Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

 

Chapitre XI

Règne de Claude. Défaite des Goths. Victoires, triomphe et mort d’Aurélien.

 

 

SOUS les règnes, déplorables de Valérien et de Gallien, l’empire avait été opprimé et presque détruit par les tyrans, les soldats et les Barbares. Il fut sauvé par une suite de princes, qui tiraient leur obscure origine des provinces martiales de l’Illyrie. Durant un espace de trente ans environ, Claude, Aurélien, Probus, Dioclétien et ses collègues triomphèrent des ennemis étrangers et domestiques de l’État, rétablirent, avec la discipline, la force des frontières et méritèrent le titre glorieux de restaurateurs de l’univers romain.

Un tyran efféminé fit place, à une succession de héros. Le peuple indigné contre Gallien lui imputait tous ses malheurs ; et réellement ils tiraient, pour la plupart, leur source des mœurs dissolues et de l’administration indolente de ce prince. Il n’avait pas même ces sentiments d’honneur qui suppléent si souvent au manque de vertu publique, et tant que la possession de l’Italie ne lui fut pas disputée, une victoire remportée par les Barbares, la perte d’une province, ou la rébellion d’un général, troubla rarement le cours paisible de sa vie voluptueuse. Enfin une armée considérable [an 268], campée sur le Haut Danube, donna la pourpre impériale à son chef Auréole, qui, dédaignant les montagnes de la Rhétie, province stérile et resserrée, passa les Alpes, s’empara de Milan, menaça Rome et somma Gallien de venir sur le champ de bataille disputer la souveraineté de l’Italie. L’empereur, irrité de l’insulte et alarmé à la vue d’un danger si pressant, développa tout à coup, cette vigueur cachée qui perçait quelquefois à travers l’indolence de son caractère ; et, s’arrachant au luxe du palais ; il parût en armes à la tête des légions, traversa le Pô, et marcha au devant de son compétiteur. Le nom défiguré de Pontirole[1] rappelle encore le souvenir d’un pont sur l’Adda, qui, durant l’action, dut être un de la plus grande importance pour les deux armées. L’usurpateur fut entièrement défait, et reçut même une blessure dangereuse. Il se sauva dans Milan, qui fut aussitôt assiégé. Le vainqueur fit dresser contre les murailles toutes les machines de guerre connues des anciens. Auréole, incapable de résister à des forces supérieures, et sans espérance d’aucun secours étranger, se représentait déjà les suites funestes d’une rébellion malheureuse.

Sa dernière ressource était de séduire la fidélité des assiégeants. Il répandit dans leur camp des libelles, pour exhorter les soldats à se séparer d’un prince indigne, qui sacrifiait le bonheur public à son luxe,  et la vie de ses meilleurs sujets aux plus légers soupçons. Les artifices d’Auréole inspirèrent une crainte et le mécontentement aux principaux officiers de son rival. Il se forma une conspiration dans laquelle entrèrent Héraclien, préfet du prétoire ; Marcien, général habile et renommé ; Cécrops qui commandait un nombreux corps de gardes dalmates. La mort de Gallien fut résolue. Les conjurés voulaient terminer d’abord le siége de Milan ; mais la vue du danger qui redoublait à chaque instant de délai, les força de hâter l’exécution de leur audacieuse entreprise. La nuit était fort avancée,  et l’empereur avait prolongé les plaisirs de la table. Tout à coup on vient lui annoncer qu’Auréole, à la tête de toutes ses troupes, a fait une sortie vigoureuse. Gallien, qui ne manqua jamais de courage personnel, quitte avec précipitation le lit magnifique sur lequel il était couché, et, sans se donner le temps de prendre ses armes ou d’assembler ses gardes, il monte à cheval et court à toute bride vers le lieu supposé de l’attaque. Il se trouve bientôt environné d’ennemis déclarés ou couverts : un dard lancé au milieu de l’obscurité par une main inconnue lui fait une blessure mortelle [20 mars 263]. Des sentiments patriotiques qui s’élevèrent dans l’âme de Gallien quelques moments avant sa mort, l’engagèrent à nommer pour son successeur un prince digne de régner. Sa dernière volonté fut que l’on donnât les ornements impériaux à Claude, qui commandait alors un détachement dans le voisinage de Pavie. Au moins ce bruit ne tarda-t-il pas à se répandre ; et les conjurés, qui étaient déjà convenus de placer Claude sur le trône, s’empressèrent d’obéir aux ordres de leur maître. La mort de Gallien parut d’abord suspecte aux troupes ; elles commençaient à manifester leur ressentiment. Un présent de vingt pièces d’or distribué à chaque soldat détruisit leurs soupçons et apaisa leur colère. L’armée ratifia l’élection et reconnut le mérite du nouveau souverain[2].

Malgré les fables inventées par la flatterie[3], pour illustrer l’origine de Claude, l’obscurité qui la couvrait en prouve suffisamment la bassesse. Il paraît seulement qu’il avait pris naissance dans une des provinces du Danube, qu’il passa sa jeunesse au milieu des armes, et que son courage modeste lui attira la faveur et la confiance de l’empereur Dèce. Le sénat et le peuple le jugeaient dès lors capable de remplir les emplois les plus importants, et reprochaient à Valérien la négligence avec laquelle il le laissait dans le poste subalterne de tribun. L’empereur ne tarda pas à distinguer le mérite de Claude, qui fut nommé général en chef de la frontière d’Illyrie, avec le commandement de toutes les troupes de la Thrace, de la Mœsie, de la Dacie, de la Pannonie et de la Dalmatie. Valérien lui donna en même temps les appointements de préfet d’Égypte, lui accorda le rang et les honneurs dont jouissait le proconsul d’Afrique, et lui promit le consulat. Par ses victoires sur les Goths, Claude obtint du sénat l’honneur d’une statue, et il excita la jalousie de Gallien qu’il méprisait. Comment un soldat aurait-il estimé un souverain si dissolu ? Il est peut-être bien difficile de déguiser un juste mépris. Quelques expressions indiscrètes de Claude furent officieusement rapportées à l’empereur. La réponse de Gallien à un officier de confiance peint le caractère de ce prince, et l’esprit du temps. Vous me parlez, dans votre dernière dépêche[4], de quelques suggestions malignes qui ont indisposé contre nous Claude ; notre parent et notre ami ; rien ne pouvait me toucher plus sérieusement que ce que vous me marquez, à ce sujet. Au nom de la fidélité que vous me devez, employez toutes sortes de moyens pour apaiser le ressentiment de Claude ; mais conduisez votre négociation avec secret : qu’elle ne parvienne pas à la connaissance des troupes de Dacie. Elles sont déjà fort irritées, et leur fureur pourrait s’augmenter. J’ai envoyé moi-même à leur chef quelques présents, n’épargnez rien pour les lui rendre agréables. Surtout qu’il ne soupçonne pas que son imprudence m’est connue : là crainte de ma colère, le porterait à des conseils désespérés[5].

Cette lettre si humble, dans laquelle il sollicitait sa réconciliation avec un sujet mécontent, était accompagnée de présents consistant en une somme considérable, en habits magnifiques et en vaisselle d’or et d’argent. C’est ainsi que Gallien sut apaiser l’indignation et dissiper les craintes de son général d’Illyrie ; et durant le reste de son règne la formidable épée de Claude ne fut jamais tirée que pour défendre un maître qu’il ne pouvait estimer. A la fin, il est vrai, il accepta la pourpre teinte du sang de Gallien ; mais, éloigné du camp des conjurés il n’avait pas trempé dans leurs complots, et, quoique peut-être il applaudit à la chute du tyran, nous osons présumer qu’il n’y eut aucune part[6]. Claude avait environ cinquante-quatre ans lorsqu’il monta sur le trône.

Le siège de Milan continuait toujours ; Auréole découvrit bientôt que ses artifices avaient servi seulement à élever contre lui un adversaire plus redoutable. Il essaya de proposer à Claude un traité d’alliance et de partage : Dites-lui, répliqua l’intrépide empereur, que de pareilles offres pouvaient être faites à Gallien ; Gallien les aurait peut-être écoutées patiemment ; il aurait pu accepter un collègue aussi méprisable que lui[7]. Ce dur refus intimida les assiégés. Le mauvais succès d’une dernière tentative leur ôta toute espérance : Auréole rendit la ville, et fut forcé, de se livrer à la discrétion  du vainqueur. L’armée le déclara digne de mort ; après une faible résistance, Claude consentit à l’exécution de la sentence. Les sénateurs ne montrèrent pas moins de zèle pour leur nouveau souverain. Ils ratifièrent peut-être avec des transports sincères, l’élection de Claude ; et, comme son prédécesseur avait été leur ennemi personnel, ils exercèrent, sous le voile de la justice, une vengeance sévère contré ses amis et contre sa famille. Triste interprète des lois, le sénat eut la permission d’ordonner le châtiment des coupables ; le prince se réserva le plaisir et le mérite d’obtenir par son intercession une amnistie générale[8].

De pareils actes de clémence pourraient paraître l’effet de l’ostentation, et font moins connaître le véritable caractère de Claude, qu’une circonstance peu importante en elle-même, ou ce prince sembla suivre les mouvements de son propre cœur. Les fréquentes rebellions des provinces avaient rendu presque tous les habitants coupables de lèse-majesté ; presque toutes les propriétés avaient encouru la confiscation , et souvent Gallien avait déployé sa libéralité en distribuant à ses officiers les dépouilles de ses sujets. A l’avènement de Claude, une vieille femme se jeta à ses pieds, lui demandant justice d’un général qui sous le dernier empereur, avait obtenu une concession arbitraire de son patrimoine. Le général était Claude lui-même, dont la vertu n’avait pas entièrement échappé à la contagion des temps. Le reproche fit rougir le prince ; mais il méritait la confiance que cette infortunée mettait dans son équité : l’aveu de sa faute fut accompagné d’une prompte restitution et de dédommagements considérables [Zonare, XII].

Clandé voulait rendre à l’empire son ancienne splendeur. Pour exécuter une entreprise si difficile, il fallait d’abord réveiller dans ses soldats un sentiment d’ordre et d’obéissance. Il leur représenta, avec l’autorité d’un ancien général, que le relâchement de la discipline avait introduit une foule de désordres dont les troupes  elles-mêmes commençaient enfin à sentir les pernicieux effets ; qu’un peuple ruiné par d’oppression et devenu indolent par désespoir,  ne pouvait plus fournir à de nombreuses armées les moyens de se livrer à la débauche, ni même ceux de subsister ; que le danger de chaque individu augmentait avec le despotisme de l’ordre militaire. En effet, ajoutait-il, des princes qui tremblent sur le trône, sont sans cesse portés à sacrifier la vie de tout sujet suspect. L’empereur s’étendit, en outre, sur les suites funestes d’un caprice violent, dont les soldats étaient les premières victimes, puisque leurs élections séditieuses avaient été si souvent suivies de guerres civiles qui détruisaient la fleur des légions, moissonnée dans les combats ; ou par l’abus cruel de la victoire. Il peignit des plus vives couleurs l’épuisement des finances, la désolation des provinces, la honte du nom romain, et le triomphe insolent des Barbares avides. C’est contre ces Barbares, s’écriait-il, que je prétends diriger les premiers efforts de vos armes. Que Tetricus règne pendant quelque temps dans les provinces occidentales ; que Zénobie même conserve la domination de l’Orient[9]. Ces usurpateurs sont mes ennemis personnels ; je ne songerai jamais à venger des injures particulières qu’après avoir sauvé un empire prêt à s’écrouler, et dont la ruine, si. nous ne nous hâtons de la prévenir, écrasera l’armée et le peuple.

Les diverses tribus de la Germanie et de la Sarmatie, qui combattaient sous les étendards des Goths, avaient déjà rassemblé un armement plus formidable qu’aucun de ceux que l’on eût vus jusque là sortir du Pont-Euxin. Sur les rives du Niester, un des grands fleuves qui se jettent dans cette mer, ces Barbares construisirent une flotte de deux mille ou même de six mille voiles[10]. Ce nombre, tout incroyable qu’il paraît, n’aurait pu suffire pour transporter leur prétendue armée de trois cent vingt mille hommes. Quelle qu’ait été la force réelle des Goths, la vigueur de leurs efforts et le succès de leur expédition ne répondirent pas à la grandeur de leurs préparatifs. En traversant le Bosphore, leurs pilotes, sans expérience, furent emportés par la rapidité du courant ; et l’entassement de cette multitude de vaisseaux dans un canal étroit, causa la perte d’un assez grand nombre qui se brisèrent l’un contre l’autre, ou échouèrent sur le rivage. Les Barbares. firent des descentes, sur différentes côtes de l’Europe et de l’Asie, mais le pays ouvert avait déjà été dévasté ; et, lorsqu’ils se présentèrent devant les villes fortifiées, ils furent repoussés honteusement et avec perte. Un esprit de découragement et de division s’éleva dans la flotte. Quelques chefs dirigèrent leur course vers les îles de Crète et de Chypre ; mais les principaux, suivant une route plus directe, débarquèrent enfin prés du mont Athos, et assaillirent l’opulente ville de Thessalonique, capitale de toutes les provinces de Macédoine. Leurs attaques, dirigées sans art, mais avec toute la force d’un courage intrépide, furent bientôt interrompues par l’approche de Claude, qui se hâtait d’accourir sur un théâtre digne d’un prince belliqueux, à la tête de tout ce qui restait encore des anciennes forces de l’empire romain. Impatients d’en venir aux mains, les Goths lèvent leur camp, abandonnent le siége de Thessalonique, laissent leurs vaisseaux au pied du mont Athos, traversent les hauteurs de la Macédoine, et courent à un combat dont le succès leur ouvrait l’entrée de l’Italie.

Il existe encore une lettre originale de Claude, adressée au sénat et au peuple dans cette occasion mémorable. Pères conscrits, dit l’empereur, sachez que trois cent vingt mille Goths ont envahi le territoire romain. Si je les défais, votre gratitude sera la récompense de mes services. Si je succombe, n’oubliez pas que je suis le successeur de Gallien. La république est de toutes parts fatiguée et épuisée. Nous avons à combattre, après Valérien, après Ingenuus, Regillianus, Celsus, Lollianus, Posthume, et mille autres, qu’un juste mépris pour Gallien a forcés de se révolter. Nous manquons de dards, de pique et de boucliers. Les provinces les plus belliqueuses de l’empire, la Gaule et l’Espagne, sont entre les mains de Tetricus ; et nous rougissons d’avouer que les archers d’Orient obéissent à Zénobie. Quelque chose que nous exécutions, ce sera toujours, suffisamment grand[11]. Le style ferme et mélancolique de cette lettre annonce un héros peu inquiet de sa destinée, connaissant tout le danger de sa situation, mais qui trouvait des espérances bien fondées dans les ressources de son propre génie.

L’événement surpassa son attente et celle de l’univers. Par les victoires les plus signalées il arracha l’empire aux Barbares qui le déchiraient, et il mérita de la postérité le surnom glorieux de Claude le Gothique. Les relations imparfaites d’une guerre irrégulière[12] nous empêchent de- décrire l’ordre et les circonstances de ses exploits ; cependant, s’il nous était permis de nous servir d’une pareille expression, nous pourrions distribuer en trois actes cette fameuse tragédie. 1° La bataille décisive fut livrée près de Naissus, ville de Dardanie[13]. Les légions plièrent d’abord, accablées par le nombre et glacées d’effroi par de premiers malheurs ; leur ruine paraissait inévitable, si la conduite habile de l’empereur ne leur eût ménagé un prompt secours. Un fort détachement sortant tout à coup des passages secrets et difficiles des montagnes, dont il s’était emparé par son ordre, attaqua subitement les derrières des Goths victorieux. L’activité de Claude mit à profit cet instant  favorable. Il ranima le courage de ses troupes, rétablit leurs rangs et pressa l’ennemi de toutes parts. On prétend que dans cette bataille cinquante mille hommes restèrent sur la place. De nombreux corps de Barbares, retranchés derrière leurs chariots, se retirèrent, ou plutôt s’échappèrent à l’abri de cette fortification mobile. 2° Nous pouvons présumer qu’un obstacle, insurmontable peut-être là fatigue ou la désobéissance ces vainqueurs, empêcha Claude d’achever, en un jour la destruction des Goths. La guerre se répandit dans les provinces de Mœsie, de Thrace et de Macédoine et les opérations de la campagne, tant sur mer que sur terre, se bornèrent à des marches, des surprises et des engagements fortuits qui ne présentent que des mêlées sans aucune action régulière. Lorsque les Romains souffraient quelque échec, leur lâcheté ou leur imprudence en était le plus souvent la cause ; mais les talents supérieurs de leur souverain, la parfaite connaissance qu’il avait du pays, ses sages mesures, et son discernement dans le choix de ses officiers, assurèrent presque toujours le succès de ses armes. Tant de victoires lui procurèrent un butin immense, qui consistait principalement en troupeaux et en prisonniers. Une troupe choisie de jeunes Barbares fut incorporée dans les légions ; les autres prisonniers furent vendus comme esclaves ; et le nombre des femmes captives était si considérable, que chaque soldat en eut deux ou trois pour sa part : d’où nous pouvons juger que des Goths n’avaient point envahi l’empire seulement pour le dévaster, mais qu’ils avaient aussi formé quelque projet d’établissement, puisqu’ils avaient mené leurs familles même dans une expédition navale. 3° Leur flotte fut prise ou coulée à fond : perte irréparable qui intercepta leur retraite. Les Romans formèrent une vaste enceinte de postes distribués avec art, courageusement soutenus, et qui se resserrant par degrés, vers un centre commun, forcèrent les Barbares de se réfugier dans les parties les plus inaccessibles du mont Hémus, où ils trouvèrent un asile assuré, mais où ils eurent à peine de quoi subsister. Dans le cours d’un hiver rigoureux, durant lequel ils furent assiégés par les troupes de l’empereur, la famine, la peste, le fer et la désertion, diminuèrent continuellement toute cette multitude. Au retour du printemps on ne vit paraître sous les armes qu’une petite bande de guerriers hardis et désespérés, reste de cette puissante armée qui s’était embarquée à l’embouchure du Niester.

La peste, qui  avait emporté tant de Barbares, devint fatale à leur vainqueur [mars]. Après deux ans d’un règne court, mais glorieux, Claude rendit les derniers soupirs à Sirmium, au milieu des pleurs et des acclamations de ses sujets. Prêt à expirer, il assembla ses principaux officiers, et leur recommanda Aurélien, un de ses généraux, comme le plus digne du trône, et comme le plus capable d’exécuter le grand projet qu’il avait à peine eu le temps d’entreprendre. Les vertus de Claude, sa valeur, son affabilité[14], sa justice et sa tempérance, son amour pour la gloire et pour la patrie, le placent au rang de ce petit nombre de princes qui honorèrent la pourpre romaine. Ses vertus cependant doivent une partie de leur célébrité au zèle particulier et à la complaisance des écrivains courtisans du siècle de Constantin, arrière petit-fils de Crispus, le frère aîné de Claude. La voix de la flatterie apprit bientôt à répéter que les dieux, après avoir enlevé Claude avec tant de précipitation, récompensaient son mérite et sa piété en perpétuant à jamais l’empire dans sa famille[15].

Malgré ces oracles, la grandeur des Flaviens (nom que se donna la maison de Constance) ne brilla que plus de vingt ans après son fondateur ; et même l’élévation de Claude causa la ruine de Quintilius son frère qui n’eût point assez de modération ou assez de courage pour descendre au rang inférieur que lui avait assigné le patriotisme du dernier empereur. Immédiatement après la mort de ce prince, Quintilius prit inconsidérément la pourpré dans la ville d’Aquilée, où il commandait une armée considérable. Quoique son règne n’ait duré que dix-sept jours[16], il eut le temps d’obtenir la sanction du sénat, et d’éprouver une sédition de la part des troupes [avril]. Dès qu’il eut appris que les légions redoutables du Danube avaient conféré la puissance impériale au brave Aurélien, il se sentit accablé sous la réputation et le mérite de son rival ; et, s’étant fait ouvrir les veines, il s’épargna la honte de disputer le trône origine et avec des forces trop inégales[17].

Le plan général de cet ouvrage ne nous permet de pas d’entrer dans de grands détails sur les actions de chaque empereur après son avènement, encore moins de décrire les diverses particularités de cette portion de sa vie écoulée, avant qu’il montât sur le trône. Nous nous contenterons d’observer que le père d’Aurélien était un paysan du territoire de Sirmium, où il faisait valoir une petite ferme qui appartenait à Aurelius, riche sénateur. Son fils, passionné pour les armes, entra au service comme simple soldat ; il obtint successivement les grades de centurion, de préfet d’une légion, d’inspecteur au camp, de général ou duc d’une frontière, comme on les appelait alors ; enfin, durant la guerre des Goths, il exerça l’important emploi de commandant en chef de la cavalerie. Dans ces différents postes il se distingua par une valeur extraordinaire[18], par une discipline rigide et par des exploits éclatants. Il reçut le consulat de l’empereur, Valérien qui, selon le langage pompeux du siècle, le désigna par les noms de sauveur de l’Illyrie, de restaurateur de la Gaule, et de rival des Scipions. A la recommandation de cet empereur, un sénateur d’un rang et d’un mérite distingués, Ulpius Crinitus, qui tirait son origine de la même source que Trajan, adopta le paysan de Pannonie lui donna sa fille en mariage, et le fit sortir par ses richesses, de l’honorable pauvreté où il s’était toujours maintenu[19].

Ce prince ne régna que quatre ans et neuf mois environ ; mais tous les instants de cette courte période sont remplis d’événements mémorables. Il termina la guerre des Goths, châtia les Germains qui avaient envahi l’Italie, retira la Gaule, l’Espagne et la Bretagne des mains de Tetricus, et détruisit la puissance orgueilleuse que Zénobie avait élevée en Orient sur les débris de l’empire désolé.

Aurélien dut cette suite non interrompue de succès à sa rigidité scrupuleuse pour la discipline. Ses règlements militaires sont contenus dans une lettre très concise, qu’il écrivit à un de ses officiers subalternes en lui ordonnant de les faire exécuter, s’il veut devenir tribun ou s’il est attaché à la vie. Le jeu, la table et l’art de la divination, sont sévèrement défendus. L’empereur espère que ses soldats seront modestes, sobres et laborieux ; qu’ils auront soin de tenir leur armure brillante, leurs épées affilées, leurs vêtements et leurs chevaux en état de paraître au moindre signal, sur le champ de bataille ; qu’ils observeront la frugalité et la chasteté, et qu’ils vivront paisiblement dans leurs quartiers , sans endommager les champs de blé, sans dérober même une brebis, une poule ou une grappe de raisin ; sans exiger des habitants du sel, de l’huile ou du bois. Ce que l’État leur donne, continue l’empereur, suffit pour leur subsistance. Que leurs richesses proviennent des dépouilles de l’ennemi, et non des larmes de nos sujets[20]. Un seul exemple fera connaître la rigueur et même la cruauté d’Aurélien. Un soldat avait séduit la femme de son hôte : le coupable fut attaché à deux arbres, qui, forcément courbés l’un vers l’autre, déchirèrent ses membres, en se redressant tout à coup. Quelques exécutions semblables inspirèrent un effroi salutaire : les châtiments  d’Aurélien étaient terribles ; mais il avait rarement occasion de punir plus d’une fois la même offense. Sa conduite donnait une sanction à ses lois ; et les légions séditieuses redoutaient un chef qui, après avoir appris à obéir, était digne de commander.

A la mort de Claude, les Goths avaient repris courage. L’appréhension d’une guerre civile avait obligé les Goths à retirer, pour les employer ailleurs, les troupes qui gardaient les passages du mont Hémus et les bords du Danube. Selon toutes les apparences les tribus des Goths et des Vandales, qui n’avaient point encore porté les armes, contre l’empire, profitèrent d’une occasion si favorable, quittèrent leurs établissements en Ukraine, traversèrent les fleuves, et se joignirent en foule à leurs compatriotes pour piller les provinces romaines. Aurélien marcha au-devant de cette nouvelle armée. L’approche seule de la nuit mit fin à un combat sanglant et douteux [Zozime, I]. Les Goths et les Romains, épuisés par les calamités sans nombre qu’ils avaient réciproquement causées et souffertes pendant une guerre de vingt ans, consentirent un traité durable et avantageux. Les Barbares le sollicitaient avec empressement ; les légions, auxquelles l’empereur remit prudemment la décision de cette affaire importante, s’empressèrent de le ratifier. Les Goths promirent de fournir aux armées de Rome un corps de deux mille auxiliaires, entièrement composé de cavalerie, à condition qu’ils ne seraient pas troublés dans leur retraite, et qu’on leur accorderait près du Danube un marché régulier, pourvu par les soins de l’empereur, mais dont ils feraient les frais. Le traité fut observé par eux avec une fidélité si religieuse, qu’un parti de cinq cents hommes s’étant écarté du camp pour piller, le roi ou général des Barbares fit arrêter leur chef, et le condamna à être percé de dards, comme une victime dévouée à la sainteté de leurs engagements. Il est assez vraisemblable que les mesures d’Aurélien contribuèrent à entretenir ces dispositions pacifiques. Ce prince avait exigé pour otages les enfants des chefs ennemis. Les fils furent élevés près de sa personne dans la profession des armes ; il donna aux jeunes filles une éducation romaine, et, en les mariant à quelques-uns de ses principaux officiers, il unit insensiblement les deux nations par les liens les plus étroits et les plus chers[21].

Mais la condition la plus importante de la paix avait été plutôt entendue qu’exprimée dans le traité. Aurélien retira les troupes romaines de la Dacie, et abandonna tacitement cette grande province  aux Goths et aux Vandales[22]. La fermeté de son jugement lui fit apercevoir les solides avantages d’une pareille concession, et lui apprit à dédaigner la honte dont il semblait couvrir son règne, en resserrant ainsi les frontières de l’empire. Les sujets de la Dacie quittèrent des possessions éloignées qu’ils ne pouvaient ni cultiver ni défendre, et s’établirent en deçà du Danube. Bientôt le pays situé au midi de ce fleuve fut plus peuplé et plus florissant. Des terres fertiles que les irruptions fréquentes des Barbares avaient changées en déserts, furent cédées à ces hommes industrieux, et une nouvelle province de Dacie perpétua le souvenir des conquêtes de Trajan. L’ancienne contrée de ce nom retint cependant un nombre considérable de ses anciens habitants qui redoutaient plus l’exil que la domination des Goths[23]. Après avoir renoncé à l’obéissance de l’empire, ces Romains dégénérés continuèrent le servir, en introduisant parmi leurs nouveaux maîtres les premières notions de l’agriculture, les arts utiles et les commodités de la vie civilisée. La Dacie, devenue indépendante, fut souvent son plus ferme rempart contre les invasions des sauvages du Nord ; et les rives opposées du Danube se trouvèrent insensiblement liées par des rapports de commerce et de langage. A mesure que les Barbares se fixaient dans leurs nouveaux domaines, un sentiment d’intérêt les attachait à l’alliance de Rome ; et l’intérêt, lorsqu’il est permanent, produit souvent une amitié sincère et utile. Les. différentes tribus qui occupèrent l’ancienne Dacie, formèrent insensiblement une grande nation. Les Goths conservèrent toujours parmi elles la supériorité du rang et de la gloire ; tous ces peuples réunis prétendirent à l’honneur imaginaire de descendre des Scandinaves. L’heureuse ressemblance dis nom de Gètes servit à la fois leur crédulité, et leur vanité : ils se persuadèrent que, dans des temps très reculés, leurs ancêtres déjà maîtres de ces régions ; avaient reçu de Zamolxis le bienfait des lumières, et qu’ils avaient arrêté le progrès des armes victorieuses de Sésostris et de Darius[24].

Tandis que la conduite fermé et modérée d’Aurélien rétablissait la frontière d’Illyrie, les Allemands[25] violèrent les conditions de la paix que Gallien avait achetée, ou qui leur avaient été imposées par Claude. Leur jeunesse bouillante ne respirait que la guerre ; ils volèrent tout à coup aux armes, et parurent sur le champ de bataille avec quarante mille chevaux[26] et, une infanterie double de la cavalerie[27]. Quelques villes de la Rhétie furent les premiers objets de leur avarice ; mais, leur audace croissant avec le succès, leur marché rapide traça une ligne de dévastation depuis le Danube jusqu’aux rives du Pô[28].

L’empereur apprit presque en même temps l’irruption et la retraite des Barbares. Aussitôt, rassemblant un corps de troupes choisies, il s’avança secrètement et avec célérité le long des lisières de la forêt Hercynienne [septembre 270]. Les Allemands, chargés des dépouilles de l’Italie, arrivèrent au Danube sans soupçonner, que sur la rive opposée, une armée romaine, cachée dans un poste avantageux, se disposait à intercepter leur retour. Aurélien favorisa leur fatale sécurité ; il laissa environ la moitié de ses forces passer le fleuve sans inquiétude et sans précautions. Leur situation et l’étonnement dont ils furent saisis lui assurèrent une victoire facile. Il poussa plus loin ses avantages. Ce prince habile disposa ses légions en un croissant, dont les deux extrémités traversaient le Danube ; ces extrémités, se rapprochant tout à coup vers le centre, entourèrent arrière-garde des Allemands. Cette manœuvre imprévue terrassa les Barbares. De quelque côté qu’ils jetassent les yeux, ils n’apercevaient qu’un pays dévasté, un fleuve profond et rapide, un ennemi victorieux et implacable.

Dans cette dure extrémité, ils ne dédaignèrent plus de demander la paix. Aurélien reçut leurs ambassadeurs à la tête de son camp, avec une pompe militaire propre à leur imprimer l’idée de la grandeur et de la discipline de Rome. Les légions, rangées en ordre de bataille, se tenaient sous les armes dans un silence imposant. Les principaux commandants revêtus des marques de leur dignité, entouraient à cheval le trône de l’empereur. Derrière le trône, les images sacrées du prince et de ses prédécesseurs[29] ; les aigles dorées, et les tableaux sur lesquels étaient écrits en lettres d’or les noms et les titres honorables des légions, brillaient dans l’air, élevés sur de hautes piques couvertes d’argent. Lorsque l’empereur prit séance, son maintien noble, sa beauté mâle et sa figure majestueuse [Vopiscus, H. Aug.], apprirent aux Barbares à révérer la personne aussi bien que la pourpre de leur vainqueur. Les députés se prosternèrent contre terre en silence ; ils eurent ordre de se relever, et on leur accorda la liberté de parler, ce qu’ils firent avec le secours des interprètes. Ils cherchèrent à diminuer leur perfidie, exagérèrent leurs exploits ; s’étendirent sur les vicissitudes de la fortune, vantèrent les avantages de la paix, et, avec une confiance mal placée, ils demandèrent un subside considérable pour prix de l’alliance qu’ils offraient aux Romains. La réponse d’Aurélien fut sévère et impérieuse. Il traita leurs offres avec mépris, et leurs demandes avec indignation. Après leur avoir reproché d’ignorer également l’art de la guerre et les lois de la paix, il les renvoya, en ne leur laissant que le choix de se mettre entièrement à sa discrétion, ou d’attendre les effets terribles de son ressentiment[30]. Aurélien aurait pu céder à la nation des Goths une province éloignée ; mais il savait combien il était dangereux de se fier ou de pardonner à des Barbares perfides, dont la puissance formidable tenait l’Italie dans des alarmes continuelles.

Il paraît qu’immédiatement après cette conférence, quelque événement imprévu exigea la présence de l’empereur en Pannonie. Il remit a ses généraux le soin de terminer la destruction des Allemands par le fer ou par le moyen plus sur de la famine. Mais l’activité du désespoir a souvent triomphé de la confiance indolente qu’inspire la certitude du succès. Les Barbares, ne pouvant traverser le camp romain et le Danube, forcèrent les postes plus faibles ou moins soigneusement gardés qui leur fermaient l’entrée des provinces, et ils retournèrent avec une célérité incroyable, mais par une route différente, vers les montagnes d’Italie [H. Aug., p. 215]. Aurélien, qui croyait la guerre entièrement finie, apprit avec chagrin que les Allemands s’étaient échappés, et qu’ils ravageaient déjà le territoire de Milan. Les légions eurent ordre de suivre, aussi promptement qu’il était possible à ces corps pesants, la marche rapide d’un ennemi dont l’infanterie et la cavalerie s’avançaient avec une vitesse presque égale. Quelques jours après, l’empereur lui-même vola au secours de l’Italie, à la tête de tous les prétoriens qui avaient servi dans les guerres d’Illyrie [Dexippus, p. 12], et d’un corps choisi d’auxiliaires, parmi lesquels on voyait les otages et la cavalerie des Vandales.

Comme les troupes légères des Allemands couraient tout le pays entre les Alpes et les Apennins,     par la découverte, l’attaque et la poursuite de leurs nombreux détachements, exerçaient sans cesse la vigilance d’Aurélien et de ses généraux. Les opérations de la campagne ne se bornèrent cependant pas à des actions particulières. On parle de trois combats opiniâtres dans lesquels les deux armées mesurèrent toutes leurs forces avec des succès divers [Victor le Jeune, Aurélien]. Le premier fut livré près de Plaisance ; et les Romains essuyèrent une si grande perte, que, selon l’expression d’un auteur très prévenu pour Aurélien, on appréhenda la dissolution prochaine de l’empire [Vopiscus, H. Aug.]. Ces ruses Barbares, ayant suivi la lisière des bois, tombèrent tout à coup, à l’approche de la nuit, sur les légions fatiguées et encore dans le désordre d’une longue marche. Il eût été difficile de résister à l’impétuosité du choc des Barbares : le massacré fut horrible. Enfin l’empereur rallia ses troupes, et par sa constance en sa fermeté rétablit, jusqu’à un certain point, l’honneur de ses armes. La seconde, bataille se donna près de Fano, en Ombrie, dans la plaine qui, cinq cents ans auparavant, avait été si fatale au frère d’Annibal[31] ; tant les Germains victorieux s’étaient avancés en Italie par les voies Flaminienne et Émilienne, avec le projet de surprendre les habitants de Rome, et de saccager la maîtresse du monde. Mais Aurélien veillait à sa sûreté : toujours attaché à la poursuite de l’ennemi, il remporta enfin une victoire complète[32]. Les débris de l’armée vaincue furent exterminés dans une troisième et dernière bataille, près de Pavie, et l’Italie n’eut plus à redouter les incursions des Allemands.

La crainte à été la première, cause de la superstition : chaque nouvelle calamité excite les mortels tremblants à tâcher de conjurer la colère de leurs invisibles ennemis. Quoique l’espoir le plus assuré de la république fût dans la valeur et dans la conduite d’Aurélien ; cependant, lorsqu’on attendait à chaque instant les Barbares aux portes de Rome, le sénat ordonna, par un décret solennel, que les livres de la sibylle fussent consultés, tant était grande la consternation générale ! L’empereur lui-même, porté par un principe de religion ou de politique, approuva des mesures si salutaires ; il écrivit même au sénat pour lui reprocher sa lenteur[33]. Le prince offre dans sa lettre, de fournir à tous les frais des sacrifices, et de donner tous les animaux, tous les captifs que les dieux exigeraient. Malgré ces promesses magnifiques, il ne parait pas qu’aucune victime humaine ait expié de son sang les fautes du peuple romain. Les oracles de la sibylle [11 janvier 271] prescrivirent des cérémonies moins cruelles ; elles consistaient en processions de prêtres revêtus de robes blanches, en choeurs de jeunes garçons et de vierges, en lustrations de la ville et des campagnes voisines, en sacrifices dont l’influence pût arrêter les Barbares et les empêcher de passer le terrain mystérieux où ils avaient été célébrés. Ces pratiques superstitieuses quelque puériles qu’elles pussent être, ne furent pas inutiles au succès de la guerre ; et, si dans la bataille décisive de Fano les Allemands crurent voir une armée de spectres combattant pour Aurélien, ces alliés imaginaires fournirent au prince un secours bien réel et bien considérable[34].

Malgré la confiance que les Romains pouvaient avoir dans  ces remparts fantastiques, l’expérience du passé et la crainte de l’avenir les engagèrent à construire des fortifications réelles et d’une nature plus solide. Sous les successeurs de Romulus, les sept collines de Rome avaient été entourées d’une muraille de plus de treize milles de circonférence[35]. Cette enceinte paraît peut-être bien vaste, comparée à la force et à la population de l’État dans son enfance ; mais les premiers habitants de Rome avaient besoin de défendre une grande étendue de pâturages et de terres labourables contre les incursions fréquentes et subites des peuples du Latium, leurs ennemis perpétuels. A mesure que la grandeur romaine s’éleva, la ville et le nombre des habitants, devinrent plus considérables ; insensiblement tout le terrain fait occupé, les anciens murs ne servirent plus de limites, de superbes édifices couvrirent le Champ de Mars, et des faubourgs magnifiques, bâtis sur toutes les avenues, annoncèrent la capitale de l’univers[36]. L’opinion vulgaire donnait plus de cinquante milles de circuit à la nouvelle muraille, commencée par Aurélien[37] et finie sous le règne de Probus ; des observations plus exactes la réduisent à vingt et un milles environ [Nardini, Roma ant., I, 8]. Ce grand, mais affligeant ouvrage, par le soin que l’on prenait de pourvoir à la défense de la capitale, n’annonçait que trop la décadence de la monarchie. Les Romains, qui, dans un siècle plus fortuné, confiaient aux armes des légions la sûreté des camps établis sur les frontières [Tacite, Hist., IV, 23], étaient bien loin de soupçonner qu’il serait un jour nécessaire de fortifier le siége de l’empire contre les invasions des Barbares[38].

La victoire de Claude sur les Goths, et les exploits d’Aurélien contre les Allemands, faisaient espérer des jours plus heureux. Déjà Rome avait repris sa supériorité sur les nations du Nord, il était réservé au vainqueur des Allemands de punir les tyrans domestiques, et de réunir les membres épars de l’empire. Quoiqu’il eût été reconnu par le sénat et par le peuple, les frontières de l’Italie, de l’Afrique, de l’Illyrie et de la Thrace, resserraient les bornes de sa souveraineté. La Gaule, l’Espagne et la Bretagne, l’Égypte, la Syrie et l’Asie-Mineure, obéissaient toujours à deux rebelles qui, seuls de tant de prétendants, avaient échappé aux dangers de leur situation ; et, pour mettre le comble à la honte de Rome, ces trônes rivaux avaient été usurpés par des femmes.

Les Gaules avaient vu s’élever et tomber une foule leurs de monarques qui se succédèrent rapidement. Les vertus sévères de Posthume frirent la cause de sa perte. Après la chute d’un compétiteur qui avait pris la pourpre à Mayence, il refusa d’abandonner à ses troupes le pillage de la ville rebelle. Leur avarice trompée les rendit furieuses[39] ; elles massacrèrent Posthume dans la septième année de son règne. Une cause moins honorable précipita du trône Victorinus, son collègue. Les dérèglements de ce prince ternissaient ses qualités brillantes[40] : souvent, pour satisfaire ses passions, il employait la violence, sans égard pour les lois de la société, ou même pour celles de l’amour[41]. Il périt à Cologne, victime des complots de quelques maris jaloux, dont la vengeance eût été plus excusable s’ils eussent épargné l’innocence de son fils. Après le meurtre de tant de vaillants princes, il est assez étonnant qu’une femme ait contenu pendant longtemps les fières légions de la Gaule ; ce qui doit paraître encore plus singulier, c’est qu’elle était la mère de l’infortuné Victorinus. Les artifices et les trésors de Victoria la mirent en état de couronner successivement Marius et Tetricus, de tenir ces empereurs dans sa dépendance ; et de régner sous leurs noms avec une mâle fermeté. Elle fit frapper à son coin des espèces d’or, d’argent et de cuivre ; elle prit les titres d’Augusta et de mère des camps ; enfin son autorité n’expira qu’avec sa vie, dont le cours fut peut-être abrégé par l’ingratitude de Tetricus[42].

Lorsque celui-ci, dirigé par les conseils de son ambitieuse bienfaitrice, monta sur le trône il avait le gouvernement de la tranquille province d’Aquitaine ; emploi convenable à son caractère et à son éducation. Devenu maître de la Gaule, de l’Espagne et de la Bretagne, il fut pendant quatre ou cinq ans l’esclave et le souverain d’une armée licencieuse, qu’il redoutait, et dont il était méprisé. La valeur. et la fortune d’Aurélien, firent espérer à Tetricus d’être bientôt délivré du joug qu’il portait [an 271]. Ce malheureux prince osa découvrir à l’empereur sa triste situation ; il le conjura de venir au secours d’un rival infortuné. Si les légions de la Gaule eussent été informées de cette correspondance secrète, elles auraient probablement immolé leur général. Il ne pouvait abandonner le sceptre de l’Occident sans avoir recours à un acte de trahison contre lui-même. Il affecta les apparences d’une guerre civile, s’avança dans la plaine à la tête de ses troupes, les posta de la manière la plus désavantageuse, instruisit Aurélien de toutes ses résolutions, et passa de son côté, au commencement de l’action, avec un petit nombre d’amis choisis. Les soldats rebelles, quoiqu’en désordre et consternés de la désertion inattendue de leur chef se défendirent longtemps avec le courage du désespoir. Ils furent enfin taillés en pièces, presque jusqu’au dernier, dans cette bataille sanglante et mémorable qui se donna près de Châlons en Champagne[43]. Un nombreux corps d’auxiliaires, composé de Francs et de Bataves[44], repassa le Rhin à la persuasion du vainqueur, ou forcé par la terreur de ses armes. Leur retraite rétablit la tranquillité générale, et la puissance d’Aurélien fut respectée depuis le mur d’Antonin jusqu’aux colonnes d’Hercule.

Dès le règne de Claude, la ville d’Autun, seule et sans secours, avait osé se déclarer contre les légions de la Gaule. Après avoir éprouvé pendant un siége de sept mois toutes les horreurs de la famine, elle avait été prise d’assaut et saccagée [Eumène, in vet. Paneg., IV, 8]. Lyon, au contraire, avait résisté avec la plus grande opiniâtreté aux armes d’Aurélien. L’histoire dit que Lyon fût puni[45], elle ne parle pas de la récompense d’Autun. Telle est en effet la politique des guerres civiles. Les injures laissent des traces profondes : on oublie les services les plus importants. La vengeance est utile, la reconnaissance dispendieuse.

Aurélien ne se fut pas plus tôt emparé de la personne et des provinces de Tetricus [an 272], qu’il tourna ses armes contre Zénobie, cette fameuse reine de Palmyre et de l’Orient. Dans l’Europe moderne plusieurs femmes ont soutenu glorieusement le fardeau d’un empire, et notre propre siècle en offre de beaux exemples. Mais, si nous en exceptons Sémiramis, dont les exploits paraissent incertains, Zénobie est la seule femme dont le génie supérieur ait brisé le joug de cette indolence servile à laquelle les mœurs et le climat de l’Asie assujettissaient son sexe[46]. Elle se disait descendue des anciens rois macédoniens qui régnèrent en Égypte : sa beauté égalait celle de Cléopâtre ; et elle surpassait de bien loin cette princesse en valeur et en chasteté[47]. Élevée au-dessus de son sexe par ses qualités éminentes Zénobie, était encore la plus belle des femmes. Elle avait (car en parlant d’une femme, ces bagatelles deviennent des détails importants) le teint brun, les dents d’une blancheur éclatante, une voix forte et harmonieuse, et de grands yeux noirs, dont une douceur attrayante tempérait la vivacité. L’étude avait éclairé son esprit, et en avait augmenté l’énergie naturelle. Elle n’ignorait pas le latin ; mais elle possédait au même degré de perfection le grec, le syriaque et la langue égyptienne. Elle avait composé pour son usage un abrégé de l’histoire d’Orient ; et, guidée par le sublime Longin, elle comparait familièrement les beautés d’Homère et de Platon.

Cette femme accomplie avait épousé Odenat, qui, né dans une condition privée[48], monta sur le trône de l’Orient. Elle devint bientôt l’amie et la compagne d’un héros. Odenat aimait passionnément la chasse : en temps de paix, il se plaisait à poursuivre les bêtes farouches du désert, les lions, les panthères et les ours : Zénobie se livrait avec la même ardeur à ce dangereux exercice. Endurcie à la fatigue, elle dédaigna bientôt l’usage des chars couverts : on la voyait le plus ordinairement à cheval, vêtue d’un habit militaire ; quelquefois elle marchait à pied, et faisait plusieurs milles à la tête des troupes. Les succès d’Odenat furent attribués, en grande partie, à la valeur et à la prudence extraordinaire de sa femme. Les victoires brillantes des deux époux sur le grand roi qu’ils poursuivirent deux fois jusqu’aux portes de Ctésiphon, devinrent la source de leur gloire et de leur puissance ; les armées qu’ils commandaient, et les provinces qu’ils avaient sauvées, ne voulurent avoir pour souverains que leurs invincibles chefs. Lorsque l’infortuné Valérien tomba entre les mains des Perses, le sénat et le peuple de Rome respectèrent un étranger qui vengeait la majesté de l’empire. L’insensible Gallien lui-même consentit à partager la pourpre avec Odenat, et il lui donna le titre de collègue.

Après avoir chassé de l’Asie les Goths qui la dévastaient, le prince palmyrénien se rendit à la ville d’Émèse en Syrie. Il avait triomphé de tous ses ennemis à la guerre ; il périt par une trahison domestique. Son amusement favori de la chasse fut la cause ou du moins l’occasion de sa mort[49]. Mœonius, son neveu, eut l’audace de lancer sa javeline avant son oncle : quoiqu’il en eût été repris, il se porta plusieurs fois à la même insolence. Odenat, offensé comme monarque et comme chasseur, lui ôta son cheval, marque d’ignominie parmi les Barbares, et le fit mettre pendant quelque temps en prison. L’insulte fut bientôt oubliée ; mais Mœonius conserva le souvenir de la punition : aidé d’un petit nombre de complices, il assassina son oncle au mille d’une grande fête [an 267]. Odenat avait eu d’une autre femme que Zénobie un fils, nommé Hérode ; ce jeune prince, d’un caractère efféminé[50], éprouva le même sort que son père. Mœonius ne retira de son crime que le plaisir de la vengeance ; à peine avait-il pris le titre d’Auguste, que Zénobie l’immola aux mânes de son époux[51].

Assistée des plus fidèles amis d’Odenat, cette princesse monta sur le trône, qu’elle remplit avec la plus grande habileté : elle gouverna pendant plus de cinq ans Palmyre, la Syrie et l’Orient. L’autorité que le sénat avait accordée au vainqueur des Perses, seulement comme une distinction personnelle, expirait avec lui ; mais son illustre veuve méprisait également le sénat et Gallien. Un général romain, qui avait été envoyé contre elle fut forcé de se retirer en Europe, après avoir perdu son armée et sa réputation [H. Aug., p. 180-181]. Loin d’être dirigée par ces petits intérêts qui agitent si souvent le règne d’une femme, l’administration ferme de Zénobie avait pour base les plus sages maximes de la politique : s’il fallait pardonner, elle savait étouffer son ressentiment ; était-il nécessaire de punir, elle pouvait imposer silence à la voix de la pitié. Sa grande économie fut taxée d’avarice : cependant, lorsque l’occasion l’exigeait, elle paraissait libérale et magnifique. L’Arabie, l’Arménie et la Perse, redoutaient son inimitié, et recherchaient son alliance. Aux domaines de son époux, qui s’étendaient depuis l’Euphrate jusqu’aux frontières de la Bithynie, elle ajouta l’héritage de ses ancêtres, le royaume fertile et peuplé de l’Égypte[52]. Claude rendit justice à son mérite il n’était pas fâche qu’elle maintînt la dignité de femme en Orient[53], tandis qu’il faisait la guerre à la nation des Goths. Au reste, la conduite de Zénobie paraît équivoque. Il est assez probable qu’elle avait formé le dessein d’élever une monarchie indépendante. Elle mêlait aux manières affables des princes de Rome, la pompe éclatante des cours de l’Asie, et elle voulut être adorée de ses sujets comme l’avaient été les successeurs de Cyrus. Ses trois fils[54] vécurent une éducation romaine. Souvent elle les montrait aux troupes ornés de la pourpre impériale. Elle se réserva le diadème avec le titre brillant, mais douteux, de reine de l’Orient.

Telle était l’adversaire qu’Aurélien avait à combattre [an 272], et qui, malgré son sexe, devait paraître redoutable. Dès que l’empereur se fut rendu en Asie, sa présence raffermit la fidélité de la Bithynie, déjà ébranlée par les armes et par les intrigues de Zénobie [Zozime, I]. S’avançant à la tête de ses légions, il reçut la soumission d’Ancyre, et vint mettre le siège devant Tyane. Après une résistance opiniâtre, un perfide citoyen l’introduisit dans cette place. Aurélien, d’un caractère généreux, quoique violent, livra le traître à la fureur des soldats. Un respect superstitieux porta ce prince à traiter avec douceur les compatriotes d’Apollonius le philosophe[55]. Les habitants d’Antioche à la nouvelle de la marche des Romains, avaient déserté leur ville. L’empereur, par ses édits, rappela les fugitifs, et pardonna généralement à tous ceux que la nécessité avait contraints de servir la reine de Palmyre. Cette clémence inattendue gagna le cœur des Syriens, et jusqu’aux portes d’Émèse les vœux du peuple secondèrent la terreur des armes romaines [Zozime, I].

Zénobie aurait été peu digne de sa réputation, si elle eut souffert tranquillement que l’empereur se fut avancé jusqu’à cent milles de sa capitale. Le sort de l’Orient fut décidé dans deux grandes batailles, dont les circonstances ont entre elles un tel rapport, qu’il serait difficile de les distinguer l’une de l’autre. Nous savons seulement que la première se donna près d’Antioche[56] ; la seconde sous les murs d’Émèse. Dans ces deux combats la reine de Palmyre anima ses troupes par sa présence, et confia l’exécution de ses ordres à Zabdas, général habile, déjà connu par la conquête de l’Égypte. Ses forces nombreuses consistaient, pour la plupart, en archers et en chevaux couverts d’une armure d’airain. Les escadrons d’Aurélien, composés d’Illyriens et de Maures, ne purent soutenir le choc d’un adversaire si puissamment armé. Ils prirent la fuite en désordre, ou affectèrent de se retirer avec précipitation, engagèrent l’ennemi dans une poursuite pénible, le harassèrent par une infinité de petits combats, et enfin renversèrent cette masse de cavalerie impénétrable, mais trop lourde pour se prêter aux évolutions nécessaires. Cependant l’infanterie légère des Palmyréniens, lorsqu’elle eut tiré toutes ses flèches, sans moyen d’éviter un combat plus rapproché, n’offrit plus que des soldats désarmés à l’épée formidable des légions. Aurélien avait choisi ces troupes de vétérans qui campaient ordinairement sur le Haut-Danube, et dont la valeur avait été si rudement éprouvée dans la guerre des Allemands[57]. Après la défaite d’Émèse, Zénobie ne put rassembler une troisième armée. Les nations qui lui avaient obéi ne la reconnaissaient plus pour souveraine et le vainqueur, résolu de s’emparer de l’Égypte, avait envoyé dans cette province Probus, le plus brave de ses généraux. Palmyre était la dernière ressource de la veuve d’Odenat. Elle s’enferma dans sa capitale, fit toutes sortes de préparatifs pour une vigoureuse résistance ; et, remplie d’un courage intrépide, elle déclara que son règne ne finirait qu’avec sa vie.

Dans les déserts incultes de l’Arabie la nature a semé quelques terrains fertiles, qui s’élèvent, semblables à des îles, au milieu d’un océan de sable. Le nom même de Tadmor ou Palmyre désigne, en syriaque et en latin, la multitude de palmiers qui donnent de la verdure et de l’ombre à ce climat tempéré. Les habitants y respiraient un air pur ; et le sol, arrosé de plusieurs sources inestimables dans un tel climat, produisait des fruits et du blé. Ces avantages particuliers, la situation de cette place à une distance  convenable[58] de la Méditerranée et du Golfe Persique, la rendirent en peu de temps florissante. Elle fut bientôt fréquentée par les caravanes, qui portaient aux nations de l’Europe une partie considérable des marchandises précieuses de l’Inde. Insensiblement Palmyre devint une ville riche et libre. Placée entre le royaume des Parthes et l’empire romain, elle obtint de ces deux grandes puissances la liberté de conserver une heureuse neutralité, jusqu’à ce qu’enfin, par les victoires de Trajan, l’empire romain engloutit cette petite république. Réduite alors au rang subordonné, quoique honorable, de colonie, elle goûta, pendant plus de cent cinquante ans les douceurs de la paix. Si l’on en croit le petit nombre d’inscriptions que le temps a épargnées, ce fût durant cette heureuse période que les Palmyréniens opulents élevèrent, sur les modèles de l’architecture grecque, ces temples, ces portiques, ces palais ; dont les ruines couvrent encore une surface de plusieurs milles, et ont mérité la curiosité de nos voyageurs. Les triomphes d’Odenat et de son illustre veuve paraissent avoir jeté un nouvel éclat sur leur patrie. Palmyre, pendant quelque temps, se montra la rivale, de Rome ; mais cette rivalité lui devint funeste, et des siècles de prospérité furent sacrifiés à un instant de gloire[59].

Tandis qu’Aurélien traversait, les déserts. sablonneux qui séparaient Émèse de Palmyre, les Arabes l’inquiétèrent perpétuellement dans sa marche. Il ne lui fut pas toujours possible de défendre son armée, et surtout son bagage, contre ces troupes de brigands actifs et audacieux qui épiaient le moment de la surprise, et qui fuyant avec rapidité, éludaient la poursuite lente des légions. Leurs courses n’étaient qu’incommodes ; le siège de Palmyre offrait de bien plus grandes difficultés. Cet objet important exigeait toute l’activité d’Aurélien, qui fut blessé d’une flèche, comme il pressait en personne les attaques de la place. Le peuple romain, dit l’empereur dans une lettre originale, parle avec mépris de la guerre que je soutiens contre une femme. Il ne connaît ni le caractère ni la jouissance de Zénobie. On ne peut se faire aucune idée de ses immenses préparatifs. Palmyre est remplie d’une quantité prodigieuse de dards, de pierres et d’armes de toute espèce. Chaque partie des murs est garnie de deux ou trois balistes, et des machines de guerre lancent perpétuellement des feux. La crainte du châtiment inspire à Zénobie un désespoir qui augmente son courage. Cependant j’ai toujours la plus grande confiance dans les divinités tutélaires de Rome, qui jusqu’à présent ont favorisé toutes nos entreprises [Vopiscus, H. Aug.]. Malgré cette assurance, Aurélien doutait de la protection des dieux et de l’événement du siège. Persuadé qu’il était plus prudent d’avoir recours à une capitulation avantageuse, il offrit à la reine une retraite brillante ; aux citoyens, la confirmation de leurs privilèges. Ses propositions furent rejetées avec opiniâtreté, et l’insulte accompagna le refus.

Zénobie imaginait qu’en peu de temps la contraindrait les Romains à repasser le désert ; elle se flattait aussi, avec toute apparence de raison, que les rois de l’Orient, et surtout le monarque de la Perse, armeraient pour défendre un allié naturel. Ces espérances soutenaient sa fermeté ; mais la persévérance en la fortune d’Aurélien, surmontèrent tous les obstacles. La mort de Sapor, que l’on place à cette époque[60], mit la division dans le conseil de la Perse ; et les faibles secours que l’on voulut faire entrer dans Palmyre furent aisément interceptés par les armes, et par la libéralité d’Aurélien. Les sages précautions de ce prince lui assurèrent des vivres pendant le siège. Des  convois réguliers arrivaient sans obstacle dans son camp de toutes les parties de la Syrie. Enfin Probus, après avoir terminé glorieusement la conquête de l’Égypte, joignit ses troupes victorieuses à celles de l’empereur. Ce fut alors que Zénobie résolut de fuir. Elle monta le plus léger de ses dromadaires[61] ; et déjà elle était parvenue aux bords de l’Euphrate, à soixante molles environ de Palmyre, lorsque, arrêtée par la cavalerie légère qu’Aurélien avait envoyée à sa poursuite, elle fut amenée captive aux pieds de l’empereur [an 273]. Sa capitale se rendit bientôt après. Les habitants en furent traités avec une douceur qu’ils n’auraient osé espérer. Le vainqueur s’empara des chevaux, des armes, des chameaux, et d’une immense quantité d’or, d’argent, de soie et de pierres précieuses. Il laissa dans la place une garnison de six cents archers seulement ; et il reprit la route d’Émèse, où il s’occupa pendant quelque temps à distribuer des punitions et des récompenses. Telle fut la fin de cette guerre mémorable, dont le succès fit rentrer sous les lois de Rome les provinces qui, depuis la captivité de Valérien, avaient secoué le joug des Césars.

Lorsque la reine de Syrie parut devant Aurélien, ce prince lui demanda sévèrement, comment elle avait eu l’audace de prendre les armes contre les empereurs de Rome. La réponse de Zénobie fut un mélange prudent de respect et de fermeté. Parce que, dit-elle, j’aurais rougi de donner le titre d’empereur à un Gallien, à un Auréole. C’est vous seul que je reconnais comme mon vainqueur et comme mon souverain [Pollion, H. Aug.]. Mais la force d’esprit chez les femmes est presque toujours artificielle : aussi est-il bien rare qu’elle se soutienne. Le courage de Zénobie l’abandonna au moment du danger. Elle ne faut entendre, sans être glacée d’effroi, les clameurs des soldats qui demandaient à haute voix sa mort. Oubliant le généreux désespoir de Cléopâtre, qu’elle s’était proposée pour modèle, elle  n’eut pas honte d’acheter sa grâce par le sacrifice de sa réputation et de ses amis. Ils avaient gouverné, dit-elle, la faiblesse de son sexe : ce fut à leurs conseils qu’elle imputa le crime d’une résistance opiniâtre ; ce fut sur leurs têtes qu’elle dirigea les traits de la vengeance du vainqueur. Le fameux Longin périt avec les victimes nombreuses, et peut-être innocentes, que la tremblante Zénobie dévouait à la mort. Le nom de Longin vivra plus longtemps que celui de la reine qui le trahit, ou du tyran qui le condamna. La science et le génie ne furent pas capables d’adoucir la colère d’un soldat ignorant ; mais ils avaient servi à élever et à régler l’âme de Longin. Sans proférer une seule plainte, il marcha tranquillement au supplice, touché de compassion pour les malheurs de sa souveraine, et consolant lui-même ses amis affligés[62].

Après avoir soumis l’Orient, Aurélien revint en Europe. Dès qu’il eut passé le détroit qui la sépare de l’Asie, il apprit que le gouverneur et la garnison de Palmyre venaient d’être massacrés, et que les habitants avaient de nouveau levé l’étendard de la révolte. Cette nouvelle allume sa colère ; il part sans hésiter, vole une seconde fois en Syrie. Sa marche précipitée jette, l’épouvante dans Antioche : bientôt Palmyre éprouve tout le poids de son ressentiment. Il existe encore une lettre de ce prince, où il avoue lui-même [H. Aug., p. 219] que les enfants, les femmes, les vieillards et les paysans, confondus avec les rebelles, ont été enveloppés dans un massacre général. Quoiqu’il paraisse occupé principalement à rétablit un temple du Soleil, il laisse voir quelque pitié pour le petit nombre de Palmyréniens qui ont échappé à la destruction de leur patrie ; il leur accorde l’a permission de rebâtir et d’habiter leur ville. Mais il est plus aisé de détruire que de réparer : le siège du commerce, des arts et de la grandeur de Zénobie devint successivement une ville obscure, une forteresse peu importante, et enfin un misérable village. Aujourd’hui les citoyens de Palmyre, qui consistent en trente ou quarante familles, ont construit leurs huttes de terre dans l’enceinte spacieuse d’un temple magnifique.

La vigilance d’Aurélien l’avait fait triompher de ses plus fiers rivaux. Il ne restait plus à ce prince qu’à détruire un rebelle obscur, mais qui, durant la révolte de Palmyre, s’était formé un parti sur les rives du Nil. Firmus, qui s’appelait orgueilleusement l’ami, l’allié d’Odenat et de Zénobie, n’était qu’un riche marchand d’Égypte. Le commerce qu’il avait fait dans l’Inde lui avait procuré des liaisons intimes avec les Blemmyes et les Sarrasins, qui, maîtres des bords de la mer Rouge, pouvaient pénétrer dans sa patrie et faciliter l’exécution de ses projets. Il enflamma les Égyptiens en faisant briller à leurs yeux l’espoir de la liberté ; et, suivi d’une multitude furieuse, il s’empara d’Alexandrie, où il prit la pourpre impérial, frappa des monnaies, publia des édits et leva une grande armée, qu’il se vantait d’être capable d’entretenir avec la vente seule de son papier. De pareilles forces étaient une faible défense contre celles d’Aurélien. Il est presque inutile de dire que Firmus fut défait, pris, livré à la torture, et mis à mort. Le sénat et le peuple durent alors applaudir aux succès d’Aurélien. Ce prince pouvait se féliciter d’avoir, en moins de trois ans, rétabli la paix et l’harmonie dans l’univers romain[63].

Depuis la fondation de la république, aucun général n’avait été plus digne qu’Aurélien des honneurs du triomphe [an 274]. Jamais triomphe ne fut célébré avec plus de faste et de magnificence[64] : on vit d’abord paraître vingt éléphants, quatre tigres royaux, et plus de deux cents animaux garés tirés des différents climats du Nord, de l’Orient et du Midi. A leur suite marchaient seize cents gladiateurs dévoués aux jeux cruels de l’amphithéâtre. Les trésors de  l’Asie, les armes et les drapeaux de tant de nations conquises, la vaisselle et les vêtements précieux de la reine de Palmyre, avaient été disposés avec symétrie, ou placés dans un désordre étudié. Des ambassadeurs des parties de la terre les plus éloignées, de l’Éthiopie, de l’Arabie, de la Perse, de la Bactriane, de l’Inde et de la Chine, tous remarquables par la richesse ou par la singularité de leurs vêtements, rendaient hommage à la renommée et à la puissance de l’empereur romain. Ce prince avait exposé pareillement en publie les présents dont il avait été comblé, et surtout les couronnes d’or que lui avaient données un grand nombre de villes reconnaissantes. Une longue suite de captifs goths, vandales, sarmates, allemands, francs, gaulois, syriens et égyptiens, qui s’avançaient avec une sombre contenance, attestaient les victoires d’Aurélien. Chaque peuple était distingué par une inscription particulière, et l’on avait désigné sous le titre d’amazones les dix guerrières de la nation des Goths qui avaient été prises les armes à la main[65]. Mais les spectateurs, dédaignant la foule des prisonniers, fixaient les yeux sur l’empereur Tetricus et sur la reine de l’Orient. Le premier, accompagné de son fils qu’il avait revêtu de la dignité d’Auguste, portait des chausses gauloises[66], une tunique couleur de safran, et un manteau de pourpre. Les regards se portèrent sur la majestueuse figure de Zénobie, resserrée dans des chaînes d’or ; un esclave soutenait celle qui entourait son cou, et elle semblait presque accablée sous le poids insupportable de ses pierreries. Elle précédait à pied le char magnifique sur lequel elle avait autrefois espéré faire son entrée dans Rome. Ce char était suivi de deux autres encore plus brillants, celui d’Odenat et celui du monarque de la Perse. Le triomphateur en montait un quatrième, tiré par quatre cerfs ou par quatre éléphants[67], et qui avait appartenu à un roi goth. Les plus illustres du sénat, du peuple et de l’armée, fermaient cette pompé solennelle. L’air retentissait des acclamations de la multitude, qui, frappée d’étonnement, s’abandonnait aux transports les plus vifs de la reconnaissance et d’une joie sincère. Au milieu de tous ces monuments de gloire, la vue de Tetricus inspirait aux sénateurs des sentiments bien différents. Ils ne pouvaient s’empêcher de murmurer contre le fier monarque qui livrait ainsi à l’ignominie publique, la personne d’un Romain et d’un magistrat[68].

Cependant Aurélien ne manqua pas de générosité : s’il parut insulter aux malheurs de ses rivaux, s’il les traita d’abord avec orgueil ; il exerça par la suite envers eux une clémence qui avait rarement honoré les anciennes victoires de la république. Souvent, dès que la pompe triomphale montait le Capitole, des princes, qui avaient défendu sans succès leur trône ou leur liberté, périssaient en prison par la main d’un bourreau. Les usurpateurs qu’Aurélien menait en triomphe, et que leur défaite avait convaincus du crime de rébellion, passèrent leur vie dans l’opulence et dans un repos honorable. L’empereur fit présent à Zénobie d’une belle maison de campagne, situé à Tibur, ou Tivoli, à vingt milles environ de la capitale. Bientôt la reine de Syrie prit les mœurs des dames romaines, et ses filles épousèrent d’illustrés personnages. Sa famille existait encore au milieu du cinquième siècle[69]. Tetricus et son fils, rétablis dans leurs rangs et dans leurs fortunes, élevèrent sur le mont Célien un palais magnifique ; et, lorsqu’il fut fini, ils invitèrent leur vainqueur à souper. Aurélien fût agréablement surpris d’y voir, en entrant un tableau qui représentait la singulière histoire de ses anciens concurrents. Ils étaient peints offrant à l’empereur une couronne civique avec le sceptre de la Gaule, et recevant de ses mains la dignité sénatoriale. Le père eut dans la suite le gouvernement de la Lucanie[70]. Le prince, qui bientôt l’admit dans sa société et à son amitié, lui demandait familièrement s’il ne valait pas mieux gouverner une province d’Italie que de régner au-delà des Alpes. Le fils acquit une grande considération dans le sénat ; et de tous les nobles de Rome, il n’y en eut aucun qui fût plus estimé d’Aurélien et de ses successeurs [H. Aug., p. 197].

La pompe triomphale dont nous venons de donner la description était si nombreuse, elle s’avançait avec une majesté si lente, qu’elle ne put arriver au Capitole avant la neuvième heure, quoiqu’elle eût commencé dès l’aube du jour ; et il faisait déjà nuit lorsque l’empereur se rendit au palais. A cette cérémonie brillante succédèrent des représentations de théâtre, des jeux du cirque, des chasses de bêtes sauvages, des combats de gladiateurs et des batailles navales. On distribua de grandes largesses aux troupes et au peuple. Plusieurs institutions agréables ou utiles contribuèrent à perpétuer, au milieu de la capitale, la gloire du vainqueur. Il consacra aux dieux de Rome la plus grande partie des dépouilles de l’Orient. Sa piété fastueuse suspendit de superbes offrandes dans le Capitole et dans les autres temples. Celui du Soleil seul reçut plus de quinze mille livres d’or[71]. Ce temple magnifique, bâti par Aurélien sur l’un des flancs du mont Quirinal, fut dédié, bientôt après la cérémonie du triomphe, à la divinité qu’il adorait comme l’auteur de sa vie et de sa fortune. Sa mère avait rempli les fonctions de simple prêtresse dans une chapelle du Soleil. L’heureux paysan avait contracté dès l’enfance les sentiments d’une dévotion particulière pour le dieu du jour ; et à chaque pas qu’il fit vers le trône, à chaque victoire, qui signala son règne, la reconnaissance vint abouter à la superstition[72].

Ses armes avaient abattu les ennemis étrangers et domestiques de l’empire. On prétend que sa rigueur salutaire étouffa, dans toute l’étendue de l’univers romain [Vopiscus, H. Aug.], les crimes, les factions, l’esprit de révolte, les complots pernicieux, et les maux qu’entraîne un gouvernement faible et oppressif. Mais si nous songeons combien la corruption augmente rapidement et se guérit avec peine, si nous nous rappelons que les années de désordres publics surpassèrent en nombre les mois du règne guerrier d’Aurélien, nous ne pourrons nous persuader que dans quelques intervalles d’une paix souvent interrompue, il ait été possible à cet empereur d’exécuter un plan si difficile de réforme. Ses efforts même pour rétablir la pureté de la monnaie excitèrent un soulèvement dangereux. Ce prince se plaint de ces troubles dans une lettre particulière. Sûrement, dit-il, les dieux m’ont destiné à vivre dans un état de guerre perpétuel. Une sédition vient d’allumer la guerre civile au milieu de ma capitale. Les ouvriers de la monnaie se sont révoltés à l’instigation de Felicissimus, esclave auquel j’avais donné un emploi dans les finances. La sédition est éteinte ; mais elle m’a coûté sept mille soldats, l’élite de ces troupes qui campent dans la Dacie et sur les bords du Danube[73]. D’autres écrivains, qui parlent du même événement, le placent fort peu de temps après le triomphe de l’empereur ; ils ajoutent que le combat décisif fut livré sur le mont Célien ; que les ouvriers avaient altéré la monnaie ; et que, pour rétablir le crédit public, Aurélien donna de bonnes espèces en échange pour de mauvaises, que le peuple eut ordre de rapporter au trésor[74].

Si l’on voulait approfondir un événement si extraordinaire, on verrait combien, de la manière dont il est présenté, les circonstances en sont incompatibles l’une avec l’autre, et dénuées de vraisemblance. L’altération de la monnaie s’accorde très bien, à la vérité, avec l’administration de Gallien ; et, selon toutes les apparences, ceux qui avaient été employés à cette pratique odieuse redoutèrent la justice sévère d’Aurélien. Mais le crime, aussi bien que le profit, ne devait concerner qu’un petit nombre de personnes ; et il est difficile de concevoir comment de pareils coupables ont pu armer un peuple qu’ils trompaient si indignement, contre un prince qu’ils trahissaient. On croirait plutôt qu’ils auraient partagé la haine publique avec les délateurs et les autres ministres de l’oppression. Il semble que la réformation des espèces ne devait pas être moins agréable au peuple que la destruction de plusieurs anciens comptes brûlés par ordre de l’empereur dans la place de Trajan[75]. Dans un siècle où les principes du commerce étaient à peine connus, on ne parvenait peut-être au but le plus désirable qu’en usant de rigueur, et en employant dés voies peu judicieuses. Mais de pareils moyens, dont l’impression ne saurait subsister longtemps, ne sont pas capables d’exciter ni d’entretenir le feu d’une guerre dangereuse. Quelquefois le redoublement d’impôts onéreux établis sur les terres et sur les nécessités de la vie, provoque enfin à la révolte ceux qui se trouvent forcés à rester dans leur patrie, ou qui ne peuvent se résoudre à l’abandonner.  Il en est tout autrement d’une opération qui, par quelque expédient que ce soit, rétablit la juste valeur de la monnaie. Le bénéfice permanent efface bientôt le mal passager. La perte se partage entre une grande multitude, et s’il est un petit nombre d’individus opulents dont la fortune éprouve une diminution sensible, ils perdent avec leurs richesses l’influence qu’elles leur procuraient. A quelque point qu’Aurélien ait voulu déguiser la cause réelle de la révolte, la réformation de la monnaie n’a pu être qu’un faible prétexte saisi par un parti mécontent et déjà puissant. Rome, quoique privée de liberté, était en proie aux factions. Le peuple, pour lequel l’empereur, né lui-même plébéien, montrait toujours une affection particulière, vivait dans une dissension perpétuelle avec le sénat, les chevaliers et les gardes prétoriennes[76]. Il ne fallait rien moins que l’union secrète, mais ferme, de ces ordres, il fallait le concours de l’autorité du premier, des richesses du second et des armes du troisième, pour rassembler des forces capables de se mesurer contre les légions du Danube, composées de vétérans, qui, sous la conduite d’un souverain belliqueux, avaient achevé la conquête de l’Orient et des provinces occidentales.

Quel que fût le motif ou l’objet de cette rébellion que l’histoire impute avec si peu de probabilité aux ouvriers de la monnaie, Aurélien usa. de sa victoire avec une implacable rigueur[77]. Naturellement sévère, il avait conservé sous la pourpre le cœur d’un paysan et d’un soldat. Il cédait difficilement aux douces émotions de la sensibilité ; la mort, les tourments, et le spectacle de l’humanité souffrante, paraissaient ne lui faire aucune impression. Élevé dès sa plus tendre jeunesse dans l’exercice des armes, il mettait trop peu de prix à la vie d’un citoyen ; et, punissant par une exécution militaire les moindres offenses, il transportait dans l’administration civile la discipline rigide des camps. Son amour pour la justice, devint souvent une passion aveugle et furieuse. Toutes les fois qu’il croyait sa personne où l’État en danger, il dédaignait les formes ordinaires, et n’observait aucune proportion entre le délit et la peine. La révolte dont les Romains semblaient récompenser ses services, enflamma son esprit altier. Les plus nobles familles de la république, accusées ou soupçonnées d’être entrées dans ce complot, dont il est si difficile de démêler la cause, éprouvèrent les effets de son ressentiment. Son ardente vengeance fit couler des flots de sang : un neveu même de l’empereur fut sacrifié ; et si nous pouvons emprunter les expressions d’un poète du temps, les bourreaux étaient fatigués, les prisons remplies d’une foule de victimes, et le malheureux sénat déplorait la mort ou l’absence de ses plus illustres membres[78]. Cette assemblée ne se trouvait pas moins offensée de l’orgueil de l’empereur que de sa tyrannie. Trop peu éclairé ou trop fier pour se soumettre aux institutions civiles, Aurélien prétendait ne tenir sa puissance que de l’épée ; il gouvernait par droit de conquête une monarchie qu’il avait sauvée et subjuguée[79].

Ce prince, selon la remarque d’un empereur judicieux que nous verrons bientôt régner avec éclat, avait des talents plus propres au commandement d’une armée qu’au gouvernement d’un empire[80].

Aurélien, impatient de rentrer dans une carrière où la nature et l’expérience qui donnaient une si grande supériorité, prit de nouveau les armes quelques mois après son triomphe [octobre 274]. Il lui importait d’exercer dans quelque guerre étrangère l’esprit inquiet des légions ; et le monarque persan, fier de la honte de Valérien, bravait toujours avec impunité la majesté de la république indignement outragée. Le souverain de Rome, a la tête d’une armée moins formidable par le nombre que par la valeur et par la discipline, s’était avancé jusqu’au détroit qui sépare l’Europe de l’Asie. C’était là qu’il devait éprouver que le pouvoir le plus absolu est un faible rempart contre les efforts du désespoir. Il avait menacé de bannir un de ses secrétaires accusé d’exaction, et l’on savait que l’empereur menaçait rarement en vain. Il ne restait au criminel d’autre ressource que d’envelopper, dans son danger les principaux officiers de l’armée, ou du moins de leur inspirer les mêmes alarmes. Habile à contrefaire la main de son maître, il leur montra une liste nombreuse de personnes destinées à la mort, parmi lesquelles leurs noms se trouvaient inscrits ; sans soupçonner ou sans examiner la fraude, ils résolurent de prévenir l’arrêt fatal en massacrant l’empereur. Ceux d’entre les conjurés qui, par leurs emplois, avaient le droit d’approcher de sa personne, l’attaquèrent, subitement entre Byzance et Héraclée ; après une courte résistance, il périt de la main de Mucapor, général qu’il avait toujours aimé [janvier 275]. Aurélien emporta au tombeau les regrets de l’armée et la haine du Sénat. Ses exploits, ses talents, sa fortune, avaient excité une admiration universelle. A sa mort l’État perdit un réformateur utile, dont la sévérité pouvait être justifiée par la corruption générale[81].

 

 

 



[1] Pons Aureoli, à treize milles de Bergame, et à trente-deux de Milan.  Voyez Cluvier, Ital. ant., tome I, p. 245. Ce fut près de cette place que se livra la bataille de Cassano, où les Français et les Autrichiens combattirent, en 1703, avec tant d’opiniâtreté. L’excellente relation du chevalier de Folard, qui était présent, donne une idée très distincte du terrain. Voyez le Polybe de Folard, tome III, p. 223-248.

[2] Sur la mort de Gallien, voyez Trebellius-Pollion, dans l’Histoire Auguste, p. 181 ; Zozime, I, p. 37 ; Zonare, XII, p. 634 ; Eutrope, IX, 11 ; Aurelius-Victor, in Epit. Victor, in César. J’ai comparé tous ces auteurs, et j’en ai tiré parti ; mais, j’ai principalement suivi Aurelius Victor, qui paraît avoir eu les meilleurs mémoires.

[3] Quelques-uns ont voulu assez ridiculement le supposer bâtard du jeune Gordien. La province de Dardanie a donné lieu à d’autres de prétendre qu’il tirait son origine de Dardanus et des anciens rois de Troie.

[4] Notoria, dépêche que les empereurs recevaient, à certains temps marqués, des frumentarii, ou agents dispersés dans les provinces. Nous pourrons en parler dans la suite.

[5] Hist. Auguste, p. 208. Gallien décrit la vaisselle, les habits, etc., en homme qui aimait ces objets de luxe, et qui s’y connaissait.

[6] Julien (orat. I, p. 6) assure que Claude obtint l’empire d’une manière juste et même sainte ; mais on peut se méfier de la partialité d’un parent.

[7] Hist. Auguste, p. 203. Il se trouve dans les divers historiens quelques légères variations concernant les circonstances de la dernière défaite et de la mort d’Auréole.

[8] Aurelius-Victor, in Gallien. Le peuple demanda hautement aux dieux que Gallien fût livré aux supplices de l’enfer. Le sénat condamna, par un décret, ses amis et ses parents à être précipités du Capitole. Un officier du revenu public, accusé de malversation, eut les yeux arrachés, tandis que l’on instruisait son procès.

[9] Zonare fait ici mention de Posthume ; mais les registres du sénat (Hist. Auguste, p. 203) prouvent que Tetricus était déjà empereur des provinces occidentales.

[10] L’Histoire Auguste rapporte le plus petit nombre ; Zonare, le plus grand : l’imagination vive de M. de Montesquieu lui a fait donner la préférence à ce dernier auteur.

[11] Trebellius-Pollion, dans l’Histoire Auguste, p. 204.

[12] Hist. Auguste, dans Claude, Aurélien et Probus ; Zozime, I, p. 38-42 ; Zonare, XI, p. 638 ; Aurelius-Victor, Epitomé ; Victor le jeune, in Cæsar ; Eutrope, IX, 11 ; Eusèbe, in Chron.

[13] Aujourd’hui Nissa. C’est la patrie de Constantin. D’Anville, Géogr. anc., t. I, p. 308 (Note de l’Éditeur).

[14] Selon Zonare (XII, p. 638), Claude, avant sa mort le revêtit de la pourpre ; mais ce fait singulier n’est point confirmé par les autres historiens, qui paraissent plutôt le contredire.

[15] Voyez la Vie de Claude par Pollion, et les discours de Mamertin, d’Eumène et de Julien. Voyez aussi les Césars de Julien, p. 313. Ce n’est point l’adulation qui fait parler ainsi Julien, mais la superstition et la vanité.

[16] C’est ce que rapportent la plupart des anciens historiens ; mais le nombre de ses médailles, la variété des types qu’elles portent, semblent exiger plus de temps, et rendent plus probable le rapport de Zozime, qui le fait régner quelques mois (Note de l’Éditeur).

[17] Zozime, I, p. 42., Pollion (Hist. Auguste, p. 207) lui accorde des vertus, et dit que, semblable à Pertinax, il mourut, comme lui, de la main de ses soldats indisciplinés. Selon Dexippus, il mourut de maladie.

[18] Theoclius (tel qu’il est cité dans l’Hist. Auguste, p. 211) assure que, dans un jour,  il tua de sa main quarante-huit Sarmates, et neuf cent cinquante dans plusieurs autres actions. Les soldats, pleins d’admiration pour cette valeur héroïque, la célébrèrent dans leurs chansons grossières, dont le refrain était mille, mille, mille occidit.

[19] Acholius (ap. Hist. Aug., p. 213) décrit la cérémonie de l’adoption célébrée à Byzance en présence de l’empereur et de ses grands officiers.

[20] Hist. Auguste, p. 211. Cette lettre laconique est vraiment d’un soldat ; elle est remplie de phrases et d’expressions militaires, dont quelques-unes ne peuvent être entendues sans difficulté. Saumaise explique très bien ferramenta samiata : le premier de ces mots signifie toute arme offensive, et contraste très bien avec arma, arme défensive ; le second signifie tranchant et bien affilé.

[21] Dexippus (Excerpta legat., p. 12), en rapportant un trait, l’attribue aux Vandales. Aurélien fit épouser une de ces princesses barbares à son général Bonosus, qui était très disposé à boire avec les Goths, et très propre à découvrir leurs secrets. Hist. Auguste, p. 247.

[22] Hist. Auguste, p. 222 ; Eutrope, IX, 15 ; Sextus-Rufus, c. 9 ; Lactance, de Mortibus persecutorum, c. 9.

[23] Les Valaques conservent encore plusieurs vestiges de la langue latine, et se sont vantés, dans tous les siècles, d’être descendus des Romains. Ils ne se sont pas mêlés avec les Barbares, dont ils sont entourés de tous côtés. Voyez un Mémoire de M. d’Anville sur l’ancienne Dacie, Mém. de l’Académie, t. XXX.

[24] Voyez le premier chapitre de Jornandès. Cependant les Vandales (c. 22) conservèrent quelque temps leur indépendance entre les rivières Marisia et Crissia (Maros et Keres), qui tombent dans la Teiss.

[25] Dexippus, p. 7-12 ; Zozime, I, p. 43 ; Vopiscus, Vie d’Aurélien, dans l’Hist. Auguste. Quoique ces historiens diffèrent dans les noms (Alemanni, Junthungi et Marcomanni), il est évident qu’ils ont voulu parler du même peuple et de la même guerre ; mais il faut beaucoup de soin pour les concilier et pour les expliquer.

[26] Chanteclerc, avec son exactitude ordinaire, traduit trois cent mille : sa version est également contraire au sens commun et à la grammaire.

[27] On peut remarquer, comme un exemple de mauvais goût, que Dexippus applique à l’infanterie légère des Allemands les termes techniques propres seulement à la phalange des Grecs.

[28] On lit à présent, dans Dexippus, Rhodanus : c’est avec raison que M. de Valois a substitué le mot Eridanus.

[29] L’empereur Claude était certainement du nombre ; mais nous ignorons jusqu’où s’étendait cette marque de respect. Si elle remontait à César et à l’empereur Auguste, elle devait former un spectacle bien imposant, une longue suite des maîtres du monde.

[30] Dexippus leur fait prononcer un discours recherché et prolixe, digne d’un sophiste grec.

[31] La petite rivière, ou plutôt le torrent du Métaure, prés de Fano, a été immortalisée par le bonheur qu’elle a eu de trouver un historien tel que Tite-Live et un poète tel qu’Horace.

[32] Elle nous est parvenue par une inscription trouvée à Pesaro. Voyez Cruter, CCLXXVI, 3.

[33] On s’imaginerait, dit-il, que vous êtes assemblés dans une église chrétienne, non dans le temple de tous les dieux.

[34] Vopiscus (Hist. Auguste, p. 215-216) donne un long détail de ces cérémonies, tiré des registres du sénat.

[35] Pline, Hist. nat., III, 5. Pour appuyer cette observation examinons l’état de la ville dans le temps de la république. Le mont Célien fut pendant longtemps un bois de chênes, et le mont Viminal était couvert d’osiers. Dans le quatrième siècle, le mont Aventin était une retraite solitaire sans habitation ; jusqu’au règne d’Auguste le mont Esquilin fut un terrain malsain, destiné à enterrer les morts ; et les nombreuses inégalités que les anciens remarquaient sur le mont Quirinal, prouvent qu’il n’était pas couvert de bâtiments. Des sept collines, le Capitole et le mont Palatin seulement, avec les vallées adjacentes, furent occupés par les premiers habitants de Rome. Ce sujet demanderait une dissertation.

[36] Exspatiantia tecta multas addidere orbes. Telle est l’expression de Pline.

[37] Hist. Auguste, p. 222. Juste Lipse et Isaac Vossius ont adopté avec empressement cette mesure.

[38] Pour la muraille d’Aurélien, voyez Vopiscus, Hist. Auguste, p. 216, 222 ; Zozime, I, p. 43 ; Eutrope, IX, 15 ; Aurelius-Victor, in Aurel. ; Victor le Jeune, in Aurel. ; Eusèbe, saint Jérôme et Idatius, Chron.

[39] Son compétiteur était Lollien ou Ælien, si toutefois ces noms désignent la même personne (*). Voyez Tillemont, tome III, p. 1177.

(*) Les médailles qui portent le nom de Lollianus sont réputées fausses, excepté une seule, qui se trouvait dans le musée du prince de Waldeck : il en existe plusieurs qui portent le nom de Lœlianus, qui paraît avoir été celui du compétiteur de Posthume. Eckh., Doct. num. vet., t. VII, p. 449 (Note de l’Éditeur).

[40] Le caractère de ce prince, tel que nous l’a laissé Julius Aterianus (ap. Hist. Auguste, p. 187), parait si bien tracé, et d’une manière si impartiale, qu’il mérite d’être rapporté :

Victorino, qui post Junium Posthumium Gallias rexit, neminem existimo prœrendum : non in virtute Trajanum ; non Antoninum in clementiâ ; non in gravitate Nervam ; non in gubernando œrario Vespasianum ; non in censurâ totius vitœ ac severitate militari Pertinacem vel Severum. Sed omnia hœc libido, et cupiditas voluptatis mulierariœ sic perdidit, ut nemo audeat virtufes ejus in litteras mittere, quem constat omnium judicio meruisse puniri.

[41] Il viola la femme d’Attitianus, employé de l’armée. Hist. Auguste, p. 186. Aurelius-Victor, in Aurel.

[42] Pollion lui donne une place parmi les trente tyrans. Hist. Auguste, p. 200.

[43] Pollion, Hist. Aug., p. 196 ; Vopiscus, Hist. Aug., p. 220 ; les deux Victor, Vies de Gallien et d’Aurélien ; Eutrope, IX, 13 ; Eusèbe, in Chron. De tous ces écrivains, les deux derniers seulement, non sans de fortes raisons, placent la chute de Tetricus avant celle de Zénobie. M. de Boze (Académie des Inscriptions, tome XXX) ne voudrait pas les suivre, et M. de Tillemont (tome III, p. 1189) ne l’ose pas. J’ai été de meilleure foi que l’un, et plus hardi que l’autre.

[44] Victor le jeune, in Aurel. On lit dans Eumène Bataviœ, quelques critiques, sans aucune raison, voudraient changer ce mot en Bagaudicœ.

[45] Vopiscus, Hist. Aug., p. 246. Autun ne fut rétabli que sous le règne de Dioclétien. Voyez Eumène, de restaurandis Scholis.

[46] Presque tout ce que l’on rapporte des mœurs de Zénobie et d’Odenat est pris dans l’Hist. Aug., où leurs vies ont été écrites par Trébellius-Pollion. Voyez p. 192-193.

[47] Elle ne recevait jamais les caresses de son mari que dans la vue d’avoir des enfants. Si ses espérances étaient trompées, elle faisait un nouvel essai le mois suivant.

[48] Selon Zozime, Odenat était d’une famille illustre de Palmyre ; et, selon Procope, il était prince des Sarrasins qui habitaient sur les bords de l’Euphrate. Eckh., Doct. num. vet., t. VII, p. 489 (Note de l’Éditeur).

[49] Hist. Aug., p. 192-193 ; Zozime, I, p. 36 ; Zonare, XII, p. 633. Le récit de ce dernier est clair et probable ; celui des autres, confus et contradictoire. Le texte de George Syncelle, s’il n’est pas corrompu, est absolument inintelligible.

[50] Odenat et Zénobie tiraient souvent des dépouilles de l’ennemi des bijoux et des pierres précieuses, qu‘ils lui envoyaient ; et il recevait ces présents avec un plaisir singulier.

[51] On a jeté des soupçons fort injustes sur Zénobie, comme si elle eût été complice de la mort de son mari.

[52] C’est ce, qui parait fort douteux : Claude, pendant tout son règne, a été traité d’empereur par les médailles d’Alexandrie, qui sont en grand nombre. Si Zénobie a eu quelque pouvoir en Égypte, ce n’a pu être qu’au commencement du règne d’Aurélien. La même cause rend peu probables ses conquêtes jusqu’en Galatie. Peut-être Zénobie a-t-elle administré l’Égypte au nom de Claude, et, devenue plus audacieuse après la mort de ce prince, la soumit-elle à son propre pouvoir (Note de l’Éditeur).

[53] Voyez dans l’Histoire Auguste, p. 198, le témoignage qu’Aurélien rend au mérite de cette princesse ; et pour la conquête de l’Égypte, Zozime, I, p. 39-40.

[54] Timolaüs, Herennianus et Vaballathus. On suppose que les deux premiers étaient déjà morts avant la guerre. Aurélien donna au dernier, une petite province d’Arménie, avec le titre de roi. Il existe encore plusieurs médailles de ce jeune prince. Voyez Tillemont, tome III, p. 1190.

[55] Vopiscus (Hist. Aug., p. 217) nous donne une lettre authentique d’Aurélien, et une vision douteuse de cet empereur. Apollonius de Tyane était né environ dans le même temps que Jésus-Christ. Sa vie (celle d’Apollonius) est écrite d’une manière si fabuleuse par ses disciples, qu’on est en peine, d’après leur récit même, de savoir si c’était un sage, un imposteur ou un fanatique.

[56] Dans un endroit nommé Immœ. Eutrope, Sextus-Rufus et saint Jérôme, ne parlent que de cette première bataille. Vopiscus (Hist. Aug., p. 217) ne rapporte que la seconde.

[57] Zozime, I, p. 44-48. Le récit que cet historien fait des deux batailles est clair et circonstancié.

[58] Cette ville était à cinq cent trente-sept milles de Séleucie, et à deux cent trois de la côte la moins éloignée de la Syrie, selon le calcul de Pline, qui donne en peut de mots une excellente description de Palmyre. Hist. nat., V, 21.

[59] Vers la fin du dernier siècle, quelques Anglais, qui étaient partis d’Alep, découvrirent les ruines de Palmyre. Notre curiosité a depuis été pleinement satisfaite par MM. Wood et Dawkins. Pour l’histoire de Palmyre, on peut consulter l’excellente dissertation du docteur Halley dans les Transact. philosoph., abrégé de Lowthorp, t. III, p. 518.

[60] J’ai tâché de tirer une date très probable d’une chronologie très obscure.

[61] Hist. Aug., p. 218 ; Zozime, I, p. 50. Quoique le chameau soit une bête de charge fort lourde, le dromadaire, qui est de la même espèce, ou du moins d’une espèce approchante, sert aux habitants de l’Asie et de l’Afrique dans toutes les occasions qui demandent de la vitesse.  Les Arabes disent que le dromadaire peut faire autant de chemin en un jour qu’un de leurs meilleurs chevaux en huit ou dix. M. de Buffon, Hist. nat., tome XI, p. 222. Voyez aussi les Voyages de Shaw, p. 167.

[62] Vopiscus, Hist. Aug., p. 219 ; Zozime, I, p. 51.

[63] Voyez Vopiscus, Hist. Aug., p. 220, 242. On remarque, comme un exemple de luxe, qu’il avait des fenêtres vitrées. Il était célèbre pour sa force et pour son appétit, pour sa valeur et pour son adresse. On peut conclure de la lettre d’Aurélien que Firmus fut le dernier des rebelles, et qu’ainsi Tetricus avait déjà été vaincu.

[64] Voyez la description du triomphe d’Aurélien, par Vopiscus : il en rapporte les particularités avec l’esprit de détail qui caractérise cet auteur. Il se trouve, dans cette occasion, que ces particularités soit intéressantes. Hist. Aug., p. 220.

[65] Parmi les nations barbares, les femmes ont souvent combattu avec leurs maris ; mais il est presque impossible qu’une société d’amazones ait jamais existé dans l’ancien continent ou dans le Nouveau-Monde.

[66] L’usage des braccœ, culottes ou chausses, était toujours regardé en Italie comme une mode gauloise et barbare ; cependant les Romains commençaient à s’en rapprocher. S’envelopper les cuisses et les jambes de bandes, fasciœ, c’était, du temps de Pompée et d’Horace, une preuve de mollesse où de mauvaise santé. Dans le siècle de Trajan, cet usage était réservé aux personnes riches et somptueuses ; il fut insensiblement adapté par les derniers du peuple. Voyez une note très curieuse de Casaubon, ad Suét. in Aug., 82.

[67] Le char était, selon toutes les apparences, traîné par des cerfs : les éléphants que l’on voit sur les médailles d’Aurélien marquent seulement, selon le savant cardinal Noris, que ce prince avait soumis l’Orient.

[68] L’expression de Calphurnius (Eclog., I, 50) nullos ducct captiva, triumphos, appliquée à Rome, renferme une allusion et une censure très manifeste.

[69] Vopiscus, Hist. Aug., p. 199 ; saint Jérôme, in Chron. ; Prosper, in Chron. Baronius suppose que Zenobius, évêque de Florence du temps de saint Ambroise, était de sa famille.

[70] Vopiscus, Hist. Aug., p. 222 ; Eutrope, IX, 13; Victor le jeune ; mais Pollion, dans l’Histoire Auguste, p. 196, prétend que Tetricus fut fait co-recteur de toute l’Italie.

[71] Vopiscus, Hist. Aug., p. 222 ; Zozime, I, p. 56. Il y plaça les images de Belus et du Soleil, qu’il avait apportées de Palmyre. Le temple fut dédié la quatrième année de son règne (Eusèbe, in Chron.) ; mais Aurélien commença certainement à le bâtir aussitôt après son avènement.

[72] Voyez dans l’Histoire Auguste, p. 210, les présages de sa fortune. Sa dévotion pour le Soleil paraît dans ses lettres et sur ses médailles, et Julien en parle dans les Césars, Comment. de Spanheim, p. 109.

[73] Hist. Aug., p. 222. Aurélien appelle ses soldats Hiberi Riparienses, Castriani et Dacisci.

[74] Zozime, I, p. 56 ; Eutrope, IX, 14 ; Aurelius-Victor.

[75] Hist. Aug., p. 222 ; Aurelius-Victor.

[76] La discorde était déjà excitée avant qu’Aurélien revînt de l’Égypte. Voyez Vopiscus, qui cite une lettre originale ; Hist. Aug., p. 224.

[77] Vopiscus, Hist. Aug., p. 222 ; les deux Victor ; Eutrope, IX, 14. Zozime (I, p. 43) ne parle que de trois sénateurs, et place leur mort avant la guerre d’Orient.

[78] Nulla catenati feralis pompa senatus

Carni ficum lassabit opus ; nec carcere pleno

Infelix raros numerabit curia patres.

CALPHURN., Eclog. I, 60.

[79] Selon Victor le jeune, il porta quelquefois le diadème. On lit sur ses médailles : Deus et Dominus.

[80] Cette observation est de Dioclétien. Voyez Vopiscus, Hist. Auguste, p. 224.

[81] Vopiscus, Hist. Auguste, p. 221. — Zozime, I, p. 57 — Eutrope, IX, 15 — les deux Victor.