En face du pouvoir de l’empereur et de la législation impériale, s’élèvent peu à peu un pouvoir nouveau et une législation nouvelle. Les deux éléments qui constituaient l’Imperium antique, la puissance religieuse et la puissance politique, si longtemps indissolublement unis se désagrègent. L’empire se dédouble et un schisme se prépare entre Rome et Constantinople. Cette lente révolution a de profondes et vivaces racines dans le passé. Le christianisme la porte en germe dans son berceau. Cette parole du Christ : Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, va être le mot d’ordre de la religion qui naît, au moment même où l’empire d’Auguste se fonde. Le jour où Jésus répondit par cette sentence aux perfides questions des Pharisiens, il trouva la formule qui devait miner sourdement la formidable puissance des maîtres du monde. Il proclamait le principe de la séparation des pouvoirs, principe nouveau aussi bien pour la théocratie juive que pour l’absolutisme impérial. Il émancipait les âmes delà tutelle despotique de l’État, il jetait les bases de la société indépendante dont le pape allait être la plus haute expression. Les premiers empereurs sentirent, comme d’instinct, que cette religion venue de Judée leur était ennemie, et ils persécutèrent ses adeptes. La persécution ne fit qu'accroître ses forces en les exaltant. Rome avait jusqu’alors accueilli sans distinction et sans crainte les religions des peuples vaincus. Leurs dieux faisaient en quelque sorte partie du butin triomphal conduit à Rome par les conquérants. Rome les adoptait et leur donnait droit de cité. Le culte des divinités grecques s’adapta merveilleusement au culte des divinités nationales du Latium. Le symbolisme naturaliste des deux religions se prêtait à ces emprunts et à cette confusion. Les dieux asiatiques et égyptiens eurent aussi leurs temples à Rome. Cybèle, Mithra, Isis, Melkarth sous les traits d’Hercule, Astaroth sous ceux de Vénus, eurent leur place dans le Panthéon cosmopolite que les empereurs ouvraient libéralement aux nations soumises. Chacune put adorer son dieu particulier, sans cesser d’appartenir à la religion romaine. A vrai dire, la divinité suprême, celle qui dominait et absorbait toutes les autres, était l’État, personnifié par le sénat et par l’empereur. Or, le christianisme, par cela même qu’il plaçait dans des régions plus hautes l’idéal des hommes, était un culte hostile à l’État. En proclamant le dogme de la fraternité humaine, il introduisait à son insu dans l’empire un dissolvant qui devait le ruiner. Il appelait au partage de la vérité évangélique et à la communion universelle les nations qui assiégeaient les portes de l’empire. Il était de son essence indifférent en matière politique et partant plus redoutable. Son dieu était au-dessus et en dehors de l’État. Ce n’est pas que les chrétiens aient été de propos délibéré les ennemis de l’empire. Ils protestent au contraire de leur dévouement à César. Ils sont des administrateurs intègres, des soldats qui savent mourir pour leur drapeau. Nous ne voyons pas de complot ourdi contre les institutions et la personne de l’empereur, où ils aient trempé. On les remarque pour leur constance dans le péril et leur fidélité au prince. Mais, quoi qu’ils fassent, leur hostilité dérive fatalement de l’esprit de la religion qu’ils professent. Ils meurent pour l’empereur ; mais, chose nouvelle, ils meurent aussi pour leur foi. Leur obéissance connaît des limites, et ces limites sont celles que leur conscience leur trace. Ils font deux parts dans leur vie, l’une est à l’empereur, l’autre à Dieu, et celle-ci est la plus sacrée. Ils n’appartiennent plus tout à l’État ; le domaine de la conscience est pour eux inviolable. Le schisme est déjà consommé dans leurs âmes. Telle est bien la doctrine que nous trouvons enseignée chez les premiers écrivains du christianisme. Il n’entre pas dans leur esprit de rien entreprendre contre les empereurs. Ceux-ci ne représentent-ils pas le pouvoir établi, qu’ils respectent parce qu’il vient de Dieu ? Toute puissance terrestre est comme une émanation de la puissance divine ; enfreindre les lois, c’est désobéir à Dieu lui-même. Saint Paul le dit en propres termes[1] : Il n’est pas de pouvoir qui ne vienne de Dieu, et toutes les puissances d’ici-bas, existent par lui. Qui résiste au pouvoir contrevient à l’ordre divin. Et Tertullien[2] : Honorons l’empereur dans la mesure qui nous est permise, comme étant le second après Dieu. Il est du devoir d’un chrétien de prier pour l’empereur, même s’il vit comme les gentils[3]. Loin d’avoir intérêt au renversement de l’empire, tout chrétien doit le défendre. Tant que durera le glorieux éclat de l’empire romain, la conflagration universelle et la dissolution générale qui menacent le monde, seront suspendues. L’empereur est le gardien de l’ordre ici-bas ; il est l’instrument dont Dieu se sert pour maintenir l’harmonie et faire régner la paix. Mais ce devoir ne va pas jusqu’à encenser ses statues comme des idoles, et à lui rendre un culte qui n’est dû qu’à Dieu seul. Là commence la rébellion contre le pouvoir constitué. La divinité de Rome et Auguste, qui symbolise pour les gentils l’unité et l'indestructibilité de l’État ne peut avoir d’adorateurs parmi des chrétiens. Il faut obéir aux puissances, dit saint Basile, mais autant que les commandements de Dieu ne seront pas enfreints[4]. Rendons à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Tu dois l’impôt à César, tu dois ton âme à Dieu. Que restera-t-il pour lui si tu donnes tout à César ?[5] Saint Augustin préludant aux doctrines enseignées au moyen-âge par les moines de Cluny, reconnaît dans l’homme deux natures, la corporelle et la spirituelle. Le corps est au souverain, mais l’âme est une inexpugnable citadelle dont Dieu seul a la clef. Si quelqu’un prétend donc, parce qu’il est chrétien, être exempt de l’impôt public et affranchi des obligations dues au maître, il tombe dans une grave erreur. Il faut garder le tempérament que Dieu même prescrit, et faire deux parts de soi-même. Si l’empereur commande une chose et Dieu une autre, à qui le chrétien doit-il entendre ? Saint Augustin répond : Paie le tribut, acquitte envers moi tes devoirs d’obéissance, dira l’empereur. — Sans doute, reprend le chrétien, mais je ne me soumets pas aux idoles. — Qui te défend le culte des idoles ? — Un pouvoir supérieur à tous. Tu peux me donner des chaînes, mais Dieu peut me donner l’enfer[6]. En un mot, les devoirs envers l’empereur ont pour borne et pour mesure les devoirs envers Dieu. Les conséquences de cette doctrine sont immenses. L’empereur est en dehors du culte ; il est déchu de ce prestige religieux que lui donnait le paganisme. Il cesse d’être la personnification vivante de la religion de l’État. Tout ce qui dépend de la conscience est un domaine sacré qu’il lui est interdit de violer. Saint Chrysostome ira jusqu’à dire en chaire : Obéir à l’empereur dans les choses que défend la religion, c’est payer tribut non à César, mais au diable[7]. Hilaire de Poitiers, dans son invective à l’empereur Constantius, s’écriera : Tu es le tyran des choses divines. La meilleure part de son pouvoir lui est donc enlevée. Il doit remettre aux évêques le gouvernement des âmes et s’abstenir lui-même de toute ingérence dans leurs fonctions sacerdotales. Difficile abstention que Constantin n’avait pas prévue, à laquelle ni lui, ni ses successeurs ne se résigneront volontiers ! Abdication désastreuse qui ruine le principe sur lequel repose l’empire, qui change toutes les conditions du pouvoir, qui impose aux princes en certains cas l’obéissance, et laisse au sujet l’indépendance ! L’évêque d’Alexandrie pourra dire : Dieu t’a donné l’empire ; il nous a confié son Église, et de même qu’il condamne ceux qui portent atteinte en toi au délégué de sa puissance, prends garde qu’il ne te fasse un crime de toucher aux choses de son Église[8]. Que l’empereur ne se dissimule pas que c’est une véritable abdication qu’on exige de lui ! Des deux parts qui sont faites de son autorité, la meilleure est à l’Église et au pape son représentant. De même que l’âme est supérieure au corps, que les intérêts spirituels passent pour le chrétien avant les intérêts matériels, ainsi l’empereur doit céder le pas et s’incliner devant le pouvoir des prêtres. Celui qui dirige les consciences doit l’emporter sur celui qui n’a d’autorité que sur les corps. Telle est la doctrine de la papauté ; le pape Gélase le fait entendre durement à l’empereur Anastase : Deux pouvoirs gouvernent le monde, l’autorité pontificale et l’autorité royale. Mais la première l’emporte sans conteste, puisque notre ministère doit répondre au tribunal de Dieu des actions mêmes des empereurs[9]. Le pape Symmaque tient au même empereur un langage semblable : Comparons les honneurs qui te sont dus et ceux que l’on rend au pontife de Rome. La différence entre leurs personnes est aussi grande qu’entre leurs fonctions ; l’un s’occupant des choses humaines, l’autre des choses divines. César, c’est du pontife que tu reçois le baptême et les autres sacrements, à lui que tu demandes des prières, de lui que tu espères la bénédiction et que tu sollicites la pénitence. En un mot tu administres l’empire des hommes, il dispense les dons de Dieu. Aussi le pontife est-il ton égal, pour ne pas dire ton supérieur ![10] Vienne le jour de l’épreuve ; que l’empereur confiant dans son droit séculaire tente de modifier le dogme établi par les conciles et d’ébranler la tradition évangélique ; qu’il place les chrétiens entre l’obéissance au prince et les ordres impérieux de sa conscience, plusieurs céderont sans doute, soit crainte du supplice et de l’exil, soit habitude de la servilité. Mais même en Orient et dans les provinces directement soumises à l’autorité impériale, il se trouvera des hommes qui n’hésiteront pas entre l’apostasie et la rébellion. C’est ce qui arriva en particulier pendant la fameuse persécution des empereurs iconoclastes. Nous ne céderons pas à l’empereur, écrit Jean Damascène[11], s’il essaie d’abolir les coutumes de nos pères. En ces matières, ce n’est pas aux rois, mais aux conciles qu’il appartient de statuer. Le droit de lier et de délier a été donné par le Christ, non aux rois, mais aux apôtres et à leurs successeurs, aux pasteurs et aux docteurs ecclésiastiques. Et encore : Quand un ange, quand l’empereur viendrait vous évangéliser, fermez vos oreilles. Écoutez en effet les paroles d’un saint : Christ a établi dans l’Église, d’abord les apôtres, puis les prophètes, enfin les pasteurs et les docteurs. Il n’a pas admis les rois à la constitution de son Église. Entreprendre sur elle, c’est le fait d’un brigand[12]. Mais la plus éloquente et la plus féconde en enseignements de ces résistances à l’empereur, est celle qu’opposa l’abbé Maxime au type de Constans. Dans cet interrogatoire se trahissent les véritables sentiments des catholiques romains à l’égard des princes pontifes de Constantinople. Maxime agite la question de droit, telle que nous l’avons nous-même posée dans le corps de cet ouvrage. — D. Nieras-tu que tout empereur soit en même temps un prêtre ? — R. Il n’est pas un prêtre : car il n’est pas debout à l’autel ; il n’exalte pas le pain sanctifié en prononçant les paroles sacramentelles ; il ne baptise pas ; il ne compose pas le chrême ; il n’ordonne pas les évêques, les prêtres et les diacres ; il ne consacre pas les églises, il ne porte pas les insignes du sacerdoce, l’huméral et l’évangile, comme il porte la couronne et le sceptre. — D. Cependant, l’Écriture dit que Melchisédech fut prêtre et roi. — R. Melchisédech a été ici-bas l’image de Dieu, roi de la terre, et qui pour notre salut s’est fait homme et pontife. Dire qu’un autre que lui soit prêtre et roi, c’est vouloir que Dieu s’incarne une seconde fois. — Et Mennas s’écria : Par ces paroles, tu as partagé l’Église ![13] C’était le schisme en effet qui s’annonçait. Si la rupture n’était pas consommée en réalité entre le pape et l’empereur, c’est que le point d’appui matériel nécessaire au triomphe de l’Église lui manquait encore. Mais la lutte était engagée, et le but clairement entrevu. Que l’Église trouve les auxiliaires qui manquent à sa cause, et le divorce entre les deux pouvoirs, le civil et l’ecclésiastique, préparé dès les origines du christianisme, deviendra un fait accompli. C’était Rome qui devait bénéficier de ce divorce, et recueillir les fruits de la victoire de l’Église. C’était son évêque qui devait profiter de tous les pouvoirs échappés ou arrachés à l’empereur. La ville éternelle, sortie des ruines accumulées par deux siècles d’invasion, allait renaître à de nouvelles destinées et devenir une fois de plus la capitale du monde. La papauté allait lui rendre le prestige que les empereurs lui avaient fait perdre. Il est curieux de rechercher les causes de cette renaissance merveilleuse. Elles sont multiples et profondes. M. Guizot, dans son histoire de la civilisation en France, a tenté dans d’éloquentes pages d’expliquer ce grand fait. Nous n’ajouterons que peu de choses aux raisons qu’il a données de cette élection de la ville impériale, de cette autorité obéie dans plus de la moitié de l’empire, de cette suprématie d’un évêque sur tous les prélats de la chrétienté. Rome chrétienne fut l’héritière de Rome païenne. Loin de nuire à ses destinées futures, les souvenirs glorieux de la république et de l’empire la servirent. Son nom avait eu un tel retentissement dans le monde, les peuples s'étaient si bien habitués à recevoir d’elle leurs gouverneurs, leurs proconsuls, leur législation, qu’ils ne s’étonnèrent pas que le mot d’ordre leur vint encore de la même capitale. De nouveaux maîtres avaient eu beau se substituer aux anciens, les papes habiter les palais des césars, on reçut leurs légats, leurs apocrisiaires, comme on avait accueilli les magistrats impériaux. Nous avons vu que les souverains de Constantinople respectaient eux-mêmes dans l’évêque de la vieille capitale, le passé disparu. Ils rendaient hommage à ses ruines, sans songer que sous leurs yeux, mais à leur insu, l’édifice se reconstruisait à nouveaux frais, et que le respect qu’ils témoignaient aux papes, donnait crédit aux ambitieuses prétentions qui déjà se faisaient jour dans les conciles. Sous cette vétusté et cette décrépitude apparente, ils n’apercevaient pas la vigueur et la jeunesse d’une puissance qui déjà poussait en tous sens des racines vivaces. Rome était encore pour eux la capitale nominale du monde. Constantinople, dans les décrets publics, n’était que la nouvelle Rome, une colonie, comme disaient dédaigneusement les papes. Comment les empereurs auraient-ils pris ombrage d’elle ? Comment auraient-ils prévu que cette ville, qui répudia la dernière les cultes païens, dont le sénat, au temps de Théodose, comptait encore une majorité de gentils, pourrait devenir la rivale de la cité chrétienne élevée sur les bords du Bosphore, qui n’avait pas comme Rome à dépouiller les traditions tenaces du paganisme ? Ils l’avaient abandonnée, croyant bien avec le sénat, les services administratifs, l’exercice de la puissance publique, emporter avec eux la vie même de l’ancienne maîtresse du monde. Cet imprudent abandon leur fut fatal. Il restait à Rome son nom, magni hominis umbra. C’en était assez pour qu’elle ne s’éclipsât pas obscurément, comme ces capitales asiatiques dont la croissance hâtive avait été suivie d'une plus prompte décadence. Cette faute explique la singulière supercherie des faussaires du IXe siècle, qui imaginèrent la donation faite par Constantin au pape de tout l’Occident. Quand l’empire vint s’établir à Constantinople, le christianisme avait déjà pris force ; depuis longtemps il était adulte, aguerri par les persécutions et prêt pour la domination. Ses progrès avaient été lents et cachés, mais sûrs. Une sorte de franc-maçonnerie chrétienne avait étendu comme un réseau ses ramifications à l’infini sur le monde romain. L’organisation de cette société mystérieuse avait été calquée sur l’organisation administrative de l’empire. Ses provinces, ses diocèses, ses exarchats correspondaient aux divisions et subdivisions impériales. Chacune de ses cités cachait dans quelque crypte un évêque. Rome souterraine vivait et s’agitait sous la Rome des césars. Sous l’empire romain croissait et grandissait un empire chrétien. Rome était naturellement le point central de cette organisation. Les papes eurent peu à faire, par la suite, pour compléter et renforcer les cadres déjà préparés de la centralisation chrétienne. Ils exercèrent l’empire religieux à la façon des empereurs païens. Cette vision de l'avenir fait honneur à l’esprit politique des apôtres et de leurs disciples, à saint Pierre, s’il est vrai qu’il vint évangéliser la populace des bords du Tibre, plus sûrement à saint Paul, qui forma là le noyau de la primitive Église. Sur un signe de la volonté impériale, le christianisme sortit tout à coup armé de ses ténèbres, comme la Minerve antique du cerveau de Jupiter. Quand les empereurs accordèrent la primatie d’honneur au siège épiscopal de Rome, ils ne firent que reconnaître un état de choses déjà ancien, consacré depuis longues années par la tradition. Sans doute aussi, l’éloignement des empereurs fut pour beaucoup dans le développement rapide que prit le pouvoir des papes. On sait ce que devinrent, à Constantinople, les patriarches placés directement sous la surveillance jalouse de l’empereur. Si le gouvernement avait continué de siéger à Rome, il est vraisemblable que l’autorité épiscopale eût été étouffée de même, l’évêque relégué au second rang, réduit au rôle difficile de ministre apostolique des empereurs. Tout travail d’émancipation eût été impossible, toute velléité d’indépendance sévèrement réprimée, toute propagande faite au profit de l’empire et non au profit de la papauté. Les exarques laissés en Italie par Justinien s’y établirent trop tard ; encore eurent-ils le tort de choisir Ravenne pour leur résidence. Les papes, loin de l’œil de l’empereur, loin aussi de sa vengeance, purent à leur aise jeter les bases solides de leur domination et préparer leur affranchissement. De tous les patriarches, ils étaient les seuls à peu près indépendants. Ceux d’Antioche, d’Alexandrie étaient trop près de Constantinople pour oser ce qu’osa l’évêque de Rome. Le milieu où ces patriarches exerçaient leur autorité était aussi moins favorable. Les églises particulières des Gaules, d’Espagne, de Germanie, de Bretagne, furent organisées par le pape et directement rattachées au siège apostolique. Augustin, Boniface, Léandre et ceux qui leur succédèrent à Cantorbéry, à Mayence, à Tolède, reçurent de Rome le pallium et l’investiture ecclésiastique. De Rome vint aussi, pour ces peuples, leur enseignement et leurs dogmes. Celui de la suprématie du pape fit partie tout d’abord de leurs croyances. Ils l’apprirent en même temps qu’ils connurent le christianisme. Les moines sortis des couvents d’Italie furent les instruments infatigables de cette propagande au profit du Saint-Siège. Ils furent ses soldats, armés des armes de la foi, ses légions pacifiques et conquérantes. En moins de quatre siècles, sans que les empereurs occupés de leurs guerres avec les barbares de l’Orient, ou de leurs querelles théologiques, aient connu ce travail de patience et cherché à l’entraver, toutes les églises d’Occident faisaient corps avec Rome et la considéraient comme leur capitale religieuse. D’autres évêques italiens essayèrent à diverses reprises de disputer à Rome la suprématie sur l’Occident : Ravenne, capitale officielle de l’Italie depuis que les exarques y résidaient, Milan, que le souvenir de saint Ambroise recommandait à la vénération des fidèles, Aquilée, si puissante comme gardienne du passage des Alpes au temps des empereurs pannoniens. Toutes ces tentatives furent éphémères et vaines. Au commencement du VIIIe siècle, l’Église d’Aquilée fit sa soumission au Saint-Siège ; son ambition ne se réveilla qu’au moment où la patriarche Photius, engagé dans son duel avec Rome, cherchait partout des alliés parmi les évêques mécontents de la domination papale. Étienne III mit définitivement l’Église de Milan sous la juridiction de Rome. La seule résistance notable vint de Ravenne, qui prétendait à l'autocéphalie, et sut la conserver jusqu’au temps du pape Dom-nus (677). A cette époque, l’évêque Reparatus, à l’insu des Ravennates, vint à Rome et renonça entre les mains du pape aux privilèges de son église. Les Ravennates ayant pris les armes pour soutenir leurs droits trahis, l’empereur Justinien Rhinotmète envoya une armée pour réduire la ville à l’obéissance. L’évêque Félix, conduit à Constantinople, eut les yeux crevés et fut exilé. Les évêques de Ravenne reçurent dès lors de Rome le pallium. La politique indécise et maladroite des empereurs d’Orient servait l’ambition des pontifes romains, et abaissait devant eux les obstacles que cette ambition avait fait naître. Les hérésies qui troublèrent l’Orient et nécessitèrent la réunion des premiers conciles, tournèrent à l’avantage de la suprématie romaine. C’était un lien commun de la polémique engagée entre Rome et Byzance, que l’Orient avait produit la plupart des hérésiarques, et que l’Occident avait arrêté leurs progrès[14]. Les défenseurs de la prérogative du pape faisaient avec raison ressortir le danger qu’aurait couru le christianisme, si Rome n’avait été gardienne de l’orthodoxie et n’avait énergiquement résisté aux innovations de l’Orient. Il ne tint pas aux empereurs que le monde ne devint tour à tour arien, nestorien, eutychien, suivant qu’un caprice du pouvoir inclinait vers l’une ou l’autre de ces doctrines. L’unanimité de croyances réclamée par saint Cyprien et saint Augustin comme une garantie indispensable de durée pour le christianisme, n’était pas possible tant que l’empereur se croirait le droit d’interpréter à sa guise les canons et l’Écriture, et d’exiger la soumission des évêques à ses décrets. Ceux-là s’abusaient étrangement qui pensaient que les conciles provinciaux, les lettres synodiques, les formata qui s’échangeaient de diocèse en diocèse, devaient suffire à maintenir l’unité compromise. Les tempêtes qui, de bonne heure, assaillirent le christianisme, suggérèrent aux évêques l’idée de se rallier autour d’un chef et d’investir l’un d’eux d’une sorte de dictature. Ainsi faisait Rome républicaine, quand la patrie était en danger, confiant à un seul toute la puissance de l’État. Lorsque l’arianisme, patronné par les empereurs, envahit la plupart des sièges épiscopaux de l’Orient, quand aux conciles catholiques s’opposèrent des conciles ariens, que chaque cité eut deux pasteurs, les persécutés et les exilés affluèrent à Rome, patrie commune des victimes de l’orthodoxie. On vit un moment autour du pape Jules, Athanase d’Alexandrie, Paulus de Constantinople, Marcellus d’Ancyre, Asclepas de Gaza, Lucius d’Adrianopolis, et bien d’autres, sollicitant une sentence de sa bouche pour rentrer en possession de leurs sièges, usurpés par des ariens. C’est en vain que ceux-ci déclinent la compétence du pape et lui rendent excommunication pour excommunication[15]. Les chrétiens s’étaient donné un chef dont la patience et la persévérance finirent par avoir raison de la puissance impériale. Ils savent désormais à qui en appeler au temps des persécutions. La papauté sortit de cette crise singulièrement accrue en autorité, et les papes s’habituèrent à parler aux empereurs au nom de la catholicité tout entière. A défaut de l’hérédité, Rome eut des traditions auxquelles les papes restèrent presque toujours fidèles. La papauté, à travers les siècles, poursuivit une politique savante qui devait lui procurer la domination spirituelle. Cette idée donne à ses desseins et à ses entreprises une suite qui confond l’esprit, chaque pape continuant les efforts de son prédécesseur et faisant un pas de plus vers le but que tous entrevoient. On dirait que les âmes des vieux patriciens du sénat républicain revivent dans les générations des néo-Romains. Cette continuité et cette suite manquent totalement aux souverains de Constantinople. Elus de factions rivales et qui s’entre-déchirent, chacun s’empresse à détruire l’œuvre ébauchée par ses prédécesseurs. La crainte du patriarche les jette dans les bras de Rome, la crainte de Rome les pousse à l’hérésie. Tout empereur est l’homme d’un parti ou d’une secte ; il a pour ennemi le parti ou la secte adverse. Il lui faut chercher des alliés autour de lui, et souvent ceux qu’il choisit sont les plus intéressés à entretenir sa faiblesse. Ainsi furent arrachées la plupart des concessions dont les évêques de Rome se prévalurent. Les empereurs achetaient à ce prix la paix en Orient. Plusieurs s’aperçurent de leur erreur et craignirent de grandir les papes à leurs dépens ; ils tentèrent de rompre cette trame patiemment ourdie et dont ils sentaient tout l’Occident peu à peu enveloppé. Ils voulurent, agissant par l'exarque sur l’élection papale, donner à Rome des évêques orientaux. On vit successivement sur le trône pontifical Jean V un Syrien, Conon un Thrace, Sergius un Syrien, Jean VI un Grec, Jean VII un Grec encore, Sisinnius, Constantin, Grégoire III, trois Syriens, Zacharie un Grec. Pendant deux siècles, nous ne trouvons guère que Grégoire II qui se prévale d’ure origine romaine. Efforts inutiles. Tous ces papes, en ceignant la tiare, oubliaient leur nationalité, ne se souvenaient plus des influences qui les avaient portés au pouvoir, et devenaient Romains de cœur. L’esprit de la papauté s’emparait d’eux et les transformait. Loin de rompre la tradition, ils la continuaient. L’empire n’eut pas d’ennemis plus audacieux que les papes Grecs. Les premiers, ils firent défection à l’empereur et se tournèrent vers la France. Du quatrième siècle au neuvième, l’évêque de Rome, par un progrès lent et sûr, a réduit à son obéissance et groupé autour de lui toutes les églises d’Occident. Les rangs des dissidents s’éclaircissent. Les révoltes qui de temps à autre se manifestent sont des faits isolés, et ne tardent pas à être réprimées ou à s’apaiser d’elles-mêmes. La papauté cherche ses titres et les trouve dans les Fausses Décrétales d’Isidore de Séville. Au moment d’engager à fond le combat contre l’empire d’Orient, la papauté est armée de toutes pièces d’un droit nouveau à opposer aux codes de Théodose et de Justinien. L’abîme entre les deux pouvoirs rivaux se creuse. Toute entente, toute réconciliation, deviennent impossibles. L’empereur et le pape en sont arrivés à ce point qu’il faut que l’un d’eux se soumette ou que le schisme définitif se consomme. L’accord entre des prétentions qui s’excluent ne laisse plus place à des concessions ou à un concordat. Longtemps, par la crainte même d’un danger trop réel, on a fermé les yeux, ajourné le règlement de questions irritantes. Mais bientôt tout voile tombe, tout compromis cesse, il faut que la masse des chrétiens prenne enfin parti. Depuis la publication des Fausses Décrétales, qui donnent comme une sanction légale à la politique de la curie romaine, la papauté n’a pas fait un pas en avant. Toutes les ambitions qu’elle a par la suite réalisées, il faut remonter bien haut dans le passé pour en retrouver l’origine. Le germe caché dans les premières fondations de l’Église, n’a fait que se développer naturellement et logiquement. Il est facile à l’historien de suivre les progrès de cette puissance bientôt formidable et d’en marquer les principales étapes jusqu’au IXe siècle. Il était d’usage, dans les premiers siècles, que les évêques échangeassent entre eux leurs professions de foi, pour prévenir des dissentiments ou éclaircir quelque point de dogme. L’évêque de Rome n’échappait pas à cette obligation, et envoyait ses lettres synodiques à Constantinople, à Alexandrie, à Antioche, à Jérusalem. Bientôt le pape exige des patriarches et de tous les évêques ces lettres synodiques, comme un droit qu’il exerce sur la chrétienté entière. C’est lui qui se fait le juge de la foi de ses collègues. Quiconque pense autrement que l’évêque de Rome est un hérétique. Il est la règle et l’exemplaire auxquels chacun est tenu de se conformer. Le formulaire de foi d’Anatolius paraît-il entaché de l’hérésie d’Eutychès, le pape Léon somme le patriarche de penser comme l’Église romaine sur l’Incarnation du Verbe, de chasser de leurs sièges les évêques nestoriens et eutychiens, et le menace d’excommunication s’il tarde à obéir[16]. Les grands conciles de Nicée, de Constantinople, de Chalcédoine prescrivaient l’obligation de réunir des synodes provinciaux et d’y régler les affaires en litige dans les provinces. Dès le vi e siècle, les synodes de l’Occident sont sous la surveillance directe des papes. Grégoire le Grand envoie quelqu’un de ses légats pour tenir sa place dans chacune des assemblées de Gaule. Ils sont chargés de diriger les débats, d’observer les délibérations, de ramener les pères s’ils s’écartent de la foi de Rome, et s’ils adoptent des canons qu’elle réprouve. Les décisions de ces conciles ne sont obligatoires qu’autant que le pape les a ratifiées. Lui seul peut casser et réformer leurs sentences. Il est toujours permis d’en appeler au Saint-Siège des condamnations qu’ils prononcent. Des prêtres d’Orient, frappés de peines canoniques par le patriarche Jean le Jeûneur, sont absous par le pape. L’évêque Flavien, chassé de son siège par un synode de prélats grecs, est relevé de cette condamnation, parce que le pape n’a pas consenti à cette déchéance. Nicolas Ier casse le jugement d’Hincmar de Reims dans les affaires d’Ebbon et de Rotade, et force le métropolitain à réintégrer dans leur siège épiscopal les évêques que lui-même a précédemment exclus. Et comment les papes n’auraient-ils pas le droit d’appeler à eux en dernier ressort toutes les causes ecclésiastiques ? Le même Nicolas Ier ne déclare-t-il pas que l’Église romaine a institué tous les patriarches, les métropolitains, les évêques, et dans chaque diocèse les dignitaires à tous les degrés ? Pour elle, celui-là seul l’a fondée et élevée sur la pierre de la foi, qui a confié au bienheureux Pierre, porte-clefs du royaume éternel, tous ses droits sur l’empire du ciel et de la terre[17]. Nous avons le droit, dit encore ce pape, d’évoquer à nous les causes non-seulement de tous les moines, mais de tous les clercs, à quelque diocèse qu’ils appartiennent, si la nécessité l’exige[18]. Le pape a le droit déjuger le clergé universel ; lui seul échappe à toute juridiction ; car nul n’est au-dessus de lui. Le supérieur ne peut être justiciable de ses inférieurs. L’Église, assemblée dans ses conciles, n’a pas de droits sur son chef. Seul il prévaut contre tous. Adrien II, au VIIIe siècle, parlant par la bouche de ses légats, s’exprimait ainsi : Le pontife de Rome peut juger les chefs de toutes les églises. Nous ne voyons nulle part qu’il soit justiciable de quelqu’un. Sans doute, nous savons que les Orientaux ont frappé d’anathème après sa mort le pape Honorius ; mais nous devons remarquer que ce pape était accusé d’hérésie. Dans ce seul cas, les inférieurs peuvent résister à leur supérieur et se préserver de ses égarements. Cette restriction même ne sera pas admise par les successeurs du pape Adrien. Le pape doit avoir raison contre tous. A plus forte raison, l’empereur ne pourra le citer à son tribunal. Les puissances laïques ne peuvent, sans un sacrilège, soumettre à leurs sentences les puissances ecclésiastiques. Pour le pape, l’empereur n’est pas même un pair : Le souverain pontife, écrit Nicolas Ier à l’empereur Michel, ne peut être lié ni absous par le pouvoir séculier. Le pieux empereur Constantin n’a-t-il pas appelé le pape un dieu ? Or, il est clair que Dieu ne peut se soumettre au jugement des hommes[19]. L’histoire, il est vrai, semble donner un démenti à ces prétentions des papes. Nous voyons que Charlemagne jugea le pape Léon, qu’avant lui le roi des Ostrogoths, Théodoric, se porta comme juge entre deux papes rivaux, que les évêques d’Orient condamnèrent plusieurs fois en concile les papes, que les empereurs ne se firent pas faute d’user contre eux de rigueur et de les traiter comme des sujets rebelles. Nous n’avons pas ici à établir ou à réfuter la légitimité des prétentions du Saint-Siège ; notre rôle est de les constater et de montrer comment les papes entendaient la dictature de l’Église. L’inviolabilité de l’évêque de Rome découle comme une conséquence nécessaire de son infaillibilité. Ce dogme, qui n’a été solennellement admis par l’Église qu’au dernier concile (1870), peut en réalité se réclamer d’une origine très-lointaine. Dès le septième siècle et le huitième, la papauté soutient qu’elle ne peut se tromper, et que Dieu même manifeste sa volonté par la bouche de son représentant sur la terre. On pouvait rappeler aux papes d’alors que Marcellinus avait sacrifié aux idoles, que Libérius, par son adhésion au concile de Sirmium, avait condamné le symbole d'Athanase et accédé à la suppression du consubstantialis ; que, plus récemment encore, Honorius avait versé dans l’hérésie des monothélites. Les papes n’admettent pas volontiers la discussion sur ce point et éludent ces souvenirs importuns. La lettre d'Agathon, au sixième concile œcuménique (action IV) est le plus précieux témoignage que nous ait transmis sur ce point le moyen-âge. Le pape déclare que l’Église romaine ne s’est jamais trompée en matière de foi et ne peut se tromper, que les pères doivent écouter les légats romains comme si Dieu lui-même se faisait entendre par eux, que les décisions des synodes œcuméniques n’ont de valeur que par l’approbation du Saint-Siège. Les évêques qui siègent dans le concile, dociles à ces prétentions, déclarent à leur tour que dans le combat engagé contre l’hérésie, ils ont avec eux le souverain prince des apôtres et son successeur au siège de Rome. Or, par le pape Agathon, c’est Pierre même qui a parlé[20]. Le pape Zacharie écrit à l’archevêque de Mayence, Boniface : Les lois établies par nous ne peuvent être violées, car le bienheureux Pierre est le garant de leur vérité et de leur stabilité. Ces pouvoirs extraordinaires ont une sanction, et cette sanction est l’excommunication avec toutes ses conséquences, arme terrible entre les mains des papes, puisqu’elle peut atteindre même les empereurs. Ne croyons pas que les papes en aient usé seulement au moyen-âge. La lutte du sacerdoce et de l’empire, des papes et des empereurs de Byzance, est marquée par les mêmes épisodes que celle de Grégoire VII et d’Innocent III contre les souverains de la Germanie. Transportant dans Tordre politique le droit de lier et de délier, que le Christ a légué aux apôtres, le pape se met ouvertement en insurrection contre son souverain, le sujet se révolte contre le maître, et, du haut de son tribunal, prononce contre lui les peines ecclésiastiques. Le pape Constantin défend que le nom de l’empereur Philippicus soit écrit sur les chartes publiques, que sa figure soit reproduite sur les monnaies, que son nom soit prononcé dans les prières de l’Église. Grégoire III ose plus encore : il déclare, en 733, l’empereur déchu de sa dignité, et défend aux Occidentaux de lui payer tribut. Ce n’est pas que ces prérogatives soient reconnues sans protestation par toutes les églises : Hincmar pour la Gaule, Photius pour l’Orient, refusent d’admettre la législation nouvelle adoptée par le Saint-Siège, et s’élèvent contre ces empiétements sur les droits des églises locales. Hincmar, que sa proximité de l’Italie et la dépendance des empereurs francs retenaient dans la sujétion de la papauté, revint à résipiscence ; Photius, plus hardi et, du reste, encouragé par son souverain, soutint que nul ne connaissait en Orient les canons de Sardique et les Décrétales, d’où le pape prétendait tenir ses droits[21]. Plutôt que de les reconnaître pour authentiques, il rejeta l’autorité du Saint-Siège et se fit le chef de l’Église dite orthodoxe. On voit, par ce qui précède, dans quels termes se pose, au VIIIe siècle, la question entre le pape et l’empereur. On peut déjà prévoir l’issue inévitable des conflits. D’une part, l’empereur, en vertu de ses pouvoirs politiques, prétend à la direction des consciences ; le gouvernement des âmes est pour lui comme un appendice, une suite, une conséquence de la puissance publique ; il veut conserver dans toute son intégrité l’imperium, tel qu’il l’a reçu des empereurs païens, tel que la Lex Regia le conférait à Auguste et à ses successeurs, sans souffrir dans son autorité une diminution qui équivaut à une déchéance ; il représente la tradition. Le pape, d’autre part, est le représentant de la révolution religieuse, inaugurée par le christianisme ; il est le gardien du dogme, qui, immuable par sa nature, ne peut s’accommoder d’un pouvoir mobile dans sa volonté et à la merci de mille influences contraires. L’Église, née en dehors de l’État, se développe ensuite, grâce au concours de l’État, grandit à ses dépens, puis, comme un fruit mûr, se détache du rameau qui l’a portée ; mais, élevée dans la tradition impériale, elle a hérité de toutes ses tendances, et vise, à son tour, à la domination. Après avoir absorbé et retiré à elle toute l'influence religieuse dont disposaient jadis les empereurs, elle en vient à déplacer l’équilibre et à usurper aussi des pouvoirs politique es. L’incompatibilité entre les deux autorités rivales s’accuse de jour en jour, les crises se précipitent. L’empire ne peut su Aire à deux maîtres à la fois. Ni le pape n’admet l’empereur au partage de sa puissance religieuse, ni l’empereur ne consent à abdiquer une part de ses anciennes prérogatives. Les choses n’en vinrent pas là tout d’abord. De nombreuses crises annoncent et préparent la crise finale. Par de longue, et multiples résistances, les papes s’essayèrent à une rupture ouverte ; des deux côtés, on essaya plusieurs fois de la conjurer. Des tentatives de réconciliation rapprochèrent, pour de courtes trêves, l’empereur et le pontife. C’est le tableau de ces agitations et de ces luttes qu’il nous reste à retracer brièvement. |
[1] S. Paul, Ep. ad Rom., 13.
[2] Tertullien, lib. IV ad Scapul.
[3] Optat. Milæv., Opera, p. 463.
[4] S. Basile Ethica, De fin. 79.
[5] Tertullien, lib. De idolatria ; V. aussi Contra Marcionem.
[6] S. Augustin, prop. 74, De
Correct. Donatist., ch. VI.
[7] S. Jean Chrysostome, Homélie
76, in Matt.
[8] Athanase, ep. ad Solitar. Vit.
agentes.
[9] Ep. Gelasii ad Anast.
[10] Ep. Symmachi ad Anast.
[11] J. Damascène, prima oratio.
[12] J. Damascène, secunda
oratio.
[13] Collatio Maximi cum
principibus in secretario palatii. Labbe, t. VI, p.
437.
[14] Luitprand. Leg. ad Niceph.
[15] Sozomène, lib. III, ch. 11.
[16] Ep. Léon Ier, 62 et 76.
[17] Nicolaï, Mediolan., Dist.
22, ch. 1.
[18] Nicolaï, Ep. ad imp. Michaïlam.
[19] Ep. Nicolaï ad imperat. Mich. Dist. 19.
[20] Sixième concile œcuménique, act. 18.
[21] Remarquons que saint Augustin ne connaissait d’autre concile de Sardique que celui qui fut tenu par les ariens. Les canons promulgués par les pères catholiques furent longtemps ajoutés à ceux de Nicée et cités comme tels. Du reste, le concile de Sardique ne fut jamais reconnu dans les grandes assemblées de l'Église comme un concile œcuménique.