains dans la Grèce historique, on peut consulter un excellent chapitre de l’ouvrage de K. F. Hermann Gottesdienstliche Alterthumer der Griechen (sect. 27). De tels sacrifices avaient été une portion de la religion primitive Grecque, mais étaient tombés partout graduellement en désuétude, — excepté dans un ou deux cas isolés, dont on parlait avec horreur. Même dans ces cas aussi, la réalité du fait, dans des temps postérieurs, n’est pas à l’abri du soupçon.

[40] Pausanias, IX, 34, 4.

[41] Pausanias, IX, 34, 5.

[42] Éphore, Fragm. 68, Marx.

[43] Pausanias, IX, 36,1-3. V. aussi une légende concernant les trois filles de Minyas, qui fut traitée par Corinne, la poétesse de Tanagra, contemporaine de Pindare (Antonin., Liberalis. Narr. X).

[44] Cet exil de Hyêttos était raconté dans les Eoiai. (Hésiode, Fragm. 148, Markt.).

[45] Pausanias, IX, 37, 2 ; Apollodore, II, 41 11 ; Diodore, IV, 10. Les deux derniers nous disent qu’Erginos fut tué. Klymênê est au nombre des épouses et des filles des héros vues par Odysseus dans Hadès : elle est nommée par le Scholiaste fille de Minyas (Odyssée, XI, 325).

[46] Pausanias, IX, 37, 1-3.

[47] Plutarque, de Defectu Oracul., c. 5, p. 411 ; Strabon, IX, p. 414. La mention des gâteaux emmiellés, qui se trouve à la fois dans Aristophane (Nub., 508) et dans Pausanias (IX, 39, 5), indique que les singulières cérémonies préliminaires, obligatoires pour ceux qui consultaient l’oracle de Trophônios, demeurèrent les mêmes après un intervalle de 550 ans. Pausanias le consulta lui-même. Il y avait eu dans un temps un oracle de Tirésias à Orchomenos, mais il s’était tu à une époque reculée (Plutarque, Defect. Oracul., c. 44, p. 434).

[48] Homère, Hymn. Apollon., 296 ; Pausanias, IX, 11, 1.

[49] Pausanias, IX, 37, 3. Une histoire semblable, mais beaucoup plus romanesque et plus développée, est racontée par Hérodote (II, 121), au sujet du caveau renfermant le trésor de Rhampsinite, roi d’Égypte. Charax (ap. Schol. Aristoph., Nub., 508) donne le même conte, mais il place la scène clans la voûte servant de trésor à Augias, roi d’Elis, qu’il dit avoir été bâtie par Trophônios, auquel il attribue,une généalogie tout à fait différente. Les aventures romanesques du conte le rendaient éminemment propre à être entremêlé à un point ou à un autre d’une histoire légendaire, dans un pays quelconque.

[50] Pausanias, IX, 38, 6 ; 29, 1.

[51] Schol. Apoll. Rhod., I, 230. Cf. Schol. ad Lycophron. 873.

[52] Schol. Pind., Olymp., XIV, 5.

[53] Schol. Pind., Isthm., I, 79. D’autres différences se trouvent dans Schol. Vett. ad Iliad., II, Catalog. 18.

[54] Odyssée, XI, 283 ; Pausanias, IX, 36, 3.

[55] Iliade, II, 5, 11 ; Odyssée, XI, 283 ; Hésiode, Fragm. Eoiai, 27, Düntzer. Pindare, Olymp., XIV, 4. Hérodote, I, 146 ; Pausanias les appelle Minyæ même dans leurs relations avec Sylla (IX, 30, 1). Buttmann, dans sa dissertation (über die Minyœ der Aeltesten Zeit, dans le Mythologus, Diss. XXI, p. 218), doute que le nom de Minyæ ait jamais été un nom réel ; mais tous les passages sont contraires à son opinion.

[56] Schol. Apoll. Rhod., II, 1186, I, 230 et I, 763 : de plus, Eustathe, ad Iliad., II, 512. Steph. Byz., v. Μινύα. Orchomenos et Pylos se confondent dans l’esprit du poète de l’Odyssée, XI, 458.

[57] Phérécyde, Fragm. 56, Didot. Nous voyons par le 55e Fragment du même auteur qu’il étendait la généalogie de Phryxos jusqu’à Pheræ (Phères) en Thessalia.

[58] Hérodote, IV, 145 ; Strabon, VIII, 337-347 ; Homère, Iliade, XI, 721 ; Pausanias, V, 1, 7, prés d’Élis.

[59] Iliade, IX, 381.

[60] V. la description de ces canaux ou Katabothra dans l’ouvrage du colonel Leake : Travels in Northern Greece, vol. II, c. 15, p. 281-293, et une autre plus détaillée encore dans Fiedler, Reise durch alle Theile des Koenigreichs Griechenland, Leipzig, 1840. Il reconnaît quinze puits perpendiculaires creusés dans le dessein de faire parvenir l’air dans le tunnel, et dont le premier était séparé du dernier par environ 5.900 pieds : maintenant ils sont naturellement comblés et bouchés (vol. I, p. 115).

Forchhammer assure que la longueur de ce tunnel est plus considérable que ce qui vient d’être mentionné. Il donne aussi un plan du lac Kôpaïs avec le pays environnant ; je l’ai inséré dans cette Histoire.

[61] Nous devons ce fait intéressant à Strabon, dont le récit est cependant à la fois concis et peu satisfaisant, VIII, p. 406-407. On assurait qu’il y avait eu deux anciennes villes, nommées Eleusis et Athênæ, fondées primitivement par Cecrôps, situées sur le lac, et ainsi inondées (Steph. Byz. v. Άθήναι. Diogène Laërte, IV, 23 ; Pausanias, IV, 24, 2). Pour la plaine ou le marais près d’Orchomenos, V. Plutarque, Sylla, c. 20-22.

[62] Diodore, IV, 18 ; Pausanias, II, 38, 5.

[63] Strabon, VIII, p. 374.

[64] Pausanias, IX, 17, 1 ; 26, 1.

[65] Hérodote, I, 146. Pausanias, VII, 2, 2.

[66] Theocr., XVI, 104.

Le Scholiaste donne à ces mots un sens beaucoup plus étroit qu’ils ne sont réellement. V. Diodore, XV, 79 ; Pausanias, IX, 15. Dans le discours qu’Isocrate prête à un Platéen se plaignant des procédés oppressifs de Thêbes, l’ancienne servitude et le tribut imposé jadis à Orchomenos sont reprochés aux Thêbains (Isocrate, Orat. Plataic., vol. III, p. 32, Auger).

[67] Pausanias, IX, 34, 5. V. aussi la XIVe Olympique de Pindare, adressée à Asopikos d’Orchomenos. Le savant et instructif ouvrage de K. O. Muller, Orchomenos und die Minyer, renferme tout ce qu’on peut savoir touchant cette ville jadis célèbre ; le contenu du livre, en effet, va bien au delà des promesses du titre.

[68] Apollodore, I, 7, 4. Kêix, — roi de Trachine, — l’ami d’Hêraklês et le protecteur des Hêraklides autant que le lui permettait son pouvoir (Hésiode, Scut. Hercul., 355-473 ; Apollodore, II, 7, 5 ; Hécatée, Fragment. 353, Didot).

[69] Kanakê, fille d’Æolos, est un sujet d’un profond intérêt tragique, et dans Euripide et dans Ovide. La onzième Héroïde de ce dernier, principalement fondée sur la pièce nommée Solos, aujourd’hui perdue, du poète grec, est supposée adressée par Kanakê à Macareus, et contient la description pathétique du sort malheureux d’une passion entre un frère et une soeur. V. les fragments de Æolos dans la collection de Dindorf. Dans le conte de Kaunos et de Byblis, tous deux enfants de Milêtos, les suites d’une passion incestueuse sont différentes, mais elles ne sont guère moins tristes (Parthenios, Narr., XI).

Makar, fils d’Æolos, est le premier habitant de l’île de Lesbos (Homère, Hymn. Apoll., 37) ; de plus, dans l’Odyssée, Æolos, fils d’Hippotês, le dispensateur des vents, a six fils et six filles qu’il marie ensemble (Odyssée, X, 7). Les deux personnages appelés Æolos sont réunis par un lien généalogique (V. Schol. ad Odyssée, l. c., et Diodore, IV, 67) ; mais il semble probable que ce fut Euripide qui la premier mit les noms de Macareus et de Kanakê dans le rapport qui lotir donne leur célébrité poétique. Sostrate (ap. Stob., t. 614, p. 404) ne peut être considéré comme ayant puisé à une source plus ancienne qu’Euripide. Welcker (Griech. Tragoed., vol. II, p. 860) réunit tout ce qu’on peut savoir touchant la structure du drame perdu d’Euripide.

[70] Iliade, V, 386 ; Odyssée, XI, 306 ; Apollodore, I, 7, 4. De même, dans la Théogonie hésiodique, Typhôeus, le dernier ennemi des dieux, est tué avant de parvenir à toute sa croissance (Théog., 837). Pour les différents changements qu’a subis cette ancienne légende homérique, V. Heyne, ad Apollodore, l. c., et Hygin, f. 28. Les Alôides étaient mentionnés dans les poèmes hésiodiques (ap. Schol. Apoll. Rhod., I, 482). Ce n’est pas eux qu’Odysseus voit dans l’empire d’Hadès, comme le dit Heyne par méprise ; c’est leur mère Iphimêdea. Virgile (Æn., VI, 582) leur assigne une place parmi les coupables punis dans le Tartare.

Eumêle, le poète corinthien, désignait Alôeus comme fils du dieu Hêlios et frère d’Æêtês, le père de Mêdea (Eumêle, Fragm. 2, Marktscheffel). La scène de leur mort fut dans la suite placée à Naxos (Pindare, Pyth., IV, 88.) : on voyait leurs tombes à Anthêdôn en Bœôtia (Pausanias, IX, 22, 4). La très curieuse légende dont parle Pausanias, tirée d’Hégisinoos, l’auteur d’une Atthis, — et où l’on lit qu’Otos et Ephialtês furent les premiers qui établirent le culte des Muses sur l’Helikôn, et qu’ils fondèrent Askra avec Œôklos, le fils de Poseidôn, — est une de celles que nous n’avons aucun moyen de suivre plus loin (Pausanias, IX, 29, 1).

L’histoire des Aloïdes, telle que la donne Diodore (V, 51, 52), est différente presque en tout point : elle est évidemment empruntée de quelque archéologue de Naxos, et le seul renseignement que nous y recueillions, c’est qu’Otos et Ephialtês reçurent à Naxos les honneurs rendus aux héros. Les vues d’O. Muller (Orchomenos, p. 387) me paraissent étrangement vagues et imaginaires.

Ephialtês prend part au combat des géants contre les dieux (Apollodore, t. VI, 2), et à ce propos Heyne fait remarquer, comme dans tant d’autres cas, Ephialtês hic non confundendus cum altero Alôei filio. Observation juste à la vérité, si l’on suppose que nous avons affaire à des personnages et à des aventures d’une réalité historique, — mais qui trompe complètement par rapport à ces caractères légendaires. Car ici la conception générale d’Ephialtês et de ses attributs est dans les deux cas la même ; mais on ne peut faire s’accorder, comme faits, l’une avec l’autre, les aventures particulières qui lui sont attribuées.

[71] Hésiode, Acusilas et Phérécyde, ap. Schol. Apollon. Rhod., IV, 57 ; Apoll. Dyscole, Ίν δ̕ αυτώ θανάτου ταμίηςde Pronomin., p. 106. Bekker. La Scholie sur le vers d’Apollodore de Rhodes est très pleine de faits, et expose un grand nombre des différences que présente le conte d’Endymion. V. aussi Apollodore, I, 7, 5 ; Pausanias, V, 1, 2 ; Conon, Narr., 14.

[72] Théocrite, III, 49 ; XX, 35 ; où cependant Endymion est rattaché à Latmos en Karia (V. Schol., ad loc.).

[73] Pausanias, V, 1, 3-6 ; Apollodore, I, 7, 6.

[74] Apollodore, II, 5, 5 ; Schol Apoll. Rhod., I, 112. Selon toute probabilité, la vieille légende faisait d’Augias le fils du dieu Hêlios : Hêlios, Augias et Agamêdês forment une triple série parallèle à la généalogie corinthienne, Hêlios, Æêtês et Mêdea ; sans mentionner que l’étymologie d’Augias le rattache à Hêlios. Théocrite (XX, 55) le désigne comme le fils du dieu Hêlios, dont la faveur fit prospérer et multiplier son bétail d’une manière si surprenante (XX, 117).

[75] Diodore, IV, 13. Pausanias, V, 1, 7 ; Apollodore, II, 5, 5.

Il ne sera pas sans doute déplacé de faire remarquer que cette fable indique une condition purement pastorale, ou tout au moins une agriculture dans un état singulièrement grossier ; et la manière dont Pausanias raconte le fait dépasse même la véritable histoire. Les esclaves d’Odysseus cependant savent quel usage faire du fumier entassé devant sa clôture extérieure (Odyssée, XVII, 299) ; il n’en est pas de même du Cyclôpe, qui n’est que carnivore et berger (Odyssée, IX, 329).

L’étable où rentre le bétail venant du pâturage est appelée xόπρος dans Homère. Odyssée, X, 411 ; cf. Iliade, XVIII, 575.

L’Augias de Théocrite a beaucoup de champs de blé et de vignes, aussi bien que de bétail ; il laboure sa terre trois ou quatre fois, et bêche sa vigne avec soin (XX, 20-32).

[76] L’Iliade mentionne la colère et la retraite de Phyleus (II, 633), mais sans en dire la cause.

[77] Ces propriétés particulières leur étaient attribuées, et dans les poèmes hésiodiques et par Phérécyde (Schol. Ven. ad Il., XI, 715-750, et ad Il., XXIII, 638), mais non dans l’Iliade. Le poète Ibycus (Fragm. 11, Schneid. ap. Athenæ., II, 57) les appelle άλεxας ίσοxεφάλους, ένιγυίους, Άμφοτέρους γεγάώτας έν ώέω άργυρέω.

Il y avait des temples et un culte divin en l’honneur de Zeus Moliôn (Lactance, de Falsâ Religione, I, 22).

[78] Pausanias, V, 2, 4. L’inscription citée par Pausanias prouve que telle était la raison donnée par les athlètes Eleiens eux-mêmes pour expliquer l’exclusion ; mais il y avait plusieurs histoires différentes.

[79] Apollodore, II, 7, 2 ; Diodore, IV, 33 ; Pausanias, V, 2, 2 ; 3, 2. Il semble évident, d’après ces récits, que la véritable légende représentait Hêraklês comme ayant été défait par les Molionides : les moyens maladroits que prennent et Apollodore et Diodore pour éluder le fait ne font que le trahir. Pindare (Olymp., XI, 25-50) donne l’histoire sans aucune flatterie pour Hêraklês.

[80] Pausanias, V, 4, 1.

[81] La copie arménienne d’Eusèbe donne une généalogie différente touchant Elis et Pisa : Aëthlios, Epeios, Endymiôn, Alexinos ; puis Œnomaos et Pélops enfin Hêraklês. Quelques-uns comptaient dix générations, d’autres trois, entre Hêraklês et Iphitos, qui renouvela les jeux Olympiques interrompus. (V. copie arménienne d’Eusèbe, c. 32, p. 140.)

[82] Éphore disait qu’Ætôlos avait été chassé par Salmôneus, roi des Epeiens et de Pisa (ap. Strabon, VIII, p. 357) ; il doit avoir eu sous les yeux une histoire et une généalogie différentes de celles qui sont données dans le texte.

[83] Apollodore, I, 7, 6. Il est fait mention ici de Dôros, fils d’Apollon et de Pthia, tué par Ætôlos, qui avait reçu de lui un accueil hospitalier. On ne connaît absolument rien de tout cela ; mais la liaison qui existe entre les noms est telle qu’elle rend probable l’existence de quelque légende se rattachant à eux : il est possible que l’assistance prêtée par Apollon aux Kurêtes contre les Ætôliens, et la mort de Meleagros, tué de la main d’Apollon, que rapportent également et les Eoiai et le poème appelé Minyas (Pausanias, X, 31, 2), aient eu cette légende pour base. L’histoire se rattache à ce qui est dit par Apollodore au sujet de Dôros, fils d’Hellên.

[84] Selon l’ancien poète généalogiste Asius, Thestios était fils d’Agênor le fils de Pleurôn (Asii Fragm. 6, p. 413, éd. Marktsch.). Cf. la généalogie Ætôlienne et les remarques générales sur ce point, dans Brandstaeter, Geschichte des Ætol. Landes, etc. Berlin, 1844, p. 23, sqq.

[85] Au sujet de Lêda, voir ce qu’en disent Ibycus, Phérécyde, Hellanicus, etc. (Schol. Apollon. Rhod., I, 146). Il est curieux de rapprocher les Corinthiaca d’Eumêle : c’est un spécimen des objets sur lesquels s’étendaient ces vieux poèmes généalogiques.

[86] Apollodore I, 8, 1 ; Euripide, Meleagros, Fragm. 1. Les trois fils de Portheus sont nommés dans l’Iliade (XIV, 116) comme vivant à Pleurôn et à Kalydôn. Le nom Œneus amène, sans doute Dionysos dans la légende.

[87] ̕Πλάθετ̕, ή ούx ένόησεν άάσατο δέ μέγα θυμώ (Iliade, IX, 538), L’influence destructive d’Atê est mentionnée auparavant (v. 502). La piété de Xénophon reproduit cette ancienne circonstance : — Οϊνεως δ̕ έν γήρα επιλαθομένου τής θεοϋ, etc. (de Venat., c. 1).

[88] Ces prêtres composaient le chœur dans le Meleagros de Sophocle (Schol. ad Iliade, IX, 575).

[89] Iliade, IX, 525-595.

[90] Iliade, II, 642.

[91] Pausanias, X, 31, 2. Πλευρώνιαι, tragédie perdue de Phrynichus.

[92] Pline, Hist. nat., XXXVII, 2, 11.

[93] Il y avait une tragédie d’Eschyle, appelée Άταλάντη, dont il ne reste rien (Botha, Æschyli, Fragm. IX, p. 18). Parmi les poètes dramatiques plus récents, quelques-uns choisirent Atalantê comme sujet (V. Brandstaeter, Geschichte Ætoliens, p. 65).

[94] Il y avait un poème de Stésichore, Συόθηραι (Stésichore, Fragm. 15, p. 72).

[95] Le catalogue de ces héros est dans Apollodore, I, 8, 2 ; Ovide, Métamorphoses, VIII, 300 ; Hygin, f. 173. Euripide, dans sa pièce de Meleagros, donne une énumération et une description des héros (V. Fragm. 6 de cette pièce, éd. Matth.). Nestôr cependant, dans cette peinture d’Ovide, ne parait pas tout à fait aussi invincible que dans ses propres discours de l’Iliade. Les mythographes regardaient comme nécessaire d’expliquer pourquoi Hêraklês n’était pas présent à l’aventure de Kalydôn : il était justement à cette époque esclave d’Omphalê en Lydia (Apollodore, II, 6, 3). Telle semble avoir été l’idée d’Éphore, et cela rentre beaucoup dans son système d’interprétation (V. Éphore, Fragm. 9, éd. Didot).

[96] Euripide, Meleagros, Fragm. 6, Matth.

Il y avait un drame Meleagros de Sophocle et un d’Euripide : il ne reste guère que quelques fragments du premier, — et un peu plus du second.

[97] Hygin, f. 229.

[98] Diodore, IV, 34. Apollodore, (I, 8, 2-4) donne d’abord le récit ordinaire, contenant Atalantê, puis la narration Homérique avec quelques circonstances de plus, mais ne comprenant ni Atalantê ni le tison ardent d’où dépendait la vie de Meleagros.

[99] Callimaque, Hymn. ad Dian., 217.

[100] V. Phérécyde, Fragm. 81, éd. Didot.

[101] Pausanias, VIII, 45, 4 ; 46, 1-3 ; 47, 2. Lucien, adv. Indoctum, c. 14, t. III, p. 111, Reiz.

Les agents auxquels était confiée la garde des curiosités ou merveilles publiques à Rome (οί έπί τοΐς θαύμασιν) assuraient qu’une des défenses avait été brisée par accident dans le voyage de Grèce ; l’autre était conservée dans le temple de Bacchus dans les jardins impériaux.

On compte parmi les exploits mémorables de Thêseus, la victoire remportée sur une gigantesque et formidable laie qu’il tua sur le territoire de Krommyôn près de Corinthe. Selon quelques critiques, cette laie était la mère du sanglier de Kalydôn (Strabon, VIII, p. 380).

[102] Strabon. X, p. 466. Cette remarque est également semblable à l’appréciation que fait M. Payne Knight des véritables causes de la guerre de Troie, qui eurent (nous dit-il) un caractère politique, indépendant d’Hélène et de son enlèvement (Prolegam. ad. Homère, c. 53).

[103] Cf. Apollodore, III, 9, 2, et Pausanias, V, 17, 4. On l’a représentée luttant corps à corps avec Pêleus à ces jeux funèbres, ce qui semble étranger à son caractère.

[104] Pausanias, VIII, 35, 8.

[105] Sur les variétés de cette intéressante histoire, V. Apollod. III, 9, 2 ; Hygin, f. 185 ; Ovide, Métamorphoses, X, 560-700 ; Properce, I, 1, 20 ; Elien, V. H., XIII, I. Aristophane, Lysist., 786 et Schol. Dans l’ancienne représentation sculptée sur le coffre de Kypselos (Pausanias, V, 19, 1), Meilaniôn était montré debout près d’Atalantê, qui tenait un faon : ni lutte ni combat à la course n’étaient indiqués.

Il y a un grand désaccord dans les noms et la qualité patronymique des acteurs du récit. On désignait trois personnages différents comme pères d’Atalantê, Schœneus, Iasos et Mœnalos ; l’amant heureux dans Ovide (et vraisemblablement aussi dans Euripide) s’appelle Hippomenês, et non Meilaniôn. Dans les poèmes hésiodiques, Atalantê était fille de Schœneus ; Hellanicus l’appelait fille de Jasos. V. Apollodore, l. c. ; Callimaque, Hymn. ad Dian., 214, avec la note de Spanheim ; Schol. Eurip., Phœniss., 150 ; Schol. Théocrite, Idyll., III, 40 ; et le commentaire étendu de Bachet de Meziriac, sur les Épîtres d’Ovide, vol. I, p. 366. Servius (ad Virgile, Eglog., VI, 61 ; Æneid., III, 113) appelle Atalantê originaire de Skyros.

Les anciens Scholiastes (V. Schol. Apollon. Rhod. I, 769), ainsi que les commentateurs modernes, Spanheim et Heyne, cherchent à esquiver la difficulté en supposant deux Atalantê, — l’une Arcadienne et l’autre Bœôtienne : en admettant que le principe de leur conjecture soit acceptable, ils devraient en supposer au moins trois.

Assurément, si les personnages des mythes grecs doivent être regardés comme historiquement réels, et leurs aventures comme autant de faits exagérés ou présentés sous des couleurs Fausses, il sera nécessaire de répéter ce procédé et de multiplier ces individualités à l’infini. Et c’est là une des nombreuses raisons qui doivent faire rejeter l’hypothèse fondamentale.

Mais lorsque nous considérons ces personnages comme purement légendaires, sans qu’on puisse affirmer ou nier qu’ils aient une base historique, nous échappons à la nécessité d’employer un aussi mauvais expédient. C’est dans les attributs et non dans la qualité légale, — dans les épithètes, non dans le sujet, qu’il faut alors chercher le critérium de l’identité. Atalantê, qu’elle ait tel ou tel pour père, qu’elle soit de tel ou de tel pays, est belle, froide, dédaigneuse, téméraire, légère à la course et habile à manier l’arc : — ces attributs constituent son identité. Le Scholiaste de Théocrite (III, 40), en soutenant son hypothèse de l’existence de deux Atalantê, établit une distinction fondée sur ce même principe : il dit que l’Atalantê Bœôtienne était τοξοτίς, et que l’Atalantê arcadienne était δρομαία. Mais ceci semble être un raffinement excessif : l’habileté à lancer la flèche et la légèreté à la course servent à constituer une chasseresse accomplie.

Quant à Parthenopæos, appelé par Euripide et par beaucoup d’autres le fils d’Atalantê, il n’est pas sans importance d’ajouter qu’Apollodore, Aristarque et Aristarque, l’auteur de la Thébaïs, lui attribuaient une généalogie toute différente, — le faisant Argien, fils de Talaos et de Lysimachê, et frère d’Adrastos (Apollod. I, 9, 13 ; Aristarch. ap. Schol. Soph., Œdipe, col. 1320 ; Antim. ap. Schol. Esebyl. Sep. Theb. 532 ; et Schol. supplem. ad Euripide, Phœniss., t. VIII, p. 461, éd. Matth. Apollodore est en effet en désaccord avec lui-même dans un autre passage).

[106] Sophocle, Trachin., 7. La corne d’Amaltheia était décrite par Phêrécyde (Apollodore, II, 7, 5) : v. aussi Strabon, X, p. 458, et Diodore, IV, 35, qui cite une interprétation donnée à ces fables pour prouver qu’elles étaient la représentation symbolique d’un travail fait pur Hêraklês, qui aurait contenu par une digue le cours désordonné du fleuve, et reconquis par lui, une terre très fertile.

[107] Hellanicus (ap. Athénée, IX, p. 410), mentionnant cet incident dans deux ouvrages différents, donnait au serviteur deus noms différents.

[108] Le beau drame des Trachiniennes a rendu cette histoire familière à tout le monde. Cf. Apollod. II, 7, 7. Hygin, f. 36. Diodore, IV, 36-37.

La prise d’Œchalia était célébrée dans un très ancien poème épique par Kreophylos, où l’on retrouvait le caractère homérique et non le caractère hésiodique ; on le regardait en général comme l’œuvre d’Homère lui-même (V. Düntzer, Fragm. Epic. Græcor., p. 8. Welcker, Der Epische Cyclus, p. 229). Le même sujet était traité aussi dans le Catalogue hésiodique, ou dans les Eoiai (V. Hésiode, Fragm. 129, éd. Marktsch.) : le nombre des enfants d’Eurytos y était énuméré.

Cet exploit semble constamment mentionné comme le dernier qu’ait accompli Hêraklês, et comme précédant immédiatement sa mort ou son apothéose sur le mont Œta ; mais la légende de Deianeira et la tunique empoisonnée sont-elles bien anciennes, c’est ce que nous ne pouvons pas dire.

Le conte de la mort d’Iphitos, fils d’Eurytos, tué par Hêraklês, est aussi ancien que l’Odyssée (XXI, 19-40) ; mais il y est dit qu’Eurytos en mourant laissa son arc mémorable à son fils Iphitos (l’arc est donné ensuite par Iphitos à Odysseus, et est l’arme si fatale aux prétendants), — assertion qui s’accorde mal avec le récit où il est dit qu’Œchalia fut prise et Eurytos tué par Hêraklês. Il est évident que c’étaient des légendes distinctes et contradictoires. Cf. Sophocle, Trachin., 260-285 (où Iphitos meurt avant Eurytos), non seulement avec le passage qui vient d’être cité, mais encore avec Phérécyde (Fragm. 34, Didot).

Hygin (f. 33) diffère complètement au sujet des parents de Deianeira : il l’appelle fille de Dexamenos ; le récit qu’il fait de son mariage avec Hêraklês est sous tout rapport différent d’Apollodore. Dans celui-ci, Mnêsimachê est la fille de Dexamenos. Hêraklês la délivre des importunités du centaure Eurytiôn (II, 5, 5).

[109] V. les exemples dans Apollodore, I, 8, 4-5. Pindare, Isthmiques, IV, 32.

[110] Hécatée, Fragm. 341, Didot. Dans ce récit, Œneus est rattaché à la première découverte de la vigne et à la première fabrication du vin (οϊνος) : Cf. Hygin f. 129, et Servius ad Virg., Géorgiques, I, 9.

[111] V. Welcker (Griechisch. Tragoed., II, p. 583) sur la tragédie appelée Œneus, aujourd’hui perdue.

[112] Timoclès, Comic. ap. Athenæ, VII, p. 223. Ovide, Héroïde, LX, 153.

[113] Éphore, Fragm. 29, Didot ap. Strabon, X.