HISTOIRE DES PERSES

LIVRE PREMIER. — PREMIÈRE ET SECONDE FORMATION DE L'IRAN.

CHAPITRE III. — LA SOCIÉTÉ ARIANE.

 

 

Les émigrants, sortis du nord-est, s'avançaient dans les terres qu'ils découvraient, menant avec eux leurs femmes, leurs enfants, leurs chiens et leurs troupeaux. Ils marchaient, cherchant, pour s'y établir, un lieu propre à l'agriculture, abondant en pâtis, traversé par des eaux courantes et susceptible d'être défendu. Il semble en effet que l'emplacement de leurs premières villes ait été choisi de façon à servir de forteresses. Rhaga, aux trois châteaux, Chakhra, la forte, Varena, la carrée, le prouveraient. Ils fondaient ces résidences d'après un plan consacré par la religion, recommandé par l'expérience des ancêtres, et dont ils ne s'écartaient pas[1].

D'abord, ils traçaient une enceinte carrée de la longueur d'un meydan, c'est-à-dire renfermant l'espace qu'un cheval lancé au galop parcourt de lui-même sans s'arrêter[2]. Au centre s'allumait le feu sacré, palladium du lieu. C'était à ce feu qu'on empruntait celui qui devait servir aux usages domestiques. On l'entretenait avec respect, jour et nuit, sans le laisser jamais s'éteindre. Au bout de trois jours, on le rapportait au foyer commun, où il retrouvait sa pureté, et on en prenait d'autre[3].

Ce rite du feu perpétuellement entretenu est assurément un des plus anciens de ceux qui constituaient la religion d'État de la race blanche primitive, puisque le rameau de cette race qui arriva en Italie fit connaître à cette contrée les exigences du culte de Vesta. Le mythe de Prométhée, en conservant aux Grecs, sous le nom d'un demi-dieu, le souvenir de l'instrument ingénieux, le pramantha, auquel on dut d'abord de pouvoir produire le feu à volonté, n'est pas une indication moins explicite ; cependant, comme on dut craindre, aux premiers essais que l'on tenta, de n'être pas toujours aussi heureux dans les résultats obtenus, on prit n tache d'avoir le moins besoin possible de fabriquer le pramantha et d'y recourir ; c'est pourquoi on établit comme une règle qu'il fallait garder à perpétuité l'élément que cet outil avait suscité. Ce serait d'autre part mal comprendre l'esprit des temps anciens et le souffle religieux qui passait alors sur tolites choses et entrait dans toutes les idées, que de ne pas tenir compte du mystérieux respect dont tous les esprits étaient pénétrés à la vue de la flamine. C'était une existence, une vie sacrée d'autant plus importante à soutenir et à conserver que L'homme en était le créateur, et cela sans se rendre un compte exact d'une puissance qui le frappait lui-même à admiration.

A côté du pyrée, on creusait un bassin d'une étendue proportionnée au chiffre de la population, et on v faisait affluer l'eau. Quand le bassin était plein, on avait à veiller incessamment à ce qu'il n'y tombât aucune impureté, d'abord par vénération, ensuite parce que le contenu était destiné aux usages domestiques[4].

Malgré le cours des temps et les différences nombreuses graduellement introduites dans la nature des notions, le respect pour le feu et pour l'eau n'a pas disparu des habitudes persanes. Généralement, un homme qui veut éteindre une lumière ne souffle pas dessus, il agite sa main a côté de la flamme jusqu'à ce qu'il l'ait fait disparaitre ; et souiller l'eau volontairement passe pour une action répréhensible ; elle expose celui qui la commet a la puissance du démon.

Quand le pyrée et le réservoir étaient achevés, on s'occupait de construire les habitations. Elles étaient à un ou plusieurs étages, soutenues par des piliers, et autour de chacune s'étendaient les cours et les dépendances, plus ou moins grandes, suivant la richesse du propriétaire.

Tout ceci terminé, et lorsqu'on avait encore ménagé des plantations d'arbres et des jardins potagers à l'intérieur de la cité, le peuple en prenait possession. C'était, dit le Vendidad, une réunion d'êtres choisis, hommes et femmes, parmi les plus beaux et les meilleurs.

A côté de la première enceinte, à laquelle une seule porte, pratiquée dans une haute tour de garde, donnait accès, on en faisait une autre de dimension pareille. Celle-ci servait de retraite aux troupeaux, soit pendant la nuit, soit pendant les temps d'hiver où la neige rendait impossible le séjour au dehors, soit encore quand l'ennemi tenait la campagne. Autour de cet enclos, les chiens veillaient incessamment, et c'est sans doute à l'utilité de leurs services que ces animaux devaient la faveur, on peut même dire l'amour et la considération qu'on leur portait.

Dans la description de la société iranienne telle qu'elle est présentée par le Vendidad, les chiens sont nommés immédiatement après les hommes libres. Les frapper n'était rien moins qu'un crime. Leur trop ménager les aliments chauds et savoureux entrai unit des expiations sévères. Ne pas donner il une lice en gésine les soins nécessaires, exposait le coupable à la honte et de grands châtiments. Manquer d'attention pour les petits, c'était presque en manquer pour les enfants iraniens[5]. Dans aucune société comme dans celle-là, le chien n'a été l'ami, le compagnon, presque l'égal de l'homme, et aujourd'hui encore, par un souvenir de la garde fidèle qu'il faisait nuit et jour autour de la demeure des ancêtres, on dit en Perse qu'un dyw ne peut pas supporter son regard et s'enfuit.

J'ai appelé cité l'enceinte carrée habitée par les émigrants de l'Ayryana-Vaëja. Le persan et l'anglais fournissent un terme qui serait beaucoup plus convenable pour désigner cette sorte d'emplacement où les habitations étaient constamment mêlées aux cultures et ne se touchaient pas toujours. C'est bouloug dans la première de ces langues, et borough dans la seconde. Le français bourg a eu jadis le même sens. L'allemand di burg rappelle seulement que le lieu était fortifié. Mais le bouloug persan, le borough anglais et américain, sont restés des circonscriptions administratives comme ils l'étaient sous les premiers Arians. Il arriva un jour où, des précautions militaires permanentes n'étant plus nécessaires, le bouloug sema plus librement ses logis et ses jardins sur une surface de terrain qui, dès lors, devint indéterminée et dans son étendue et dans sa forme. Ce fut l'état de choses établi après la conquête définitive et qui dure encore, tandis qu'au début on doit se figurer la cité comme garnie d'un rempart et maintenue sous la forme d'un carré. C'était ainsi qu'on avait construit les villes dans l'Ayryana-Vaëja de la Bonne Création, ou Yima, le chef des hommes purs, entouré des siens, conversait avec Ahoura-Mazda, le dieu suprême, assisté des dieux inférieurs, les Yazatas. Peut-être, en se transportant à des époques antérieures encore à celles où les pères des Hellènes, des Scythes, des Iraniens et des Hindous sortirent de la patrie primitive, n'y aurait-il pas d'exagération à demander aux versets de la Genèse si le jardin que Jéhovah ou les Élohim avaient planté en Éden n'était pas le type sur lequel tous les peuples de la race blanche conçurent d'abord l'aménagement de leur cité, un parc entouré d'un mur de défense, et semé de maisons. Le mot paradis, emprunté par la Bible aux langues iraniennes, a précisément ce sens, et Éden ne signifie qu'un lieu habité.

Ce qui est certain, c'est que le caractère principal de ce lieu choisi, si célèbre dans les souvenirs des Hébreux, était de contenir une quantité plantureuse d'arbres et de végétaux. Il en était de même des enceintes de l'Ayryana-Vaëja et plus tard de celles qui furent créées dans les pays nouveaux[6].

Les Arians étaient essentiellement agriculteurs. Dans leurs idées tontes naturalistes, le monde entier vivait, sentait et comprenait sa vie, et ce inonde entier, ciel et terre, était animé pour l'homme d'une bienveillance hospitalière et généreuse, qu'il fallait reconnaitre par des soins diligents à soutenir et à développer l'œuvre de la création.

Quand la terre se réjouit-elle davantage ? disaient les Arians. — Quand s'approche un homme pur prêt à offrir un sacrifice. — Ensuite ?Quand un homme pur se bâtit une demeure, la pourvoit de feu, de bétail, y amène une femme et des enfants, et que dans cette demeure abondent, avec l'honnêteté, les chiens, les fourrages, tout cc qui appartient à une bonne vie. — Ensuite ?Quand une culture assidue fait regorger les moissons, les herbages, les arbres fruitiers, et que les eaux bien dirigées fertilisent les terrains secs et laissent les marécages s'affermir[7].

Tel était pour les Arians le fondement de la loi religieuse, et, quant au travail, c'est la terre elle-même, cette terre tant aimée, tant respectée, tant adorée, qui prend la parole et dit aux hommes de la Bonne Loi :

Homme, toi qui me laboures avec le bras gauche à droite, avec le bras droit à gauche, je répondrai toujours à tes soins. Pour loi, je serai toujours fertile. Je te prodiguerai tous les mets nécessaires à ta nourriture. Mais toi, homme, qui ne me laboures pas avec le bras gauche à droite, avec le bras droit à gauche, tu passeras ta vie debout à la porte d'autrui, implorant ta pitance, Oui te l'apportera, à toi suppliant et oisif, au dehors de la maison. On te donnera le rebut des autres[8].

Il suffit presque de montrer quelles étaient les occupations de la vie iranienne pour donner une idée exacte de la moralité élevée et de la fierté de cette race d'élite. Les fragments que je viens de citer et qui sont empruntés au Zend-Avesta font honneur aux sentiments de ceux à qui il Fallait tenir un pareil langage pour s'en faire admettre comme un envoyé céleste. Le Dieu de la Bible est assurément bien grand ; mais son peuple, fil comparaison des gens que l'on voit ici, écoutant de pareilles leçons, est bien humble, et je ne sais quel ressentiment d'honneur s'aperçoit dans ces passages du Vendidad, qui n'ont rien de commun, sans doute, avec les combinaisons cauteleuses, les calculs égoïstes et étroits, les mensonges, les perfidies et les bassesses rampant sous les tentes des patriarches. Ce n'est pas non plus par l'antiquité grecque que nous avons été accoutumés à de tels accents, et l'on comprend la gravité singulière, l'espèce d'étonnement avec lequel Hérodote parle de ces anciens Perses, déjà bien morts de son temps, qui estimaient avant tout la bravoure et la sincérité.

Outre les bourgs où se pressaient les principaux groupes de colons, il se forma encore deux autres classes d'établissements : des villages et des châteaux. Il semblerait que, sur une échelle réduite, les uns et les autres aient reproduit les dispositions principales de la cité : les deux enceintes carrées, le pyrée et le réservoir, au centre de la première, les chiens veillant sur la seconde. J'insiste avec d'autant plus de plaisir sur ces détails, qu'ils rappellent vivement les demeures des Arians-Germains, nos ancêtres. Les grandes métairies mérovingiennes des bords de la Somme et de l'Oise étaient encore bâties, à peu de chose près, sur le plan inventé jadis par les ancêtres de la haute Asie.

Le genre de vie des premiers habitants, s'il n'admettait pas le luxe, comportait le bien-être, résultat du travail, et une sorte de magnificence guerrière qui ne pouvait faire défaut à des imaginations attentives aux splendeurs de la terre et, partant, jalouses d'imiter quelque chose de la variété de leurs formes. Le Vendidad mentionne deux espèces de vêtements, ceux qui sont taillés dans les peaux de bêtes, et les tissus de poil et de laine. Cette fabrication était une œuvre domestique, et les femmes de chaque famille y prenaient la plus grande part. Du reste, il n'y a pas à penser que l'industrie proprement dite ait pu exister parmi les Arians. Leur état social ne comportait rien de semblable, et l'ordre d'idées dans lequel ils vivaient y mettait même empêchement. Pleins d'une vénération extrême pour les diverses manifestations de la nature, qu'ils supposaient tontes animées, sentantes, pensantes et susceptibles de souffrir comme de jouir, les Arians réprouvaient l'emploi et l'application du feu dans un grand nombre de circonstances. Beaucoup de métiers étaient donc, l'avance, déclarés impurs et partant impossibles. On craignait que la sainteté du feu, que la pureté de l'eau, que l'inviolabilité de la pierre ne fussent compromises par des contacts hostiles, et on défendait d'y recourir, ou du moins on ne le permettait que dans des limites assez étroites. Cependant, la doctrine se relâchait de sa sévérité sur certains points ; l'exploitation des mines, par exemple, a été autorisée dès l'antiquité la plus haute[9]. Les Scythes, les Indiens, aussi bien que les hommes de l'Iran, ont connu très vite l'usage de l'or et celui du fer. En tous cas, l'autorisation était étroite, et les scrupules religieux et la crainte d'abuser des éléments apportaient des restrictions et des obstacles infinis à tout développement de métiers. Puis, comme les Arians, voués avec amour à l'agriculture, tenaient cet emploi de l'activité humaine pour le plus noble, le plus digne du guerrier et de l'homme de haute naissance, rien de plus simple qu'ils aient répugné à abandonner la glèbe pour se vouer à une œuvre de fabrication. Cette opinion, essentiellement attachée à la race, a été colle des Argiens de l'époque homérique, des premiers Romains, des Germains et de tous les gentilshommes de l'Europe occidentale jusqu'au jour présent, et ces dentiers ont reçu un pareil préjugé de leurs ancêtres, issus eux-mêmes de la souche ariane, ou fiers de le faire croire et de se fariner sur ses modèles. Jamais, au contraire, préoccupation semblable n'a existé dans les sociétés sémitiques, sémitisées ou romanisées, ni, par suite, dans les basses classes des sociétés modernes, qui ont constamment approuvé, considéré avec faveur et admiration les moyens d'augmenter la richesse et le bien-être de l'homme, sans distinguer aucunement la valeur morale respective de ces moyens. Les industries les plus notoirement avilissantes pour ceux qui s'y livrent, les genres de commerce les moins propres à relever le moral de l'homme, toutes les façons de spéculer sur les passions, les vices et les faiblesses des multitudes, ont plu à l'esprit de lucre et à la soif de bien-être et de faste des populations abâtardies. Le Melkart tyrien, l'Hermès grec et le Mercure italiote, n'ont jamais éprouvé d'hésitation sur la manière d'augmenter le pécule.

Il est résulté de ces diversités de conscience que la seule et unique fraction de l'humanité qui ait jamais considéré le travail comme une vertu ennoblissante, qui l'ait recommandé à l'égal d'un acte religieux, qui eu ait célébré dans ses livres saints toute la majesté, puisqu'elle a été jusqu'à dire que l'œuvre du laboureur avait pour effet de réjouir la terre, que la seule race, dis-je, qui ait flétri résolument la paresse comme un vice dégradant, a passé pour hostile aux occupations pacifiques, parce qu'elle ne les concevait que dans des emplois épurés, propres à conserver et à agrandir la moralité de ceux qui s'y livraient, sans jamais la compromettre ni la flétrir. Elle a aimé et vanté le travail pour lui-même, et surtout pour les conséquences heureuses qui en résultent en faveur de l'individu intérieur et des liens de famille. Elle n'a envisagé la question de gain que d'une façon secondaire. Tandis que l'autre fraction, la partie sémitique ou finnique et les populations qui en sont résultées, depuis les Phéniciens jusqu'aux gens de nos jours, n'ayant jamais accepté la contention d'esprit et de corps que comme la vengeance la plus terrible dont le ciel ait pu s'aviser pour châtier les crimes des humains, et ayant tiré de cette doctrine le droit d'appliquer indifféremment des efforts toujours regrettés à n'importe quel genre d'occupation, cette fraction-là, de beaucoup la plus nombreuse, est tombée d'accord avec elle-même qu'elle était la plus digne de sympathie et d'éloges.

Les Arians, vêtus de sayons de peau ou de tuniques de laine, s'asseyaient au foyer sacré de leurs maisons. Ils se nourrissaient de la chair des troupeaux et surtout de laitages, qui sont spécialement recommandés par les textes saints comme fournissant un aliment pur. Parmi ces laitages, celui qui provient de la jument était déclaré le meilleur de tous et celui que la religion approuvait davantage. Les Grecs s'étonnèrent plus tard d'en retrouver le goût chez les Scythes, ce qui est encore une marque de l'identité d'origine de ces peuples avec les Iraniens, si toutefois il est besoin de chercher des preuves surabondantes d'un fait aussi clair.

Quant aux maisons et aux forteresses, on les construisait en blocs de pierre, encastrés les uns dans les autres d'après la disposition de leurs angles. Ces blocs on ne les taillait pas, pour ce motif qu'une telle opération aurait souillé la sainteté de la pierre et celui qui s'en serait rendu coupable. C'était un point de dogme auquel l'Arian, dans son respect pour la nature, était obligé de s'astreindre. J'ai vu un de ces monuments du premier âge ; je n'en ai vu qu'un, et je suis porté à croire que s'il en existe d'autres, l'espèce en est, en tout cas, devenue très rare sur le sol de la Perse.

C'est auprès de la ville de Demawend, située à quinze ou seize lieues au nord-est de Téhéran. Cette petite cité, assurément une des plus anciennes du monde, est cachée aujourd'hui dans d'épais bouquets de saules, sur le bord d'un ruisseau assez large et d'une grande fraîcheur, au fond d'un vallon étroit et très herbeux. De l'autre côté du ruisseau s'élève rapidement une montagne abrupte terminée par un piton, surplombant à une hauteur considérable au-dessus de la vallée.

On arrive au sommet, du côté de l'orient, en montant une vaste pente assez douce s'élevant au centre d'un amphithéâtre de grandes collines. A la pointe du piton, tout à fait stérile et découverte, s'étend une terrasse de cent pas de développement il peu près, s'étendant du nord au sud, face au soleil levant. Cette terrasse est formée de blocs de rochers bruts d'une grosseur considérable, bien ajustés les uns dans les autres. C'est. une construction absolument semblable, et sans la moindre différence, aux monuments appelés en Europe cyclopéens, et je ne fais aucune difficulté d'en identifier le style et le caractère avec ce que j'ai vu au Pelasgikon d'Athènes et dans les ruines de Tyrinthe. L'aspect de force et de grandeur est largement empreint et frappant au plus haut degré dans ce monument des anciens âges, et on admire, en le contemplant, l'adresse dont les constructeurs ont usé pour utiliser des matériaux si rebelles. De ce qu'il n'y a pas de débris considérables aux alentours et que les lianes de la montagne ne sont chargés d'aucun fragment roulant, on peut induire que l'ouvrage est, à peu de chose près, aussi entier qu'il le fut jamais, et que les siècles, si nombreux qu'ils aient passé sur lui, n'y ont pu mordre.

L'espace bâti est extrêmement étroit. Lorsqu'on a escaladé la terrasse, huit ou dix pieds seulement séparent de l'abime ouvert à l'autre bord. Ce n'est donc pas une fortification. Ce ne saurait être le débris d'un château. Du reste, il n'y a pas d'eau sur cette roche aride ni aucune possibilité d'en faire venir que de très loin. On n'a donc jamais pu songer à en faire un lieu d'habitation.

La légende locale rapporte que c'était là la Nakhor-é-Khanéh, la tribune aux tambours de Zohak, c'est-à-dire le lieu où tous les jours, au lever et au coucher du soleil, des hommes portant des tambours et de longues trompettes de cuivre faisaient entendre des fanfares. Cet usage, un des principaux attributs de la royauté iranienne, s'observe encore maintenant. Dans l'origine, il devait avoir un caractère religieux et était probablement destiné à saluer le soleil quand cet astre parait sur l'horizon et quand il le quitte.

La terrasse de Demawend était clone un édifice voué au culte des premiers colons arians de la contrée, et elle offre un précieux exemple de la façon dont ceux-ci pratiquaient l'art de construire. D'après ce que l'on voit encore des œuvres de leurs parents d'Europe, on s'imagine assez quelles masses énergiques et rudes devaient présenter les forteresses et les enceintes, et quelle majesté éclatait dans ces créations de la force.

Pour défendre de tels retranchements contre les attaques des autochtones et pour opérer la conquête du pays, la légende n'attribue d'abord aux Iraniens que des armes de bois et de pierre. A tout ils préféraient l'arc, et les Scythes, comme les Hindous, étaient du même avis. Parmi les outils de guerre, c'était le plus noble et celui auquel était confié particulièrement l'honneur national. Cette idée ne s'éteignit jamais. Les Achéménides se firent honneur d'y rester fidèles, et Eschyle, interprète magnifique de leur pensée, montre Xerxès avec le regard sanglant et enflammé du dragon bondissant pour saisir sa proie, quand il pousse les armées, les flottes et les chars de guerre de l'Assyrie vers la bataille où les flèches doivent l'emporter sur les lances. Les Parthes, comme leurs prédécesseurs, mirent un archer sur leurs monnaies. Les Grecs avaient la plus haute opinion de l'arc arian, et Hérodote d'Héraclée rapporte qu'Hercule en possédait un de cette espèce dont le Scythe Teutar lui avait appris le maniement[10].

Il est probable qu'aux premiers temps les flèches étaient armées de silex ou d'os pointus et affilés. En outre, les Arians se servaient à la chasse, et sans doute aussi à la guerre, de cette longue corde à nœud coulant que l'on appelle lasso dans le nouveau monde et qu'ils nommaient çnavara. Ils portaient sur l'épaule la massue, restée chez les Grecs anciens attachée au souvenir héroïque d'Hercule. Enfin, ils se couvraient de cuirasses fabriquées avec le cuir des tigres et d'autres bêtes de proie.

Ils possédaient certainement des chevaux, puisqu'ils se nourrissaient de lait de jument. Cependant ils employaient aussi les taureaux et les vaches non seulement comme bêtes de charge, mais comme montures. Les guerriers fameux des temps primitifs sont dépeints par la tradition chevauchant sur des taureaux. Cet usage s'est conservé dans quelques parties de la haute Asie, et notamment dans celles qui confinent au Tibet. Les voyageurs modernes parlent des taureaux de selle comme d'animaux vifs, alertes, difficiles et pleins de feu. Au moyen âge, vers le huitième siècle de notre ère, il existait dans les montagnes de Rey une tribu appelée Gaw-Séwaran, les cavaliers montés sur des taureaux, et j'ai vu souvent dans cette même région (la vallée de Lâr et plusieurs autres parties de l'Elbourz) des nomades et leurs familles voyageant de cette manière. La race des bêtes à cornes employée de la sorte par les Arians appartenait à l'espèce bossue que les Persans actuels nomment bœufs du Seystan, et qui se montre sur quelques espèces de dariques et sur beaucoup de pierres gravées et de monnaies arsacides. Ce sont des animaux à formes délicates et dont l'œil est brillant d'intelligence.

Dès cette époque même on voit les Chars de guerre, machine assez compliquée et qu'on ne s'imagine pas aisément avoir roulé dans des contrées montagneuses et à tout le moins privées de routes. Aussi serais-je porté à croire que ce n'était pas dans sa rapidité que le char de guerre des premiers Iraniens avait son principal mérite. Il ne faut peut-être pas se le figurer pareil aux véhicules légers figurés sur les sculptures assyriennes, et dont la Bible, comme l'Iliade, a célébré les exploits. C'était plutôt la maison roulante du Scythe, couverte d'un toit d'osier, et où s'abritaient avec la famille de l'Arian voyageur, les provisions, les meubles, les ustensiles que le guerrier emportait avec lui. Par sa pesanteur même, par sa force, cette masse passait partout. Elle servait de rempart aux retranchements provisoires ; elle était elle-même une forteresse ambulante du haut de laquelle les hommes de chaque famille repoussaient leurs ennemis. Ses roues ne volaient pas encore à travers des nuages de poussière ; elles marchaient et tournaient sans s'arrêter et écrasaient sous leur poids les résistances. C'était aux flancs de cette demeure ambulante que s'attachaient les étendards bariolés dont parlent les Vedas, et qui déjà alors étaient des signes d'honneur et de puissance.

On vient de contempler l'émigrant arian entouré des siens, menant ses troupeaux gardés par ses chiens, couvert de ses armes, guidant ses chariots, voyageant sous ses étendards ; on aperçoit distinctement les hommes grands, blancs, blonds, aux yeux bleus, à l'aspect belliqueux et fier de cette race aventureuse. De mœurs austères, mais dure et toujours avide de lutte et de conquête, où n'est pas étonné d'apercevoir chez elle, dès l'abord, deux passions peu retenties qui furent partout et toujours ses traits distinctifs. Les Iraniens, comme les Hindous, comme les Scythes, comme les Achéens, comme les Germains, comme les Scandinaves, aimaient l'ivresse et les jeux de hasard. Ils se livraient avec furie à ce double égarement. Pour les jeux de hasard, les Védas d'une part, les Sagas de l'autre, nous en parlent assez ; mais l'amour des boissons spiritueuses s'est marqué. d'une manière plus curieuse encore.

Parmi les choses les plus vénérées et les plus vantées dont fassent mention les mythologies des peuples blancs, on trouve chez les Grecs une boisson divine, l'ambroisie ; chez les Hindous, l'amrita, dont le nom parait être une forme peu différente du même mot ; chez les Scandinaves, c'est la bière céleste des dieux, et que les dieux brassent eux-mêmes avec un soin tout spécial ; chez les Arians-Iraniens, le homa, que les Arians de l'Inde connaissent aussi sous le nom de soma.

Le homa est une plante qui croit dans le Turkestan actuel, l'ancienne Sogdiane, la Bactriane, et dans les régions situées plus au nord, séjour primitif des Arians. On en trouve aussi sur les montagnes du Kerman. La botanique la couinait sons le nom de sarcostema viminalis. Lorsqu'on en mêle les tiges ou pousses pulvérisées au lait caillé, à la farine d'orge, ou à une céréale appelée par les Hindous nivara ou trinadhanva, qui pourrait être du riz sauvage, et qu'on laisse ensuite fermenter le liquide qu'on en extrait, on obtient un breuvage fort et enivrant, considéré comme sain, nutritif et propre à donner à la fois de l'énergie et de la durée à la vie ; c'est d'après cette idée que les dieux du panthéon hindou, grands amateurs du soma ou amrita, se réjouissent d'en faire usage.

On tient comprendre d'après ce récit comment les Arians-Hellènes ont tantôt considéré l'ambroisie comme un mets, ce qui ressort du texte d'Homère, tantôt comme une boisson, ce que l'on voit par Alkman et par Sappho. Une boisson faite de plantes triturées et de graines quelconques devait naturellement laisser un marc propre à servir de nourriture.

De même que les Arians-Hindous ont deux manières de désigner l'aliment divin, de même les Arians-Hellènes appellent aussi nectar ce qu'ils nomment ambroisie et qui est à la fois aliment et breuvage, jouissant d'un caractère d'incorruptibilité tel que les corps qui en sont frottés, comme celui de Patrocle, par exemple, ne peuvent plus se détruire. C'est une forme particulière de l'idée d'immortalité que les Hindous et les Grecs eux-mêmes nous ont déjà montrée are inhérente à l'aliment divin. Pour les Arians-iraniens, s'ils ne connaissent que le mot homa pour indiquer la liqueur céleste, c'est que l'autre expression s'est attachée de bonne heure à des emplois tellement et si constamment vulgarisés que la sphère mythique n'a pu les saisir. Ainsi l'ameretat, cité par le Yaçna (III, 61 et ailleurs), et que le passage qualifie de vache bien créée, n'est autre chose que du lait fermenté, et le rapport direct du mot zend ameretat avec le sanscrit amrita et le grec ambroisie ne saurait être méconnu. Quoi qu'il en soit, le honni est en grand honneur dans l'Avesta, qui ne le cède en rien aux hymnes hindous pour la magnificence des prérogatives qu'il lui accorde. Le homa donne la santé, la nourriture, la beauté, la force, des enfants, une longue vie, la victoire sur les mauvais esprits, une demeure parmi les saints, et enfin l'immortalité. Deux passages du Yaçna, traitant de la très ancienne communication du homa aux hommes, assurent que le père de Zoroastre était, dans l'ordre des temps, le quatrième adorateur de ce présent céleste ; quant au premier, c'est le père même du Roi, ou, pour mieux dire, des hommes, ce qui signifie assez clairement que les mérites du homa et la façon de les produire sont considérés par le Yaçna comme des découvertes absolument primordiales.

Chez les Scandinaves, le souvenir des mets favoris des premiers ancêtres n'est pas moins resté très apprécié, très connu. Odin le belliqueux ne vit éternellement que du vin qu'il se verse, assure le Grimnismal. Ici le fait s'est conservé sans le nom ; le breuvage est immortel, incorruptible, il communique ses qualités à ceux qui en usent, mais il s'appelle tantôt vin, tantôt bière, tantôt hydromel. En réalité, chez les Hindous, les Iraniens, les Scandinaves, il s'agit d'une boisson enivrante, excitante, fortifiante, qui, eu causant l'exaltation de l'esprit, paraissait donner de grands biens, et dont la composition a d'autant plus varié que ce qu'on remarquait en elle c'était bien moins sa substance que ses effets.

Religieux, les Iraniens l'étaient à un degré suprême. C'était l'aine de leur société et le pivot de tontes leurs actions que de se tenir dans une communion incessante avec ce qui nous semblerait être le inonde surnaturel et qui n'était pour eux que le monde même dans lequel ils croyaient vivre. Rien n'était ni plus mystérieux ni moins expliqué à leur esprit que leur existence propre, et ils ne trouvaient pas plus difficile d'admettre la présence invisible et l'action incessante des dieux sur ce qui les touchait, que de concevoir comment et pourquoi ils se trouvaient eux-mêmes sur la terre. S'estimant comme des créatures d'un ordre décidément supérieur, il ne leur coûtait pas d'avouer qu'au-dessus il existait encore d'autres forces, et d'alitant moins que s'imaginant leurs ancêtres au milieu de celles-ci, ils ne doutaient pas de pouvoir s'élever à leur tour à une semblable égalité, et dès lors ils considéraient avec respect sans doute, mais non pas avec crainte, non pas avec servilité, ces dieux, leurs futurs compagnons. S'ils les rabaissaient par de telles opinions, c'était en cela seulement qu'ils s'exaltaient eux-mêmes sans mesure. Ils se rangeaient sans scrupule dans les limites du monde supérieur. La foi qu'ils portaient à ce monde était aussi le résultat de leur mépris et de leur haine pour tout ce qui n'était pas eux dans l'humanité, on pour les formes de la création qu'ils reconnaissaient comme impures et haïssables.

Cette doctrine par laquelle l'univers et son contenu sont séparés en deux parties antagonistiques odieuses l'une à l'autre, est le point le plus capital, le plus saillant, le plus vital de la religion primitive des peuples blancs. Aimer ce qui est pur, détester ce qui ne l'est pas, voilà le premier principe, je dis le plus ancien, voilà la base sur laquelle s'est développée toute la morale humaine.

La nuit, favorable aux surprises, grosse de terreurs, inquiétante aux yeux, était impure par le mal qu'elle facilitait, et les ténèbres, en conséquence, étaient la source même et l'image et le symbole constant de ce qu'il y avait de pis, car elles faisaient tout soupçonner. L'esprit de populations jeunes encore, n'ayant pas de longs siècles d'expérience, jugeait en bloc et distinguait peu. Les animaux féroces ou traîtres, la classe cauteleuse des reptiles, étaient impurs en tant que redoutables, et l'extermination était l'unique moyen que l'on comprit de se garder contre des adversaires de telle espèce[11]. Les êtres humains non Ariens étaient impurs, car, attaqués ou attaquants, ils nuisaient, et parlant un langage incompréhensible, ou les jugeait stupides, peut-être l'étaient-ils. Enfin, comme tout ce qui produisait le mal était impur, il arrivait qu'un Arian lui-même, qu'un objet de nature ordinairement inoffensive se pouvait classer par sa faute (on n'admettait pas d'action purement involontaire) parmi les choses impures, et ce fut en conséquence d'un premier emploi de la réflexion qu'on admit pour cette cause la possibilité des réconciliations, et le pardon motivé et l'effacement des offenses ; de là les purifications plus ou moins laborieuses, plus ou moins difficiles, les expiations dont la forme, le caractère, la portée ont changé avec la nature des doctrines, mais qui, en fait, ont existé chez tons les peuples blancs de l'antiquité, pour les hommes, pour les animaux, pour les armes, pour les pierres, pour tout au monde.

Il est bien constant que, dès l'époque première, et quand les Arians habitaient encore l'Ayryana-Vaëja, cette conception s'était formée, que la cause de toute impureté, de toute obscurité, de tout mal, gisait dans l'essence d'un esprit pervers qu'il fallait combattre et repousser à tout prix. Rien n'indique que cet esprit pervers fut alors considéré comme l'égal en puissance de l'Éternité lumineuse à laquelle se vouaient les adorations. Les Arians n'ont pas professé le dualisme. On ne trouve rien de ce dogme dans les Galbas, ces plus anciennes parties de l'Avesta ; les Védas n'en indiquent rien ; les Grecs primitifs ne le connaissent pas non phis ; quoi que ce soit de semblable n'a été aperçu chez les Scythes, ni plus tard chez les Scandinaves. Le mal existe, sans actant doute, a l'état de protestation et de révolte incessante contre la Divinité suprême ; pourtant, celle-ci plane seille, assurée de la victoire finale et maitresse de toutes choses dans l'immensité de ses créations.

Cette divinité primordiale, Ahoura-Mazda, Varomas, Ouranos, est incontestablement l'impression produite par la vue du ciel étendu, enveloppant et lumineux. On ne peut pas dire, en lisant les Gathas ou les Védas, que les Arians aient eu précisément l'esprit métaphysique ; c'étaient beaucoup plutôt des hommes doués pour l'action et préférant les surfaces aux profondeurs ; mais, comme ils avaient l'âme poétique, comme leur pensée généralisait facilement, il n'est pas non plus admissible de leur prêter pour le ciel, matériellement pris, une adoration qui n'eut pas cherché une âme dans ce ciel même et une force invisible agissant au sein de son infini.

C'est pour cela que cette finie, que cette force invisible, ils la supposaient partout, dans le soleil, dans le feu, dans l'eau, bien plus dans la prière, dans l'ensemble du sacrifice, dans chacun des rites religieux ; ils la voyaient et la décrivaient, pleine de vie, de puissance, d'intelligence et de volonté, dans les nuages, dans la pluie bienfaisante, dans les variations de la lumière à chaque heure du jour ; malfaisante aussi, comme provenant de l'esprit mauvais, dans les éclats de la foudre et les coups frappés par la tempête. De là, les Yazatas, ces dieux inférieurs dont Ahoura-Mazda s'entourait, et qui, réunis à lui, conversaient familièrement avec les hommes de la race pure. Cette façon de comprendre la nature, qui se montre si bien chez les Grecs dans le mythe d'Ilion et des Centaures, dans celui des Dioscures et dans tant d'autres, qui n'est pas moins visible dans la théogonie scandinave, n'aboutit jamais chez ces derniers peuples, ni chez les Iraniens non plus, à l'anthropomorphisme où des circonstances spéciales la firent tomber dans l'Hellade, ni tout à fait au symbolisme effrayant qu'elle finit par revêtir dans l'Inde. Les premiers Iraniens n'élevaient pas de temples. Ils ne connaissaient pas de représentations matérielles des objets de leur adoration. Les sacrifices, les hymnes, les prières, leur tenaient lieu de tout. La nature entière leur était, comme aux Scythes, un sujet illimité et inimitable de respect ; et quant aux rapports qui unissaient les hommes purs à cet ensemble sacré, j'ai déjà montré à quel degré ils étaient étroits. L'univers pur était créé pour eux, pour les servir, pour les favoriser en toutes choses, pour recevoir leurs éloges et leur rendre des bienfaits ; et j'ai déjà dit aussi que la mort portant les Arians dignes de ce nom au sein des formes de la toute-puissante existence, leur donnait part à la majesté et à l'activité propres à celle-ci. De là le culte des ancêtres.

Dans ces temps anciens, on ne croyait pas que l'homme fût parvenu de lui-meure à la sublimité de telles connais-sauces. Dieu non plus ne lui avait pas révélé sa foi sans intermédiaire. Il y avait eu déjà deux initiations. L'une provenait de l'oiseau Karshipta, et était la première, celle qui se perdait dans la profondeur des temps. L'autre avait eu pour propagateur un homme, et le nom de ce voyant était Ourvatat-Naro, au dire du Vendidad[12].

Il est plus facile de faire ici des rapprochements que d'obtenir une solution raisonnable et surtout positive de l'énigme que présente l'apparition d'un oiseau dans le personnage de prophète. Quand on aura rappelé le rôle joué par la colombe de l'Arche au moment où finit le déluge, et la place distinguée occupée par l'aigle aux pieds du Jupiter hellénique, on n'aura pas beaucoup avancé la question. Seulement, et sur le second point surtout, on aura relevé une coïncidence assez frappante dans les traditions de deux peuples parents, et par conséquent on mira pu établir au moins, surtout après avoir rappelé le souvenir du Garouda indien, bien identique avec le Karshipta, que la doctrine qui prêtait à ce dernier un rôle si important dans l'action religieuse datait de ces années où les Arians étaient encore réunis dans la patrie primitive.

Il n'en est pas de même d'Ourvatat-Naro. Ce nom ne signifie autre chose que l'homme d'Ourva, et Ourva, fécond en pâturages, et que je crois pouvoir retrouver à l'est de Kaboul, ne fut que le septième pays colonisé par l'émigration iranienne. Il se produisit donc dans cette nouvelle contrée out homme inspiré du ciel, qui apporta des modifications importantes aux idées du culte. Cependant, comme rien dans ce qui a été dit plus haut n'est particulier aux habitants de l'empire iranien, et que les peuples de l'Occident et du Nord, leurs parents, possédaient ces mêmes idées, je crois que les doctrines du prophète d'Ourva devaient tendre plutôt au maintien qu'à l'amplification des notions du passé, et j'en reparlerai quand le moment de traiter ce sujet sera venu. Restons, pour le moment, dans la haute antiquité où les peuples n'avaient pas encore besoin de réformateurs.

On vient de voir tout à l'heure que si les Arians n'avaient pas de temples ni de représentations visibles de la Divinité, l'autel domestique et, probablement de même, l'autel élevé par une communauté d'adorants plus vaste que le cercle restreint d'une famille, leur en tenait lieu sous les rapports principaux. Le sacrifice en devenait plus imposant, les rites suivis en étaient plus mystérieux et plus dignes de respect, puisqu'ils n'avaient pas à partager la vénération débordant de rame des fidèles avec des objets étrangers à eux. La partie la plus essentielle du culte, c'était certainement le sacrifice. Là se concentrait ce que l'homme pouvait faire de plus considérable pour les dieux, et ce que les dieux estimaient davantage dans les actions de l'humanité. Considéré sous cet aspect, le sacrifice a toujours constitué un acte si auguste, que les diverses religions ont tendu à en rendre l'objet le plus digne possible d'être offert à la Divinité. Dans le christianisme, les catholiques présentent à Dieu, Dieu lui-même. Les protestants, à défaut d'une telle victime que leurs dogmes ne mettent pas dans leurs mains, élèvent l'âme du suppliant à son créateur et la lui vouent. Pour les anciens peuples arians, on les a vus dans les stages les plus purs de leur existence, alors que leur conscience agissait libre de suggestions étrangères, immoler sur leurs autels des hommes vivants. Cette dévotion redoutable a été reconnue par l'universalité de la race comme étant la plus vénérable.

Les Scythes choisissaient du nombre de leurs prisonniers tous les centièmes. Ils versaient du vin sur la tête du captif, égorgeaient celui-ci au-dessus d'un vase où coulait le sang, qui ensuite était versé sur un bûcher au milieu duquel s'élevait l'épée, admise à représenter l'attribut divin auquel ils rendaient le plus d'hommage. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit ici d'une époque relativement basse, où les Arians-Scythes avaient déjà élaboré des notions religieuses particulières. On coupait ensuite et on jetait en l'air les bras droits des hommes sacrifiés après en avoir séparé les mains ; où ces bras tombaient, ils restaient, et les cadavres étaient abandonnés sans sépulture[13].

Il serait superflu d'insister sur la continuation de ce mode de sacrifice chez les peuples issus des Arians-Scythes répandus successivement dans le nord et l'occident de l'Europe. On sait assez quel sort attendait les prisonniers romains sous les ombres des forêts sacrées des Chérusques, et jusqu'au milieu des temps mérovingiens on voit les Franks offrir des hommes aux dieux du Nord, quelquefois même aux dieux topiques des contrées qu'ils traversaient. Cette notion, conservée très tard par les populations germaniques, était si fort généralisée dans l'ancien monde, que le christianisme a eu beaucoup de peine à la détruire, et jusque dans le dix-septième siècle, un chef cosaque, Stenko-Razin, croyait acquitter une dette de conscience en précipitant dans le Volga, du haut de son navire, une fille persane enlevée dans une expédition heureuse.

Les Arians-Hindous ont pratiqué de même les sacrifices humains et les ont tenus pour particulièrement nécessaires dans cinq occasions capitales. La première, lorsqu'il s'agissait de la fondation d'un édifice. C'était afin d'assurer la durée du monument. Cette notion spéciale se rencontre dans les traditions romaines comme dans les souvenirs des Slaves et des Germains. La tête de la victime était séparée du tronc, qui était jeté dans l'eau destinée à la préparation des briques. Quant à la tête, elle était enfouie avec les fondements[14].

La seconde occasion était la consécration royale ; la troisième était l'Açyamedha ou sacrifice du cheval. Il était alors de règle que l'homme dévoué fût conduit au fleuve, enfoncé dans l'eau jusqu'à étouffer, et alors on versait le sang du cheval sur sa tête[15]. Ce rite se rapporte assez à la libation du vin telle qu'on l'a vue tout à l'heure pratiquée chez les Scythes.

Pour le quatrième cas, qui avait lieu à la fête du solstice d'hiver, les cérémonies ordonnées sont tombées dans l'oubli, et il parait n'en être resté aucun souvenir ; mais eu ce qui est du cinquième, célébré indifféremment à la volonté des dévots, on se procurait à prix d'argent un brahmane ou un kjattriva, et, pendant une année, on lai accordait tontes les jouissances possibles, sauf ce point qu'une chasteté absolue était nécessaire. Le moment du sacrifice arrivé, on couvrait la victime d'un riche vêtement rouge tissu des filaments de la plante appelée kouça, et on l'étouffait. On voit que, dans l'accomplissement de ces rites redoutables, les Arians-Hindous ne se contentaient pas de captifs étrangers, d'hommes et de femmes pris parmi les basses castes, de vagabonds ou de criminels ; ils voulaient des guerriers de race noble, et non seulement des brahmanes, mais même des personnages appartenant à la famille particulièrement sacrée d'Atri[16].

D'après l'exemple des deux grands rameaux arians, les Scythes et les Hindous, qui restèrent le plus longtemps réunis aux nations iraniennes, il n'est pas croyable que celles-ci, qui, jusqu'à une époque avancée, acceptèrent les mêmes dogmes, n'aient pas connu et pratiqué les sacrifices humains et n'aient pas commencé par voir, non pas une souillure imposée à la terre nourricière et dépositaire de la vie, mais bien, au contraire, une restitution sacrée, dans l'effusion du sang et l'expiration forcée de raine sur un sol béni et dans des circonstances solennelles.

Hérodote raconte que Xerxès étant arrivé au fleuve Strymon, trouva au delà neuf routes qui y aboutissaient, et qu'aussitôt il fit enterrer vivants neuf garçons et neuf filles du pays, en vertu d'une idée particulière aux Perses, ajoute l'historien ; et à ce propos il rappelle que lorsque la femme de Xerxès, Amestris, fut parvenue il une vieillesse avancée, elle fit de même enterrer deux fois sept enfants appartenant à des familles illustres, afin, dit-elle, de racheter son salut du dieu qui règne sous la terre[17]. On pourrait supposer, il est vrai, que de tels rites avaient été empruntés par les Perses aux populations sémitiques auxquelles ils étaient alors mêlés. Cependant, on doit remarquer que le rapport avec les Scythes et les Indiens ne permet pas de recourir à cette supposition, et que, bien que l'horreur inspirée phis tard aux Arians par le mode d'adoration observé ici ait là contribuer à faire disparaitre de l'Avesta les textes anciens qui s'y rapportaient, ce qui, du reste, est aussi arrivé chez les Indiens, autant que les théologiens du pays l'ont pu tenter, il reste certain que les Iraniens de l'époque primitive ont, comme tous les peuples blancs, pratiqué le meurtre hiératique des hommes.

Après cette offrande, jugée la plus excellente, ils sacrifiaient aussi des chevaux, de même que les Indiens, les Scythes, les Germains, les Franks, et c'était là un sacrifice d'une grande importance. Ensuite, à un rang inférieur, se plaçaient les offrandes de moutons et de chèvres[18].

Les Iraniens, en tant que naturalistes, ne pouvaient, non plus que les autres peuples de leur race, appartenir à la série très moderne des populations purement monothéistes. On a vu déjà que le Dieu céleste, le grand Dieu, se présentait à Yima entouré des Yazatas ou divinités secondaires. Il en était ainsi chez les Arians-Scythes et chez les Arians-Hindous, et le nombre de ces divinités secondaires, quand avec le cours du temps et le raffinement graduel des idées il vint à augmenter, finit par composer un véritable Panthéon que l'influence des idées sémitiques revêtit d'une teinte de mysticisme au temps des Achéménides, et qu'ensuite, vers la fin de cette dynastie, l'influence grecque tourna, tout au contraire, vers l'anthropomorphisme et la réalité un peu brutale des formes plastiques. Dans les temps vraiment anciens, les Yazatas se réduisaient à un petit nombre, et tels on les trouve chez les Scythes, tels ils étaient aussi chez les Iraniens, coreligionnaires de ceux-ci, et, pour les uns comme pour les autres, ils entouraient le Dieu céleste et ne semblent pas lui avoir été très inférieurs.

C'était, après lui, la Terre ou Çpenta-Armaïti, féconde et nourricière ; les Scythes la nommaient Apia ; c'est un mot analogue au zend apa, sur, au-dessus, c'est-à-dire la surface. Venait ensuite le Feu, l'Agni indien, si vénéré des Perses de toutes les générations, qu'on a cru quelquefois devoir le considérer comme leur dieu suprême, tant ils lui multipliaient les hommages. Ce Feu sacré s'appelait pour les Scythes Tabiti. On peut y voir une combinaison des deux racines , donner, et vid, connaître, savoir, celui qui donne, qui crée, qui possède l'intelligence, autrement dit l'Intellectuel. Le soleil était encore, en même temps que le plus ancien symbole de l'empire iranien, un des premiers objets de l'adoration des multitudes. Les Scythes le nommaient Œtosyros, qu'on peut rapprocher de aïti, au-dessus, et de soura, le héros, ce qui signifierait le Héros suprême. Artimpasa l'égalait en vertu ; c'est cette divinité qu'Hérodote appelle la Vénus céleste et qu'ensuite Artaxerxès adora sous un nom que le même historien rend par l'expression sémitique d'Anaïtis ; en réalité, c'est la lune, et le nom scythique se décompose en deux mots zends, arta, noble, illustre, et path, marcher, la déesse à la noble démarche. A ces dieux, les Scythes royaux, dit Hérodote, en ajoutaient encore un. Comme les Scythes royaux sont les véritables Scythes-Arians, il n'y a pas lieu de passer sous silence un des objets de leur adoration : c'était un Neptune, Thamimasadas. Ce dernier nom est difficile à reconnaître ; peut-être pourrait-on le comparer avec le sanscrit tama, obscurité, et le zend asha et ashivat, doué de pureté, ce qui signifierait la mer pure et sombre ; on doit ici remarquer que les Indiens ont donné la qualification de tâma a deux rivières, la Tapti et la Yamonna. Mais un tel rapprochement est plus que conjectural et il vaut mieux le laisser, en se contentant de ce fait que Thamimasadas est le même que l'Ardvisoura des Iraniens, c'est-à-dire l'eau en général. L'important, c'est que les dieux des Scythes représentent parfaitement les dieux des Iraniens primitifs[19].

Résumant ce qui précède, on n'aura pas de peine à se représenter les nations sorties de l'Ayryana-Vaëja, les pensées qui les animaient, les ressources dont elles disposaient, le but qu'elles se proposaient, non phis que les ennemis qu'elles avaient à vaincre et à déposséder.

A de longs intervalles, dans les contrées envahies, s'élevaient des bourgs fortifiés, des villages, des châteaux. Les populations immigrantes étaient trop faibles en nombre pour pouvoir dès l'abord occuper tous les points. Les cultures, aussi étendues que possible, ne l'étaient pas cependant assez pour franchir l'enceinte des retranchements qui, surtout dans les provinces de l'ouest et du sud, les protégeaient contre les attaques des aborigènes. Les lieux déserts abondaient, et, non moins que les noirs, les loups, les ours, les tigres, les bêtes de proie de toute espèce, se montraient peu pressées de céder leurs domaines séculaires. Quand la nuit couvrait les campagnes, les hurlements des chiens aimés et vigilants avertissaient les Arians endormis des dangers que couraient leurs troupeaux. Alors l'homme de garde entretenait phis vif le feu du pyrée, et les guerriers sortaient pour faire face au péril.

Si, au lieu de quelques monstres des bois, les Arians armés voyaient de loin sauter et s'agiter dans les ténèbres les faces démoniaques des dyws, tout le monde averti était sur pied et courait replisser les assaillants. Pendant le combat, le guerrier de la Loi pure massacrait sans pitié et sans remords. Après la lutte, si sa colère était trop excitée, s'il avait quelque injure, quelque malheur à venger, il massacrait encore. A la fin, sa fureur s'épuisait, et les ennemis restés debout pouvaient vivre. Ils devenaient des esclaves et habitaient désormais sons l'ombre de leurs l'autres. Quand l'Iranien était vaincu et son enceinte forcée, il apprenait à ses dépens que les dyws en savaient long en fait de cruauté, et une tuerie générale, à laquelle échappaient à peine les femmes, était l'accompagnement d'un incendie qui à la place de la cité naissante ne laissait qu'un monceau de cendres.

C'est ainsi que la colonisation se faisait au milieu de dangers constants, de combats perpétuels, d'une vigilance de tous les instants, soutenue par le sentiment exalté que nourrissaient les Iraniens de leur noblesse, de leur supériorité, de l'évidence de leurs droits, et par leur mépris sans bornes pour les créatures dont ils venaient saisir le sol. On se représente assez bien leur situation en se mettant devant les yeux celle des puritains anglo-saxons, leurs neveux, colonisateurs de l'Amérique du Nord, et les luttes que ces derniers eurent à soutenir contre les sauvages.

Successivement et par de longs efforts ; et avec l'aide de plusieurs siècles, les Arians s'emparèrent complètement de toutes les contrées que j'ai nommées, sans que ce nouvel empire leur fit jamais oublier leurs demeures de l'Ayryana-Vaëja, restées au fond de leur mémoire comme un paradis. Ils ne renoncèrent pas aux mœurs qu'ils avaient eues dans la patrie première. Ils en continuèrent la tradition et les habitudes. Ils en gardèrent les lois et les institutions. Jadis, le pays primitif avait été appelé par eux le Vara, l'enceinte. Ils communiquèrent ce nom à leurs établissements, et en dehors ils no reconnurent rien de sacré, de saint, de pur, c'est-il-dire, rien qui leur appartint, qui leur donnât sécurité. Ce mot vara s'appliquait surtout aux bourgs, et il toute habitation ariane construite et défendue suivant les rites. Par extension, on le donnait ii des districts, à des provinces, à des territoires tout entiers, absolument comme dans nos usages le mot église signifie aussi bien le temple étroit et rustique du dernier hameau que l'universalité de la société catholique qui couvre le monde. Dans le persan de l'époque sassanide, le mot vere ou voourou indiquait plus particulièrement une circonscription administrative ; mais, je le répète, pour les premiers Iraniens, l'ensemble de leur empire s'appelait excellemment le Vara.

 

 

 



[1] SPIEGEL, Vendidad, t. I, p. 61.

[2] SPIEGEL, Vendidad, t. I, p. 73.

[3] SPIEGEL, Vendidad, t. I, p. 74.

[4] SPIEGEL, Vendidad, t. I, p. 74.

[5] SPIEGEL, Vendidad, t. I, p. 194-195, 215 et sqq.

[6] Je ne vois mentionné dans aucun texte l'usage des habitations souterraines, et cependant on les connaît, et on les emploie aujourd'hui, tant pour les hommes que pour le bétail, dans toute la chaîne de l'Elbourz, dans le Caucase, dans la Géorgie, dans l'Arménie. Ce sont de fort bonnes demeures, très vastes, très aérées, chaudes l'hiver, fraîches l'été, et dont je me suis souvent bien trouvé. Tous les peuples arians ont aimé les constructions de ce genre. Je veux croire qu'ils en avaient observé les modèles dans la nature, mais ils ont su, en tous lieux, en créer, même là où le terrain ne s'y prêtait pas. Les hommes au moyen âge germanique ont bâti presque autant sous la terre qu'à la surface. Les Sémites n'ont rien fait de semblable. Non loin de Demawend, on m'a montré de grandes cavernes artificielles attribuées à l'âge de Zohak. Sans me porter garant de cette date reculée, je ne vois pas un moment dans l'histoire où un peuple différent des Arians ou des Sémites aurait pu apporter dans la montagne de pareils usages. Or, puisqu'on vient de voir que les Sémites ne connaissent pas ce genre de retraite, et ils ne l'ont jamais connu, il faut évidemment qu'il soit d'origine ariane, et encore très primitive. On verra plus bas que les auteurs de la race blanche se sont occupés des travaux des mines dès l'antiquité la plus haute. Probablement, les cavernes leur ont fait rencontrer les filons métalliques ; ou, au rebours, l'habitude de suivre ces filons les aura amenés à se créer des logements analogues aux lieux où ils en cherchaient. En tout cas, les maisons souterraines sont trop connues dans tout le nord de la Perse, et d'origine évidemment trop ancienne, pour que, malgré l'absence des textes, je ne me tienne pas pour obligé d'en faire mention.

[7] SPIEGEL, Vendidad, t. I, p. 79.

[8] SPIEGEL, Vendidad, t. I, p. 84-85.

[9] Cette opinion n'est pas celle du savant M. Spiegel, et il s'appuie, pour considérer le travail des mines connue emprunté aux Sémites, sur le verset 234 du chapitre VIII du Vendidad. Tout en tenant compte de la répugnance évidente et par ailleurs très connue des Iraniens pour l'emploi du feu à certains usages, un fait parle fortement dans le sens de l'invention primitive du travail métallurgique par les Arians ; c'est que jamais les Sémites n'ont fait autant de travaux de ce genre que les Scythes, les Hindous et les peuples de la haute Asie dans la plus haute antiquité. Les traces s'en trouvent partout, et on ne peut réellement les considérer comme des imitations.

[10] HÉRODOTE, p. 29, éd. Didot.

[11] HÉRODOTE, I, 140. — SPIEGEL, Vendidad, t. I, p. 83.

[12] SPIEGEL, Vendidad., t. I, p. 77.

[13] HÉRODOTE, IV, 62.

[14] WEBER, Ueber Menschettopfer bey den Indiern der vedischen Zeit, p. 264.

[15] WEBER, Ueber Menschettopfer bey den Indiern der vedischen Zeit, p. 268.

[16] WEBER, Ueber Menschettopfer bey den Indiern der vedischen Zeit, p. 279.

[17] HÉRODOTE, VII, 114.

[18] HÉRODOTE, IV, 61.

[19] Lassen, Indische Alterthumskunde, t. I, p. 517, remarque que les objets communs de l'adoration des Hindous et des Iraniens dans les Védas et dans l'Avesta ne sont rien de plus que le feu, le soleil, la lune, la terre, l'eau, et que tout ce qui est spécial dans les livres sacrés que je viens de citer appartient aux époques où la séparation des deux peuples avait déterminé deux cours de notions différentes.