LA CITÉ GRECQUE

TROISIÈME PARTIE. — LA CITÉ AU DÉCLIN.

CHAPITRE III. — CORRUPTION DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES.

 

 

Les institutions humaines n’étant jamais que ce qu’en font des hommes, la transformation des idées sociales amène nécessairement de graves changements dans le régime politique. La Grèce du IVe siècle en fit l’expérience. Tandis que d’autres cités étaient bouleversées par des révolutions accompagnées de massacres, de bannissements et de confiscations collectives, Athènes, au milieu de luttes qui n’entraînaient du moins que des condamnations individuelles, tirait du principe démocratique des conséquences nouvelles.

I. — L’ASSEMBLÉE DU PEUPLE AU IVe SIÈCLE.

L’Assemblée du peuple ne pouvait rester ce qu’elle avait été avant la guerre du Péloponnèse et les coups d’État oligarchiques. Pour autant que l’histoire comporte de pareilles lignes de démarcation, l’archontat d’Euclides (403/2) marque, à tous les points de vue, une fin et un commencement. A partir de ce moment, l’Ecclésia va exercer un pouvoir de plus en plus tyrannique, mais en faisant prévaloir de plus en plus des intérêts privés sur l’utilité commune : si bien que jamais la cité n’aura paru aussi puissante qu’au temps où les individus, en l’exploitant, prépareront sa ruine.

C’est un curieux spectacle que présente, au IVe siècle, la souveraineté populaire. Elle va se débattre constamment entre la tendance absolutiste qui lui est naturelle et un besoin héréditaire d’opposer les lois aux caprices des décrets.

L’action publique en illégalité, la graphè paranomôn, avait été jadis la principale défense de la constitution démocratique. Une double expérience aurait montré que les partisans de l’oligarchie ne pouvaient conquérir le pouvoir qu’en renversant cet obstacle. Leur défaite définitive plaça l’institution au-dessus de toute atteinte. Mais, au temps même où elle devenait inattaquable, sous l’archontat même d’Euclides[1], une révision générale des lois la rendit moins nécessaire. Dès lors on va en abuser dans la lutte des partis. Au lieu d’assurer par de terribles menaces une protection suprême à la constitution, elle n’est plus qu’une arme banale aux mains des adversaires qui se rencontrent à la Pnyx ; bientôt, elle s’émousse et se fausse. Elle est encore capable de donner la mort[2] ; elle peut servir aussi à infliger une vulgaire amende de vingt-cinq drachmes[3]. Voici un fait bien caractéristique : un chef de parti, Aristophon d’Azènia, eut à se défendre contre l’accusation d’illégalité soixante-quinze fois. On en arrivait à ce point que la graphé paranomôn, sans empêcher l’Ecclésia de légiférer à tort et à travers, était une gêne pour les innovations sages comme pour les autres, une entrave à cette liberté de parole dont les citoyens étaient si fiers[4].

Une autre procédure aurait pu, semble-t-il, suppléer aux insuffisances de celle-là : l’eïeangélie. Elle subit la même dégradation[5]. Au Ve siècle, elle était destinée à réprimer les crimes non prévus par les lois et attentatoires à la sûreté de l’État, la trahison et la haute trahison, y compris la tentative de renverser le gouvernement démocratique en actes et en paroles. Faute de lois, les tribunaux n’en pouvaient être saisis directement : c’était à l’Assemblée du peuple ou au Conseil de prendre les mesures nécessaires de salut public. Elle entraînait des peines si graves, que les accusés n’attendaient pas le jugement pour s’exiler[6]. Le peuple tenait à cette institution, qu’il attribuait à Solon[7] et qui donnait une efficacité terrible à son droit de haute justice. Fille fut abolie en même temps que l’action en illégalité par les Quatre Cents[8] et sans doute par les Trente. Non seulement elle fut rétablie sous l’archontat d’Euclides[9], mais une loi fut alors promulguée (le νόμος είσαγγελτικός) qui, sans la définir formellement, énumérait les cas auxquels elle était applicable d’après les précédents[10]. Cette apparente limitation ne servit de rien. Par une série d’assimilations, les Athéniens en vinrent à traiter comme attentats contre la république des crimes, des délits ou de simples contraventions qui n’avaient aucun rapport aux actes légitimement susceptibles de poursuite par eisangélie. Hypéride proteste contre de pareils abus et en donne des exemples qu’il qualifie à han droit de ridicules : Lycophron est accusé par eisangélie d’avoir détourné une femme du devoir conjugal ; Agasiclès, de s’être fait inscrire dans un autre dème que le sien ; Diognis et Antidôros, d’avoir loué des joueuses de flûte au-dessus du tarif légal ; Euxénippos, d’avoir fait un faux rapport sur un songe qu’il avait eu dans un temple[11]. Encore une armature de la cité détraquée par les haines politiques.

Que faire alors pour opposer une digue au débordement des propositions illégales ? On se rappela les commissions de nomothètes qui avaient restauré les lois de la démocratie après les tourmentes de 410 et de 403. Elles avaient été investies alors de pouvoirs extraordinaires par des mesures de circonstance ; on en fit une institution régulière[12]. L’existence de ces nomothètes d’un nouveau genre est attestée depuis le plaidoyer de Démosthène contre Leptine en 355/4 jusqu’à une inscription qui date de 329/8. Cette fois, on voit le peuple se démunir systématiquement du pouvoir législatif, pour ne pas être tenté d’en abuser. Le principe est net : défense d’abolir aucune loi existante, sinon par autorité des nomothètes.

Aussi, dès la première séance de l’année, le 11 Hécatombaion, l’Assemblée doit-elle voter sur toutes les lois (έπιχειροτονία τών νόμων), pour savoir s’il y a lieu d’en abroger quelqu’une. Dans ce vote, le peuple se décide sur les rapports des magistrats signalant telle défectuosité, lacune ou contradiction, qui s’est révélée au cours de l’année révolue dans la législation en vigueur. Si la majorité se prononce pour une révision, tout citoyen est admis à proposer des dispositions nouvelles sur la matière contestée, à condition de faire afficher son projet sur les piédestaux des héros éponymes et d’engager sa responsabilité en y donnant son nom. A, la quatrième séance ordinaire de la première prytanie, un décret fixe le nombre des nomothètes appelés à siéger, la durée de loir fonction, la procédure qu’ils suivront, les fonds sur lesquels ils seront payés, et dresse leur programme en indiquant les dispositions à modifier ou à compléter éventuellement. L’Assemblée donne donc ses instructions aux nomothètes ; de plus, elle nomme quatre ou cinq synègores ou syndics chargés rie défendre devant eux les lois mises en cause. Mais, une fois qu’elle a désigné ses mandataires, son rôle est fini, son droit est épuisé.

Désormais le peuple législateur, ce n’est plus l’Ecclésia, c’est le tribunal des nomothètes. Ils sont désignés, au nombre de cinq cent un ou de mille et un, parmi les héliastes assermentés, gens d’âge et d’expérience. Convoqués par les prytanes, ils ont leur règlement à eux. Leur bureau est constitué, comme celui de l’Assemblée, par dos proèdres dont le président, l’épistate, change à chaque séance. Quant à leur procédure, elle est pareille à celle de l’Héliée. Ce n’est pas une délibération qui s’engage entre eux, c’est un procès qui se déroule an leur présence et dont ils sont les juges. Les synègores prennent la défense de la loi incriminée, l’auteur de la loi nouvelle en fait valoir la supériorité. Après quai, l’épistate fait voter le tribunal sur l’une et sur l’autre loi successivement. Celle qui a obtenu le plus de suffrages est valable ipso facto. Sans plus amples formalités, sans intervention nouvelle ni de la Boulé ni de l’Ecclésia, elle est transcrite par le secrétaire-archiviste de l’État, pour être classée parmi les documents ayant force de loi.

Dans les textes parvenus jusqu’à nous, la nomothésie s’applique à deux cas : elle légalise les décrets qui, dans l’année écoulée, ont ordonné des dépenses non prévues par la loi budgétaire[13] ; elle autorise les changements apportés aux lois sacrées, par exemple aux ordonnances sur les prémices d’Éleusis et sur la fête d’Amphiaraos[14]. Mais on ne voit pas pourquoi elle n’aurait pas convenu à bien d’autres espèces. Il est à présumer que la procédure avait une portée générale.

Comment se fait-il alors qu’Aristote n’en ait soufflé mot dans la description de la constitution athénienne ? Est-ce, comme on l’a dit[15], parce que le maître réservait tout ce qui concerne la législation à son disciple Théophraste, qui devait en effet écrire un traité des Lois ? Non ; car il aurait sciemment faussé le tableau qu’il traçait, faute d’un mot, qui eût suffi à mettre les choses au point. D’ailleurs, dans la Politique, non seulement il fait rentrer le pouvoir législatif dans la souveraineté, mais encore il blâme à maintes reprises la démocratie athénienne de légiférer par décrets. C’est donc qu’à ses yeux toute la procédure de la nomothésie n’avait pas une très grande importance et que les décisions des nomothètes, quoique entourées de formalités plus compliquées, étaient du même ordre que les décrets de l’Ecclésia. Les meilleures intentions, les idées les plus justes ne valaient pas contre les habitudes de licence et d’arbitraire. Quid leges sine moribus ?

Ce peuple si fier de sa souveraineté entendait cependant recevoir en monnaie sonnante et trébuchante le prix de la peine qu’il se donnait pour l’exercer. Nous observons ici une des différences les plus saillantes qui existent entre les Athéniens du vieux temps et ceux du nouveau. Au Ve siècle, les citoyens s’intéressaient trop aux affaires publiques pour ne pas se porter à l’Ecclésia en nombre décent ; au commencement du IVe, chacun est tellement préoccupé de ses affaires propres, que la Pnyx reste déserte. Il ne faudrait pas croire que l’abstention fût particulièrement le fait des classes aisées, bien qu’on ait souvent prétendu que les riches, dégoûtés de se voir annihilés dans toutes les discussions, se retiraient de la vie politique. C’étaient tout autant les pauvres qui se tenaient éloignés des assemblées[16]. Il devenait nécessaire de les y ramener, sous peine de voir s’altérer le caractère même du régime et la démocratie, le gouvernement de tous, tourner en oligarchie, en gouvernement d’un petit nombre. Dans les terribles années qui suivirent la chute d’Athènes et la tyrannie des Trente, quand les plus fermes défenseurs de la constitution, les artisans, avaient grand’peine à subsister et n’étaient pas en état de perdre plusieurs journées de travail par mois, les prytanes imaginaient toutes sortes d’expédients afin, d’obtenir le nombre nécessaire pour la validité des décrets[17]. On décida une bonne fois de remédier au fléau de l’abstention. On ne pouvait pas, comme dans certaines oligarchies, infliger une amende aux absents[18] ? par une méthode inverser on assura tint rémunération aux présents. Il suffisait d’étendre à l’Ecclésia le système de la misthophorie qui prévalait depuis soixante ans à l’Héliée. Agyrrhios fit d’abord accorder un jeton d’une obole peu après, Hèracleidès de Clazomènes le fit porter à deux oboles, et Agyrrhios, revenant à la charge, à trois[19]. Le prix de la vie ayant bien augmenté au cours du IVe siècle, on ne s’en tint pas là : au temps d’Aristote, le jeton s’élevait à une drachme pour les séances ordinaires et à une drachme et demie pour les séances principales[20].

Le triobole de l’ecclésiaste, à plus forte raison la drachme, a soulevé bien des critiques. Dans l’antiquité, les ennemis de la démocratie l’accusaient de rendre la multitude paresseuse, bavarde et aride[21] ; bien des modernes en ont jugé de même. A ces critiques la réponse est facile. On a vu quelles raisons d’ordre matériel et moral justifiaient l’institution : elle devait assurer aux citoyens les mains aisés le loisir nécessaire pour prendre part à la vie politique[22]. Elle n’en eût pas moins été un artifice déplorable, si elle avait ruiné l’État. Mais les conséquences financières n’en étaient pas si graves. En un temps où le salaire quotidien d’un ouvrier était d’une drachme et demie, le triobole n’était guère qu’une indemnité. Il n’était, d’ailleurs, pas donné à tous les citoyens : un total fixé d’avance dans le budget était réparti entre les séances de l’année, et la somme affectée à chaque séance déterminait le nombre de jetons à distribuer aux premiers arrivants. Pour toucher le triobole, il fallait être là de très bonne heure, au deuxième chant du coq[23], et attendre jusqu’à la fin de la séance le moment d’échanger le jeton contre la piécette d’argent. En somme, de grands résultats étaient obtenus à peu de frais.

Mais, si le misthos ecclèsiaticos ne mérite pas les blâmes dont il a été accablé, il n’en reste pas moins un indice remarquable du changement qui s’est fait au IVe siècle dans les meurs et dans l’esprit public. Le temps n’est plus où le citoyen se consacrait a la cité, saris autre avantage que la satisfaction du devoir accompli et le sentiment de contribuer au bien commun. Maintenant, la cité doit se dire qu’elle ne subsiste qu’à condition de veiller d’abord aux intérêts des particuliers qui s’occupent d’elle : pour obtenir des citoyens les concours nécessaires, elle doit payer.

La direction de l’Assemblée subit également, au IVe siècle, des changements dont le sens demande à être élucidé.

Depuis l’époque de Clisthènes, le bureau de la Boulé et de l’Ecclésia était constitué par les prytanes, et la présidence appartenait à un épistate, tiré au sort pour chaque séance. A partir d’une date qu’aucun tente ne fixe explicitement, le bureau a une composition toute différente : l’épistate des prytanes tire au sort, avant chaque séance, neuf proèdres, un de chaque tribu sauf celle qui exerce la prytanie, et, parmi ces proèdres, un autre épistate : il leur remet l’ordre du jour et le soin de conduire les débats[24]. Pourquoi cette substitution des proèdres aux prytanes ? On l’a quelquefois attribuée à la défiance habituelle des démocraties, toujours prêtes à diviser et affaiblir les pouvoirs pour régner plus sûrement. On pourrait alléguer en ce sens le fait qu’aucun bouleute ne peut être proèdre plus d’une fois par prytanie, ni épistate des proèdres plus d’une fois par an[25]. Pourtant cette explication ne tient pas. Les proèdres ont, en réalité, des antécédents semi-oligarchiques, puisqu’il en a existé pendant quelques mois en 411/0, sous le régime des Cinq Mille[26]. D’autre part, si l’on serre de près les formules des décrets rendus dans le premier quart du Ive siècle, on arrive à cette conclusion, que les bureaux de proèdres furent créés pendant l’hiver 378/7[27]. C’était le moment, où Athènes réformait ses institutions pour les adapter à celles de la nouvelle confédération qu’elle mettait en train. La Boulé devenait l’agent de liaison entre l’Ecclésia d’Athènes et le Synédrion des autres cités ; la section permanente de la Boulé et son président avaient bien autre chose à faire qu’à parader au bureau et à la présidence des assemblées. Mieux valait désigner, pour remplir ces fonctions d’apparat, des personnages qui avaient plus de loisirs, un représentant de chacune des tribus qui n’exerçaient pas la prytanie. Ce système offrait, par surcroît, l’avantage de placer à la tête des corps délibérants une représentation plus complète de la république. Il n’y a donc pas lieu d’alléguer des préjugés de politique intérieure à propos d’une réforme déterminée par des nécessités de politique étrangère,

Mais, si l’on détourne les yeux du protocole pour voir la réalité, les véritables chefs du peuple assemblé offrent un spectacle souvent bien désagréable. Ce ne sont plus des grands propriétaires élus stratèges, comme Périclès : les progrès de la division du travail politique ont, en général, relégué les stratèges dans des fonctions strictement militaires. Ce ne sont même plue des industriels ou des négociants : le tanneur Anytos, dont la carrière s’étend de 410 à 399, est le dernier démagogue de cette espèce. La politique est devenue un métier, spécial qui comporte des emplois variés. Il a son élite, les rhéteurs ou orateurs[28]. Souvent issus de familles riches et considérées[29], presque tous intelligents et quelques-uns remarquables, ils opèrent entre eux un partage d’attributions et se disputent le pouvoir avec acharnement. Eubule et Lycurgue ont été de véritables ministres des finances et des travaux publics ; Gallistratos d’Aphidna et Démosthène, des ministres des affaires étrangères. Au-dessous des hommes d’État, pullule une tourbe vile les rhéteurs de second ordre, souverains maîtres de tumulte et des vociférations[30], les politiciens qui cultivent avec soin les passions de la foule et satisfont leurs convoitises en excitant celles des autres, les pécheurs en eau trouble, les démagogues et les sycophantes. Ils se disent eux-mêmes les chiens du peuple[31], se vantent de le défendre contre les loups et s’engraissent à ses dépens. Dès qu’ils flairent un homme riche, ils aboient et cherchent à mordre. Espions bénévoles et dénonciateurs attitrés, ils s’arrogent un droit général de poursuite au narra de l’État, une sorte de ministère public. A la Pnyx comme à l’Héliée, ils entretiennent savamment la méfiance et l’envie, surenchérissant sur les revendications légitimes et même sur les prétentions excessives. Leur but suprême n’est pas de procurer des ressources à ceux qui en manquent, mais bien plutôt de ravaler ceux qui possèdent quelque chose au niveau de ceux qui n’ont rien ; car ils ont besoin, pour prospérer, de laisser toujours saignante la plaie de la misère et de maintenir la division qui est leur raison d’être[32].

Petits ou grands, ces hommes qui vivent de la politique sont continuellement lancés les uns contre les autres par les divergences des partis et par la concurrence profession molle. Ils en viennent fatalement à rechercher des succès personnels plutôt que le bien de l’État. On connaît la page où Platon raille les compétitions des incapables qui veulent tenir le gouvernail, cette page amusante où la phrase s’en va tout de guingois, à l’instar du navire dont elle décrit la marche tourmentée :

Figure-toi ceci, qui peut arriver à une flottille ou à un seul navire. D’une part, un capitaine supérieur à tous les hommes du bord en taille et en force, mais un peu sourd, un peu myope et dont les connaissances nautiques sont à l’avenant. D’autre part, des matelots qui se disputent la direction du navire, chacun croyant qu’elle lui revient de droit, sans avoir jamais appris cet art, sans pouvoir indiquer qui a été son maître ni quand il a fait ses études ; qui soutiennent en outre que cela ne s’apprend pas, tout prêts à mettre en pièces quiconque dirait le contraire ; qui ne pensent qu’à harceler le bonhomme de capitaine et font tout pour qu’il leur cède la barre ; qui, de temps en temps, s’il ne les écoute pas et en écoute d’autres, tuent les autres ou les jettent par-dessus bord et abrutissent le généreux capitaine de mandragore, de vin ou de n’importe quoi, prennent le commandement du navire et disposant de tout ce qui s’y trouve, se saoulent et se gavent, naviguent comme on peut, le faire en cet étal, vantant d’ailleurs comme bon marin, bon pilote, fin connaisseur en l’art nautique celui qui est capable de les aider à obtenir le commandement de gré ou de force à la place du capitaine et vitupérant comme un propre à rien celui qui s’y refuse, n’ayant pas la moindre idée de ce qu’est le vrai pilote, ne sachant pas qu’il doit s’occuper de l’année, des saisons, du ciel, des astres, des vents et de tout ce qui concerne son art.... Quand les navires sont menés ainsi, ne penses tu pas que le véritable pilote est traité d’homme dans la lune, de bavard et d’être inutile ?[33]

Certes, la spirituelle critique du doctrinaire idéaliste appelle de fortes restrictions. Outre qu’elle cache une arrière-pensée, à savoir qu’à un philosophe seul devrait revenir la mission de gouverner les hommes, elle ne doit pats nous dissimuler un fait, l’aptitude dont le peuple athénien a donné maintes preuves en tout temps à faire de bons choix. Elle n’en est pas moins justifiée dans bien des cas par les luttes de l’Ecclésia, telles qu’elles apparaissent d’après les discours des orateurs. Si, dans les conflits d’idées, l’éloquence à la Pnyx atteint parfois le sublime, dans les discussions personnelles elle descend à un niveau déplorablement bas. Les plus grands, Démosthène comme les autres, prennent un plaisir haineux à lancer contre l’adversaire les plus viles injures, les imputations les plus infamantes, les calomnies les plus atroces, saris épargner sa vie privée, ni même celle de sa famille. On n’aurait pas remué tant de fange, si l’an avait redouté la réprobation générale. Mais ces duels à mort excitaient apparemment les mêmes émotions que les combats de pugilistes. Rares devaient être les gens de sens assez rassis pour s’apercevoir que de pareilles mœurs, en dégradant orateurs et auditeurs, déshonoraient la tribune et la cité même.

Une des accusations les plus usuelles et les plus graves que s’adressent les hommes de parti et qu’accueille volontiers la malignité publique est celle de corruption ou de vénalité. Nous touchons là à ce qui fut un des vices grecs. Déjà au Ve siècle, on voyait les personnages les plus éminents de Sparte, les rois mêmes, tendre la main vers les sacs d’or offerts par l’étranger, et, chez les Athéniens, non seulement la liberté de parole était paralysée dans les débats sur la politique extérieure par des suspicions trop faciles[34], mais le maniement des fonds publics, surtout des fonds secrets, était dangereux pour ceux qui en avaient la charge. Encore fallait-il en ce temps des faits précis pour donner corps aux soupçons. Mais au IVe siècle, quand les politiciens exercent un métier, quand un bon nombre d’entre eux, arrivés pauvres aux affaires, ‘étalent un luxe insolent et ont pignon sur rue, que peut bien penser le peuple à la vue de ces fortunes scandaleuses ? De loin en loin, il se fâche, il brandit les armes que lui fournit l’arsenal du droit pénal, eisangélie, actions criminelles en soustraction de deniers publics ou en réception de présents (γραρή κλοπής χρημάτων δημοσίων, δώρων, δωροξενίας). Mais ceux qui n’ont pas la conscience tranquille usent d’hypocrisie ou de cynisme pour désigner comme victime expiatoire quelqu’un de ces logographes qui gagnent leur vie à écrire des discours pour les autres[35], comme si la profession de ces avocats écrivains n’était pas encore la plus honnête qu’aient fait naître les nécessités de la vie politique et judiciaire. Lancée sur de fausses pistes, ne sachant plus trop où se prendre, la défiance universelle oscille entre la colère et le scepticisme. Toujours disposé à la philanthropie, le peuple applique à sa façon les lois qui défendent aux orateurs de tirer profit de leurs interventions à la tribune. Il admet que la liberté de penser et de parier implique le droit d’accepter de l’argent pour soutenir une opinion, pourvu qu’on soit sincère et qu’on ne nuise pas sciemment au pays[36]. Interprétation qui va loin, quand l’argent est envoyé du dehors. Eschine avait beau jeu. L’âne chargé d’or que le Macédonien envoyait dans les villes à sa convenance pouvait franchir les murailles d’Athènes au vu et au su de tout le monde. Ce ne fut pas une des moindres causes de ruine pour le régime de la cité.

Dirigée par des hommes qui trop souvent monnayaient leur talent sans souci de l’intérêt commun, la multitude exploitait sa souveraineté de façon à en tirer des profits matériels, fût-ce au détriment du trésor. Le principe qu’appliquait la démocratie athénienne n’est, d’ailleurs, spécial ni à Athènes ni à la démocratie. De tout temps, dans toutes les cités de la Grèce et sous tous les régimes, la souveraineté politique avait comporté des avantages économiques. On avait toujours admis, par exemple, que certains revenus extraordinaires de l’État, tels que les produits des mines, pouvaient être partagés entre les citoyens : c’est ce que faisaient les Siphniens au VIe siècle[37]. Mais la façon différente dont les Athéniens appliquèrent cette règle à cent quarante ans d’intervalle jette une lumière crue sur la transformation de l’esprit public ; en 483, à la demande de Thémistocle, ils rejetèrent les suggestions de l’égoïsme pour consacrer l’argent du Laurion à la construction d’une flotte, la flotte qui allait remporter la victoire de Salamine[38] ; peu avant la défaite de Chéronée, lorsque l’orateur Lycurgue eut fait prononcer la peine capitale et la confiscation contre un personnage qui avait acquis une fortune immense par l’exploitation illégale d’une concession, ils se répartirent les biens du condamné à raison de cinquante drachmes par tête[39].

Le parti qui détenait le pouvoir trouvait tout naturel de se réserver tous les revenants bons d’un pareil principe. Mais pourquoi se contenter d’un casuel aléatoire ? Ne pouvait-on pas transformer de vieilles institutions de façon à les accommoder à des besoins nouveaux ? Depuis le temps de Périclès, l’État accordait aux citoyens qui les demandaient les deux oboles perçues aux portes du théâtre : c’était la diôbélie des spectacles, le théôrique[40]. Plus tard, après le désastre de Sicile et l’occupation de Décélie par les Spartiates, sur la proposition de Cléophon, il avait accordé aux indigents une allocation quotidienne qui était également de deux oboles et qu’on appelait tout uniment la diôbélie[41]. D’ailleurs, de tout temps, il offrait régulièrement des hécatombes aux dieux et recevait parfois des princes étrangers comme cadeaux diplomatiques des cargaisons de blé[42] : autant d’occasions de faire d’abondantes distributions de viande et de grains. Pourquoi ne pas donner une organisation définitive et permanente à l’assistance publique, de manière à venir en aide aux citoyens besogneux, nu tout au moins à les régaler et à les amuser les jours de fête ? Quel meilleur emploi pour les excédents budgétaires ? Ainsi le théôrique aura sa caisse spéciale, alimentée d’année est année et chaque fois le plus largement possible : ne faut-il pas assurer au peuple le pain et le théâtre, panem et circenses ?

Au Ve siècle, quand on tenait encore à concilier les droits des citoyens avec ceux de la cité, on voyait déjà dans la misthophorie l’élément essentiel du gouvernement démocratique si bien que le premier acte de l’oligarchie triomphante avait été de la supprimer[43]. Une fois que la multitude ne songe plus qu’à la satisfaction des instincts égoïstes, c’est le théôrique qui devient la maîtresse pièce du régime. Quelques patriotes essaient bien encore de rappeler les nécessités de la défense nationale, d’opposer les stratiôtika aux théôrika : les excédents budgétaires deviennent l’enjeu de la partie qui se joue sur la Pnyx ; la lutte pathétique des intérêts personnels et de l’intérêt commun, ce drame d’où dépend le sort d’Athènes, se résume dans la concurrence de deux caisses. Niais, même les champions de la cité, sachant qu’elle ne peut plus subsister que par l’entente entre les riches et les pauvres, sont obligés de proclamer la valeur quasi constitutionnelle du théôrique : ils n’admettent pas qu’an en dise du mal, qu’on le blasphème, et demandent que tous le considèrent comme intangible[44]. Les démagogues se piquent de doter la caisse bien aimée de ressources nouvelles par la chasse aux fortunes ou par des tours de passe-passe financiers. Pour que tout le monde puisse assister aux trois représentations de tragédie, on donne à chacun une drachme, s’il y a moyen, au lieu de deux oboles[45]. Puis, le théorique est élevé à cinq drachmes et distribué, non plus seulement à l’occasion des Dionysies et des Panathénées, avais aux fêtes en général[46]. Il y a mieux : Démade se fait gloire d’avoir procuré à chaque citoyen une demi-mine pour célébrer dignement la joyeuse journée des Pots[47].

Point u’était besoin d’une moralité bien scrupuleuse pour désapprouver le système. Il se condamnait lui-même, par l’impossibilité d’arriver à ses fins malgré les surenchères. Une stricte observation des faits et des chiffres vérifie ces pensées pessimistes d’Aristote : La méchanceté des hommes les rend insatiables : pour commencer ils se contentent de deux oboles ; la, tradition une fois établie, leurs besoins s’accroissent sans cesse, jusqu’à ce qu’ils ne connaissent plus de bornes ; car la cupidité est insatiable de nature, et la plupart des hommes ne vivent que pour l’assouvir... On partage les excédents, et les besoins restent les mêmes : c’est un tonneau sans fond qu’un pareil secours aux indigents[48]. Démade lui-même, qui avait l’expérience des distributions démagogiques, appelait le théôrique la glu de la démocratie[49]. Toujours insuffisant, toujours augmenté, le fonds de l’assistance sociale corrompait le régime, dissipait en sportules les ressources nécessaires aux services essentiels, menait aux abîmes le trésor et la cité.

Et c’est bien à l’Ecclésia que remonte la responsabilité du mal. Mous avons sur ce point un témoin inattendu, l’adversaire de Démosthène, Eschine. En un jour d’indignation moins vertueuse qu’intéressée, l’habile rhéteur trouve un mot qui porte. Il parle de séances où les hommes politiques se font décerner par le peuple toutes sortes d’honneurs : On en sort, dit-il, non pas comme d’assemblées délibératives, mais comme de réunions d’actionnaires après distribution des surplus (ώσπερ έκ τών έράνων τά περιόντα νειμάμενοι)[50]. Oui, la république est vraiment devenue un éranos, et l’on peut entendre par là une société de secours mutuels qui demande  aux uns de quoi fournir aux autres leurs moyens d’existence. Par un renversement étrange des relations qui semblaient naturelles jadis, ce ne sont plus les citoyens qui ont à remplir le devoir filial envers la cité, c’est la cité qui est tenue de l’obligation alimentaire envers les citoyens, comme les enfants le sont envers les parents[51].

II. — LES OBLIGATIONS JUDICIAIRES, FISCALES ET MILITAIRES.

Tout se tient dans la vie publique. Cette prépondérance de l’intérêt personnel, qui altérait jusqu’à la notion de cité, ne pouvait pas peser sur les délibérations de l’Ecclésia sans détraquer les administrations qui avaient pour ressort le sentiment civique. Elle devait nuire au recrutement des juges et, tout spécialement, désorganiser l’armée et les finances.

Dans les premières années du IVe siècle, quand la pénurie du trésor empêchait le rétablissement de la solde judiciaire, les héliastes se faisaient tellement rares, qu’on dut les autoriser à se faire inscrire dans plusieurs sections. On put renoncer à cet expédient en leur rendant le triobole ; mais, même alors, on n’eut plus les mêmes facilités que jadis pour garnir les dicastères. Au lieu de limiter le nombre des jurés à six mille, il fallut permettre à tous les citoyens qui remplissaient les conditions légales de se faire inscrire et assermenter à titre de dicastes. Au lieu de les répartir par tribus, comme on faisait dans toutes les autres administrations, il fallut les classer à peu près également par sections, en ne tenant compte que des nécessités du service. Un document nous donne, d’ailleurs, un renseignement précis sur la répugnance qu’éprouvaient les Athéniens, dans la seconde moitié du IVe siècle, à remplir leur devoir de juges. Sur la liste des arbitres publics qui siégèrent en 325/4 figurent 103 noms. Elle devrait contenir les noms de tous les citoyens qui, dans l’année, avaient atteint l’âge de soixante ans, c’est-à-dire d’environ 1 p.100 des 23-25.000 citoyens que renfermait alors Athènes[52]. Nous voyous par cet exemple que plus de la moitié de ceux qui avaient à remplir une fonction obligatoire trouvaient moyen de s’en faire dispenser.

Les Athéniens du IVe siècle répugnaient bien plus encore au devoir fiscal. L’histoire financière de cette époque présente, en effet, un spectacle singulier. L’État, que des guerres perpétuelles réduisent à une perpétuelle pénurie, s’évertue à trouver de nouvelles ressources : il double les impôts indirects, le centième sur l’importation et l’exportation, le centième sur les ventes immobilières[53] ; il recourt le plus souvent possible à la contribution extraordinaire de guerre, de façon à en faire presque une contribution ordinaire ; il organise la triérarchie, de manière à convertir une prestation en un impôt direct ; il fait appel aux contributions volontaires ; en désespoir de cause, il multiplie les confiscations et charge les généraux de nourrir la guerre aux dépens du pays ennemi ou même ami. Aussi les hommes d’État qui restent le plus longtemps au pouvoir sont-ils des financiers de premier ordre. Callistratos d’Aphidna organise le trésor de la seconde confédération ; Eubule sauve Athènes de la banqueroute après la guerre sociale ; Lycurgue pare à toutes les difficultés causées par le désastre de Chéronée. Instruite par l’expérience, la démocratie athénienne renonce même, en faveur des hauts fonctionnaires de l’ordre financier, aux principes du tirage au sort, de l’annualité et de la collégialité. les administrateurs du théôrique et le trésorier unique de la caisse militaire sont élus pour quatre ans[54]. Tandis que les philosophes et les publicistes, Platon et Aristote, Xénophon et Isocrate, sont poussés par la préoccupation générale à jeter les bases de la science économique, des particuliers s’ingénient à chercher les moyens de remplir le trésor public : ils proposent à l’État de se faire constructeur d’hôtelleries, de magasins, de vaisseaux marchands, de louer les esclaves par milliers pour les mines, de créer la régie du sel ou le monopole du plomb[55]. Ah ! les beaux efforts pour venir en aide à la patrie ! Il n’y a qu’un malheur, c’est que les contribuables s’esquivent à qui mieux mieux et que la matière imposable se volatilise.

C’est ce conflit entre les exigences de l’intérêt public et la carence des bourses réfractaires, conflit plus moral encore qu’économique, qui explique les transformations successives de l’eisphora.

Depuis que l’intervention de l’or perse avait changé la guerre du Péloponnèse en une guerre d’argent, bon gré mal gré Athènes avait dû recourir fréquemment à cet impôt extraordinaire. Lorsqu’en 378 elle résolut de reconstituer la confédération maritime, elle avisa aux moyens d’en tirer le plus possible. Est-ce dans les sombres années qui terminèrent le Ve siècle, ou une trentaine d’années après, qu’elle augmenta le nombre des assujettis ? On ne sait. Toujours est-il que le taux du cens qui marquait la limite entre Ies zeugites et les thètes, entre les imposables de la dernière classe et les exemptés, fut abaissé de 200 drachmes à 150[56] : les listes des contribuables et des hoplites s’allongèrent d’autant. C’est alors aussi, puisqu’on demandait l’eisphora à un plus grand nombre de citoyens, que par esprit d’équité on en fit un impôt progressif ou plutôt dégressif. En un temps où l’on admettait qu’un capital équivalait à douze années de revenu, on capitalisa les revenus à raison de 12 annuités pour les pentacosiomédimnes, de 10 pour les chevaliers, de 6 2/3 pour les zeugites, sans tenir compte des fortunes inférieures à 1.800 drachmes. Le capital imposable se confondait donc avec le capital réel pour la première classe, mais était réduit d’un sixième pour la deuxième et d’un tiers pour la troisième. Selon la classe, il était au minimum de 6.000, de 3.000 ou de 1.000 drachmes[57]. Proportionnel au capital imposable et admettant des exemptions à la base, l’impôt était par cela même fortement dégressif ; d’autre part, avec des apparences d’impôt sur le capital, c’était en réalité un impôt sur le revenu. Nous savons que le montant des rôles, lors du premier recensement, qui se fit en 378/7, était de 5.750 talents ; il resta toujours, durant le IVe siècle, aux environs de 6.000 talents[58]. Même à un taux modéré, l’eisphora pouvait, avec cette organisation, assurer à la cité d’amples ressources.

Mais il fallait compter avec les fuites, plus ou moins frauduleuses. Pour la confection des rôles (διαγράμματα), on s’en fiait aux déclarations des contribuables. La cédule des biens-fonds pouvait encore être soumise à un contrôle assez, sérieux, celui des démarques qui tenaient à jour une sorte de cadastre (άπογραφή) et pouvaient estimer les rendements. La valeur de la propriété bâtie pouvait être fixée raisonnablement d’après le loyer. De même, le cheptel et les esclaves pouvaient être estimés d’après leur nombre et leur état physique[59]. Mais quelle garantie avait le fisc sur la sincérité des déclarations relatives aux revenus mobiliers, aux biens non apparents (άφανή) ? C’est bien parce qu’on ne se gênait guère pour dissimuler (άφανίζειν, άποκρύπτεσθαι) que les plaideurs se faisaient si souvent un mérite de payer régulièrement leurs contributions.

Cependant, en 37817, en même temps peut-être qu’on réorganisait les classes censitaires, on prit une mesure énergique pour faciliter la rentrée de l’eisphora et en améliorer la répartition. Les contribuables furent groupés dans vingt symmories, de telle façon que les symmories eussent toutes à payer pour la même fraction de capital imposable la même part d’impôt. Chacune d’elles devait se charger de la perception, chacune étant responsable de son dû. L’État croyait n’avoir plus qu’à fixer un total et à le toucher, sous condition de remanier de temps en temps les symmories d’après les revirements de fortune et les partages de succession. Aulx symmories de s’arranger. Mais ce n’était pas chose aisée : les petits contribuables trouvaient toujours de bonnes raisons pour se faire exempter ; les gros étaient obligés de faire preuve de civisme en dépassant pour la progression du capital imposable les prescriptions légales. Timothée, dont la fortune était très grande, s’engageait à payer le cinquième de son revenu, et les tuteurs de Démosthène, dans un élan de générosité qui ne leur coûtait rien, en firent autant au nom de leur pupille[60]. Malgré tout, il y avait des récalcitrants qu’il fallait poursuivre en justice, des insolvables que leur symmorie abandonnait à leur responsabilité personnelle. Bref, les arriérés traînaient désespérément d’année en année.

En 362 au plus tard, on dut réorganiser l’institution, en vue d’assurer l’Etat contre tout risque de déficit. Sur les 1.200 citoyens qu’on fit entrer dans les vingt symmories, à raison de 60 dans chacune, les plus riches, au nombre de 300, furent répartis entre elles, à raison de 15. Les 300 devaient faire au fisc l’avance de l’eisphora et se rattraper au cours de l’année sur les assujettis de seconde catégorie on leur imposait ainsi une liturgie extraordinaire, analogue à la triérarchie, la proeisphora. Cette fois, l’État se tenait pour assuré d’avoir à jour fixe les sommes qu’il demandait. Cette fois encore, il eut des déceptions. En 355, il fallait nommer une commission à la tête de laquelle était placé Androtion, pour faire rentrer les arriérés qui s’étaient accumulés depuis 378. A la tête de la police, Androtion traqua les reliquataires, viola leur domicile, saisit leur mobilier et les traîna en prison, quand ils ne réussissaient pas à se cacher sous les lits ou à s’enfuir par les toits[61]. Mais l’administration financière avait beau s’ingénier et user de rigueur ; la mauvaise volonté des contribuables était la plus forte. Démosthène, en 354, s’écriait avec désespoir :

Voyez notre cité tout entière. Par les richesses qu’elle renferme, elle égale ou peu s’en faut toutes les autres cites réunies ; tuais ceux qui les possèdent ont l’esprit ainsi fait que, même si tous les orateurs annonçaient cette terrible nouvelle, que le roi va venir, qu’il n’y a pas moyen de détourner le cours des choses,... non seulement ils ne verseraient pas l’eisphora, mais ils dissimuleraient leur avoir et en nieraient l’existence[62].

Cet abaissement de la moralité civique apparaît en pleine lumière dans l’histoire de l’institution qui implique à la fois le devoir fiscal et le devoir militaire, la triérarchie.

A l’origine, la charge de la triérarchie était imposée à un seul citoyen par navire et ne pouvait lui revenir qu’après un intervalle de deux ans. Mais, pendant la guerre de Décélie, les triérarques furent autorisés à s’associer deux à deux pour tune aussi forte dépense : c’est ce qu’on appelait la syntriérarchie[63]. Le système de la triérarchie simple et celui de loi syntrièrarchie fonctionnaient simultanément ; c’était affaire aux prestataires de régler par de libres conventions les questions d’équipement et de commandement[64]. Au fond, le soulagement n’était pas grand pour eux : partagée en deux, la charge revenait deux fois plus souvent. On la supporta tant que la flotte ne comprenait qu’une centaine de bateaux et que les armements étaient rares. Mais lorsque Athènes reconstitua la confédération maritime, en 378/7, elle dut construire à force et décréter des expéditions annuelles. En 357/6, au moment où éclata la guerre sociale, elle possédait 283 trières, peut-être même 383. Elle avait beau faire appel aux bons citoyens disposés, comme Démosthène, à se mettre en avant hors tour[65] ; les bonnes volontés se faisaient rares. La plupart cherchaient à s’en tirer au plus bas prix. La spéculation s’en mêla. Des entrepreneurs prenaient à forfait les obligations de la triérarchie ; s’ils y gagnaient, c’est qu’ils fournissaient des agrès de rebut. Nous savons, par exemple, que Démosthène fut forcé par des manœuvres dolosives d’endosser un contrat de ce genre[66]. Ce qui était plus grave encore, c’est que les triérarques se procuraient des remplaçants en temps de guerre : en 361, Aristophon d’Azènia en accusa plusieurs de trahison et de lâcheté et requit contre eux la peine de mort[67].

Il fallait aviser, On décida d’augmenter le nombre des prestataires en demandant une part proportionnelle aux fortunes plus modestes. Tel fut l’objet d’une loi proposée par Périandre. Cette loi appliquait à la triérarchie le régime des symmories, tel qu’il existait depuis 362. Il y eut donc vingt symmories triérarchiques. Chacune comprenait soixante membres rangés par classes d’après leur fortune, dont quinze en tête de liste. Chacune avait son chef ou hègémôn, dont elle portait le nom, son administrateur ou épimélète. Une commission de Vingt (les vingt hégémones ou les vingt épimélètes) s’adjoignait aux stratèges pour répartir les charges triérarchiques entre lés symmories. Les navires, que l’État assignait jadis directement, un par un, à un ou deux triérarques, étaient désormais distribués par les symmories comme elles l’entendaient. L’effort qu’elles devaient fournir était plus ou moins grand, scion l’importance de l’armement décrété : pour tel navire, surtout en temps de paix, quand la dépense n’était pas trop forte, la symmorie désignait un seul triérarque ; pour tel autre, surtout en temps de guerre, elle désignait un nombre variable d’associés (συντελεΐς), nombre qu’on voit porté jusqu’à seize[68].

Au premier abord, la réforme de Périandre semble marquer un progrès financier, puisqu’elle répartissait sur plusieurs la charge qui pesait auparavant sur un ou deux et qu’elle transformait, en somme, une liturgie en impôt direct. Cependant, même au point de vue fiscal, les résultats du système restèrent de beaucoup au-dessous de ce qu’on en attendait. Sur les douze cents inscrits, un grand nombre bénéficiaient de dispenses temporaires, tels que les veuves, les filles épiclères, les clérouques, les héritiers demeurés dans l’indivision. Démosthène compte 480 dispenses de ce genre[69]. D’autres demandaient leur radiation pour revers de fortune. En fait, la liste n’était jamais complète, et des centaines de noms n’y figuraient que pour mémoire. Mais le système présentait bien d’autres inconvénients. Au point de vue politique, il soulageait la classe la plus riche en grevant la partie la plus aisée de la classe moyenne. I1 eut des conséquences plus graves encore au point de vue national. En dispersant ‘la responsabilité du commandement, on l’annulait et on créait d’incessants conflits. Au lieu d’être animés, comme jadis, d’une émulation patriotique qui donnait à chacun la fierté de son œuvre, les prestataires n’étaient plus guidés que par les plus vils motifs d’intérêt personnel.

A elle seule, l’histoire de la triérarchie suffirait à montrer combien l’Athènes du IVe siècle éprouvait de difficulté, devant le fléchissement de l’esprit public, à organiser sérieusement sa défense. Mais il s’agit là d’un fait grave, qu’il faut examiner de plus près.

L’éducation donnée aux jeunes gens ne procurait plus à la république les forces militaires dont elle avait besoin. Dès le Ve siècle, les Athéniens, se comparant aux Spartiates, se vantaient de compter moins, à l’heure du danger, sur un long entraînement à la guerre que sur leur courage naturel. Confiance dangereuse. Elle se justifiait tant bien que mal à une époque où la culture de l’esprit se conciliait encore avec le goût de l’action et l’habitude des exercices physiques[70]. Pourtant Aristophane se répand déjà en plaintes amères contre les mœurs introduites par les sophistes et regrette le ternes au les enfants allaient à l’école sans manteau sous la neige, où les jeunes gens prenaient leurs ébats sous les oliviers du gymnase, fleurant bon le smilax et les bourgeons de peuplier, se faisant une poitrine robuste, un teint clair et des épaules larges[71]. Ce fut bien pis par la suite.

L’école socratique fit tout ce qu’elle put pour réagir. Le maigre tenta de réveiller l’esprit militaire chez ses compatriotes, insistant sur les qualités et les connaissances nécessaires à l’officier et au général, demandant à l’homme politique d’étudier les ressources matérielles des divers États, exhortant les simples particuliers à se mettre physiquement en état de venir au secours de la cité[72]. Les disciples crurent devoir s’attaquer à la source même du mal, le droit laissé au père de famille de diriger à son gré l’éducation de ses enfants. Platon, pour qui tout élément individuel doit être éliminé de la république idéale ou simplement saine, proclame l’obligation scolaire avec ou sans le consentement des parents[73] ; Aristote déclare que c’est affaire à la loi de régler les questions d’éducation et veut que l’école publique et unique, dont il est partisan, se modèle sur les principes de la constitution[74]. Tous les deux attachent la plus grande importance aux exercices du corps et demandent qu’ils soient conçus en vue d’une forte préparation au service militaire[75] ? car l’éducation apporte la victoire[76].

Mais, au grand regret des philosophes, la liberté des familles était complète. Elles en usaient pour donner à l’éducation un caractère exclusivement utilitaire, contre quoi proteste Aristote[77]. C’est bien par des raisons d’intérêt personnel qu’Isocrate défend le système d’éducation privée : Impossible de prescrire les mêmes exercices à tous, à cause de l’inégalité des fortunes ; il faut donc que chacun reçoive urne éducation proportionnée à ses moyens : ceux qui ont une petite situation doivent être poussés vers la culture et le commerce ; les fils des riches doivent s’occuper d’équitation, de gymnastique, de chasse et de philosophie[78]. En réalité, la gymnastique est délaissée dans toutes les classes de la société, et Isocrate la dédaigne tout le premier[79]. Elle est de plus en plus l’affaire de spécialistes, de professionnels (άθληταί) s’opposant aux amateurs (ίδιώται)[80].

Ce déclin de l’esprit militaire et de l’éducation Physique n’est pals spécial aux Athéniens ; il s’observe dans la Grèce presque tout entière, pour cette bonne raison qu’il résulte fatalement dans toutes les sociétés du développement économique et intellectuel. Il y avait longtemps que les Ioniens, gâtés par la fortune, se résignaient à la servitude par impatience de la fatigue et du pleur soleil ; c’était un fait reconnu qu’on ne pouvait pas compter sur leurs troupes[81]. Les autres Grecs les méprisaient alors ; maintenant ils les imitent. En 383, au temps où Sparte luttait encore pour l’hégémonie, la ligue péloponnésienne dut autoriser les villes à se racheter du service militaire et leur infliger une amende pour chaque homme qui manquait à leur contingent[82]. La gymnastique, art national s’il en fut, n’est plus guère pratiquée que dans les pays pauvres ou isolés : si la foule accourt de partout aux concours panhelléniques, les vainqueurs d’Olympie sont tous des Arcadiens ou des Thessaliens. Le mai est donc devenu général ; mais c’est dans la capitale du commerce et des lettres qu’il fut le plus profond et, en tout cas, le plus visible.

Quand Athènes, après avoir dd supprimer quelque temps, sous l’hégémonie de Sparte, toute préparation à la guerre, se voit forcée par les événements politiques de reconstituer son armée, les résultats de ses efforts sont piteux. La masse des citoyens se moque de ceux qui se singularisent en cherchant à se donner une complexion vigoureuse. Hoplites et cavaliers aiment trop leurs aises pour se plier à la discipline[83]. Tous Ies prétextes sont bons pour se dérober au devoir militaire. On se fait gloire de l’accomplir, comme d’un acte méritoire. Eschine, dans la péroraison de son apologie, mentionne ses deux années de service comme un titre exceptionnel et s’oppose implicitement à Démosthène, qui n’en pourrait dire autant[84]. A mesure que diminue dans l’armée le nombre des citoyens, augmente celui des mercenaires. La Grèce entière est remplie alors de vagabonds et de bannis qui louent leurs bras aux plus offrants ; ils suivent avec enthousiasme le condottiere qui leur promet, avec urge solde régulière, de lucratives victoires.

Athènes recourt à eux, comme les autres cités. Bien des protestations s’élèvent contre un pareil état de choses. Quand les Athéniens ont pour la seconde fois perdu leur empire, Isocrate leur indique la principale cause de leur infortune : remplacement de l’armée nationale par une multitude de déracinés, de transfuges et de criminels, soldes prodiguées à des étrangers par un trésor incapable de soulager la misère du peuple. Comme remède, le rhéteur propose le retour à la tradition : aux citoyens de défendre le pays de leurs corps, au lieu de s’infliger la honte de servir comme rameurs en laissant à d’autres le soin de combattre. Vers la même époque, Xénophon propose même qu’on dispense les métèques de servir comme hoplites, parce qu’une infanterie où les citoyens ne seraient pas confondus avec une tourbe hétérogène n’en serait que meilleure, et qu’un peuple se fait grand honneur de compter moins sur l’aide étrangère que sur sa propre valeur. Cette réforme, Démosthène passe sa vie à la réclamer, niais en homme d’État forcé de tenir compte des faits et des idées : connaissant les nécessités de la guerre et le nombre d’hommes qu’elle exige, il voit bien qu’il est impossible désormais de renoncer complètement aux soldats de métier et de reconstituer une armée purement nationale ; il veut un noyau de citoyens, solide, bien exercé, bien payé, auquel s’agrégeront en temps et lieu des troupes mercenaires[85]. Dès lors, comme on vient de le voir, la grande question qui se pose devant la conscience de chacun et qui met aux prises les partis politiques est de savoir si les excédents budgétaires seront reversés clans la caisse du théôrique ou dans celle de l’armée, consacrés aux menus plaisirs du peuple ou à la défense. Démosthène ne l’emporta pas assez tôt pour empêcher le désastre de Chéronée. C’est au bord de l’abîme qu’Athènes chercha le salut dans une forte organisation de l’éphébie, un retour aux exercices gymnastiques et à l’apprentissage des armes[86]. Il était trop tard.

 

 

 



[1] Cf. ARISTOTE, Constitution d’Athènes, 40, 2.

[2] DÉMOSTHÈNE, C. Timocrate, 135 ; DINARQUE, C. Aristogiton, 2.

[3] HYPÉRIDE, P. Euxénippe, 18.

[4] ESCHINE, Ambassade, 6 ; cf. 194.

[5] Cf. CAILLEMER, DA, art. Eisaggélia ; CXI, p. 312 ss.

[6] HYPÉRIDE, l. c., 2.

[7] ARISTOTE, op. c., 8, 4.

[8] Id., ibid., 29, 4.

[9] Id., ibid., 43, 4 ; 59, 2.

[10] HYPÉRIDE, l. c., 21 ss.

[11] Id., ibid., 3 ; P. Lycophron, X, 5 ss. ; cf. XCV, p. 135 ss.

[12] Sur le nomothètes, voir DÉMOSTHÈNE, C. Timocrate, 18, 20-27, 33, 47 s. ; C. Leptine, 88 ss., 93, 98 s., 146 ; ESCHINE, C. Ctésiphon, 38-40 ; RIG, n° 1459, 1462, 1465, 107, 108 ; IG, t. II, Suppl., n° 128 b. Cf. R. SCHŒLL, Ueb. att. Gesetzgebung (Sb. MA, 1886, p. 83 ss.) ; P. FOUCART, JHS, 1902, p. 177 A. ELTLER, Ein att. Gezelz üb. die Eleusinische Aparche, Bonn, 1914, p. 8 ss. ; CVI, t. I, p. 383 ss. ; J. H. LIPSIUS, Zur att. Nomothesie (Bph. W, 1917, p. 909 ss.) ; W. BANNIER, Zu den att. Gesetzänderungen (ibid., 1918, p. 1215 ss.) ; VII, p. 462 ss., 1011 ss.

[13] RIG, n° 1462, 108 ; IG, l. c.

[14] RIG, n° 1466, 107 ; cf. IG, t. II, n° 162.

[15] Cf. H. USENER, Preussische Jahrbücher, t. LIII (1884), p. 22 ; HAUSSOULLIER, édit. d’Aristote, Const. d’Ath., p. XXVI.

[16] ISOCRATE, Aréopagitique, 38.

[17] ARISTOTE, op. c., 41, 3.

[18] ARISTOTE, Politique, VI (IV), 10, G.

[19] ARISTOTE, Constitution d’Athènes, l. c. La réforme complète était accomplie en 392 (ARISTOPHANE, Assemblée des femmes, 184 ss., 309 ss., etc.).

[20] ARISTOTE, op. c., 62, 2.

[21] PLATON, Gorgias, p. 515 e.

[22] ARISTOTE, Politique, l. c., 5, 5.

[23] Cf. ARISTOPHANE, l. c., 282 ss., 285 ss., 380 ss., 390 s., 578.

[24] ARISTOTE, Constitution d’Athènes, 44, 2-3.

[25] Id., ibid., 3.

[26] Id., ibid., 30, 4 ; THUCYDIDE, VIII, 67, 3 ; IG, t. II, Add., p. 396, n° 1 c.

[27] Voir REG, t. XXXIV (1821), p. 1-18.

[28] Cf. CXIII, p. 63-74.

[29] Cf. CXXI.

[30] HYPÉRIDE, C. Démosthène, p. 102 b.

[31] Ps. DÉMOSTHÈNE, C. Aristog., I, 40 ; THÉOPHRASTE, Caractères, 29, 3 ; ARISTOPHANE, Cavaliers, 1023 ; cf. XÉNOPHON, Mémorables, II, 9, 1.

[32] ISOCRATE, Paix, 129 ss.

[33] PLATON, République, VI, p. 288.

[34] THUCYDIDE, III, 92.

[35] ESCHINE, Ambassade, 165 ; cf. DINARQUE, C. Démosthène, III.

[36] HYPÉRIDE, l. c., p. 110 b.

[37] HÉRODOTE, III, 57.

[38] HÉRODOTE, VII, 144 ; ARISTOTE, op. c., 22, 7.

[39] Ps. PLUTARQUE, Vie des dix orateurs, Lycurgue, 34, p. 843 d.

[40] PLUTARQUE, Périclès, 9 ; PHILOCH., fr. 85 (FHG, t. I, p. 397).

[41] ARISTOTE, op. c., 28, 3 ; RIG, n° 569.

[42] PLUTARQUE, l. c., 37 ; ARISTOPHANE, Guêpes, 716 et Schol.

[43] THUCYDIDE, VIII, 87 ; ARISTOTE, op. c., 30, 1.

[44] DÉMOSTHÉNE, Philippiques, IV, 36 ss. ; cf. ARISTOTE, Pol., VII (VI), 3, 4.

[45] SUIDAS, s. v. δραχμή χαλαζώσα ; DÉMOSTHÈNE, P. la cour., 28.

[46] HYPÉRIDE, l. c., p. 110 c ; DÉMOSTHÈNE, Olynthiennes, I, 20 ; C. Léocharès, 37.

[47] PLUTARQUE, Prœc. ger, reip., 25, 1, p. 818 f.

[48] ARISTOTE, Pol., II, 4, 11 ; VII (VI), 3, 4.

[49] PLUTARQUE, Platon. quæst., 4, 4, p. 1011 b.

[50] ESCHINE, C. Ctésiphon, 251.

[51] PLATON, Critias, p. 50 à ss. ; DÉMOSTHÈNE, Philippiques, IV, 41.

[52] RIG, n° 1029 ; cf. XXXII, t. I, p. 435.

[53] Ps. XÉNOPHON, Rép. d’Ath., I, 17 ; RIG, n° 564 ss.

[54] ARISTOTE, Const. d’Ath., 43, 1.

[55] XÉNOPHON, Revenus, III, 12-14 ; IV, 13 ss. ; ARISTOPHANE, Assemblée des femmes, 814 et Schol. ; Ps. ARISTOTE, Économique, II, 2, 3 et 36.

[56] Ps. DÉMOSTHÈNE, C. Macart., 54.

[57] Texte capital : POLLUX, VIII, 130. Cf. LÉCRIVAIN, DA, art. Eisphora ; P. GUIRAUD, Ét. écon. sur l’ant., p. 77 ss. ; XXV, p. 25 ss.

[58] POLYBE, II, 62, 7 ; DÉMOSTHÈNE, S. les symmories, 19, 30 ; PHILOCH., fr. 151 (FHG, t. I, p. 409).

[59] Cf. RIG, n° 1354, l. 24 ss. ; 1351, l. 7 ss. ; 1355, l. 25 ss.

[60] DÉMOSTHÈNE, C. Aphobos, I, 7.

[61] Id., C. Androtion, 49 ss.

[62] S. les symmories, 25.

[63] LYSIAS, C. Diogeiton, 24 ; ISOCRATE, C. Callimaque, 60.

[64] LYSIAS, S. la succ. de Dikaiog., 26 ; Ps. DÉMOSTHÈNE, C. Polycl., 39, 68.

[65] DÉMOSTHÈNE, C. Midias, 161 ; P. la cour., 99 ; RIG, n° 601, l. 27.

[66] DÉMOSTHÈNE, C. Aphobos, II, 17.

[67] DÉMOSTHÈNE, C. Midias, 84, 165.

[68] DÉMOSTHÈNE, C. Evergos, 21 ss., 44, 78 ; P. la cour., 103 ; IG, t. II, n° 793 b, 795 f, 803 c, e, f, 804 b.

[69] DÉMOSTHÈNE, S. les Symmories, 16.

[70] THUCYDIDE, II, 89, 40.

[71] ARISTOPHANE, Nuées, 965, 1002 ss. ; cf. Grenouilles, 1088.

[72] XÉNOPHON, Mémorables, III, 1-6.

[73] PLATON, Lois, VII, p. 804 c-d.

[74] ARISTOTE, Pol., V (VIII), 1, 1-3 : Comme la cité n’a qu’un seul et même but, l’éducation doit être identique pour tous ; elle doit donc être l’affaire de l’État, et non celte des particuliers ; VIII (V), 7, 20 : Le point capital pour la stabilité de l’État, bien que totalement négligé de nos jours, est de conformer l’éducation à la constitution.

[75] PLATON, l. c., p. 794 c, 804 c ; Rép., p. 429 e, 537 b ; ARISTOTE, Pol., VIII (V), 3, 3.

[76] PLATON, Lois, I, p. 641 e.

[77] ARISTOTE, Pol., V (VIII), 1, 4-3, 2.

[78] Aréopagitique, 44.

[79] XÉNOPHON, Mémorables, III, 5, 15 ; ISOCRATE, Panégyrique, 2.

[80] XÉNOPHON, Mémorables, III, 7, 7 ; Hiéron, IV, 6. Cf. Norman GANDINER, Greek athletic apports and festivals, p. 136 ss.

[81] HÉRODOTE, VI, 12 ; THUCYDIDE, I, 124 ; V, 9 ; VI, 77 ; VIII, 25 ; XÉNOPHON, Helléniques, III, 2, 17.

[82] XÉNOPHON, Helléniques, V, 2, 21.

[83] XÉNOPHON, Mémorables, III, 5, 15 et 19.

[84] ESCHINE, Ambassade, 167.

[85] ISOCRATE, Paix, 48-48 ; XÉNOPHON, Revenus, II, 3-4 ; DÉMOSTHÈNE, S. les symmories, 15 ; Philippiques, IV, 46 ; Olynthiennes, I, 20 ; III, 11, 19.

[86] ARISTOTE, Constitution d’Athènes, 42, 2-5. La première en date des inscriptions éphébiques (RIG, n° 603) est de 334/3.