HISTOIRE DES JUIFS

DEUXIÈME PÉRIODE — APRÈS L’EXIL

Troisième époque — La décadence

Chapitre XII — Antigone et Hérode — (40-4).

 

 

Les premiers Hasmonéens, grâce à leur habileté plutôt qu’à leurs talents militaires, avaient assuré la grandeur et l’indépendance de la Judée. Le dernier prince de cette famille ne sut guère profiter des avantages de sa situation, et son impéritie ne valut au pays que des humiliations. Les circonstances étaient pourtant favorables à Antigone et lui auraient permis d’acquérir un haut degré de puissance. Les chefs romains étaient en guerre. L’Orient, dédaigné par Octave et échu à Marc-Antoine, était devenu pour celui-ci une résidence de plaisir. Dans les bras de Cléopâtre, il avait appris à prendre la guerre en dégoût. Les Parthes, dont Rome convoitait avidement le territoire, avaient repoussé vaillamment ses attaques. Si Antigone avait su entretenir la colère de ce peuple contre la famille iduméenne et les Romains, ceux-ci, au lieu de le traiter en ennemi, en auraient fait leur ami et leur allié, afin de susciter, avec son aide, des difficultés aux Parthes. Les vaillants montagnards de la Galilée tenaient pour lui. Ses partisans avaient changé Sepphoris en une place de guerre. Les cavernes d’Arbéla recelaient d’intrépides soldats de corps francs, qui pouvaient prendre l’ennemi à revers et lui faire beaucoup de mal. Mais Antigone n’avait aucune des qualités de l’homme d’État et du capitaine. Il ne sut même pas employer avantageusement les moyens dont il disposait. Il se dispersa dans une foule de petites entreprises. Sa passion dominante, c’était le désir de se venger d’Hérode et de ses frères. Ce sentiment paralysa plutôt qu’il n’accrut son activité. Il ne put jamais s’élever à cette hauteur de vues, digne d’un véritable roi, qui lui aurait permis de traiter les parvenus iduméens avec plus de mépris que de haine. Rien d’heureux ni de grand ne fut entrepris sous son règne de trois ans et demi, bien que les chefs romains, en apparence soutiens d’Hérode, gardassent le plus souvent une attitude de neutralité.

Il ne sut pas même s’attacher les personnages influents de la nation judaïque et les décider à faire cause commune avec lui. Quoique blessés par l’impudence d’Hérode, les chefs du Sanhédrin, Schemaya et Abtalion, étaient contre Antigone. D’où provenait L’antipathie qu’inspirait aux docteurs le dernier, des Hasmonéens ? Antigone s’était-il prononcé en faveur des Sadducéens, ou était-ce jalousie des dépositaires de la Loi contre le dépositaire de la puissance royale ? S’il est difficile de l’affirmer, certain incident permet de croire à ce dernier motif.

Un jour de Kippour, après le service divin, le peuple avait accompagné le roi, grand prêtre du temple, jusqu’à sa demeure. Mais, chemin faisant, on rencontra les synhédristes Schemaya et Abtalion, et le peuple quitta le grand prêtre pour leur faire une escorta d’honneur. Irrité, le roi témoigna ses sentiments aux deux docteurs, en leur adressant une salutation ironique que, de leur côté, ils rendirent à Antigone. Cette division entre le prince et les autorités les plus influentes de la nation, l’inexpérience d’Antigone dans les choses de la guerre et de la politique, causèrent les plus grands malheurs.

Hérode ne ressemblait en rien à son rival et avait toutes les qualités qui lui manquaient. Il sut toujours contraindre la fortune à lui sourire de nouveau, quand elle l’avait abandonné un instant. Après sa fuite nocturne de Jérusalem, se voyant poursuivi par les habitants judaïtes, il eut un moment la pensée du suicide. Son projet de gagner à sa cause Malick, le roi des Nabatéens, échoua. Après avoir traversé le désert judéo-iduméen, presque seul, dénué de tout, mais conservant son indomptable énergie et nourrissant toujours de vastes projets, il se rendit en Égypte. Cléopâtre lui proposa le commandement de ses armées. Hérode refusa. C’est la couronne de Judée que visaient ses rêves. Il s’embarqua pour Rome. Surpris en route par une tempête, il arriva, à Rome au moment où Octave et Antoine venaient de se réconcilier. Il n’eut pas de peine à persuader Antoine de l’importance des services qu’il pourrait lui rendre, en le servant contre les Parthes, en lui représentant Antigone comme l’ennemi juré de Rome, parce qu’il devait son trône aux Parthes. Antoine parla en sa faveur à Octave, qui n’avait rien à lui refuser. Un décret du sénat le proclama roi de Judée et déclara Antigone ennemi de Rome (hiver de l’an 40). En sept jours, il avait su obtenir ce résultat. C’était la seconde fois que Rome portait un coup mortel à la nation judaïque en lui imposant un étranger, un demi juif d’Idumée, qui avait des offenses personnelles à venger. Bien entendu, la Judée dut encore payer tribut aux Romains.

Hérode, voyant son ambition satisfaite, se déroba aux égards dont l’entourait Antoine pour aller prendre possession de sa nouvelle royauté. Débarqué à Acco (39), ses amis et notamment Saramalla, le plus riche Judéen d’Antioche, lui fournirent l’argent nécessaire pour soutenir une guerre de prétendant. Comme les Romains refusèrent de prendre une part active à cette campagne, la guerre traîna en longueur. Hérode se vit obligé de se rendre au camp d Antoine, qui assiégeait alors Samosate. Grâce aux services qu’il rendit au Romain en cette occasion, et surtout à son éloquence, Antoine chargea un de ses généraux, Sosius, d’aller combattre Antigone avec deux légions et d’installer le roi choisi par Rome. Hérode mena cette guerre avec une cruauté implacable. Ivre de vengeance, il fit périr dans les flammes cinq villes des environs de Jéricho avec leurs habitants, au nombre de deux mille, qui avaient pris parti pour Antigone. A l’approche du printemps (37), il marcha sur Jérusalem et en fit le siège. Il venait de célébrer à Samarie son mariage avec sa fiancée Mariamne.

Aussitôt que Sosius fut arrivé en Judée avec une nombreuse armée romaine et une armée de secours, composée de troupes syriennes, le siège de Jérusalem fut poussé avec vigueur. L’armée des assiégeants comptait environ cent mille hommes. Ils élevèrent des retranchements, comblèrent les fossés de la ville et, avec leurs machines de guerre, commencèrent à en battre les murailles. Les assiégés, quoique dénués de tout, se défendirent héroïquement. Ils faisaient de fréquentes sorties, chassaient ceux qui travaillaient aux tranchées, détruisaient les ouvrages de siège, bâtissaient une muraille nouvelle derrière celle qui tombait, si bien qu’au bout de deux mois les assiégeants n’étaient encore guère avancés. Schemaya et Abtalion, les deux chefs du Sanhédrin, prêchèrent contre la résistance, conseillant d’ouvrir les portes de la ville à Hérode, et Antigone n’était pas assez fort ou assez courageux pour réprimer leurs menées. Grâce à ces dissensions intestines et à des assauts redoublés, les Romains parvinrent à faire crouler le mur extérieur du nord-est de la ville. Ils pénétrèrent aussitôt dans la ville basse et dans les ouvrages extérieurs du temple. Les Judéens, avec le roi Antigone, se réfugièrent dans la ville haute et sur la colline du temple.

Pendant quinze jours, les Romains donnèrent l’assaut à la deuxième enceinte de murs. Malgré leur défense héroïque, les Jérusalémites durent succomber. Un jour de sabbat, où les Judéens ne s’attendaient pas à une attaque, croula un pan de la deuxième muraille, qui livra passage aux Romains. Ceux-ci se précipitèrent comme des furieux dans la ville haute et le temple, massacrant tout, sans distinction d’âge ni de sexe, égorgeant les prêtres à côté de leurs victimes. Par une fatale coïncidence, Jérusalem tomba le même jour où, vingt-sept ans auparavant, elle avait été prise par Pompée (sivan, juin 37).

Hérode réussit à peine, à force de présents distribués à chaque soldat romain, à empêcher le pillage du temple et la ruine totale de la ville. Antigone fut pris et envoyé auprès d’Antoine qui, à la prière d’Hérode, le fit battre de verges et le livra ensuite à la hache du bourreau, supplice infamant qui excita l’horreur des Romains eux-mêmes. Antigone était le dernier des huit princes et grands prêtres de la famille des Hasmonéens, qui avait régné plus d’un siècle et qui causa la ruine et l’abaissement de la Judée, après lui avoir donné la grandeur et l’éclat.

Hérode, l’esclave iduméen, comme le qualifiait la voix populaire, était arrivé au but de ses visées ambitieuses. Son trône avait pour base des cadavres et des ruines, mais il se sentait de force à le maintenir, fallait-il l’entourer d’un fleuve de sang. Que lui importait la haine de la nation judaïque, à laquelle il s’était imposé sans le moindre mérite, sans titre aucun ? N’avait-il pas la faveur de Rome et l’amitié d’Antoine ? Il embrassa d’un regard sûr et clair la politique qu’il avait à suivre ; elle lui était en quelque sorte commandée par les circonstances : s’attacher entièrement à Rome, afin d’avoir en elle un ferme appui contre la défaveur populaire; chercher à apaiser les ressentiments de la nation par des concessions apparentes et sans grande portée, ou les réprimer par une sévérité implacable, telle fui la politique qu’il suivit froidement, inexorable comme le destin, pendant un règne de trente-quatre ans. Même dans le premier moment de trouble qui suivit la prise du temple, Hérode conserva tout son sang-froid et ordonna à son serviteur Costobar de faire garder les issues de Jérusalem et arrêter tous les fuyards. Les partisans d’Antigone furent égorgés en masse; parmi eux se trouvaient quarante-cinq hommes appartenant aux meilleures familles. Cependant la haine d’Hérode n’était pas encore assouvie. Pour se venger des synhédristes qui, douze ans auparavant, avaient été sur le point de le condamner pour le meurtre d’Ézékias, il les fit massacrer tous, à l’exception de Schemaya et d’Abtalion, qui s’étaient montrés hostiles à Antigone. Imitant les procédés des Romains, qui confisquaient les biens des proscrits, il s’empara de la fortune de ses victimes. Un certain Ananel, qui était, il est vrai, un descendant d’Aaron, mais qui n’était ni de la famille des Hasmonéens ni d’une autre lignée de grands prêtres, fut élevé par Hérode aux fonctions pontificales. A partir de ce moment, celles-ci ne furent plus héréditaires. Hérode prétendait être issu lui-même d’une famille judaïque très ancienne, qui avait émigré de la Babylonie en Idumée. Il voulait ainsi effacer la tache de son origine. N’était-il pas le descendant de ces Iduméens qui avaient été convertis au judaïsme par la force ? Les gens du pays qui avaient bonne mémoire et qui connaissaient sa véritable origine ne le croyaient guère, mais les étrangers s’y trompèrent. Son ami intime, l’historien grec Nicolas de Damas, répéta cette fable telle qu’il l’avait entendue de la bouche d’Hérode. Après la mort de Schemaya et d’Abtalion, Hérode appela à la présidence du Sanhédrin des étrangers et, à ce qu’il semble, des Babyloniens de la famille des Bené-Bathyra.

Deux personnages étaient seuls désormais capables de troubler la quiétude d’Hérode, un vieillard et un adolescent : Hyrcan, qui avait été roi et grand prêtre, et son petit-fils, Aristobule, qui visait à être l’un et l’autre. Tant que ceux-ci n’auraient pas été réduits à l’impuissance, Hérode ne pouvait s’abandonner à la jouissance paisible de ses conquêtes. Hyrcan avait été, il est vrai, prisonnier des Parthes ; en outre, il était mutilé, ce qui le rendait impropre au pontificat. Les Parthes avaient eu la générosité de lui rendre la liberté, et les Judéens de Babylone l’entouraient d’honneurs pour lui faire oublier ses tristesses. Malgré cela, Hyrcan avait la nostalgie de la Judée, et Hérode craignait que lui ou les Judéens de Babylone ne missent les Parthes dans leurs intérêts et ne les décidassent à lui rendre la couronne qu’ils lui avaient arrachée. Afin de prévenir ce danger et de soustraire Hyrcan à l’influence des Parthes, Hérode songea à l’attirer auprès de lui. Avec la dissimulation qui lui était habituelle, il lui fit dire par Saramalla qu’il désirait partager le trône avec lui et qu’il le priait de revenir à Jérusalem, pour y recevoir la récompense des nombreux bienfaits qu’il lui devait. En vain les Judéens de Babylone essayèrent de l’en dissuader et l’engagèrent à ne pas s’exposer pour la seconde fois au tourbillon des affaires publiques : Hyrcan alla au-devant de sa destinée. Dès qu’il arriva à Jérusalem (36), Hérode accourut au-devant de lui, lui fit l’accueil le plus amical, lui donna à sa table, ainsi qu’au conseil, la place d’honneur. Le faible vieillard se laissa duper par ces marques de prévenance et ne vit pas l’astucieux regard de l’Iduméen qui l’observait.

Hyrcan était désarmé et réduit à l’impuissance : il était enfermé dans une cage dorée. Aristobule, son petit-fils, à qui son origine, sa jeunesse, sa noble prestance avaient gagné tous les cœurs, était un ennemi plus redoutable pour Hérode. Celui-ci avait cru lui enlever toute influence, en lui refusant le souverain pontificat, mais ce but fut manqué. Du reste, Alexandra, sa mère, dont l’habileté en intrigue valait bien celle d’Hérode, avait su capter la bienveillance d’Antoine en faveur d’Aristobule. Persuadée que ce Romain efféminé serait plutôt touché par des excitations sensuelles, elle lui envoya le portrait de ses deux enfants, Mariamne et Aristobule, les deux plus ravissantes têtes d’Israël. Antoine, séduit par la vue de ces images, demanda à voir le jeune homme. Pour le tenir éloigné du Romain, Hérode se vit forcé de le nommer grand prêtre (35). Bien entendu, Ananel fut destitué. Peu satisfaite encore de ce résultat, l’ambitieuse Alexandra essaya de faire donner le trône à son fils. Elle commanda secrètement deux cercueils dans lesquels elle voulait se faire transporter, elle et son fils, afin de quitter la ville sans exciter de soupçons et de gagner l’Égypte. Son projet fut dénoncé à Hérode, qui le déjoua, et qui dès lors songea de plus en plus à se débarrasser de ce dangereux jeune homme. Il ne pouvait guère user de violence, à cause de Cléopâtre, sa protectrice. Il eut donc recours à la ruse. Il l’invita à venir à Jéricho et donna l’ordre à ses serviteurs de l’égorger pendant qu’il serait au bain. Ses ordres furent ponctuellement exécutés (automne de l’an 35). Dans la personne d’Aristobule III périt le dernier rejeton de la race des Hasmonéens. Ananel devint pour la seconde fois grand prêtre. En vain Hérode simula la plus profonde douleur au sujet de la mort de son beau-frère ; en vain il prodigua les aromates au cadavre : la famille et les amis des Hasmonéens l’accusaient du meurtre, sans toutefois oser manifester leurs soupçons.

Or, ce crime eut pour Hérode les plus tristes conséquences et en fit le plus malheureux des hommes. Rarement le châtiment d’une mauvaise action éclata d’une façon aussi saisissante et avec une logique aussi terrible que le châtiment du forfait d’Hérode. Mais ce qui, dans une âme moins endurcie, aurait provoqué le repentir, fut pour Hérode un aiguillon qui le poussa à commettre de nouveaux crimes. — Alexandra, qui avait placé son ambition sur la tête de son fils, se voyant déçue dans ses espérances, ne manqua pas d’accuser Hérode auprès de Cléopâtre comme son meurtrier. Cette reine, qui convoitait ardemment le royaume d’Hérode, profita de son méfait pour le rendre odieux aux yeux de son adorateur. Antoine manda l’Iduméen à Laodicée, pour qu’il se justifiât de l’accusation portée contre lui. Tremblant pour sa vie, Hérode se rendit à Laodicée ; mais, à force de présents et d’éloquence, il gagna si bien les faveurs d’Antoine que celui-ci lui pardonna son meurtre et même le combla d’honneurs (34). Hérode revint à sa résidence, le cœur joyeux. Cependant il avait perdu une des plus belles perles de sa couronne. Antoine lui avait enlevé la contrée de Jéricho, célèbre par son baume et par ses palmiers, pour la donner à Cléopâtre, qu’il gratifia également de tout le district de la côte méditerranéenne. Hérode dut lui payer annuellement 200 talents pour les revenus de ce territoire. Mais qu’était cette rançon, en comparaison du malheur qui l’avait menacé ? Il pouvait s’estimer heureux.

Cependant, dans son palais même, de nouvelles calamités l’attendaient. Avant de partir, il avait confié Mariamne et sa mère, Alexandra, au mari de sa sœur Salomé, Joseph, avec ordre, s’il devait encourir la disgrâce d’Antoine et perdre la vie, de tuer les deux femmes. Son amour pour sa belle compagne, qu’il ne voulait pas laisser tomber entre les mains d’un autre ; sa haine aussi pour Alexandra et la crainte de lui causer de la joie par sa mort, lui avaient inspiré ce projet. Mais Joseph révéla à Mariamne l’ordre qu’il avait reçu, ce qui augmenta encore l’angoisse de la malheureuse reine. Le bruit de la mort d’Hérode s’étant répandu à Jérusalem. Mariamne songea à se mettre, elle et sa mère, sous la protection des aigles romaines. Salomé la sœur d’Hérode, qui haïssait également son mari et sa belle-sœur, profita, de cette circonstance pour les calomnier auprès de son frère et les accuser même d’un commerce adultère. Hérode resta d’abord incrédule, mais Mariamne se trahit en laissant voir qu’elle était instruite de ses desseins. Sa colère ne connut pas de bornes ; il fit décapiter Joseph, jeter Alexandra en prison, et Mariamne aurait subi le même sort, si son amour pour elle n’avait été plus violent que sa haine. A partir de ce moment (34), la méfiance et l’inimitié étaient entrées dans sa famille et bientôt tous les siens allaient en être les victimes.

Au dehors, la fortune resta fidèle à Hérode et le tira des pas les plus difficiles. Six ans ne s’étaient pas écoulés depuis son avènement que de grands dangers vinrent le menacer. Une sœur du dernier roi des Hasmonéens s’était érigée en vengeresse de son frère et de sa race. Elle rassembla des troupes et s’empara de la forteresse d’Hyrcanion (vers l’an 32). A peine Hérode eut-il vaincu cette femme qu’un nouveau danger bien plus grave vint l’assaillir. Cléopâtre, qui était l’ennemie des Judéens en général au point que, pendant une famine, elle refusa de fournir du blé aux pauvres de cette nation, comme elle le fit pour les autres habitants d’Alexandrie, et qui haïssait Hérode tout particulièrement, se donna beaucoup de peine pour le perdre auprès d’Antoine. Dans son voyage à travers la Judée, elle déploya tous ses charmes pour l’exciter à commettre un acte qui aurait allumé la colère d’Antoine ; mais la prudence d’Hérode déjoua ses calculs. Pour se mettre à l’abri de son ressentiment et de celui du peuple, il songea à se préparer un asile. Il se fortifia dans la citadelle de Massada, située sur une hauteur escarpée, au bord de la mer Morte. Cléopâtre dut recourir à de nouveaux moyens pour amener sa chute, et elle lui suscita des complications avec les Nabatéens.

A peine était-il tranquille de ce côté, qu’une tempête s’éleva qui ébranla le monde romain jusque dans ses fondements et menaça d’entraîner dans son tourbillon le favori des gouvernants de Rome. Depuis que Rome et les peuples soumis à son pouvoir étaient aux pieds des triumvirs, Octave César, Marc-Antoine et Æmilius Lépide, et que ceux-ci cherchaient à se détruire mutuellement afin de régner sans partage, l’atmosphère politique était pleine d’éléments incendiaires qui pouvaient à chaque instant faire explosion. A cela s’ajoutait encore le fait que l’un des trois rivaux était dominé par Cléopâtre et que celle-ci cherchait à profiter de ses charmes pour devenir maîtresse de Rome, dût-on mettre toute la terre en feu. À cette époque troublée, un poète judéen chanta en beaux vers grecs, sous forme de prophétie sibylline, la chute de Rome et du monde grec et l’avènement de l’ère messianique. Le voyant judéo-grec annonçait des temps terribles, l’apparition de Bélial, l’Anti-Messie qui séduira et perdra l’humanité.

On était, il est vrai, à une époque malheureuse ; une sorte de Bélial était apparu, le demi Judéen Hérode, mais on n’apercevait guère l’aurore du règne messianique. La rivalité d’Octave et d’Antoine alluma la guerre entre les deux parties de l’empire romain, l’Orient et l’Occident, l’Asie et l’Europe. Ce fut une guerre de peuples, mais elle prit bientôt fin par la chute d’Antoine, à la bataille d’Actium (2 septembre 31). Cette chute fut pour Hérode un coup terrible. Lui et les siens ne doutaient pas qu’il ne fut entraîné dans la ruine de son protecteur. N’avait-il pas été le fidèle allié d’Antoine ? Il s’attendait aux pires éventualités. Mais, par un trait suprême de perversité, il songeait à entraîner dans sa chute les derniers rejetons des Hasmonéens, Hyrcan, un vieillard octogénaire, sa femme Mariamne et Alexandra, sa belle-mère. Il accusa Hyrcan d’avoir entretenu des intelligences avec Malick, le roi des Nabatéens. Hyrcan, quoique innocent, fut condamné et exécuté. Avant de se rendre auprès d’Octave, Hérode fit enfermer Mariamne et Alexandra dans la forteresse d’Alexandrion, sous la garde d’un serviteur ituréen, nommé Soëm, qui avait ordre d’égorger les deux femmes, si Hérode ne revenait pas de son entrevue avec César. Avant de se mettre en route, Hérode se vit forcé par les circonstances d’accorder un changement de présidence dans le Sanhédrin, changement auquel il n’aurait certainement pas consenti dans d’autres temps. Grâce à cette mutation, Hillel, un Babylonien jusqu’alors inconnu, devint le chef du Conseil. La direction que celui-ci imprima au judaïsme a laissé des traces qui subsistent encore de nos jours.

Hillel (né vers l’an 75, mort vers l’an 5 après J.-C.) se rattachait par sa mère à la race de David. Nonobstant cette noble origine, il vécut dans la pauvreté. Son frère Schebna, riche négociant, subvenait à son entretien. Il émigra de Babylonie et Jérusalem, sans doute en même temps que Hyrcan (36). Il devint un des auditeurs les plus assidus des synhédristes Schemaïa et Abtalion, dont il transmettait les traditions avec une scrupuleuse exactitude. Les traits dominants du caractère de Hillel, c’était cette douceur inaltérable et sympathique, qui ne permet pas à la colère de dominer un seul instant le cœur ; c’était ce profond amour de l’humanité, qui prend sa source dans l’humble opinion qu’on a de soi-même et dans le jugement favorable qu’on porte sur autrui ; c’était enfin cette égalité d’humeur que fait naître la confiance en Dieu et qui ne se dément pas en face du malheur. Hillel est resté l’idéal de la bonté et de la modestie. A lui appartient la belle parole qui résume tout l’esprit du judaïsme : Ne fais pas à autrui ce qui te serait désagréable à toi-même : c’est là toute la Loi, le reste n’en est que le commentaire. Dans les contradictions qu’il rencontra, Hillel montra constamment la mansuétude de son caractère. Sa confiance en Dieu le rendait inaccessible à la crainte, et il sut si bien l’inculquer aux membres de sa famille, qu’en entendant des cris de douleur il pouvait dire en toute assurance : Je sais que ces cris ne sortent pas de ma maison. Les sentences qu’il a laissées, et qui surpassent en concision celles de ses prédécesseurs, sont toutes conçues dans cet esprit. En voici quelques-unes : Si je ne songe pas à moi (à mon âme), qui y songera ? Si je ne songe qu’à moi, que pourrai-je obtenir ? Si ce n’est maintenant, quand sera-ce ?Sois des disciples d’Aaron, aime la paix, recherche-la, aime les hommes et tu les amèneras à la Thora. Pénétré de la haute mission confiée à Israël, d’enseigner la foi en Dieu dans toute sa pureté, il exprimait ce sentiment, lors de la fête des Libations d’eau dans le temple, par ces mots : Si moi (Israël), je suis ici, l’univers entier y est. Si je n’y suis pas, qui donc y sera ? — La doctrine du judaïsme avait tant de valeur à ses yeux, qu’il s’affligeait s’il la voyait servir à satisfaire l’ambition ou la soif de la renommée : Celui qui cherche à grandir son nom le rabaisse; celui qui ne s’occupe pas activement de l’étude ne mérite pas de vivre ; celui qui n’augmente pas ses connaissances dégénère ; celui qui tire profit de l’étude de la Loi périt.

De même que, par ses hautes vertus, Hillel est devenu, aux yeux de la postérité, un idéal de perfection, ainsi le développement qu’il a sa donner au judaïsme légal l’a placé au premier rang et lui a valu l’honneur d’être appelé le restaurateur de la Loi. Son action à la fois réparatrice et vivifiante s’exerça surtout, d’une manière efficace, dans deux directions : il enrichit le fond des traditions orales qu’il devait à Schemaïa et à Abtalion, et il donna aux dispositions légales une extension méthodique. En effet, suivant Hillel, la tradition porte en elle-même les raisons de sa légitimité et de son caractère obligatoire ; elle n’a pas besoin d’invoquer uniquement le principe d’autorité. C’était là une tentative pour réconcilier les pharisiens et les sadducéens, puisque les uns et les autres pouvaient admettre les principes posés par Hillel. Toute dispute d’école au sujet du caractère d’obligation des lois traditionnelles se trouvait ainsi écartée. Hillel concédait aux sadducéens que les lois traditionnelles doivent avoir leur fondement dans la Thora ; mais, d’un autre côté, il déclarait que ce n’est pas seulement la lettre de la Loi qui confère leur valeur aux prescriptions, et que cette valeur peut se déterminer par une série de principes généraux, clairement indiqués par le texte lui-même. Sept règles ou formules d’interprétation forment la base de la loi orale, telle qu’elle découle de la Thora, et lui donnent une valeur égale à celle de la loi écrite.

Grâce à ces sept règles, la tradition orale apparaissait sous un jour tout nouveau : elle n’avait plus rien d’arbitraire, et elle revêtait un caractère à la fois absolu et rationnel. Les nouvelles règles ne servaient pas seulement à légitimer les lois orales déjà existantes ; elles permettaient aussi de les élargir et de les appliquer à des cas nouveaux.

Au début, la méthode d’interprétation de Hillel ne trouva guère de succès. Nous savons de science certaine que, lors d’une discussion devant le Sanhédrin, alors présidé par les Bené-Bathyra, Hillel affirma ces règles, mais que le Sanhédrin ne les goûta pas, Du en contesta l’application. Hillel eut l’occasion d’en faire publiquement usage pour la solution d’une question qui intéressait vivement la nation entière. La veille de la Pâque, où l’on immolait l’agneau pascal, étant tombée un jour de sabbat, les fils de Bathyra et le Sanhédrin ne savaient pas s’il était permis d’offrir. De jour-là, le sacrifice pascal. Hillel, dont la valeur avait : sans doute déjà frappé les esprits judicieux, se mêla à la discussion et prouva, en vertu des règles de sa méthode d’interprétation, que le sacrifice pascal, comme tout autre sacrifice public, primait la sainteté du sabbat. Les débats furent très animés, à cause de la foule des pèlerins venus pour la fête et qui y prirent part ; les paroles d’encouragement étaient adressées à Hillel, entremêlées de vives protestations. C’est le Babylonien qui nous donnera la meilleure décision, disaient les uns. Que peut-il venir de bon de Babel ? criaient les autres. — A partir de ce jour, le nom de Hillel devint si populaire, que les fils de Bathyra (soit volontairement, soit par ordre du peuple) crurent devoir résigner surs fonctions de présidents du Sanhédrin et furent remplacés par Hillel. Loin de s’enorgueillir de cet honneur, Hillel exprima ion mécontentement, en disant aux synhédristes : Qu’est-ce qui n’a élevé, moi, obscur Babylonien, à la présidence du Sanhédrin ? est votre peu d’assiduité aux leçons de Schemaïa et d’Abtalion. Hérode ne paraît pas avoir fait obstacle à cette nomination. Hillel n’était-il pas un étranger ? D’ailleurs, son caractère paisible était une garantie de ses sentiments amicaux à l’égard du prince.

Pour gagner les faveurs d’Octave César, que la victoire d’Actium avait rendu seul maître de tout l’empire romain, Hérode alla le trouver à Rhodes. Orgueilleux et insolent dans son propre pays, il comparut devant le Romain l’âme remplie de crainte, humble et dépouillé de tout ornement, sans toutefois avoir rien perdu de sa mâle énergie. Dans son entretien avec Octave, il avoua hautement son amitié et ses relations avec Antoine. Octave n’avait pas le caractère assez haut pour mépriser la vénalité, et ne se sentait pas assez fort pour se passer du concours des traîtres. Il reçut donc Hérode en grâce, lui ordonna de reprendre son diadème, le combla d’honneurs et le renvoya dans son pays (30). Hérode fut pour Octave un partisan fidèle, comme il l’avait été pendant douze ans pour Antoine. Quand César se rendit en Égypte, Hérode alla à sa rencontre jusqu’à la ville d’Acco ; il eut soin que, dans leur marche à travers un pays aride, les troupes fussent pourvues d’eau et de vin. Ainsi, avant de mourir, Antoine put apprendre que la fidélité d’Hérode n’était pas précisément inébranlable. Hérode eut la joie de voir son ennemie Cléopâtre échouer dans ses tentatives de séduction sur César et se donner la mort. Les Judéens d’Alexandrie se réjouirent aussi de la fin de cette reine, dont ils avaient eu beaucoup à souffrir. Peu de temps avant sa mort, ce monstre couronné avait exprimé le vœu de pouvoir égorger, de sa main, tous les habitants judaïtes de sa capitale qui tenaient pour Octave. Pour récompenser leur attachement, Octave accorda aux Judéens d’Égypte la confirmation de leurs droits politiques et de leurs privilèges. Telle était sa confiance en leur fidélité, qu’il laissa à leurs arabarques la surveillance des douanes fluviales et maritimes dont ils avaient été investis par les rois d’Égypte. C’était là un témoignage de confiance d’autant plus remarquable que César attachait une importance extrême à la possession de l’Égypte, grenier de Rome, et surtout à celle d’Alexandrie, à cause de son port. Il avait en effet défendu aux sénateurs de s’y rendre sans une autorisation spéciale. A la mort de l’arabarque qui commandait alors, Octave permit que son successeur fut choisi parmi les Judéens d’Alexandrie, et lui conserva tous les privilèges de ses devanciers. Tandis qu’il restreignait les droits des habitants grecs d’Alexandrie, à cause de leur perversité, de leur mobilité d’esprit et de leur insubordination, ne leur laissant aucune part d’autorité et les plaçant sous la juridiction d’un juge institué par lui-même, il nomma un conseil exclusivement judaïque et fonctionnant à côté de l’arabarque ou ethnarque. Ce conseil dirigeait la communauté judéenne, décidait les questions litigieuses et veillait à l’exécution des ordonnances royales et des traités.

Aux libertini de Rome, l’empereur permit l’exercice de leur culte, et cet exemple de tolérance servit de règle pour l’avenir. Les Judéens romains purent avoir leurs maisons de prière et tenir leurs assemblées religieuses ; ils eurent le droit d’envoyer tous les ans leurs dons au temple de Jérusalem, bien qu’il fût généralement défendu d’exporter de grosses sommes de Rome à l’étranger. Les Judéens romains recevaient aussi leur part des distributions de blé faites au peuple. Si ces distributions devaient avoir lieu le jour du sabbat, les Judéens recevaient leur part le lendemain. Ainsi l’avait réglé l’empereur.

Octave donna à Hérode les quatre cents Gaulois qui formaient la garde de Cléopâtre et lui restitua les villes maritimes et le territoire de Jéricho, qu’Antoine avait enlevés à la Judée. Samarie, Gadara et Hippos furent également incorporées au territoire judaïque, qui recouvra dès lors l’étendue qu’il avait eue avant la guerre de Hyrcan et d’Aristobule et l’intervention des Romains. A partir de cette époque et sans doute par l’ordre d’Hérode, qui voulait flatter l’empereur, des sacrifices furent offerts dans le temple en l’honneur des césars romains. Auguste et son épouse consacrèrent au sanctuaire des cruches d’or destinées aux libations.

Hérode était parvenu désormais au faite de la puissance loin de s’acharner après lui, le malheur l’avait grandi. Mais il ne devait pas jouir longtemps de ses succès ; le châtiment de ses forfaits l’attendait, s’attachant à ses pas, transformant ses joies en amertume. Dans sa maison même, un drame se déroula, tel que l’imagination d’un poète ne peut en concevoir de plus tragique. Mariamne, qui, pendant l’absence d’Hérode, avait été traitée, ainsi que sa mère, comme une prisonnière, avait appris de son geôlier, Soëm, l’ordre secret donné par Hérode d’égorger les deux femmes si la nouvelle de sa mort lui parvenait. Au retour d’Hérode, Mariamne ne lui cacha pas la haine qu’il lui inspirait. Le cœur de ce prince était torturé à la fois par l’amour qu’il ressentait pour la femme et par la haine qu’il éprouvait pour l’ennemie de sa personne et de son pouvoir. Affolé par ce double sentiment, il n’était que trop disposé à prêter l’oreille aux délations de sa sœur Salomé, qui vint accuser Mariamne d’avoir corrompu un des échansons du roi pour l’empoisonner. Dans l’interrogatoire qui s’ensuivit, il fut prouvé que Mariamne connaissait les ordres secrets donnés à Soëm. Cette trahison d’un de ses serviteurs les plus chers excita au plus haut point la jalousie du prince et déchaîna toute la furie de ses passions. Soëm fut aussitôt mis à mort. Mariamne fut amenée devant un tribunal convoqué par Hérode et accusée par lui d’adultère et de tentative d’empoisonnement. Les juges crurent être agréables au prince en prononçant la peine capitale. La plus ravissante fille de Juda, la belle Hasmonéenne, l’orgueil de la nation, marcha donc du tribunal à l’échafaud. Elle y monta calme et résolue, sans faiblesse et sans crainte, et resta digne de ses aïeux (29). Mariamne était l’image de la Judée, livrée à la hache du bourreau par l’intrigue et la haine.

La mort de Mariamne, loin d’éteindre la soif de vengeance dans le cœur d’Hérode, exalta au contraire son ressentiment jusqu’à la fureur. Il ne put se résigner à la perte de cette femme, et son désespoir ne connut pas de limites. Le trouble de son âme altéra sa santé ; il tomba malade à Samarie, et la gravité de son mal fit craindre pour sa vie. Alexandra voulut profiter de l’occasion pour s’emparer de Jérusalem et détrôner son mortel ennemi. L’imminence du danger ranima l’énergie d’Hérode : Alexandra fut condamnée à mort et promptement exécutée (vers l’an 29). Avec elle s’éteignit le dernier rejeton de la souche des Hasmonéens. Elle avait vu périr successivement son beau-père Aristobule II, son époux Alexandre, Antigone son beau-frère, Aristobule III son fils, Hyrcan II son père et sa fille Mariamne.

Le reste du règne d’Hérode n’offre rien de saillant. Toujours occupé à flatter Auguste et Rome, se livrant à son goût pour les constructions et pour les spectacles, ce prince termina ses jours au milieu des complots sans cesse renaissants, des intrigues de cour suivies de nouveaux crimes et de nouvelles exécutions. Pour conserver les bonnes grâces d’Auguste, il institua à Jérusalem des fêtes quinquennales en mémoire de la bataille d’Actium ; il bâtit un théâtre et un hippodrome, organisa des luttes d’athlètes et des combats d’animaux. Les Judéens virent avec raison dans ces mesures des tentatives faites pour transformer le culte national en religion païenne ; les trophées et les aigles romaines qui décoraient le théâtre, c’étaient, à leurs yeux, les idoles de Rome envahissant la Judée : de là une violente irritation. Hérode donna bientôt au peuple un autre sujet de mécontentement. Non seulement il fit orner (l’an 25) de nouvelles et magnifiques constructions la ville de Samarie, si odieuse aux Judéens, mais il songea même à en faire la capitale du royaume et il manifesta publiquement son projet. Il lui donna le nom de Sebaste, en l’honneur d’Auguste, comme jadis la citadelle de Baris, l’arsenal des Hasmonéens au nord-ouest du temple, avait reçu de lui le nom d’Antonia, pour flatter Antoine. Il remplit la Judée de villes et de monuments portant les noms de ses protecteurs romains ou de membres de sa famille. La tour de Straton, sise au bord de la mer, fut transformée par lui, au prix de dépenses considérables, en une ville maritime de premier ordre, qu’il nomma Césarée (Kisrin). Hérode ne se fit même point scrupule d’ériger un temple romain en Terre sainte. Césarée fut ornée de deux colosses, l’un représentant Auguste en Jupiter olympien ; l’autre, la ville de Rome sous les traits de Junon. Lorsque la cité nouvelle, à laquelle Hérode avait travaillé pendant douze ans (23 à 12), fut inaugurée par des fêtes somptueuses, on put se croire transporté dans une ville païenne : aussi lui donna-t-on le nom de Petite Rome. Plus tard, cette ville devint le site du gouvernement romain, la rivale de Jérusalem et enfin sa maîtresse. Chaque fois que Césarée se réjouissait, Jérusalem pleurait. — Le port voisin de Césarée, qui peu à peu devint lui-même une ville maritime, reçut d’Hérode le nom de Sébastos. A peu près à deux milles au sud-ouest de Jérusalem, il se bâtit à lui-même la ville d’Hérodium, en souvenir de la victoire qu’il y avait remportée sur la populace qui le poursuivait. Évidemment, Hérode a embelli la Judée, mais comme on pare une victime vouée à la mort.

Mais ces constructions, qui satisfaisaient son amour du faste, ne suffisaient pas à son ambition. Renonçant à l’attachement de ses sujets, il voulait forcer l’admiration des nations voisines et rendre son nom populaire parmi elles. Il accabla le peuple d’impôts, multiplia les exactions, fit ouvrir les tombeaux des rois pour y trouver des trésors ; ceux qui étaient accusés de quelque vol, il les vendait comme esclaves à l’étranger. Toutes ces recettes passèrent en prodigalités et furent employées à embellir des villes de Syrie, d’Asie Mineure et de Grèce.

Toutefois, si Hérode jouissait de l’admiration et de la sympathie des Grecs, des Romains et des Judéens de la dispersion, le peuple de la Judée n’éprouvait que de l’aversion pour l’insolent parvenu qui cherchait à détruire les mœurs et les coutumes des ancêtres. En vain, lors d’une famine terrible qui engendra des maladies épidémiques (24), Hérode avait multiplié les secours ; sa conduite fit bientôt oublier ses bienfaits, et la nation entière ne vit en lui que l’usurpateur, le meurtrier des Hasmonéens, l’oppresseur de la liberté. N’avait il pas déshonoré, en y touchant, les trois plus hautes institutions : la royauté, le pontificat et le sanhédrin ? Usurpateur de la couronne, il avait osé disposer de la tiare pontificale suivant son bon plaisir. Après Ananel, il avait institué, comme grand prêtre, Josué, de la famille des Phabi ; mais, ensorcelé par une belle vierge, une autre Mariamne, fille d’un prêtre obscur, Siméon, il éleva celui-ci au grand pontificat, afin de pouvoir contracter une union moins disproportionnée (24). Siméon, originaire d’Alexandrie, était le fils de ce Boéthos, souche de la grande famille des Roéthusiens, qui donnèrent plusieurs grands prêtres à la Judée. Ces empiétements hardis que se permit Hérode n’étaient pas faits pour lui gagner l’amour de la nation. Connaissant la défaveur dont il était l’objet et ne pouvant la faire cesser, il voulut du moins réduire ses ennemis à l’impuissance. Il exigea du peuple le serment de fidélité (20) et punit sévèrement ceux qui se refusaient à le prêter. Les esséniens seuls, que leur règle empêchait de jurer, furent exemptés du serment. Du reste, comment aurait-il pu les craindre, eux qui vivaient dans une placide contemplation ? C’étaient précisément des sujets tels qu’il les souhaitait, des hommes disposés à supporter patiemment toutes les avanies. Du reste, Hérode avait une espèce de prédilection pour les esséniens. L’un d’eux, nommé Menahem, lui avait prédit, dès son enfance, son avènement futur au trône de Judée. Lorsque cette prédiction se fut réalisée, Hérode manda Menahem auprès de lui et lui donna le second rang dans le Sanhédrin après Hillel. Sans doute, Hérode avait tenu à avoir un homme de confiance au sein de ce conseil. Mais Menahem renonça à cette fonction, ne se trouvant pas à l’aise au milieu de ses collègues. A sa place, un Pharisien, Schammaï, fut élevé à la vice-présidence. Celui-ci voulait faire exécuter les lois religieuses dans toute leur rigueur. Il forma une école particulière, désignée sous le nom d’école de Schammmaï dont les disciples exagérèrent encore la sévérité du maître. Leurs principes étaient précisément l’opposé des principes de l’école de Hillel, qui interprétait les lois avec beaucoup plus d’indulgence. Les Schammaîtes refusèrent de prêter serment à Hérode, qu’ils haïssaient profondément.

Malgré toutes les précautions prises, Hérode ne se fiait pas au peuple. Il prit à sa solde une nuée d’espions qui allaient se mêler aux groupes populaires, attentifs aux conversations. Souvent lui-même, sous un déguisement, pénétrait dans ces réunions, et malheur alors à qui laissait échapper une parole de mécontentement ! Il était arrêté sur-le-champ et enfermé dans une forteresse, ou supprimé par des mains inconnues.

Mais la faveur populaire est douce, même au cœur des tyrans. Hérode y tenait d’autant plus qu’il voulait passer, aux yeux des Romains, pour un prince aimé du peuple. Ce sentiment, joint à son amour pour les constructions, lui inspira la pensée de transformer le temple, vieux de cinq siècles, petit, mesquin et de style démodé, en un sanctuaire neuf et magnifique. Il fit part de son projet aux chefs de la nation, qui en furent effrayés. Ils craignaient qu’Hérode ne voulût seulement démolir l’ancien sanctuaire, ou que la reconstruction ne traînât en longueur. Hérode les rassura en leur promettant de ne pas toucher au vieux temple que les matériaux et les ouvriers ne tussent tous rassemblés. Des milliers de chariots amenèrent sur le chantier d’énormes pierres de taille, des blocs de marbre. Dix mille hommes, experts dans l’art de la construction, se mirent à l’œuvre. Ce travail commença dans la 18e année du règne d’Hérode (janvier 19). L’intérieur du temple fut achevé en un an et demi. La construction des murs, des portiques et colonnades demanda huit ans, et longtemps après, on travaillait encore aux parties extérieures. Le temple d’Hérode était un chef-d’œuvre que les contemporains ne pouvaient assez admirer. Il se distinguait du sanctuaire de Zorobabel par des proportions plus vastes et une splendeur plus grande. Il était bâti en amphithéâtre, ce qui permettait de le voir de loin. En deçà du mur extérieur et dans toute sa longueur, couraient des portiques et des colonnades, recouverts d’une charpente de cèdre et dallés de pierres de couleur. Le premier parvis, entouré par les colonnades, servait de lieu de réunion pour le peuple. Les païens et les personnes impures ne pouvaient pénétrer au delà de ce parvis. Hérode fit faire des inscriptions en grec et en latin, gravées sur des colonnes, pour avertir les païens de ne pas avancer plus loin. Ces inscriptions, gravées en gros caractères, se composaient de sept lignes et étaient ainsi conçues : Aucun étranger ne peut circuler à l’intérieur de la balustrade et de l’enceinte qui entourent le sanctuaire : quiconque s’y risquerait s’exposerait à perdre la vie ! — Le deuxième parvis (hel), primitivement entouré d’une balustrade en bois (soreq), reçut, sous Hérode, une enceinte de pierre d’une médiocre hauteur.

La distribution du temple même ne fut guère modifiée et resta ce qu’elle était dans l’ancien : le temple se composait toujours de trois cours à ciel ouvert (azarah) et du sanctuaire, couvert d’une toiture. Les murs du sanctuaire étaient de marbre blanc et poli ; bâtis sur le sommet de la colline du Temple et dominant le portique, ils offraient de tous côtés un aspect imposant. L’espace situé devant le sanctuaire était divisé en plusieurs parties réservées aux femmes, au peuple, aux prêtres et au service des sacrifices. Pour l’ornementation des battants, poteaux et linteaux des portes du sanctuaire, Hérode déploya le plus grand luxe. La porte conduisant à la cour des femmes avait des battants en airain de Corinthe ; ce merveilleux monument était le don d’un riche habitant d’Alexandrie, nommé Nicanor, qui était sans doute, à cette époque, l’arabarque des Judéens d’Égypte. Cette porte était désignée sous le nom de porte de Nicanor. De la porte de Nicanor, un escalier de quinze marches conduisait à la cour d’Israël, dans laquelle on pénétrait par une porte appelée la porte haute, à cause de sa position élevée. Le toit du temple était muni de pointes dorées, destinées à empêcher les corbeaux et les autres oiseaux d’y venir nicher. Ces pointes servaient en même temps de paratonnerres, mais les constructeurs n’avaient guère songé à cet emploi.

La dédicace du nouveau temple bâti par Hérode effaça, par sa pompe, les magnificences déployées lors de la dédicace du temple de Salomon. On immola hécatombes sur hécatombes et l’on offrit des festins au peuple. Le jour de l’inauguration tomba précisément vingt ans après qu’Hérode se fut, de ses mains sanglantes, emparé de Jérusalem (juin 18). — Mais celui-là même qui avait construit le temple avait en même temps allumé la torche qui devait le consumer. C’est en effet sous la sauvegarde de Rome qu’Hérode plaça le saint monument. Au-dessus de l’entrée principale, il avait, au grand scandale des pieux Israélites, fixé un aigle d’or, symbole de la puissance romaine. La tour Antonia, destinée à surveiller le temple, fut reliée au sanctuaire par un passage souterrain, pour faciliter la répression des moindres soulèvements qui pouvaient éclater. La défiance vis-à-vis de ce peuple qu’il avait asservi étreignait le cœur d’Hérode.

Dans la dernière période de son règne, un malheur terrible vint frapper Hérode, alors âgé d’environ soixante ans, et le mit dans cet état de sombre désespoir où l’homme finit et où la bête commence. Les cadavres de ses innocentes victimes se dressaient devant lui comme des fantômes, le poursuivant endormi ou éveillé, faisant de son existence un supplice infernal et sans fin. Vainement il chercha un cœur ami pour lui demander conseil ou consolation. Salomé, sa sœur, Phéroras, son frère, ses propres enfants, tous étaient devenus ses ennemis et conspiraient contre son repos et sa vie. Cette existence tourmentée le rendit encore plus implacable et plus féroce pour tout son entourage. La cause première de son malheur, ce fut la mort de Mariamne. Elle lui avait laissé, en même temps que deux filles, deux fils, Alexandre et Aristobule, qui, instruits de la mort de leur mère, refusèrent au meurtrier toute affection. C’étaient eux pourtant qu’en qualité de descendants des Hasmonéens, Hérode avait destinés à lui succéder. Il les avait envoyés à Rome pour qu’ils apprissent de bonne heure à gagner les bonnes grâces d’Auguste et pour les initier à la vie romaine. II unit Alexandre à Glaphyra, fille d’Archélaüs, roi de Cappadoce, et Aristobule à Bérénice, fille de Salomé. Dans ce dernier mariage, Hérode semble avoir eu pour objet d’amener le bon accord parmi les membres de la famille royale. Mais la haine de Salomé et de Phéroras contre Mariamne l’Hasmonéenne contrecarra ses projets de conciliation. Ils surent engager Hérode à rappeler auprès de lui le fils de Doris, sa première femme, qu’il avait chassé avec sa mère lors de son mariage avec Mariamne, et à le traiter en prince. Le fils de Doris, Antipater, avait dans le sang toute la perfidie, l’hypocrisie et la dureté de cœur de la famille iduméenne, et il tourna sa perversité contre les siens, contre son père et ses frères. Salomé, Phéroras et Antipater, quoique ennemis mortels, s’unirent dans une haine commune contre les fils de Mariamne. Plus Hérode montrait de prédilection pour Alexandre et Aristobule, plus la sympathie du peuple s’attachait à ces jeunes descendants de la famille des Hasmonéens, plus aussi la haine grandissait dans le cœur des conjurés. Antipater accusa Alexandre et Aristobule de vouloir venger la mort de leur mère sur son meurtrier. Des propos imprudents, échappés aux deux princes dans un moment d’humeur, donnèrent un prétexte à l’accusation. L’âme soupçonneuse d’Hérode accueillit avidement cette calomnie. Il prit ses fils en haine et, pour les punir, accorda à Antipater les mêmes droits à sa succession. Les fils de l’Hasmonéenne, exaspérés, éclatèrent en paroles imprudentes qui furent rapportées à leur père, grossies et dénaturées : on les accusa d’avoir formé une véritable conspiration contre la vie d’Hérode. Antipater eut soin de fournir les preuves de leur prétendu crime. Mis à la torture, les serviteurs et les amis des jeunes princes déclarèrent tout ce qu’on voulut. Un tribunal de cent cinquante membres, tous dévoués à Hérode, réuni à Béryte, condamna ses deux fils, sur ces allégations extorquées. Hérode se hâta dei les faire exécuter : transportés à Samarie, dans la même ville où leur père dénaturé avait, trente ans auparavant, célébré ses noces avec Mariamne, ils firent décapités, et leurs cadavres inhumés à Alexandrie (vers l’an 7).

La mort de ses fils n’avait pas mis fin aux intrigues contre Hérode : au contraire, elles reprirent de plus belle. Hérode avait promis la couronne à Antipater, mais celui-ci ne se croyait pas assuré de la succession au pouvoir, tant que son père serait en vie. Il s’unit secrètement avec Phéroras, pour attenter aux jours de son père et de son bienfaiteur. Mais ses infâmes projets furent découverts. Diverses circonstances, jointes aux déclarations de plusieurs témoins, révélèrent à Hérode la tentative faite par Antipater pour l’empoisonner. Ce fut un coup terrible pour le vieux roi, et sa fureur ne connut pas de bornes. Cependant il dut dissimuler et feindre l’amitié la plus vive pour Antipater, afin de le décider à revenir de Rome à Jérusalem. Lorsqu’il fut de retour, son père l’accabla de reproches ; devant un tribunal présidé par le proconsul romain Quintilius Varus, il l’accusa d’avoir causé la perte de ses deux frères et d’avoir cherché à le faire périr lui-même. Le monstre osa protester de son innocence ; mais Nicolas de Damas, l’ami d’Hérode, reprit le réquisitoire du roi, et Antipater fut condamné à mort. Hérode demanda à Auguste la confirmation de ce jugement.

Accablé sous le poids de tant de douleurs, le vieux roi tomba malade. Toutes ses espérances étaient anéanties. Auquel de ses fils survivants devait-il se fier désormais ? Pour la troisième fois, il changea l’ordre de la succession. — Cependant, loin de le calmer et de lui inspirer la douceur et la pitié, le malheur ne faisait que l’aigrir et aiguiser sa cruauté. Un léger méfait commis par des jeunes gens fut puni par ce vieillard, fatigué de la vie et déjà au seuil de la tombe, avec la dureté implacable qui le distinguait, lorsque d’audacieux rêves d’ambition gonflaient encore son cœur. Les pharisiens, qui ne l’aimaient pas, furent accusés d’avoir pris part à la conspiration dirigée contre sa vie. Aussi en fit-il exécuter un certain nombre, convaincus d’avoir été mêlés au complot, et soumit-il les autres à une surveillance étroite. De leur côté, les Pharisiens ne cessèrent d’exciter la jeunesse des écoles contre l’Iduméen, le courtisan de Rome. Ils surent le faire sans danger, en appliquant, par des artifices de rhétorique, les menaces des prophètes contre le peuple iduméen à Hérode et à sa famille. Sous prétexte d’interprétation de l’Écriture sainte, les docteurs pouvaient exprimer impunément leurs secrètes pensées.

Parmi les pharisiens les plus hostiles à Hérode et aux Romains, se distinguaient surtout Juda ben Tsippori et Matthia ben Margaloth. Lorsque le bruit de l’agonie du roi arriva à leurs oreilles, ces docteurs, aimés de la jeunesse, la poussèrent à jeter bas l’aigle d’or dont il avait surmonté le portail du temple et qu’ils considéraient comme une profanation du sanctuaire. La nouvelle de la mort d’Hérode, qui s’était répandue dans Jérusalem, favorisait l’entreprise. Aussitôt les jeunes disciples accoururent au temple armés de haches, se hissèrent au-dessus de la porte à l’aide de cordages et abattirent l’aigle d’or. A la nouvelle de cette émeute, les soldats d’Hérode marchèrent contre les jeunes gens ; quarante d’entre eux et les deux chefs furent pris. A la vue des victimes offertes à sa colère, l’énergie du vieux roi se réveilla. Pendant l’interrogatoire des coupables, il dut pourtant entendre des paroles qui lui prouvèrent son impuissance à briser la volonté du peuple. Les accusés avouèrent sans crainte ce qu’ils avaient fait et ils s’en vantèrent. On leur demanda qui les avait poussés à cet acte : La Loi, répondirent-ils. Hérode les fit tous brûler vifs.

Mais la justice divine n’allait pas tarder à s’appesantir sur Hérode et à le flageller plus durement que la voix vengeresse des docteurs (le livre de Kohéleth ou l’Ecclésiaste, qui parut à cette époque, n’est autre chose qu’un virulent et ingénieux pamphlet contre Hérode). La dernière joie qu’il éprouva, avant de succomber à son horrible mal, fut en même temps pour lui un véritable supplice. Auguste lui fit savoir qu’il lui permettait de châtier à son gré le misérable Antipater. Le plaisir de la vengeance calma pour un moment les souffrances d’Hérode ; mais aussitôt ses douleurs devinrent si vives qu’il faillit en finir avec la vie en se donnant la mort à coups de couteau. Son parent Achiab lui arracha l’arme des mains. Les gémissements qui éclatèrent dans le palais parvinrent aux oreilles d’Antipater, dans la prison où il était retenu. Antipater se remit à espérer d’avoir la vie sauve ; il supplia son geôlier de le mettre en liberté. Le geôlier, ne voulant pas risquer légèrement sa tête, courut dans les appartements du palais pour s’assurer si le roi vivait encore. Quand Hérode apprit de sa bouche qu’Antipater espérait lui survivre, il ordonna à ses gardes de le mettre à mort sur-le-champ, ce qui fut fait. Bien qu’Antipater eût mérité dix fois ce châtiment, sa mort indigna cependant tous les cœurs : c’était le troisième de ses fils qu’Hérode condamnait au supplice. A la nouvelle de l’exécution d’Antipater, Auguste, dont les sentiments n’étaient guère plus tendres pour sa propre fille Julie, ne put s’empêcher de s’écrier : J’aimerais mieux être le pourceau d’Hérode que son fils.

Plus tard, la légende attribua à Hérode le massacre de tous les enfants de Bethléem et des environs, âgés de moins de deux ans, parce qu’il avait appris que le Messie, fils de David, était né dans ce bourg. Mais ce crime-là, du moins, n’est pas imputable à ce grand criminel.

La dernière pensée d’Hérode fut encore une pensée odieuse il manda à Jéricho les plus notables Judéens, les fit enfermer dans l’hippodrome et ordonna à sa sœur Salomé et au mari de celle-ci, Alexas, de les faire tuer par ses gardes, dès qu’il aurait rendu le dernier soupir : il voulait que la nation pleurât, à ses funérailles, au lieu de manifester de la joie. Il mourut cinq jours après l’exécution d’Antipater (au printemps de l’an 4), à l’âge de soixante-neuf ans, la trente-septième année de son règne. Ses flatteurs l’appelèrent Hérode le Grand, mais le peuple ne vit en lui que l’esclave hasmonéen. Tandis que ses dépouilles étaient transportées en grande pompe à Hérodium, accompagnées de mercenaires thraces, germains et gaulois, et des troupes qu’on nommait les soldats d’Auguste, le peuple célébra sa mort comme un jour de fête.