HISTOIRE DES PERSES

LIVRE SIXIÈME. — LES ARSACIDES. SIXIÈME FORMATION DE L'IRAN.

CHAPITRE V. — CE QUE DEVINRENT LES TRIBUS PARTHES APRÈS LA RÉVOLUTION D'ARDESHYR, ET FIN DE L'HISTOIRE DES IRANIENS.

 

 

Le mouvement dirigé par le premier des Sassanides ne s'attaquait pas seulement à la personne et à la famille d'Artaban, il avait pour objet de changer la constitution du pays de fond en comble, et par conséquent il s'adressait aussi bien aux privilèges et aux idées du dernier gentilhomme parthe qu'aux droits et aux prétentions du plus puissant des Arsacides. I1 dirigeait les vengeances, il servait les antipathies du mazdéisme, qui se trouvait opprimé parce qu'il ne dominait pas. Il avait a satisfaire aux besoins d'ordre et de repos des populations non iraniennes ou à demi iraniennes, qui ne voulaient plus entendre remuer au-dessus d'elles une noblesse arrogante et toujours en armes, et qui surtout ne voulaient plus subir le contrecoup perpétuel des discordes, où elle ne prenait nul intérêt. Il y eut donc une réaction générale et violente contre cette chevalerie, la veille encore souveraine maîtresse. Les peuples insurgés et conduits par les prêtres coururent sus à tous les Parthes, Arsacides et autres, et les massacrèrent là où ils purent les atteindre. A beaucoup d'égards ce fut une jacquerie. Dans le nord et en Arménie, les proscrits étaient en nombre et se firent respecter ; quelquefois même ils se rendirent redoutables à la dynastie nouvelle, et l'on a vu que Djenféshah avait pu se maintenir dans le Deylem, c'est-à-dire à l'angle oriental de la Caspienne, de telle sorte qu'Ardeshyr avait été contraint de traiter avec lui et de lui laisser sa principauté. Sur quelques autres points encore, de petits dynastes parthes, mettant à profit les avantages d'une région montagneuse, réussirent à se préserver. Il y eut de ces seigneuries qui durèrent jusqu'au règne d'Anoushyrwan. Partout ailleurs, et surtout dans le sud, les maîtres dépossédés furent poursuivis avec la dernière violence. A l'époque musulmane, on montrait encore dans un canton du Fars une voûte ruinée appelée la Voûte sépulcrale, Gebbeh-è-baous, à laquelle avaient été suspendues autrefois, assurait la tradition, un grand nombre de têtes appartenant aux princes des Parthes. Plus tard, il faut le dire, les Sassanides eux-mêmes, revenus de tant de haine, se vantèrent d'avoir par leur aïeule la gloire de sentir couler dans leurs veines un filet du sang glorieux des Arsacides ; mais dans les premiers temps on n'en était pas à de pareils retours, et la persécution fut horrible. Il fallut donc que les familles parthes en situation de délibérer prissent un parti quelconque. Elles durent abandonner leurs terres et leurs châteaux et partir.

Ferdousy raconte qu'après la mort de leur dernier suzerain, Artaban, elles se retirèrent du côté de l'Inde. On peut également induire d'autres passages du poète que, n'ayant plus de chef suprême, elles marchèrent sous la conduite des Gourds ou héros de la nation, c'est-à- dire de ces seigneurs, de tes merzebans qui, n'étant pas issus de la famille arsacide, ne pouvaient prétendre au rang de Grand Roi.

Le Nasekh-Attéwarykh dit de son côté que quelques bandes moins nombreuses ou trop entourées d'ennemis et, ne sachant comment se frayer un passage vers l'est, se jetèrent dans les déserts voisins de Ctésiphon ; celles-là allèrent les unes en Arabie jusqu'à l'Hedjaz, les autres dans la Syrie romaine, où elles se dispersèrent. Nous allons rechercher les traces du gros de la noblesse parthe où Ferdousy nous les montre, et nous les retrouverons chez les Afghans.

De nos jours même, ces peuples ne se considèrent pas encore comme indigènes dans le pays qu'ils occupent, et ils hésitent entre trois opinions sur leur origine.

Suivant la première, ils seraient descendus des enfants d'Israël colonisés dans la contrée par Bokhtannosr ou Nabuchodonosor, roi de Babel.

Suivant la seconde, Zohak serait le premier père d'une partie notable de leurs tribus. Je trouve cette tradition peu admise dans le Kholasset-è-Insab ou Résumé des généalogies.

La troisième version, qui parait ne s'être transmise que par voie orale, et je la tiens pour ma part de plusieurs Afghans d'un rang élevé, assigne pour origine à la race la famille des rois primitifs. Mais dans cette façon d'expliquer la descendance afghane, comme aussi dans celle qui précède, il ne s'agit que des tribus sorties à une époque relativement récente de la contrée appelée le Gour, située au sud-est de Hérat.

Je vais me servir ici, pour élucider davantage la question, de trois documents : le Kholasset-è-Insab, dont je viens de parler, et qui contient, avec les généalogies complètes des tribus afghanes, de nombreux détails dont quelques-uns ne se trouvent pas ailleurs ; du Djéhan-è-miras-è-Afaghaneh, Héritage universel donné aux Afghans dont les listes présentent avec celles de l'ouvrage précédent quelques variantes importantes, et enfin du Maghzen-è-Maghaneh ou Magasin afghan, connu en Europe par l'excellente publication de S. E. M. le conseiller intime de Dorm. Je regrette de n'avoir pas eu ce savant travail à ma disposition ; je dois me contenter d'un manuscrit assez ancien copié à Kandahar, et qui, par une circonstance très-singulière, présente dans sa rédaction des traces nombreuses du dialecte mazendérany.

Les Afghans racontent l'histoire des patriarches hébreux, dont ils prétendent descendre, à peu près comme le Coran ou mieux comme les traditions talmudiques ; cependant ils introduisent dans leurs récits quelques variantes qui, aux yeux des vrais musulmans, constituent des énormités. Réfégha, femme d'Isaac, est pour eux une fille amalécite ; Ismaël est traité si légèrement qu'à peine il est nommé ; Ésaü a toute prééminence sur Jacob. C'est lui qui est le héros ; il domine sur son frère non-seulement par sa bravoure et sa richesse, mais surtout par le nombre et la qualité de ses descendants, auxquels Dieu a accordé le Chanaan, les pays riverains de la Méditerranée, l'Afrique occidentale avec Alexandrie et l'Europe ; car, dit l'auteur du Maghzen-è-Afaghaneh, Ays (Ésaü), eut entre autres enfants un fils nommé Roum et surnommé le Pâle, à cause de la blancheur de son teint, et les descendants de ce fils ressemblèrent sur ce point à leur père. Ays préféra beaucoup Roum, son favori, et après avoir vécu lui-même pendant longtemps à la Mecque, il finit par en trouver le climat trop chaud, et il alla se fixer avec Roum en Europe, où ils fondèrent ensemble beaucoup de villes et de châteaux. Roum ne fut pas d'ailleurs le seul fils d'Ays qui acquit de la gloire : ses deux frères, Chanaan et Médyn ne lui cédèrent en rien sous ce rapport.

Dans d'autres listes afghanes relatives à la descendance de Noé, on trouve que ce patriarche eut quatre fils : Arab, Fars, Roum et Afghan. Ici Fars est l'équivalent de Médyn ; seulement il faut remarquer que ce nom de Fars est généralement très-peu employé par les écrivains musulmans, ce qui donne à la tradition dans laquelle il figure un caractère vraiment ancien. Il n'est pas moins curieux de voir Chanaan cité dans un rôle honorable ; c'est peu de chose cependant, en comparaison de la préoccupation visible de l'honneur des Romains, tout-à fait étrangère aux auteurs asiatiques. D'ordinaire il est chez eux peu question de Rome. Quand ils ne confondent pas les Européens avec les autres peuples placés sous la loi de Selm, frère de Tour, ils les prennent pour des Grecs, jusqu'au moment où ils ne voient plus en eux que les Osmanlys actuels. Au contraire, les Afghans distinguent très-bien les Romains des autres nations de l'ouest de la terre. Ils leur assignent un rang élevé et par là indiquent qu'ils ont eu une occasion quelconque de s'instruire de la vérité. fi m'est difficile de ne pas voir dans cette anomalie un souvenir du temps des Parthes.

Le principal des fils de Jacob était Juda. De lui viennent les Afghans. Il engendra Sérough, qui fut père de Khénoukh ; celui-ci de Moheleb ; Moheleb de Fay ; Fay de Gheys ; Gheys de Saroul ou Saül, généralement connu parmi les musulmans sous le nom de Talout.

Une tradition fait de Talout le beau-père du roi Bahman. Il y a là un rapport obscur avec l'histoire d'Esther. David l'ayant emporté sur Saül, celui-ci, avant de mourir, lui recommanda particulièrement deux filles de Lévi, habitantes de son harem, et qui, l'une et l'autre, étaient enceintes. Maitre Ashmouyyil ou Samuel avait prédit que les enfants de ces femmes donneraient naissance à une glorieuse postérité. L'un fut appelé Berkhiya et l'autre Armiya. Ils devinrent les généraux des armées de David, et leurs fils, Osaf, fils de Berkhiya, et Afghan, fils d'Armiya, ne servirent pas moins bien Salomon, le premier en qualité de ministre, le second comme grand prévôt. Ils résidèrent à la construction du temple.

Ils eurent l'un et l'autre beaucoup d'enfants, Osaf dix-huit fils et Afghan quarante, qui multiplièrent tellement qu'aucune nation du monde ne put leur être comparée. Cependant ils furent déportés dans la suite des temps avec le reste des Israélites jusqu'aux montagnes de Gour et de Gamyn, au pays de Kaboul et de Kandahar, près du mont Fyrouzeh, autrement dit vers les limites des cinquième et sixième climats, entre le Turkestan et l'Inde, quand Nabuchodonosor eut été suscité pour châtier les crimes du peuple de Dieu.

Tous ces pays étaient occupés par des idolâtres, et le premier soin des immigrants fut de combattre ceux-ci et de les convertir. Ils devinrent ainsi les maîtres absolus de la contrée, et allèrent grandissant et s'étendant jusqu'au jour où leur fut apportée la lumière de l'Islam.

Deux opinions existent sur la manière dont cette grande rénovation s'accomplit.

Suivant la première, les deux fils de Khaled l'Épée de Dieu, Abderrahman et Abdallah, chargés par le khalife Osman de propager la foi dans les régions orientales de la Perse, s'emparèrent du Khoraçan et s'établirent à Nishapour. Abdallah marcha de là sur Hérat, s'en rendit maitre, et soumit à Dieu et à son prophète toutes les tribus descendues de Talout. La seconde opinion est plus merveilleuse.

Le prophète avait compris que le succès de sa mission ne serait pas assuré aussi longtemps qu'il n'aurait pas converti les Afghans. Khaled écrivit donc de sa part à ces braves guerriers pour les inviter à accepter la foi. Ceux-ci reçurent un pareil message avec le respect convenable, et s'empressèrent d'envoyer à Médine une ambassade composée de leurs principaux chefs, avec l'ordre de s'instruire à fond de la loi et de l'accepter.

Tout alla le mieux du monde, et quand Mahomet vint prendre la Mecque, il était suivi des héros afghans, qui firent des prodiges de valeur. Gheys, le chef de l'ambassade, tua de sa propre main, en présence de l'apôtre de Dieu, soixante-dix Koreyshites dans un seul combat.

Mahomet charmé ajouta au nom de son champion le titre d'Abderrashyd, le Serviteur de l'Intrépide.», suivant le sens que les Afghans ont coutume de donner à un mot qui signifie proprement le Juste. Il institua son favori roi des enfants de Talout et le combla de ses bénédictions.

Gheys Abderrashyd fut aussi surnommé Batan ou Patan, c'est-à-dire le mât, le soutien de la tente afghane. Il régna avec beaucoup de gloire et mourut en 41 de l'hégire, âgé de quatre-vingt-sept ans. Naturellement un si grand homme avait la plus noble origine, et voici sa généalogie, qui est d'ailleurs le seul fil par lequel les annalistes relient les Afghans à la souche israélite.

Talout

Feyz

Afghaneh

Menymal

Selm

Khédyfeh

Mebendoul ou Mendedoul

Emal

Arzend ou Azrend

Féhoul

Tarekh

Ghénem

Amyl

Faroud

Nouy ou Bouy

Sélah

Zélel

Shelm

Séhlyb

Mehloul

Aby

Ays

Ghemroud

Zéman

Haroun

Iskender

Eshmaiyyil

Gheys-Abderrashyd-Patan

Alym

 

Si l'on examine sérieusement les combinaisons généalogiques dont je viens de reproduire l'ensemble, on met d'abord de côté la partie relative aux relations du prophète avec les Afghans. L'auteur du Maghzen-è-Afaghaneh, Abdallah-el-Merwy lui-même nous y engage, en avançant, àson grand regret, que les hadys ou traditions relatives à ce point ne sont pas sûres, bien qu'attestées, ajoute-t-il en cherchant à se faire illusion à lui-même, par Abou-Ityza et le sheykh Lala-Gaznéwy. Mettons-nous donc d'abord en face de l'origine juive. Jean Catholicos raconte que les Arsacides descendaient d'Abraham par Céthura, seconde femme du prophète. Jean Catholicos écrivait dans les dernières années du neuvième siècle et d'après des documents anciens. Il a puisé, emprunté surtout, au livre du Syrien Mar-Agas de Kadina, auteur du troisième siècle, et il résulterait de ses paroles que l'opinion rapportée par lui était répandue de son temps et même antérieure à l'islamisme ce qui explique bien pourquoi les Afghans font si peu de cas d'Ismaël et tant d'estime d'Ésaü, et pourquoi Rebecca était donnée pour une fille d'Amalek. L'assertion déjà répandue au temps des Arsacides qui faisait des Parthes une tribu juive se basait certainement sur des combinaisons qui n'étaient pas juives et qui devaient trouver leur raison d'être dans les convenances d'autres nations sémitiques de l'empire. Or, on voit qu'il en est exactement de même pour les récits relatifs à l'origine des Afghans.

Rapprochons maintenant des renseignements déjà présentés la liste généalogique donnée par le Djéhan-è-miras-è-Afaghaneh,qui fait provenir les premiers Afghans ou Gour de la ligne sémitique, mais non pas de la race d'Abraham. C'est à Zohak qu'il s'agit ici de se rattacher, et l'on a :

Nouh

Ténasp

Sam

Iskender

Erem

Nour

Aseren

Mehnal

Merdash

Darab

ZOHAK-NARAN

Nekyn

Arselan

Isfendyar

Averdesht

Férydoun le Vaillant

Fyrouz

Tahmasp

Tourekh

Afrasyab

Behram

Bahman

Kobad

Djem-Shyd

Djem-Shyd

Togroul le Grans

Selaman

Akbal

Feraman

Bahman

Bouder

Férydoun

Zehrasp

Sultan Behram, contemporain d'Aly, et institué roi par ce khalife

Kewès

Shah Moezz-Eddyn

Intesab

Sultan Djelal-Eddyn

Mender

Sultan Moezz-Eddyn-Hassan

Khosrou

Shah Housseyn

Le Kholasset-è-Insab donne aussi cette liste, avec quelques variantes sans intérêt.

La façon dont les auteurs que je viens de citer rapportent l'établissement des princes gourides dans leurs montagnes s'ajuste d'une manière remarquable avec la version de Ferdousy relative au sort des Parthes après la chute de la monarchie. Quand Zohak eut été battu et fait prisonnier, ses enfants étaient à Istakhr, sa capitale. Se voyant dans l'impossibilité de résister, ils s'enfuirent au delà du Seystan, jusqu'aux montagnes situées au nord du lac Zaren et de l'Helmend. Là vivaient déjà des Afghans descendus d'Israël et une population de Guèbres. Férydoun envoya ses fils Selm et Tour pour extirper les derniers restes de la famille ennemie ; mais l'expédition manqua, et les nations alliées du Gour maintinrent leur Liberté.

On ne saurait faire beaucoup plus de cas de la généalogie attachée à Zohak que de celle dont Talout est la souche. Il n'y a là que des lueurs de traditions qui, pour être anciennes et certainement motivées sur des faits d'appréciation très-difficile aujourd'hui, n'en sont pas plus certaines ; et il faut convenir qu'antérieurement à Gheys-Patan tout est ténèbres. Mais la cause principale de toute erreur est en ceci, que les auteurs afghans tiennent trop à faire de cet éponyme un contemporain du prophète. Après lui, les catalogues, douteux sur quelques points, sont pourtant dans l'ensemble fort acceptables. C'est donc à Gheys-Patan que la nation remonte. Il est le père véritable des Afghans. Il s'agit seulement de savoir quand il a vécu.

En laissant à l'écart ses rapports avec Mahomet, suspects pour les Afghans eux-mêmes, on observe que Gheys a deux noms supplémentaires : Patan et Afghan. Le premier est le nom national pris par la race elle-même. Poushtou, Poushtoun et Poushtaneb est celui qu'on donne au dialecte parlé par les tribus. Dans l'Inde, on ne connaît pas les Afghans, mais bien les Patans ; il n'y a que les Persans qui se servent de la première dénomination, inusitée par les intéressés. Ce nom de Patan est certainement le mot Parthe, Parthan, la suppression de la demi-voyelle r étant un fait très-usité dans les langues de la Perse, où il arrive quelquefois que ce son est transformé en sifflante, ce dont les mots Poushtou et Poushtaneh offrent des exemples.

Afghan est de même une corruption légère d'Ashgan ou Arsacides, dont Gheys est la contraction. Gheys était donc l'Arsacide fuyant avec les débris des tribus parthes devant les Sassanides pour se réfugier au delà de l'Helmend.

Suivant Ferdousy, la bataille décisive où fut réglé le sort des molouk-è-téwayf ou chefs de nations se donna dans le sud, et au milieu du carnage, deux seigneurs réussirent à se dégager et à gagner pays du côté de l'Inde. Le Nasekh-Attéwarykh confirme ce détail, en ajoutant que les deux proscrits étaient fils d'Artaban V et que l'un d'eux s'appelait Behram. Ils ne possédaient plus eux et leurs soldats que leurs corps et leurs armes, et il parait que le pillage fut tel pour les soldats d'Ardeshyr et la plèbe, leur alliée, qu'un moment arriva où la foule fut rassasiée de butin au point d'y devenir indifférente. Un vieillard sans force put traverser les campagnes portant sur sa tête un plateau rempli de pièces d'or sans qu'aucune convoitise s'éveillât à cette-vue. Ce sont les paroles du Shah-nameh.

Cependant les Parthes, si humiliés, étaient menaçants encore. Ardeshyr, pour assurer sa domination, crut devoir les poursuivre, et il porta la guerre dans le Seystan, où ils s'étaient retirés. En même temps il lui fallait faire face aux derniers feudataires ennemis restés encore en possession de leurs domaines du côté de Nishapour, de Merv, de Balkh, de la montagne de l'Elbourz et vers l'Arménie.

Gheys-Afghan-Patan eut trois fils. C'est de ces jeunes gens que descendent toutes les familles afghanes. Les indigènes de Hérat, de Kaboul et de Kandahar qui ne peuvent pas rattacher leur lignage à quelqu'un de ces héros ne sont pas Afghans et n'ont pas a y prétendre. Ils appartiennent de droit à la population inférieure qui porte le nom de herber ou barbare, et ne fournit que des sujets et des vassaux de la noblesse afghane, désignés sous le nom de hemsayeh ou voisins. Le gentilhomme afghan doit protection à ses hemsayeh, et s'il est maitre de les traiter avec hauteur, il se déshonorerait infailliblement en les laissant maltraiter. Quant à lui, ne possédât-il rien au monde, pas même un habit, il n'accepte pas que les princes de sa nation lui fassent faire antichambre ou le laissent debout devant eux. J'ai entendu quelquefois discuter ce cas de point d'honneur par des nobles afghans, et leur façon d'argumenter eût trouvé le chemin du cœur des plus pointilleux hidalgos du seizième siècle.

Voici les noms des trois fils de Patan :

1° Serbény, Serben ou Serrébény ; de lui descendent cent cinq tribus.

2° Petny-ou-Méty, et encore Petny-ou-Métou ; de cette souche sont provenues soixante-dix-sept tribus ainsi réparties : de Son Altesse Petny, vingt-cinq tribus ; de Byby-Métou ou la princesse Métou, cinquante-deux.

3° Gherghesht ou Ghergheshty a donné naissance à quatre-vingt-quinze tribus.

A côté de ces filiations se placent les Kérany, au nombre de cent vingt-cinq tribus. Leur origine première est incertaine ; suivant les uns, ils se rattachent à Serbény ; suivant les autres, à Ghergheshty. Cette hésitation est d'autant plus curieuse, que tous les généalogistes considèrent ce groupe nombreux comme ayant des droits plus particuliers que les autres famille de la race au nom illustre de Patan. On les tient donc pour des Afghans de la meilleure souche.

Serbény était le fils aîné de Gheys. Ses descendants réclament la prééminence sur leurs compatriotes. Néanmoins Serbény fut toujours considéré comme inférieur à son cadet, qu'on ne nomme jamais qu'avec les formes du plus profond respect et en employant la formule : Son Altesse le sheykh Péten ou Petny. On dit aussi Son Altesse le sheykh Byt. Serbény ne put avoir d'enfants que lorsqu'il eut conduit dans sa maison et adopté Ismaïl, ce fils aîné de son frère. Ce récit est obscur ; mais il indique cependant une supériorité fort ancienne des descendants de Péten, car on ne l'aurait pas inventée dans les temps modernes où les Serbény ont fourni les deux branches royales des Poupelziy et des Barekziy.

Le nom de Serbény reproduit celui de la province de Shyrwan, comprise anciennement dans les limites des pays essentiellement parthes.

Petny-ou-Méty est un double nom où l'on retrouve le pendant de l'expression officielle achéménide, les Perses et les Mèdes, modifiée au temps des Arsaces, les Parthes et les Mèdes. On dit de même aujourd'hui, pour définir la population de l'Iran : Turks ou Tât, les Turks et les Tadjyks.

La ligne de Ghergheshty se rattache par son nom aux contrées qui bordent les versants septentrionaux de l'Elbourz, commençant à l'Hyrcanie, Vehrkana, pour aboutir à la Géorgie, Gourgan ; mais le pays d'Asterahad, placé à l'angle oriental de la Caspienne, s'appelle aussi Gourgan, ce qui est la forme moderne. du mot antique Vehrkana.

Quant aux Kérany, les Afghans, les Parthans par excellence, ils viennent sans.nul doute du pays de Karen, situé à l'ouest du Gourgan et toujours dans l'Elbourz.

Il est à croire que dans leur déroute les tribus parthes ne conservèrent pas très-exactement leur pureté les unes vis-à-vis des autres et que les différentes branchés se mêlèrent, car on retrouve plusieurs fois les mêmes noms dans les trois listes.

La ligne de Serbény compte deux tribus appelées, l'une Ashgoun, l'autre Arshyn. Elle contient donc des ascendants d'Aresh et 'd'Ashek, par conséquent des Arsacides.

Elle a encore les Métou-zeh ou fils de Métou, et Méty-zeh ou fils de Méty. Elle avait ainsi dans ses rangs des Mèdes, c'est-à-dire des Parthes fieffés et domiciliés en Médie.

Elle présente enfin des Béty-zeh ou fils de Bé autrement dit des Parthes, comme on l'a déjà vu.

Dans la descendance de Petny-ou-Méty on remarque de même :

Ashiyoun et les nombreuses tribus se ramifiant sur cette branche, qui sont des Arsacides.

Puis les deux tribus de Méty, celle de Mouty et celle de Méta, toutes trois mèdes ; puis les Servany et les Shyrvan, originaires sans nul doute du pays des Serhény, c'est-à-dire du Shyrwan.

Dans les Ghergheshty, on a les Petny et les Byty, qui représentent aussi des Parthes. Il faut remarquer que les catalogues généalogiques des Afghans ne nous sont pas parvenus dans leur état primitif, beaucoup de tribus ont changé de nom avec le cours du temps ; les tribus persanes et les clans écossais ont souvent agi de même. Le zèle religieux a fait prendre à plusieurs branches de la nation de Gheys-Patan des noms de saints, et la politique et la flatterie ont imposé à d'autres ceux de quelques princes. Par conséquent, des nominations anciennes et qui eussent été précieuses pour l'histoire ont été perdues ; mais ce qui en reste a d'autant plus d'intérêt.

On trouve aussi quelques noms dignes d'être relevés comme éclairant le sujet qui nous occupe : Tourkany, Tourkelany, Tour-Zeh, Toury, Tourek, Tour et Téryn dans la branche de Serbény ; Doury, Tourany, Toura-Khéyl dans celle de Petny-ou-Méty ; Tourk et Tour dans celle de Ghergheshty. On se souviendra que le nom de Turk est extrêmement ancien en Asie parmi les nations indo-germaniques, et que même les Arians de l'ouest, les Germains, envahisseurs du monde romain, ont compté parmi eux des Turcibriges. Il n'y a donc rien d'extraordinaire à ce que ce nom ait existé également chez les Parthes.

Il y a encore les Lourany, les Lour, les Loury dans la branche de Serbény ; les Loury et les Lour dans celle de Petny-ou-Méty. Le mot Lour est une dénomination géographique très-usitée dans l'Elbourz et aussi dans les montagnes au sud de Shyraz.

Enfin il est à propos de répéter ce qui a été dit ailleurs, d'après les historiens d'Arménie, que la famille arsacide se divisait en quatre branches : la première était la maison royale ; la seconde, le rameau des Kariény-Balhav ; la troisième, celui de Souriény-Balhav ; la quatrième, celui des Aspahabied-Balhav.

Dans les Iraniens Kariény, ou habitant le pays de Karen, se retrouvent les Kérany ; dans ceux de Souren, les Serbény ; la branche d'Aspahabied, qui descendait d'une femme, fait penser à Son Altesse Métou, éponyme des Petny-ou-Méty.

Ainsi les Parthes, et parmi eux les différentes branches de la grande famille arsacide, se sont perpétués jusqu'à ce jour parmi les Afghans, race puissante qui n'a guère dégénéré de la turbulence et de l'énergie de ses ancêtres, et qui porte également témoignage de leur intelligence et de leurs grandes aptitudes. Les Afghans ont fait subir à l'Angleterre en 1840, un échec pareil à ceux dont les Parthes ont accablé Rome, et depuis lors, rentrés dans toute la plénitude de leur indépendance, ils ont su persuader à la sagesse pratique de leurs terribles voisins qu'il était mieux de les laisser vivre à leur mode sans intervenir dans leurs affaires. Leur organisation est restée celle de la plus pure et de la plus orgueilleuse féodalité. Le noble afghan se considère comme d'une essence toute particulière et bien-supérieure à celle des habitants indigènes du pays et des marchands immigrés de l'Inde ; il l'est en effet, et je donnerai ici un souvenir à Mir-Élem-Khan, prince de Kandahar, beau jeune homme de vingt-deux ans, qui, pour ne pas avoir la honte d'hésiter devant une cinquantaine de vieillards turcomans, partit avec trois hommes pour aller les combattre, et laissa sa tête dans cette lutte folle, mais tout à fait digne d'un chevalier du moyen âge et d'un guerrier parthe.       

L'action de Mir-Élem-Khan prouverait cependant que l'audace et l'enthousiasme d'une race supérieure tombe devant la force brutale du grand nombre et celle des antipathies accumulées servies par la patience et la réunion compacte des petites forces. Les Arsacides ne pouvaient aller indéfiniment contre le courant naturel des choses, et ils devaient succomber sous la masse sémitique ou sémitisée, en face de laquelle ils ne comptaient que pour un point dans l'espace. Ce fut beaucoup pour eux, et on doit considérer comme extraordinaire qu'ils se soient maintenus cinq cents ans, absolument comme il est étrange qu'au milieu des populations romaines et romanisées de la Gaule, si démesurément supérieures, numériquement parlant, aux nations germaniques établies parmi elles et pour elles, la civilisation particulière à celles-ci ait pu fournir l'admirable floraison des onzième, douzième et treizième siècles de notre ère. Quand saint Louis eut passé, la vie romaine commença à relever la tête pour ne plus laisser de trêve à la vie germanique, son ennemie ; de même après Artaban V, le génie sémitique prit le dessus et dès lors il n'a plus cessé d'être dominant. L'ancien Iran finit à cette époque ; il continua, il continue même encore à faire sentir çà et là quelque chose des instincts du passé, car il a maintenu de rares filets de son sang dans les populations modernes ; pourtant il ne domine plus comme autrefois dans les grands faits sociaux, où la démocratie est installée et au-dessus de toute atteinte. Dès le onzième siècle de notre ère, il n'y avait plus moyen pour la race iranienne, trop mêlée, trop saisie par les immixtions étrangères, de rester ferme dans sa logique et de conserver les institutions arianes. Celles-ci, après l'expulsion des Parthes, ne lui apparurent plus désormais aussi nettement définies, aussi compréhensibles que par le passé. Il ne faut pas le méconnaitre, de tels changements, de telles conversions ne se font pas du jour au lendemain. Les populations mixtes ont d'étranges inconséquences d'idées parce qu'elles n'ont rien d'homogène ; et si la révolution dynastique qui renversa les Parthes fut victorieuse avec beaucoup de peine, la révolution sociale, de son côté, procéda avec plus de lenteur encore, parce qu'elle trouvait sous ses pas trop d'éléments brisés sans doute, mais encore réfractaires.

Ardeshyr n'émit pas d'abord l'intention de créer des nouveautés absolues. Il annonça simplement vouloir effacer les derniers vestiges de la conquête d'Alexandre, dont les révolutionnaires aimaient à donner les Arsacides pour les représentants ; il se vanta de punir sur ceux-ci la mort de Darius, le souverain vraiment national, et de rétablir dans toute leur pureté les institutions religieuses et civiles dont la chute du dernier Achéménide avait amené la décadence. En d'autres termes, il se piqua de mettre l'ordre à la place de la liberté, ce qui était dans les vœux des majorités et la cause de leur force. A l'abri de son principe, il promit tout ce que les Arsacides ne donnaient pas : des lois également équitables pour tous, établies sur des bases fixes ; la sécurité pour les personnes, une organisation du pouvoir central à la fois puissante et protectrice, une administration régulière et vigilante, enfin et avant tout l'abolition de cette caste militaire qui avait épuisé sa patience des peuples, et sur ce dernier point il tint immédiatement parole en chassant ou exterminant la noblesse parthe.

Aussitôt après la victoire, voici comment il s'y prit pour organiser le gouvernement. J'emprunte ces détails à Ibn-el-Mogaffa.

Ardeshyr déclara que le Roi des rois était la source de toute justice et l'arbitre souverain ; dès lors sa volonté faisait loi. il proclama qu'il n'y aurait plus de feudataires. Dans la guerre d'extermination faite aux Arsacides, il s'était attaché à extirper les maisons régnantes, et il s'en excuse, dans le document auquel j'emprunte ces détails, en disant qu'une telle rigueur avait été indispensable pour rétablir le bon ordre ; qu'il valait mieux tuer quelques hommes que de laisser subsister des causes qui en faisaient égorger des milliers ; que ses ancêtres Bahman-Xerxès et Isfendyar-Mardonius avaient été bien plus rigoureux encore que lui dans leurs guerres religieuses contre les lois du Seystan, et que le coup une fois porté l'avenir on serait plus heureux, parce que la mansuétude deviendrait possible, n'ayant plus d'inconvénients. Les grand chefs, privés de leurs titulaires, furent rattachés à la couronne ; on ne les en détacha plus. Ils furent administrés par des fonctionnaires dépendants du pouvoir central.

Cependant, sur ce point capital de l'unité politique, Ardeshyr fit ce qu'il put, mais non pas ce qu'il voulait, et la pratique ne se conforma pas entièrement à la théorie. Quelques feudataires furent maintenus par les circonstances ou par leur habileté personnelle. Le Grand Roi se vit contraint de les tolérer et même d'entrer en arrangement avec eux. Le prince du Kerman, Kabous, resta maitre chez lui ; Djenféshah, feudataire de la Parthyène, se trouva dans le même cas ; le Nasekh-Attéwarykh mentionne également Amrou-Ibn-Ady, roi de Hyrab, dont la domination s'étendait sur le Sowad et le Djezyreh, dans la Mésopotamie, et qui ne put être dépossédé. En Arménie, et surtout dans le nord-est, dans le Kharizm, de puissantes maisons réussirent à braver l'orage ; et telle était encore la force de l'ancien génie iranien, qu'en dépit de son abaissement irrémédiable ce génie réussit, sous les successeurs d'Ardeshyr, non-seulement à conserver ce que le premier des Sassanides n'avait pu détruire, mais fit même ériger certains fiefs. Ainsi Khosroès-Noushyrwan, particulièrement aimé de la légende iranienne, ne dut cette faveur qu'à l'esprit réactionnaire qui le fit incliner, autant qu'un Sassanide pouvait le faire, vers les anciennes institutions féodales ; il donna l'investiture du Tabérystan, quand la famille de Djenféshah fut éteinte, à un prince de la maison, et cette contrée du nord était restée si fidèle aux anciennes mœurs, qu'au dixième siècle de notre ère et en plein Islam, la féodalité y était demeurée toute-puissante. Ce qui était vrai dans tant de provinces se perpétua avec plus d'obstination encore dans le Seystan, dans le pays des Çamides, où elle n'a pas cessé d'exister.

Néanmoins, je le répète, Ardeshyr posa le principe démocratique dans toute sa rigueur, et ses successeurs en général tendirent à l'appliquer. Les restes des vieilles familles régnantes qui ne furent pas anéantis et les membres de la maison royale furent astreints une fois pour toutes à ne jamais s'éloigner de la cour, à n'occuper aucune fonction importante, et à vivre sous la surveillance perpétuelle du gouvernement.

Du reste on leur distribua des titres et des honneurs. Les nobles restèrent nobles, mais comme tels devinrent partie intégrante d'une nouvelle hiérarchie jusqu'alors inconnue. La naissance cessa d'être la source des supériorités sociales, et tout fut déterminé sous ce rapport par le rang que l'homme, noble ou roturier, occupait dans les deredjat ou classes. Ce fut une espèce de tjiw comme en Russie depuis Pierre le Grand. Les prêtres, les docteurs tinrent la première place.

Nous avons forcé, dit Ardeshyr dans sa lettre à Djenféshah, les seigneurs militaires, qui ont fait tant de mal par leur turbulence, à comprendre qu'à l'avenir ils devaient vivre en paix dans leurs maisons.

Ces seigneurs militaires ainsi morigénés furent donc mis à l'écart. Les classes, bien que ne se recrutant pas par la naissance, n'eurent pas le droit de se mêler par mariage, et les enfants issus d'unions que ne reconnaissait pas la loi ne furent pas aptes à hériter de leurs parents. Les Parthes avaient été fort indifférents sur les mésalliances, attendu que chez eux le sang du père déterminait celui de la mère.

Au-dessous des classes, le peuple, à quelque province qu'il appartint, fut astreint à payer les impôts, et il lui fut interdit d'acheter les biens des gens des classes. Ainsi, pour obtenir le droit d'acquérir une propriété, il fallut une situation déterminée dans la hiérarchie. Ardeshyr est sur ce point d'une franchise absolue. Le peuple, dit-il, doit rester pauvre, afin que les bases de l'édifice politique demeurent immuables.

Une police fortement organisée fut répandue sur l'empire. Elle surveillait tout le monde, y compris les magistrats et les gouverneurs, et rendait compte au souverain de ce qu'elle apercevait. Elle prenait soin que des ordres royaux fussent exécutés à la lettre et dans leur entier, et qu'on ne s'écartât pas de l'esprit qui les avait dictés.

Les réunions nombreuses, même celles qui n'avaient d'autre objet que le plaisir, furent interdites ou limitées. Ardeshyr assure qu'il se proposait par cette restriction de réformer les mœurs, très-compromises par la licence des habitudes arsacides, et de mettre un frein aux dissipations. Des lois somptuaires fort strictes furent promulguées ; chacun sut comment il devait s'habiller et se loger pour ne pas être exposé aux dénonciations de la police et aux poursuites judiciaires.

Les lois pénales furent révisées, adoucies et complétées. En cas d'apostasie, on emprisonnait le coupable. Pendant un an on s'efforçait de le convaincre de son erreur et de le ramener à la foi nationale ; s'il résistait, il était mis à mort. Les prêtres tenaient fortement la main à ce que cette législation ne faiblit pas, car la société, travaillée par la fièvre des innovations religieuses, croyait avoir un immense intérêt à imposer un culte unitaire et se flattait de pouvoir y parvenir. Il en résulta que les Sassanides furent extrêmement persécuteurs, tandis que les Parthes, héritiers de l'ancienne loi achéménide et ne l'appliquant pas, s'étaient  montrés plus que tolérants pour les pires écarts du zèle métaphysique.

En cas de haute trahison, les chefs seuls étaient punis de mort ; leurs complices de rang inférieur étaient mis en liberté, et ceci constituait un progrès immense et d'une intention tout à fait neuve sur les idées antiques, où le bâtiment d'un homme considérable emportait toujours, comme une sorte de déduction logique, évidente, la destruction de ses dépendants, grands ou petits, innocents ou coupables. Le monde ancien dans son entier, Perses, Juifs, Grecs et Romains, avait vécu sur cette notion, et il semble que les Sassanides furent les premiers à en sentir la barbarie et l'absurdité.

La loi qui condamnait les voleurs à perdre la main fut maintenue ; on y ajouta encore la perte du nez et la restitution de quatre fois la valeur de l'objet volé. Les adultères restèrent soumis à la peine d'une amende, et on remplaça pour eux les mutilations anciennes par l'excision du nez. A part les deux cas qui viennent d'être indiqués et un troisième dont je vais parler, l'usage des mutilations fut abrogé ; la loi reconnut expressément qu'il ne fallait pas rendre les coupables incapables de travail. Les crimes et les délits furent d'ailleurs classés avec plus de sagesse et de détails qu'autrefois, et la loi tendit en général à se rendre aussi douce que possible. La récidive entraîna comme châtiment particulier la perte d'une oreille.

Les prêtres acquirent un nouveau droit qui éleva singulièrement leur influence sur la société : ils furent chargés d'assister à l'ouverture du testament et au partage des biens entre les ayants droit. Le clergé se trouva ainsi le régulateur des volontés du père de famille, et en certains cas il put interpréter et même modifier ce que celui-ci avait fait. Du même coup la loi se trouva mêlée à un acte qui autrefois avait été absolument libre.

La succession à la couronne fut réglée d'une manière nouvelle. Le souverain, devenu maitre absolu, abolit le droit ancien des nobles à être consultés et à donner leur sanction. Cependant c'était poser un principe si inconnu et si étrange dans l'Iran, qu'Ardeshyr ne jugea pas prudent d'aller au bout de son idée. Il prit un moyen terme et décida que le souverain écrirait dans trois cédules cachetées le nom de son héritier. L'une de ces cédules serait remise au chef de la religion, l'autre au grand chancelier de l'empire, et la troisième au général en chef.

Au moment de la mort du Grand Roi, ces trois personnages auraient à se réunir chez le pontife. Là ils ouvriraient les cédules et se mettraient d'accord sur les moyens d'assurer la volonté de leur défunt maître. En cas de désapprobation complète de la part du pontife, le droit de veto était acquis à ce grand personnage. Alors le chancelier et le général en chef devaient s'engager par serment de garder un silence absolu sur le nom du candidat évincé et sur les délibérations qu'ils venaient d'avoir avec leur collègue religieux. On réunissait aussitôt les docteurs les plus capables et on prenait leur avis. Le soir du même jour, après la prière, on était tenu de convoquer au palais les princes, les ministres et les principaux fonctionnaires ; on apportait le trône et la couronne au milieu de l'assemblée, et le grand prêtre, après avoir dit que le Dieu très-haut avait fait connaître sa volonté au cœur de ses prêtres, prononçait la formule suivante : Les anges sont consentants à ce qu'un tel, fils d'un tel, soit déclaré roi. Vous, peuples, consentez-y également !

On faisait avancer le prince élu, on le plaçait sur le trône, on lui mettait la tiare sur la tête, et lui prenant la main, le pontife lui demandait :

Confesses-tu le Dieu très-haut suivant la foi de Zoroastre telle qu'elle a été acceptée et propagée par le roi Lohrasp ?

Le récipiendaire répondait affirmativement à cette question et ajoutait :

Avec l'aide du Dieu très-haut, je veillerai au bonheur des sujets.

Aussitôt les gardes et les serviteurs du palais prenaient leurs rangs, et l'investiture du nouveau Grand Roi était complète.

Le clergé s'empara donc d'une autorité régulatrice que jamais il n'avait possédée dans l'Iran, et comme ce qu'il avait été ne justifiait nullement ce qu'il était devenu, il sentit la nécessité de faire subir aux dogmes et aux formes de ces dogmes ce qu'il appela une rénovation, mais qui fut par le fait une véritable métamorphose.

On affirma, pour justifier la nécessité de cette réforme, qu'Alexandre avait fait brûler tous les livres de la Loi, jadis contenus dans une collection écrite sur douze mille peaux de bœuf. Les mobeds avouaient pourtant qu'un tiers des ouvrages perdus avaient été conservés dans la mémoire des hommes ; mais tout ce qu'ils annonçaient maintenant en fait de doctrine et que personne ne connaissait se trouva avoir existé précisément dans les deux tiers perdus et oubliés.

Deux docteurs illustres, Ardévyraf et Azerbad-Marasfend, conseillers d'Artleshyr, furent chargés par le roi et par leurs confrères de compléter la loi telle qu'on voulait l'avoir. Ils s'inspirèrent des procédés connus depuis des siècles dans toute l'Asie pour mener à bien une telle œuvre ; les Juifs s'en étaient servis, les bouddhistes également ; les gnostiques chrétiens en faisaient abus ; les orthodoxes ne les ignoraient pas. Ardévyraf composa et publia une apocalypse. Il avait parcouru dans une vision les différentes régions de l'enfer ; il y avait été témoin des châtiments infligés aux pécheurs, et il avait appris des puissances angéliques les secrets de la purification et les moyens à employer pour éviter la damnation éternelle.

Il résulta du livre d'Ardévyraf une doctrine nouvelle sur la classification des fautes théologiques et des explications correspondantes, et de même que Zoroastre n'eût jamais composé le mazdéisme si l'ancienne religion iranienne et les dogmes sémitiques combinés ensemble ne lui en avaient fourni l'étoffe, de même on découvre sans peine et l'on peut affirmer que le magisme des Sassanides n'aurait pas paru dans le monde s'il n'avait eu pour se combiner les résultats des longs travaux, des longues luttes soutenues sur le sol de l'empire par les Juifs, les bouddhistes, les néoplatoniciens, les Chaldéens, les chrétiens de toutes les sectes et les polythéistes de toutes les espèces. Je considère comme un fait incontestable que ce fut à cette époque que le dualisme, dont on ne trouvait aucune trace dans le magisme du temps des Achéménides, fit son apparition officielle au sein des doctrines mazdéennes. Non pas que l'idée en fût nouvelle. Elle devait exister en principe dans les esprits des théologiens depuis des siècles peut-être ; mais comme elle était, de sa nature, compliquée, de compréhension et d'adoption difficiles pour le tempérament iranien, elle était restée à l'état de question pendante jusqu'au temps d'Ardeshyr. C'est ainsi, -s'il m'est permis de comparer un pareil dogme qui ne me touche en rien avec un autre dogme auquel je porte toute vénération, c'est ainsi que t'Immaculée Conception a été acceptée de toute antiquité dans l'Église et recommandée au respect des fidèles, bien qu'il y ait peu d'années quelle a pris place parmi les articles de foi. Le dualisme résulte de l'idée ancienne d'un antagonisme entre le bien et le mal, entre Ormuzd et Ahriman et les hiérarchies dont ils sont les chefs, combiné avec la doctrine chaldéenne des ezdads ou antinomies, telle que je l'ai exposée dans mon Traité des écritures cunéiformes. Cette fusion de théories appartenant aux races les plus opposées de l'empire ne pouvait aboutir à un résultat que lorsque la fusion de ces races aurait déjà été opérée suffisamment, ce qui n'eut lieu que du temps des Parthes ; et la preuve que ce fut bien vers ces époques que ces idées réussirent, c'est que le christianisme en fut alors saisi par Manès, absolument comme le magisme ancien par ses propres prêtres. J'ai pu observer avec intérêt que plusieurs guèbres actuels des plus instruits repoussent cette notion avec horreur et mépris. Ils m'ont dit également que le Boundehesh, où les théories d'origine sémitique sont le plus hautement préconisées, était un ouvrage ridicule, plutôt propre à déshonorer leur religion qu'à la servir.

Les mobeds étant devenus les appréciateurs souverains des cas de conscience et par la nécessité de la purification et par la confession, acquirent une influence immense. Maîtres de l'élection royale, arbitres des successions parmi les sujets, mêlés à l'action de la police dans tout l'empire, directeurs des affaires de toutes les familles, ils furent en état de prétendre à ce qu'aucun secret ne leur fût refusé, et de punir tous les récalcitrants, de façon à rendre la résistance peu raisonnable. Le point difficile était de faire admettre qu'Ardévyraf avait eu réellement sa vision et que cette vision autorisait des prétentions si grandes, dont personne n'avait jamais entendu parler. Azerbad-Marasfend se chargea de trouver un argument sans réplique.

Il eut à son tour une extase dans laquelle lui fut révélée la somme de tous les livres canoniques qui avaient été perdus. On le chargea en conséquence de restaurer l'Avesta. Il s'acquitta de cette tâche à la satisfaction de son parti, conserva les morceaux anciens impossibles à éliminer, rejeta ce qui était trop contraire aux prétentions du clergé en le déclarant apocryphe, et produisit ainsi le livre actuel des Parsys, qui renferme certainement des fragments authentiques, mais où il se trouve surtout des développements dont le fond et la forme appartiennent à la responsabilité du rédacteur sassanide.

Le gouvernement s'étant déclaré partisan absolu de cette œuvre, comme on était dans la ferveur d'une révolution triomphante, que les prêtres étaient les maîtres, que la police surveillait les manifestations du zèle, et qu'il n'y avait pas de goût pour une opposition qui eût paru regretter quelque chose de l'anarchie arsacide, les visions d'Ardévyraf et d'Azerhad-Marafend furent admises, et la religion transformée s'établit au milieu de l'empire.

Mais elle se trouva un peu trop forte pour les intérêts du pouvoir royal. Ardeshyr avait voulu fonder une autorité unitaire, et il avait à peu près réussi à l'égard des anciens copartageants féodaux anéantis ou dépouillés. Seulement, par son zèle religieux poussé trop loin, il avait donné à ses successeurs un antagoniste redoutable en élevant si haut le clergé, et on en sentit les inconvénients. Le mazdéisme voulut souvent employer plus de rigueur dans la persécution des dissidents que les rois ne trouvèrent à propos de le faire. De là des scissions entre le trône et l'autel, et des accès d'hétérodoxie chez certains princes qui en arrivèrent quelquefois jusqu'à embrasser les opinions de théoriciens tels que Mazdak, dont les dogmes consistaient à ne plus reconnaître ni religion, ni clergé, ni hiérarchie, ni famille, ni même aucun lien conjugal. En d'autres termes, les Sassanides avaient mis une telle ardeur à établir l'ordre, sans souci de ce qu'il leur fallait supprimer pour atteindre à leur idéal, que lorsque le souvenir de l'exagération contraire chez les Arsacides fut un peu évanoui, les rois, les peuples surtout ne furent plus sensibles qu'au malaise extraordinaire causé par l'exagération d'un principe d'abord si applaudi. La logique, on peut dire le devoir, certainement l'intérêt, exigeaient de la part des mobeds une contention incessante pour opérer l'étouffement complet des opinions rivales. Ces sortes de résultats ne s'obtiennent guère dans un état de société aussi avancé, dans un état de confusion ethnique pareil à celui de l'Iran au troisième siècle de notre ère. Les persécutions furent terribles, impitoyables, fatigantes. Elles se produisirent sous toutes les formes et à tous les degrés. On persécuta les chrétiens orthodoxes et autres ; au cinquième siècle on en déporta beaucoup dans la Margiane, et j'ai, sous la forme d'une pierre gravée qui m'a été envoyée de Merv, un curieux héritage de cette pieuse colonie de martyrs ; les Juifs, les païens, les philosophes furent de même fort maltraités ; on n'épargna pas surtout les mazdéens qui ne se purifiaient pas assez, ne se confessaient pas constamment, semblaient vouloir fermer aux prêtres quelques recoins de leur conscience ou de leur maison ; on raffina tellement sur la sainteté exigée, que des catégories entières d'artisans furent exclues des sanctuaires, parce qu'elles exerçaient des professions illégales ; et comme les soupçons, les précautions et les sévérités de la police augmentaient en raison du mécontentement que les deredjat ou classes, uniquement composées de parvenus, n'avaient pas même le prestige de la naissance pour se faire pardonner leur écrasante supériorité, il se trouva à la fin des Sassanides que la nation était infiniment plus opprimée, plus malheureuse, plus exaspérée, plus désaffectionnée, plus disposée à rejeter sa dynastie, qu'elle ne l'avait été sous Artaban V, au moment où tombèrent les Arsacides. C'est pour cette raison que les Arabes musulmans entrèrent dans l'empire, gagnèrent la bataille de Kadenyeh, soumirent les provinces avec la même facilité que l'avait fait Alexandre et pour des raisons analogues.

Les Parsys actuels s'en rendent parfaitement compte, et je ne fais que rapporter ici l'opinion des plus instruits sur les causes qui ont amené la chute si subite du trône de Yezdedjerd, le dernier des Sassanides. Un d'entre eux, Manoukdjy-Lyradjy-Sahab, homme fort recommandable et très-savant, qui a été envoyé en Perse par ses coreligionnaires de Bombay pour répandre des secours et des consolations parmi les guèbres existant encore dans l'empire, m'a affirmé plusieurs fois que l'esprit minutieux du clergé mazdéen, son zèle à intervenir dans les affaires domestiques des sujets, son acrimonie contre les dissidents, avaient été pour beaucoup dans les succès des Arabes, en disposant les peuples à accepter toute nouveauté comme une délivrance, et cette assertion me parait incontestable.

La Grèce et Rome ont constamment vécu, depuis leur premier jour, sous le gouvernement absolu. Les rois, les patriciens, les riches, les-pauvres, un maitre décoré d'un nom quelconque, ont successivement manié cette sorte de pouvoir ; en lui-même il n'a jamais changé, restant toujours le même ; il n'a jamais varié que quant au directeur, et soit sous Codrus, soit sous Périclès, soit sous Thrasybule, comme au temps de Tarquin, d'Appius, des Gracques ou de Tibère, l'État a constamment été tout et le citoyen rien. Il pouvait être plus agréable à un Athénien d'obéir à Aristide qu'aux trente tyrans, mais en fin de compte le citoyen ne possédait pas plus d'indépendance sous l'un que sous l'autre.

L'histoire de l'Iran présente un tableau absolument différent et beaucoup plus propre à nous intéresser, car elle montre pour ainsi dire l'image de nos propres destinées. Elle commence par un développement illimité de la liberté individuelle. En réalité, il n'y a pas plus de force politique sous les rois de la première formation qu'on n'en aperçoit sous les Amales et les Baltes des nations gothiques au moment où celles-ci descendent vers le Danube, tous les rois de terre et de mer des nations scandinaves, tous les chefs des Franks et des Lombards. L'État n'existe pas. Les chefs de famille sont confédérés et presque rien de plus. Le roi n'est qu'un guide militaire institué pour l'avantage de chacun, et il ne commande que dans des limites assez restreintes.

Quand l'invasion assyrienne renversa cette organisation libre de l'Iran, la doctrine de la raison d'État, le besoin de l'ordre, l'apothéose de l'administration envahirent les Pays purs. Comme le sang des populations était arian, tout ce système, le bien mêlé au mal, déplut, ne put parvenir à s'implanter, et tomba au temps de Férydoun-Phraorte, le Libérateur.

Dès lors le régime féodal recommence a régner ; mais il n'est pas aussi simple qu'autrefois. La race n'est plus aussi pure ; elle renferme désormais des contradictions. On ne aurait se passer d'administration, ni de pondération, ni de moyens termes. La difficulté est de trouver la mesure. Comme la force est aux feudataires, c'est de leur côté qu'incline trop la balance. Il en résulte une grande faiblesse dans la nation, et les immigrations scythiques, dont rien n'arrête l'élan, menacent d'une subversion complète. Cyrus sauve son pays, mais par des conquêtes qui donnent à ses successeurs une prépondérance décidée sur leurs vassaux, et Darius se sert de cet avantage pour établir un régime unitaire où il croit avoir concilié tous les intérêts, réservé tous les droits et équilibré toutes les nécessités.

Ce n'est pas par le despotisme que tombent les Achéménides, ils n'ont jamais été assez forts pour devenir des tyrans ; ce n'est pas non plus la noblesse qui les fait tomber, elle n'était plus ni assez unie ni assez puissante pour renverser le Grand Roi, maitre de l'Occident. Ce qui tue Darius, c'est la cour. La cour, ses intrigues, ses violences, ses rapines, ses horreurs, et l'instabilité irritante et déshonorante de ses intérêts et de ses évolutions, épuisent les patiences, anéantissent les ressources, paralysent l'action, donnent le goût de la trahison à ceux qui servent et exercent par habitude toutes les perfidies. Les grands accueillent, sollicitent l'ambition légitime d'Alexandre, et s'écroule.

Celui-ci relève tout. Sans doute, jeune, puissant, sagace, demi-dieu, il eût incliné vers l'absorption du pouvoir en sa personne, bien qu'il ait reconnu et pratiqué les droits de la noblesse ; mais il mourut tôt, et les Parthes s'emparant et de ses couronnes et de son épée se partagèrent les premières, et frappant de la seconde aux quatre vents, restaurèrent la doctrine des droits personnels dans une exagération si forte, que certainement les plus anciens temps n'avaient rien vu de plus complet. La liberté fut tout et partout dans la race iranienne et dans les colonisations scythiques ; chacun revendiqua son droit, et de ce droit tira ce qu'il put, sans que personne se souciât d'y contredire. Le Grand Roi redevint ce qu'il avait été originairement un chef de guerre et rien au delà On le nomma, on le déposa, on le rétablit, on le tua, et quand il ne fut pas très-fort ou très-habile, on s'en joua.

Mais pour se livrer à de tels amusements et en garder le goût, il fallait être d'une trempe bien particulière : une pareille vie convenait à un Arsacide, à un Gète, à un Scythe, comme à un leude de Clovis ; mais elle ne plaisait pas mieux à des Assyriens, à des Hellènes, à des gens de l'Asie Mineure, qu'à des colons romanisés. Cette tourbe patienta d'abord, s'irrita ensuite, s'exalta, tomba dans le désespoir, et de là monta à cette fureur des faibles à laquelle rien ne résiste ; et la religion étant venue ajouter à cette rage son fanatisme organisateur, les Parthes furent assaillis, et eux qui avaient mis à néant les armées romaines, ils furent balayés par ceux qu'ils méprisaient et malmenaient depuis cinq cents ans.

La démocratie triomphait. Inférieure à la liberté, au lieu de la régulariser, de l'atténuer et de l'étendre, elle l'étouffa. Elle voulut de l'ordre, elle en eut, et l'ordre la mena où il l'avait déjà menée deux fois, au moyen des lisières d'un despotisme vraiment romain ; mais il avait été plus excusable de tomber sous le pied puissant des Assyriens de Zohak et sous la main généreuse d'Alexandre que devant les lances de quelques coureurs arabes.

L'Iran ancien finit avec les Parthes, et les Sassanides commencèrent l'Iran nouveau, celui où l'influence sémitique, celle des races de valeur secondaire, devint à jamais prépondérante. A dater de ce jour où Ardeshyr prit la couronne, la Perse fut un empire oriental dans le sens moral qu'on attache à ce mot, et ce n'est que pur exception et ressouvenir, influence du passé, que les notions de liberté et d'autorité personnelle y ont reparu quelquefois.

Je m'arrête au point où la proche parenté cesse d'exister entre nous et les dominateurs de l'Iran.

 

FIN DU DEUXIÈME ET DERNIER TOME