Troisième époque — La décadence
Lorsque l’empereur Tibère fut mort assassiné ( Agrippa (né vers l’an 10 avant J.-C., mort en l’an 44) était fils de
cet Aristobule, une des victimes d’Hérode, et petit-fils de Mariamne
l’Hasmonéenne ; il avait donc à la fois du sang hasmonéen et iduméen
dans les veines, et cette double origine lui avait donné des instincts
opposés qui se disputèrent d’abord son esprit, mais dont le meilleur finit
par prévaloir. Élevé à Rome et ayant grandi auprès de Drusus, le jeune
fils de Tibère, Agrippa, au début, se montra un parfait Hérodien : plat valet
de Rome, gaspillant sa fortune et s’abîmant de dettes pour capter la faveur
des maîtres. Lorsque la mort de son ami Drusus (23 après J.-C.) l’obligea de quitter Rome
et de revenir en Judée, il se trouva réduit à une telle détresse qu’il lui
fallut vivre dans un coin de l’Idumée, lui qui frayait naguère avec les fils
des Césars. Un moment, il songea au suicide ; mais son épouse Kypros,
une femme de grand cœur, chercha à le sauver du désespoir en recourant à sa
sœur Hérodiade, la princesse de Galilée, qui, vaincue par ses instances,
décida son époux Antipas à subvenir à son entretien. Agrippa fut nommé
inspecteur des marchés de Tibériade. Mais un jour, Antipas lui ayant reproché
sa dépendance, Agrippa le quitta et se réfugia auprès de Flaccus, gouverneur
de Ce Lysimaque, un des plus nobles Israélites de son temps, était l’administrateur des biens de la jeune Antonia, fille du triumvir Antoine et de sa première femme, la sœur d’Auguste (Celui-ci avait donné à sa nièce la fortune qu’Antoine avait laissée en Égypte). Lysimaque rendit tant de services à la famille impériale qu’il en devint le fils adoptif et put ajouter à son nom celui de l’empereur : Tiberius Julius Alezander. Sans aucun doute, il avait été initié à cette brillance culture grecque, dont son frère Philon était un des adeptes les plus distingués. L’arabarque n’en était pas moins profondément attaché à ses coreligionnaires et au temple. Il fit revêtir d’or fin les battants de toutes les portes conduisant de l’avant-cour du temple au parvis intérieur, à l’exception de la porte du Nicanor. Voulant sauver Agrippa, mais se défiant de sa folle prodigalité, il demanda à sa femme de se porter caution pour lui. Arrivé à Rome (printemps de l’an 36), Agrippa recommença sa vie aventureuse. Au début, Tibère, retiré à Caprice, fit bon accueil à cet ancien compagnon du fils qu’il avait perdu ; mais il lui retira bientôt sa faveur, lorsqu’il apprit quelles grosses sommes il devait au trésor impérial. Antonia, belle-sœur de Tibère et ancienne amie de Bérénice, la mère d’Agrippa, l’aida à sortir de ce nouvel embarras. Par son entremise, le jeune aventurier se vit réhabilité et devint l’ami intime de Caïus Caligula, l’héritier présomptif. Et comme si la fortune avait voulu épuiser contre lui tous ses caprices, Agrippa fut jeté dans les fers, parce qu’un jour, voulant flatter Caligula, il lui échappa de dire : Ah ! si Tibère s’en allait bientôt et laissait la couronne à plus digne que lui ! Un de ses esclaves avait rapporta le propos à l’empereur. Agrippa resta en prison jusqu’à la mort de Tibère, survenue six mois après. L’avènement au trône de son ami Caligula commença la
fortune d’Agrippa. Le nouvel empereur, le tira de prison et, en souvenir de
sa captivité, dont lui-même avait été la cause indirecte, lui fit don d’une
chaîne d’or. Il lui octroya le diadème, insigne de la royauté, et ce qui
composait autrefois la tétrarchie de Philippe, depuis dévolue à Rome. En même
temps, le sénat romain lui décerna le titre de préteur (37). Telle était
l’affection que lui avait vouée Caligula, qu’il ne le laissa partir pour En revenant roi et favori de l’empereur (août 38) dans ce
même pays qu’il avait quitté indigent et perdu de dettes, Agrippa excita la jalousie
de sa sœur Hérodiade qui, dévorée d’ambition, pressa son mari de se rendre
également à Rome et de demander, au jeune et libéral empereur, tout au moins
un royaume. Ici se montrent, au naturel, les tristes sentiments dont les
Hérodiens étaient mutuellement animés. Soit qu’il craignit de voir Antipas
gagner lui aussi la faveur de Caligula, soit qu’il voulut se venger de
l’injure qu’il en avait reçue jadis, Agrippa le noircit auprès de l’empereur,
qui le déposséda de sa tétrarchie et l’exila à Lyon, dans les Gaules (39). Sa femme le
suivit dans cet exit avec une fidélité assez inattendue. Le dernier fils
d’Hérode et sa petite-fille — Antipas et Hérodiade — moururent ainsi sur la
terre étrangère. L’empereur abandonna leur succession à son ami Agrippa, dont
la puissance territoriale, augmentée des principautés de La faveur que Caligula lui avait témoignée, et qui ne pouvait manquer de s’étendre à ses coreligionnaires, excita l’envie des païens et fit notamment éclater contre les Judéens la haine implacable qui couvait depuis longtemps dans le cœur des Grecs d’Alexandrie. De fait, les Judéens avaient des ennemis secrets ou déclarés dans tout l’empire romain. C’était un mélange de haine de race et de haine religieuse, à laquelle se joignait une vague appréhension de voir ce petit peuple, si méprisa et si fier, parvenir un jour à la toute-puissance. Mais nulle part ces dispositions malveillantes n’avaient atteint un aussi haut degré que parmi la population grecque d’Alexandrie, population turbulente, oisive et encline au dénigrement. Elle voyait d’un œil jaloux l’activité et le bien-être de ses concitoyens israélites, qui lui disputaient le premier rang sous le rapport de la fortune et même de la culture littéraire et philosophique. Cette haine datait de l’époque où une reine d’Égypte avait confié le soin des affaires extérieures à des généraux judéens ; et elle s’aviva encore par les préférences dont les Judéens furent l’objet de la part des premiers empereurs romains, qui se fiaient plus à leur fidélité qu’à celle des Grecs. Des écrivains malveillants avaient fomenté ce sentiment haineux et, pour rabaisser les Judéens, avaient dénaturé leur histoire. Le philosophe stoïcien Posidonius, originaire d’Apamée, en Syrie, qui avait assisté à l’essor de la nation judaïque sous les Hasmonéens Hyrcan Ier, Alexandre Ier et la reine Alexandra, et qui avait vu la chute du royaume de Syrie, fut le premier qui donna cours à des fables sur l’origine et le culte des Judéens, ou propagea celles qui avaient été imaginées par les flatteurs d’Antiochus Épiphane. L’invention ridicule qui attribuait aux Judéens l’adoration d’une tête d’âne, les accusations calomnieuses qui leur reprochaient d’engraisser un Grec dans le temple de Jérusalem pour le sacrifier de haïr tous les peuples en masse et la nation grecque en particulier, furent reprises par un jeune écrivain, le rhéteur Apollonius Molon, qui vivait avec Posidonius dans l’île de Rhodes. Apollonius, acceptant ces imputations comme démontrées, s’en fit l’écho et le propagateur. Il passa en revue toute l’histoire d’Israël, présenta la sortie d’Égypte comme une expulsion motivée par quelque plaie honteuse, transforma Moïse, le sublime législateur, en vulgaire magicien, et affirma que ses lois, bien loin d’enseigner la vertu, ne contenaient qu’abominations. Il en concluait que les Judéens étaient des contempteurs de Dieu et des hommes ; il leur reprochait d’être à la fois lâches et téméraires, le plus ignorant des peuples barbares, incapable de rendre aucun service à l’humanité. Cicéron, qui avait quelque liaison avec ces deux écrivains, s’inspira de leur langage dans ses odieuses sorties contre la race judaïque et ses lois. Jules César, qui fréquentait, lui aussi, Posidonius et Molon, sut mieux résister à l’influence de leurs préjugés hostiles. Plusieurs Grecs d’Alexandrie, Chérémos, Lysimaque
et autres, accueillirent avidement ces allégations, y ajoutèrent même et les
propagèrent, au plus grand préjudice des Judéens de leur temps. II n’y eut
que trois écrivains grecs qui parlèrent plus favorablement des Judéens dans
leurs écrits : Alexandre Polyhistor, Nicolas de Damas,
l’ami d’Hérode, enfin Strabon, le meilleur géographe de l’antiquité.
Dans son ouvrage, où l’histoire s’entremêle à la géographie, Strabon a
consacré une belle page au judaïsme. Si, lui aussi, considère les Judéens
comme originaires de l’Égypte, du moins il ne répète pas, quoiqu’il ait dû la
connaître, la légende qui les fait expulser du pays pour cause de lèpre et
d’impureté. Au contraire, il représente la sortie d’Égypte comme effectuée
par Moïse et motivée par l’horreur que lui inspiraient les coutumes et le
culte des Égyptiens. Strabon fit en même temps ressortir, avec une évidente
sympathie, les grandes idées mosaïques d’un Dieu unique et d’un culte sans
images, contrastant avec le polythéisme et la idolâtrie de l’ancienne Égypte,
et avec le culte grec, qui assimilait Mais Strabon fait exception parmi les écrivains grecs, qui, en général, ne manquent pas une seule occasion de diffamer les Judéens et leur doctrine. Tel est surtout l’Égyptien Apion, qui, enflammé de jalousie et de haine par les succès des Judéens, composa tout exprès contre eux un libelle où il poursuivait de ses sarcasmes ceux de cette nation qui avaient occupé un rang élevé à Alexandrie, et où il rappelait l’animosité de Cléopâtre contre les Judéens. Apion fut le premier païen qui fit une campagne en règle contre le judaïsme. Ces dispositions malveillantes des Alexandrins, inspirées à la fois par l’envie, la haine religieuse et l’antipathie nationale, durent se contenir sous Auguste et Tibère, parce que les gouverneurs impériaux de l’Égypte réprimaient sévèrement toute manifestation violente. Il en fut autrement sous Caligula : les habitants païens d’Alexandrie savaient que le gouverneur Flaccus, qui avait été l’ami de Tibère, était suspect, comme tel, aux yeux de son successeur et que celui-ci prêterait facilement l’oreille à toute accusation portée contre lui. Flaccus lui-même craignait tant d’attirer l’attention du vindicatif empereur et d’être accusé auprès de lui, que la populace d’Alexandrie lui fit faire tout ce qu’elle voulut. Il ferma les yeux sur le complot formé par elle et lui servit même d’instrument. En apprenant qu’Agrippa avait reçu le diadème royal, les païens d’Alexandrie en conçurent la plus vive jalousie. La joie de leurs concitoyens judéens, avec lesquels Agrippa était en relation par l’intermédiaire de l’arabarque Alexandre, les exaspéra encore davantage et les poussa aux violences. Ces manifestations anti-judaïques avaient surtout pour instigateurs deux misérables, l’un appelé Isidore, greffier vénal, que le peuple avait surnommé la plume de sang, parce que sa fureur d’écrire avait coûté la vie à maint innocent ; l’autre ayant nom Lampo, un de ces débauchés sans scrupules que peut produire une capitale corrompue, sous un ciel bridant. Ces deux agitateurs dominaient d’un côté le gouverneur démoralisé, et de l’autre, dirigeaient à leur gré la plèbe, qui n’attendait qu’un signal pour assouvir sa haine contre les Judéens. Par malheur, Agrippa, dont le retour de fortune, offusquait les habitants d’Alexandrie, s’arrêta dans cette ville en se rendant à Rome (juillet 38). Sa présence fournit un aliment à la fermentation qui régnait contre les Judéens et provoqua des rassemblements tumultueux, qui débutèrent par des facéties et se terminèrent dans le sang. Pour tourner en ridicule Agrippa et les Judéens, la foule prit un pauvre fou nommé Carabas, le coiffa d’une couronne de papyrus, l’affubla d’une natte de jonc en guise de manteau et lui mit en main un fouet en manière de sceptre ; puis on le plaça sur un point élevé du gymnase et on le salua roi avec toute sorte de simagrées, en l’appelant Marin’ (en chaldéen notre maître). Là-dessus la foule se rua, dès le matin, dans les proseuques ou synagogues, et y érigea des images de César, soi-disant à l’intention de Caligula. En outre, et sous la pression de leurs ennemis, Flaccus enleva aux habitants judéens d’Alexandrie le droit de bourgeoisie, dont ils avaient joui pendant des siècles sous la protection des premiers empereurs, et les déclara étrangers et déchus. Ce fut un coup accablant pour cette population, si fière de ses droits civils, qui la faisaient l’égale de ses concitoyens. Les Judéens se virent chassés des quatre quartiers d’Alexandrie et refoulés dans le quartier du Delta, près du port. La foule se précipita, avide de butin, dans les maisons et les ateliers abandonnés, pillant, détruisant ce que des siècles de travail avaient accumulé. La populace assiégea le quartier du Delta pour empêcher les Judéens d’en sortir et les faire succomber, dans cet étroit espace, à la faim et à la chaleur. Ceux que le manque de vivres forçait à sortir de leur quartier subissaient des traitements atroces, la torture, le bûcher, la mise en croix. Cette terrible situation dura plus d’un mois. Le gouverneur fit arrêter inopinément, dans leurs propres maisons, trente-huit membres du Grand Conseil ; on les traîna, chargés de chaînes, sur le théâtre, où ils furent battus de verges en présence de toute la populace (31 août 38). Même les femmes et les jeunes filles ne furent pas épargnées. Dès qu’on en apercevait une, on se jetait sur elle, on lui faisait manger de la viande de porc et, si elle résistait, on la soumettait à la plus cruelle torture. Ce n’était pas encore assez : Flaccus envoya un centurion avec des soldats pour envahir les maisons du Delta et s’assurer qu’elles ne renfermaient point d’armes. On ne respecta même pas, dans cette perquisition, les chambres des jeunes filles. Ces vexations se prolongèrent jusqu’au delà de la mi-septembre. Un envoyé de l’empereur, arrivé à l’improviste, destitua Flaccus et l’emmena à Rome où on devait le traduire en justice, non pas toutefois à cause de ses violences contre les Judéens, mais simplement parce qu’il était haï de César. C’est pendant que ces malheureux, parqués dans le Delta, célébraient la fête des Tabernacles que leur parvint la nouvelle de la disgrâce de Flaccus. Leur persécuteur fut condamné au bannissement et, plus tard, mis à mort. L’empereur seul aurait pu régler la question relative aux droits civils des Judéens ; mais il se trouvait alors en Germanie et dans les Gaules, où il se couvrait de lauriers imaginaires. A son retour à Rome (31 août 40), il conçut le projet extravagant de se faire adorer comme un demi-dieu, et ensuite comme un dieu complet, de faire construire des temples en son honneur et d’exiger qu’on rendit un culte à ses statues. A ce moment, les païens d’Alexandrie crurent avoir beau jeu contre les Judéens. Ils rétablirent aussitôt les images impériales dans leurs synagogues, espérant qu’ils se refuseraient à les adorer et s’attireraient ainsi la colère de l’empereur. Ce fut la cause de nouveaux conflits auxquels prit part le gouverneur de l’Égypte, désireux de gagner les bonnes grâces du maître. Il voulut contraindre les Judéens à adorer l’image impériale. Ceux-ci ayant invoqué l’autorité de leurs lois religieuses, il songea à en entraver l’observance et à interdire notamment le repos sabbatique. Quoi ! disait-il aux principaux d’entre eux, si des ennemis venaient à vous attaquer subitement, si vous étiez surpris par une inondation, un incendie, un tremblement de terre, assaillis par la faim ou la peste, continueriez-vous à observer strictement le sabbat ? Resteriez-vous tranquillement dans vos synagogues à lire votre Loi et à commenter vos Écritures ? Ne chercheriez-vous pas plutôt à sauver vos parents et vos enfants, votre fortune, votre propre vie ? Eh bien ! je serai tout cela pour vous ; je serai l’ennemi qui vous attaque, l’inondation, l’incendie, la famine, la peste, le tremblement de terre, l’image visible de l’inexorable Destin, si vous n’obéissez pas à mes ordres ! Mais ces menaces n’intimidèrent ni les grands ni le peuple. Ils restèrent fidèles à leur culte et attendirent de pied ferme la persécution. Quelques-uns seulement, soit crainte, soit ambition, paraissent avoir adopté le paganisme. Le philosophe judéen Philon parle de ces renégats et les représente comme des caractères légers, sans élévation, sans moralité. Le fils de l’arabarque, Tibère-Jules Alexandre, abjura, lui aussi, le judaïsme et parvint plus tard à de hautes dignités dans l’État romain. Les Judéens d’Alexandrie songèrent à envoyer une députation à l’empereur pour le supplier de venir à leur secours (hiver de l’an 40). On choisit à cet effet trois hommes que leur position et leurs lumières désignaient le mieux pour cette mission. L’un de ces hommes était le Judéen Philon, qui par sa naissance, son rang dans la société, son grand savoir et sa brillante éloquence, était assurément le plus digne de plaider la juste cause de ses frères. Cet homme a exercé par ses écrits une si profonde influence, non seulement sur ses contemporains, mais encore sur la postérité et même en dehors du judaïsme, qu’on ne saurait passer sous silence les rares traits de sa vie qui nous sont parvenus. Philon (de l’an 10 avant J.-C. à l’an 60 après J.-C.) appartenait à
la famille la plus considérée et la plus riche de la communauté
d’Alexandrie ; il était le frère de l’arabarque Alexandre. Sa jeunesse
fut initiée à toutes les connaissances que les parents riches jugeaient indispensable
pour leurs enfants. Avide de s’instruire, il s’assimile à fond ces
connaissances. Mais surtout le goût des recherches métaphysiques se développa
chez lui de bonne heure et devint une telle passion, qu’il s’y livra sans
relâche et sans partage. Planant sans cesse dans les régions idéales, il
n’avait aucun goût — il le raconte lui-même — pour les honneurs, la fortune
et les plaisirs corporels. Il lui semblait rouler dans l’espace avec le
soleil, la lune et les étoiles. Il était de ces rares élus dont l’esprit, au
lieu de ramper sur la terre, prend naturellement son essor vers les sphères
les plus hautes. Il se sentait heureux d’être au-dessus des soucis et des
occupations vulgaires. Toutefois, quelque fût son enthousiasme pour la
philosophie, le judaïsme lui était encore plus cher ; et s’il allait
butiner des fleurs dans le champ fertile de la philosophie grecque, c’était
pour en tresser des couronnes à Depuis assez longtemps Philon menait une vie purement spéculative, lorsqu’il se vit entraîné par les événements dans le tourbillon des ennuis politiques. La triste situation de ses coreligionnaires l’arracha à sa vie contemplative, et plus tard, se rappelant avec d’amers regrets les nobles occupations de sa jeunesse, il se plaignait que les soins de la vie pratique eussent troublé sa claire intuition des choses de l’esprit et appesanti le vol de sa pensée. Il se consolait toutefois en sentant que son intelligence avait conservé assez de ressort pour pouvoir, aux heures paisibles, s’élever de nouveau vers les hautes régions. La philosophie n’était pas uniquement pour lui un aliment de l’esprit ; il lui dut aussi une grande noblesse de sentiments, un de ces caractères fiers et tout d’une pièce qui ne peuvent rien comprendre aux sottises et aux vices des hommes vulgaires. Sa femme, pleine d’admiration pour lui, aimait à imiter la simplicité de ses mœurs. À des amis qui lui demandaient un jour pourquoi elle, si riche, dédaignait de porter des parures d’or, elle répondit : La vertu du mari est la meilleure parure de la femme. Les contemporains de Philon étaient émerveillés du charme de son style, qui rappelait la langue poétique de Platon. De là ce dicton : Ou bien Platon philonise, ou Philon platonise. Il aspira surtout à concilier la philosophie de son temps avec le judaïsme ou, pour mieux dire, à démontrer que le judaïsme est la véritable philosophie. Ce n’était pas pour lui un thème de dissertation, un simple jeu d’esprit ; c’était une tâche sérieuse et sainte. Son âme était si pénétrée de ces idées que maintes fois, comme il le raconte lui-même, elle tombait dans un état d’extase où il lui semblait percevoir des révélations intérieures que, dans son assiette ordinaire, elle n’aurait pu percevoir. Tel était l’homme que la communauté d’Alexandrie choisit pour plaider sa cause devant l’empereur. De son côté, la population païenne de la ville avait envoyé une députation pour empêcher les Judéens de recouvrer l’égalité des droits civiques. Cette députation avait pour chef Apion, l’ennemi juré des Judéens ; Isidore, ce venimeux personnage qu’on avait surnommé la plume de sang, en faisait également partie. Il ne s’agissait pas simplement des privilèges d’une corporation ; ce qui était en jeu, à vrai dire, c’était le maintien ou l’expulsion des Judéens. Pour la première fois le judaïsme entrait en lice avec le paganisme, dignement représentés par deux hommes qui avaient sucé, l’un et l’autre, le lait de la culture grecque. Si les deux religions avaient été jugées d’après leurs représentants, la balance aurait penché, sans aucun doute, en faveur du judaïsme. Philon, par sa dignité et sa sagesse, personnifiait bien l’aspiration à un idéal de vertu et de vérité. Apion, au contraire, frivole et acerbe, était l’image vivante de la jactance et de la présomption inhérentes à l’hellénisme dégénéré. L’issue de cette lutte entre les païens et les Judéens d’Alexandrie est restée douteuse. Caligula, qui devait être leur arbitre, était lui-même partie dans la cause, et partie passionnée. Il haïssait les Judéens parce qu’ils refusaient de le reconnaître et de l’adorer comme un dieu. Deux misérables, que Caligula avait tirés de la fange pour les associer à ses débauches, aiguillonnaient encore sa haine, déjà assez violente : c’étaient l’Égyptien Hélicon et Apelles d’Ascalon, tous deux ennemis jurés des Judéens. Toujours aux côtés de Caligula, et maîtres de sa confiance, ils lui eurent bientôt soufflé au cœur leur rage anti-judaïque. Lorsque les ambassadeurs des Judéens furent reçus en audience, ils purent à peine se faire écouter. Caligula les accueillit, dès le début, avec cette aigre apostrophe : C’est donc vous ces contempteurs des dieux qui ne voulez pas me reconnaître comme tel, préférant diviniser un être sans nom, tandis que tous m’adorent ! Sur quoi les ambassadeurs protestèrent qu’en trois circonstances les Judéens avaient offert des sacrifices d’actions de grâces : lors de son avènement au trône, de son rétablissement d’une maladie et de sa fameuse victoire sur les Germains : Soit, interrompit l’empereur, vous avez fait des sacrifices en mon honneur ; et que m’importe ? Ce n’est pas pour moi, c’est à moi qu’il fallait les offrir ! Puis, se tournant encore une fois vers eux : Pourquoi ne mangez-vous pas de porc ? Cette question divertit fort les assistants, qu’il égaya encore par d’autres sorties. Je voudrais bien savoir, dit-il enfin, sur quels titres vous fondez vos prétentions à l’égalité ? — Et sans plus attendre, il leur tourna le dos. En congédiant l’ambassade, il ajouta : Ces gens-là me paraissent encore plus sots que méchants, de nier ma divinité ! Pendant que les ambassadeurs suivaient pas à pas le
maniaque couronné pour parvenir à placer une parole, une nouvelle terrifiante
leur arriva comme un coup de fondre. Un Judéen vint à eux en courant et leur
annonça d’une voix brisée par les sanglots : Notre
saint temple est perdu, Caligula l’a fait profaner ! En effet,
Caligula avait fait ériger ses statues non seulement dans les synagogues,
mais dans le sanctuaire même de Jérusalem, et ordonné de briser toute résistance
par la force des armes. Le gouverneur de Avant d’avoir reçu la lettre de Pétronius, Caligula avait déjà modifié ses dispositions envers les Judéens, grâce à l’intervention d’Agrippa. Ce roi avait une si grande influence sur Caligula que les Romains l’appelaient, lui et Antiochus de Comagène, ses maîtres en tyrannie. Agrippa résidait alors de nouveau près de l’empereur. Sans doute, il ne voyait pas avec indifférence la prétention de ce despote insensé, d’introduire sa statue dans le temple de Jérusalem et de s’y faire adorer ; mais il était trop courtisan pour heurter de front les lubies du maître. Au contraire, il affecta une parfaite insouciance de la détresse de ses coreligionnaires. Il prépara un festin somptueux, composé des mets les plus recherchés, et il y convia l’empereur et ses favoris. Mais, sous le masque de cette indifférence apparente à l’endroit de ses coreligionnaires, il n’atteignit que mieux son but. Caligula, captivé par ses prévenances, invita Agrippa à lui demander une faveur. Il fut bien étonné lorsque celui-ci lui demanda, pour toute grâce, de révoquer l’édit concernant sa statue. Il ne s’était pas attendu à le voir si désintéressé, si pieux, si ferme vis-à-vis de lui. Le rusé Caligula se trouvait pris. N’osant, lui empereur, reprendre sa parole, il écrivit à Pétronius (nov.-décembre 40) une lettre pour l’inviter, dans le cas où sa statue ne serait pas encore placés dans le temple, à laisser tomber cette affaire. Mais lui-même, entre temps, reçut la lettre où Pétronius lui exposait son embarras et l’extrême difficulté de sa mission. Il n’en fallait pas davantage pour allumer la fureur de cette nature passionnée et fantasque. Un contre-ordre, accompagné de menaces terribles, enjoignit de procéder, sans aucun ménagement, à l’installation de sa statue dans le temple. Mais, avant que Pétronius reçut cette lettre, également redoutable pour les Judéens et pour lui-même, la nouvelle s’était déjà répandue de la mort de ce fou couronné (21 janvier 41), assassiné par le prétorien Chéréa. C’est le 22 schébat (mars 41) qu’on apprit cet événement inespéré, qui sauvait les Judéens d’une catastrophe imminente ; aussi cette date fut-elle instituée comme celle d’une fête solennelle. Le successeur de Caligula sur le trône des Césars fut Claude,
un idiot doublé d’un pédant. Cet empereur devait sa couronne au hasard et à
l’intervention du roi Agrippa, qui l’avait décidé à accepter l’élection des
prétoriens et avait décidé le sénat à le reconnaître. Il fallait que Rome fût
tombée bien bas pour qu’un méchant petit prince judéen pût prendre la parole
dans son sénat, se mêler à ses délibérations et imposer en quelque sorte un
maître à l’empire. Du reste, Claude ne se montra pas ingrat envers ce prince.
Il fit son éloge en plein sénat, l’investit de la dignité consulaire et le fit
roi de toute Hérode II, frère et gendre du roi Agrippa, reçut de Claude
le titre de préteur et la principauté de Chalcis, près du Liban, de sorte que
cette portion de Lorsque le roi Agrippa, comblé d’honneurs par l’empereur,
quitta Rome pour se rendre en Judée et y prendre possession de son royaume,
il fut aisé de voir qu’une transformation s’était opérée en lui et que la
révolution qui, à Rome, avait brisé un empereur orgueilleux et donné la
couronne à un esprit faible, avait produit sur son âme une impression
profonde. Le frivole jeune homme avait fait place à l’homme grave ; le
courtisan était devenu un patriote, un prince consciencieux, pénétré de ses
devoirs envers son peuple. L’Hasmonéen, chez lui, avait complètement effacé
l’Hérodien. Sous le règne d’Agrippa (41-44), Nos autorités ne se lassent point de célébrer son attachement au judaïsme : on eût dit qu’il avait pris à tâche de réparer les fautes de son aïeul Hérode. A la fête des Prémices, il se mêla, sans aucun faste, à la foule qui se rendait au temple, portant lui-même, comme les autres, sa corbeille de fruits dans le sanctuaire. Cette fête, appelée aussi la fête des Corbeilles, fut célébrée cette année-là avec une solennité extraordinaire. Les Judéens accoururent à Jérusalem par groupes nombreux, apportant les prémices de leurs jardins dans ce temple, qui n’était plus déshonoré par l’image de Caligula. Les riches avaient mis leurs fruits dans des corbeilles d’or ou d’argent. Chaque groupe était accompagné de joueurs de flûte. Dans le temple, au moment de la consécration des fruits, les chœurs de lévites entonnèrent le psaume XXX, qui semblait un écho de la joie populaire : Je
te glorifie, Seigneur, parce que tu m’as relevé Et
ne m’as pas laissé devenir la risée de mes ennemis... …………………………………………………… Tu
as changé mon deuil en joie... Le roi Agrippa prit part à cette fête avec la plus fervente piété. — Agrippa remit aussi en vigueur l’ancienne loi en vertu de laquelle le roi devait lire au peuple assemblé dans le parvis du temple, à la fin de l’année sabbatique, le Deutéronome de Moïse. Agrippa, debout, fit cette lecture (automne de l’an 42), et quand il arriva à ce passage : Du milieu de tes frères tu dois te choisir un roi, le souvenir de son origine semi-iduméenne lui arracha des larmes ; mais la foule et les Pharisiens eux-mêmes lui crièrent énergiquement : Tu es notre frère ! tu es notre frère ! L’influence de son gouvernement éclairé se fit sentir dans
toutes les parties de l’administration judaïque. Il rendit au Sanhédrin la
faculté de régler les affaires intérieures conformément à On doit à Gamaliel Ier plusieurs mesures utiles, prises
pour la plupart en vue d’obvier à certains abus ou dans l’intérêt de la
société (tikkoun
ha-olam). Ainsi, Gamaliel décida que le mari qui avait envoyé une
lettre de divorce à sa femme, et qui pouvait l’annuler devant le premier
tribunal venu, n’aurait plus ce droit à l’avenir. — De plus, comme beaucoup
de gens avaient des noms doubles, un nom hébreu et un nom grec, ce qui
produisait des confusions, Gamaliel émit une ordonnance prescrivant
d’indiquer clairement, dans les lettres de divorce, les différents noms du
mari et de la femme. — Précédemment, il fallait le témoignage de deux
personnes pour constater la mort du mari. Gamaliel décida qu’un seul témoin
suffirait désormais pour que la femme fût déclarée veuve. Une autre
disposition prise par Gamaliel avait pour but de protéger la veuve contre
l’arbitraire d’héritiers rapaces. — Certains lois touchant la conduite à
tenir à l’égard des païens[1], lois évidemment
dues à Gamaliel, sont conçues tout à fait dans l’esprit de douceur et de
philanthropie qui caractérisait Hillel. Une de ces lois prescrivait de
laisser Ies indigents païens glaner dans les champs d’Israël et de les
traiter en tout comme les coreligionnaires ; une autre, de donner aux païens
le salut de paix, même à leurs jours de fête, quand ils sont occupés à
honorer leurs dieux. Grâce à ces mesures légales, la coutume s’établit en
Israël, dans les villes de population mêlée, de faire participer les païens
nécessiteux aux distributions d’aumônes, de soigner leurs malades, de rendre
les derniers devoirs à leurs morts et de consoler leurs familles en deuil.
Peut-être faut-il voir dans cette législation bienveillante l’influence du
système gouvernemental d’Agrippa. Rome et Agrippa avait hérité de son aïeul Hérode un penchant singulier à rechercher l’amour des Grecs. De même que celui-ci avait envoyé des présents à Athènes et dans d’autres villes grecques et ioniennes, son petit-fils témoigna d’une manière effective sa bienveillance à Athènes, la mère des arts, alors si déchue, et celle-ci lui en garda un souvenir reconnaissant. Il accorda aussi des faveurs aux habitants de Césarée, qu’Hérode avait transformée en rivale de Jérusalem, et à ceux de la ville maritime de Sébaste. Pour lui témoigner leur gratitude, ces derniers érigèrent à ses trois filles des statues et ils frappèrent en son honneur une médaille à son image, avec cette légende : LE GRAND ROI AGRIPPA, AMI DE CÉSAR. Sans doute, les villes maritimes d’Anthédon et Gaza eurent aussi à se louer de sa bienveillance, car elles firent également frapper des médailles à son intention. Les fils de l’étranger rendaient hommage à Agrippa, comme jadis au roi David, — hommage quelque peu involontaire. Les dernières années du règne d’Agrippa furent heureuses pour les Judéens du dedans et du dehors. Ce fut comme un radieux coucher de soleil précédant une nuit sombre. Cette époque eut une certaine ressemblance avec le règne du roi Josias. La paix au dedans et au dehors, une indépendance relative, un essor d’activité intellectuelle, sont les caractères communs de ces deux règnes. Même les Judéens du dehors, répandus dans tout l’empire romain, bénéficièrent des dispositions bienveillantes de Claude pour Agrippa : ils purent vivre en paix, sans être inquiétés dans l’exercice de leur culte, sans abandonner aucune de leurs habitudes, sans rien perdre de leur cachet distinctif. Les Judéens d’Égypte et surtout ceux d’Alexandrie, qui avaient tant souffert sous Caligula, se trouvaient particulièrement heureux. Claude avait confirmé expressément leurs droits civiques, et ordonné aux gouverneurs de les protéger contre toute vexation. Leur chef, l’arabarque Alexandre Lysimaque, que Claude avait fait sortir de prison, reprit ses fonctions et put rendre des services signalés à ses coreligionnaires. C’est seulement à cette époque que son frère Philon commença à prodiguer les trésors de sa pensée, qui élevèrent à son apogée le développement de l’esprit judéo-grec. Toutefois, cette période si heureuse fut de courte durée.
Si l’empereur Claude avait en Agrippa une confiance absolue, ses serviteurs
calomniaient tous ses actes et les interprétaient comme des indices de
trahison. L’habileté d’Agrippa, son caractère indépendant et ses tendances
nationales paraissaient dangereux pour les intérêts romains. De fait, les
Romains ne se trompaient pas. Tout en flattant et cajolant Rome, Agrippa
songeait à mettre Il ne voulait pas laisser son peuple à la merci du caprice d’un individu. Aussi fit-il accumuler à Jérusalem des matériaux de construction et entreprit-il de fortifier le faubourg de Bézétha, au nord-est de la ville, en l’entourant de murailles formidables. Ce quartier s’était formé peu à peu par l’accroissement de la population. En cas d’attaque de la ville, le faubourg de Bézétha était le premier menacé, et avec lui la citadelle voisine, la tour Antonia. Agrippa avait donc demandé à Claude la permission d’élever des fortifications alentour. Claude n’avait rien à lui refuser ; quant aux courtisans de l’empereur, on les gagna par des présents. Les constructions achevées, on en fit la dédicace, et les chœurs de lévites chantèrent le psaume XXX, déjà cité. Mais Vibius Marsus, le gouverneur de Cependant le génie entreprenant et la ténacité d’Agrippa
auraient, sans doute, épargné à Après la mort d’Agrippa, les Grecs de Palestine purent
donner carrière à la sourde fureur dont les avait remplis l’élévation de ce
prince. Oublieux de ce qu’ils lui devaient, les Syriens et les Grecs de
Césarée et de Sébaste se répandirent en outrages contre sa mémoire, se
livrèrent à des orgies et offrirent des sacrifices à Caron pour le remercier
d’avoir emporté Agrippa. Les soldats romains en garnison à Césarée, faisant
cause commune avec eux, traînèrent dans les lupanars les statues des filles
d’Agrippa. En apprenant ces insultes faites à son ami défunt, Claude s’en
émut et songea à donner la couronne de Judée au fils d’Agrippa, à peine âgé
de dix-sept ans, qui était alors à Rome pour y achever son éducation. Mais
les affranchis Pallas et Narcisse, favoris tout-puissants de l’empereur, le
dissuadèrent de ce projet, alléguant que ce prince était trop jeune pour un gouvernement
aussi difficile que celui de Le premier de ces magistrats imposés à Ces dispositions haineuses des païens provoquèrent des
représailles de la part des Judéens. Comme après la mort d’Hérode, ils
formèrent des corps francs qui travaillèrent de toutes leurs forces à
délivrer Hérode II pouvait donc, en un sens, être considéré comme
une sorte de roi de Dans le cours de son administration, Fadus eut, lui aussi, à réprimer une émeute messianique. Un certain Theudas, qui se faisait passer pour prophète ou messie, avait su grouper autour de lui environ quatre cents fidèles, tant la délivrance était devenue un besoin pour le peuple. Theudas promettait à ses sectateurs, comme preuve de son caractère messianique, de diviser les eaux du Jourdain et de le leur faire traverser à pied sec. Ceux-ci s’étant munis de tout leur avoir et rassemblés au bord du fleuve, Fadus envoya contre eux une troupe de cavaliers qui en tua beaucoup, en fit d’autres prisonniers et trancha la tête au visionnaire (vers 47). Peu de temps après, Fadus fut rappelé à Rome et remplacé par Tibère-Jules Alexandre (fils de l’arabarque Alexandre et neveu du philosophe Philon), qui portait le titre de chevalier romain et avait abjuré le judaïsme pour embrasser la religion païenne. L’empereur croyait sans doute, en nommant aux fonctions de procurateur un homme de sang judaïque et d’une famille considérée, donner aux Judéens une preuve de bienveillance. Il ne songeait pas que c’était les blesser encore davantage dans leurs sentiments intimes que de leur donner pour chef un renégat. Du reste, le peuple parait avoir beaucoup souffert sous le
gouvernement de ce Tibère ; les zélateurs relevèrent la tête et le
poussèrent à la révolte. Ils avaient pris pour chefs Jacob et Siméon, les
deux fils de Juda le Galiléen, que leur père avait élevés dans ses principes.
Nous n’avons point de détails sur le soulèvement qui eût lieu à leur
instigation, mais la sévérité de la peine que le procurateur leur infligea
atteste l’importance du mouvement : il les fit mettre en croix, supplice
infamant par excellence selon la loi romaine. — Comme pour dédommager Tibère Alexandre ne conserva ses fonctions que deux ans. Plus tard, il devint gouverneur de L’Égypte et, lors d’une élection d’empereur, il exerça une part notable d’influence. C’est vers cette époque (48) que mourut Hérode II, roi de Chalcis et roi nominal de Judée : avec lui s’éteignit la seconde génération des Hérodiens. |
[1] Les lois
charitables qui les concernent se trouvent particulièrement développées dans le
Talmud de Jérusalem, traité Ghittin, ch. V, f 47 c et Aboda-Zara, I, f. 39 c ; moins complètement
tr. Demaï, f.