HISTOIRE DES JUIFS

DEUXIÈME PÉRIODE — APRÈS L’EXIL

Deuxième époque — L’apogée

Chapitre VIII — Les princes Maccabéens — (143-135).

 

 

Au moment où la communauté judaïque d’Alexandrie prenait un si grand essor intellectuel, les Judéens restés dans la mère patrie arrivaient à une situation politique si élevée qu’ils pouvaient envisager avec un légitime orgueil leur abaissement antérieur. Pour juger des progrès qu’ils avaient faits sous Jonathan, il suffit de comparer l’état où sa mort les avait laissés avec celui où ils s’étaient trouvés, lors de la mort de Maccabée. Dans les premiers temps, le successeur de Juda ne put réunir autour de lui qu’une poignée de braves. Il était un chef sans autorité et sans titre, n’ayant ni places fortes ni ressources pour l’attaque et la défense, assailli de tous côtés, du dehors et du dedans, par des ennemis. Le successeur de Jonathan, au contraire, Siméon Tharsi, le dernier des héroïques fils de Mattathias, trouva en prenant le pouvoir un peuple fort. Il reçut le titre légitime de prince avec la dignité de grand prêtre; il trouva des forteresses, protection efficace contre les attaques de l’ennemi, et il n’avait devant lui qu’un seul adversaire, passablement affaibli déjà par son prédécesseur. Aussi la mort de Jonathan ne produisit-elle pas de découragement. Au contraire, elle enflamma les esprits des partisans de la famille des Hasmonéens et du peuple entier du désir de venger cette noble victime de son déloyal meurtrier. Siméon venait simplement remplir la place laissée vide dans le gouvernement du pays.

En prenant le pouvoir, Siméon, bien qu’au seuil de la vieillesse, avait encore la verdeur et le feu des premières années, comme au temps où son père mourant l’avait désigné pour être le conseiller de ses frères dans les luttes à soutenir contre les despotes syriens. Telle était la sève de cette race des Hasmonéens, qu’il n’y eut qu’un petit nombre de ses membres à qui l’on pût reprocher le manque de courage et d’ardeur. La plupart conservèrent jusqu’à leur dernier soupir la vigueur et la vaillante de la jeunesse. Autour de Siméon se rangeaient ses fils Jean, Juda, Mattathias et un quatrième dont le nom ne nous est pas parvenu, tous courageux guerriers formés dans les combats. Fidèle à la politique de son frère, Siméon chercha à profiter de la faiblesse de ses ennemis, à fortifier le pays, à en étendre les limites. Il réussit au delà de ses espérances ; car il sut procurer à la nation judaïque une indépendance complète vis-à-vis de la Syrie, et il fit de la Judée un État libre. C’est donc à juste titre que son règne est dépeint comme une ère bénie où les vieillards jouissaient tranquillement du reste de leurs jours, où les jeunes gens se réjouissaient de leur vigueur, où chacun était assis sous sa vigne et sous soit figuier, sans que personne l’inquiétait. — Le premier acte de Siméon fut un acte d’indépendance : en effet, il ne demanda pas à son suzerain, le roi de Syrie, de le confirmer dans la dignité de grand prêtre dont le peuple l’avait investi. En prévision de la lutte qu’il allait avoir à soutenir à ce sujet, il fit mettre en état de défense les places fortes de la Judée et y entassa des provisions de bouche.

De plus, il renoua les négociations avec le roi dépossédé Démétrius II (Nicator), bien que celui-ci eût payé de la plus noire ingratitude Jonathan, son sauveur. Il envoya vers lui une députation imposante, qui lui offrit une couronne d’or en signe de reconnaissance de ses droits à la royauté et qui lui promit assistance contre Tryphon. Démétrius répondit par une missive adressée au grand prêtre, à l’ami du roi, aux anciens et au peuple, contenant ces mots : Nous avons reçu la couronne que vous avez envoyée, et nous sommes prêt à conclure avec vous une paix durable et à écrire aux gouverneurs royaux que vos dettes vous sont remises. Les concessions que nous vous faisons sont irrévocables. Les villes fortes que vous avez construites vous appartiendront. Nous vous pardonnons toutes les infractions volontaires ou involontaires commises à notre égard jusqu’à ce jour. Remise vous est faite des impôts dus à la couronne. Les contributions imposées à Jérusalem sont abolies. S’il en est parmi vous qui soient aptes à faire partie de notre armée, ils pourront être admis : que la paix soit entre nous. — Le jour où le peuple fut exempté de l’impôt (le 27 iyar, mai) fut à ses yeux une journée mémorable, digne de figurer, comme demi fête, au nombre des anniversaires de victoires. Les concessions faites par Démétrius étaient considérées comme un commencement d’indépendance absolue. On adopta comme ère usuelle les années du règne des rois syriens, et on remplaça le nom de ces princes par celui de Siméon : dès le commencement de l’an 142, les actes publics portent : Dans la 1ère année du règne de Siméon, grand prêtre, général et prince. C’était une usurpation de la part du peuple, qui avait acquis la conscience de sa force et se souciait peu de la légalité de son droit à conférer les privilèges royaux à son chef. En effet, Siméon n’était prince légitime ni par acquiescement de la cour de Syrie ni par élection populaire. Lui-même ne voyait, dans les privilèges obtenus de Démétrius, rien qui affirmât son indépendance complète. Le pouvoir réel ne data pour lui que du jour où il obtint le droit de battre monnaie.

A Jérusalem, la joie d’avoir reconquis cette indépendance, tant regrettée depuis la chute de l’État judaïque sous son dernier roi Sédécias, fut si vive que les représentants du peuple, les Anciens ou le Grand Conseil se crurent obligés de faire part de cet événement à leurs frères d’Égypte. Cependant cette démarche leur causait un pénible embarras. En effet, Onias, le fondateur de Beth-Honio, le descendant de la famille de grands prêtres que les Hasmonéens avaient écartée sans espoir de retour, vivait encore en Égypte. Même si Onias ou ses fils avaient renoncé à l’espoir de rentrer en possession du grand pontificat, il n’en était pas moins pénible de rappeler à son souvenir et à celui des Judéens d’Alexandrie, qui lui étaient attachés, que là-bas, en Judée, le peuple avait rejeté pour toujours sa famille. Les représentants du peuple, glissant sur ce point, se bornèrent à faire savoir aux Judéens d’Égypte qu’après une longue période de peine et d’affliction, Dieu les avait enfin exaucés, et que, dans ce temple livré aux dévastations de l’ennemi, souillé par lui du sang de victimes innocentes, ils pouvaient désormais apporter librement leurs sacrifices, allumer les lampes du chandelier sacré et offrir les pains de proposition. Cet exposé, qui évitait avec un soin si délicat tout ce qui pouvait blesser les susceptibilités, parait avoir produit une bonne impression sur les Judéens d’Égypte. Eux aussi se réjouirent de l’indépendance reconquise, et l’année où celle-ci fut rétablie eut à leurs yeux une importance particulière.

Le deuxième acte considérable de Siméon fut de chasser le reste des hellénisants qui se trouvaient encore dans l’Acra de Jérusalem et dans deux autres places fortes, et de détruire leur influence. L’une des deux forteresses se rendit à discrétion. Siméon permit aux hellénisants d’en sortir librement ; puis il fit enlever de leurs maisons les simulacres païens. Quant aux hellénisants de l’Acra, ils s’y étaient fortifiés au point qu’il fallut faire un siège en règle et les prendre par la famine. Après la victoire, les Judéens entrèrent dans l’Acra au son des instruments et en chantant des cantiques. En souvenir de la prise de l’Acra, on institua en ce jour une fête annuelle (23 iyar 141). L’expulsion des hellénisants de la forteresse de Bethsour s’accomplit sans difficulté. Beaucoup d’entre eux paraissent avoir cherché un refuge en Égypte ; d’autres renoncèrent à leurs habitudes païennes et furent admis dans la communauté. Ceux qui persistèrent dans leurs erreurs furent victimes du zèle de l’orthodoxie triomphante. Ainsi disparut, jusqu’aux dernières traces, ce parti ennemi qui, pendant près de quarante ans, avait ébranlé les fondements du judaïsme et qui, pour sauver sa défection, avait déchaîné sur le peuple le fléau de la guerre civile et étrangère et poussé le pays au bord de l’abîme.

Les deux villes de Bethsour et de Gazara, que Siméon avait enlevées aux hellénisants, furent transformées par lui en forteresses destinées à couvrir le pays. La prise du port de Joppé (Jaffa) fut aussi très importante. La possession de ce port de mer devint pour l’État judaïque une source abondante de revenus. Les droits de douane, que les rois de Syrie avaient établis, à l’entrée et à la sortie, sur les produits et les marchandises, revinrent désormais aux Judéens. Contre l’Acra, retombée en son pouvoir, le dernier des Hasmonéens prit une mesure spéciale. L’Acra ne pouvait rester debout, car la colère populaire s’attachait surtout à cette citadelle du despotisme. Dans une certaine mesure, le sentiment religieux s’élevait aussi contre elle. En effet, avec ses hautes tours, construites par les Syriens pour surveiller la ville, elle dominait la montagne du temple, et cela ne pouvait être admis. La prophétie, d’Isaïe portant que dans les derniers jours la montagne du temple dépasserait toutes les autres et serait plus haute que toute hauteur, signifiait, grâce à une interprétation littérale, que les montagnes et les édifices devaient avoir une hauteur moindre que celle du temple. Siméon dut compter avec ces sentiments, même s’il ne les partageait pas. D’un autre côté, l’Acra était un endroit excellent pour y loger des soldats et y placer des armes. Il parut donc imprudent de raser complètement la citadelle. Siméon et son conseil adoptèrent un moyen terme. On rasa les tours et les remparts, ce qui coûta, dit-on, trois années de travail au peuple. Les murailles et les cours subsistèrent ; mais l’odieux nom d’Acra ou d’Acropolis fut remplacé par l’ancien nom de Birah (Baris) que Néhémie avait imaginé. C’est dans cette citadelle ainsi transformée que les guerriers judéens avaient leurs quartiers de cantonnement et leur arsenal. Siméon lui-même bâtit sa demeure dans la Birah, au milieu de ses soldats. Son fils Johanan (Jean) fut nommé par lui gouverneur du district maritime de Gazara.

Quoique la situation fût favorable à Siméon, car les querelles des deux prétendants à la couronne, qui s’affaiblissaient l’un l’autre, lui donnaient du repos, il dut cependant rester en armes. Ayant accordé son appui à l’un de ces princes, Antiochus Sidétès, il en obtint la confirmation des privilèges octroyés par son frère (140) sous la pression de la nécessité. En outre, il obtint le droit de battre monnaie, preuve significative de son indépendance reconnue.

Ainsi qu’il arrive souvent, la même main qui avait planté l’arbre de la liberté y déposa aussi le germe destructeur. Uniquement guidé par l’intérêt immédiat, n’ayant pas cette intuition des anciens voyants inspirés, qui s’étendait au delà des bornes du présent, Siméon crut assurer l’indépendance si péniblement conquise en la mettant sous la protection de ce peuple, que la soif des conquêtes avait transformé en nation liberticide par essence. Pour échapper aux provocations sans cesse renaissantes des tyranneaux syriens, il se jeta avec sa nation dans les bras de Rome, ce tyran redoutable qui étouffait dans ses embrassements les peuples venus à lui. Pour obtenir en faveur du sien l’alliance romaine, Siméon envoya des ambassadeurs judéens, Numénius, fils d’Antiochus, et Antipater, fils de Jason, chargés d’offrir au sénat un bouclier d’or massif, comme gage de soumission. Le sénat romain n’était nullement disposé à refuser son alliance à une nation, quelque petite qu’elle fût, étant fermement persuadé que cette protection accordée comme une faveur n’était que le prélude de l’asservissement. Rome ressemblait à un tuteur sans scrupule, qui veille avec soin sur les biens de ses pupilles, afin de pouvoir s’approprier un héritage plus considérable. Le sénat romain fit savoir à ses alliés et vassaux que la Judée avait été également admise dans son alliance et que les princes syriens n’auraient plus le droit de l’attaquer (140). A peine deux siècles après, Rome exigea que son empereur éhonté et sanguinaire fût adoré dans le temple de Jérusalem, et, trente ans plus tard, elle avait déjà anéanti la puissance de la nation judaïque, elle avait massacré ses héros et elle courait sus à ceux qui survivaient. Ni Siméon ni ses contemporains ne prévirent ces tristes conséquences de leur alliance avec les Romains. Ils étaient heureux de voir ceux-ci les appeler leurs amis, leurs frères et leurs alliés. La nation entière sut gré à son prince de lui avoir assuré ces avantages, et, dans sa reconnaissance, elle lui conféra solennellement et d’une manière formelle le droit de la gouverner.

L’antiquité n’offre guère d’autres exemples d’un peuple conférant volontairement et sciemment le pouvoir à un prince et de la transformation pacifique d’une constitution républicaine en constitution monarchique, comme celle qui s’accomplit alors chez les Judéens.

L’acte de transmission du pouvoir, qui nous a été conservé fait ressortir de la façon la plus saisissante les sentiments de reconnaissance que la nation éprouvait pour les Hasmonéens. Rassemblés le 28 éloul (septembre 140) sur la montagne du temple, les prêtres, les Anciens, les chefs de la nation et la population de Jérusalem déclarèrent que, en reconnaissance des grands services rendus par Siméon et la famille des Hasmonéens au peuple et au sanctuaire, la dignité de grand prêtre et de nassi appartiendrait à lui et à ses descendants, tant que le vrai prophète ne surgirait pas dans le pays. Comme insigne de son pouvoir, Siméon aurait le droit de porter le manteau de pourpre arec l’agrafe d’or. Les documents publics devaient être rédiges en son nom. Il aurait le droit de guerre et de paix, le pouvoir de nommer les fonctionnaires civils et militaires et la surveillance exclusive du temple. Toute infraction à son autorité serait sévèrement punie. Cette résolution du peuple fut gravée sur des tables d’airain fixées aux colonnes du parvis du temple et placées bien en vue. Une copie en fut déposée aux archives. Malgré leur répulsion pour les habitudes des Grecs, les Judéens leur avaient emprunté l’usage de fixer sur l’airain ou sur la pierre leurs actions et leurs pensées. Cependant leurs faveurs n’étaient pas le fruit d’un caprice fugitif ; mais ils savaient témoigner à leurs idoles une affection cordiale et un dévouement prêt à tous les sacrifices. Ainsi Israël eut de nouveau un prince légitime, sacré par le rote populaire, après en avoir été privé depuis la captivité de Sédécias. Cependant Siméon ne reçut pas le titre de roi : le peuple ne lui accorda que celui de prince, non pas qu’il voulût amoindrir son autorité, mais parce qu’il voulait rester fidèle au souvenir de la dynastie de David. Dans l’opinion populaire de cette époque, un véritable roi ne pouvait être que le descendant de David et le Messie attendu. Voilà pourquoi le décret du peuple contenait cette restriction que le pouvoir conféré à Siméon durerait seulement jusqu’au jour où surgirait le vrai prophète, Élie, précurseur du Messie.

Ce ne fut qu’après avoir été reconnu comme prince par le vote formel du peuple, que Siméon usa du droit que lui avait accordé Antiochus Sidétès, de battre monnaie. Ce furent les premières monnaies judaïques. Elles consistaient en sicles d’argent et en demi-sicles de cuivre. Elles portaient d’un côté l’indication de la valeur avec ces mots : Schékel Israel (sicle d’Israël) ; de l’autre, la légende : Yerouschalaïm ha-kedoscha (Jérusalem la sainte). La date était indiquée par une abréviation au-dessus des emblèmes, qui consistaient en figures symboliques empruntées au sacerdoce c’étaient, d’un côté, une branche en fleur (la verge d’Aaron), et de l’autre une sorte de coupe (probablement la coupe contenant la manne). Ainsi Siméon, abdiquant sa personnalité, ne mit sur ses monnaies ni son nom ni ses titres de grand prêtre et de prince. Les caractères des inscriptions de ces monnaies sont de l’ancien hébreu ou du samaritain. En effet, celui-ci était familier aux peuplades voisines, tandis que l’hébreu moderne leur était inconnu. Les monnaies qui nous restent de Siméon n’ont pas de date postérieure à l’an IV de son règne.

Les prévenances dont Siméon avait été l’objet de la part d’Antiochus Sidétès, tant que celui-ci avait peu d’espoir de vaincre l’usurpateur Tryphon, se changèrent en froideur aussitôt que, grâce au secours des troupes judaïques, il se vit près du but. Cependant, s’il refusa les deux mille hommes de troupes et les secours d’argent que Siméon lui envoya pour l’aider à prendre la ville de Dora (130), qu’il assiégeait, et pour lui permettre d’avoir plus vite raison de Tryphon, ce fut moins par caprice que par crainte d’avoir à payer ces services d’ingratitude. En effet, il envoya auprès de Siméon son général Kendébaïus, l’Hyrcanien, pour lui reprocher d’avoir élargi les droits obtenus et de s’être approprié, sans offrir de dédommagement, les forteresses de Joppé, de Gazara et de l’Acra de Jérusalem, qui ne lui avaient pas été formellement concédées. Il exigea donc que Siméon lui rendit ces places fortes ou qu’il lui payât en échange mille talents d’argent. Nous n’avons, répondit Siméon, repris que ce qui nous appartenait par héritage de nos pères. Quant à Joppé et Gazara, il en offrit cent talents à Antiochus. Comme on ne put s’accorder, il fallut trancher le différend par les armes. Pendant qu’Antiochus poursuivait Tryphon, qui s’était échappé de la forteresse de Dora, il envoya son général Kendébaïus avec de l’infanterie et de la cavalerie, pour faire la guerre à la Judée et la faire rentrer sous la domination de la Syrie. Siméon se prépara à une lutte opiniâtre. Heureusement, il pouvait mettre en ligne une armée de 20.000 hommes et disposait même d’une cavalerie, dont la privation avait été si funeste à la Judée dans les guerres antérieures. Trop âgé lui-même pour diriger la campagne, Siméon confia le commandement des troupes à ses fils Johanan (Jean) et Juda. Ceux-ci marchèrent à l’ennemi en partant de Gazara. Dans une plaine entre Hébron et Modin, on en vint aux mains et la victoire resta aux Judéens. Kendébaïus et son armée furent défaits et on les poursuivit jusqu’à Azoth. Cette ville, ayant fait résistance, fut livrée aux flammes. Johanan, qui avait contribué le plus puissamment à cette victoire, reçut le surnom de Hyrcan. Cette guerre, la dernière de Siméon (137-136), lui laissa l’espoir que ses fils sauraient maintenir la puissance renaissante de la Judée.

Antiochus, exaspéré de la défaite essuyée par son armée, mais se sentant trop faible pour recommencer la lutte, eut recours à la ruse. Cette famille des Hasmonéens, qui avait lutté contre sa dynastie avec tant d’opiniâtreté et de succès, il voulait la faire disparaître entièrement, et, à cet effet, il semble avoir excité l’ambition et la cupidité d’un homme qui, étant le gendre de Siméon, était bien placé pour tenter un guet-apens. Ptolémée ben Haboub était le nom de ce misérable, que rien ne put détourner du crime, ni le respect dû à un vieux héros, ni l’amour de son peuple, ni les liens de parenté, ni la reconnaissance pour son bienfaiteur. Siméon, en lui donnant sa fille, l’avait comblé de richesses et l’avait nommé gouverneur du district de Jéricho : cette générosité ne suffisait pas à son orgueil. Il voulait, fût-ce au prix d’un crime, devenir le maître de la Judée, et il espérait se maintenir au pouvoir avec l’appui de l’étranger. L’exécution de son horrible dessein ne présenta guère de difficultés. La prudence la plus consommée ne peut prévoir de pareils traits de scélératesse. Malgré son grand âge, Siméon avait encore l’habitude de voyager à travers le pays pour s’assurer, par ses propres yeux, de l’exécution des lois et s’enquérir des besoins du peuple. Dans le cours de ses voyages, il arriva à la forteresse de Dok, près de Jéricho, où résidait son gendre. Sa femme et ses deux plus jeunes fils, Juda et Mattathias, l’accompagnaient. L’aîné, Johanan, était resté dans sa résidence de Gazara. Ptolémée offrit à ses victimes une large hospitalité, leur prépara un somptueux festin. Pendant que les malheureux, pleins de sécurité, se livraient aux douceurs de la table et aux joies de la famille, Ptolémée et ses gens tombèrent sur eux et les massacrèrent (février 135). Le crime accompli, le meurtrier envoya des messagers vers le roi de Syrie, le priant de venir à son secours avec son armée. Il envoya aussi des émissaires à Gazara pour tuer Johanan. D’autres se rendirent à Jérusalem pour s’emparer de la ville et du temple. Mais Ptolémée ne devait pas recueillir le fruit de ses forfaits. Johanan, averti à temps par un de ses amis qui avait pu, à la faveur du désordre, s’échapper de Dok et se rendre à Gazara, s’empara des meurtriers à leur arrivée et les fit mettre à mort. Johanan put arriver à Jérusalem avant Ptolémée et n’eut point de peine à rallier le peuple à sa cause. Antiochus, occupé ailleurs, ne put expédier du secours â temps. Il ne resta plus au fils de Haboub d’autre ressource que de se renfermer dans sa forteresse, où il retint sa belle-mère en otage, et de se fortifier contre les attaques de Johanan.

Telle fut la fin des derniers Maccabées. Pas un d’entre eux ne mourut d’une mort tranquille : tous sont tombés pour leur peuple et pour leur sanctuaire. Juda et Éléazar étaient morts sur le champ de bataille ; Johanan, Jonathan et Siméon, moins heureux que leurs frères, tombèrent victimes de la perfidie des ennemis de leur nation.