LA CITÉ GRECQUE

DEUXIÈME PARTIE. — LA CITÉ DÉMOCRATIQUE.

CHAPITRE IV. — LE CONSEIL.

 

 

I. — LES BOULEUTES.

Le démos est souverain, ses attributions sont universelles et ses pouvoirs illimités. Mais, selon la maxime de Lincoln qu’un fin connaisseur de l’antiquité ajustement appliquée à la démocratie athénienne, on peut faire qu’une partie du peuple gouverne constamment et que tout le peuple gouverne une partie du temps, mais on n’obtiendra jamais que tout le peuple gouverne tout le temps[1]. Pour que le dèmos pût fixer ses résolutions, il avait besoin que son travail fût préparé, que les décrets prissent une forme régulière avant de lui être soumis, qu’il pût voter sur des textes précis et mûrement pesés. D’autre part, il ne pouvait ni siéger erg permanence pour assurer dans le détail l’exécution de ses volontés et veiller sur les administrations pudiques, ni mener tout entier des négociations avec les représentants des puissances étrangères. Il devait donc confier une délégation de sa souveraineté à un corps investi d’un pouvoir délibératif (βουλεύειν) et placé à la tête du pouvoir exécutif (άρχειν). C’est ce corps que les Athéniens appelaient le Conseil, la Boulé, et qu’ils considéraient comme la première magistrature, la première άρχή, de la république. S’il y a donc quelque chose qui, dans la constitution athénienne, rappelle le système représentatif des Parlements modernes, ce n’est pas dans l’Ecclésia qu’il faut l’aller chercher, mais dans la Boulé.

Quand Clisthènes remplaça le vieux Conseil des Quatre Cents par celui des Cinq Cents (ή βουλή οί πεντακόσιοι) il lui donna une organisation roui, légèrement retouchée en 501, dura pendant des siècles[2]. Elle était si bien entrée dans les mœurs vers 465, qu’Athènes l’imposa aux Érythréens en ce temps, et le décret rendu à cette occasion[3] est même le plus ancien document qui nous la fasse connaître avec quelque détail. Les cinq cents sièges de conseillers sort répartis entre les dèmes, proportionnellement à leur importance et a raison de cinquante par tribu[4] ; sur les listes officielles, les bouleutes sont toujours classés par tribus et par dèmes. On peut donc vraiment dire de la Boulé qu’elle est le grand Conseil des communes, et c’est pourquoi les dénies, mène lorsqu’on leur enleva le droit d’intervenir dans le tirage au sort des magistrats, ne perdirent cependant pas le droit d’envoyer leurs représentants au Conseil. Les bouleutes sont tirés au sort par la fève (οί άπό τοΰ κυάμου βουλευταί)[5] parmi les dèmotes âgés de plus de trente ans[6] qui se portent candidats. A chacun d’eux on adjoint pas le même tirage au sort un suppléant (έπιλαχών), pour le cas où le siège deviendrait vacant pour quelque cause que ce soit[7]. On ne doit pas s’imaginer qu’il y eût une ruée die candidats vers les places de conseillers. Il fallait consacrer une année entière aux affaires publiques. Sans doute on était payé ? mais la rémunération ne devait pas être bien forte au Ve siècle et, au temps d’Aristote, elle m’était que de cinq oboles par jour pour les bouleutes ordinaires et d’une drachme pour les prytanes[8] (la moitié d’une journée d’ouvrier). De plus, les ambitieux dont la vie n’était pas irréprochable n’osaient pas se présenter, parce qu’ils redoutaient l’interrogatoire de la docimasie faite par le Conseil en charge et le procès qui pouvait s’ensuivre[9]. Aussi n’est-on pas étonné de vair que les gens de petite famille ou sans ressources sont bien loin de former la majorité dans la Boulé[10]. Même les gens aisés ou riches ne devaient guère regretter que la loi défendît d’être bouleute plus de deux fois[11], et cette dérogation à la règle ordinaire, qui interdisait toute itération de fonctions civiles, parait indiquer qu’on aurait éprouvé quelque difficulté à trouver tous les ares cinq cents bouleutes nouveaux. Étant donné ce qu’il en fallait en trente ou quarante ans, on s’aperçoit que tout Athénien honnête et de situation moyenne pouvait, s’il le désirait, faire partie du Conseil au moins un an dans sa vie.

Avant d’entrer en charge, les bouleutes devaient prêter serinent. En 501/0 fut fixée la formule de serment qui était encore en vigueur au temps d’Aristote[12]. D’après les fragments qu’on en a conservés, elle faisait allusion à chaque attribution, à chaque obligation de la charge. Le futur bouleute jurait d’exercer sa fonction conformément aux lois et au mieux des intérêts du peuple, de garder le secret sur les affaires d’État, de respecter la liberté individuelle en permettant aux citoyens d’échapper à la contrainte par corps par le cautionnement, sauf dans certains cas limitativement déterminés, de procéder à la docimasie des bouleutes et des archontes de l’année suivante. A cette formule s’ajoutèrent, par mesures de circonstance et pour plus ou moins longtemps, certains engagements spéciaux. Le décret de Dèmophantos, qui, après la chute des Quatre Cents, mit hors la loi tout auteur d’un attentat contre la démocratie, imposa un serment conforme à tous les citoyens et, en première ligne, aux bouleutes. En même temps, les bouleutes juraient d’observer un nouveau règlement, d’occuper dans le Bouleutérion la place assignée à chacun par le sort. Après la restauration de 403, ils jurèrent de respecter l’amnistie en n’acceptant ni dénonciation, ni prise de corps, sinon pour rupture de ban[13].

L’entrée en charge eut lieu, pendant un siècle, au commencement de l’année officielle : c’était l’année de 360 jours, celle que Clisthènes avait conformée à son système décimal et qui, malgré les années intercalaires, ne coïncidait pas avec l’année civile[14]. C’est ainsi qu’en 411/0 le Conseil devait entrer en fonctions le 14 du dernier mois[15]. Mais, en 408/7, on mit fin à cette anomalie, en supprimant le calendrier spécial. Le jour de l’entrée en charge, les conseillers offraient un sacrifice inaugural (έίσιτήρια) et ceignaient la couronne de myrte, insigne de leur caractère inviolable[16]. Dès lors, ils avaient droit à l’indemnité ; mais, comme ils n’étaient pas toujours assidus[17], ils recevaient seulement des jetons de présence (σύμβολα) qu’ils avaient à échanger ensuite contre de l’argent[18]. Outre ces émoluments, ils avaient certaines prérogatives : ils étaient exempts de service militaire l’année durant et avaient des puces d’honneur au théâtre[19].

Ces privilèges sont let compensation d’obligations et de responsabilités spéciales. Le corps exerce sur ses membres un pouvoir disciplinaire. Si l’un d’eux a commis un acte punissable, il peut être exclu pour indignité. On emploie pour ce genre de vote des feuilles d’olivier, d’où le nom de cette exclusion sommaire, ecphyllophoria. Le membre ainsi frappé peut en appeler de la Boulé à la Boulé mieux informée : alors s’engage un procès en forme. Ln cas de condamnation, la Boulé peut prononcer une amende dans la limite de sa compétence. Si elle juge que la sanction dont elle dispose ne suffit pas, elle doit renvoyer l’accusé devant les tribunaux populaires[20]. A sa sortie de chargea le Conseil tout entier doit rendre ses comptes au peuple. Mais, bien qu’il soit considéré comme une magistrature ordinaire, la reddition des comptes se fait pour lui d’après une procédure spéciale que voici. Chaque année, l’Assemblée donne au Conseil sortant un témoignage officiel de satisfaction ou de mécontentement : elle lui décerne une couronne d’or, à dédier dans un sanctuaire, ou la lui refuse. Jusqu’en 343/2, la question est mise à l’ordre du jour par les intéressés eux-mêmes ; après cette date, elle l’est par leurs successeurs. Dans la discussion qui s’engage à propos de la couronne, toute la gestion du Conseil est mise en cause. Il y a un cas où la loi interdit formellement d’honorer les conseillers sortants, celui où ils n’ont pas fait construire le nombre réglementaire de navires de guerre. Le refus de la récompense n’entraîne pour le Conseil en corps qu’une flétrissure morale ; mais toutes les responsabilités personnelles que fait apparaître la discussion sont soumises à l’examen d’un tribunal[21].

Le Conseil est convoqué par les prytanes, qui font afficher le programme et le lieu de la séance. En cas d’urgence, la convocation est faite par proclamation de héraut ou à son de trompe. En cas de danger public, le Conseil se tient réuni en permanence ; on le voit passer une huit entière sur l’Acropole, à l’exception des prytanes qui restent dans la Tholos. En temps normal, il siège tous les jours, excepté les gours fériés ou néfastes. Les séances ordinaires ont lieu dans le Bouleutérion, installé eu Sud de l’agora. Mais il y en a d’extraordinaires, qui se tiennent dans l’Éleusinion de la ville après la célébration des mystères, dans l’arsenal du Pirée pour les délibérations sur les constructions et les armements navals, sur la grande digue pour le départ de la flotte, ou encore sur l’Acropole[22].

En règle générale, les séances sont publiques. Les auditeurs ne sont séparés des conseillers que par une barrière. En cas de séance secrète[23], les prytanes envoient les archers placés sous leurs ordres repousser la barrière et tenir la foule a distance. Les particuliers n’ont accès au Conseil que s’ils sont introduits par les prytanes, pour raison d’intérêt public et quelquefois, disent les méchantes langues, moyennant cadeau[24]. Par exception, quand on procéda en 403/2 à la révision générale des lois, tous les citoyens furent autorisés par décret du peuple à y venir donner leur avis[25]. Pour les magistrats, la règle est la même ; mais il va de soi qu’ils ont de grandes facilités pour se faire introduire dans le Conseil et, en tout cas, pour lui présenter leurs rapports. Les stratèges, notamment, sont en relations constantes avec lui : ils sont mandés au Bouleutérion, et y ont leurs entrées de plein droit[26].

A l’intérieur du Bouleutérion, se trouve une place sacrée où se dressent, autour de l’autel dédié à Hestia Boulaia, les images de Zeus Boulaios, d’Héra Boulaia et d’Athéna Boulaia. C’est là que les conseillers préludent à la séance en se conciliant toutes les divinités de bon conseil par une offrande et une prière et en faisant lancer par le héraut une imprécation contre tout auteur de propositions trompeuses[27]. Puis, ils vont s’asseoir sur des bancs placés en face de la tribune. Depuis qu’or sait, par l’expérience du coup d’État oligarchique de 411, combien le groupement par partis est défavorable à la liberté de parole, les places sont assignées aux bouleutes par tribus, et chacun jure de n’en pas occuper d’autre que la sienne[28]. Les prytanes forment le bureau du Conseil, et leur épistate est le président de séance. A l’ordre du jour figurent, outre les questions qui doivent être rapportées à la prochaine réunion de l’Ecclésia, celles qu’y ont rattachées des résolutions antérieures du Conseil lui-même ou des décrets du peuple. Au reste, le Conseil reste toujours maître de son ordre du gour. Le bureau est armé d’un règlement assez sévère. Toute parole ou tout acte contraire au règlement peut être puni, la séance une fois levée, d’une amende de cinquante drachmes. :s’il s’agit d’un délit méritant une peine plus grave, le bureau fait une proposition en ce sens et remet l’affaire à la séance suivante, où une décision est prise au scrutin secret[29]. Rappelons que l’exclusion définitive peut être prononcée contre le délinquant.

II. — LES PRYTANES.

Le moment est venu d’examiner de plus prés le comité directeur de la Boulé, ces prytanes que nous avons vus à l’œuvre en plusieurs circonstances. Pas plus que l’Ecclésia, la Boulé des Cinq Cents ne pouvait siéger sans interruption durant une année entière. Il lui fallait, pour l’expédition des affaires courantes et lai préparation de ses travaux, une commission qui fit la permanence, un comité directeur. Mais le principe démocratique ne pouvait pas admettre qu’une année durant le Conseil, ce raccourci de l’Ecclésia, eût les marnes chefs. Or, il était composé de dix sections correspondant chacune à une tribu. Quoi de plus simple, de plus conforme aux idées constitutionnelles de Clisthènes, que de faire exercer la prytanie par chaque tribu à son tour ? A chacune, un dixième de l’année, L’ordre dans lequel les tribus devaient être ainsi à l’honneur était déterminé par le sort ; mais on ne sait pas s’il était fixé pour toute l’année au moment où le Conseil entrait en charge ou successivement au début des neuf premières prytanies[30]. Avec le calendrier officiel, la division de l’année en dix prytanies allait de soi : 364 jours les années ordinaires, 390 jours les années intercalaires, cela faisait exactement 36 ou 39 jours pour chaque tribu. Mais, lorsqu’en 408/7 an adopta pour la vie publique l’année civile de 354 ou de 384 jours, le partage égal devint impossible. D’après Aristote, on aurait décidé que les quatre premières prytanies seraient de 36 (ou 39) jours et les six dernières de 35 (ou 38) ; mais cette règle n’est appliquée que dans quelques-uns de nos documents[31], tandis que les autres présentent une grande variété dans la répartition des jours en surnombre[32].

Les prytanes logeaient dans un édifice spécial, voisin du Bouleutérion, la Skias, qu’on appelait aussi, à cause de sa forme en rotonde, la Tholos. Ils y prenaient leurs repas. Comme c’était pour eux un supplément de frais, ils touchaient une obole par jour de plus que les autres bouleutes (une drachme en tout), et leur épistate encore dix oboles en sus[33]. Sur l’autel élevé dans la Skias, ils offraient des sacrifices pour le salut du peuple[34]. Mais il ne faut pas établir de rapport entre le titre des prytanes et le nom du Prytanée, l’édifice où se trouvait le foyer commun et où la cité invitait ceux qu’elle voulait honorer. On ne doit pas non plus s’imaginer que la résidence à la Skias fût rigoureusement exigée des cinquante prytanes : la tribu comprenait trois trittyes, et c’est par tiers à tour de rôle que les prytanes montaient la garde[35].

Tous les jours était tiré au sort l’épistate des prytanes. Il exerçait sa haute fonction d’un coucher de soleil à l’autre et ne pouvait y être appelé qu’une fois. Sur Ies cinquante prytanes, trente-cinq au moins, et quelquefois trente-neuf obtenaient donc la présidence. C’est dire que l’Athénien moyen, puisqu’il avait bien des chances d’entrer au Conseil, s’il le voulait, en avait presque autant d’être président de la République un jour dans sa vie. Car il ne s’agissait de rien moins. L’épistate des prytanes, président de la Boulé et de l’Ecclésia, avait en sa possession, pendant une nuit et un jour, les clefs des temples où étaient le trésor et les archives ainsi que le sceau de l’État. Il garda ces privilèges même lorsqu’en 378/7 il céda la présidence des assemblées délibérantes à l’épistate des neuf proèdres tirés au sort parmi les bouleutes des tribus non prytanes.

On verra bientôt, par les attributions de la Boulé, ce que pouvaient être celles de sa commission permanente. C’est par l’intermédiaire des prytanes que la Boulé se met en rapports avec l’Ecclésia, les magistrats et les simples citoyens, avec les ambassadeurs et les hérauts étrangers. Ils convoquent en cas d’urgence le Conseil, l’Assemblée, les stratèges[36]. Ils introduisent au Conseil les personnages que le peuple ou qu’eux-mêmes jugent à propos d’y faire entendre. Devant eux se présentent, en général, tous ceux qui apportent des lettres ou des communications d’intérêt public[37]. S’ils ont des forcés de police à leur disposition, ce m’est pas seulement pour maintenir le bon ordre au Conseil et à l’Assemblée, trais aussi pour opérer les arrestations nécessitées par des flagrants délits préjudiciables à la cité[38]. Sur l’injonction de l’Assemblée, ils sont chargés, comme fondés de pouvoir de la Boulé, de déférer des stratèges aux tribunaux, de veiller à la restitution de sommes empruntées par l’État[39].

A raison de toutes ces fonctions, la tribu qui exerce la prytanie n’est pas seulement impliquée dans la responsabilité commune de la Boulé ; elle est encore responsable de ses actes propres, et chaque prytane de ses actes personnels. Aussi, à partir du IVe siècle, la Boulé et le peuple prennent-ils ]’habitude de décerner aux tribus prytanes une récompense à part, non pas à toutes indistinctement, comme on fera plus tard, mais à celle qui a remporté la victoire en méritant le mieux de la cité[40]. En revanche, la direction des débats à l’Assemblée expose le bureau à de graves reproches et même à des accusations formelles[41]. Les décrets mentionnent toujours le nom de l’épistate, pour qu’il puisse être recherché même après le vote acquis. Pourtant les prytanes ne sont pas liés solidairement. Socrate prouva dans des circonstances terribles que chacun d’eux pouvait se dégager de compromissions qu’il jugeait indignes de lui, et Démosthène nous dit que le fait d’offrir des libations ou des sacrifices en commun n’empêche pas les bons de se distinguer des méchants[42].

Pour mieux exercer ses multiples attributions, la Boulé nommait à mains levées ou par tirage au sort des commissions spéciales, les unes pour la durée de l’année, les autres pour le temps nécessaire à l’accomplissement de leur mission. De ce nombre étaient les rassembleurs ou syllogeis du peuple. Élus pour un an, ils étaient au nombre de trente, trois par tribu, un par trittys. Sous la présidence de la tribu prytane, ils s’adjoignaient aux six lexiarques pour contrôler les entrées à l’Assemblée. Leur rôle grandit au IVe siècle, quand ils eurent à remettre aux citoyens arrivés à temps le jeton de présence qui permettait de toucher le triobole. Ils représentaient aussi la Boulé, on ne sait trop pourquoi, aux Olympies d’Athènes et dans certains sacrifices à Athéna. En tout cas, ils trouvaient occasion de mériter des distinctions honorifiques par leur « esprit de justice[43]. — Pour la surveillance de l’administration maritime, une de ses principales attributions, la Boulé nommait dans son sein deux commissions. L’une (celle des dix τριηροποιοί) contrôlait, avec l’assistance d’architectes ou ingénieurs élus par le peuple, les constructions en cours et faisait payer les entrepreneurs sur un fonds spécial par son trésorier[44]. L’autre (les έπιμελόυμενοι τοΰ νεωρίου) se mettait en rapports avec les directeurs des arsenaux maritimes les (νεωροί) qui prenaient sain des navires en service et avaient sous leurs ordres cinq cents gardiens[45]. — Dix commissaires des comptes, les logistes, étaient tirés au sort, à chaque prytanie, pour vérifier les écritures de tous les fonctionnaires comptables. Cette vérification partielle et provisoire préparait la reddition des comptes totale et définitive qui avait lieu après la clôture de l’exercice devant des magistrats spéciaux, mais à laquelle participaient dix commissaires, les redresseurs ou euthynes, chacun avec deux assesseurs, tous les trente tirés au sort par la Boulé[46]. — Dans les inscriptions du Ve et surtout du IVe siècle, apparaissent encore de nombreuses commissions d’hiéropes chargés de présider à diverses cérémonies, aux fêtes d’Héphaistos, aux sacrifices accomplis à Éleusis pour la consécration des prémices ou la célébration des mystères, à une fête de Dionysos où des victimes sont immolées pour le salut du Conseil et du peuple. Ce genre de commissions est pris généralement sur l’ensemble de la Boulé, une fois pourtant sur la section exerçant la prytanie[47].

Les prytanes et les commissaires avaient besoin, comme les bouleutes en général, d’un secrétaire-archiviste qui fût au courant des formules protocolaires pour la rédaction des décrets et en qui on pût avoir confiance pour la publication, le classement et la garde des documents officiels. Jusque vers 367 ce fut le secrétaire de la Boulé (ό γραμματεύς τής βουλής). Il était élu par la Boulê parmi les bouleutes qui n’exerçaient pas la prytanie et, par conséquent, pour une prytanie. Le vote populaire portait à cette fonction les personnages les plus illustres et les plus intègres[48]. Cependant, si le nom du secrétaire figure dans le préambule et dans l’intitulé des décrets avec les noms de la tribu prytane et de l’épistate, ce n’est pas pour faire honneur à ce dignitaire, mais pour dater, pour authentiquer les actes, pour en donner la référence d’après leur place dans les archives. De même, on indiquait l’année d’une Boulé par le nom du secrétaire de sa première prytanie[49]. C’est dans le sanctuaire de la Mère des dieux, le Métrôon, qu’étaient rangés les tablettes et les papyrus au milieu desquels trônait le secrétaire de la Boulé. Là se trouvaient avec les originaux des décrets et des lois, une masse de comptes et de dossiers judiciaires et même, depuis l’administration de Lycurgue, les exemplaires officiels des grands tragiques[50]. Le secrétaire n’avait pourtant pas la clef du Mètrôon, qui passait de jour en jour entre les mains des épistates, et il était bien obligé, n’ayant pas le temps d’acquérir l’expérience nécessaire, de s’en rapporter au véritable maître de céans, l’esclave public attaché aux archives.

Entre 368/7 et 363/2 le secrétariat fut complètement réformé. Il devint une véritable magistrature, annuelle et tirée au Bart parmi tous les citoyens. Par un paradoxe étrange, le nouveau secrétaire reçut le titre qui convenait à l’ancien, il fut appelé secrétaire de prytanie (γραμματεύς κατά πρυτανείαν)[51]. Quoique prolongé dans sa charge, il n’avait plus le même prestige qu’au temps où il était choisi parmi les bouleutes. Pour éviter la compétition entre tribus, il fut pris à tour de rôle dans chacune, tout d’abord suivant un ordre fixé par tirage au sort, et à partir de 356/3 suivant l’ordre officiel[52]. Maître des écritures publiques, chargé de garder les décrets rendus et de prendre copie de tous les autres documents, le secrétaire de prytanie assistait nécessairement aux séances du Conseil, bien qu’il n’en fit point partie. Il avait pour auxiliaire et subordonné le secrétaire des décrets ou des lois (γραμματεύς έπί τά ψηφίσματα, έπί τούς νόμους), qui était, lui aussi, tiré au sort et qui avait également ses entrées au Conseil, puisqu’il devait prendre copie des décrets et des lois[53].

Outre ces secrétaires archivistes, il existait un secrétaire greffier, le secrétaire du peuple ou de la cité (γραμματεύς τοΰ δήμου, τής πόλεων), qui avait pour unique attribution de donner lecture des actes à l’Assemblée et au Conseil. Gomme il lui fallait posséder une belle voix, c’était un fonctionnaire élu[54]. Pour les proclamations à faire dans l’Assemblée, les prytanes avaient encore sous leurs ordres un héraut appointé par le Conseil (κήρυξ τής βουλής) et qui restait en fonctions sans limite de temps[55].

III. — LES POUVOIRS DU CONSEIL.

A la fois commission préparatoire, commission exécutive et magistrature suprême, la Boulê avait trois moyens d’exercer ses divers pouvoirs : elle apportait à l’Assemblée les probouleumata qui servaient de base aux décrets du peuple ; elle rendait elle-même des décrets indépendants, pour faire exécuter clans le détail les décisions prises ; elle collaborait plus ou moins directement, en conseil ou en acte, avec les antres magistratures.

On a vu que l’Assemblée du peuple s’imposait l’obligation absolue de ne délibérer que sur des projets apportés par la Boulê avec ou sans conclusions fermes. Un décret du peuple suppose toujours un probouleuma de la Boulé. Il arrive parfois que le probouleuma soit mentionné par le décret en termes explicites[56] ; mais le plus souvent il y est simplement fait allusion par la formule il a plu à la Boulê et au peuple (έδοξεν τήι βουλήι καί τώι δήμωι). Même la discussion d’un projet élaboré par une commission spéciale de syngrapheis, même la nomination de nomothètes chargés de réviser une loi, même les séances annuelles d’élections commencent par la lecture d’un probouleuma. Chaque Boulé est responsable de toutes les propositions qu’elle a faites à l’Assemblée et uniquement de celles-là ; par suite, tout probouleuma que la Boulé n’a pas eu le temps d’introduire devant le peuple disparaît avec elle.

Les affaires courantes exigeaient des décisions immédiates dans un grand nombre de cas qui ne méritaient pas d’être soumis à l’Assemblée[57]. La Boulé rédigeait donc des décrets (ψηφίσματα) exécutoires sans autre formalité[58]. Elle y était autorisée implicitement par l’obligation qui lui incombait de faire appliquer les lois ou Ies décrets du peuple. Dans des circonstances extraordinaires, elle était formellement munie de pleins pouvoirs à l’effet de compléter les dispositions de tel ou tel décret. De toute façon, elle devait rester dans les limites de ses attributions et prendre garde à ne pas transgresser les lois ou décrets dont l’application lui était confiée, sinon elle tombait sous le coup de l’action en illégalité.

Enfin, la Boulé tient du peuple une espèce de procuration générale qui lui donne autorité  sur les magistrats. C’est à propos d’elle, comme étant ses subordonnés, qu’Aristote énumère un grand nombre de fonctionnaires. Du plus grand au plus petit, elle les surveille tous, administre de concert avec eux, reçoit leurs rapports, leur donne ses instructions. Rien ne se passe en dehors d’elle, de ce qui intéresse la cité.

Servant d’intermédiaire entre Athènes et les États étrangers, la Boulé donne audience aux ambassadeurs avant de les introduire à l’Ecclésia, et négocie avec eux avant de soumettre au peuple le résultat de ces pourparlers sous forme de probouleumata. D’autre part, elle donne les directions nécessaires aux ministres athéniens envoyés en mission, et quelquefois, par ordre de l’Assemblée, elle les choisit ; elle est saisie de leur correspondance. C’est elle qui communique les décrets aux États intéressés et qui jure au nom de la cité les traités de paix ou d’alliance. Elle est expressément désignée pour recevoir avec tous les égards qui leur sont dus les hôtes du peuple, non seulement les ambassadeurs, mais les proxènes et les évergètes. On conçoit donc que la Boulé ait à jouer un rôle particulièrement actif lorsque Athènes est à la tête d’une confédération. Au Ve siècle, elle intervient dans la fixation des tributs et prépare, sur la proposition des commissaires de rédaction ou syngrapheis, les projets qui concernent les villes, les districts, tout le domaine fédéral[59]. Au IVe siècle, elle est la charnière qui joint l’Ecclésia athénienne et le Synédrion fédéral. Un fait suffit pour faire apprécier l’importance du pouvoir exercé par la Boulé sur les relations extérieures : c’est presque toujours pour traiter des questions de ce genre qu’elle siège en séance secrète.

Continuellement en rapport avec les stratèges pour les affaires de politique étrangère, la Boulé l’est plus encore par ses attributions militaires. Elle veille sans cesse à la défense de la cité. Elle a certainement au Ve siècle un droit de regard sur le catalogue des hoplites, puisqu’au IVe elle surveille le fonctionnement de l’institution éphébique, contrôle la liste des éphèbes et reçoit le rapport du cosmète[60]. Elle s’occupa spécialement de la cavalerie. Tous les ans, la liste des cavaliers est complétée soit par les hipparques, soit, au temps d’Aristote, par des recruteurs spéciaux ou calalogeis, qui la remettent aux hipparques ; le travail des uns et des autres est soumis à l’approbation des bouleutes. Ils votent sur chaque nom et font rayer ceux qui déclarent sous la foi du serment n’être pas physiquement ou pécuniairement en état de servir à chenal. La Boulé fait également l’inspection des chevaux si elle juge qu’un cheval est mal nourri, elle retire au cavalier l’indemnité de nourriture ; elle réforme les chevaux vicieux, en les faisant marquer d’une roue à la mâchoire[61].

Niais, dans une cité qui comptait bien plus sur sa flotte que sur son armée, la Boulê tenait pour une de ses principales fonctions la surveillance de l’administration maritime[62]. Matériel et personnel, elle a soin de tout. Responsable des constructions et des réparations navales, elle se fait représenter dans les chantiers du Pirée par la commission des trièropes et peut promulguer des règlements administratifs. West surtout quand elle s’est bien acquittée de cette obligation que le peuple lui décerne un décret honorifique, et cette récompense rie peut lui être octroyée si elle ‘n’a pas fait construire le nombre fixé de navires. La confection et l’entretien des cales et des agrès sont également l’objet de ses soins, et il faut son autorisation pour vendre des pièces mises au rebut. Pour le recrutement des équipages, les bouleutes de chaque tribu agissent de concert avec les démarques. Les administrateurs des chantiers et arsenaux et les triérarques ressortissent à la juridiction de la Boulé : elle peut les punir dans les limites de sa compétence ou les traduire eu justice, et elle est autorisée à doubler les pénalités des triérarques condamnés par les tribunaux à remplacer un navire ou des agrès, lorsqu’ils ne se sont pas acquittés en temps voulu. Chaque fois qu’appareille une escadre ? les bouleutes sont là sur les môles, avec les stratèges et, plus tard, avec les apostoleis élus exprès. L’Ecclésia les charge d’appliquer en cette circonstance la rigueur des lois aux trièrarques fautifs, et il arrive même qu’elle demande aux prytanes d’intenter une action capitale à des stratèges qui ont manqué à leur devoir[63].

A ne considérer que l’organisation administrative, la Boulé avait des attributions plus étendues encore en matière de finances. Là on peut dire que jusqu’au temps de Lycurgue c’eût été l’anarchie pure, avec une multitude de magistratures préposées aux recettes, aux dépenses et à la trésorerie, s’il n’y avait pas eu un peu d’ordre et un semblant d’unité établis parla Boulé,

C’est elle qui s’inquiète de procurer les ressources nécessaires au budget, surtout en temps guerre[64]. En sa présence se font, par le ministre des pôlètes, toutes les adjudications de l’État qui sont appelées ventes et, de même, les ventes réelles. Tel est le cas pour les fermes d’impôts, dont les dossiers sont remis à la Boulé classés avec soin ; pour les soumissions aux concessions minières, dont elle désigne les acquéreurs définitivement par un vote à mains levées ; pour la vente de biens dévolus à l’État en vertu de condamnations judiciaires ou revendiqués et reconnus par jugement comme propriétés publiques ; pour les locations des terrains sacrés, dont les actes inscrits sur tablettes lui sont apportés, non par les pôlètes, mais par le roi, grand-prêtre de la cité. Tous ces bordereaux, dressés par échéances, sont confiés par la Boulé à un esclave public. Aux jours d’échéance, les apodectes ou receveurs généraux se les font remettre et, dans la salle même du Bouleutérion, ils effacent les sommes payées ou inscrivent la carence du débiteur en portant l’arriéré au double. La loi donne, dans ce cas, à la Boulé le droit d’opérer des recouvrements ou de mettre les défaillants en prison[65]. Chargés des rentrées, les bouleutes reçoivent même les dons volontaires et veillent au versement et à la vente des céréales dues comme prémices aux déesses éleusiniennes[66]. Au temps de la première confédération maritime, ils fixent le tribut des villes alliées de concert avec les tactai, et c’est en leur présence que les apodectes le reçoivent à la fête des Dionysies et le  transmettent aux hellènomates.

Toute l’année, la Boulé a les yeux fixés sur l’emploi qui est fait des fonds publics. Elle est tenue par la loi de vérifier les titres des indigents infirmes qui demande l’allocation quotidienne de deux oboles ; elle est invitée par un décret spécial à réduire les frais d’une construction au minimum[67]. Ce qui la préoccupe amant tout, c’est la stricte observation de la loi budgétaire. A leur entrée en charge, les apodectes reçoivent toute l’encaisse et la répartissent entre les divers magistrats ; dès le lendemain, ils apportent dans la salle du Conseil la répartition inscrite sur une tablette ; ils en donnent lecture, article par article, et demandent au Conseil si quelqu’un a connaissance qu’un magistrat ou un particulier ait commis une irrégularité dans la répartition ; en ce cas, ils requièrent un vote immédiat sur la question de culpabilité[68]. En cours d’exercice, la Boulé empêche les virements et les dépassements de crédit ; elle s’entend, au IVe siècle, avec les nomothètes, sur le fait des dépenses non prévues au budget[69]. Il n’est donc, pas étonnant qu’elle fasse vérifier à chaque prytanie par une commission les livres de tous les magistrats comptables, que l’inventaire des trésors sacrés et leur transmission se fassent sous son contrôle[70].

On vient de voir que la Boulé comprend dans sa compétence financière les dépenses des travaux publies. Mais, en pareille matière, ses pouvoirs sont bien plus étendus. Elle s’occupe de tout ce qui concerne la construction et l’entretien des bâtiments publics. S’il s’agit d’un édifice considérable, il faut d’abord des décrets du Conseil et du peuple pour faire dresser les devis par un architecte et établir le cahier des charges ; pour les travaux de moindre importance, pour une adduction d’eau, pour l’érection d’un autel ou d’une statue, le peuple s’en remet au Conseil[71], Toutes les adjudications sont faites par les soins des pôlètes en présence du Conseil[72], et le Conseil surveille tous les travaux en cours d’exécution par l’intermédiaire d’épistates spéciaux. En cas d’infraction commise par l’architecte ou par l’entrepreneur, il adresse un rapport à l’Ecclésia et, s’il conclut à une condamnation, il remet l’affaire à un tribunal[73]. Certains comptes de travaux publics font bien ressortir l’activité du Conseil. Ceux du Parthénon sont datés par les numéros des Conseils qui se sont succédé depuis l’ouverture du chantier : nous avons, par exemple, les comptes de la quatorzième Boulé. Un décret rendu dans les formes ordinaires doit décider si le temple d’Athéna Nikè aura une porte de bronze ou d’or et d’ivoire un autre, proposé par la Boulé d’accord avec les épistates et l’architecte, doit fixer le salaire de l’artiste[74].

Enfin, la Boulé surveille l’administration du culte. Elle prend soin des sanctuaires, comme des autres édifices, et assiste à la transmission annuelle de l’argent, des statues, des ornements, de tout le matériel sacré aux trésoriers d’Athéna et des autres dieux. Les grandes fêtes lui donnent fort à faire. Pour les Panathénées, elle eut longtemps à choisir le modèle de la tapisserie qui devait orner le péplos de la déesse ; accusée de partialité dans ses jugements, elle fut privée de cette attribution au profit d’un tribunal désigné par le sort. Elle continua toutefois de veiller à la fabrication des Victoires en or offertes à la déesse et de s’occuper des prix décernés dans les concours panathénaïques[75]. Elle assure le bon ordre aux Dionysies[76] ; elle choisit dans son sein les théôres délégués aux Pythies et diverses commissions d’hiéropes[77]. Dans une inscription du Ve siècle, on la voit qui députe des hérauts aux villes alliées et aux autres villes de la Grèce pour leur demander d’envoyer les prémices des céréales à Éleusis, reçoit un rapport sur les prémices de l’huile et punit, sur la requête du roi, les délits commis sur le terrain sacré du Pélargicon. Une autre inscription, du IVe siècle, nous montre la Boulé occupée au bornage et à la surveillance de l’Orgas éleusinienne et déléguant un des siens pour consulter l’oracle de Delphes sur ce domaine interdit[78].

En vertu de la délégation générale qu’elle tenant du peuple souverain et qui lui conférait une magistrature suprême, la Boulé avait des attributions de police et de justice.

On a déjà remarqué que dans maintes circonstances elle exerce un droit de censure, de docimasie. Réunissons ici les cas où elle l’exerce. L’inscription des Athéniens majeurs sur les registres civiques n’est définitive qu’après approbation de la Boulé, et, s’il est avéré qu’un noie a été inscrit indûment, elle le fait rayer et condamne à l’amende les dèmotes responsables de la fraude. Elle contrôle, de même, l’inscription annuelle sur les listes de cavaliers et d’éclaireurs à cheval, et procède à l’examen des bêtes aussi bien que des hommes. Même contrôle exercé sur la liste des infirmes demandant l’assistance publique. La Boulê examine, de plus, en fin d’exercice les bouleutes et les archontes désignés pour l’année suivante. Elle eut d’abord un droit absolu d’exclusion ; mais, par la suite, les exclus purent en appeler au tribunal[79].

Quand la Boulé reçut de Clisthènes, puis d’Éphialtès les fonctions politiques exercées jusqu’alors par l’Aréopage, elle hérita, en même temps flue du droit de contrôle sur l’exécution des lois, de la juridiction attachée ce contrôle. Comme elle surveillait la gestion des fonctionnaires, spécialement des fonctionnaires financiers, elle avait qualité pour les citer devant elle et les juger, s’ils s’étaient rendus coupables de manquement aux devoirs de leur charge on d’infraction aux lois.

La juridiction pénale de la Boulé était tout d’abord armée de sanctions illimitées ; elle comprenait alors le droit souverain d’infliger l’amende, l’emprisonnement et même la mort, Mais elle fut réduite à une amende de police, l’épibolè. Encore la Boulé ne pouvait-elle pas condamner sans appel à plus de cinq cents drachmes ; au delà de cette somme, toutes les condamnations prononcées par elle étaient portées par les thesmothètes devant le tribunal populaire, dont la décision seule était souveraine[80]. Un moment vint même où l’on put en appeler de l’amende infligée par la boulé dans les limites de sa compétence[81]. Aristote nous raconte dans quelles circonstances se fit le premier et le principal de ces changements. Un jour, dit-il, un certain Lysimachos, livré par la Roulé au bourreau, était déjà sur le lieu d’exécution, lorsqu’il fut arraché au supplice par Emèlidès d’Alôpékè, déclarant qu’on ne pouvait mettre à mort aucun citoyen sans un jugement du peuple ; amené devant l’Héliée, il fut absous. On ignore, malheureusement, à quelle date se place cet incident dramatique. Il semble bien, toutefois, que la juridiction suprême dont la Boulé avait été investie par Clisthènes lui fut enlevée avant les guerres médiques, peut-être en cette année 501/0 qui vit instituer le serment des bouleutes : la Boulé attrait ainsi perdu en même temps la souveraineté judiciaire, qui revint à l’Héliée, et la souveraineté diplomatique, dont s’empara l’Ecclésia. En tout cas, dés le Ve siècle, fut proclamé le principe : Pas de peine de mort sans décision du peuple réuni en assemblée, άνευ τοΰ δήμου πληθύοντος μή εΐναι θάνατον[82]. Violée par les oligarques de 411 et 404 et même par la démocratie restaurée en 403, cette règle fut remise en vigueur avant 368[83], et cette fois pour toujours.

Du moins la Boulê usait-elle fréquemment de son droit de coercition dans les limites où l’enfermait la loi. Elle punit, sur requête du roi quiconque viole la sainteté du Pélargicon ; elle punit, de sa propre initiative, lés triérarques qui ne sont pas à leur peste, les architectes qui commettent des fautes dans la réfection des murs, les vendeurs et acheteurs qui font usage de poids et mesures illicites ou les métronomes qui laissent faire[84]. Quoique prisée du droit de rendre des jugements capitaux, la Bordé put longtemps encore lancer d’autorité des mandats d’arrêt dans des cas graves de forfaiture ou de haute trahison : elle le fit par exemple, en 406, contre les généraux qui n’avaient pas accompli leur devoir et, l’année suivante, contre le démagogue Cléophon. Mais, en employant cette procédure, elle s’exposait à des critiques virulentes et à de dangereuses attaques. Là aussi ses pouvoirs furent réduits. En 403, le serment des bouleutes impliquait encore le droit de procéder à la prise de corps ; un demi-siècle après, le même serment garantit la liberté des citoyens, à l’exception des traîtres, des conspirateurs et des fermiers coupables de malversations, sous condition de fournir trois cautions bourgeoises[85].

Au lieu d’agir de concert avec un magistrat ou de se saisir elle-même, la Boulê peut être mise en mouvement par un particulier. Elle reçoit des plaintes contre des magistrats qui n’observent pas les lois[86]. Devant elle on procède quelquefois par les voies sommaires de l’apagôgè et de l’endeixis : ce sont des poursuites exercées sans citation formelle, aux moyen d’une prise de corps exécutée par l’accusateur ou pas- un recors, contre ceux qui sont surpris en flagrant délit ou notoirement coupables de certains attentats contre l’ordre public, par exemple contre quiconque entre dans un lieu public ou participe à un acte public en rupture d’atimie[87]. D’autres fois, on recourt à la juridiction des Cinq Cents par une dénonciation écrite, une phasis : c’est le moyen ordinairement employé pour sauvegarder les intérêts du fisc et du domaine, pour réprimer les infractions aux lois douanières et commerciales[88]. Enfin, la Boulé joue un rôle considérable dans la procédure destinée à punir par les voies rapides les crimes contre l’État, l’eisangélie.

Jadis, c’était l’Aréopage qui jugeait par eisangélie les attentats contre la constitution ; une loi de Solon lui reconnaissait ce droit[89]. Mais, déjà au temps des guerres médiques, l’Assemblée du peuple s’était réservé la juridiction en matière d’actes intéressant le salut de la cité, tels que la trahison ou le fait de tromper le peuple[90]. Après la réforme d’Éphialtès, tous les crimes tombant sous le coup de l’eisangélie, crimes contre la sûreté de l’État ou crimes extraordinaires non prévus par la loi, peuvent être déférés au Conseil ou à l’Assemblée. Quand l’eisangélie est apportée au Conseil[91], celui-ci commence par régler la question de culpabilité. Dans l’affirmative, il y a lieu à une nouvelle délibération afin de décider si la pénalité laissée à la discrétion du Conseil est suffisante (et quel en sera le montant dans les limites légales de l’épibolé) ou si l’affaire doit être transmise par les thesmothètes à l’Assemblée ou au tribunal populaire pour une pénalité plus forte. Quand l’eisangélie est apportée directement à l’Assemblée, celle-ci n’engage également la procédure qu’après avoir voté l’acceptation ou le rejet. En cas d’acceptation, elle charge le Conseil de rédiger un projet de décret sur la question de savoir si elle jugera l’affaire elle-même ou la fera juger par un tribunal.

 

Depuis que Clisthènes avait fait du dème la cellule constitutive du corps politique, le Conseil qui représentait les dèmes était devenu l’organe central de la démocratie athénienne. Éphialtès lui donna un surcroît d’autorité en lui faisant prendre la place occupée par l’Aréopage dans la constitution des ancêtres. C’est à partir de cette réforme décisive que le protocole des décrets remplaça les mots il a plu au peuple par la formule il a plu à la Boulé et au peuple. Aristote reconnaît donc que la Boulé a d’abord tenu une place éminente dans la démocratie. Mais il ajoute qu’elle a été dépouillée de sa puissance dés que les citoyens ont été payés pour assister à l’Assemblée ; car, dit-il, le peuple à qui l’on prodigue les misthos attire tout à lui[92]. Il y aurait ainsi dans l’histoire du Conseil deux périodes absolument différentes.

Les historiens de nos jours ont quelquefois protesté contre une pareille distinction[93]. De fait, les Athéniens du IVe siècle disaient encore que leur cité était fondée sur trois institutions essentielles, l’Assemblée et l’Héliée, où le peuple agissait directement, et la Boulé, où il envoyait ses mandataires[94]. En tout temps, les hommes politiques trouvaient dans la Boulé un excellent poste pour donner l’impulsion au gouvernement et à l’administration. Ils y trouvaient toujours, comme à l’Assemblée, une masse d’auditeurs rouets (les ίδιώται) et quelques orateurs (les λέγοντες)[95] ; il suffisait à un chef de parti d’obtenir la majorité dans le Conseil des Cinq Cents pour être à peu prés sûr d’entraîner le peuple et d’imposer ses idées à tous les magistrats. C’est comme bouleute que Cléon commença en 428/7 son étonnante fortune de démagogue et que Démosthène espéra prendre une part plus active aux négociations de 346[96].

Est-ce à dire toutefois qu’Aristote soit dupe de ses préjugés et qu’il n’y ait vraiment pas de différence sérieuse entre la Boulé du Ve siècle et celle du IVe siècle ? Si l’on regarde les choses d’un peu près, on n’a pas cette impression. Assurément le Conseil tiré au sort et pourvu du misthos resta, jusqu’aux révolutions qui marquèrent la fin de la guerre du Péloponnèse, la cheville ouvrière du régime athénien. Quand Thucydide veut désigner la démocratie par opposition à l’oligarchie, il emploie cette expression : le dèmos et la Boulé choisie par la fève[97]. Effectivement, le premier soin des oligarques, lorsqu’ils triomphent en 411, est de renvoyer la Boulé des Cinq Cents pour la remplacer par une Boulé de Quatre Cents triée sur le volet et non salariée. Si le Conseil des Cinq Cents est rétabli par le parti de Théramènes, la démocratie n’est considérée comme victorieuse que du jour où il est de nouveau désigné par le tirage de la fève[98]. Au IVe siècle, un tic soit pas la Boulé jouer un rôle aussi important dans les affaires intérieures. Sans doute le peuple ne peut faire autrement que de s’en rapporter à elle pour les relations extérieures, et sous ce rapport il faut donner raison aux historiens qui invoquent les séances secrètes de la Boulé pour ne point admettre que ses pouvoirs aient déchu de Périclès à Démosthène. Mais, pour tout le reste, on la voit désormais étroitement subordonnée à l’Assemblée du peuple, et c’est pourquoi Aristote, qui considère seulement la vie interne des cités, n’a pas tort non plus de déclarer que payer l’Assemblée c’est affaiblir la Boulé.

 

 

 



[1] Cité CXXVI, p. 161.

[2] ARISTOTE, Constitution d’Athènes, 22, 2 ; Cf. 21, 3 ; 43, 2.

[3] IG, t. I2, n° 10.

[4] ARISTOTE, op. c., 62, 1.

[5] THUCYDIDE, 69, 4 ; 66, 1 ; ARISTOTE, op. c., 32, 1 ; IG., l. c., l. 7 ss., 11.

[6] IG, l. c., l. 10 ; XÉNOPHON, Mémorables, I, 2, 35 ; Arg. DÉMOSTHÈNE, c. Androt.

[7] PLAT. COMIC., fr. 166 s. Kock (t. I, p. 643) ; ESCHINE, c. Clés., 62.

[8] THUCYDIDE, l. c., 69 ; ARISTOTE, op. c., 24, 8 ; 62, 2.

[9] Id., ibid., 45, 3 ; IG, l. c., l. 8 ss.

[10] CXXI, p. 2 ss.

[11] ARISTOTE, op. c., 62, 8.

[12] Id., ibid., 22, 2.

[13] Voir DA, art. Jus jurandum, p. 756.

[14] XXXVI, t. I, p. 475 s., 482.

[15] ARISTOTE, op. c., 32, 1.

[16] THUCYDIDE, VIII, 70 ; DÉMOSTHÈNE, Ambassade, 190 ; c. Midias, 114.

[17] DÉMOSTHÈNE, c. Androtion, 36.

[18] Voir DA, t. I, p. 741, fig. 841.

[19] LYCURGUE, c. Léocrate, 37 ; ARISTOPHANE, Oiseaux, 794 et Schol.

[20] ESCHINE, c. Timocrate, 111 ss. ; cf. CVI, t. II, p. 277 ss.

[21] DÉMOSTHÈNE, l. c., 8, 11 s., 16, 20, 35 ; ARISTOTE, op. c., 46, 1 ; RIG, n° 100, B, l. 5 ss.

[22] ARISTOTE, op. c., 43, 3 ; ANDOC., S. les myst., 36, 45, 111 ; IG, t. I2, n° 114 ; t. II2, n° 330 ; RIG, n° 74, l. 53 ; 604, B, l. 15 ss. ; XÉNOPHON, Helléniques, VI, 4, 20.

[23] Voir P. CLOCHÉ, L’importance des pouvoirs de la Boulé athénienne (REG, t. XXXIV, 1921, p. 248 ss.)

[24] ARISTOPHANE, Paix, 905 ss. et Schol. ; JHG, n° 72, B, l. 4 ss.

[25] ANDOC., l. c., 84.

[26] Id., ibid., 46 ; PLUTARQUE, Nicias, 6 ; XÉNOPHON, Helléniques, I, 7, 3.

[27] DÉMOSTHÈNE, Ambassade, 70 ; c. Aristocrate, 97.

[28] PHILOCH., fr. 118 (FHG, t. I, p. 408).

[29] Cf. VII, t. II, p. 1027.

[30] Voir LXXXVII, p. 23 ss.

[31] ARISTOTE, op. c., 43, 2 ; cf. IG, t. II2, n° 242, 349, 359.

[32] Voir VII, t. III, p. 1028, n. 2.

[33] ARISTOTE, l. c., 3 ; 62, 2, avec la restitution de P. FOUCART, RPh., t. XLII, 1918, p. 55 ss.

[34] DÉMOSTHÈNE, Ambassade, 190.

[35] ARISTOTE, op. c., 43, 2.

[36] DÉMOSTHÈNE, P. la cour, 169.

[37] RIG, n° 70, l. 12 ss. ; ARISTOPHANE, l. c. ; ARISTOTE, op. c., 43, 6 ; Cf. VII, t. II, p. 1016.

[38] ARISTOPHANE, Cavaliers, 300 ; Thesmophories, 654, 754, 923, 929 ss.

[39] SIG2, n° 104, l. 11 ss. ; 91, l. 9 ss.

[40] IG, t. II, n° 864, 866, 871, 872, 1183.

[41] THUCYDIDE, VI, 14 ; XÉNOPHON, Helléniques, I, 7, 14 ss. ; DÉMOSTHÈNE, C. Timocrate, 22.

[42] XÉNOPHON, l. c., 15 ; Mémorables, I, 1, 18 ; PLATON, Apologie, p. 32 b, DÉMOSTHÈNE, Ambassade, 100.

[43] POLLUX, VIII, 104 ; RIG, n° 648, B, l. 2 ss. ; 824, I, l. 18 ss. ; II, l. 12 ss. ; 1029.

[44] ARISTOTE, op. c., 46, 1.

[45] Ps. XÉNOPHON, République d'Athènes, III, 2 ; IG, t. I2, n° 73, l. 19 ; 74, II, l. 1 ss. ; ARISTOTE, op. c., 24, 3.

[46] ARISTOTE, op. c., 48, 3-4 ; cf. IG, l. c., n° 46, l. 19 ss. ; 127, l. 18 ss.

[47] IG, t. I2, n° 84 ; SIG2, n° 587, l. 28, 296, 301 ; RIG, n° 1459, l. 25 ; 648, B, l. 6 ss. ; 680.

[48] Voir LXXXVII, p. 17 s., 25 s., 22, s. ; SCHULTESS, RE, t. VII, p. 1710 ss.

[49] Voir LIII, t. II, II, p. 644 ss. ; LXXXVII, p. 11 ss.

[50] Ps. PLUTARQUE, Vie des dix orateurs, Lycurgue, 11, p. 841 f.

[51] Voir LXXXVII, p. 27 ss.

[52] C’est ce que les épigraphistes appellent la loi de Ferguson (ibid., p. 53 ss.).

[53] Ibid., p. 97 ss. ; cf. VII, t. II, p.1040 s.

[54] ARISTOTE, VI, 3-5 ; THUCYDIDE, VII, 10.

[55] ARISTOPHANE, Acharniens, 45, 123, 172 ; Thesmophories, 271 ; DÉMOSTHÈNE, Ambassade, 70.

[56] RIG, n° 10, l. 5 ; 80, B, l. 52 ; 105, l. 9 ; 110, l. 48.

[57] Ps. XÉNOPHON, III, 2.

[58] Voir LIII, t. II, II, p. 690.

[59] Ps. XÉNOPHON, l. c. ; IG, t. I2, n° 63-66, 218 ; RIG, n° 70, 72.

[60] ARISTOTE, op. c., 42, 2 ; RIG, n° 610.

[61] XÉNOPHON, Hipparque, I, 8, 13 ; ARISTOTE, op. c., 49, 1-2 ; cf. CIX, p. 328 ss.

[62] Voir IG, t. II, n° 802 ss. ; ARISTOTE, op. c., 46, 1 ; Cf. VII, t. II, p. 1032, 1049.

[63] Ps. DÉMOSTHÈNE, c. Evergos et Mnésibule, 42, XÉNOPHON, Helléniques, VI, 2, 12 et 14.

[64] Ps. XÉNOPHON, l. c. ; LYSIAS, C. Nicomède, 22.

[65] ARISTOTE, op. c., 47, 5-48 ; cf. ANDOC., S. les myst., 79, 93, 134 ; DÉMOSTHÈNE, C. Timocrate, II, 144.

[66] DÉMOSTHÈNE, C. Midias, 161 ; RIG, n° 71, l. 49 ss.

[67] ARISTOTE, op. c., 49, 4 ; IG, t. I2, n° 54, l. 10 ss.

[68] ARISTOTE, op. c., 48, 2.

[69] IG, t. II2, n° 3311, l. 18 ss. ; RIG, n° 108.

[70] RIG, n° 75, l. 20 ; ARISTOTE, op. c., 47, 1 ; IG, l. c., n° 840.

[71] Cf. IG, t. I2, n° 111, 54, 84.

[72] Ibid., n° 24 ; 115, l. 8.

[73] ARISTOTE, op. c., 46, 2.

[74] IG, t. I2, n° 88 ; cf. n° 24-26 ; voir POGORELSKI-HILLER VON GÆRTRINGEN, Sb. BA, 1922, p. 167 ss. ; POGORELSKY, AJA, 1913, p. 314-337 ; DINSMOOR, ibid., p. 318-325.

[75] ARISTOTE, op. c., 49, 3 ; cf. 47, 1 ; 60, 1.

[76] RIG, n° 100.

[77] DÉMOSTHÈNE, Ambassade, 128 ; DINARQUE, c. Démosthène, 82.

[78] RIG, n° 71, l. 22 ss., 30 ss., 58 ss. ; 674, l. 6 ss., 20, 41 ss., 80.

[79] ARISTOTE, op. c., 42, 2 (cf. LYSIAS, S. la docim. d’Evandr., 21 ; C. Théomn., 31 ) ; 49, 1-2 (cf. XÉNOPHON, Économiques, IX, 15) ; 4 (cf. LYSIAS, P. l’invalide, 265) ; 45, 3 ; 55, 2.

[80] Id., ibid., 45, 1-2 (cf. 41, 2 ; 46, 2) ; IC, t. I2, n° 114, l. 32 ; RIG, n° 71, l. 58 ; 604, B, l. 14 ss. ; Ps. DÉMOSTHÈNE, c. Everg., 43.

[81] Voir CVI, t. I, p. 45 s.

[82] IG, t. I2, n° 114, l. 37. Voir P. CLOCHÉ, Le Conseil athénien des Cinq Cents et la peine de mort (REG, t. XXXIII, 1920, p. 1 ss.).

[83] ARISTOTE, op. c., 49, 2 ; LYSIAS, C. les marchands de blé, 2.

[84] RIG, l. c. ; IG, t II, n° 167, l. 25.

[85] DÉMOSTHÈNE, C. Timocrate, 96, 144.

[86] ARISTOTE, op. c., 15, 2 ; ANTIPH., Chor., 12, 35 ; Ps. DÉMOSTHÈNE, c. Everg., 41.

[87] ANDOC., S. les myst., 91, 111 ; ARISTOPHANE, Thesmophories, 654, 764, 1084.

[88] ARISTOPHANE, Cavaliers, 300 ; ISOCRATE, Trapézitique, 42 ; C. Callimaque, 6.

[89] ARISTOTE, op. c., 8, 4.

[90] LYCURGUE, c. Léocrate, 117 ; HÉRODOTE, VI, 136.

[91] RIG, n° 71, l. 58 ; XÉNOPHON, Helléniques, I, 7, 3 ; LYSIAS, C. Nicomède, 22.

[92] ARISTOTE, Politique, VII (VI), 1, 9 ; cf. VI (IV), 12, 8-9.

[93] Cf. CXXIV, t. II, p. 198 ; P. CLOCHÉ, REG, t. XXXIV (1921), p. 233 ss.

[94] DÉMOSTHÈNE, C. Timocrate, 9, 99 ; C. Aristocrate, 97 ; C. Leptine, 100 ; Ps. DÉMOSTHÈNE, C. Arislog., I, 20.

[95] DÉMOSTHÈNE, C. Androt., 36 ss. ; cf. RIG, n° 100.

[96] Cf. VI, t. III, II, p. 998 ; P. CLOCHÉ, l. c., p. 260 s.

[97] THUCYDIDE, VIII, 66 ; cf. 69.

[98] ANDOC., l. c., 96.