HISTOIRE DES PERSES

LIVRE PREMIER. — PREMIÈRE ET SECONDE FORMATION DE L'IRAN.

CHAPITRE XI. — GUERRES D'ABTYN.

 

 

La situation d'Abtyn et sa personne rappellent l'histoire du roi Pélage lorsque, se levant au fond des Asturies, il commença la lutte des tribus gothiques contre les Maures et fonda la monarchie espagnole. On a pu remarquer, d'ailleurs, que les légendes iraniennes relatives aux premiers temps de la race ont des inspirations toutes semblables à celles de certaines parties du Romancero. Ainsi, elles n'ont pas manqué de montrer le dernier Djem, vaincu et repentant, devenant un ascète livré aux pratiques de la plus austère pénitence. De même, Rodrigue, après avoir perdu son pays par ses fautes, devint ermite et passa ses derniers jours dans les macérations.

Abtyn, sorti d'une famille de seigneurs terriens, avait à sa disposition peu de puissance, et il commença donc avec peu de ressources. Il réunit autour de lui des hommes énergiques et s'en prit d'abord aux garnisons assyriennes de la Montagne, les attaquant l'une après l'autre, détruisant les plus faibles. Cette tactique réussit. Il parvint à débarrasser la contrée de quelques-uns de ses oppresseurs. Sa bande, très faible au début, vit accourir des recrues qui en firent une petite armée, et favorisé par les populations, peu hardies pourtant à le suivre, il se hasarda à sortir de ses vallées hantes et à descendre dans les campagnes du Khawer, où il porta le ravage par des incursions bravement conduites. Il faisait ce que les Turcomans d'aujourd'hui appellent le tjapao, se lançant sur un district sans méfiance, pillant, brûlant, emmenant des captifs, et quand il avait frappé assez de coups et réuni assez de butin, il regagnait des retraites inaccessibles au fond des gorges, sur la cime des rochers, d'où se défendant à coups de flèches et de pierres, il bravait la colère des Mèdes.

Ses succès furent tels qu'il jugea possible de faire davantage. Il ne se contenta plus de mettre à sac des villages et des bourgs sans défense. Il assiégea et prit des villes fortes ; il attendit de pied ferme ses ennemis et les battit, brisant leurs lances. De succès en succès, et son courage montant avec sa fortune, il marcha un jour sur Hamadan et assaillit les murailles de cette capitale. Mais c'était trop tôt. Il épuisa ses forces devant cette grande cité, ne put la prendre, et n'eut bientôt d'autre ressource que de se retirer. Outre que la puissance des conquérants était supérieure à la sienne, un point d'appui réel lui manquait. Sans doute ses coreligionnaires, les gens de sa race, avaient les yeux sur lui, faisaient des vœux pour liai, attendaient son triomphe avec bonne volonté, mais ils ne se décidaient pas à rendre le succès possible, en se mettant, l'arme au poing, aux côtés de l'insurgé. Ils ne croyaient pas assez à la certitude du succès final. La monarchie assyrienne leur semblait trop énorme pour être renversée. Abtyn figurait à leurs yeux un illustre téméraire, non pas encore un héros.

Il l'était cependant. Ainsi que pour tous les protagonistes de la race, qu'ils soient iraniens, hindous ou germains, le suprême honneur de la royauté consistait, pour Abtyn, à combattre plus que ses compagnons, à jouer sa vie où chacun reculait, et à vaincre où les plus braves auraient succombé. Dans les occasions malheureuses, quand sa troupe avait le dessous, c'était lui qui, la massue ou l'arc à la main, contenait la poursuite de l'ennemi. C'était lui qui, couvrant l'arrière-garde, donnait aux siens le temps de gagner un refuge. Au passage des rivières, à l'issue des défilés, ce que les Assyriens, avec leurs longues lances, ivres de colère, trouvaient leur barrant la place : c'était la stature gigantesque du descendant de Djem-Shyd, et avant d'atteindre à ses hommes, il fallait passer par ses mains. Beaucoup y restaient, et couchés par monceaux désormais immobiles aux pieds du chef inébranlable, ils attestaient aux yeux des survivants sa valeur, aux yeux des Iraniens, ses droits.

Malgré tant d'énergie, la supériorité du nombre, les ressources infinies d'une puissance séculaire, dominaient encore de trop haut les droits du partisan du passé. Traqué de toutes parts, poursuivi de refuge en refuge, ayant perdu des soldats qu'il ne pouvait remplacer, délaissé par les peuples tremblants, Abtyn fut contraint de céder en attendant des temps meilleurs. Il prit confié de ces montagnards qui l'avaient aimé et soutenu sans oser embrasser sa cause, et les ayant exhortés à tenir bon du moins dans leur foi et à ne pas désespérer de leur haine, il trompa la vigilance des Assyriens, traversa les districts septentrionaux de la chaîne de l'Elbourz, et avec une faible troupe, tout ce qui lui restait de ses meilleurs compagnons, il parvint à se jeter dans le Matjyn.

Le roi de ce pays s'appelait Béhek. L'arrivée d'Abtyn le troubla. Il était Scythe, il professait la religion de la race pure, il était l'ennemi des Assyriens ; mais il se sen- tait débile, et craignait d'engager avec ces derniers une guerre dont il pouvait prévoir que l'issue ne serait pas heureuse. Il reçut donc Abtyn avec honneur, mais, en même temps, lui exposa sa situation, et n'eut pas de peine à lui démontrer qu'une hospitalité si dangereuse n'était pas un bien qui pût tenter l'obligé plus que le bienfaiteur.

Après avoir fourni au chef iranien des vivres et des vêtements pour lui et pour les siens, et lui avoir fait, en outre, de riches présents, il lui donna des vaisseaux sur lesquels les insurgés s'embarquèrent, et qui, après un mois de navigation, les portèrent au fond de la Caspienne, à la grande cité de Bésila, où régnait le roi scythe Tyhour ou Tyhourès[1].

Dans ce royaume non moins florissant, non moins commerçant mais plus vaste, plus riche encore et mieux garanti que celui de Béhek contre les efforts des Ninivites, professant, d'ailleurs, comme l'ensemble des populations scythiques, l'ancienne religion du Vara, Abtyn se vit accueillir avec les empressements qu'il pouvait souhaiter, et l'affection de Tyhour devint bientôt si vive et si franche pour son hôte, qu'il lui donna sa fille en mariage. C'est ainsi que le grand aïeul d'Abtyn s'était lui-même allié à un roi scythe.

La gravité de l'histoire ne permet pas de suivre la légende dans tous les développements romanesques qu'elle se plaît à tirer de ce thème. Elle ne manque pas de raconter le mariage d'Abtyn avec les détails auxquels nos romans chevaleresques nous ont accoutumés en pareille circonstance. Férareng, la fille de Tybour, princesse incomparable, est frappée, au premier aspect, de la beauté héroïque du guerrier iranien. Ce qu'elle apprend de la noblesse de sa naissance et surtout de ses exploits hi transporte d'admiration et bientôt d'amour. Elle laisse deviner l'état de son âme au brillant aventurier. Il s'ensuit des rendez-vous dans les jardins au milieu de la nuit, tandis que les rossignols emplissent de leurs concerts un air embaumé par les senteurs des plantes. Des serments mutuels sont échangés entre les amants. Le roi Tyhour est averti par des surveillants indiscrets. Suivent des scènes de colère, de menaces, de craintes douloureuses d'éternelle séparation, qui enfin se terminent par l'apaisement du père et le plus doux des hyménées. Férareng est une des favorites de la tradition persane. C'est une merveille d'attraits, de grâce, de douceur, de tendresse et de dévouement. On va voir bientôt qu'elle le sera également de courage et d'énergie, et elle se mouftera aussi grande que les devoirs qui vont marcher devant elle.

Pendant quelques années Abtyn habita le royaume de Bésila, jouissant de son bonheur mais non pas amolli et encore moins oublieux. Il le prouva en quittant une fois son refuge pour aller au secours du roi Béhek, que menaçait nue armée médique et qui demandait de l'aide. Il repoussa les agresseurs et revint victorieux.

Mais cc n'était pas assez, et son repos ne le satisfaisait pas. Sa situation finit par lui être intolérable. Des songes ou plutôt des visions multipliées lui ordonnèrent de ne pas s'écarter plus longtemps de sa tâche et de reprendre ses travaux libérateurs. Les circonstances qui l'avaient jadis désarmé et contraint de fuir étaient pourtant les mêmes, et l'ennemi n'avait rien perdu de sa force. Cependant, et malgré les supplications de Tyhour qui ne voulait point se séparer de sa fille, Abtyn se résolut à partir, et afin que le roi des Mèdes, Koush-Héféran, ne pût être averti de ses desseins et lui disputer le passage de la frontière, ce qui serait arrivé s'il eût pris la route la plus fréquentée pour aller au Matjyn, il se résolut à tenter un nouveau chemin, et s'étant embarqué, il fit voile directement vers le sud, emmenant sa femme et la troupe d'amis éprouvés qui ne l'avaient pas quitté. Après de longues fatigues et des périls sans nombre heureusement surmontés, les exilés vinrent silencieusement longer, dans leurs barques, les rivages méridionaux du Mazandéran, et ils descendirent aux environs d'Amol, sur la lisière d'une forêt profonde où ils s'empressèrent de se cacher.

Amol, comme Ragha et les autres cités de la montagne, avait une garnison assyrienne. C'était une ville célèbre, et qui devint bientôt si importante dans l'Iran de seconde formation, qu'elle en fut longtemps la capitale ; je dois donc, avant d'aller plus loin, rapporter l'histoire de sa fondation d'après Abdoullah-Mohammed, fils de Hassan, fils d'Isfendyar.

A une époque très reculée, dit ce chroniqueur, il existait dans le Deylem, c'est-à-dire dans la région carpienne, deux frères, Eshtad et Yezdan, qui eurent querelle avec un des hommes les plus puissants du pays. Ils le tuèrent et prirent la fuite suivis de leurs familles, et ils se réfugièrent dans un canton forestier où ils n'avaient rien à craindre des vengeurs du sang répandu.

En ce même temps, le roi de l'Iran régnait à Balkh. Cette circonstance indique déjà que la légende se reporte au règne des Djemshydites. Ce roi s'appelait Fyrouz, c'était un prince glorieux, honoré de ses peuples, et qui ne connaissait pas de bornes à sa puissance.

Une nuit, il eut un songe merveilleux. Il vit une jeune fille d'une beauté si extraordinaire que la splendeur des astres pâlissait devant elle. Surpris à cette vue, il se sentit soudain enflammé d'un amour irrésistible, et quand la vision eut disparu et qu'il eut réfléchi à l'impossibilité de trouver sur la terre un tel prodige de perfection, il tomba dans une tristesse si profonde que tout fut impuissant à l'en tirer.

Le chef des prêtres s'efforça en vain de le détourner de ses pensées. La religion, au nom de laquelle il parlait, resta cette fois sans influence. Les ministres épuisèrent tous les arguments tirés de la raison d'État. Le roi Fyrouz resta plongé, accablé dans la mélancolie et s'y enfonça tons les jours davantage, au grand détriment des intérêts de son peuple, dont il n'avait plus même la force de s'occuper. Une pareille situation étant trop critique, on prit le parti de chercher par tout l'empire une beauté qui répondît aussi bien que faire se pouvait à la description dont le malheureux monarque était prodigue. Les envoyés visitèrent avec soin les contrées où on les adressa, mais ils ne surent rien découvrir, et la douleur du roi s'en augmenta.

Un jour, il avait auprès de lui lin de ses parents qui portait comme lui le nom de Fyrouz, et auquel on donnait d'habitude le titre de mehr ou seigneur. Il aimait fort son maître, et, désolé de le voir dans l'état où l'amour et le désespoir l'avaient réduit, il lui vint en pensée que les mandataires à l'intelligence desquels on s'était remis n'avaient peut-être pas fait des recherches suffisantes, et qu'en s'appliquant lui-même à cette affaire, il serait sans doute plus heureux. Il prit des renseignements auprès des envoyés, et après les avoir tous écoutés et avoir comparé et contrôlé leurs récits, il se convainquit qu'on était allé partout, excepté dans la partie de l'Elbourz voisine de la Caspienne et qu'on nomme le Taberystan. Alors il fit part au roi de sa volonté de tenter -la fortune, et celui-ci lui ayant donné son approbation et formant des vœux ardents pour son succès, l'engagea à partir au plus tôt, et le fit accompagner de trésors et de dons magnifiques.

Après une route assez longue, Mehr-Fyrouz arriva dans la contrée qu'il avait l'intention de parcourir. Pendant une année entière, il la visita dans tous les sens, s'enquérant des jeunes filles avec un soin extrême, les examinant avec le plus vif désir d'en trouver une qui répondit tant soit peu aux merveilleuses descriptions du roi. Mais, lui non plus, il ne découvrit rien, et quand il eut cherché de son mieux, fouillé les bourgs, les villes, les villages, force lui fut de renoncer li tout espoir. Très-affligé et ne voyant plus rien à tenter, il chut se résigner à retourner à Balkh les mains vides. il fit charger ses bagages sur les bêtes de somme, et, le cœur gros, prit son chemin du côté de la mer, afin de gagner le nord et se diriger ensuite vers l'est du côté de l'Iran. Bientôt il se trouva engagé dans un dédale de marécages, perdu dans des forêts sombres, et il ne sut plus de quel côté tourner ses pas.

Les mulets et leurs muletiers, ses chevaux et ses serviteurs on s'égarèrent, le perdirent de vue et ne purent le rejoindre, ou périrent dans les fondrières. Lui-même il tomba avec sa monture au passage d'une rivière ; l'animal se noya, et le cavalier eut grand'peine à se dégager et à gagner terre à la nage. Échappé à ce péril, quand il eut pris pied et regardé autour de lui, il se vit seul et n'entendit rien que les bruits confus des feuilles et du vent. Il erra sans direction sur les bords d'un ruisseau assez large dont les eaux étaient singulièrement limpides et fraîches. Il pensait que l'attrait de ce courant aurait peut-être décidé quelques colons à s'établir sur la rive, et dans cette espérance il remonta le long du flot. Enfin, il arriva à la source d'où les ondes jaillissaient, et près de la fontaine sa surprise fut grande et son effroi presque égal d'apercevoir tout à coup une jeune fille si belle, qu'il la prit d'abord pour un être surhumain. Si c'est un démon, se dit-il, je le tuerai ; mais si c'est un être de notre espèce, certainement j'ai trouvé ce que je cherche.

Il mit l'épée à la main et marcha droit à la créature dont il doutait. Elle lui parla la première et avec tant de grâce et de séduction qu'il perdit aussitôt sa méfiance, et demanda à être conduit près des parents de la jeune merveille qu'il ne se lassait pas d'admirer.

L'enfant de la fontaine, marchant devant lui, le mena jusqu'à une maison construite au milieu des bois. Elle le laissa devant la porte, et entra seule. La famille était allée dans la forêt couper des branches, et il ne restait au logis que la mère et un jeune garçon. La vieille femme envoya aussitôt celui-ci à la recherche de son mari, accueillit l'étranger et le fit asseoir. Le mari arriva suivi de ses fils ainés, souhaita cordialement la bienvenue à Mehr-Fyrouz, et pendant trois jours l'hébergea de son mieux sans lui faire aucune question. Le cousin du roi ne fut pas moins charmé des parents qu'il ne l'avait été d'abord de leur fille, et ceux-ci de leur côté ne pouvaient comprendre quelle bonne fortune leur amenait un voyageur aussi accompli.

Quand le moment des confidences fut arrivé et que, sans manquer aux lois de l'hospitalité, on put se permettre les questions, ou se nomma réciproquement, et il se trouva que la jeune fille était appelée Amaleh et que sou père était ce Yezdan, jadis fugitif du Deylem et meurtrier d'un des grands du pays. Eshtad, en sa qualité d'aîné, fut consulté sur la demande que fit Mehr-Fyrouz de la main d'Amaleb pour son royal parent, et il ne manqua pas de consentir volontiers à une telle alliance.

Le roi Fyrouz épousa donc la femme qui lui était apparue en songe, et il l'aima parfaitement. Au bout d'une année, elle lui donna un fils qui fut appelé Khosrou. Cependant le roi, toujours avide de plaire à Amaleh, lui avait demandé d'exprimer un désir, et elle avait répondu qu'elle souhaitait de voir peupler le lieu où elle avait été découverte par Mehr-Fyrouz, en ajoutant qu'il faudrait donner son propre nom au ruisseau, qui jusque-là se nommait l'Hormouz, du nom même de la Divinité.

L'amoureux souverain s'empressa de donner les ordres nécessaires pour que les vœux de la reine fussent accomplis. De nombreux pionniers accoururent dans le désert qu'il s'agissait de coloniser, et se mirent courageusement à l'œuvre ; mais, quels que fussent leurs efforts, ils ne parvinrent pas à détourner le cours de l'Hormouz de manière à le faire passer sur l'emplacement de l'ancienne demeure d'Amaleh, qui leur avait été désigné comme devant être celui de la ville future.

La reine, informée de ces difficultés, ordonna d'interrompre les travaux. Elle laissa passer quelque temps, et un jour elle se plaignit au roi que l'air de Balkh était nuisible à sa santé. Le souverain lui permit de quitter la ville et d'aller s'établir dans son pays natal, où elle se mit à diriger elle-même la fondation qu'elle prétendait faire. Modifiant ses premières idées, elle laissa la rivière. conserver le nom divin qu'on ne lui pouvait liter, et changeant d'emplacement, elle traça l'enceinte un peu au-dessous de l'endroit où elle était née, et lui donna son nom. Ce fut Amol.

Elle voulut que la nouvelle cité fût digne de porter sa mémoire à la postérité. Le palais était en briques cuites, ce qui est d'un grand luxe dans un pays où l'on n'emploie pas la pierre et où les plus somptueux édifices sont construits, pour la majeure partie, en carrés d'argile séchés au soleil. Les murailles étaient assez épaisses pour que trois cavaliers pussent cheminer de front sur leur crête. Des fossés profonds ceignaient les remparts, et on pénétrait dans l'enceinte par quatre portes, qu'on nomma : porte du Gourgan ou de l'Hyrcanie, porte du Ghylan, porte de la Montagne et porte de la Mer, suivant la direction des routes qui y aboutissaient.

La surface contenue entre les murailles était de quatre cents djéryhs. Quant au palais, ajoute Abdoullah-Mohammed, fils de Hassan, fils d'Isfendyar, avec un véritable sentiment d'antiquaire, il était situé dans cette rue que, du temps où vivait le narrateur, on appelait la Rue des crieurs publics.

C'est là qu'Amaleh vécut et régna glorieusement pendant de longues années. Après sa mort, son fils Khosrou augmenta beaucoup le nombre des édifices. Ses successeurs firent de même, et ils furent imités par tous les Merzebans ou seigneurs de leur État, qui se firent un honneur de posséder dans la capitale de beaux logements, des jardins ombragés, et d'y fonder des bazars et des caravansérails pour la commodité des marchands et du peuple.

En finissant, Abdoullah-Mohammed, fils de Hassan, fils d'Isfendyar, s'attache à donner l'étymologie du nom d'Amol et par conséquent celle du nom d'Amaleh. Il dit que dans le langage parlé par les Iraniens au temps où se passe son histoire, ce mot signifiait la mort, et fut employé comme expression d'un vœu d'immortalité. Une façon si peu correcte de présenter un fait exact en lui-même, prouve que le chroniqueur répétait fidèlement une tradition ancienne qui n'était pas claire à ses yeux, niais qu'il n'inventait ou ne modifiait aucunement. Les deux lettres l et r se confondent et se remplacent aisément dans les dialectes de la Perse. Les populations habituées au zend n'avaient pas la première, dit-on ; mais peut-être serait-il plus vrai de dire que leur écriture ne la distinguait pas de la seconde. Les Afghans, au contraire, en abusent et métamorphosent en l le plus d'r qu'ils peuvent, ce, qui donne à leur langue une physionomie assez étrange, propre à tromper sur sa nature réelle et sur ses affinités incontestables avec les autres idiomes arians.

Le mot mere signifie mourir en zend, et l'a est privatif. Ainsi amere ou amele signifie bien ne pas mourir, être immortel. Il n'y a donc rien à reprendre à l'étymologie produite par l'historien du Taberystan. Cependant on peut se rappeler aussi qu'une des dynasties des rois Goths de la Russie, renversée par l'invasion des Huns, s'appelait la famille des Amorales, et l'on donne pour sens à ce mot, sans tache et divin.

Qu'une reine iranienne ait porté le même nom que des rois goths dans un temps et dans des lieux où son peuple venait à peine de se séparer des Arians-Scythes, père des nations gothiques, il n'y aurait rien là de bien extraordinaire. La signification donnée à son nom par Abdoullah-Mohammed peut être exacte en général, et celle donnée à la désignation des rois goths peut bien aussi ne pas être erronée. Il me paraît très possible que l'une et l'autre se soient rattachées en commun à l'une de ces deux explications également bonnes. Ceci, du reste, importe beaucoup moins ici que de saisir le vrai caractère de la légende qui vient d'être racontée.

On ne saurait découvrir au juste ce qu'était cette reine Amaleh, non plus que la dynastie issue de son hymen avec le roi de l'Iran. Étaient-ce là des princes rivaux ou vassaux de Housheng et de Tahmouras, les grands feudataires de la Montagne ? Pareille question n'est pas à résoudre. On peut se demander tout aussi bien si ces souverains n'étaient pas les ancêtres ou les descendants des chefs de l'Elbourz. Mais ce que l'on aperçoit clairement et ce qui donne au récit de la fondation d'Amol un extrême intérêt, c'est sa complète ressemblance avec le ton des traditions germaniques de l'Europe. C'est ainsi que nos aïeux concevaient et présentaient des événements semblables ; c'est ainsi que l'identité d'origine des héros scandinaves et des héros iraniens prend une évidence extraordinaire. Les uns et les autres voient, pensent et parlent de la même façon. Les faits prennent à leurs veux les mêmes couleurs et se déroulent par les mêmes procédés. Iraniens et Germains sont des frères, c'est un seul et même peuple, toujours uni, toujours reconnaissable malgré les distances[2].

Amol, au temps d'Abtyn, était donc une des villes les plus considérables de la Montagne, peut-être plus encore que Racla, Chakhra ou Varena, et les Assyriens y faisaient bonne garde. Soit espoir de parvenir à la surprendre, ou par toute autre raison, Abtyn vint débarquer avec sa troupe sur le rivage qui l'avoisinait, et campa dans l'épaisseur des bois bordés Inn' les flots de la mer.

Son premier soin, quand sa femme et ses compagnons se trouvèrent établis, fut d'aller à la découverte. 11 s'avança seul à travers la solitude et le silence de la forêt, et après avoir erré quelque temps, il fit la rencontre d'un jeune homme qui, surpris de trouver un étranger dans ces lieux déserts, s'arrêta de son côté à le considérer. Le chef iranien questionna le voyageur. C'était un messager envoyé par Kershasep, roi scythe du Seystan, vassal de Zohak, mais attaché de cœur à la religion ariane. Le Seystany, ne connaissant pas Abtyn, lui raconta que la domination des Assyriens et de leur prince était plus solidement assise que jamais. Tout tremblait devant eux et gardait le silence. Ceux qui suivaient la Loi pure, persécutés partout lorsqu'ils osaient lever ]a tête, étaient obligés de se cacher, et quand on les découvrait, ils étaient mis mort. Les populations, frappées de terreur, feignaient d'être idolâtres et fréquentaient les temples. Dans l'Elbourz même, resté pur si longtemps, il n'existait plus de protestation ouverte et de résistance déclarée que de la part d'un seigneur nommé Selket, retiré dans un château inaccessible sur le sommet du mont Demawend. Souvent les Mèdes avaient attaqué cette forteresse, mais sans pouvoir la prendre, et Selket, grâce à sa position inexpugnable et à son courage obstiné, réussissait à déjouer tons leurs efforts et à maintenir libre un dernier mais bien petit coin du pays.

Ne sais-tu rien, demanda Abtyn, de l'héritier de Djem-Shyd et de ses braves ?

Cette question, répondit le jeune homme, je l'ai faite moi-même depuis longtemps à tel que je croyais capable de m'éclairer. Depuis longtemps je voudrais apprendre où s'arrête le premier des Iraniens. On m'a dit qu'il s'était retiré au delà de la mer sans fin, et qu'il se tenait caché sur la cime d'une montagne où il se dérobe aux recherches de Koush.

Le roi s'enquit ensuite du messager, s'il connaissait le chemin du château de Selket. Le Seystany répliquai qu'en trois jours, en partant du lieu où ils étaient, on pouvait s'y rendre, mais qu'il ignorait la route.

Homme pur, dit en terminant le jeune homme à son interlocuteur dont il avait deviné la religion et les sentiments, qui es-tu ? je te prie, dis-le-moi.

Je suis, répondit Abtyn, un de ces malheureux Iraniens réduits à fuir et à se cacher pour échapper à la tyrannie de Zohak.

Bien des hommes de l'Iran ont même sort que toi, et ce sont les plus illustres. Mais comment se fait-il que leur roi, que leur chef évite le combat et consume inutilement sa vie dans l'exil ?

Abtyn baissa la tête et garda le silence, puis, après un peu de temps, il recommanda au jeune messager de ne parler à personne de leur rencontre, et lui ayant fait quel-pies présents, lui dit adieu et se perdit dans la profondeur de la forêt.

Pendant plusieurs jours le roi parcourut le pays, recueillant les bruits populaires et se persuadant que si les Iraniens étaient muets sous la terreur, ils étaient aussi plus hostiles que jamais à la domination étrangère. Quand il eut appris tout ce qu'il lui importait de savoir, Abtyn revint auprès des siens qui l'attendaient en proie à la plus cruelle inquiétude, et, sans hésiter davantage, il recommença la guerre.

Les surprises, les embuscades, les pillages, les victoires, les revers, se succédèrent comme par le passé, et au milieu des angoisses et des joies rapides et poignantes de cette vie de proscrit Férareng mit au monde un fils. Ce fils fut Férydoun. Le Vendidad assure qu'il naquit à Varena. La Chronique du Taberystan prétend que ce fut dans les environs du mont Demawend. Ces deux opinions peuvent être considérées comme concordantes[3].

Il serait trop long, et d'ailleurs inutile pour l'histoire, d'entrer dans tous les détails dont la légende entoure le grand événement de la naissance de Férydoun[4]. Des prodiges annoncèrent la venue du Libérateur, et le désignèrent d'abord au respect et à l'adoration de ses parents eux-mêmes et de leurs fidèles. Les soins qu'on prit de lui furent infinis et minutieux. On lui donna deux nourrices iraniennes de race pure, choisies avec soin pour leur beauté, leur force, leur piété et leurs vertus. Pendant trois ans ces femmes élues prodiguèrent leur lait à l'enfant merveilleux.

A mesure que le petit Férydoun grandissait, les miracles se multipliaient. Des visions augustes se pressant autour d'Abtyn, l'avertissaient impérieusement de veiller sur son fils. Chaque jour on voyait dans l'enfant se manifester la confirmation de ces merveilles, et il eût fallu être bien aveugle pour ne pas s'apercevoir, en le regardant, que le moment était arrivé où les promesses faites à Djem-Shyd par le Dieu suprême allaient se réaliser.

A rage où les forces ne sont pas encore venues chez les hommes ordinaires, Férydoun était déjà un héros. A l'âge où chez le commun des êtres la raison s'éveille à peine, Férydoun était un sage. Son père, sa mère, leurs compagnons l'entouraient, comme un jeune Messie, de cette tendresse respectueuse et craintive que les temps primitifs et les grandes époques de troubles, où l'homme est transporté et élevé au-dessus de lui-même, éprouvent seuls. Il faut des géants, il faut du courage, de la passion et de la foi sans mesure pour plier aussi bas la tête avec candeur devant un enfant, et mettre tout son espoir dans une promesse.

 Bien que la petite troupe des Iraniens fût convaincue que la puissance des méchants ne pouvait prévaloir contre les destinées réservées à Férydoun, sans cesse elle tremblait pour le jeune garçon dans l'existence tumultueuse à laquelle il était associé. Fuir, attaquer, reculer, se cacher, courir les campagnes au hasard, c'était trop exposer le précieux héritier aux résultats douteux des sanglantes rencontres ; c'était trop risquer.

On se résolut à confier le trésor de l'Iran à Selket, afin que ce guerrier le retirât dans sa forteresse et lui apprit ce que Férydoun devait savoir pour remplir sa mission. La réputation de bravoure et de sainteté du châtelain était très grande. Cependant Abtyn, dans sa sollicitude, voulut mieux connaitre l'homme avant de lui remettre un dépôt de cette valeur. Il lui députa un de ses affidés, qui lui fit subir un examen complet.

Selket prouva victorieusement qu'aucun des points de la foi pure ne lui était inconnu, et, soit dit en passant, il n'est pas peu curieux de voir avec quelle complaisance l'auteur du Koush-nameh, musulman, soi-disant zélé, écrivant pour un prince seldjoukide, s'étend sur les détails d'une doctrine réprouvée par celle qu'il prétend professer. En mettant dans la bouche d'un guerrier des époques primitives des subtilités qui n'ont pu naitre qu'au milieu des écoles théologiques des Sassanides, et en copiant ainsi sans le savoir le goût des historiens grecs et latins pour les discours invraisemblables dont ils font honneur à la faconde de leurs personnages, il prouve très bien qu'il avait étudié avec amour et conscience les anciennes leçons de ses pères, et c'est un indice de plus avec tant d'autres qui se reproduisent dans tous les temps et encore dans celui-ci, de la sympathie secrète qui, sous le voile du mahométisme, a subsisté et subsiste au cœur de tous les Persans pour la religion de leurs aïeux.

line fois Selket reconnu digne de la confiance des Iraniens, le petit Férydoun lui fut amené, et il devint le gouverneur et le gardien de l'enfant.

La tradition que je viens de rapporter est celle que donne le Koush-nameh. Mais ce n'est pas la seule qui ait cours sur l'enfance de Férydoun. Les historiens en prose, et principalement l'auteur du Rouzet-Essefa, racontent que le héros naissant fut remis à un berger et nourri par une vache. Le Nasekh-Attewarykh assure que le nom de cette vache était Pormayeh[5]. Ainsi les premières années du Libérateur se seraient écoulées au milieu des troupeaux. Zohak, averti de sa présence, vint lui-même pour le saisir ; mais Férareng, appelée ici par corruption Féramek, cacha son fils, et le tyran furieux se vengea en massacrant toutes les vaches.

Il ne faut pas choisir entre les deux récits. Ils contiennent l'un et l'autre des traits empruntés à de très anciens souvenirs. On se rappelle que les ancêtres directs de Férydoun, les Abtiyans, mentionnaient le taureau dans leurs surnoms, et Abdoullah-Mohammed, fils de Hassan, fils d'Isfendyar, prétend qu'au temps de Férydoun il n'existait pas de chevaux dans la Montagne, et que le prince, ainsi que ses compagnons, chassait et faisait la guerre monté sur un de ces animaux. J'ai déjà parlé ailleurs des Gaw-Séwarans ou Chevaucheurs de taureaux, tribu de l'Elbourz au temps où les Abbassides persécutaient les descendants d'Aly. Les détails relatifs à ces usages m'ont été fournis par le Behr-el-Nésab et le Medjalys-el-Moumenyn, la Mer des généalogies et les Entretiens des croyants. En plaçant les premières années de Férydoun au milieu des troupeaux, le Rouzet-Essefa et les auteurs qui reproduisent les mêmes récits ne disent nullement, du reste, que Selket n'ait pas été sou gardien, et ne contredisent pas la version du Koush-nameh. Ils rappellent seulement que le jeune prince et ses amis vivaient de l'existence pastorale de leurs ancêtres, et à la manière des Arians-Scythes, ce qu'ils expriment aussi en les montrant toujours armés de massues à tête de taureau. Les peintures persanes n'y manquent jamais, et sur les pierres gravées de toutes les époques, a commencer par les cylindres les plus anciens, les taureaux sont un des sujets les plus ordinaires choisis par l'artiste.

Abtyn, après avoir embrassé son fils qu'il ne devait jamais revoir, ne s'occupa plus que de poursuivre ses propres entreprises. Pendant plusieurs années, pendant dix ans, dit le poète, Koush-Pyldendan, fils de Koush-Héféran et après lui roi des Mèdes et neveu de Zohak, ignora que son adversaire était revenu de Bésila. Comme Abtyn cachait son nom avec soin, les Assyriens trompés mettaient ses attaques sur le compte de quelqu'un de ces aventuriers qui, à l'exemple de Selket, se montraient de temps en temps dans le pays. Enfin, le roi d'Hamadan connut la vérité. La guerre, dès lors, fut poussée par lui avec plus de vigueur. Il invoqua le secours de son oncle le souverain de Ninive, et tandis qu'il se chargeait de faire face aux Scythes de Bésila, accourus au secours d'Abtyn, Zohak lui-même marcha en personne contre le prince iranien.

Le roi mède pénétra dans le Matjyn, tua Béhek après avoir pris sa capitale, puis, malgré l'éloignement et les difficultés d'une longue traversée, franchit la Caspienne, et forçant les défilés qui couvraient la ville où Tyhour s'était réfugié avec ses trésors, mit le siège devant Bésila. Pendant ce temps Zohak, non moins heureux, battait les Iraniens, et bientôt il envoya à son vassal la joyeuse nouvelle qu'Abtyn et deux fils que celui-ci avait encore eus de Férareng, venaient d'être tués dans un combat et leurs têtes apportées à ses pieds.

Le Ninivite triomphait, mais c'était le règne de Férydoun qui commençait et la fin de ses prospérités. Avant de passer au récit de cette nouvelle et grande époque, il est indispensable de comparer tout ce que la tradition persane nous a fourni sur le compte d'Abtyn avec certaines parties des historiens grecs qui, se trouvant avoir de nombreux points de ressemblance avec ce qu'on vient de lire, pourraient bien se rapporter au même sujet. Je m'adresserai à Ctésias.

Cet auteur place en tête de la dynastie médique qui aboutit à Astyage, grand-père de Cyrus, une généalogie ainsi construite :

Cyaxares.

Arbyanès.

Arbas.

Artayos.

Mandakès.

Artynès.

Sosarmès.

Astybaras.

Artykas.

Aspadas ou Astyage[6].

Cette liste, par la répétition des mêmes formes de noms, rappelle assez bien celle des Abtiyans. On peut, sans trop de hardiesse, penser qu'elle a pu avoir même l'intention de les reproduire, car nous les avons vus transcrits de manières bien différentes par les textes asiatiques eux-mêmes : Atwya, Athfyan, Angywan, Iteghyar. Toutes les variantes d'orthographe causées par les confusions de lettres dans les manuscrits sont possibles. Mais ce n'est pas sur ce point que je veux insister. Il y a plus de profit à rapprocher les faits.

Au temps d'Artayos, continue Ctésias, une grande guerre s'engagea entre les Mèdes et les Scythes-Caduses. On se souvient que ces dernières tribus avaient leurs demeures entre l'Iran et la Médie. Un Perse, nommé Parsondès, se révolta contre les Mèdes, dont il était le sujet, et s'unit à leurs ennemis, qui le reconnurent pour leur souverain.

Afin de bien comprendre le sens de ce morceau, il faut se placer à l'époque et dans le milieu où Ctésias a recueilli les éléments de son ouvrage. Il était à Suse, et l'on considérait alors comme ayant été Mède tout ce qui appartenait au passé de la nation gouvernée par les Achéménides. Ce qui n'avait pas été Mède étant toutefois Iranien, avait été Perse, puisque les Perses, anciens vassaux, avaient fini par arracher l'empire à leurs maitres. Ainsi le chef insurgé contre les Mèdes ayant été un Iranien, avait nécessairement, dans les idées telles qu'on les concevait à Suse, au milieu des populations méridionales, été un Perse, et Ctésias devait considérer cette façon de déterminer la nationalité exacte du rebelle Parsondès comme d'autant plus exacte que, pour lui Grec, le non, d'Iranien ne se pouvait rendre que par le mot Perse.

Ceci posé, l'alliance de Parsondès avec les Scythes-Caduses représente bien celle d'Abtyn avec le roi scythe du Ghylan.

Puis, Parsondès est reconnu comme souverain par les Scythes. De même on a vu Abtyn exercer l'autorité sur les armées unies de Zybay et de Bésila et les mener coutre les Mèdes de Koush-Héféran.

A dater du jour où les Scythes-Caduses se trouvent sous la conduite de Parsondès et de ses successeurs, ils deviennent forts et puissants. Ils désolent la Médie, assure toujours Ctésias, par des incursions perpétuelles, et cet état de choses se prolonge jusqu'au temps de Cyrus.

en vérité, le tableau exact de ce que nous venons de voir commencer, et qui va continuer, en effet, jusqu'à l'avènement de Key-Khosrou ou Cyrus. C'est l'antagonisme bien marqué, bien violent de la Médie d'une part, et de l'autre des Scythes du Ghylan, associés aux Iraniens du Kohistan de Rey, sous la conduite d'Abtyn.

Puis Ctésias ajoute que sous Astybaras les Parthes étaient en insurrection contre les Mèdes. C'est, avec plus de précision encore, la guerre de l'Iran proprement dit, des peuples purs de la Montagne contre la dynastie médoninivite.

Afin de soutenir leur résistance, poursuit l'auteur grec, les Parthes s'unirent aux Scythes, qui vinrent occuper leur pays.

Voilà une nouvelle phase des mêmes événements ; seulement il ne s'agit plus ici des Scythes-Caduses, mais des Scythes-Saces, qui, venant du nord, représentent les peuples de Bésila, les cavaliers de Tyhour.

Ces Scythes-Suces, accourus au secours des Parthes, sont commandés par une reine appelée Zeryna. C'est le mot persan zeryneh, qui signifie d'or, de couleur d'or, l'équivalent du nom de la fille de Tyhour, de l'épouse d'Abtyn, de la mère de Férydoun, Férareng, c'est-à-dire de couleur splendide, brillante, éclatante comme l'or.

Ainsi ce que raconte la tradition iranienne venue jusqu'à nous, d'une alliance des habitants de la Montagne avec les Scythes du Nord, fortifiée par un mariage, a été raconté de même à Suse au médecin d'Artaxerxès, car, suivant ce que rapporte celui-ci, Zeryna épousa le roi des Parthes, ce qui ne signifie pas autre chose sinon que Férareng avait épousé Abtyn. Seulement, de même que dans la première partie du récit Abtyn était représenté par Parsondès, son Sosie est ici un prince nommé Mermer, et c'est ainsi que se retrouve ce nom asiatique de Mermer, Mermeros, déjà produit chez les Grecs par la légende de Médée, et que j'avais annoncé plus haut comme devant reparaître.

Il est vrai qu'il nous est donné par un auteur hellénique, mais il n'est pas perdu pourtant d'une manière complète pour les écrivains asiatiques. On le voit aussi dans le Heya-el-Molouk. L'auteur rapporte que des héros d'un âge postérieur à celui dont il est ici question, Roustem et Barzou, fils de Sohrab, s'étaient enfin réunis après une longue séparation. Il dépeint la joie que cet événement avait fait naitre parmi les populations du Seystan, fief de Roustem, et chez tous les guerriers de l'empire, puis il ajoute : On vit alors arriver, pour partager le bonheur du vieux champion embrassant son petit-fils, tous les paladins de l'Iran, Gonderz, Gyw, Bijen, et les descendants des rois, comme Mermer, et Lehwas, et Koustehem, et tous les grands chefs.

Le Heya-el-Molouk n'explique pas pourquoi il donne à Mermer le titre si considérable de descendant des rois. On pourrait n'y voir qu'une exagération de style, si le texte de Ctésias n'était là pour nous mieux renseigner. Grâce à l'auteur grec, nous savons qu'il s'agit d'un personnage éminent et qui tenait une grande place parmi les puissances de la Montagne, pays des paladins qui viennent d'are nommés et qui l'entourent. D'autre part, le texte du Heya-el-Molouk montre le prix qu'il faut attacher celui de Ctésias. En conséquence, on ne saurait laisser de côté un autre récit relatif à Zeryna ; c'est encore le médecin grec qui le donne, la tradition iranienne ne me l'a pas fait rencontrer.

Au temps où Zeryna était devenue la femme de Mermer, elle prit part à ses côtés à un combat livré par les Parthes contre les Perses, et dans l'action elle déploya le plus grand courage.

Il faut encore remarquer ici que le mot Perses, employé à Suse par les traditionistes qu'écoutait Ctésias, signifie Mèdes, puisque c'était avec les Mèdes que les Parthes étaient en guerre, ainsi que Ctésias l'a dit lui-même plus haut.

Les Parthes ayant cependant eu le dessous, Zeryna s'enfuyait avec les siens, quand, tout à coup blessée, elle fit saisie par le roi Stranghiæos ou Striaglios, qui allait la tuer, lorsque, touché de sa beauté et de ses supplications, il lui rendit la liberté.

Peu de temps après, le vainqueur, vaincu à son tour, devint le captif de Mermer, et celui-ci voulut le mettre à mort. Zeryna représenta à son mari la générosité dont Stranghiæos avait naguère usé envers elle et insista pour obtenir sa grâce. Mermer ne voulut rien entendre ; alors Zeryna le tua lui-même et épousa le prisonnier, lui apportant en dot le royaume des Parthes.

Ce récit a beaucoup de induite à mes yeux. En faisant la part des erreurs que Ctésias a pu y introduire de son cru, en ajoutant encore à cette part ce qui appartient au goût romanesque du rhéteur Démétrius et de l'Anonyme qui nous ont transmis hi rédaction venue jusqu'à nous, car ce fragment, perdu dans l'original, ne nous arrive que de seconde et de troisième main, on y voit assez bien comment les légendes se composent.

Si Zeryna a tué son mari, les Iraniens ont voulu que ce fût par générosité. Les Mèdes ont voulu que ce fût un Mède qui ait été distingué par elle et qui soit devenu la souche des rois. Les Perses n'ont pas été fâchés de laisser croire, de croire eux-mêmes que ce Mède était un des leurs. Mais les Iraniens proprement dits, les insurgés de la Montagne, n'avaient aucune raison de mettre soit un Mède, soit un Perse, au milieu de la lignée de leurs souverains, et plus tard ils purent trouver peu louable une action comme celle dont leurs nouveaux compatriotes, leurs vaincus devenus leurs maitres, les Mèdes, puis les Perses, avaient quelque sujet de faire honneur à une femme dont ceux-ci voulaient prendre pour eux la gloire ; quant à eux, Iraniens, qui prétendaient que le caractère de Zeryna ou Férareng restât absolument idéal et la conduite sans ombre, ils rejetèrent cette tradition, et c'est peut-être un des motifs qui mit contribué à leur faire écarter le plus possible le nom de Mermer de leur chronique, tout en le reconnaissant pour appartenir à la race souveraine.

Mais il est visible aussi que ce qui se passait dans la Parthyène, dans la Montagne, allait être un jour matière de grande considération de la part des contrées conquises par les peuples de ce pays, qui formèrent graduellement un empire dont la suprématie passa des vainqueurs aux vaincus, puis de ceux-ci à leurs vassaux. La religion étant devenue commune, la tradition et l'histoire le devinrent également, et l'esprit national tendit à effacer les traces les plus saillantes de dissentiments qui ne tournaient pas toujours à un égal honneur pour les différentes provinces désormais réunies, mais jadis contondantes.

Puis, graduellement, quand la Montagne ne fut plus qu'un territoire lointain, d'importance médiocre relativement à la Médie, bien autrement riche, glorieuse et civilisée, il s'entendit de soi que les faits illustres de l'histoire de l'empire avaient dû se passer au profit de la Médie, que la Médie avait toujours été ce qu'on la voyait être depuis des siècles déjà, et que les hommes sublimes, les fondateurs de l'État, les héros de la religion, étant des Iraniens, avaient été des Iraniens-Mèdes et non pas des Iraniens-Parthes, gens grossiers qui n'étaient plus en situation de réclamer leur gloire. La spoliation dans ce genre fut poussée si loin qu'il arriva même un moment, à la vérité tardif et seulement sous les Sassanides, où il fut convenu par la science d'alors, que l'Ayryana-Vaëja avait été situé dans le nord de la Médie[7].

Suivant cette façon de comprendre les choses, les Abtiyans devinrent des rois mèdes, et on les intercala tant bien que mal dans les généalogies royales. Comme l'effort était violent et que les traditions déjà peu sûres n'y gagnaient pas en cohésion, elles se démembrèrent, et en même temps des parties qui en étaient distinctes se fondirent avec elles. L'unique Abtyn se sépara en deux personnages, qui furent Parsondès et Mermer, ou bien encore, car ce serait manquer de raison que de prétendre ici sortir du vague et faire plus que de chercher à expliquer des procédés de composition, les Iraniens, venant après les Mèdes, reprirent dans la Montagne leur tradition primitive, la résumèrent, la resserrèrent, et, à la place de plusieurs princes successifs, firent d'un prince unique le héros époux de Zeryna ou Férareng, que sa renommée recommanda pour remplir le personnage plus ou moins vrai de la mère de Férydoun.

Ctésias n'est pas le seul des Grecs qui ait conservé la mémoire de l'insurrection et des succès d'Abtyn. Diodore de Sicile, qui puisait aux mêmes sources que lui et peut-être à d'autres encore, rapporte qu'un certain Mède, homme magnanime et brave, nommé Arbaces, commandait les troupes de sa nation en garnison à Ninive[8]. Il fut encouragé par un devin chaldéen, célèbre parmi les prêtres de Babylone et appelé Bélésys, à renverser l'empire que gouvernait alors Sardanapale.

Arbaces, séduit par la perspective d'une couronne que les astres lui garantissaient, commença à pratiquer des intelligences avec les hommes disposés à le servir. Il fit si bien, que non seulement il détermina les Mèdes et les Perses à la révolte, mais entraîna même les Babyloniens et les Arabes, promettant à tous les peuples la libellé.

Sardanapale, averti de ce qui se passait, marcha au-devant des rebelles, les battit, et força leurs bandes à s'enfuir dans des montagnes situées à soixante-dix stades de Ninive. La tête d'Arbaces fut mise à prix, et le roi ninivite fit savoir partout que celui qui pourrait lui amener le rebelle rivant, non seulement recevrait les deux cents talents d'or qui avaient été promis, mais en aurait à double, et en outre la principauté du pays mède. Personne ne se présenta pour gagner une si riche récompense ; le monarque se mit donc à la poursuite des fugitifs. Un nouveau combat eut lieu, dans lequel beaucoup des partisans d'Arbaces furent tués, et le reste se cacha dans les rochers.

Abattu par ces défaites successives, Arbaces réunit ses amis et les consulta. La majorité opina pour qu'on eût à retourner en Médie et a s'y défendre de son mieux dans des lieux forts ; mais Bélésys, insistant sur les signes mystérieux de la volonté divine qu'il était en son pouvoir de connaître, garantit un heureux événement, et décida ses compagnons à tenter encore à sort des armes.

Une nouvelle épreuve ne fut pas plus favorable que les précédentes. Sardanapale s'empara du camp des insurgés, et les poursuivit jusqu'aux frontières de la Babylonie. Arbaces lui-même, combattant avec intrépidité, fut blessé par les Assyriens et contraint de se retirer.

Il n'y avait plus moyen de tenir, toute espérance était perdue ; les chefs résolurent d'abandonner l'entreprise et de se disperser pour rentrer chacun dans leur pays. Mais Bélésys, plus ferme, avait passé la nuit à observer les astres, et il y lut des choses si consolantes, que le matin il annonça un changement complet des affaires et une victoire décisive, si seulement ou consentait à persévérer encore cinq jours. Il appuya son dire de serments solennels, et insista pour qu'on lui donnât satisfaction. Les cinq jours furent accordés.

Soudain la nouvelle arriva que des troupes nombreuses se montraient au loin ; elles étaient envoyées au secours de Sardanapale par le roi de la Bactriane. Arbaces essaya de gagner ces auxiliaires par l'espérance de liberté qui lui avait valu ses autres amis, et il réussit.

Si je poussais plus loin l'exposition du texte de Diodore, j'empiéterais plus que je ne le fais déjà sur le règne de Férydoun. Il me parait visible que les sources où a puisé l'historien, si toutefois il n'a pas fait autre chose que répéter le texte perdu de Ctésias dont Athénée a conservé un fragment en le mêlant à la version de Duris, ont fait une seule personne d'Abtyn et de son fils, et dans la durée d'un seul règne ont renfermé l'attaque et la ruine de l'empire de l'Assyrie. Je me bornerai donc à donner ce qui a évidemment rapport à Abtyn. Sous le nom d'Arbaces, sous le titre d'un officier au service du roi ninivite, on retrouve l'ensemble des aventures du descendant de Djem-Shyd. On doit mettre à part quelques-unes des circonstances qui viennent d'être racontées et qui s'appliquent assez bien à Férydoun, ainsi qu'on le verra plus tard. Tout ce que je prétends ici, ce n'est pas établir une analogie parfaite dans les narrations : cette exactitude n'existe pas ; mais je cherche à relever et à rapprocher des rédactions assez ressemblantes de faits identiques que la légende persane a conservés d'une façon tandis que les Grecs les ont exposés d'une autre, et à bien déterminer qu'en réalité ce sont les mêmes actions qui servent de texte aux deux légendes. Avec leurs personnages distincts, leurs époques et leurs attributions complètement indépendantes, les traditions persanes appartiennent au groupe d'événements auxquels s'attachent et Parsondès, et Mermer, et Zeryna, et Stranghiæos. Il ne serait pas impossible que le vieux guerrier iranien Selket, si instruit dans la Loi pure, et qui devint, après avoir été signalé longtemps comme un des plus fermes soutiens de la résistance contre les Assyriens, le gouverneur de Férydoun enfant, il ne serait pas impossible, dis-je, que ce personnage ait été travesti, avec le temps, sous la robe assyrienne du savant Bélésys, prêtre d'une naissance illustre, suivant Diodore, prince des Chaldéens, suivant Ctésias, dans tons les cas très habile dans les connaissances astrologiques, et qui joue comme conseiller un aile déterminant dans l'histoire de l'insurrection à d'Arbaces.

Ce qui me semble, malgré les apparences chronologiques, déterminer le mieux l'identité du récit de Diodore avec ce que les Orientaux nous apprennent de l'insurrection iranienne, c'est avant tout l'apparition des Bactriens, c'est-à-dire des Iraniens, dans toute cette période. Il serait difficile de faire remonter une intervention victorieuse des peuples de la Loi pure dans les affaires ninivites à l'époque du premier empire ; un tel fait ne saurait non plus trouver place après l'avènement de Férydoun ; par conséquent il faut le reporter au temps d'Abtyn.

 

 

 



[1] Je n'ai rencontré toute la partie de l'histoire d'Abtyn qui a trait au royaume de Bésila que dans le Koush-nameh, et ce n'est pas une des moindres preuves de la haute importance des documents sur lesquels ce poème a été composé. Bésila est incontestablement la Βασιλεΐον Τάπη, de Strabon. Ce point est important et veut être examiné de près. Strabon parlant de l'Hyrcanie assure que c'est une province aussi opulente que vaste. Il lui attribue plusieurs villes considérables, entre autres Talabroea, Samariana, Carta et Basileion-Tapi ; cette dernière est située, dit-on, à une petite distance de la mer et éloignée des Portes Caspiennes de mille quatre cent stades à peu près. La contrée qui l'entoure est favorisée par excellence : la vigne, les figuiers y sont d'une fécondité extraordinaire ; le blé pousse spontanément ; les abeilles essaiment dans les arbres et le miel découle du feuillage. Mais l'accès de cette terre promise est extrêmement difficile, et la mer n'est pour ainsi dire pas abordable : Voilà le récit de Strabon. Les autorités sur lesquelles s'appuyait le géographe d'Amasée ne lui étaient point contemporaines, il répétait ce qu'il avait lu dans Aristobule, et celui-ci ne faisait que copier le rapport adressé par Patrocle à Séleucus. Par conséquent, la ville de Basileion-Tapi, et tout ce qui a trait à sa description ainsi qu'à celle de son territoire date du temps d'Alexandre, et remonte au delà, car le conquérant macédonien n'a exercé absolument aucune influence sur la région située au nord de la Caspienne. Ainsi avant Alexandre,  il existait à l'extrémité septentrionale de la Caspienne, au témoignage des Grecs, des villes florissantes, entrepôts de ce vaste commerce déjà indiqué par Hérodote et qui mettait en relation la Chine et l'Inde avec l'Asie antérieure et la Grèce, et parmi ces villes on distinguait particulièrement Basileion-Tapi. Il convient maintenant d'examiner ce nom. Le mot Tapi ou Tépéh est considéré aujourd'hui comme turc, et on le trouve dans beaucoup de dénominations de lieux. Il est turc, en effet, mais d'origine ariane. C'est le Top de la Bactriane, c'est le Stoupa indien. Il signifie une éminence, une élévation, soit pyramide construite, dôme de pierre, de brique ou de terre rapportée, et, par suite, palais ou temple, soit un simple tumulus servant de tombeau, ou dernier vestige d'un monument écroulé. J'ai vu de ces derniers téphéhs dans la vallée de Lar ; mais, originairement, les tépéhs, on le comprend par l'application de ce nom aux monuments bouddhiques, sont bien en eux-mêmes des édifices importants, et tels qu'une ville pouvait et devait s'en glorifier et les prendre comme la représentant par excellence, c'est-à-dire les faire figurer dans son nom. Basileion ou le Royal est-il un mot traduit de l'ancien mot scythe ? Peut-on admettre qu'il faille le rendre par Regia ? Dans ce cas, la tradition persane dont s'est servi l'auteur du Koush-nameh aurait travaillé sur des documents fournis originairement par les Grecs, et se serait renseignée soit dans Strabon lui-même, ce qui n'est pas très probable, soit dans le rapport de Patrocle auquel Strabon devait tout ce qu'il a dit. On le peut admettre, et dans ce cas le nom persan de Bésila n'est pas autre chose que le Basileion de la traduction hellénique. Mais les Grecs ont souvent transformé ainsi des mots étrangers à leur langue, dont le son se prêtait à être compris d'une certaine façon. Le sanscrit a un verbe, vasa, qui signifie habiter ; vasy veut dire l'habitation ; en y joignant l'affixe la, qui figure dans beaucoup de dénominations géographiques de l'Inde, cousine Pattala, Kouçasthala, Pankala, Vrikasthala et une foule d'autres, on aurait dans le mot Vasyla ou Bésila le nom très explicable et naturel d'une vieille cité ariane, le lieu habité auquel on aurait joint plus tard la mention du tépél, ou principal monument qui la décorait. J'avoue que je penche vers cette dernière interprétation ; mais, en tout cas, soit flue la tradition persane ait puisé la connaissance qu'elle a eue de Bésila à la source scythique ou à la source grecque, on voit ici de la manière la plus incontestable qu'elle a possédé ce renseignement très ancien et qui jette une vive lumière sur cet état de prospérité, de civilisation avancée et de puissance commerciale dont les régions scythiques ont été le théâtre à une très antienne époque, et sans lequel, il faut l'avouer, on ne saurait en aucune façon s'expliquer ni la raison d'être, ni la multiplication, ni la richesse des colonies grecques de l'Euxin.

[2] L'Histoire du Taberystan d'Abdoullah-Mohammed, fils de Hassan, fils d'Isfendyar, à laquelle est empruntée la légende de la fondation d'Arno], est un des ouvrages persans les plus précieux que je connaisse. L'auteur écrivait au début du treizième siècle ; il a composé son livre 1° sur des documents pehlewys déposés dans la bibliothèque des rois du Taberystan ; 2° sur un manuscrit scyndhien, traduit en arabe soixante-seize ans seulement après l'arrivée des musulmans en Perse ; 3° sur l'Awend-nameh, recueil spécial des traditions du Mazandéran ; et enfin 4° sur les œuvres de cet Ibn-el-Mogaffa, fils d'un Guèbre converti, un des plus anciens historiens musulmans de la Perse, et dont tous les fragments ont une valeur inestimable. Je n'hésite pas des lors à considérer la tradition relative à Amol comme extrêmement ancienne.

[3] Un autre auteur, Sehyr-Eddyn, désigne particulièrement le village de Werek dans le Mazandéran. En somme, toutes les traditions s'accordent.

[4] La forme ordinaire du nom de Férydoun en zend est Traëtaono mais le Yesht-Avan l'appelle Thryjafno.

[5] Le Borhan-é-Gaté et le Ferheng-Souroury appellent cet animal Peymayoun.

[6] CTÉSIAS, IV, 32, 33, 34. — DIODORE SIC., II, 32, 33.

[7] LASSEN, ouvr. cité, t. I, p. 6.

[8] DIODORE SIC., II, 28.