Première époque — Le recueillement après la chute
L’époque qui, dans l’histoire des peuples, fut marquée par
le triomphe du christianisme, vit aussi la ruine de la religion païenne et la
décadence du judaïsme en Palestine. Secte longtemps haïe et persécutée, mais
opiniâtre et envahissante, les chrétiens désarmaient leurs ennemis en les
convertissant à leurs croyances. Le paganisme, fondé sur le mensonge et
l’immoralité, céda peu à peu la place à la nouvelle doctrine, qui avait dû
faire, il est vrai, des concessions considérables aux idées païennes, mais
qui avait une conception plus élevée de Pendant que le judaïsme babylonien florissait sous la
direction de trois docteurs éminents, les amoraïm palestiniens ne montraient
plus ni originalité, ni profondeur d’esprit ; ceux qui sont mentionnés
dans les documents de cette époque, Haggaï Jona II et José,
disciples et successeurs d’Ami et d’Assi, étaient bien inférieurs à ceux qui
les précédèrent. La seule autorité religieuse de Au commencement du règne de Constantin, les Judéens de
l’empire romain pouvaient pratiquer leur religion en toute liberté. Cet
empereur avait, en effet, pris les mesures nécessaires, avant qu’il ne fût
chrétien, pour mettre fin aux persécutions religieuses dans son État, et il
avait promulgué une sorte d’édit de tolérance par lequel il reconnaissait à
chacun le droit d’observer le culte qui lui plairait. Les Judéens profitèrent
naturellement de cette tolérance, leurs patriarches, leurs anciens, les chefs
des écoles et des synagogues jouissaient des mêmes droits que les
ecclésiastiques chrétiens et les prêtres païens. Il fut établi que les
Judéens qui se consacrent à l’étude de Constantin ne persista pas longtemps dans ces sentiments de justice. A mesure que l’influence chrétienne s’emparait plus complètement de son esprit, il se montrait plus hostile envers les Juifs, pour lesquels le christianisme éprouvait une aversion violente. Hosius, évêque d’Espagne, Sylvestre, évêque de Rome, Paul, devenu plus tard évêque de Constantinople, la nouvelle capitale des Romains, et Eusèbe, l’historien ecclésiastique, ne cessaient d’attiser la haine contre les Juifs, ils les appelaient une secte dangereuse, perverse et sacrilège (feratis, nefaria secta), qu’on devrait exterminer. Défense fût de nouveau faite, à cette époque, aux Juifs d’accueillir des prosélytes ; convertisseurs et convertis furent menacés de châtiments rigoureux (315). Pour les chrétiens, au contraire, l’État encouragea de son appui le développement de l’esprit de prosélytisme, il interdit sévèrement aux Juifs de punir ceux d’entre eux qui manifesteraient le désir d’embrasser la religion chrétienne. Ceux qui se permettront de maltraiter les renégats à coups de pierre ou de toute autre façon seront livrés aux flammes, eux et leurs complices. L’Église s’efforça d’attirer les Juifs à sa doctrine en imposant de lourdes charges à ceux qui restaient fermes dans leurs croyances et en assurant aux apostats des avantages considérables. Pourquoi vous faites-vous tuer pour votre Dieu ? Voyez de combien de malheurs et de douloureuses épreuves il vous accable ! Venez à nous, nous vous nommerons ducs, gouverneurs et généraux. Des Juifs sans honneur et sans conscience se laissaient séduire par ces promesses, et acceptaient le baptême. L’impie Rome ou le fils de ta mère cherche à faire trébucher les fidèles, tel était le texte que les prédicateurs développaient fréquemment à cette époque dans les synagogues. Sur l’ordre de Constantin, les Juifs perdirent leurs privilèges ; cet empereur décréta qu’à l’exception de deux on trois dignitaires, ils seraient tous soumis aux charges municipales. Ce fut à cette époque qu’on vit, pour la première fois, ce
spectacle de plusieurs centaines d’évêques et d’anciens réunis à Nicée
sous la présidence de l’empereur. Cette assemblée, qui devait être, en
quelque sorte, la constatation matérielle du triomphe des chrétiens, rie
servit qu’à faire ressortir leur faiblesse et leurs dissensions intestines.
Car, au moment où le christianisme se présentait pour la première fois dans
l’éclat de sa puissance temporelle et spirituelle, toute trace de son essence
primitive avait disparu, il ne connaissait plus ai la doctrine essénienne de
l’humilité, de la fraternité et du communisme, ni la moralité austère et les
sentiments élevés des pauliniens, ni l’amour de l’étude et des recherches
critiques des écoles alexandrines. Des controverses stériles, telles que la
discussion sur l’identité de Christ le fils avec Dieu le père, allaient
occuper dès lors une place prépondérante dans l’histoire de l’Église. Le
concile de Nicée rompit le dernier lien qui rattachait encore la nouvelle
religion au judaïsme en adoptant pour la célébration de Constantin, conseillé sans doute par les évêques qui
vivaient à sa cour, renouvela contre les Juifs le décret d’Adrien qui leur
interdisait l’entrée de Jérusalem ; c’est seulement le jour anniversaire
de la destruction du temple et contre le payement d’une somme d’argent qu’ils
pouvaient dorénavant aller pleurer, au milieu des ruines du sanctuaire, sur
la chute de la ville sainte. Il est très difficile d’admettre, comme
l’affirme une légende chrétienne, que cette défense fut promulguée à la suite
d’une tentative que firent les Juifs pour reconquérir Jérusalem. Constantin
remit également en vigueur une ancienne loi qui défendait aux Juifs de
circoncire leurs esclaves. Mais, d’un autre côté, il les protégea par un édit
contre les injures et les mauvais traitements des renégats juifs qui
s’arrogeaient le droit d’outrager leurs anciens coreligionnaires. Un de ces
apostats, Joseph, semble avoir fait beaucoup de mal aux Juifs de Le règne de l’orthodoxe et fratricide Constance (337-362) fut le
signal d’une propagande énergique en faveur du christianisme, et en même
temps d’une nouvelle ère de persécution contre les Judéens. Si les évêques de
cette époque n’avaient pas été aveuglés par un ardent désir de domination et
par la soif de la vengeance, ils auraient prévu qu’en faisant appel au bras
séculier de la puissance romaine, ils se donnaient un maître et exposaient le
christianisme à un très grave danger. L’empereur Constance pouvait dire à bon
droit : Que ma volonté soit la loi de l’Église et
tienne lieu de religion. Sous son règne, les questions religieuses
étaient résolues en dernier ressort, non par les docteurs de l’Église, mais
par les eunuques et les dames de la cour. Aussi bien, un esprit de sombre
fanatisme animait tous les chrétiens, depuis l’empereur jusqu’au plus infime
de ses sujets, au point que de simples querelles de mots amenaient quelquefois
des persécutions sanglantes. Les Judéens eurent naturellement à souffrir de
cette intolérance; dés le commencement du régner de Constance, plusieurs de
leurs docteurs furent exilés, entre autres, Dimé et Isaac ben
Joseph. Plus tard, la situation des Judéens devint encore plus
douloureuse, les docteurs furent sans cesse menacés de mort ; il se
produisit alors parmi eux un mouvement important d’émigration. Parmi les
émigrés, on remarquait Abin et Samuel bar Juda (337-338). Peu à peu, l’école de Tibériade
fut complètement délaissée, et toute activité intellectuelle cessa parmi les
Judéens de Au commencement de son règne, Constance soutint de
nombreux combats contre le roi des Perses, Schabur II, qui n’avait attendu
que la mort de Constantin pour attaquer l’empire romain. Les légions de
Constance furent défaites dans plusieurs rencontres, les Perses passèrent
l’Euphrate et répandirent la terreur jusqu’à Antioche. Un autre ennemi
menaçait l’empire, c’étaient les Sarrasins, tribu barbare, établie sur les
frontières de l’Europe et de l’Asie, qui faisait de fréquentes incursions sur
le territoire romain. Comme la possession de L’empereur Constance prit encore une autre mesure vexatoire
contre les Judéens. Malgré la défense que le concile de Nicée leur en avait
faite, un grand nombre de communautés chrétiennes de l’Asie Mineure, de Peu de temps après sa victoire sur les Judéens, Ursicinus tomba en disgrâce (354) et Gallus fut tué par ordre de l’empereur Constance. Ces événements ne modifièrent pas la situation des Juifs, qui continuèrent à être persécutés comme hérétiques. On les accusa même d’être athées, parce qu’ils ne reconnaissaient pas la divinité de Jésus, et on promulgua cette loi (357) : que tout chrétien qui entre dans la communauté des blasphémateurs juifs encourt la confiscation de tous ses biens. Les impôts, qui pesaient déjà d’un poids très lourd sur les Judéens, furent considérablement augmentés, sous prétexte que des athées et des blasphémateurs ne méritaient ni protection, ni pitié. D’un autre côté, la collecte des impôts payés par les Juifs pour subvenir aux frais du patriarche fut ou allait être interdite. Les épreuves douloureuses que traversèrent les Judéens
engagèrent le patriarche de cette époque, Hillel, à faire adopter une mesure
qui montre qu’il plaçait l’intérêt public bien au-dessus de son propre intérêt.
Jusqu’alors, les calculs relatifs à la fixation des néoménies et des années
embolismiques étaient tenus secrets, et la date des fêtes était annoncée aux
diverses communautés par des messagers que le sanhédrin envoyait dans les
villes voisines de Hillel a établi son calendrier d’après des règles si
simples et si justes qu’elles ont été reconnues exactes par tous les hommes
compétents, juifs et non juifs, et que ce calendrier est encore en usage de
nos jours. L’année solaire (calculée à 365 jours) et l’année lunaire (la lunaison comprenant 29
jours, L’oppression qui pesait sur les Juifs palestiniens contribua
au développement du judaïsme en Babylonie. L’enseignement religieux prit dans
ce pays un tel essor, qu’il effaça presque, par son éclat, le souvenir des
anciennes écoles. Jusque-là, les docteurs de Rabba bar Nahmani (né vers 270, mort en 330) était originaire
de Mamal ou Mamala, ville de Galilée dont presque tous les habitants
descendaient de la famille sacerdotale d’Héli ; ils prétendaient même
que la malédiction prononcée par Dieu contre la postérité de ce grand-prêtre
continuait à peser sur eux et qu’ils mouraient tous avant d’avoir atteint la
vieillesse. Il paraît, en effet, que les vieillards étaient excessivement
rares à Mamala. — Rabba avait trois frères, Kaïlil, Uschaïa et Hanania,
tous pauvres. Les deux derniers, qui étaient retournés en Judée, vivaient
misérablement de leur métier de cordonnier ; ils étaient mêmes obligés,
faute d’autres clients, de confectionner des chaussures pour des prostituées.
Tout en étant en relations fréquentes avec ces femmes, ils conservèrent des
mœurs si pures et si austères qu’ils furent vénérés comme des saints du pays d’Israël. Uschaïa et Hanania
se laissèrent séduire par les charmes de l’Aggada ; leur frère Rabba,
esprit plus calme et plus réfléchi, se consacra à l’étude plus aride et plus
difficile des questions de casuistique. Rabba étant resté en Babylonie, ses
frères, toujours inquiets de son sort, le supplièrent de venir en Judée. Il n’est pas indifférent, lui firent-ils dire, qu’on meure en Judée ou hors de Après la mort de Juda, son maître (299), Rabba fut désigné comme chef de l’académie de Pumbadita, par modestie, il déclina cet honneur. On nomma alors Huna bar Siyya à cette dignité. Ce docteur était tellement riche qu’il fournissait des sièges dorés pour tous les élèves de son école, lesquels étaient encore à cette époque au nombre de 1400. Huna avait la ferme des douanes. Lorsque le Conseil de l’école en fut informé, il lui fit comprendre qu’il devait renoncer à une occupation, jugée alors comme méprisable, ou abandonner la direction de l’école. Huna préféra rester à la tête de l’académie ; seul, Joseph continua à ne pas reconnaître son autorité. L’école de Pumbadita ayant décliné sous la direction de
Huna, on chercha, à la mort de ce dernier, un docteur qui pût rendre à cette
académie son ancien éclat. Deux hommes paraissaient capables de la relever et
d’y attirer de nombreux disciples : Rabba et Joseph ben Hiyya, l’un par sa
dialectique et l’autre par son érudition. Le choix était très
embarrassant ; on demanda conseil aux savants de Sous la direction de Rabba, l’école de Pumbadita prit un
remarquable essor; plus de 1.200 élèves la fréquentèrent. C’est que Rabba ne
limitait pas son enseignement, comme son prédécesseur Juda, à la partie
pratique de la loi orale, il expliquait tous les traités de Rabba était, comme Akiba, un esprit synthétique, groupant
les faits isolés sous un certain nombre de rubriques générales. Son mérite
était hautement reconnu par tous ses collègues, qui lui témoignaient une
profonde vénération. Par contre, la population de Pumbadita lui marquait une
très grande hostilité ; elle était irritée des reproches violents qu’il
lui adressait sur sa conduite coupable et ses mœurs corrompues. Ayant une
fois ordonné, pendant une période de sécheresse, un jeûne et des prières
publiques, sans que la pluie demandée tombât, il dit au peuple : Ne croyez pas que le ciel nous refuse la pluie parce que
les chefs religieux d’aujourd’hui sont moins pieux et étudient moins Du temps de Rabba, les Juifs babyloniens eurent à subir une persécution qui, sans être grave, troubla néanmoins la quiétude dont ils avaient joui jusqu’alors. Cette persécution se produisit sous le nouveau roi sassanide, Schabur II, qui régna 69 ans (310-379) sur les Perses. Grâce à l’intervention de la mère de Schabur, Ifra-Ormuzd, amie des Juifs, ces derniers souffrirent bien moins que les chrétiens, qui furent traités très durement à cette époque. Voici, en résumé, ce qu’on raconte sur cet événement. Rabba fut accusé auprès du roi ou de ses conseillers d’avoir engagé les 1.200 auditeurs qui suivaient ses conférences pendant les mois de Kalla à ne pas payer la capitation ou taxe personnelle. Des ordres ayant été donnés pour s’emparer de lui, Rabba, averti du danger qui le menaçait, s’enfuit et erra dans la campagne, aux environs de Pumbadita. Un jour, il prit le bruissement du vent dans le feuillage pour le bruit d’une troupe en marche ; il crut qu’on venait pour l’arrêter et il en éprouva une telle frayeur qu’il mourut. Ses deux principaux élèves, Abaï et Râba, aidés par leurs condisciples, se mirent à la recherche de son corps ; ils le trouvèrent entouré d’oiseaux qui le protégeaient de leurs ailes. Ils observèrent en son honneur un deuil de sept jours (330). L’accusation qui avait amené la mort de Rabba ne paraît pas avoir eu d’autre suite. La reine mère Ifra envoya même une bourse pleine de denars au successeur de Rabba pour une bonne œuvre, à son choix ; il remploya au rachat de prisonniers juifs. Le successeur et ami de Rabba, Joseph bar Hiyya (né vers 270 et mort en
333), était d’une constitution débile et d’une sensibilité maladive.
Très susceptible et très irritable, il souffrait vivement de ses défauts, et
il avouait lui-même que son caractère serait toujours un obstacle à son
bonheur. Il possédait, parait-il, des champs, des plantations de palmiers et
des vignes qu’il cultivait avec beaucoup de soin et qui produisaient un vin
d’une excellente qualité. Devenu aveugle, il s’affligeait surtout de ce que son
infirmité l’empêchait d’accomplir un certain nombre de pratiques religieuses.
Joseph fut une exception parmi les divers chefs de l’académie de Pumbadita,
il préféra l’érudition à une dialectique subtile et raffinée. Sa profonde
connaissance de L’existence de Joseph fut troublée par diverses
épreuves ; une des plus douloureuses pour lui fut la perte de la
mémoire. Cet accident lui survint à la suite d’une maladie. Il arrivait
parfois que des élèves lui objectaient, dans une controverse, qu’il avait
émis autrefois une opinion contraire à celle qu’il venait d’exprimer. Quoique
ces observations ne lui fussent faites qu’avec les plus délicats ménagements,
sa susceptibilité n’en souffrait pas moins, et il disait tristement à ses
disciples : Montrez-vous indulgents pour un
vieillard, et rappelez-vous que les fragments des tables de Le collège de Pumbadita était très embarrassé pour
designer un successeur à Joseph ben Hiyya. Quatre docteurs, Abaï, Râba,
Zeïra II et Rabba bar Matana, étaient dignes à titre égal
d’être élevés à la fonction de chef d’académie. Il fut alors décidé qu’on
soumettrait une question de casuistique aux quatre candidats et qu’on
choisirait celui qui en proposerait la meilleure solution. Abaï remporta la
victoire dans ce tournoi et fut placé à la tète de l’école de Pumbadita. Ce
docteur (né vers 280
et mort en 338), surnommé Nahmani, ne connut jamais ses parents. Son
père, Kaïlil, mourut avant sa naissance, et il perdit sa mère peu de temps
après qu’il fut venu au monde. Abaï conserva un souvenir reconnaissant de la
femme qui l’avait élevé, il la désigna toujours sous le nom de mère et cita en son nom un grand nombre de
recettes médicales. Son oncle Rabba lui tint lieu de père, s’occupa de son
instruction, lui enseigna Pendant qu’Abaï dirigeait l’école de Pumbadita, le nombre des élèves alla en décroissant et tomba jusqu’à 200 ; ce qui lui fit dire, pour indiquer ce déclin, qu’il était doublement orphelin. Non pas que l’ardeur pour l’étude se fût refroidie, mais à côté de l’école d’Abaï, Râba avait fondé à Mahuza, près du Tigre, une école rivale qui attirait de nombreux disciples. Sous l’impulsion que lui imprimèrent ces deux docteurs, l’enseignement babylonien atteignit son apogée ; la sagacité et la souplesse de leur esprit leur tirent découvrir la solution de questions que leurs prédécesseurs Rabba et Joseph n’avaient pas pu résoudre. Après la mort d’Abaï, la direction de l’école fut confiée d’un commun accord à Râba bar Joseph bar Hama (né en 299 et mort en 352), de Mahuza. Râba possédait une grande fortune, il était doué d’une vaste intelligence et d’une rare pénétration, mais son caractère avait des côtés faibles qui le plaçaient au-dessous de plusieurs des docteurs de son époque. Il connaissait bien ses qualités et ses défauts ; il les décrivit, un jour, en ces termes : Des trois vœux que j’ai formés, deux seulement se sont réalisés : je me suis souhaité le savoir de Huna et la richesse de Hasda, et je les ai obtenus ; mais je n’ai pas pu acquérir la réserve et la modestie de Rabba bar Huna. Râba ressemblait, en effet, à ses compatriotes de Mahuza : il aimait le luxe et se montrait en toute circonstance orgueilleux et hautain, excepté, peut-être, envers les gens de Mahuza, qu’il flattait beaucoup et dont il désirait vivement gagner et conserver les bonnes grâces. Quand je fus nommé juge, dit-il, je craignis de perdre l’affection que me témoignaient les habitants de Mahuza, mon impartialité devant me faire forcément aimer ou haïr de tous. Abaï semble avoir blâmé chez son collègue cet ambitieux désir de se rendre populaire au détriment de sa dignité. Si un docteur est aimé de ses concitoyens, dit-il, il en est très souvent redevable, non à son mérite, mais à sin indulgence pour leurs défauts. — Les habitants de Mahuza, comme on l’a vu plus haut, descendaient pour la plupart de prosélytes, et les familles babyloniennes, très fières de leur origine, refusaient de s’allier à eux. Zeïra II les autorisa alors, dans une conférence publique, à contracter mariage avec des bâtardes. Froissés profondément, par cette autorisation, dans leur orgueil, ils se vengèrent de Zeïra en lançant contre lui — c’était la fête des cabanes — leurs cédrats. Râba blâma vivement la franchise de Zeïra : Quelle imprudence, dit-il, de faire une telle déclaration dans une communauté dont la plupart des membres descendent de prosélytes ! Pour gagner la faveur populaire, il combattit l’opinion de Zeïra et enseigna que des prosélytes pouvaient même épouser des filles de prêtres. Flattés de cette décision, les Mahuzéens en témoignèrent leur satisfaction à Râba en lui faisant don d’étoffes de soie. Râba reconnut un peu plus tard qu’il était allé trop loin, et pour diminuer en partie la considération qu’il avait paru accorder à ses compatriotes, il leur permit de s’allier à des bâtards. Les Mahuzéens lui en ayant exprimé leur mécontente-ment, il les apaisa par ces mots : Je ne fais qu’étendre vos droits, je vous laisse libres de vous unir à des familles sacerdotales ou à des bâtards. Râba avait encore un autre défaut, il aimait beaucoup l’argent. Un prosélyte de Mahuza, nommé Issor, lui avait confié une somme de 12.000 suz (7.500 francs) pour la remettre, après sa mort, à son fils. Quand Issor tomba malade, Râba espéra pouvoir garder le dépôt qui lui avait été confié, parce que, d’après la loi juive, les enfants d’un prosélyte nés avant sa conversion n’avaient pas le droit d’hériter de leur père. Un autre docteur, informé du chagrin qu’éprouvait Issor de ne pouvoir laisser par testament ses biens à son fils, lui suggéra l’idée de déclarer devant témoins que toute sa fortune appartenait à ce fils. Râba en voulut à son collègue du conseil qu’il avait donné à Issor, comme s’il lui avait fait perdre une fortune sur laquelle il avait des droits légitimes. Et cependant, une loi talmudique, tout en admettant que, d’après la légalité stricte, on n’est pas tenu de rendre aux enfants prosélytes un dépôt confié par leur père païen, condamne toutefois comme ayant agi contre l’équité et la morale tout homme qui garderait 6a pareil dépôt. Râba donna une autre preuve de sa cupidité en exigeant de ses métayers un fermage plus élevé que celui qu’on payait d’habitude en Babylonie. Sa conduite envers les indigents était parfois absolument contraire aux prescriptions de la loi écrite et de la tradition qui enseignent la douceur, la commisération et la charité. Son frère Saurien était encore plus dur que Râba. S’érigeant en censeur des mœurs, il châtiait les pauvres dont la piété ne lui paraissait pas suffisamment rigoureuse en leur imposant de durs travaux, comme à des esclaves, et en les obligeant à le porter dans sa litière dorée. Non seulement Râba ne blâma pas ces actes arbitraires, il les justifia même en déclarant qu’ils étaient conformes à une ancienne loi qui permet de traiter en esclaves les Juifs qui n’observent pas les prescriptions religieuses. Il faut dire que la simplicité et l’austérité des mœurs
d’autrefois avaient fait place, chez un grand nombre de Juifs babyloniens, à
la vanité, à l’orgueil et à l’amour du luxe. Certains docteurs de Râba avoua un jour que toutes les fois qu’il avait à juger
une cause dans laquelle était impliqué un docteur, il ne pouvait pas goûter
de repos avant qu’il n’eût découvert quelque argument en faveur de son
collègue. Les docteurs jouissaient du privilège de vendre, les premiers, les
produits qu’ils apportaient au marché, afin de pouvoir en tirer un pris plus
élevé ; au tribunal, leurs causes étaient jugées les premières ; ils
n’avaient pas à contribuer aux impôts collectifs payés par les communautés ;
dans les villes où l’on ignorait qu’ils étaient docteurs, ils avaient le
droit de se faire connaître, afin de jouir des privilèges attachés à leur
titre. Râba alla encore plus loin dans cette voie, il les autorisa même à se
déclarer adorateurs du feu pour se faire exempter de l’impôt du charage.
Quel contraste entre ces hommes égoïstes et ambitieux et les Tannaïtes qui
avaient toujours refusé, quelquefois au risque de leur vie, de tirer profit
de leur science religieuse ! Quoi d’étonnant que le peuple ressentît
pour la classe des savants une profonde antipathie ! Ces savants-là, disait-il d’eux avec un profond
mépris, ne nous sont d’aucune utilité ; ils font
servir leur science à leurs propres intérêts. A la tête des
adversaires des Rabbanan, se trouvait la famille du médecin Minjamin,
de Mahuza, qui raillait impitoyablement les docteurs. Ces interprètes de Malgré l’hostilité que le peuple témoignait aux savants,
on continuait à se livrer avec ardeur à l’enseignement. Les jeunes gens
affluaient de plus en plus à l’école de Râba, à Mahuza, et pour se consacrer
tout entiers à l’étude, ils négligeaient toutes leurs affaires. Râba essayait
de modérer leur zèle. Ne venez pas à mon école,
leur disait-il, au printemps et à l’automne, afin
que vous puissiez vous occuper de la récolte de votre blé, de votre vin et de
votre huile, et vous assurer ainsi des moyens d’existence pour le restant de
l’année. L’enseignement de Râba se distinguait par la clarté de
l’exposition, la profondeur de l’argumentation et l’indépendance d’esprit
avec laquelle il expliquait la tradition. Le vrai Talmud, c’est-à-dire cette
partie de l’œuvre où les docteurs se plaisent à déployer de prodigieuses
ressources de sagacité et de finesse pour soulever des difficultés et les
résoudre, pour découvrir des différences ou des ressemblances dans les
opinions de leurs prédécesseurs, où, partant d’un point quelconque, leur
pensée parcourt avec la rapidité de l’éclair toute une série de
raisonnements, cette partie où éclate l’amour de la discussion et de
l’argumentation est le produit de cette époque. Rabba, Abaï et Râba étaient,
non pas des amoraïm, des interprètes de Grâce à son vaste savoir, à sa pénétration et peut-être
aussi à ses richesses, Râba, pendant qu’il était chef d’école, était
considéré comme la seule autorité religieuse de Les Juifs qui vivaient en Perse étaient également
malheureux en ce temps, ils souffraient de la guerre acharnée qui mettait aux
prises les Perses et les Romains. Les habitants juifs de Mahuza, où un corps
d’armée perse tenait alors garnison, étaient l’objet de vexations et de
mauvais traitements de la part des soldats. Du reste, Schabur II n’aimait pas
les Juifs ; il ramena un nombre élevé de prisonniers juifs (prés de 71.000) de
l’Arménie, où ils demeuraient de temps immémorial, pour les établir dans Râba mort, l’école de Mahuza perdit toute son importance, et l’académie de Pumbadita reprit son ancien rang. Mais une sorte de lassitude s’empara dès ce moment de cette école, sa sève parut épuisée. Aucun des successeurs de Râba ne fut en état de le remplacer. Nahman ben Isaac, Papa et Hama de Nehardés, chefs des écoles babyloniennes, purent bien maintenir pendant quelque temps les traditions de fine analyse et de dialectique pénétrante de l’académie de Pumbadita, mais ils furent incapables de former quelque élève remarquable. Nahman ben Isaac (né vers 280, mort en 356) dut sa nomination comme chef d’école à son âge avancé, à sa profonde piété, et peut-être aussi à sa fermeté de caractère. Son enseignement, qui dura quatre ans, n’a laissé aucune trace. C’est à ce moment que s’éleva une nouvelle école dans le voisinage de Sora, à Narès, près du canal de ce nom. Le fondateur et le chef de l’école de Narès était Papa bar Hanan (né vers 300 et mort en 375), homme riche, et orphelin dés son enfance; son ami Huna ben Jum, également riche, était Resch Salla (professeur) de cette école. Malgré leurs efforts réunis, ils ne purent pas combler le vide laissé par la mort de Râba, et les membres de l’école de Mahuza, qui s’étaient rendus à Narès, eurent souvent l’occasion de constater cette infériorité. Un jour que Papa ne parvenait pas à élucider une question qu’il exposait, ils se communiquèrent, par des regards furtifs, l’impression pénible qu’ils en ressentaient. Papa, l’ayant remarqué, en fut très peiné et leur dit : Puissiez-vous partir d’ici en paix ! Un autre auditeur, Simaï bar Aschi, dont le fils fut plus tard le célèbre Aschi, adressa un jour plusieurs questions à Papa; celui-ci sentait qu’il ne pourrait y répondre. Craignant d’être humilié devant les assistants, il pria Dieu à voix basse de le préserver d’un tel chagrin. Simaï, témoin involontaire de cette prière, prit la résolution de garder dorénavant le silence pour ne plus mettre Papa dans un aussi cruel embarras. — Papa était un esprit flottant et irrésolu, qui ne savait même pas avoir un avis sur l’opinion des autres. Une question avait-elle reçu deux ou plusieurs solutions différentes, il n’osait s’arrêter à aucune d’entre elles : Nous adoptons les diverses solutions proposées, disait-il. Il resta pendant dix-neuf ans à la tète de l’école de Narès. L’académie de Pumbadita n’était pas mieux dirigée que
l’école de Narès ; le trait suivant suffira pour caractériser son chef, Hama,
de Nehardéa. Comme les Perses n’enterraient ni ne brûlaient leurs morts, le
roi Schabur demanda un jour à Hama si les Juifs, en inhumant les cadavres,
suivaient une prescription de Julien était un de ces caractères énergiques qui
s’imposent aux hommes et dont le souvenir se grave dans les mémoires en
traits ineffaçables. Sans sa mort prématurée et la haine dont le poursuivait
l’Église, il aurait certainement reçu le titre de grand.
Quoiqu’il appartint à la famille de Constantin, sa vie était sans cesse
menacée par les membres de cette famille, et la crainte d’être assassiné le
contraignit à pratiquer, au moins en apparence, la religion chrétienne, qui
lui était odieuse. Par un hasard des plus singuliers, il fut appelé par son
ennemi implacable, l’empereur Constance, à partager le pouvoir avec lui.
Devenu bientôt, grâce à un soulèvement militaire et à la mort de son
collègue, le seul maître de l’empire romain, Julien, que l’Église a surnommé l’apostat, résolut de mettre en pratique les
conceptions élevées qu’il avait puisées dans l’enseignement de ses maîtres
Libanius et Maxime. Protéger les opprimés de toute nation et de toute
religion établis dans son empire, alléger les charges qui pesaient sur ses
sujets, relever l’enseignement de la philosophie condamné par ses
prédécesseurs, rétablir le culte païen dépouillé de toutes les pratiques qui
pouvaient le rendre méprisable ou ridicule, et limiter la puissance toujours
croissante du christianisme, telles étaient les préoccupations de Julien. Il
avait trop souffert lui-même de la persécution pour vouloir persécuter les
chrétiens, il chercha seulement à arrêter leurs empiétements, à leur enlever
toute influence dans les conseils de l’État et la direction de
l’enseignement, et à les rabaisser par ses mordantes railleries aux yeux des
classes éclairées. Pour les Judéens, au contraire, Julien éprouvait une très
vive sympathie ; il est le seul empereur romain, après Alexandre Sévère,
qui se soit intéressé au judaïsme. D’après son propre aveu, les violences
exercées contre les Juifs et les accusations dirigées contre leur religion
par les chrétiens, sous le règne de Constance, l’avaient profondément
indigné. Cette religion, que des adversaires sans scrupule qualifiaient de
blasphématoire, il la connaissait et la respectait, il vénérait le Dieu de Aux
communautés juives, La perte de
votre indépendance vous a causé dans le passé une profonde affliction, mais
vous avez certainement souffert plus vivement encore des nouvelles taxes que
mes prédécesseurs vous imposaient sans cesse, à votre insu, et des amendes
considérables que vous étiez contraints de verser dans le trésor impérial.
J’ai vu bien des faits de ce genre de mes propres yeux, j’en ai connu un plus
grand nombre par la lecture du rôle des contributions qui, à votre grand
détriment, a été scrupuleusement conservé. Vous étiez menacés d’un nouvel
impôt, je l’ai supprimé et vous ai ainsi protégés contre une nouvelle
iniquité ; de mes propres mains j’ai jeté au feu une liste trouvée dans
les archives et contenant les contributions extraordinaires qui pesaient sur
vous, afin que personne ne pût à l’avenir vous flétrir du nom de
blasphémateurs. Il ne faut pas tant accuser de ces injustices mon frère, le
glorieux Constance, que les hommes injustes et cruels qui ont inventé ces
impôts. De la situation élevée qu’ils occupaient, j’ai précipité ces
misérables dans un profond abîme, afin d’effacer jusqu’au souvenir de leur
disparition. — Vous accordant au nouveau témoignage de bienveillance, j’ai
encouragé mon frère, le vénérable patriarche Iulos (Hillel), à
empêcher la perception de la taxe que vous appelez apostolè, et j’ai
pris soin de vous préserver de nouvelles charges et d’assurer votre
tranquillité dans tout mon empire. Grâce à la sécurité dont vous jouissez,
c’est d’un cœur sincère que vous pourrez appeler sur mon règne la protection
du Créateur tout-puissant dont la main droite m’a soutenu. Ceux qui vivent
dans la souffrance ont l’esprit affaissé et n’invoquent pas l’appui de Dieu.
Mais les hommes exempts de tout souci, à l’âme joyeuse, sont mieux disposés à
prier avec ferveur pour le salut de l’empire et à demander à Dieu de bénir
mon règne et de me soutenir dans la voie que je veux suivre. Recommandez-moi
donc à la bienveillance divine, et quand j’aurai mené à bonne fin ma campagne
contre les Perses, je me rendrai à Jérusalem, la ville sainte, et, selon le
désir que vous nourrissez depuis de nombreuses années, je la restaurerai à
mes propres frais et je m’y joindrai à vous pour glorifier le Tout-Puissant. Aucun document ne rend compte de l’impression que cette épître, si affectueuse et si habile, a produite sur les Juifs. On sait seulement, par une tradition, qu’ils appliquérent à l’empereur Julien ce verset, de Daniel (11,34) : Même quand ils (les Israélites) auront péché, ils ne resteront pas dépourvus de secours. D’après cette même tradition, Daniel aurait prophétisé que la nation juive, opprimée d’abord par Gallus, serait protégée par Julien, qui les traiterait avec bienveillance et leur promettrait de reconstruire le temple. Julien n’en resta pas à la simple promesse. Malgré les graves préoccupations que lui donnaient ses préparatifs de guerre contre les Perses, il se mit à l’œuvre pour relever le temple de Jérusalem de ses ruines ; il chargea un de ses meilleurs amis, le savant et vertueux Alype, d’Antioche, de surveiller les travaux, lui fit comprendre l’importance qu’il attachait à la réussite de cette entreprise, et l’engagea à ne reculer devant aucune dépense. Ordre fut donné aux gouverneurs de Syrie et de Palestine de soutenir Alype de leur appui. De nombreux ouvriers furent envoyés à Jérusalem pour déblayer l’emplacement du sanctuaire des ruines qui y étaient amoncelées depuis trois siècles, des matériaux de construction y furent transportés en quantité considérable. Le silence gardé par les documents juifs sur cette entreprise prouve que les Judéens n’y portèrent qu’un intérêt très modéré. D’après certains auteurs chrétiens, les communautés juives auraient envoyé des sommes considérables pour la reconstruction du temple, les femmes auraient vendu leurs bijoux pour contribuer à cette oeuvre, elles auraient même porté elles-mêmes des pierres pour hâter le travail. Ces informations sont fausses. Julien avait fourni des matériaux et des ouvriers en quantité suffisante, et les Juifs n’avaient nullement besoin de recueillir de l’argent ou de prendre part au travail. Les chrétiens répandirent aussi le bruit que Julien ne témoignait une telle bienveillance aux Juifs que pour les attirer au paganisme, ils ajoutèrent que les Juifs détruisirent de nombreuses églises en Judée et dans les pays voisins et qu’ils menacèrent les chrétiens de se venger sur eux des mauvais traitements que les empereurs chrétiens leur avaient infligés. Ces assertions ne reposent sur aucun fait, il paraît avéré, au contraire, qu’à cette époque, les chrétiens d’Édesse massacrèrent tous les Juifs de cette ville. Quoi qu’il en soit, il paraît certain que les Judéens, qui avaient cependant accompli deux ou trois révolutions et s’étaient imposé les plus douloureux sacrifices pour reconstituer leur État, assistèrent avec indifférence aux tentatives de Julien pour relever le temple. C’est qu’ils croyaient que Sion ne brillerait réellement de son ancienne splendeur qu’avec la venue du Messie, et ils ne pouvaient pas admettre que le Messie se présentât sous les traits d’un empereur romain. Il était, du reste, généralement admis à cette époque, parmi les Judéens, que le peuple juif avait promis à Dieu, par serment, de ne pas passer par-dessus le mur (reconquérir leur indépendance par la force), ni se soulever contre ses maîtres, ni secouer le joug de la tyrannie avant la venue du Messie, ni chercher, par la rébellion, à avancer l’heure de la délivrance. La reconstruction du temple de Jérusalem, entreprise par Julien, excita l’envie des chrétiens, mais elle fut interrompue dès l’origine. Au moment où les ouvriers creusèrent le soi pour mettre â nu les anciennes fondations du temple, des jets de flammes sortirent de terre et en tuèrent un certain nombre. Ce phénomène était dû, sans doute, à l’air, qui, fortement comprimé pendant des siècles dans les galeries souterraines, se détendit violemment, à la suite des travaux de terrassement, et s’alluma au contact de l’air extérieur ; les ouvriers en furent effrayés et cessèrent les travaux. Si les Judéens avaient montré plus d’ardeur pour la restauration de leur sanctuaire, il leur eût été facile de stimuler le zèle des ouvriers et de faire continuer l’œuvre commencée. Mais leur indifférence paralysa l’activité d’Alype, qui ne fit aucun effort pour mettre fin à l’interruption des travaux. On raconte que Julien accusa les chrétiens d’avoir allumé ces feux souterrains et les menaça de les enfermer, au retour de sa campagne contre les Perses, dans une prison construite avec les matériaux du temple. Cette information est puisée à une source chrétienne et ne mérite, par conséquent, aucune créance. Les chrétiens rapportent, en effet, un grand nombre de miracles imaginaires qui auraient eu lieu, à l’occasion des tentatives de restauration du temple, pour ouvrir les yeux aux Judéens sur leurs erreurs et leur faire reconnaître la divinité du Christ. Malheureusement pour les Judéens, Julien échoua dans son
expédition contre les Perses. Après avoir réuni toutes les forces dont
disposait l’empire romain pour marcher contre Schabur II, il crut pouvoir
enfin réaliser le rêve, qui avait hanté l’esprit de plusieurs généraux
romains, de faire flotter l’aigle romaine sur l’autre rive du Tigre. Les deux
armées se portèrent les principaux coups dans |