LA CITÉ GRECQUE

DEUXIÈME PARTIE. — LA CITÉ DÉMOCRATIQUE.

CHAPITRE PREMIER. — LA DÉMOCRATIE ATHÉNIENNE.

 

 

I. — HISTOIRE DE LA DÉMOCRATIE ATHÉNIENNE.

L’évolution politique de la Grèce avait été nette jusqu’à la fin du vie siècle. La cité était devenue forte en délivrant l’individu des servitudes patriarcales ; l’individu était devenu libre par la protection de la cité. Mais à partir du moment où ces résultats furent acquis, il y eut des villes où la puissance publique fut accaparée par les grandes familles qui parvenaient à maintenir leurs prérogatives héréditaires ; il y en eut d’autres où elle appartint à l’ensemble des individus libérés. En face des cités aristocratiques ou oligarchiques, se dressaient les cités où la voix du peuple avait été capable d’imposer la souveraineté du peuple. De quel côté allait être l’avenir de la Grène ?

S’il s’agissait uniquement de puissance matérielle, la question ne serait pas douteuse. Sparte dispose de forces énormes depuis qu’elle est à la tête de la ligue péloponnésienne, si bien qu’elle est désignée d’une voix unanime pour commander l’armée et la flotte grecques dans la lutte contre les Mèdes. Mais il s’agit de bien autre chose que d’organisation militaire. Le génie hellénique pourra-t-il se donner carrière avec des institutions pareilles à celles de Sparte ? Eût-il été capable de produire tous ses fruits, si partout, comme sur les bords de l’Eurotas, l’État avait eu pour unique préoccupation la formation physique et morale d’excellents hoplites et le maintien d’une constitution qui assurât ce résultat ? Non, Sparte, repliée sur elle-même, tournée tout entière vers un passé qu’elle entend perpétuer, reste un parfait exemple de ce que pouvait être une cité aristocratique vers l’an 550 ; mais au Ve siècle, elle n’est déjà plus qu’un cas unique qu’on peut négliger quand on cherche à se représenter la transformation générale de la cité[1]. Pour que la Grèce puisse remplir sa destinée, il faudra qu’elle agisse vigoureusement dans le sens de son évolution naturelle, que les énergies individuelles se déploient librement pour le bien public. Il faudra que, parmi les cités qui se sont engagées le plus résolument dans les voies nouvelles de la démocratie, une cité soit prête à marcher en avant des autres et capable de les entraîner. A cette condition, elle remplira une mission glorieuse, elle sera l’école de la démocratie. Ce fut la vocation d’Athènes.

Tout son passé la préparait à l’œuvre démocratique qu’elle devait accomplir.

Les Athéniens se vantaient d’être autochtones, ce qui signifie qu’il n’y avait chez eux ni race dominante rai race asservie : rien de pareil aux hilotes travaillant pour les Spartiates. Quand cette population homogène et libre forma un État, ce fut par un synœcisme qui faisait de tous les Attiques des Athéniens au même titre, d’Athènes la capitale d’un peuplé unifié : rien qui ressemblât à la fédération béotienne, arec les prétentions de Thèbes à l’hégémonie. Ainsi, dès les temps les plus reculés, l’unité ethnique et territoriale réalisait pour toujours la condition morale et matérielle de l’égalité politique[2]. Dans cette cité, comme dans les autres, la royauté déclina au profit de l’aristocratie[3]. Du moins, les génè étaient égaux entre eux : rien de comparable aux Agides et aux Eurypontides qui gardèrent à Sparte la prérogative royale. A l’intérieur même des gêné, prévalait l’égalité, puisque leurs décisions devaient être prises à l’unanimité[4]. Au-dessous des nobles, la masse, composée de cultivateurs, de patres, d’artisans, de pécheurs et de marins, considérait que chacun devait être récompensé salon ses œuvres et s’habituait dans les thiases et les orgéons à délibérer sur les affaires communes.

Comme partout, les classes populaires entrèrent en lutte avec une oligarchie oppressive. Paysans promis par leurs dettes à la servitude, marchands indignés que la fortune même ne leur permit pas d’espérer de droits politiques, tous s’entendirent pour exiger la publication des lois dent les Eupatrides détenaient le secret ; ils obtinrent la nomination de thesmothètes chargés de cette tâche[5]. Mais le travail projeté n’aboutissait pas. Les haines s’exaspéraient, la vendetta ensanglantait le pays. Un jeune noble, Cylon, tenta de s’installer comme tyran sur l’Acropole ; il ne réussit qu’à soulever les passions à un tel point, que ses adversaires ne reculèrent pas devant le sacrilège pour massacrer ses partisans[6].

Alors surgit Dracon. Un homme sut accomplir en quelques mois l’œuvre où depuis de longues années peinait vainement tout un collège. Il laissa un nom sinistre et redouté, parce qu’il arma l’État de la puissance judiciaire ; il passa polir un législateur sanguinaire, parce qu’il s’efforça de mettre fin à l’effusion du sang. Les guerres civiles étaient un enchaînement de guerres privées où les génè se lamaient les uns contre les autres avec toutes leurs forces. Pour pousser la partie lésée à s’adresser aux tribunaux, Dracon détermine les conditions du recours à la vengeance ou à la composition. Pour désagréger les groupes familiaux, il distingue dans chacun d’eux des cercles de parentèles plus ou moins proches, et même, dans certains cas, il exige des parents appelés à prendre une décision qu’elle soit prise à l’unanimité ; il fait appel dans le génos à l’individualisme[7].

Progrès immense, bien insuffisant toutefois. L’aristocratie terrienne gardait tous ses privilèges ; elle arrondissait ses domaines aux dépens des petits paysans ; elle asservissait la multitude des débiteurs insolvables, pour les vendre à l’étranger nu les attacher à la glèbe en ne leur laissant que le sixième de la récolte (hectèmores)[8]. La situation était dramatique. Deux partis étaient aux prises, qui poussaient également leurs prétentions à l’extrême, l’un se fondant sur la légalité traditionnelle, l’autre évoquant une équité révolutionnaire. L’Attique allait-elle devenir un pays de grands propriétaires et de serfs, comme la Laconie ou la Thessalie ? ou bien, sans souci des droits acquis, allait-on abolir les dettes et procéder à un nouveau partage des terres ?

Athènes trouva encore une fois l’homme capable de résoudre le problème qui l’angoissait. Solon, se dressant entre les adversaires ainsi qu’une borne insensible aux attaques venant des deux parts, fit ce qu’on pourrait appeler une révolution mitigée. D’un coup, il supprima les barrières qui tenaient les Eupatrides à l’écart des autres classes et abritaient les prérogatives traditionnelles des génè. Pour affranchir la terre, il prit urge mesure générale et immédiate, l’exonération des hectèmores (seisachtheia), en même temps qu’il supprimait tous les restes de la propriété collective et mobilisait le sol par une série de lois sur la constitution de dot, le droit de succession et la liberté de tester. Pour affranchir l’individu, il limita la puissance paternelle, mais surtout il interdit la servitude pour dettes sous toutes les formes, y compris la servitude pénale, et proclama ainsi l’habeas corpus du citoyen athénien. Comprenant bien que l’agriculture ne suffisait pas à nourrir une population nombreuse dans un pays naturellement pauvre, il s’efforça de donner une vigoureuse impulsion au commerce et à l’industrie en attirant du dehors les gens de métier, en protégeant les métèques, en faisant une réforme monétaire qui ouvrait des voiles nouvelles à la marine marchande.

A cette transformation économique et sociale correspond une réforme politique. Il n’existe plus, au regard de l’État, que des citoyens libres. Aucune distinction de naissance ; mais la fortune entre en ligne de compte. D’après un système qui tendait à s’établir depuis quelque temps, les citoyens sont répartis’ : en quatre classes censitaires ou timocratiques : 1° les pentacosiomédimnes, qui récoltent sur leurs terres au moins cinq cents médirnnes de solide (260 hectolitres) ou cinq cents mëtrètes de liquide (195 hectolitres) ; 2° les cavaliers, qui en récoltent au moins trois cents (156 ou 117 hectolitres) ; 3° les zeugites, qui en récoltent au moins deux cents (104 ou 78 hectolitres) ; 4° les thètes, qui ne possèdent pas de terres ou ne produisent pas le minimum de deux cents mesures. Les obligations et les droits de ces classes sont fixés proportionnellement à leur cens. Les thètes, par le seul fait qu’ils sont citoyens, peuvent siéger à l’Assemblée et dans les tribunaux ; mais ils ne doivent de service militaire que comme rameurs et n’ont pas accès aux magistratures. Les zeugites doivent s’armer en hoplites et peuvent prétendre à quelques fonctions subalternes. Les citoyens des deux premières classes doivent venir à l’armée avec leur cheval et sont astreints aux prestations appelées liturgies, mais ont droit aux principales magistratures. Aux pentacosiomédimnes sont réservées les liturgies les plus dispendieuses et les plus hautes magistratures, l’archontat et la trésorerie. L’auteur de cette constitution la caractérisait bien quand il se rendait ce témoignage : J’ai donné au peuple autant de puissance qu’il lui suffit d’en avoir, sans rien ôter à sa dignité et sans rien y ajouter. Prudente et provisoire par le côté politique, mais hardie et définitive par le côté social, la réforme de Solon marque l’avènement de la démocratie (594/3)[9].

Cependant Athènes ne resta pas longtemps en repos. Il fallut permettre aux artisans et aux commerçants d’entrer dans les trois premières classes : on admit (probablement en 581) l’équivalence du médimne ou du métrète et de la drachme, c’est-à-dire des revenus fonciers et des revenus mobiliers[10]. Cette mesure fut insuffisante. L’organisation familiale n’avait disparu qu’en droit ; en fait, la puissance des génè continuait à se faire sentir. D’autre part, les partis extrêmes n’avaient pas désarmé, puisque aucun des deux n’avait obtenu satisfaction complète, et le tiers parti, qui s’en tenait à la constitution de Solon, avait peine à la défendre. Trais factions se combattirent, qui représentaient chacune une classe sociale, se recrutaient chacune dans une des régions du pays, avaient chacune à leur tète une grande famille les Eupatrides de la plaine étaient dirigés par les Philaïdes ; Ies marchands et les pêcheurs de la côte, par les Alcméonides ; les petits paysans de la montagne, par les Pisistratides. Pisistrate l’emporta (560).

Il s’empara de la tyrannie que le menu peuple avait vainement offerte à Solon. Il régla pour toujours la question agraire, en partage t les terres en friche et les domaines confisqués sur les nobles ; ainsi se forma une race vigoureuse de petits paysans qui s’enracina fortement au sol et prit l’habitude des affaires communales. Il favorisa le commerce maritime par urge politique extérieure à larges vues qui entraînait les marins vers les Cyclades, vers la Thrace d’où venait l’or, vers l’Hellespont d’où venait le blé. En même temps, il élevait l’idéal de cette démocratie rurale et urbaine par les fêtes qu’il faisait célébrer en l’honneur de Dionysos, par des représentations théâtrales, par la construction de somptueux édifices. Enfin, comme il laissa subsister la constitution, il fit faire au peuple son éducation politique dans les séances de l’Assemblée et des tribunaux[11].

Quand la tyrannie eut rendu les services qu en attendait le peuple, elle disparut c’est son sort ordinaire dans les villes grecques. Les oligarques purent croire un instant que la chute ales Pisistratides tournerait à leur avantage. L’Alcméonide Clisthènes les détrompa.

Avec une admirable netteté de ru s, il acheva l’œuvre ébauchée par Solon et donna sa forme définitive à la constitution démocratique d’Athènes (508/7). Il voulait empêcher le retour de la tyrannie, détruire la forte organisation que la noblesse s’était donnée dates les phratries et les quatre tribus ioniennes, empêcher les classes sociales de se grouper par régions. Après la proscription du dernier tyran et de ses enfants, les autres membres de la famille, restés en Attique, se tinrent cois en sentant suspendue au-dessus de leur tête la menace de l’expulsion par ostracisme. Les cadres gentilices n’eurent plus de place dans l’État. Des circonscriptions furent créées où tous les concitoyens se virent classés selon leur domicile. Le pays entier fut divisé en dèmes, petites communes qui avaient chacune leur assemblée, leurs magistrats, leur administration. Chaque citoyen était inscrit sur le registre d’un de ces dèmes, et le démotique adjoint à son nom prouvait sa qualité de citoyen. Tous les dèmes, dont le nombre dépassait notablement la centaine, devaient être répartis en dix tribus (phylai), qui, par cela même, n’étaient plus gentilices, mais topographiques. Il était donc impossible aux anciennes tribus de se retrouver dans les nouvelles ; mais on pouvait craindre de voir les rivalités régionales se perpétuer par l’alliance des tribus voisines. Pour parer à ce danger, Clisthènes imagina un moyen suprêmement ingénieux. Il s’avisa qu’il serait utile, au surplus, d’établir des circonscriptions intermédiaires entre les dèmes et les tribus. Il divisa donc chacune des trois parties du pays, la ville ou Asty, la côte ou Paralie et l’intérieur ou Mésogée, en dix sections et assigna par tirage au sort à chaque tribu une section dans chacune des trois parties. De cette façon, chaque tribu se composait de trois séries de dèmes, de trois trittyes. Quoique topographiques, les tribus n’étaient donc pas des territoires d’un seul tenant ; elles ne représentaient pas d’intérêts qui pussent les opposer les unes aux antres. Le système décimal des tribus fut appliqué à toute l’organisation politique et administrative de la cité. La Boulé se compose de cinq cents membres, à raison de cinquante par tribu, pris dans les dèmes au prorata de la population, et chaque tribu de la Boulé à tour de râle en forme la commission permanente pendant un dixième de l’année. Les archontes n’étant que neuf, on leur adjoint un secrétaire, pour que les dix tribus soient représentées dans le collège. L’armée comprend dix régiments appelés phylai, commandés chacun par un phylarque. Dans toutes les circonstances, le peuple appairait ainsi en dix groupes. Simple, purement logique et par cela même contraire à toutes les traditions, le système décimal fit partie intégrante du régime démocratique, non pas seulement à Athènes, mais souvent, par la suite, dans les cités grecques qui se débarrassaient du régime oligarchique[12].

Cette constitution, cet imposant édifice où la raison politique prend un aspect de géométrie, répandait si bien à un esprit publie façonné par des siècles d’expérience, qu’elle ne sera plus contestée par aucun parti. Les démocrates pourront l’amender sur certains points ; ils n’y changeront rien d’essentiel. Les oligarques pourront faire des révolutions ; ils prétendront rétablir dans son intégrité la constitution des ancêtres et entendront par là celle qui avait détruit à jamais le régime oligarchique. L’Athènes du Ve siècle a vécu d’après les lois civiles de Solon et les lois politiques de Clisthènes.

Moins de vingt ans après la grande réforme, commença pour la démocratie athénienne la rude épreuve des guerres médiques. Elle en sortit fortifiée. L’union patriotique et à un certain moment, l’émigration en masse avaient mêlé les classes. Autant que les hoplites de Marathon et de Platées, les auteurs de la victoire étaient les rameurs de Salamine, de Mycale et de l’Eurymédon. La cité était redevable de son salut aux thètes aussi bien qu’aux zeugites et aux grands propriétaires. Comment le sentiment démocratique ne se serait-il pas exalté ? Tout aussitôt, Athènes fut mise par les cités maritimes à la tête d’une grande confédération, et ce fut pour longtemps la flotte qui fit sa puissance. La construction d’un port et d’une ville au Pirée, la prospérité du commerce et de l’industrie, le développement de la richesse mobilière, l’abondance de l’argent : en un mot, tout ce qui fait la grandeur économique et politique d’Athènes, devenue la capitale du monde méditerranéen, eut pour résultat de diminuer la valeur réelle du cens et de promouvoir sans effort les citoyens d’une classe à une autre. C’était un élargissement continuel de la démocratie, un déplacement progressif du centre de gravité vers la foule des producteurs et des marins.

Déjà vers 500, la constitution de Clisthènes avait subi d’importantes retouches : le Conseil des Cinq Cents avait reçu son organisation définitive, et la création de dix stratèges élus avait porté un coup sérieux au collège des archontes[13]. Aussi, en 487/6, ce collège avait-il pu être profondément modifié ; on avait décidé de tirer au sort les archontes, un par tribu, parmi cinq cents candidats désignés par les électeurs des dénies et pris, non plus seulement dans la classe des pentacosiomédimnes, mais encore dans celle des chevaliers[14]. On modifiait ainsi le recrutement de l’Aréopage, composé des archontes, sortis de charge sans altérer le caractère aristocratique du vieux Conseil, on abaissait sa valeur. Plus inégal d’année en année à la tâche que lui assignait la tradition, il allait bientôt apparaître comme une institution d’un autre âge, Il ne l’était pas seulement par l’inamovibilité de membres tins des classes riches et nobles, mais aussi par legs pouvoirs dont il avait hérité. Ses attributions, d’ordre à la fois judiciaire et politique, étaient mal définies ; mais, comme elles comprenaient la surveillance des lois, elles pouvaient à l’occasion devenir exorbitantes. Au surplus, par les services qu’il avait rendus dans les plus mauvais moments de l’invasion perse, il avait grandi en autorité et s’était érigé en arbitre de la vie publique[15]. Le peuple devait fatalement attaquer cette forteresse de l’aristocratie.

 En 462, le parti démocratique avait pour chef Éphialtès. C’est de lui que l’Aréopage, d’abord épuré par des poursuites judiciaires, reçut le coup de grâce. Il fut privé des fonctions surajoutées et vagues qui lui donnaient la garde de la constitution et lui permettaient d’exercer un contrôle sur le gouvernement : il perdit la juridiction des crimes qui intéressaient la cité, des infractions commises contre l’ordre public par les particuliers ou les fonctionnaires. Il ne conserva que des attributions de caractère religieux, qui restaient d’ailleurs très étendues, puisqu’elles comprenaient, avec la surveillance des domaines sacrés, la juridiction du meurtre prémédité[16]. Les pouvoirs retirés à l’Aréopage passèrent à l’Assemblée du peuple, à la Boulé et aux tribunaux de l’Héliée. Cette réforme est jugée sévèrement par Plutarque : il applique à Éphialtès le mot de Platon sur les hommes qui versent au peuple la liberté toute pure à pleins bords. Il n’a pas vu que la séparation des pouvoirs cumulés par l’Aréopage était nécessitée par le progrès des institutions politiques dans une grande cité et qu’accomplie par la démocratie, elle ne pouvait l’être qu’à son profit.

Éphialtès paya de sa vie son dévouement au peuple. Mais il avait près de lui un lieutenant capable d’achever son œuvre. Périclès, le petit-neveu de Clisthènes, joignait à une intelligence géniale une éloquence, une autorité, une habileté dans le maniement des hommes qui lui permirent de servir le peuple en le dominant.

La réforme d’Éphialtès créait un grave danger. Jusqu’alors les lois fondamentales étaient assurées d’une forte protection ; l’Aréopage était, avec la Boulé, une des ancres sur lesquelles s’affourchait le navire de l’État[17]. Si l’on n’y prenait pas garde, les lais allaient ne plus rien avoir de fixe et se trouver incapables de tenir contre les vents variables de l’opinion publique. Ce danger, Périclès le vit clairement et trouva le moyen de le conjurer. L’action criminelle en illégalité, la graphè paranomôn, éleva la loi au-dessus des caprices populaires et des lettes civiles, en autorisant tout citoyen a venir à sari secours comme accusateur et en donnant des sanctions capitales comme garantie à sa souveraineté[18].

Il fallait aussi, pour que la démocratie ne fût pas un vain mot, permettre aux gens du peuple, occupés à gagner leur vie, de consacrer leur temps au service de la république. Cinq cents citoyens devaient siéger à la Boulé une année entière. Les héliastes, dont la compétence se bornait primitivement à statuer eu appel sur les arrêts rendus par les magistrats, devaient maintenant juger en premier et dernier ressort les affaires de plus en plus nombreuses où étaient impliqués les citoyens d’Athènes et des villes confédérées : ils formaient un corps de six mille membres, dont la moitié en moyenne était en activité tous les jours ouvrables. Il y avait un millier de fonctionnaires dans le pays (ένδημοι) ou à l’extérieur (ύπερόριοι) cinq cents gardiens des arsenaux, etc. Ainsi les affaires publiques ne demandaient pas seulement le concours intermittent de tous les citoyens à l’Assemblée ; elles exigeaient encore d’un tiers d’entre eux un effort continu. Or, la moitié des citoyens, une vingtaine de mille, ne possédait pas les deux cents drachmes de revenus sans lesquelles on était un simple thète et qui suffisaient à peine pour vivre. Comment les obliger à renoncer aga salaire d’une année ou même de nombreuses journées ? D’autre part, si l’on écartait du Conseil, des tribunaux et des fonctions les gens qui ne possédaient rien, comment pouvait-on empêcher le régime, de quelque nom qu’on le décorât, d’être en fait une oligarchie ? Là encore Périclès prit le parti qui convenait. Il fit accorder par l’État des soldes, des misthoi, aux citoyens qui renonçaient pour le servir à l’exercice de leur profession. La misthophorie devint un élément essentiel de la démocratie. Mais, au Ve siècle, par cela même qu’elle servait seulement à rémunérer des services permanents ou exceptionnels, les citoyens n’obtenaient pas encore de solde pour le simple usage de leur droit civique, pour l’assistance aux séances de l’Assemblée ; l’indemnité n’était donnée qu’aux membres du Conseil, aux héliastes et à la plupart des fonctionnaires, surtout des fonctionnaires tirés au sort.

Les archontes étaient de ceux-là. Depuis 487/6, les chevaliers figuraient avec les pentacosiomédimnes sur la liste des cinq cents candidats proposés par les dèmes pour le tirage au sort. Vingt ans après, six ans après la réforme d’Éphialtès, on fit un pas de plus. Athènes venait de soumettre ses hoplites à de rudes épreuves en Béotie. Elle les récompensa en accordant à la classe des zeugites l’accès à l’archontat[19]. C’était d’ailleurs, une récompense surtout honorifique ; car la réforme d’Éphialtès avait diminué l’importance de l’archontat, vu que, le corps formé par les anciens archontes n’avait plus d’attributions politiques et que les pouvoirs accrus de la Boulé réduisaient d’autant l’indépendance administrative des magistrats. N’importe, le prestige du vieux collège demeurait très grand. Mais, du moment qu’il était pourvu d’un traitement et se recrutait pax tirage au sort, il n’y avait plus aucune raison valable pour le réserver aux trois classes supérieures. Les thètes y furent admis à leur tour. Pour que cette admission ne fit pas une dérision, il fallut supprimer l’élection préalable dans les dèmes, qui laissait le champ ouvert aux manœuvres des propriétaires : un premier tirage au sort désigna les candidats des dix tribus, avant celui qui désignait les titulaires. Mais alors pourquoi une liste de proposition aussi chargée, complication favorable aux tripotages des dèmes ? Il fut décidé que la liste ne contiendrait plus que cent noms, dix par tribu. On arriva ainsi au système classique du tirage au sort par la fève[20].

Pour consacrer les droits conquis par le peuple au Ve siècle, il parut bon de les protéger contre les usurpations. Elles ne manquaient pas. Il ne faut pas oublier, en effet, que la démocratie, même la démocratie extrême, — si nous la jugeons de notre point de vue moderne et si nous considérons, non pas les principes, mais les personnes qui en bénéficiaient — n’est jamais dans les cités grecques qu’une sorte d’aristocratie. Les citoyens, en Attique, étaient une minorité. A côté d’eux vivaient un nombre au moins égal d’esclaves et un nombre à peine moitié moindre de métèques. Nés dans le pays de familles assimilées depuis longtemps, les métèques profitaient de toutes les occasions, et particulièrement de la facilité des mariages mixtes, pour se pousser dans la classe des citoyens. Il y avait trop d’avantages matériels attaché4 au droit de cité pour que le peuple consentit à laisser ainsi s’accroître le nombre des participants. En 451/0, Périclès lui-même fit passer une loi aux termes de laquelle on n’était Athénien qu’à condition d’être né de père et de mère athéniens. Cette loi s’incorpora pour toujours à la Constitution.

II. — PRINCIPES DE LA DÉMOCRATIE ATHÉNIENNE.

Au milieu du Ve siècle, le régime démocratique d’Athènes a pris sa forme définitive. Il est ce qu’il restera jusqu’à la fin de l’indépendance grecque. Mais la valeur d’une constitution dépend de l’esprit dans lequel elle est pratiquée. A l’époque de Périclès, la vie politique d’Athènes atteste un équilibre parfait entre les droits de l’individu et la puissance publique.

La liberté individuelle est absolue. Depuis que Solon a interdit de garantir une dette sur la personne du débiteur, ce principe a pris une extension sain ; limites. Aucun citoyen, sons aucun prétexte, ne peut ni être réduit en esclavage ni assujetti à aucune forme de servitude, même conditionnelle et temporaire. La contrainte par corps n’existe pas plus au profit de l’État qu’au profit des particuliers. Il en est à peu près de même de la responsabilité individuelle. L’interdiction édictée par Salon vaut a fortiori pour la famille du débiteur et, par conséquent, pour celle du condamné. Il est vrai qu’au commencement du Ve siècle certains crimes énormes, tels que lei trahison, pouvaient encore entraîner des sanctions collectives. Mais l’État renonce progressivement à cette sinistre prérogative, et, avant la fin du siècle, ni la peine de mort ni la proscription ne retombent plus sur les enfants du coupable. Ainsi, l’Attique devient la terre classique de la liberté. On n’y voit point d’esclaves parmi les citoyens[21]. Les étrangers mêmes y respirent un air vivifiant : elle attire les exilés de la Grèce entière, depuis Hérodote d’Halicarnasse jusqu’à Gorgias de Léontinoi, et Démocrite d’Abdère, qui est venu s’y établir, disait qu’il vaut mieux vivre pauvre dans une démocratie que jouir d’une apparente félicité à la cour d’un roi.

Fiers d’être des citoyens libres, les Athéniens le sont peut-être plus encore d’être des citoyens égaux. C’est même l’égalité qui est pour eux la condition de la liberté ; c’est bien parce qu’ils sont tous frères nés d’une mère commune qu’ils ne peuvent être ni esclaves ni maîtres les uns des autres. Les seuls mots qui servent dans leur langue à distinguer le régime républicain des autres régimes sont ceux d’isonomia, égalité devant la loi[22], et d’isègoria, droit égal de parler[23]. Tant s’en faut qu’il y ait des titres de noblesse, qu’on ignore même les noces de famille et que tout Athénien indistinctement accole à son nom personnel le nom de son dème. C’est tout au plus si les gens bien nés se donnent le luxe de rappeler le nom de leur père ; mais jamais ils ne mentionnent celui de leur génos, et le plus illustre des Alcméonides est désigné sous le nom de Périclès, fils de Xanthippos, du dème de Cholargos. S’il est vrai, comme on le voit par cet exemple, que les grandes maisons conservent encore assez, de prestige pour fournir un chef même au parti démocratique, l’État ne connaît pas de familles, mais uniquement des individus qui se valent tous. Ils ont tous les mêmes droits. Ils peuvent entrer à l’Assemblée pour parler, s’ils le veulent, et pour roter ; car le système représentatif n’existe pas et eût semblé une restriction oligarchique de l’iségoria. Ils peuvent siéger à l’Héliée comme juges, quand ils ont l’âge requis. Ils peuvent se porter candidats au Conseil et aux autres fonctions publiques dans les conditions légales : ils sont tour à tour obliges d’obéir et admis à commander. Ils prennent part aux fêtes publiques, aux processions, aux sacrifices, aux jeux, aux représentations théâtrales, sans autre distinction que la préséance (proédria) accordée aux magistrats. L’égalité, voilà ce que les Athéniens prisent par-dessus tout dans leur constitution. C’est le mérite, disent-ils, bien plus que la classe, qui fraye la voie des honneurs publics. Nul, s’il est capable de servir la cité, n’en est empêché par la pauvreté ou par l’obscurité de sa condition[24].

On pourrait s’imaginer qu’en maintenant le système solonien des classes censitaires, les Athéniens se donnaient un démenti. Il n’en était rien. Solon avait proportionné à la fortune les droits et les obligations. Les droits étant devenus égaux, seule subsiste l’inégalité des charges, qui restent en rapport direct avec le cens. Les thètes servent sur la flotte comme rameurs et, en cas de besoin, dans l’armée comme fantassins légers ; ils ne doivent rien au fisc, ne possédant pas comme revenu le minimum imposable. Les zeugites servent comme hoplites et paient l’impôt extraordinaire de guerre, l’eisphora. Les chevaliers servent dans la cavalerie et s’acquittent a tour de rôle des liturgies ordinaires. Les pentacosiomédimnes servent également comme cavaliers, mais sont, de plus, astreints à l’onéreuse prestation de la triérarchie, c’est-à-dire au commandement d’un navire dont le gréement est à leurs frais.

Liberté, égalité, ces droits des citoyens ne pouvaient s’exercer que s’ils imposaient certaines obligations à la cité. L’État devait mettre sa puissance au service des individus. C’est bien pour garantir plus complètement à chacun sa liberté qu’il fait disparaître l’un après l’autre les derniers vestiges de la responsabilité collective. C’est bien pour assurer le règne de l’égalité, pour permettre aux plus humbles citoyens de prendre une part légitime à la vie politique, qu’il accorde fine indemnité à ceux qui se mettent à son service. Mais ses obligations sont bien plus étendues. Si la naissance et la fortune ne confèrent plus de privilèges dans la vie publique, il y a toujours des riches et des pauvres. Il faut que des mesures de protection soient prises pour que les pauvres puissent user de leurs droits civiques. L’égalité politique disparaîtrait, si l’inégalité sociale était par trop criante ; la liberté ne serait qu’un principe abstrait sans un minimum de propriété ou la facilité permanente d’y accéder. L’État a donc le devoir, puisqu’il en a le pouvoir, de remédier à un mal dangereux pour toute communauté, mortel pour une démocratie. Il doit sauvegarder les droits et les intérêts d’Une catégorie, à condition toutefois de rie pas méconnaître et de ne pas fouler aux pieds les droits et les intérêts d’une autre catégorie. Avec un chef comme Périclès, Athènes est parvenue à faire une œuvre remarquable d’entraide et de préservation sociales. Pas de partage des terres, pas d’abolition des dettes. Dans un pays où les biens fonciers ne sont qu’une part de la richesse publique, où les biens mobiliers sont largement répandus par le commerce et l’exploitation d’un grand empire, il suffit, pour subvenir aux besoins les plus urgents, de mesures partielles, mais bien comprises[25].

La misthophorie en est une. Il y en a bien d’autres. Le système des clérouquies permet d’établir au loin des milliers de thêtes, tous pourvus d’un lot assez grand pour fournir un revenu de zeugites. Afin de donner du travail aux artisans restés dans la capitale, l’État se fait entrepreneur : il lui faut d’abord une flotte, des arsenaux, une Halle aux blés et des murs de défense réunissant la ville au port ; puis, des monuments qui fassent de l’Acropole la plus belle qui soit au monde. Pour ceux qui ne peuvent pas travailler, l’assistance publique est fortement organisée. Les orphelins de guerre sont élevés aux frais du trésor comme pupilles de la nation et reçoivent à leur majorité une armure complète d’hoplite. Des pensions sont accordées aux mutilés de guerre et, plus tard, des secours aux invalides du travail. En temps ordinaire, la cité se préoccupe d’assurer à tous le pain à bon marché[26]. Plusieurs collèges de magistrats et toute une législation spéciale y pourvoient. Les sitophylakes veillent à ce roue les grains se vendent au juste prix, à ce que les meuniers vendent la farine et les boulangers le pain à proportion de ce prix et que le pain ait le poids fixé[27]. Pour prévenir l’accaparement, défense est faite aux marchands de grains d’acheter plus de, cinquante charges à la fois[28] ; pour faciliter l’approvisionnement et obtenir la régularité du commerce, il est prescrit à tout importateur de diriger sur Athènes les deux tiers ales grains apportés au Pirée[29], à tout préteur à la grosse de transporter en Attique des denrées de première nécessité et en première ligne du blé[30] ; il est interdit à tout armateur habitant l’Attique de transporter du blé ailleurs qu’au Pirée[31]. Ajoutez les bonnes aubaines dont bénéficie le peuple entier. Quand un prince étranger envoie en cadeau un navire chargé de grains, quand une expédition victorieuse permet de rafler la récolte en pays ennemi, il y a une part pour tous les citoyens qui se présentent[32]. Périodiquement, les hécatombes offertes aux dieux valent à chaque assistant un bon quartier de viande. Dans les années de guerre, au moins de 414 à 405, une allocation quotidienne de deux oboles, la diôbélie, vient en aide aux indigents[33].

Après avoir pourvu aux besoins matériels de la foule, l’État lui procure aussi des satisfactions intellectuelles et morales. Les nombreuses chorégies qu’il impose aux riches ont pour objet la préparation des concours lyriques et dramatiques où accourt un peuple amoureux du beau, et ce n’est pas un des plus mauvais moyens de sue rendre populaire que de montrer sa générosité erg présentant un chœur luxueux et bien instruit. Un temps viendra même où les prestations des particuliers ne suffiront plus, où les excédents du budget fourniront aux indigents de quoi payer le droit d’entrée au théâtre et même de quoi se régaler les jours de fête[34].

 

Si la cité reconnaissait ainsi qu’elle avait des devoirs envers les individus, c’est qu’elle n’était, après tout, que l’ensemble des citoyens. Le gouvernement direct du peuple tournait forcément à l’avantage de la majorité. Mais, tant que vécut Périclès, les Athéniens ne confondaient pas la masse des intérêts particuliers avec l’intérêt commun. Les obligations de la cité envers les citoyens étaient primées par celles de citoyens envers la cité. On les acceptait alors avec empressement.

Ce n’était pas un contrat tacite et vague qui liait l’Athénien. L’année de sa majorité, avant d’être inscrit star le registre qui lui garantissait le droit de cité, il prêtait solennellement le serment civique[35]. Partout en Grèce, au dire de Xénophon, la loi exigeait un serment analogue[36]. Les jeunes Athéniens le prêtaient clans le temple d’Agraulos[37]. De la formule usitée au Ve siècle, nous connaissons un seul engagement, celui de ne reconnaître de bornes à l’Attique qu’au delà des blés et des orges, des vignes et des oliviers[38]. Mais nous sommes mieux renseignés pour le IVe siècle, qui a dû se conformer dans l’ensemble à lai tradition. La scène ne manque pas de grandeur[39]. Les éphèbes reçoivent leur armure en présence des Cinq Cents et, la main étendue au-dessus de l’autel, prononcent ces mots :

Je ne déshonorerai pas ces armes sacrées ; je n’abandonnerai pas mon compagnon dans la bataille ; je combattrai pour mes dieux et pour mon foyer, seul au avec d’autres. Je ne laisserai pas la patrie diminuée, mais je la laisserai plus grande et plus forte que je ne l’aurai reçue. J’obéirai aux ordres que la sagesse des magistrats saura me donner. Je serai soumis aux lois en rigueur et à celles que le peuple fera d’un commun accord ; si quelqu’un veut renverser ces lois ou leur désobéir, je ne le souffrirai pas, mais je combattrai pour elles, ou seul ou avec tous. Je respecterai les cultes de mes pères[40].

Voilà les obligations que doivent contracter les citoyens avant d’avoir des droits ; voilà les engagements qui renouvellent d’année en année par-devant les dieux la toute-puissance de la cité.

Cette toute-puissance, c’est le corps entier des citoyens qui l’exerce dans une démocratie. La théorie constitutionnelle de la démocratie athénienne est bien simple ; elle se résume d’un mot : le peuple est souverain (κύριος). Qu’il siège à l’Assemblée ou dans les tribunaux, il est souverain absolu de tout ce qui concerne la cité (κυριότατος τών έν πόλει άπάντων)[41]. Cependant un principe politique, en tout temps et en tout lieu, se prête à des interprétations diverses et ne prend de sens précis que par la pratique. Les contemporains d’Hérodote employaient la même formule que ceux d’Aristote et de Démosthène ; ils ne la comprenaient et ne l’appliquaient pas de la même façon. Au IVe siècle, on ira jusqu’au bout du principe : le peuple a le droit de faire ce qui lui plaît (έξόν αύτώ ποιεϊν δ' τι άν βούληται)[42] ; il est souverain même des lois (κύριος καί τών νόμων)[43]. Au Ve siècle, il est roi[44], il n’est pas encore tyran[45]. Il admet qu’il y ait une limite au bon plaisir de la majorité. Des Athéniens de ce temps on petit dire, comme des Spartiates, et de leur vie publique comme de leur vie privée : Libres, ils n’ont pas une liberté absolue ; car au-dessus d’eux est un maître, la loi[46].

La graphè paranomôn s’oppose aux entraînements de l’Ecclésia aussi bien qu’aux excès des démagogues. Même après la mort de Périclès, elle garde son efficacité. Un jour, dans des circonstances tragiques, le peuple refusa d’en tenir compte ; ruais il rie tarda pas à s’apercevoir de son erreur. C’était en 406, dans l’affreux procès des généraux vainqueurs aux îles Arginuses. Au milieu des passions déchaînées, un citoyen courageux essaya de suspendre la procédure réglée par un décret du Conseil et du peuple, en soulevant l’exception d’illégalité. La foule s’écria qu’il était monstrueux d’ôter au peuple le pouvoir de faire ce qu’il veut (δεΐνον εΐναι εί μή τις έάσει τόν δήμον πράττειν ό άν βούληται)[47]. En vain quelques membres du bureau, dont Socrate, protestent contre la misé aux voix ; ils cèdent aux menaces, Socrate excepté[48] ; la résolution est adoptée, les accusés sont condamnés à mort et menés au supplice. Mais, peu de temps après, les Athéniens se repentirent ; ils mirent en accusation, par un décret de probolè, ceux qui avaient trompé le peuple, et le principal coupable devait mourir de faim, universellement détesté[49]. L’exception montre bien ici combien la règle est impérieuse au Ve siècle, la souveraineté populaire entend ne pas être un pouvoir arbitraire, une tyrannie. La démocratie doit avoir pour fondement le respect de la loi,

N’est-ce donc que la loi pour les Grecs en général et particulièrement pour les Athéniens du Ve siècle ?

Si opposées que fussent les conceptions politiques des oligarques et des démocrates, ils se faisaient de la loi à peu prés la même idée. Cependant, quand on essaie de se représenter ce que fut cette idée à l’époque classique, on est frappé d’y trouver une singulière contradiction. La loi apparaît sous un double aspect : c’est une chose sainte et immuable ; c’est une ouvre humaine — laïque, dirions-nous — et par conséquent sujette au changement. On peut, par l’analyse, distinguer ces deux conceptions[50], et alors elles semblent inconciliables ; en réalité, elles se confondaient tant bien que : mal dans la pratique journalière.

D’une part, la vieille thémis du génos s’était introduite dans la dikè de la cité en transformant les thémistes les plus augustes en ce qu’on appelait des thesmoi. Tel est le mot qui désigne le plus anciennement les règles essentielles du droit public. Ces règles sont d’une nature essentiellement religieuse. Elles ne séparent pas encore le temporel du spirituel. Prescriptions rituelles autant que dispositions législatives, elles ne diffèrent en rien lorsqu’elles traitent de la propriété, du mariage, de la succession, des crimes et délits, des relations politiques, ou lorsqu’elles fixent les rites des sacrifices, les honneurs dus aux morts, les formules des prières ou des serments, D’où viennent-elles ? Personne ne le sait, ou plutôt on ignore la date de leur origine, mais on ne doute pas qu’elles n’aient été établies (θέσμος = τίθημι) pour l’éternité par les dieux. Les dieux adorés dans les familles et dans la cité, mais surtout la grande divinité poliade, les ont jadis insufflées aux hommes ; et les plus vénérables d’entre elles, celles qui sont nées du sol en même temps que le premier épi de blé, ont pour auteur Déméter Thesmophoros. Elles sont répétées de siècle en siècle par la tradition orale, léguées par le père au fils dans les génè, communiquées par les génè aux prêtres ou aux magistrats de la cité, transmises dans la cité elle-même d’âge en âge par les hommes-archives, les mnèmones, les hiéromnèmones, les aisymnètai. Ce sont des textes très brefs, rythmés pour mieux se fixer dans la mémoire, et qu’on psalmodie sur un ton invariable[51]. Ils n’ont pas besoin de considérants, puisque ce sont des commandements d’en haut ; ils ne donnent pas leurs raisons, puisqu’ils s’imposent en verni d’une autorité transcendante. Quand le temps les rend obscurs ou qu’ils sont par trop incomplets, on a recours pour les interpréter à des exégètes dont la fonction est sacerdotale. Tout au plus, éprouve-t-on à la fin le besoin de les codifier, travail confié à des thesmothètes. Mais leur caractère sacré interdit d’y lamais toucher. Il en restera un principe absolu : même lorsque les lois seront émancipées de la tutelle divine, on en fera de nouvelles, on n’abrogera pas les anciennes. Il arrive, ainsi, que les plaideurs allèguent dans un procès des textes inconciliables. Ces vieilles croyances au pouvoir surnaturel des thesmoi restent particulièrement attachées aux sanctions du droit criminel. Il y a des formules chargées d’imprécations, les άραί. Les pénalités qu’elles fulminent, surtout la mise au ban de la société, l’atimie, ont une telle puissance, qu’elles se précipitent d’elles-mêmes sur quiconque les a provoquées : il n’est même pas besoin d’un jugement pour tomber sous le coup de leurs maléfices[52].

D’autre part, il existe une lui qui ne doit rien à la révélation, le nomos. Ici tout est humain. La loi dont il s’agit a pour caractère essentiel d’être écrite. Elle n’est plus le bien particulier de quelques privilégiés qui l’ont héritée des dieux ; elle est dépouillée de tout mystère ; elle est connue de tous, elle appartient à tous. Celui qui l’a faite y attache son nom : tout le mande sait qu’elle est de Solon, de Clisthènes, ou tout simplement d’un tel, citoyen quelconque. Et elle n’aurait pas put s’incorporer à la législation, si le peuple ne l’avait pais votée ; elle  n’aurait pas pu recevoir l’assentiment du plus grand nombre, si elle n’avait pas été conçue dans l’intérêt commun. Il faut donc qu’elle fasse à chacun sa part de droit et d’obéissance. Le nomos, c’est l’organisation de la justice distributive (némésis), et voilà pourquoi Aristote déclare qu’il n’y a pas d’ordre en dehors de la loi (ή γάρ τάξις νόμος)[53]. Le nomos, c’est le moyen terme, la commune mesure qui procure la plus grande somme d’équité, la règle impassible qui contient les passions individuelles au collectives, le maître qui s’oppose aux excès de la liberté[54]. La lui souveraine est celle qui fait régner avec elle la raison, le nous, le logos[55]. Ainsi, même idéalisées, les luis ne peuvent que prendre à l’homme ce qu’il a de meilleur. Mais, dans la réalité, elles sont bonnes ou mauvaises, selon la constitution, selon la cité[56], et elles restent nécessairement incomplètes, toujours imparfaites par quelque endroit[57]. Elles n’ont point de valeur absolue. Déjà Salon aurait, dit-on, répondu à quelqu’un qui lui demandait s’il croyait avoir donné aux Athéniens les lois les plus excellentes : Non, mais celles qui leur conviennent le mieux. N’étant pas infaillibles, les lois humaines ne sont pas éternelles ; elles ne durent qu’autant qu’elles sont acceptées par la conscience du peuple : si le droit coutumier se transforme silencieusement par l’évolution insensible des mœurs, la loi écrite se prête au changement chaque fois que le besoin s’en fait sentir. Au fond, la loi est chose relative et conventionnelle : ce n’est pas à tort que le mot de nomos sert aussi à désigner un mode musical et toute monnaie qua a cours.

Lorsque les Grecs parlaient des lois, ils ne faisaient pas, comme nous faisons aujourd’hui, une place à part aux lois constitutionnelles. Aucune cité n’avait de constitution rédigée dans un document ; ce qui en tenait lieu, c’était un ensemble de coutumes et de dispositions insérées dans des lois diverses, par quoi se manifestait l’âme de la cité[58]. Il est vrai qu’Aristote parle constamment de constitution ; mais il faut entendre par là le régime d’une cité, tel qu’il résulte de l’organisation donnée aux magistratures en général et spécialement à la magistrature souveraine, la répartition des pouvoirs, l’attribution de la souveraineté, la détermination du but que s’assigne la communauté politique[59]. Cela suffit, d’ailleurs, pour qu’on puisse, à l’exemple du philosophe, distinguer la constitution des lois proprement dites, à condition d’admettre, comme lui, que l’une est le reflet de ce qu’il y a d’essentiel dans les autres.

Mais les lais, non plus, ne forment chez les Grecs un tout systématique, un code au sens moderne. Elles ont été confectionnées au jour le jour, au moins depuis l’époque où pour la première fois quelque grand législateur, un Zaleucos, un Charondas, un Dracon, un Pittacos, fut chargé de rédiger les coutumes existantes ou des dispositions nouvelles. Il faut bien pourtant classer tous ces textes, d’une façon ou d’une autre. Ce classement nécessaire a toujours été fait, même par les grands législateurs, non pas d’après une conception logique, ruais en vue de l’utilité pratique. On n’a songé qu’à fournir à chaque magistrature les documents qui lui sont nécessaires. S’il y a quelque chose qui ressemble de loin, de très loin, à nos codes, ce sont des espèces de guides ou de cahiers des charges dont sont munis les fonctionnaires de l’État. Aristote le dit avec toute la précision désirable : Les lois, indépendamment des principes constitutionnels qu’elles manifestent, sont les règles des magistrats dans l’exercice du pouvoir et dans la répression des attentats à ces lois[60]. Les exemples ne manquent pas. Les Athéniens nommaient bien un certain nombre de lois isolées d’après leur contenu ; loi sur la triérarchie (τριηραρχικός νύμος)[61], loi sur l’eisangélie (εισαγγελτικός νύμος)[62], lori sur les mines (μεταλλικός νόμος)[63], lois fiscales (τελωνικοί νόμοι)[64], lois commerciales (έμπορικοί νόμοι)[65]. Mais en général, quand les lois sont groupées, elles portent comme étiquette officielle le nom des magistrats ou des tribunaux chargés de les appliquer[66]. Dans la séance annuelle où le peuple est consulté sur la question de savoir si les lois en vigueur doivent être maintenues ou réformées, il vote successivement sur les lois afférentes au Conseil (βουλευτικοί ν.), sur les lois communes aux différentes magistratures (κοινοί ν.), sur les lois qui intéressent les neuf archontes, enfin sur celles qui ont trait aux autres magistratures[67]. Il y avait une loi de l’Aréopage[68], une loi des arbitres publics ou diaitètes[69], une loi du roi[70], une loi des trésoriers [71] ; il y avait une loi de l’archonte, qui renfermait des dispositions aussi disparates que les attributions de ce magistrat[72]. Même usage ailleurs, depuis Corcyre[73], qui a une loi de l’agonothète, jusqu’à Magnésie, qui a une loi du polémarque[74], et Milet, qui a une loi des agoranomes et des paidonomes[75]. Il en fut ainsi dans le royaume de Pergame, où l’on a retrouvé une loi des astynomes dont devaient s’inspirer les règlements édilitaires de l’empire romain[76], et dans l’Égypte des Antonins, ois un papyrus nous a fait connaître le gnomon de l’idiologue[77].

C’est pourtant à ces lois de provenance disparate, à ces prescriptions dispersées dans des règlements de pure pratique, que les Grecs appliquaient l’idée de grandeur morale, de majesté surhumaine que leur avaient laissée les thémistes des siècles passés. Elles réglaient toute la vie de la communauté et des particuliers ; elles étaient le lien moral, le principe vital d’un peuple. De là vient que ce fouillis inspirait un respect religieux. Héraclite, le premier physicien de l’Ionie qui ait employé sa dialectique à l’étude des questions morales, attribue à la loi une origine divine avant de faire cette déclaration d’uni civisme plus qu’ionien : Le peuple doit combattre peur la lui comme pour le mur de la ville[78]. Tout ce que les Grecs ont jamais pensé de la loi, les plus vieilles croyances et les conceptions les plus récentes, jusqu’à la distinction entre la nature et les lois établie par les sophistes et cette fois retournée contre eux, tout cela se retrouve mêlé, non sans contradiction, mais avec une grande élévation de ton, dans un passage qu’on a pu attribuer à Démosthène

Toute la vie des hommes, qu’ils habitent une grande cité ou une petite, est régie par la nature et par les lois. Tandis que la nature est sans règle et variable selon les individus, les lois sont une chose commune, réglée, identique pour tous... Elles veulent le juste, le beau, l’utile. C’est là ce qu’elles cherchent ; une fois trouvé, c’est là ce qui est érigé en disposition générale cigale pour tous et uniforme ; c’est là ce qui s’appelle la loi. Tous lui doivent obéissance pour cette raison, entre autres, que toute loi est une invention et un don des dieux, en même temps qu’une prescription d’hommes sages, le contrat commun d’une cité auquel tous dans la cité doivent conformer leur vie[79].

Mais la plus haute idée qu’un Grec se soit faite des lois laïques quasiment divinisées, nous la trouvons exposée par Socrate dans la fameuse prosopopée du Criton. Dépouillée de la parure sublime que lui donne une forme dramatique, le morceau est encore d’un très grand intérêt, puisqu’il nous fait savoir à quel genre de respect un esprit élevé se croyait tenu même pour des lois qu’il jugeait mauvaises. Celui qui viole la loi détruit toute la cité autant qu’il est en son pouvoir. L’État ne peut subsister lorsque les jugements rendus y sont sans force, lorsque les particuliers peuvent en supprimer l’effet. Il les faut accepter, mêmes injustes. Car c’est en vertu d’un pacte inviolable que le citoyen doit obéissance aux lois. Il est redevable aux lois et à l’État de sa naissance et de son éducation. Mis au inonde, nourri, élevé par les lois, il est leur esclave ; il n’a pas sur elles le même droit qu’elles ont sur lui. Non plus qu’à ses parents et à son maître, il ne doit rendre aux fois et à la patrie ni injure pour injure ni coup pour coup. La patrie est plus qu’une mère : d’elle il faut tout supporter. Le devoir est d’exécuter ses ordres, sauf à la faire changer d’idée par les moyens légitimes. Libre à chacun, après qu’il a été nais en possession de ses droits civiques, d’y renoncer et de quitter le pays avec tous ses biens ; mais celui qui reste prend à bon escient l’engagement d’obéir aux lois[80].

 

En résumé, la démocratie athénienne du Ve siècle apparaît comme l’exercice de la souveraineté par des citoyens libres et égaux sous l’égide de la loi. La loi, qui protège les citoyens les uns contre les autres, défend aussi les droits des individus contre la puissance de l’État et les intérêts de l’État contre les excès de l’individualisme. Avant les dernières années du Ve siècle, on ne voit pas que la liberté ait dégénéré en anarchie ou en indiscipline. Quant au sentiment de l’égalité, il n’était pas poussé jusqu’à la négation des supériorités intellectuelles. Nous sommes dans une cité où Anaxagore, ami de Périclès, répand cette idée que l’esprit (le νοΰς), chose infinie et maîtresse absolue, imprime le mouvement à un point donné, pour l’étendre plus avant et encore plus avant[81]. Cette conception prend un sens politique : pour que la Grèce commande aux barbares, comme elle le doit, il faut qu’en Grèce une cité soit à la tête des autres et que dans cette cité un homme soit à la tête du peuple. Pour remplir sa destinée, la démocratie athénienne se soumet à la dictature morale du génie.

 

 

 



[1] On nous permettra, en ce qui concerne le détail des institutions spartiates, de renvoyer à nos travaux antérieurs (XXXV, p. 10 ss., XXXVI, t. I, p. 335 ss.).

[2] XXXVI, t. I, p. 381 ss.

[3] Ibid., p. 395 ss.

[4] Ibid., p. 399 ss.

[5] Ibid., p. 416 ss.

[6] Ibid., p. 418.

[7] Ibid., p. 420 ss.

[8] Ibid., p. 411 ss., 425.

[9] Ibid., p. 426 ss.

[10] Ibid., p. 443.

[11] Ibid., p. 441 ss.

[12] Ibid., p. 467 ss.

[13] ARISTOTE, Constitution d’Athènes, 22, 2.

[14] Ibid., 5 ; cf. 23, 2.

[15] Ibid., 23, 1-2.

[16] Ibid., 25, 1-2 ; PHILOCH., fr. 141 b (FHG, t. I, p. 107) ; PLUTARQUE, Périclès, 7, 9 ; Cimon, 10, 15.

[17] PLUTARQUE, Solon, 19, 2.

[18] DA, art. Paranomôn graphè.

[19] ARISTOTE, op. c., 26, 2.

[20] Voir DA, art. Sortilio, p. 106 s.

[21] ESCHYLE, Perses, 241 s. ; EURIPIDE, Suppl., 404 ss. ; cf. CXXVI, p. 129 ss.

[22] HÉRODE, III, 80 ; V, 37 ; PLATON, Rép., VIII, p. 563 b ; Ps. PLATON, Ménex., p. 239 a. Cf. CXXVI, l. c.

[23] HÉRODOTE, V, 78 ; DÉMOSTHÈNE, C. Mid., 124.

[24] THUCYDIDE, II, 37 ; cf. Ps. PLATON, l. c. ; EURIPIDE, l. c.

[25] XXXV, p. 177 ss. ; LXXVII, p. 13 ss.

[26] XCIX, p. 344 ss., 864 ss. ; XXXV, p. 354 ss.

[27] ARISTOTE, op. c., 51, 3.

[28] LYSIAS, C. les marchands de blé, 5 ; cf. XCIX, p. 312 ss.

[29] ARISTOTE, op. c., 51, 4.

[30] Ps. DÉMOSTHÈNE, C. Lacr., 51.

[31] Id., C. Phorm., 37 ; C. Lacr., 50 ; LYCURGUE, C. Léocr., 27.

[32] PLUTARQUE, Périclès, 37 ; ARISTOPHANE, Guêpes, 716 ; et Schol.

[33] RIG, n° 559, A, l. 10, 12, 14, 23 ; B, l. 5, 6, 9, etc. ARISTOTE, op. c., 28, 3. Cf. CXXIV, t. II, p. 212.

[34] HARPOCRATION, s. v. θεωρικά.

[35] ARISTOTE, op. c., 42, 1.

[36] XÉNOPHON, Mém., IV, 4, 16. Cf. DA, art. Jusjurandum, p. 753 ss.

[37] PLUTARQUE, Alcibiade, 15 ; DÉMOSTHÈNE, Ambassade, 303 et Schol.

[38] PLUTARQUE, l. c.

[39] Voir P. GIRARD, art. Ephebi, DA, t. II, p. 624-62.5 et fig. 2677.

[40] POLLUX, VIII, 105 ; STOBÉE, Florilèges, XLIII, 48. Cf. P. GIRARD, l. c.

[41] Ps. DÉMOSTHÈNE, C. Néaira, 88 ; cf. HÉRODOTE, III, 80 ; ARISTOTE, Pol., II, 9, 8.

[42] Ps. DÉMOSTHÈNE, l. c.

[43] ARISTOTE, Pol., VIII (V), 4, 6.

[44] ARISTOPHANE, Guêpes, 449.

[45] ARISTOTE, l. c. ; II, 9, 8 ; cf. VI (IV), 4, 44.

[46] HÉRODOTE, VII, 104.

[47] XÉNOPHON, Helléniques, I, 7, 12.

[48] Id., ibid., 14 ; Mémorables, I, 8 ; PLATON, Apol., p. 32 b ; Ps. PLATON, Axioch., p. 368 d.

[49] XÉNOPHON, l. c., 35.

[50] Voir XXVIII, t. III, ch. XI, t. IV, ch. IX.

[51] ARISTOTE, Problèmes, XIX, 28 ; HERMIPPOS, fr. 7 (FHG, t. III, p. 47) ; STRABON, XII, 12, 9, p. 239.

[52] Cf. XXXIII, p. 569 ss. ; XXXIV, p. 53 ss.

[53] ARISTOTE, Pol., III, 11, 3.

[54] Id., ibid., 10, 4 ; 11, 6 ; HÉRODOTE, VII, 104.

[55] ARISTOTE, l. c., 11, 4.

[56] Id., ibid., 6, 13.

[57] Id., ibid., 11, 8.

[58] ISOCRATE, Aréop., 14. cf. 78.

[59] ARISTOTE, l. c., 4, 1, VI (IV), 1, 5.

[60] Id., ibid., VI (IV), 1, 5.

[61] DÉMOSTHÈNE, P. la couronne, 312.

[62] HYPÉR., P. Euxèn., 3, 4, 10.

[63] DÉMOSTHÈNE, C. Pantain., 35.

[64] Id., C. Timocrate, 190.

[65] Id., C. Lacrite, 3.

[66] Voir R. SCHŒLL, Sb. MA, 1886, p. 92 s. ; cf. VII, t. I, p, 303 s.

[67] DÉMOSTHÈNE, C. Timocrate, 20.

[68] Id., C. Aristocrate, 22 ; LYSIAS, Sur le meurtre d’Eratosthène, 30 ; C. Andoc., 13.

[69] IG, II2, n° 170.

[70] ATHÉNÉE, VI, 26, p. 234 f ; 27, p. 235 c-d.

[71] ARISTOTE, Constitution d’Athènes, 8, 1 ; 47, 1.

[72] PLUTARQUE, Solon, 24.

[73] IG, t. IX, II, n° 694.

[74] IMa, n° 14.

[75] LXXXII, p. 6, l. 54 ; p. 8, l. 80 ; cf. p. 17.

[76] DITTENBERGER, Or. Gr. inscr. sel., n° 483.

[77] Cf. Th. REINACH, NRHD, 1920, p. 583 ss. ; 1921, p. 3 ss.

[78] HÉRACLITE, fr. 144, 44 (DIELS, Fragm. der Vorsokr., 4e éd., t. I, p. 100, 86).

[79] Ps. DÉMOSTHÈNE, C. Aristogiton, I, 15-16. Cf. LXXVII, p. 18 ss.

[80] PLATON, Criton, p. 50 a-51 a.

[81] ANAXAGORE, fr. 12, 18 (DIELS, l. c., p. 404 ss.).