AMMIEN MARCELLIN, SA VIE ET SON ŒUVRE

 

PREMIÈRE PARTIE. — L'HOMME.

CHAPITRE II. — BIOGRAPHIE (suite).

 

 

C'est avec peine que nous avons dégagé de l'œuvre d'Ammien Marcellin l'histoire de sa vie. Trop souvent nous avons dû recourir à des conjectures et à des rapprochements dont l'ensemble, quelque frappant qu'il soit, ne vaut pas un témoignage certain. II nous sera plus facile d'étudier l'homme, son caractère, son esprit, et de rendre sa physionomie. Si l'auteur a pris soin de dérober à nos recherches la plus grande partie de sa vie, il n'en a pas moins maintes fois révélé les qualités de son âme. Deux traits de crayon suffisent quelquefois pour dessiner une figure, exprimer une ressemblance ; un trait de mœurs, une parole, un jugement peuvent suffire pour dévoiler et mettre à nu l'âme de l'historien.

 

I. — Son caractère.

Ammien Marcellin est une nature bonne, généreuse et droite, un caractère ferme, honnête et loyal, un ami fidèle et sûr. Soldat, il fait noblement son devoir sur le champ de bataille, en face de l'ennemi, comme derrière les remparts d'Amida assiégée, et cela sans forfanterie, racontant avec la même simplicité les péripéties d'un combat glorieux et les incidents d'une fuite désastreuse. Il est vainqueur ou vaincu comme tous les autres, sans orgueil et sans prétention. Il ne se plaint pas de ses chefs, ne pose jamais comme victime, n'estime en aucun cas et malgré tous avoir sauvé la République. C'est un des rares écrivains qui savent parler du moi sans le rendre haïssable.

Brave soldat, il n'est pas moins généreux. En fuyant de Nisibe et à la suite d'Ursicin son chef, le jeune officier, sur le point d'être enveloppé et pris par les Perses, s'arrête à mi-chemin pour rapporter dans la ville un enfant de huit ans que sa mère effrayée avait abandonné. Encore même le narrateur trouve-t-il moyen de mettre ce trait sur le compte de son chef ému de pitié, imperatu ducis miserali commotique. Un autre jour, dans un combat de surprise, quand tout le monde fuit et se sauve, Ammien Marcellin s'arrête pour arracher un trait fixé à la cuisse de son collègue, le protecteur Verinianus[1]. Il aime l'homme et tout ce qui est de l'homme : la vie, qui est le premier des biens, et l'honneur, encore plus précieux que la vie. La stricte justice une fois rendue, il fait appel à l'indulgence pour les égarés, au respect de l'adversaire vaincu[2]. Ce qu'il admire le plus dans Eusébie, femme de Constance, qui s'intéressa au sort de Julien tenu en suspicion et le fit accepter comme César auprès de l'empereur, c'est la bonté, et in culmine tam celso humana. Ce qu'il blâme avec le plus de force dans le consul Nevitta, c'est sa cruauté et quod minus erat ferendum, celsa in potestate crudelem[3]. Pouvoir beaucoup et n'user (le ce pouvoir que pour le bien est pour lui le signe d'une grande âme. L'abus, au contraire, de ce pouvoir, alors qu'il est sans limites, est la chose au monde la plus intolérable. Le but, la raison du commandement n'est que dans l'intérêt et l'utilité de ceux qui obéissent[4] : admirables maximes qu'on rencontre souvent sous la plume de l'historien, parce qu'il en était pénétré. Elles trahissent bien, sous la cuirasse du soldat romain, un fils de cette Grèce qui traitait l'esclave avec douceur, accueillait l'étranger et dressait, au milieu de l'Agora, un autel à la Pitié pour que les suppliants vinssent y suspendre leurs bandelettes.

Cette bonté d'âme éclate surtout dans l'inaltérable affection que le jeune officier, protecteur domestique, voua à son chef, le maître de cavalerie Ursicin. C'était pour lui un compatriote, un ami de la famille, et sans doute un frère d'armes de son père, le comte d'Orient, Marcellinus. Pendant près de dix ans, tant qu'il le peut, il s'attache à la fortune de son général, court avec lui de l'Orient en Occident, partage les mêmes fatigues, s'expose aux mêmes dangers. Or, l'amitié qu'il a pour Ursicin n'est pas sans périls ; elle exige un vrai dévouement. Le maître de cavalerie est en butte aux intrigues continuelles des courtisans, à la jalousie de ses collègues, à la défiance des princes. Être avec lui, c'est encourir les mêmes disgrâces. Mais Ammien Marcellin n'hésite pas ; il l'accompagnera partout et sera tour à tour son confident dans les peines et son bras droit dans les affaires épineuses. Cette affection ne se laissera pas même atteindre par le temps. A trente ans d'intervalle, quand l'officier des gardes sera devenu historien, il vengera la mémoire de son chef, rappellera les services rendus à l'État, les disgrâces imméritées et subies ; toujours plus fidèle à celui qu'il avait tant aimé.

Nature droite, cœur brave et généreux, Ammien Marcellin est avant tout honnête et ami de la justice. Il ne peut supporter les bassesses et les perfidies. Tacite a des paroles de feu pour flétrir ces affranchis du premier siècle, esclaves des volontés du prince et pourvoyeurs de ses vices ; Ammien Marcellin a des accents d'une incroyable énergie pour frapper au visage et démasquer ces nouveaux esclaves du quatrième siècle, venus de l'Orient, le pays de la servilité et des raffinements dans la tyrannie. Ce sont les eunuques, êtres hybrides, sans nom, joignant à la souplesse fuyante de la femme l'insatiable avidité de l'homme parvenu. Et l'historien n'épargne pas plus les princes que les ministres. Le féroce Gallus, le perfide et cauteleux Constance, le faible et vaniteux Valens sont percés et mis à jour avec la même désinvolture que Paul dit la Chaîne, misérable instrument de toutes les vengeances, le chambellan Eusèbe, artisan de toutes les intrigues, le préfet Maximin, bourreau de Rome dans les répressions des crimes de magie, et l'avocat Héliodore qui découvrit le complot du notaire Théodore et terrifia Antioche ; tous courtisans et créatures des empereurs et tous des scélérats[5].

On se plaît de nos jours, un peu trop peut-être, à étudier la vie intime d'un auteur, à pénétrer dans son foyer, à le considérer comme homme, époux, père, à le saisir enfin dans ces mille liens qui nous enveloppent et font la destinée de chacun de nous. On aime à établir des rapports entre les jugements et les théories de l'écrivain, de l'homme public, et les inspirations de sa conduite privée ; on veut comprendre et expliquer l'auteur par l'homme. C'est par une méthode inverse que nous pourrons dire ce que fut Ammien Marcellin à son foyer. Autant qu'il est permis de le conjecturer, et des lettres de Libanius et des jugements que l'historien porte sur ses contemporains, l'On peut croire que l'homme fut à la hauteur de l'historien : plein de respect pour les autres et de dignité pour lui-même. Il fait d'Olybrius, préfet de Rome, un grand éloge : il est administrateur plein de zèle, de modération et de condescendance à l'égard de ses sujets, incorruptible ami de la justice. Toutefois, il regrette que ce magistrat ait fait dans sa vie privée une trop large part au faste des représentations scéniques et à des sentiments qui sans être défendus, dit-il, ne convenaient pas à sa haute situation, in alto judice maculosum vitium[6]. Il admire Julien comme soldat et général, mais il ne le trouve pas moins admirable dans la dignité de sa vie intime. Il observe que ce prince échappa à ce sujet à tout léger soupçon, et, il rappelle un mot charmant de Bacchylide, le poète préféré du  prince philosophe : De même, disait-il, que l'art  prête à une figure un charme nouveau, ainsi la  pudeur relève et embellit la vie d'un homme  supérieur[7].

 De ces jugements, et l'on pourrait en citer bien d'autres, il est permis de conclure que notre historien, ayant dépensé à toutes les frontières de l'empire les ardeurs de sa jeunesse, sut dans la maturité de l'âge garder cette dignité qu'il réclame dans les, hommes politiques de son temps. C'est une nature trop franche, trop loyale, trop en dehors pour avoir joué un rôle et s'être fait, sans autorité, un prédicant de vertus, un censeur des vices des autres. Ce n'est pas un Salluste pressurant la province pour refaire sa fortune et faisant ensuite des déclamations sur le désintéressement et la justice. Libanius loue avec raison l'intégrité d'Ammien Marcellin magistrat. Le masque de l'hypocrisie n'eût pu tenir sur la figure d'un homme qui garda toute sa vie l'âme fière, généreuse, noble et loyale d'un soldat, hæc ut miles quondam et græcus pro virium explicavi mensura.

 

II. — Son esprit.

Cet homme bon, franc et loyal, d'un caractère si ferme et si indépendant, ami généreux jusqu'au dernier dévouement, mais implacable ennemi des courtisans, comment a-t-il considéré le monde, jugé les hommes et apprécié les événements de son temps ? Quel a été son esprit ?

Il semble tout d'abord que l'âme d'un vieux Romain anime ce dernier historien des annales de Rome. Non moins que Tite-Live, il aime ce vaste empire qu'il fait sien, s'attriste de ses défaites, se réjouit de ses victoires, et, avec le même sentiment que Tacite, il verrait avec joie le monde barbare s'anéantir au profit du monde romain. Il a surtout le culte de cette Rome accrue.paf la faveur des dieux, la ville très sainte, urbs sacratissima, urbs æterna. C'est sur les bords du Tibre et non du Cydnus, qui a pourtant des flots si purs, que devrait reposer Julien ; près de ce Tibre qui arrose la Ville-Éternelle et les antiques monuments des dieu[8]. C'est qu'en effet, si Antioche est pour Ammien Marcellin la ville bien-aimée, la patrie du cœur, de l'homme privé, Rome est encore par imagination, par habitude, la patrie du citoyen, du soldat qui a combattu pour elle sur vingt champs de bataille, du magistrat qui a longtemps commandé et rendu la justice au nom de ses lois. Elle est toujours la tête et la capitale, du moins fictive, de cet empire dont il se regarde comme un membre intégrant ; et c'est un spectacle étrange de voir à la fin du quatrième siècle un Grec, natif d'Antioche, prêcher, semble-t-il, jusqu'à l'adoration le culte de Rome, de cet empire qui va tomber et périr par l'inertie de ses propres enfants.

Quelque sincère que soit ce sentiment dans notre auteur, il ne faudrait pas pourtant l'exagérer en prenant au mot l'historien. On aurait, en effet, une bien fausse idée de son esprit si on faisait de lui un survivant de la république des Brutus et des Caton. Ammien Marcellin n'a dans la pratique rien de chimérique et il a, plus qu'on ne pense, le sentiment des nécessités de son temps. Ce n'est pas lui qui, à l'exemple de Decius et de Julien, eût rêvé de rétablir la censure des mœurs et autres dignités républicaines. Il s'accommode fort bien de l'empire, la seule forme de pouvoir alors possible ; et, s'il proteste contre les répressions excessives des attentats à la vie des princes, il accorde que les empereurs doivent prendre toutes les précautions pour sauvegarder leur vie et rassurer l'État. L'empire n'est pas une forme de tyrannie, une usurpation, mais la dernière évolution de la vieille République qui, fatiguée de gloire et d'honneurs, a remis aux Césars sa puissance, comme une mère abandonne son patrimoine à ses enfants[9]. C'est qu'il y avait deux hommes dans notre historien : le soldat patriote, plein des souvenirs de l'antiquité romaine appris sûr les bancs de l'école, attaché de cœur et d'âme à cet empire qui était la patrie commune de toutes les intelligences cultivées du temps, et puis l'homme pratique, l'homme d'affaires, ayant puisé dans le commerce des hommes cette sage expérience, correctif puissant des chimères de l'esprit.

On retrouve ces contradictions apparentes dans les divers jugements que porte l'historien sur les hommes et les événements de son temps. Aux Romains amollis du quatrième siècle, si glorieux de se voir représentés sur le Forum en statues d'airain, il oppose une rude parole de Caton : J'aime mieux, disait-il, que les gens de bien se demandent pourquoi je n'ai pas obtenu cet honneur, que de les entendre murmurer et se dire comment je l'ai mérité[10]. Constance entre-t-il à Rome en triomphateur après la défaite de l'usurpateur Magnence, l'historien observe amèrement que ce triomphe est souillé de sang romain ; que l'empereur n'a remporté au dehors aucune victoire sur l'ennemi ; qu'il n'a rien ajouté au patrimoine de l'empire ; qu'autrement simples et vaillants étaient les maîtres d'autrefois : ils se contentaient d'une escorte de licteurs pendant la paix, et dans la guerre ils se jetaient en avant au premier rang, prêts à se dévouer comme les Decius. Mais cette gravité, cette austérité à la manière antique sont encore plus imaginaires qu'effectives. Dans le fait, l'esprit de l'homme de sens, de pratique se retrouve bientôt, tenant compte des circonstances et des hommes. Ce prétendu Romain, ami de la simplicité, reproche à Julien son défaut de tenue, son manque de dignité dans ses rapports avec les philosophes, ses amis. Il trouve exagérées les réformes de ce prince dans le palais où régnait depuis Dioclétien tout le faste oriental. Il s'élève encore contre lui quand Julien supprime des privilèges ou exemptions d'impôts, et se range du côté des privilégiés[11]. Si le prince siège à la curie en simple sénateur, ou s'il y conduit des consuls Mamertinus et Nevitta, au nouvel an, marchant à pied devant leur char de parade, les. uns peuvent le louer, mais d'autres le blâmeront et trouveront cela petit et affecté, et Ammien Marcellin est avec eux[12]. Ce grave magistrat, qui rappelle toujours ses contemporains à l'austérité des vieux Romains, n'en approuve pas moins Valentinien traitant avec les Saxons dans des circonstances difficiles et puis leur dressant des embûches à la faveur de la nuit, les massacrant tous jusqu'au dernier. Après tout, semble-t-il dire, c'étaient, moins des soldats que des brigands[13]. Ainsi l'historien, quoique plein des souvenirs de l'antiquité et intègre ami de la justice, s'accommodait en fait des maximes politiques du temps : maximes peu dignes des. vieux Romains, tels du moins que la légende les faisait déjà, mais bien en rapport avec la faiblesse d'un empire croulant sous les attaques répétées des barbares.

En somme, l'esprit d'Ammien Marcellin est celui d'un patriote, il est vrai, mais aussi d'un homme de sens, d'un politique prudent et modéré. S'il a de courtes échappées dans le champ de l'imagination, s'il paraît échauffé par les souvenirs des récits de Tite-Live, il ne faut pas le croire sur parole. L'historien revient promptement à la réalité qu'il juge sainement, tenant compte de la faiblesse des hommes et des nécessités du temps. Ses jugements sont bien d'un Romain, mais d'un Romain qui a vécu en plein quatrième siècle.

Comment un esprit si droit, si plein de sens, a-t-il pu donner créance à mille faits plus ou moins ridicules, tels que présages, superstitions, incantations magiques, divinations par les songes, etc. ? Comment expliquer cette faiblesse dans un homme d'une intelligence si nette et si ferme ?

Le peuple romain fut toujours rigoriste à l'excès et ami des formules superstitieuses. Cette tendance s'accrut encore dans les siècles de décadence à mesure que s'affaiblissait l'énergie dans les âmes. Au quatrième siècle, ces croyances futiles eurent plus que jamais de l'empire sur les esprits. Le Dies natalis de Censorinus était le livre à la mode de la société romaine. Chrétiens peu fermes ou mal instruits, et païens, à tous degrés, donnaient également dans ces erreurs ou ces faiblesses. Eusèbe, dans la vie de Constantin, ne raconte pas moins de puérilités qu'Ammien Marcellin dans ses livres d'histoire[14]. Il fallait le tempérament sain et robuste de Firmicus Maternus et la profonde éducation chrétienne des Pères de l'Église pour s'élever au-dessus de ces défaillances communes. Encore même ces derniers n'arrivaient-ils pas toujours à les surmonter complètement[15]. Saint Augustin nous avoue que sur la foi d'une mauvaise étymologie, il prit un bain pour calmer les regrets qu'il éprouvait de la perte de sa mère, mais il confesse que le remède ne fut point efficace[16]. Il n'est donc pas étonnant qu'Ammien Marcellin ait subi, comme tous ses contemporains, l'influence de ces temps malheureux. Il n'est guère possible à l'homme de se soustraire entièrement au milieu dans lequel il vit et qui pèse sur lui. Ajoutons même que ces mille bavardages, plus ou moins absurdes, trahissent plus l'état des esprits à cette époque que celui d'Ammien Marcellin en particulier. Ce qui le prouve, c'est l'expression conditionnée dont l'auteur fait suivre ces étranges récits : si famœ admittenda est fides ; incertum ratione quadam an prœsagio ; ut quidam existimant[17], etc., et d'autres de ce genre. Cette observation a d'autant plus de prix que l'auteur doute en un endroit de la foi aux présages, ominum fides, si unquam reperiri posset[18]. Dans un autre passage célèbre, il se moque de ces Romains incrédules et superstitieux qui nient l'existence des puissances divines, mais ne sortent de leur palais qu'après avoir consulté le calendrier et examiné à quel point du ciel se trouve Mercure ou la Lune[19]. L'esprit ferme, le sens rassis de notre historien se retrouve tout entier dans ce double aveu. Tout le reste n'est qu'une parure artificielle que se permettait l'auteur par vanité d'érudit ou calcul d'écrivain, afin de piquer et d'exciter l'attention des lecteurs.

 

III. — Était-il païen ou chrétien ?

On retrouve le même esprit de prudence et de modération dans les questions religieuses qui passionnèrent si vivement les hommes de parti au quatrième siècle. C'est avec la même égalité d'humeur que l'historien proteste contre l'enthousiasme indécent de Julien, devenu sectaire et victimaire, et contre la faveur dont Constance entoura l'arianisme[20]. En revanche, il rend hommage à l'impartialité de Valentinien, catholique sincère, qui sut se maintenir en dehors des partis, également juste pour les païens et les chrétiens, et se montrant toujours l'homme de tous, un homme de gouvernement[21]. Cette modération, cette tolérance réciproque qu'Ammien Marcellin observe lui-même en général avec soin et réclame de tout homme d'État, était-elle chez lui le fait d'une conviction sincère, le fruit d'une longue expérience ou la ressource d'un adversaire aux abois, le recours en grâce d'un païen vaincu ? C'est ce que nous dirons après avoir répondu à cette question : Ammien Marcellin fut-il chrétien ou païen ?

Ce problème a été souvent posé et. résolu en sens divers. Claude Chifflet et Pithou, au seizième siècle, crurent qu'Ammien Marcellin avait été chrétien. Au dix-septième siècle, les frères de Valois, qui donnèrent la première édition critique de notre historien, le jugèrent païen. Mais leur opinion n'était pas tellement accréditée que Bayle ne jugeât bon de la confirmer de nouveau en réfutant les arguments de' Chifflet et de Pithou. Depuis, l'opinion qui a prévalu paraît avoir donné raison au rigide sceptique. Cependant, le débat n'est pas regardé comme clos, et Vapereau le constate dans son Dictionnaire de littérature. De nos jours encore, en Allemagne, E. de Wietherseim et A. Schœfer ont soutenu qu'Ammien Marcellin, quoique instruit dans tous les secrets de la philosophie antique, avait professé le christianisme, tandis que M. Ad. Cart, dans une thèse de philosophie, a prétendu qu'il était païen[22]. Essayons à notre tour de reprendre la question et de dégager une conclusion de l'ensemble des textes de l'auteur.

On a cru d'abord qu'il était chrétien, car il fait l'éloge de la religion chrétienne absoluta et simplex, et il blâme les querelles de Constance en faveur de l'arianisme qu'il appelle une superstition bonne pour une vieille femme, anilis superstitio[23]. Il parle plusieurs fois des martyrs, et toujours en des termes d'admiration et de respect, qui deviare a religione compulsi pertulere cruciabiles pœnas ad usque gloriosam mortem intemerata fide progressi[24]. Il a une haute estime de la dignité épiscopale, qui n'inspire que mansuétude et justice, quæ nihil nisi justum suadet et lene[25]. A plusieurs reprises, il proteste contre l'intolérance de Julien à l'égard des chrétiens, soit dans les jugements en interrogeant sans motif les accusés sur la religion qu'ils suivaient, soit dans l'enseignement en excluant des chaires les rhéteurs chrétiens : illud autem erat inclemens, obruendum perenni silentio, quod arcebat docere magistros rhetoricos et grammaticos ritus christiani cultores[26].

Les partisans de l'opinion contraire répondent à leur tour que si Ammien Marcellin fait l'éloge de la religion chrétienne, il le fait en des termes vagues et obscurs qui témoignent moins de sa compétence qu'ils ne font honneur à son indépendance et à son impartialité ; qu'au surplus l'historien est de fait peu favorable aux personnes, aux chrétiens eux-mêmes : Constantin appelé une fois par dérision, le Grand, est ouvertement accusé d'avoir comblé de biens ses créatures[27] ; Constance, Gallus, Jovien, Valentinien, Valens et Gratien sont jugés avec sévérité[28]. Des insinuations malignes sont adressées aux magistrats et aux généraux chrétiens, tels que Olybrius, Lampadius, Trajanus et Terentius[29]. Le riche sénateur Probus, chef avoué des catholiques, est dépeint avec une ironie amère qui trahit le dépit et la rancune[30]. Damase enfin, et avec lui tous les évêques de Rome, sont représentés comme des ambitieux cupides, s'autorisant de leur haute situation pour se livrer à un luxe princier[31]. En revanche, les chefs avoués du paganisme, les Symmaque et les Prétextat, le préfet Anatolius sont traités avec les plus grands respects ; Julien, enfin, le restaurateur des dieux de la Grèce, est proclamé un héros, le modèle des princes, à quelques restrictions près[32]. Ce n'est pas tout ; l'historien observe, au sujet des divisions des ariens, que les chrétiens se déchiraient entre eux comme des bêtes féroces et que le palais de Constance était rempli de ces courtisans insatiables qui, de la plus humble condition, s'étaient élevés aux plus hautes dignités, enrichis des dépouilles des temples, pasti templorum spoliis ; paroles qu'il faut évidemment entendre des chrétiens[33]. D'ailleurs, Ammien Marcellin s'exclut formellement de la société chrétienne : un certain Maras est accusé d'avoir conspiré contre le César Gallus, c'était un diacre, ut appellant christiani ; les postes et relais de l'État sont ruinés par cette multitude d'évêques accourant, sur l'ordre de Constance, à leurs synodes, comme ils le disent, per synodos, quas appellant ; Julien, déjà révolté, mais se ménageant encore des partisans, assistait dans une église à une cérémonie : c'était la fête de l'Épiphanie, comme disent les chrétiens, quem... christiani Epiphania dictitant[34]. Ce n'est pas ainsi que l'historien parle des Grecs, ses concitoyens, ut nos dicimus græci, dit-il maintes fois, quand le mot latin fait défaut, en homme heureux de rappeler les siens et de se confondre avec eux[35]. En un mot, Ammien Marcellin est un hellène, à la manière de Julien, mais beaucoup moins sectaire et beaucoup plus indépendant et impartial que lui, croyant aux interprétations mythiques des dieux de la fable, ajoutant foi aux prédictions tirées du vol des oiseaux, de leur chant, de l'inspection des entrailles, des songes et à l'assistance d'un génie particulier dans tout homme sage et pur, croyance chère à l'école d'Alexandrie[36].

Quelque fondés que paraissent ces arguments, les partisans de la première opinion ne sont pas convaincus ; ils prétendent que si l'historien a des paroles dures et sévères pour les empereurs chrétiens du quatrième siècle, ces reproches sont mérités ; que s'il se sépare avec soin de la société des chrétiens, il ne s'exclut pas moins des rangs des païens. Il dit en effet de Julien, encore César en Gaule, qu'il était secrètement adonné aux aruspices, aux augures et aux diverses pratiques qu'observèrent toujours les adorateurs des dieux, auguriis intentus et ceteris quæ deorum semper fecere cultores[37]. Ils soutiennent enfin que les développements de l'auteur sur les songes, les oracles, les génies, etc., ne témoignent point de sa croyance intime, mais ne sont qu'un pur étalage d'érudit heureux de faire montre de science et de se faire applaudir par les lettrés de Rome. C'est ainsi que les arguments apportés de part et d'autre sont fondés et nombreux, qu'ils se balancent et légitiment la diversité d'opinion. Faut-il conclure qu'il est impossible de savoir s'il fut chrétien ou païen ?

Retenons d'abord un premier résultat : c'est le soin jaloux que prend Ammien Marcellin de s'exclure de toute religion, de ne prendre rang dans aucun parti, de ne paraître ni chrétien ni païen. Dans les affaires civiles et surtout militaires auxquelles il fut mêlé, l'historien ne déguise pas la part qu'il a prise, et souvent il se comprend dans le récit en disant nous[38]. Dans les questions religieuses, il ne parle jamais qu'à la troisième personne. Ce n'est pas que le nom de Dieu ne se présente souvent dans le courant du récit ; il est même dans les habitudes de l'historien d'attribuer les moindres événements à la providence divine. Or, dans ces occasions, il se sert toujours d'une expression vague, générale et abstraite : nutus cœlestis, præsidium divinum, cura nunimis, cœlitis dei favore, prosperante deo[39], etc., et d'autres de ce genre ; toujours au singulier, quand il parle en son nom. Il se sert du pluriel dii, numina, etc., lorsqu'il parle expressément du culte des païens, des dieux de Julien en particulier[40]. Ainsi, l'historien évite de se prononcer et d'arborer son drapeau. Il ne se range ni parmi les chrétiens ni parmi les païens ; il s'exclut plutôt des uns et des autres. Il est respectueux de toute religion, ne blâmant que les pratiques excessives : les faveurs imméritées que Constance prodigue à l'arianisme, anilis superstitio, dit-il, et l'abus des sacrifices que Julien multiplie sans raison[41]. Il ne se prononce que sur un point, et cela très catégoriquement, c'est sur la politique religieuse de Valentinien, qu'il approuve et fait sienne. Ce prince, dit-il, s'est rendu recommandable par la modération dont il usa à l'égard des partis religieux. Il n'inquiéta personne à raison du culte qu'il avait, et ne fit point de décret pour obliger qui que ce soit à embrasser telle ou telle religion ; il n'ordonna point à ses sujets, sous peine de mort, de baisser la tête devant ce qu'il adorait ; il laissa après lui les partis intacts comme il les avait trouvés[42]. On peut croire, en cet endroit, que l'historien révélait sa pensée la plus intime, et qu'il se rattachait franchement à la politique de neutralité religieuse qu'avait inaugurée le prudent Valentinien. Mais cette solution ne nous dit rien sur les sentiments religieux de l'auteur. Le sceptique et indifférent Themistius ne préconisait pas moins la politique de tolérance et de neutralité que le dur et brave Valentinien, catholique d'ailleurs sincère et convaincu. A quel sentiment obéissait donc Ammien Marcellin ? Était-il, en un mot, chrétien ou païen ?

On peut répondre en vérité qu'il n'était ni l'un ni l'autre. Il n'était pas chrétien, chrétien du moins instruit et convaincu à la manière des Olybrius, des Lampadius et des Probus, faisant des largesses aux familles pauvres riveraines du Tibre, ne craignant pas, au témoignage de Prudence, de mettre leur entrée en charge, au nouvel an, sous la protection des saints apôtres :

Martyris ante fores Bruti submittere fasces

Ambil et ausoniam Christo inclinare securim[43].

Un tel chrétien n'eût pas fait de saint Athanase, le grand évêque d'Alexandrie, un ambitieux passé maître dans l'art d'interpréter les augures[44]. Il n'eût pas parlé de Julien avec une telle indépendance d'esprit et parfois avec une si grande admiration[45]. Un chrétien connu comme tel n'eût pas décrié les premiers représentants de sa religion dans la personne de Damase, l'évêque de Rome, et de Probus, l'illustre et opulent sénateur que les chrétiens venaient visiter des extrémités de l'empire[46].

Ammien Marcellin n'était pas davantage païen, païen du moins à la façon des Maxime, Priscus, Évhémère et Eunape, fanatiques admirateurs de Julien, pour qui le prince apostat était un héros sans aucune restriction ; sectaires de l'hellénisme qui se distinguaient par la haine du nom chrétien et le culte des antiques fables rajeunies par les rêveries des disciples de Plotin. L'historien n'était pas avec eux, car il a des paroles dures contre les philosophes et leurs prétentions ; il en a même contre Julien, ses injustices et ses excès[47].

Était-il avec les Symmaque et les Prétextat, les Libanius et les Themistius, païens au fond peu convaincus, mais païens encore par les traditions de famille, toujours si puissantes dans les classes élevées,. par engagement d'honneur à la cause des ancêtres, tolérants d'ailleurs, avec un léger esprit d'opposition aux princes et aux magistrats chrétiens leurs émules ? On le croirait tout d'abord, car l'historien s'est fait en général le porte-voix des doléances de cette coterie, et il professe une grande estime pour tous ces grands noms de l'aristocratie païenne, dignes d'être proposés comme exemples à la postérité[48]. Cependant Ammien Marcellin a un mot d'éloge pour la religion chrétienne, absoluta et simplex. Il a une haute opinion des devoirs de profession d'un évêque, quæ nihil nisi justum suadet et lene. Il admire l'inébranlable constance des martyrs, qui deviare a religion compulsi pertulere cruciabiles pœnas ad usque gloriosam mortem intemerata fide progressi[49]. Un païen, fût-il des plus tolérants, aurait-il été capable de tels aveux, d'une telle générosité ? Ce n'est pas vraisemblable ; on ne découvre rien de pareil dans les lettres de Symmaque et les discours de Thémistius. Il ne faudrait pas chercher longtemps pour trouver dans la correspondance de Libanius des invectives contre les moines du quatrième siècle[50]. Ammien Marcellin n'est donc pas complètement avec eux, et peut-être y a-t-il une autre supposition, qui nous permettra de saisir ce Protée insaisissable, de le classer et de tout concilier : son respect pour la religion chrétienne, ses injustes sévérités à l'égard de ses représentants et son admiration pour les chefs païens du sénat de Rome.

A la suite de la conversion officielle de Constantin, une sorte de tiers parti s'était formé, également éloigné du paganisme auquel il ne croyait plus, et du christianisme auquel il se rattachait nominalement, mais qu'il ignorait de fait et pratiquait encore moins. Ce parti était même fort nombreux, car il était celui des vainqueurs et des intéressés. La foule d'abord ; en vertu du principe païen qui n'adorait que le succès, s'était livrée en masse. Dans l'armée, et parmi les fonctionnaires de tout ordre, le nombre en était prépondérant. Ces prétendus convertis. conservaient leurs habitudes païennes dans la vie ordinaire, ne recevant pas même le baptême, si ce n'est à la veille de la mort et sous l'influence d'une mère ou d'une épouse chrétienne. Aussi, apostasièrent-ils en masse le jour où Julien eut de nouveau restauré le culte des dieux. Saint Jérôme dit qu'un très grand nombre tombèrent de leur plein gré, multi voluntate propria corruerunt, et Théodoret raconte qu'à la mort de ce prince, en Perse, à l'avènement de Jovien, l'armée se fit chrétienne avec le même entrain qu'elle s'était dite païenne quelques mois auparavant[51]. A Rome, ce tiers parti, nombreux comme partout ailleurs, se distinguait en un point : il conservait une grande estime pour les familles sénatoriales, lesquelles étaient restées fidèles à l'ancien culte. Et cela s'explique ; ces familles étaient les plus anciennes, les plus illustres ; c'était en elles que le génie de la vieille Rome se personnifiait. Au Sénat, bien qu'elles fussent en minorité, leur autorité était prépondérante, car, au témoignage de Prudence lui-même, un poète chrétien, elles étaient la gloire du Sénat, senatus lumina ; alors surtout que les représentants de ces familles, les Symmaque, les Nicomaque, les Orfitus, les Prétextat, etc., étaient déjà recommandables par leur science, leurs richesses et leur honnêteté. Aussi étaient-ils tenus en haute estime et entourés de considération par ces hommes nouveaux, venus des provinces et arrivés par leur mérite aux plus hautes fonctions C'étaient des héros, des demi-dieux, des survivants de ces générations qui avaient fait Rome et conquis le monde. Les empereurs chrétiens eux-mêmes, frivoles comme Constance ou impérieux comme Théodose, abdiquaient toute morgue en entrant dans la ville éternelle, la ville très sainte, urbs æterna, urbs sacralissima. Ils traitaient de pair à pair, de souverain à souverain, cette plèbe qui se disait encore le peuple romain, maître de l'univers. Ils maintenaient dans les plus hautes charges, élevaient au consulat les chefs de ces familles patriciennes, vrais maîtres de Rome et derniers représentants du culte déchu[52].

Ammien Marcellin appartenait, semble-t-il, à ce tiers parti ni païen, ni chrétien ; ou tout à la fois païen par les habitudes et l'éducation, par le tour de la pensée et la manière de juger ; chrétien de nom seulement par entraînement général à au fond sans aucunes pratiques religieuses et ne connaissant guère du christianisme que le nom[53]. Né à Antioche, dans la ville la plus chrétienne de l'Orient, d'un haut fonctionnaire, le comte d'Orient, Marcellinus, sans doute chrétien comme lui, formé avec Ursicin, l'ami de la famille, à l'école du grand Constantin, Constantinianus dux, Ammien Marcellin avait été nommé protecteur domestique par l'empereur Constance. Or, ce prince avait porté une loi obligeant tous les officiers de cet ordre à être chrétiens, puisqu'ils avaient la garde de la personne sacrée de l'empereur[54]. Comment donc aurait-il nommé Ammien Marcellin, si ce dernier n'eût été connu comme appartenant à une famille rattachée au nouvel ordre des choses et chrétienne du moins par le nom ?

De là ces contradictions apparentes dans le récit de l'historien qui le montrent tour à tour païen et chrétien, qui ont embarrassé la critique et partagé les opinions. Mais tout s'explique et se concilie. Le prétendu chrétien ne pouvait que bien parler du christianisme, de la dignité épiscopale, de la constance des martyrs ; c'était le ton obligé et affaire de convenance. Mais l'ancien officier devenu magistrat, d'éducation toute païenne et sans aucunes pratiques religieuses, en relations d'ailleurs avec les Symmaque et les Prétextat, qu'il admirait et respectait à raison de leur haute situation, ne put être que l'écho des rancunes de cette aristocratie contre les chefs avoués du christianisme, en particulier contre Probus et lés évêques de Rome. Ses jugements sur les personnes sont maintes fois ceux d'un païen instruit, indépendant, avec une pointe d'opposition contre les chrétiens largement patentés, bien en cour auprès des princes et en voie de supplanter par leur crédit les anciennes familles païennes. Il est probable que l'historien lui-même ne s'est pas rendu compte du rôle qu'il tenait dans ces temps troublés, et qu'il l'a joué à son insu. C'est à distance qu'il est possible de le remettre à sa place, et de voir en lui un brave soldat, magistrat intègre, politique sincère et indépendant, ayant vécu comme cette femme dont on retrouvait naguère l'épitaphe, portant : qu'elle fut fidèle parmi les fidèles et païenne parmi les païens[55].

Ce qu'il y avait de voulu et de fermement arrêté dans l'esprit d'Ammien Marcellin, c'était d'être franchement tolérant dans les questions religieuses et de pratiquer, comme le fit Valentinien, une sincère politique de neutralité. Il n'était pas le seul à observer une telle attitude. Bien des hauts fonctionnaires de l'Etat, maîtres de la milice et gouverneurs des provinces, magistrats de tous rangs, s'inspiraient d'un même esprit de prudente réserve. Aurelius Victor, Eutrope, Rufus Festus, Végèce, etc., tous hommes considérables, et à l'occasion écrivains, gardaient la même neutralité ; et l'on s'est demandé pour eux, comme pour Ammien Marcellin, s'ils furent païens ou chrétiens. Cela se comprend ; les vicissitudes par lesquelles était passé le pouvoir durant ce quatrième siècle, les diverses réactions qui s'étaient produites, avaient été pour beaucoup une rude leçon d'expérience. Bien des carrières avaient été brisées, bien des fortunes anéanties. Le prince aujourd'hui chrétien pouvait être demain païen. Il fallait donc ne rien compromettre dans le présent et tout ménager pour l'avenir. C'était à ce prix qu'on durait et que, à l'exemple de Themistius, le type des hommes politiques du temps, on pouvait être préfet de Constantinople sous Julien et précepteur des princes sous Théodose ; également bien vu et estimé de tous les empereurs, païens, ariens et orthodoxes. L'intérêt d'ailleurs pouvait bien ne pas être l'unique mobile d'une telle attitude. S'il est vrai qu'il n'y a pas un pur acte de vertu qui ne soit plus ou moins soutenu par quelque motif intéressé, en revanche peut-être n'y a-t-il pas un pur acte d'intérêt que ne relève et colore quelque idée plus élevée. Au quatrième siècle, une idée nouvelle tendait enfin à se dégager des souffrances réciproques des païens et des chrétiens, tour à tour spoliés ou enrichis, vaincus ou victorieux : l'idée de tolérance. On comprit que les sentiments religieux étaient du for intérieur de l'âme et au-dessus des lois civiles, que nul ne devait être inquiété à raison de sa foi. Cette idée, qui s'était fait jour dès l'an 260, lorsque Gallien révoqua l'édit de persécution de son père Valérien, fut consacrée par le fameux édit de Milan, 313, et devint la règle de conduite de Valentinien dans ses rapports avec les divers cultes. On ne peut pas davantage douter de la sincérité d'Ammien Marcellin et de son intelligence des exigences de la politique de son temps. On peut croire qu'en homme de sens et de modération il voulait la paix dans l'État par le respect de toutes les convictions ; qu'en magistrat intègre il répugnait à toute violence dans ces luttes toujours odieuses parce que les victimes sont souvent les esprits les plus sincères. Ce sentiment très profond en lui se dégage amplement de la lecture de ses livres d'histoire ; il est le caractère propre d'une âme naturellement bonne et honnête, et qui vécut en dehors de toute action religieuse.

Faut-il donc faire de notre historien un philosophe, comme le veut M. Paul Albert, un philosophe dans le sens qu'on veut bien lui donner, d'homme indépendant, supérieur aux préjugés religieux, tolérant juste et impartial ? Nous le voulons bien, mais avec explications. Ammien Marcellin fut assurément un esprit indépendant, en dehors de toute influence religieuse, par le fait des circonstance, tolérant et en général juste et impartial, parce qu'il était homme de sens et honnête. En cela, il ne fut point philosophe dans le même sens que Julien et son cortège de sophistes, la plupart sectaires odieux, apôtres hypocrites de la tolérance et fanatiques partisans de l'hellénisme. Et l'historien ne s'en cache pas ; il proteste, en soldat et en homme politique, contre les familiarités indécentes de Julien à l'égard des philosophes, ses amis, contre leurs vaines déclarations de condescendance et de modestie, et surtout contre l'ascendant qu'avait pris, dans la direction des affaires et même des troupes, le groupe ignorant et obstiné des sophistes qui accompagnaient Julien, philosophis refragantibus, quorum reverenda tunc erat auctoritas, errantium subinde et in parum cognitis perseverantium diu[56]. Non, Ammien Marcellin n'était pas plus philosophe que païen ou chrétien, et si l'on met en avant quelques interprétations mythiques sur Adonis, le Soleil, Mercure, quelques discussions théologiques sur l'art de la divination, les génies, la nature des âmes[57], il et facile de répondre. Ces passages sont tellement incompréhensibles qu'ils témoignent avant tout de l'incompétence de l'auteur ; ce sont de purs morceaux à effet insérés pour faire étalage d'érudition devant le public trié qui assistait aux lectures publiques.

 

IV. — L'homme sobre au quatrième siècle.

Pour remettre exactement Ammien Marcellin dans son cadre et se le représenter tel qu'il était au milieu de ses contemporains, il faut dire qu'il était un homme sobre, vir sobrius. C'était alors le plus grand éloge qu'on pût faire d'un homme. de bien. S'il eût vécu dans la Grèce antique, on. eût dit de lui qu'il était un homme de juste mesure, άνήρ τις μέτριος, car alors le sens exquis de la mesure en toutes choses, μετριότης, était la première qualité. Plus tard, à Rome, on eut l'homme de juste, milieu, vir mediocris ; et cette modération était appréciée des bons esprits au poids de l'or, aurea mediocritas ; ce que Bossuet a traduit, dans sa langue encore embarrassée de latinismes, par une médiocrité raisonnable qui fait toute la beauté de nos âmes[58]. Et dans ce dix-septième siècle, où la raison même inspira tant de chefs-d'œuvre, l'homme qui excella par ce sage esprit de réserve, au courant de toute science mais ne faisant étalage et montre d'aucune, pour ne pas se faire baptiser, ne quid nimis, fut l'honnête homme. Cette qualité d'esprit, privilège des délicats fut, en effet, partout et toujours fort estimée, tout en ayant, selon les époques, des applications diverses et revêtant des formes spéciales.

Au quatrième siècle, du temps de notre historien, l'homme de juste mesure, άνήρ μέτριος, l'homme de juste milieu, vir mediocris, l'honnête homme enfin fut l'homme sobre, vir sobrius ; et la sobriété en toutes choses, la modestie, sobrietas et modestia, mots souvent accouplés, furent les qualités de l'homme de mérite et de distinction. Ammien Marcellin ne déguise pas dans ses livres la haute estime qu'il professait pour tous, les hommes de son temps dignes de cette appellation, et il fut, semble-t-il, entre tous ses contemporains, un homme prudent et modéré, un homme sobre, vir sobrius. Précisons le sens et l'origine de ce mot.

Dans une de ses lettres, saint Ambroise, parlant de la haute dignité du prêtre, s'exprima ainsi : On ne doit trouver dans les prêtres rien de trivial et de populaire, rien de commun avec les goûts, les mœurs et les usages d'une multitude sans retenue. C'est parée d'une sobre gravité et du sentiment qu'inspire un mérite solide que doit se montrer dans les foules la dignité sacerdotale, sobriam in turbis gravitatem singulare pondus dignitas sibi vindicat sacerdotalis[59]. Ainsi, c'est à l'idée de bas, vulgaire et trivial, que le grand évêque oppose celle de sobre et de grave, sobria gravitas. Saint Jean Chrysostome l'entendait de même dans son Traité du sacerdoce. Il faut, dit-il, que le prêtre soit sobre et clairvoyant[60]. C'est, dans un autre camp, à l'idée d'éclat purement extérieur, à la pompe théâtrale que l'orateur épistolier Symmaque opposera l'idée de sobriété. Ce préfet de Rome (387) écrivait ainsi aux empereurs Valentinien. II, Théodose et Arcadius : C'est par erreur que l'on a cru relever la dignité du préfet de Rome en lui imposant l'usage d'un char éclatant. Cette raison seule a pu inspirer à votre bienveillant génie le récent décret qui ordonne d'entourer d'une grande pompe cette vieille magistrature. Or, une dignité sobre, qui se suffit à elle-même, repousse un éclat de ce genre, recusat istiusmodi deccas honor sobrius quem numquam pœnitet sui[61]. Et c'est encore dans ce sens qu'un grammairien de l'époque, Fortunatianus, paraît l'avoir entendu quand il dit : Le vers hexamètre est appelé aussi vers héroïque parce qu'il convient aux sujets qui se distinguent par une sobre grandeur, hexametram autem et heroum volunt quidam ab eo dictum quod hoc magna et sobria canantur, ut herœs magni et sobrii[62]. Ainsi le grammairien et l'orateur donnent au mot de sobrius l'idée de mérite fondé, de grandeur réelle, en l'opposant à celle d'artifice et de pur étalage, tandis que les évêques de Milan et de Constantinople, l'appliquant aux qualités morales, en font le signe de l'homme grave, qui se possède et s'écoute, ne se commettant jamais dans le désordre inconsidéré des foules. Au fond, c'est la même pensée de réserve et de mesure, entendue seulement dans un ordre d'idées différent.

Il est facile de comprendre comment ce mot de sobrius prit au quatrième siècle un sens si général et si important. Le peuple romain était alors singulièrement dégénéré, étranger désormais à toute grande et noble pensée, absorbé par l'unique préoccupation des besoins de la vie ordinaire. Cette plèbe de Rome ne demandait plus des conquêtes et des triomphes, mais du pain et des jeux. Ce serait une longue histoire que celle de toutes les mesures prises successivement par les empereurs romains afin de pourvoir à l'existence de ce grand peuple vieilli et tombé en enfance. Ils durent fournir le pain, l'huile, le vin, la viande, etc., et les continuelles émeutes qui ensanglantaient les rues de Rome n'étaient guère provoquées que par le retard des convois apportant le blé de l'Afrique, ou par la parcimonie de ses magistrats[63]. Dès lors, on comprend que la sobriété, c'est-à-dire la mesure, la discrétion dans les soins de la vie matérielle devînt une preuve de distinction, et, par une métaphore bien naturelle, elle fut le signe, l'expression d'un état d'âme également éloigné des jactances de l'orgueil et des petitesses de la vulgarité. L'homme grave, austère, prudent et modéré, de poids et de valeur, de réserve et de modestie, fut l'homme sobre. Il devint digne de toute considération[64]. Ainsi l'entendit Ammien Marcellin, écho lui-même de la pensée de ses contemporains. Pour lui, le général accompli, non moins prudent et circonspect dans les marches que ferme dans l'attaque et modeste dans le succès, est le général sobre, sobrius rector ; et cette antique vertu romaine, qui a soumis le monde et lui a imposé sa loi, n'a été si efficace que parce qu'elle a été sobre, unissant la force invincible à la possession de soi, virtus romana et sobria[65]. Aussi, dans ces temps malheureux, à la fin du quatrième siècle, seule une grande prudence alliée à beaucoup de fermeté eût pu porter remède aux maux de l'empire, magna sobrietate consiliorum lenire, luctuosos reipublicce poterat casus[66]. La sobriété, la juste mesure, sobrietas et modestia, étaient donc au quatrième siècle les qualités lei mieux appréciées. Elles consistaient dans une juste harmonie entre le mérite réel et ce qui en est l'expression ou le signe Or, cet esprit de sagesse, de réserve et de modération paraît avoir constitué le fond même de l'âme d'Ammien Marcellin. Quand il parle de lui, c'est toujours avec. une grande modestie, rapportant à d'autres le mérite d'une bonne action qu'il a faite, ou se déguisant lui-même sous le voile de l'anonyme : honoratior aliquis miles[67].

Aussi était-ce par là qu'il jugeait les hommes politiques de son temps et appréciait les événements. L'empereur Valentinien est dur, violent, ayant sans doute oublié que tout homme au pouvoir doit éviter comme un écueil l'excès en toutes choses, oblitus pro recto quod regenti imperium omnia nimia velut prœrupti scopuli sunt devitanda[68]. Ces Romains dégénérés, qui comptent se rendre éternels en, s'élevant des statues d'or ou d'ivoire, ne sont que des sots ; ils se croient plus récompensés de leurs actions par ces futiles images que par le sentiment qu'inspire à l'âme l'accomplissement du devoir. Aussi évitent-ils la présence d'hommes sobres et instruits comme celle d'hommes à charge ou de mauvais augure, homines enim eruditos et sobrios ut infaustos et inutiles vitant[69]. Le fier et vaniteux Constance entre à Rome, courbant la tête sous les arcs de triomphe, plus raide que les étendards d'or qui le précèdent, vevilla auro rigentia. Ce triomphateur a toujours été battu par l'ennemi, et il n'a jamais versé que le sang de ses sujets, dans les guerres civiles. Tels n'étaient pas, ajoute l'historien, les anciens dictateurs de Rome, qui, braves sur le champ de bataille se contentaient, dans la paix, de marcher précédés de deux licteurs[70]. Cette manie de la parade, ce défaut de la mesure, cette hypocrisie du mérite a le don de le vexer au dernier point, et l'historien se plaît, avec une cruelle ironie, à ôter tous les masques, à jeter bas tous les mannequins. Le préfet Lampadius est un fat toujours occupé de restaurer les vieux monuments, non par un empressement d'artiste, mais afin de gratter les noms des fondateurs et d'y mettre le sien à la place — avis aux amateurs d'inscriptions. Sa fatuité est telle qu'il ne saurait supporter qu'on dise de lui qu'il tousse et crache comme un autre[71]. Ammien Marcellin ne peut supporter ce travers, même dans Julien, qu'il admire à tant d'autres points de vue. Il blâme son intempérance de sectaire dans les cérémonies religieuses et le ridicule empressement qu'il met à recevoir les philosophes, ses amis, par vaine ostentation, nimius captator inanis gloriœ[72]. Et les philosophes eux-mêmes sont des comédiens, eux qui se flattent de faire fi de tous les titres de gloire, mais se gardent bien 'd'omettre leur nom sur le livre qui prêche ce mépris. En revanche, ce qu'il estime le plus dans les hommes, c'est l'alliance du mérite réel et de la modestie, du solide et de la simplicité, sans jactance ni forfanterie. Symmaque, préfet de Rome en 367 et père de l'orateur de ce nom, est une des gloires de Rome, par sa science et sa grande réserve, inter precipua nominandus exempta doctrinarum atque modestice[73]. Prétextat n'est pas moins remarquable par la rencontre d'un naturel élevé et d'une gravité digne d'un ancien sénateur, prœclarœ indolis gravitatisque priscœ senator[74] ; et ces évêques des provinces, si sobres dans leur manière de vivre, si humbles dans leur tenue, ne sont par là que plus recommandables auprès de la divinité, quos tenuitas edendi potandique parcissime ; vilitas indumentorum et supercilia humum spectantia perpetuo numini verisque ejus cultoribus ut puros commendant et verecundos[75].

En un mot, un homme sobre, modeste, ami du mérite réel et non de l'éclat apparent, honnête et consciencieux, appliqué au devoir qui lui incombe, soldat brave sans forfanterie, magistrat intègre sans sévérité, homme prudent et modéré, tel fut Ammien Marcellin. Voyons maintenant ce que fut l'historien, et d'abord parlons de son œuvre.

 

 

 



[1] Ammien Marc., XVIII, 6, 10 ; XVIII, 8, 11.

[2] Ammien Marc., XXI, 12, 20 ; XXII, 3, 4.

[3] Ammien Marc., XXI, 6, 4 ; 10, 8.

[4] Ammien Marc., XIV, 7, 5 ; XIX, 2, 18 ; XXI, 16, 14 ; XXIX, 2, 18, etc. Ailleurs, l'historien reproche au César Gallus sa passion pour les jeux sanglants du cirque, signe évident, dit-il, d'un naturel féroce, XIV, 7, 3. Ce trait trahit bien encore le génie grec de l'auteur. Dans ce même temps, Symmaque, homme de grande urbanité, mais Romain, réclamait avec instance des esclaves barbares pour les jeux du cirque. Ammien Marcellin observe encore souvent, en faisant le portrait de tel ou tel ministre avide et cruel, que son esprit était étranger à toute culture littéraire.

[5] Ammien Marc., XVI, 7, 4 ; XVIII, 4, 4 ; XIV, 11, 3 ; XIV, 5 ; XV, 3 ; XIV, 5, 9 ; XXVIII, 2, 4 ; XXIX, 1, 5.

[6] Ammien Marc., XXVIII, 4, 2.

[7] Ammien Marc., XXV, 4, 3. On s'accorde généralement à croire que Julien fut de mœurs irréprochables. Cependant, Ammien Marcellin lui-même nous dit qu'Euthère, chambellan de ce prince, ne craignait pas de reprendre le jeune César, élevé dans les mœurs de l'Asie et partant léger : asiaticis coalitum moribus ideoque levem, XVI, 7, 6.

[8] Ammien Marc., XIX, 10, 4 ; XXVII, 3, 3 ; XXV, 10, 5.

[9] Ammien Marc., XIV, 6, 5.

[10] Ammien Marc., XIV, 6, 8.

[11] Ammien Marc., XXII, 4, 2, 7, 3 ; 9, 12 ; XXV, 4, 21.

[12] Ammien Marc., XXII, 7, 1.

[13] Ammien Marc., XXVIII, 5, 7.

[14] Eusèbe, I, 36 ; II, 4, 11. — Ammien Marc., XV, 5, 34 ; XVIII, 3, I ; XXVIII, 1, 41.

[15] Saint Ambroise lui-même, le génie le plus vigoureux de son temps, n'est pas exempt de ces faiblesses. Voir son Oraison funèbre de Valentinien II.

[16] Saint Augustin, Confessions. On faisait dériver le mot balneum, bain, de βάλλω, jeter.

[17] Ammien Marc., XV, 5, 34.

[18] Ammien Marc., XXII, 1, 2, 7.

[19] Ammien Marc., XXVIII, 4, 24.

[20] Ammien Marc., XXII, 12, 7, et XXI, 16, 18.

[21] Ammien Marc., XXX, 9, 5.

[22] Cl. Chifflet, Vita Ammiam Marcellini. — de Valois, Ammiani Marcellini libri, 1681, préface. — Bayle, Dictionnaire. — Ad. Cart., Questiones Ammianœ, dissertatio, 1868.

[23] Ammien Marc., XXI, 16, 18.

[24] Ammien Marc., XXII, 11, 10.

[25] Ammien Marc., XXII, 11, 5.

[26] Ammien Marc., XXII, 10,7 ; XXV,, 4, 20 ; XXII, 10, 2 et 6 ; XXII, 13, 2. On pourrait citer d'autres passages que l'on a jugés favorables aux chrétiens : religieuses chrétiennes épargnées et respectées en temps de guerre, par Sapor (XVIII, 10, 4), et évêques écoutés comme ambassadeurs (XXIX, 5, 15). Pour nous, ces passages ne prouvent rien ; ils constatent un fait sans le juger.

[27] Ammien Marc., XV, 5, 19 ; XVI, 8, 12.

[28] Ammien Marc., XIV, 5 ; XXI, 16, 8 ; XXV, 5, 7, 10, 15 ; XXVII, 7, 3 ; XXIX, 3, 2 ; XXIX, 1, 11, 2, 17 ; XXX, 8, XXVI, 10, 2.

[29] Ammien Marc., XXVIII, 4, 2 ; XXVII, 3, 5 ; XXX, I, 18 et 19 ; XXX, 1, 2.

[30] Ammien Marc., XXX, 5, 4-10 ; XXVII, 11, 1.

[31] Ammien Marc., XXVII, 3, 14.

[32] Ammien Marc., XVI, 1 et 5 ; XXV, 4 et passim. La sage administration d'Anatolius, païen dévot, d'après Eunape et Libanius, est opposée par Ammien Marcellin à celle de Probus, chef des catholiques. — V. Ammien Marc., XIX, 11, 3 ; XXX, 5, 6. — Eunape, Vitæ Sophistarum in Prohœresio. — Libanius, Lettre 15.

[33] Ammien Marc., XXII, 5, 4 ; XXII, 4, 3 ; XXX, 1, 2.

[34] Ammien Marc., XIV, 9, 7 ; XXI, 16, 18 ; XXI, 2, 5.

[35] Ammien Marc., XXV, 2, 3.

[36] Ammien Marc., XVI, 5, 5 ; XXI, 1, 7 ; XXI, 1, 2 ; XXII, 9, 15.

[37] Ammien Marc., XXI, 2, 4.

[38] Ammien Marc., XIV, 11, 5 ; XV, 5, 22 ; XVII, 4, 6 ; XVIII, 6, 10 ; XXIII, 5, 7, etc.

[39] Ammien Marc., XV, 8, 10 ; XVI, 12, 62 ; XXI, 5, 3 ; XVIII, 6, 3, etc.

[40] Ammien Marc., XXII, 5, 1 ; XXI, 2, 4.

[41] Ammien Marc., XXI, 16, 18 ; XXII, 12, 6.

[42] Ammien Marc., XXX, 9, 5.

[43] Prudentius, contra Symmachum, lib. I.

[44] Ammien Marc., XV, 7, 8.

[45] Ammien Marc., XV, 8, 16 ; XVI, 1, et passim.

[46] S. Paulin, Vita S. Ambrosii.

[47] Ammien Marc., XXII, 7, 3 ; XIII, 5, 11 ; XXII, 12, 6, 7 ; 13, 2 ; XXV, 4, 20, 21.

[48] Ammien Marc., XXVII, 3, 3 ; XXII, 7, 6 ; XXVII, 9, 8.

[49] Ammien Marc., XXI, 16, 18 ; XXII, 11, 5 ; XXII, 11, 10.

[50] Libanius, Oratio ad Theodos. pro templis non exscindendis : Ces gens vêtus de noir, d'appétit plus vorace que des éléphants, animés par la boisson, courent aux temples portant des pierres, du bois, du feu, etc.

[51] Saint Jérôme, Chr. ad ann. 2378 ou 362. — Théodoret, VI, 1. — Socrate, III, 22.

[52] Ammien Marc., XVI, 10, 13. Pacatus, Panégyrique de Théodose, XLVII.

[53] M. Victor Gardthausen, d'après une conjecture de Gutschmidt, a cru pouvoir rétablir dans le texte altéré de l'auteur le nom de Jesus là où les frères Valois ont mis Plato. Ex his (Jesus ? Plato ?) fontibus (science des Égyptiens) per sublimia gradiens sermonum amplitudine Jovis œmulus non visa Ægypto militavit sapientia gloriosa (Ammien Marc., XXII, 46, 22. — Vict. Gardthausen, Conjectanea Ammiania, p. 25.) La conjecture nous paraît du moins très osée ; mais l'éloge ampoulé de l'historien est bien d'un homme qui ne connaît guère ce Jesus.

[54] Camille Jullian : De Protectoribus domesticis, p. 52 ; Code Théod., 7, 21, 2.

[55] Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,26 avril 1878.

[56] Ammien Marc., XXII, 7, 3 ; XXIII, 5, 10.

[57] Ammien Marc., XVI, 5, 5 ; XXI, 1, 9 ; XXII, 9, 15.

[58] Bossuet, Sermon sur la Loi de Dieu.

[59] S. Ambroise, Lettre 6.

[60] S. Jean Chr., Du Sacerdoce, liv.. III, ch. IX.

[61] Symmachi relationes, édit. Gme Meyer. Leipzig, relatio 4a.

[62] Fortunatianus, dans le livre des Mètres.

[63] Ammien Marc., XIX, 10, 1 ; XXVII, 3, 4.

[64] Vir sobrius, l'homme sobre, du préfixe se et de ebrius, ivre. En grec, c'était le mot : νήφων, du préfixe νη, et de (Ϝ)οΐνος, vin. Έννήφειν, signifiait vivre en homme sobre, et νηφάλιος a même sens et même racine. Marc-Aurèle disait dans ce sens : έπιτηδεύτως τι πράττειν.

[65] Ammien Marc., XV, 4, 3 ; XVII, 3, 1.

[66] Ammien Marc., XXXI, 10, 19.

[67] Ammien Marc., XVIII, 6, 10 ; XXV, 5, 3.

[68] Ammien Marc., XXX, 8, 2.

[69] Ammien Marc., XIV, 6, 8 et 15.

[70] Ammien Marc., XXI, 10, 2.

[71] Ammien Marc., XXVII, 3, 5-8.

[72] Ammien Marc., XXII, 7, 3.

[73] Ammien Marc., XXVII, 3, 3.

[74] Ammien Marc., XXII, 7, 6.

[75] Ammien Marc., XXVII, 3, 15.