Deuxième époque — L’apogée
Jean Hyrcan, qui avait si heureusement échappé aux
embûches de son beau-frère, forme en quelque sorte le point culminant et la
limite extrême de cette période. Il continua l’œuvre de son père et il eut la
gloire de l’achever. Sous ses prédécesseurs, Salomon, à son avènement, avait trouvé dans Adonias un
rival, un prétendant, qu’il fallut réduire à l’impuissance. Hyrcan, de même,
eut à soutenir une lutte très vive contre des compétiteurs. Parmi eux se
trouvait son beau-frère Ptolémée,le meurtrier de son père, qui avait attenté
à sa propre vie. Cependant celui-ci n’était redoutable que parce que Cependant Hyrcan se vit bientôt menacé de dangers plus graves. Antiochus Sidétès, qui avait à cœur de venger sa défaite récente, vint en Judée avec une armée nombreuse (automne de 135), dévastant le pays sur son passage. Il arriva devant Jérusalem, où Hyrcan, se jugeant incapable dé lui résister en rase campagne, alla se renfermer, espérant trouver un sûr abri derrière ses fortes murailles. Antiochus entreprit un singe en règle. Il entoura la ville de sept camps ; du côté nord, oit le sol était uni, il établit cent tours à triple étage, du haut desquelles ses troupes pouvaient battre en brèche les murailles de la ville. Pour rendre les sorties des assiégés plus difficiles, il fit creuser une double tranchée autour du camp. Cependant les assiégés n’en firent pas moins de fréquentes sorties et repoussèrent vaillamment les attaques des assaillants, de sorte que le siège traîna en longueur. Le manque d’eau, dont soufrait l’armée syrienne, y produisit de nombreuses maladies. De leur côté, les assiégés, qui avaient de l’eau en abondance, manquaient de vivres. Hyrcan se vit dans la cruelle nécessité de commettre un acte inhumain en chassant de la cité les bouches inutiles. Cependant l’été se passa et les assiégeants n’avaient pas
encore chance de prendre la ville. De leur côté, les assiégés, voyant Ies
vivres y diminuer de plus en plus et s’approcher l’époque de la fête des
Tabernacles, songèrent à demander la paix. Hyrcan fit les premiers pas et
sollicita d’Antiochus un armistice de sept jours. Antiochos l’accorda et même
il envoya, pour les sacrifices de la fête, des bêtes aux cornes dorées et des
cassolettes d’or. Des négociations furent entamées pour la paix. Les
conseillers du roi, lui rappelant la politique d’Antiochus Épiphane, qui ne
connaissait d’autre moyen d’extirper du cœur des Judéens leur haine du genre humain que de les forcer à
renoncer à leurs lois particulières, l’engagèrent à user de la plus grande
sévérité. Si Antiochus avait écouté ses conseillers qui, imbus des préjugés
de leur temps, ne voyaient dans les lois séparatistes du judaïsme que la
haine de l’humanité, les luttes sanglantes pour la conservation de sa loi et
de ses coutumes auraient recommencé pour Israël. Heureusement Antiochus
n’était ni assez tenace ni assez fort pour oser se lancer dans une telle
aventure. Les conditions de paix qu’il offrit étaient à peu près acceptables.
Il demandait aux Judéens de lui remettre leurs armes, de lui payer un tribut
pour Joppé, Gazara et les autres villes qui avaient appartenu à En effet, Hyrcan envoya une ambassade au sénat romain, les
priant de renouer avec Antiochus mourut dans cette expédition et laissa Après la mort de l’usurpateur syrien Alexandre Zebina (123), Jean Hyrcan,
qui jusqu’à ce moment s’était tenu sur la défensive, prit une attitude
agressive à l’égard de Hyrcan considérait comme un devoir qui s’imposait à lui de
rendre tous ces territoires à Hyrcan tourna d’abord ses armes vers l’est, c’est-à-dire vers la contrée du Jourdain et principalement contre le bourg de Médaba. Sichem, la capitale des Samaritains, et le temple du Garizim, qui avait toujours été un objet d’horreur pour la nation judaïque, furent détruits (21 kislew). On célébrait chaque année le souvenir de cet événement (Yom har-Garizim). De ce jour date la décadence des Samaritains ; car si, pendant des siècles, ils ont encore conservé leur caractère propre, s’ils ont survécu jusqu’à nos jours et continué d’apporter des sacrifices sur le Garizim, ils s’affaiblissent de plus en plus par suite de l’absence d’un centre religieux. Après sa victoire sur les Samaritains, Hyrcan marcha contre les Iduméens. Cette nation, quoique fortement abaissée par les vicissitudes des diverses dynasties asiatiques et macédoniennes qui se succédèrent, et chassée de ses demeures par les Nabatéens, était la seule des peuplades de même souche qu’Israël qui eût su se maintenir, conservant sa haine contre Israël. Hyrcan se vit donc obligé de les réduire à l’impuissance. Il assiégea leurs deux villes fortes, Adora et Marissa (Marèscha), dans le district de Gabalène, qu’il rasa entièrement, après quoi il laissa aux Iduméens le choix entre l’émigration et la conversion au judaïsme. Ils prirent ce dernier parti. Naturellement les temples consacrés aux idoles furent détruits ; cependant les prêtres continuèrent à rester attachés secrètement à leur culte. Ainsi les deux frères ennemis, Jacob et Ésaü, divisés par une haine dix fois séculaire, s’étaient rapprochés, le plus âgé des deux, Édom, s’étant soumis au plus jeune. Pour la première fois, le judaïsme, en la personne de son prince, Jean Hyrcan, se montrait intolérant vis-à-vis d’autres cultes et s’imposait par la violence. Mais il devait bientôt reconnaître à ses dépens le danger qu’il y a à pousser l’esprit de conservation jusqu’au prosélytisme. La fusion des fils d’Édom avec les fils de Jacob n’apporta à ces derniers que des malheurs. Ce furent des Iduméens et des Romains qui détrônèrent la dynastie des Hasmonéens et causèrent la ruine de l’État judaïque. La guerre avec l’Idumée et la conversion des Iduméens
amenèrent une nouvelle expédition de Hyrcan contre Samarie, qui était
habitée, en grande partie, par des Macédoniens et des Syriens. Près de cette
ville, il avait transplanté des colons iduméens, enlevés au district de
Marissa. Ceux-ci se virent inquiétés et maltraités par leurs voisins, à
l’instigation d’Antiochus Cyzicène, un des prétendants au trône de
Syrie. Ce dernier avait hérité d’Antiochus Épiphane sa haine pour les
Judéens, et cherchait à leur susciter mille embarras. Ses généraux faisaient
des incursions en Judée ; ils s’emparèrent de quelques places fortes dans le
voisinage de la côte et mirent une garnison dans Joppé. Hyrcan s’en plaignit
au sénat romain, qui avait promis autrefois à Mais lorsque Hyrcan, voulant châtier Samarie de son hostilité envers les colons de Marissa, ceignit la ville de fossés et de retranchements et l’assiégea si étroitement que, toutes ses communications se trouvant coupées, la famine commença à s’y faire sentir, Antiochus vint à son secours. Battu dans une rencontre par Aristobule, le fils aîné de Hyrcan, qui dirigeait les opérations du siège avec son frère cadet Antigone, Antiochus dut s’enfuir à Bethsan (Scythopolis). Se sentant trop faible pour vaincre les Judéens, il appela à son aide un des princes régnants d’Égypte, Ptolémée VIII Lathuros. Celui-ci se laissa facilement entraîner ; car il haïssait les Judéens. Sa mère Cléopâtre, que le peuple avait forcée de partager le pouvoir avec lui, lui faisait sourdement la guerre. A l’exemple de ses parents, elle favorisait les Judéens. Elle avait à ses côtés deux fils d’Onias IV, Helcias et Ananias, qu’elle avait nommés gouverneurs du district d’Onion. Ce fut là précisément le motif de l’aversion que son fils avait conçue pour le judaïsme en général. Aussi se rendit-il à l’invitation d’Antiochus, de combattre Hyrcan et de faire lever le siège de Samarie. Malgré l’opposition de sa mère, Ptolémée se rendit en Judée avec une armée de 6.000 hommes. Se sentant trop faible pour oser se mesurer en rase campagne avec l’armée judaïque, il dut se borner à dévaster le pays, espérant par là arracher les Judéens au siège de Samarie. Mais ceux-ci ne levèrent pas le siège et, par un coup de main, ils forcèrent Antiochus à quitter le théâtre de la guerre. Une voix sortie du Saint des saints annonça à Hyrcan, dit-on, la victoire remportée sur Lathuros, au moment même où ses fils venaient de gagner la bataille. Il entendit ces mots prononcés en langue araméenne : Les jeunes princes ont vaincu Antiochus. Callimandre et Épicrate, les deux
lieutenants que Lathuros laissait en Judée pour continuer les hostilités, ne
furent pas plus heureux que leur maître. Callimandre succomba dans une
rencontre ; Épicrate, gagné à prix d’argent, livra aux princes judéens
Bethsan et les villes de la plaine, de Jezréel jusqu’au mont Carmel, qui
avaient appartenu aux Grecs ou aux Syriens. Les habitants païens de ces
villes en furent aussitôt expulsés. Les jours où les Judéens avaient repris
Bethsan et la plaine, les 15 et 16 sivan (juin 109), furent mis au nombre des jours
de victoire. Au bout d’un an, les Samaritains, n’ayant plus de secours à
attendre du dehors, durent capituler et rendre la ville aux vainqueurs. Soit
désir de vengeance, soit mesure de précaution, Hyrcan fit détruire Samarie de
fond en comble, y creusa des fossés et des canaux, n’y laissa pas subsister
trace de son ancienne splendeur. Le jour où elle tomba aux mains des Judéens (25 marhesvan, novembre
109) devint un jour de fête. C’est ainsi que Hyrcan réalisa les vastes
projets des Hasmonéens et acheva leur œuvre. Il avait assuré l’indépendance
de Hyrcan, lui aussi, eut ses monnaies avec des inscriptions en vieil hébreu. Mais il n’imita point la retenue de son père et il y mit son titre : Johanan, grand prêtre. Toutefois, une partie de ses monnaies porte cette addition à la légende ordinaire : et la communauté des Judéens, comme s’il avait senti la nécessité d’indiquer qu’il n’exerçait le droit de battre monnaie qu’au nom du peuple. D’autres monnaies portent une inscription différente : Johanan, grand prêtre et chef de la communauté des Judéens. Quant à l’emblème, ce n’était pas le lis des monnaies de son père Siméon. A l’imitation des princes macédoniens, celles de Hyrcan portaient une corne d’abondance. Vers la fin de son règne, Hyrcan prit de plus en plus des allures de prince temporel. Tous ses efforts tendirent à agrandir son territoire et à fortifier son pouvoir. Il paraît même avoir jeté des regards de convoitise sur la vaste contrée qui commande la route de Damas. La conquête de l’Iturée (à l’est de l’Hermon), conquête achevée par son successeur, avait été préparée par lui. Un mouvement puissant qui se produisit à l’intérieur et qu’il ne put maîtriser, puis sa mort qui suivit de près, l’empêchèrent de mettre son projet à exécution. Ce mouvement, peu apparent à son début prit une tournure si malheureuse que l’édifice péniblement construit par les Hasmonéens en fut ébranlé. Pour la seconde fois, l’État judaïque, parvenu à son plus haut degré de puissance, dut voir que le pouvoir matériel lui échapperait toujours. |