HISTOIRE DU RÈGNE DE LOUIS XIV

TROISIÈME PARTIE. — LA DÉCADENCE : GUERRES DE LA SECONDE COALITION ET DE LA SUCCESSION D'Espagne (suite et fin)

 

CHAPITRE XXXVIII. — Guerre de la succession d'Espagne : Première partie jusqu'à la fin de 1703. La France conserve encore l'avantage.

 

 

I. — Premières hostilités en Italie. - Le prince Eugène aux prises avec Catinat et Villeroi. - Combats de Carpi et de Chiari. - Rupture des négociations de La Haye : formation de la Grande Alliance contre la France. - Reconnaissance du fils de Jacques II par Louis XIV ; l'Angleterre déterminée à la lutte contre la France ; développement de la Grande Alliance. - Insuffisance de l'Espagne à se défendre elle-même ; intervention de Louis XIV dans le gouvernement de son petit-fils. - Mort de Guillaume III.

 

Les premières hostilités dans la guerre de la succession d'Espagne ne sont encore que des escarmouches d'avant-garde, à une assez grande distance de l'engagement décisif ; mais elles poussent à l'organisation de la lutte générale, en relevant la confiance des agresseurs, en dévoilant ce qui manque à la France, et œ que ses ennemis peuvent espérer d'avantages sur elle.

Dès le commencement de 1701, Louis XIV s'était préoccupé des moyens de préserver le Milanais de l'Autriche par des négociations et des envois de troupes. Le comte de Tessé avait eu la mission de gagner le duc de Savoie et d'assurer la neutralité des Vénitiens dont les États, qui s'étendaient depuis l'Adda jusqu'à l'Adriatique, formaient la meilleure barrière contre les Allemands. Les premiers régiments étaient arrivés dans les derniers jours de janvier, et dès le mois de mars Catinat avait été désigné pour les commander ainsi que les troupes espagnoles. Nous avons vu encore que plusieurs princes d'Italie avaient accepté l'alliance des deux couronnes, et reçu, comme preuve de leur sincérité, des garnisons françaises. Cependant de sérieuses inquiétudes étaient venues traverser ces espérances favorables. Les promesses des Vénitiens n'étaient pas sûres. Ces messieurs les sages, écrivait le comte de Tessé, ne disent jamais ce qu'ils pensent ; toute leur application est à se cacher, et leur manège est rempli de petites subtilités souterraines dont l'objet principal est de gagner du temps[1]. Tout en permettant aux Français d'entrer dans leur pays, tout en protestant que l'Autriche ne trouverait chez eux ni magasins, ni subsistances, ni facilités, ils refusaient d'interdire par les armes l'entrée de leur territoire à l'Autriche, et dans leur crainte de se compromettre vis-à-vis de l'Empereur, ils priaient le roi de France de compatir à leur embarras. Le duc de Savoie n'était pas moins suspect. Ce prince incompréhensible, comme l'appelle Tessé, qui l'avait pourtant assez pratiqué pour le bien comprendre, avait, dès les premières ouvertures, réclamé son bien, son agrandissement, c'est-à-dire une part dans la succession d'Espagne[2]. Il avait montré si peu d'empressement à laisser passer par ses États les troupes françaises, que le roi s'était décidé à les faire transporter par mer de Toulon ou d'Antibes à Final. Il s'était même vanté de ce refus à l'Empereur et par toute l'Italie, comme l'en accuse le prince de Vaudemont[3]. Plus tard, quand il fut convenu qu'il serait généralissime pour la France et l'Espagne en Lombardie et que sa seconde fille épouserait Philippe V, il retarda tant qu'il put l'envoi de son contingent de troupes. Catinat s'en plaignait en mai 1701. Il a cependant, écrivait le maréchal, touché son argent et reçu la nouvelle que la demande lui doit être incessamment faite de Mme la princesse, sa fille, pour être reine d'Espagne. Il me semble, sire, que voilà un allié qui n'est pas des plus commodes[4]. C'était, en effet, moins un allié qu'un traître qui n'attendait, pour passer aux Impériaux, que de connaître leurs propositions. Une imputation semblable pèse encore aujourd'hui sur le prince de Vaudemont, maintenu par Louis XIV et Philippe V au poste de gouverneur du Milanais qu'il tenait de Charles II. D'après Saint-Simon et son école, ce Lorrain, tout en affectant de servir la France, demeurait attaché à ses ennemis. Il est certain qu'il avait reçu des confidences de Guillaume, et que son propre fils et son neveu Commercy servaient dans l'armée impériale contre lui-même, contradiction assez flagrante pour soulever l'opinion contre sa sincérité ; mais il montrait à Tessé les lettres de Guillaume comme une tentation dont il ne voulait pas[5]. Il dénonçait le duc de Savoie à Louis XIV comme le grand obstacle au bon accord entre l'Italie et la France[6], et l'on voit Catinat parler de lui sans défiance et combiner avec lui ses préparatifs. Il n'est donc pas impossible que ce soit le début malheureux des hostilités qui ait fait la mauvaise renommée de Vaudemont. Il y a longtemps que nous avons, en France, la prétention de n'être jamais battus, mais simplement trahis.

Au mois de mai 1701, les mouvements des Impériaux contre l'Italie se dessinèrent nettement ; le nombre de leurs troupes rassemblées dans le Tyrol faisait prévoir une attaque sérieuse. Pour atteindre directement le Milanais, ils n'avaient d'autre route que le pays des Grisons ; mais ce chemin était long et difficile. Partout ailleurs, des deux côtés du lac de Garda, il leur fallait passer par le territoire vénitien ; mais le Tyrol, province autrichienne, qui perçait profondément ce territoire, leur abrégeait la route de Mantoue, cette alliée de la France qu'ils avaient l'intention, comme on le vit plus tard, de ne pas laisser derrière eux. Il était donc à croire qu'ils entreraient en Italie par la vallée de l'Adige qui, commençant dans le Tyrol, se continuait dans le Véronais. Dès lors il parut important à Catinat, après Tessé et Vaudemont, de leur barrer cette vallée, ou du moins de les contenir sur la rive gauche du fleuve pour leur fermer la route de Mantoue et du Ferrerais. Dans cette vue, Catinat occupa fortement la rive droite et tous les postes entre cette rive et le lac de Garda. Il entrait ainsi sur le territoire vénitien ; mais à ce moment le Sénat y consentait, et la vigilance du maréchal à empêcher les déprédations des soldats rendait l'occupation tolérable aux habitants. Les Autrichiens, commandés par le prince Eugène, arrivèrent en effet par la rive gauche de l'Adige (27, 28 mai) et occupèrent différents points du Vicentin et du Véronais. La plus grande habileté du prince Eugène fut ensuite de dissimuler ses intentions sous ses manœuvres, de menacer tantôt un point, tantôt un autre, pour forcer les Français à veiller partout à la fois, à se transporter de leurs premiers campements dans.des positions nouvelles, à se partager en détachements insuffisants. Une fois on put croire — et la préoccupation en fut grande à la cour de France — que les Impériaux ne songeaient qu'à entrer dans les États du pape pour se porter sur Naples ; plus tard on sut qu'au moyen d'un pont sur le bas Adige, ils s'approchaient du Pô, et pouvaient, le long de ce dernier fleuve, remonter vers Mantoue. Catinat, partagé entre tant d'alarmes, déplaçait à chaque instant ses quartiers, renforçant les uns, diminuant les autres : de Rivoli à Legnano, de Carpi à Ostiglia, qui était la clef du Mantouan. Le prince Eugène saisit une de ces occasions. Le 9 juillet, il apparut subitement à Carpi, sur l'Adige, où le commandant français, Saint-Fremont, n'avait que trois cents hommes d'infanterie, deux régiments de cavalerie et trois de dragons. Il avait franchi le fleuve pendant la nuit ; il avait au moins quinze mille hommes, une forte cavalerie et quarante pièces de canon disponibles tant sur une rive que sur l'autre[7]. Tous les avantages de la supériorité du nombre lui appartenant, il croyait enlever d'emblée la position ; il fut bien surpris de la résistance énergique qu'il rencontra. Tessé, qui campait à quelque distance, fut averti assez vite pour arriver au secours de Saint-Fremont. Ces deux chefs se comportèrent si bien, que l'affaire, commencée à six heures du matin, n'était pas finie à neuf. Saint-Fremont reprit deux fois son poste. Les dragons, sous la conduite de Tessé, chargèrent à plusieurs reprises le fusil au dos et l'épée à la main, et d'abord chaque escadron renversa son escadron d'Autrichiens. Jamais, au dire de Catinat et des gens du pays, les troupes françaises n'avaient acquis plus de gloire ; l'ennemi lui-même le reconnut aux coups qui lui étaient portés ; le prince Eugène y fut blessé. Mais en fin de compte, dit Tessé, le poste n'était pas soutenable contre les deux grosses colonnes de l'infanterie autrichienne qui venait, canon en tête, et contre les colonnes de cuirassiers qui marchaient fièrement par tous les chemins. De braves officiers de marque, parmi lesquels un fils du duc de Chevreuse, succombaient. La cavalerie, toujours brillante dans les charges, était décimée par un feu violent d'infanterie. Il fallut se retirer ; retraite honorable assurément puisque le vainqueur n'osa pas poursuivre, mais abandon aux Autrichiens de la rive droite de l'Adige et du chemin du Milanais. La guerre de la succession d'Espagne commençait par un échec pour la France.

Quelques jours auparavant les troupes du duc de Savoie avaient enfin rejoint les Français : de beaux hommes à qui il ne manque rien, disait Catinat lui-même. Toutefois, ce renfort inspirait peu de confiance. Catinat, tout en rendant à Victor-Amédée le témoignage qu'il avait envoyé la tête de ses troupes, exprimait le désir que ce prince ne vînt pas de sa personne à l'armée, où il ne pouvait être qu'avec peine et inquiétude et danger pour les deux couronnes. Tessé écrivait aussi au roi : Je crains toujours que, sous prétexte de conserver l'Alexandrin, il ne redemande ses troupes ; car il aimerait mieux un village de plus ou l'investiture d'un fief que sa fille reine d'Espagne[8]. Les Piémontais n'avaient pu servir dans la surprise de Carpi dont ils étaient trop éloignés. Victor-Amédée, quand il arriva lui-même, ne servit pas davantage, ou plutôt il ne fut bon, selon l'opinion commune, qu'à livrer aux Autrichiens les plans des Français. L'événement de Carpi fut le point de départ des malheurs de Catinat. Maintenant que l'ennemi avait envahi la rive droite de l'Adige, il importait de le ruiner par une grande bataille, ou de lui fermer soit la route de Mantoue, soit la route du Milanais par le Mincio, les deux seuls objets qu'il pût avoir en vue. Catinat, par une prudence qui parut excessive, jugea que ses troupes n'étaient pas en nombre pour hasarder une bataille rangée. Il crut plus sage de garder le Mincio dans une position à peu près intermédiaire qui permettrait d'accourir à volonté sur Mantoue ou sur Peschiera. Mais pendant qu'il examinait de quel côté se tourner, l'ennemi traversa le Mincio à sa sortie du lac de Garda, passa à Desenzano et s'avança vers Lonato qui était la route du Bressan auquel confinait le Milanais. Aux alarmes des habitants, aux réclamations du prince de Vaudemont qui voyait déjà Milan occupé, Catinat jugea qu'il importait avant tout de se replier sur la frontière du Milanais, derrière l'Oglio qui, dans son cours inférieur, bordait cette province, comme l'Adda dans son cours supérieur. Ce parti pris, il l'annonça au roi comme irrévocable, comme le seul moyen de salut. La source de nos fautes, écrivait-il[9], a été de vouloir remédier à tout ce que les ennemis pouvaient faire et de ce qu'on trouvait des inconvénients à tous les partis qu'on aurait voulu prendre. Je me suis proposé présentement de suivre un objet, et de choisir, s'il se peut, celui qui est de plus de conséquence. Après cela on dira qu'on leur livre le Mantouan, la facilité de s'approcher du Pô et d'y construire des ponts, d'où l'on tire déjà je ne sais combien de conséquences fâcheuses. Je laisserai dire dorénavant ; je ne veux plus tomber dans les irrésolutions de prendre un parti. Cette fermeté fut mal accueillie. Les Français reculaient ; l'ennemi venait d'occuper Castel-Goffredo et Castiglione, deux villes du Mantouan ; le duc de Mantoue demandait du secours contre les partis autrichiens qui pillaient son territoire. Tessé et Vaudemont se plaignaient à la cour de France que le maréchal, à Desenzano, eût laissé défiler, pendant tout un jour, l'armée ennemie qui prêtait le flanc entre le lac et des roches, sans attaquer ni avant-garde, ni flanc, ni arrière-garde. Ils représentaient le Milanais comme fourmillant de fugitifs que la peur des Autrichiens poussait de la campagne dans les villes. Tessé proposait même de donner à Catinat quelque commandement d'armée dont il connût un peu mieux le pays, et demandait un nouveau général auquel il promettait de faire faire encore un beau reste de campagne. Louis XIV se fâcha.

Il aurait pu s'en prendre tout aussi justement au duc de Savoie ; car Victor-Amédée, généralissime, était le supérieur de Catinat. Il était à Desenzano, et n'avait pas trouvé à redire à l'inaction du maréchal[10]. Mais puisque Catinat prenait sur lui seul la responsabilité du plan de campagne, ce fut à lui que le roi adressa une lettre dure (10 août 1701), pleine de reproches acerbes, où toutes ses manœuvres étaient étalées comme autant de fautes. Il lui ordonnait à la fin de rassembler toutes ses troupes, de s'assurer les provisions nécessaires, ce qui n'exigeait pas plus de vingt-quatre heures, et de marchera x ennemis par le plus court chemin possible, de les harceler sans relâche, de les contraindre à accepter une bataille. Deux jours après il aggrava cette leçon déjà si dure en lui imposant un maitre. Alléguant d'un côté la fatigue dont Catinat pouvait être accablé, de l'autre le besoin possible de partager les troupes entre le Milanais et le Mantouan, il envoya Villeroi en Italie pour partager avec Catinat le soin des opérations militaires sous le commandement supérieur de Victor-Amédée. Catinat fut sensible à cet affront, mais il le supporta avec une noblesse qui a contribué à sa popularité dans l'histoire. Il se contenta d'écrire à Chamillard pour obtenir d'être rappelé d'Italie à la fin de la campagne. En attendant il continua à servir, dans un rang inférieur, avec la même activité, la même vigilance, le même dévouement qu'au premier[11]. Rendons en même temps justice à Villeroi. Le favori s'honora à son tour par la délicatesse de ses procédés envers le disgracié. Il n'affecta aucune supériorité sur Catinat ; il le traita comme son égal, voulut qu'il prît alternativement avec lui le mot du duc de Savoie, et fit valoir auprès de Louis XIV son zèle, son attachement au service, sa vertu, comme chose d'une louange immortelle[12].

L'arrivée de Villeroi ne changea pas la position. Il apportait l'ordre impérieux d'aller en avant, de passer les rivières, de chercher l'ennemi, de faire l'impossible pour combattre plutôt que d'avoir la honte de voir les Impériaux hiverner en Italie[13]. Il n'est donc pas seul responsable des revers qu'entraîna l'exécution de cet ordre. Il le serait plus justement de sa confiance exagérée en ses ressources, de sa crédulité au dévouement du duc de Savoie. Dès sa première dépêche à son maitre, il était sûr de sa supériorité, de ses approvisionnements : Le pain, disait-il, ne nous manquera pas, quelque événement que puissent amener les affaires. Il admirait les troupes de Victor-Amédée parfaitement belles, lestes, bien pourvues, d'une discipline exemplaire, et le dévouement de ce prince qui renchérissait sur tous les serviteurs du roi. Il se pressa donc d'entreprendre. Le 31 août, il repassait l'Oglio, pour aborder l'ennemi, sans être inquiété, et le soir il exaltait l'ardeur de l'infanterie qui avait traversé la rivière sans pont, et l'impatience de combattre qui animait les soldats et les cavaliers. Le lendemain (1er septembre) il se porta sur la petite ville de Chiari. On l'avait assuré que les ennemis n'y avaient laissé qu'un détachement d'infanterie soutenu de quelques cavaliers. Il aurait pu examiner davantage ce poste, comme il en convient lui-même ; mais l'avis du duc de Savoie, confirmé par Vaudemont, lui tint lieu de prudence. On ne voit pas qu'il ait consulté Catinat ; il s'avança au signal donné par le tambour de Victor-Amédée. La surprise fut grande de trouver toute l'armée d'Autriche sous des retranchements auxquels elle avait travaillé depuis trois jours, et appuyée par derrière aux murailles de la ville ; elle avait du canon dont tous les coups portaient ; celui des Français mal à l'aise sur un terrain inégal n'y ripostait que faiblement. Ce fut en vain qu'ils y suppléèrent, officiers et soldats, par une admirable valeur ; le duc de Savoie en particulier, dans un péril continuel, reçut plusieurs coups dans ses habits. On parvint même à forcer quelques retranchements sur la droite, mais à la gauche les attaques se redoublaient sans succès. En une heure les pertes étaient déjà considérables. Le duc de Savoie fut d'avis de remettre l'attaque au lendemain pour se donner le temps de reconnaître les lieux. Villeroi lui représenta qu'il vaudrait mieux ne pas rester sur un terrain aussi défavorable, où le canon n'avançait qu'avec peine, où les troupes ne pouvaient se déployer ; que, vingt bataillons seulement ayant été engagés, il restait assez de forces pour attaquer avec supériorité dans des lieux plus accessibles et avec un front plus étendu. Le duc de Savoie consentit. On se retira du champ de bataille, y laissant deux mille morts ou blessés. L'ennemi, qui se vantait de n'avoir que trente-six morts et quatre-vingts blessés, demeura dans Chiari et en fit par ses travaux une forteresse inexpugnable.

L'insuccès, quoique non décisif, était un obstacle aux projets de Villeroi. Il en découvrit un autre plus fâcheux encore dans les infidélités du duc de Savoie. Ce prince avait eu soin de ne pas engager ses troupes au combat de Chiari. On eut bientôt la certitude que, si Chiari s'était trouvé en état de résistance, c'était parce que Victor-Amédée avait livré au prince Eugène le plan des manœuvres de l'armée française. Cet homme incompréhensible, favorable aux Autrichiens, s'était exposé à leur canon pour mieux tromper la France. Villeroi n'en doutait plus quatre jours après la bataille ; il écrivait à Louis XIV : Comptez, sire, que dans son cœur il ne veut pas le progrès de vos armes en Italie ; et la semaine suivante : C'est un prince qui ne connaît que son intérêt, et qui sacrifiera tout pour y parvenir. Il ne se fera aucun scrupule sur les moyens d'acquérir, et lorsqu'il aura obtenu un avantage, il sera tout disposé à manquer de parole et de foi à celui à qui il aura l'obligation de son agrandissement, par l'espérance d'obtenir une plus grande fortune[14]. Déjà il faisait entrevoir, sous prétexte de l'approche de l'hiver, le retour de ses troupes en Piémont, et les Autrichiens lui témoignaient une préférence qui ne l'accusait que trop clairement. Dans toutes les affaires de prisonniers, le prince Eugène affectait toute sorte d'égards et civilités pour les soldats de Savoie, beaucoup d'éloignement et de dureté pour les soldats de France et d'Espagne. Cette connivence allait, pendant tout le reste de la campagne, entraver les opérations des Français, et assurer aux Impériaux leurs quartiers d'hiver en Italie.

Le malheur de Chiari avait corrigé Louis XIV du goût des grandes batailles. Avant même que Villeroi lui en eût expliqué le danger, il avait prescrit de n'attaquer qu'avec prudence, de s'attacher surtout à surveiller et resserrer l'ennemi, et de le contraindre, par le défaut de vivres, à décamper le premier. Entre diverses opérations, il indiquait l'utilité de reprendre Castel-Goffredo et Castiglione, deux postes du Mantouan dont l'occupation par les Autrichiens gênaient fort le duc son allié. Tessé fut chargé de rassembler pour cette entreprise des troupes de diverses garnisons. On fut d'abord surpris de voir que le duc de Savoie refusait d'y associer les siennes. On commença à soupçonner le motif de cette abstention lorsque Tessé, arrivant près de ces places, les trouva renforcées de la veille par des régiments allemands, et dut renoncer, par raison d'infériorité, à l'attaque. On comprit enfin tout le mystère quand on sut qu'une lettre de Victor-Amédée était tombée aux mains des Autrichiens. Cette lettre, écrite sans aucune nécessité à un officier piémontais, contenait l'avis du projet des Français sur les deux places ; elle avait été ravie au porteur par des gens qui sans doute ne s'étaient pas rencontrés par hasard sur son chemin[15]. Au commencement d'octobre, les Autrichiens étant toujours à Chiari, et les Français dans un camp fortifié tout voisin, on crut reconnaître que le manque de vivres allait forcer le prince Eugène à décamper ; il était sage d'examiner dans quelle direction on le poursuivrait, et d'empêcher surtout qu'il ne se rabattit sur le duché de Mantoue. Dans la conférence tenue à ce sujet, le duc de Savoie étonna encore tout le monde par ses conseils de faiblesse. Au lieu d'avancer, il opina pour rétrograder au delà de l'Oglio, afin de mieux assurer le Milanais, dût-on compromettre le Mantouan où il serait toujours possible, disait-il, de rentrer plus tard. De pareils avis ne pouvaient être inspirés que par le désir de conserver toutes ses troupes et de laisser au prince Eugène la facilité de s'établir en Italie. Mais comme il avait le commandement supérieur, il était difficile de le contredire. On demeura pourtant où l'on était, parce que l'ennemi ne bougeait pas encore ; mais quelques semaines plus tard, le mauvais état des chemins rendant aux Français l'approvisionnement très-difficile, il devint nécessaire de rétrograder en effet sur la rive gauche de l'Oglio. Il y avait tout lieu de craindre que l'ennemi ne profitât de ce mouvement pour prendre l'avantage. Villeroi avait averti Louis XIV, non sans justesse, que la première démarche qui se ferait par l'une des deux armées déciderait de la campagne et des quartiers d'hiver. Il y eut même quelques escarmouches dans l'une desquelles Catinat fut blessé. Des pièces de canon espagnoles s'embourbèrent à quelques pas de la rivière, et prirent quelques heures pour être retirées. Puis à la pluie succéda la neige et la gelée (14 novembre) ; pour donner le couvert aux hommes et du fourrage aux chevaux, il fallut se séparer en quatre ou cinq quartiers. Tout invitait donc l'ennemi à profiter de ces embarras. Eh bien, ce fut ce moment même que le duc de Savoie choisit pour reprendre ses troupes et rentrer avec elles dans ses États. Que Votre Majesté, écrivait Villeroi[16], fasse réflexion dans quelle conjoncture M. le duc de Savoie retire ses troupes de l'armée. Quelle diminution de force pour nous, et quelle opinion cela peut donner aux ennemis.... La trahison qu'il vient de faire à Votre Majesté ne se peut oublier et mérite un ressentiment éternel.

A la suite de ces mésaventures, Villeroi ne parvint qu'à s'établir dans le Crémonais, à égale portée du Milanais et du Mantouan, pour veiller sur l'un et sur l'autre. L'ennemi, obligé par la faim et le mauvais temps à quitter son poste de Chia ri, cessa de menacer le Milanais. Mais, entre l'Oglio et le Mincio, il fut libre de revenir sur le Mantouan ; il y occupa plusieurs positions qui tenaient Mantoue en échec, et il ne manqua cette ville importante que grâce aux torrents de pluie qui lui en interdirent l'approche. Il en fut au moins dédommagé par la trahison de la princesse de la Mirandole, qui renvoya les troupes françaises et l'accueillit lui-même dans ses murs (22 décembre). Cette triste campagne finissait ainsi misérablement pour la France ; et, par un autre résultat fâcheux, si elle ne donnait pas encore à l'Empereur la supériorité décisive en Italie, elle lui avait rendu le service de déterminer les puissances maritimes à se déclarer pour sa cause.

Guillaume III avait dit plusieurs fois que, si l'Empereur commençait la guerre avec vigueur en Italie, ce serait une bonne raison aux puissances maritimes pour intervenir en sa faveur. Précisément, après les premières hostilités, entre Carpi et Chiari, Louis XIV avait rompu les négociations ouvertes à La Haye depuis le mois de mars, et débarrassé l'Angleterre et la Hollande des ménagements que leur imposaient, au moins au dehors, les propositions à l'amiable agitées dans ces conférences. D'Avaux fut rappelé de La Haye, Villars de Vienne, et, par représailles, l'ambassadeur autrichien' quitta la France. Guillaume profita de cette liberté pour renouer l'ancienne coalition. Au commencement de l'année, il avait obtenu du Danemark la promesse de fournir douze mille hommes aux puissances maritimes[17], et de modifier ses conventions commerciales avec la France. Au mois de septembre, il s'engagea avec l'Empereur par le traité dit de la Grande Alliance. Ce nom convient en effet à ce traité, parce que tout en ne stipulant qu'au nom de trois puissances, il provoqua l'adhésion de toute l'Europe, et qu'en deux années il réunit huit nations contre une seule. A lire le préambule, ce n'est qu'un acte de défensive légitime et modeste. Ils allèguent l'union si étroite de la France et de l'Espagne, que ces deux royaumes ne doivent plus être considérés à l'avenir que comme un seul, la présence des forces françaises sur terre et sur mer, dans tous les lieux de la domination d'Espagne, l'indépendance des Provinces-Unies détruite par la perte de leur barrière, la navigation et le commerce des Anglais et des Hollandais menacés dans la Méditerranée, aux Indes et ailleurs, l'Empire romain frustré de ses droits sur ses fiefs d'Italie et du Pays-Bas espagnol. Ils ne se proposent que d'obtenir amiablement, et par une transaction ferme et solide, une satisfaction juste et raisonnable pour l'Empereur, et pour les deux autres la sûreté dont ils ont besoin. Mais bientôt le ton change et monte. Si leurs espérances pacifiques viennent à être déconcertées, ils se feront par les armes la justice qui leur est due. Ils reconquerront le Pays-Bas espagnol, ils feront tous leurs efforts pour reprendre le duché de Milan et ses dépendances, les royaumes de Naples et de Sicile, les îles de la Méditerranée avec les terres dépendantes de l'Espagne le long de la côte de Toscane. Le roi de la Grande-Bretagne et les États-Généraux entreront dans les colonies espagnoles, ils y occuperont les pays et les villes qui seront à la convenance de leur navigation et de leur commerce, et chacun gardera ce qu'il aura pris de ce côté. Quand on fera la paix, une des conditions sera que" jamais les couronnes de France et d'Espagne ne pourront être réunies sur la même tête ; une autre, que jamais les Français ne pourront être maîtres des Indes espagnoles, ni même y envoyer des vaisseaux pour exercer le commerce directement ou indirectement.

On voit qu'il ne s'agissait pas encore de dépouiller entièrement Philippe V ; on entendait seulement le réduire à la possession de ce que les alliés ne se proposaient pas de conquérir. Aussi a-t-on assez bien appelé cette alliance un troisième traité de partage. Mais combien il différait des deux premiers 1 Ce n'était plus une division à peu près égale de la succession espagnole entre les deux héritiers pour le maintien de l'équilibre européen. C'était, d'un côté, la grosse part donnée à l'Autriche, et de l'autre, les étrangers admis à partager. L'Angleterre et la Hollande, qui n'avaient rien stipulé pour elles-mêmes dans les premières négociations, s'adjugeaient véritablement ici les colonies espagnoles, et par un aveu effronté de leur égoïsme mercantile, tandis qu'elles assuraient à leur commerce un développement nouveau sur ces terres jusque-là réservées aux seuls Espagnols, elles prétendaient en exclure les Français, non-seulement comme propriétaires du sol, mais comme simples marchands. Il n'était pas possible que Louis XIV, ni les Espagnols, si opiniâtres à défendre l'unité de leur monarchie, se résignassent à cette transaction insultante. Le dernier article du traité, par la menace même q u' il renfermait, était bien fait pour affermir le grand roi dans sa résolution de tout refuser. Tous les rois, princes et États, disait cet article[18], qui voudront entrer dans la présente alliance, y seront admis ; et parce qu'il est particulièrement de l'intérêt du saint Empire romain de conserver la paix publique, et qu'il s'agit ici de recouvrer les fiefs de l'Empire, on invitera spécialement ledit Empire d'entrer dans la présente alliance.

Louis XIV répondit presque jour pour jour à celte menace. Le traité de la Grande Alliance porte la date du 7 septembre ; il est probable que cette date est bien la date française, celle du calendrier grégorien que la Hollande avait enfin adopté en 1699[19]. On dut en connaître la teneur assez vite, surtout Louis XIV, toujours si bien informé, et d'ailleurs de pareilles résolutions ne se débattent pas pendant plusieurs semaines sans qu'il en transpire au dehors quelques notions ; elles peuvent être connues avant d'être rédigées. Il n'y a donc pas grande témérité à croire que la coïncidence ne fut pas fortuite entre le défi de Guillaume et celui que Louis XIV lui renvoya le 13 septembre. Jacques II, malade à Saint-Germain était à l'extrémité. On s'inquiétait autour de lui du sort de sa famille après sa mort, de la conservation ou de la perte de cet état royal qu'il avait da à la munificence de son hôte. La question en fut même agitée au conseil des ministres, où Torcy expliqua avec fermeté les raisons qui commandaient au roi une grande prudence vis-à-vis de Guillaume, et vis-à-vis du peuple anglais qui avait montré tant de répugnance à suivre Guillaume dans ses nouveaux projets de guerre. Le roi resta quelque temps sans faire connaître sa pensée ; puis tout à coup, le 13 septembre[20], dans une visite au moribond, il l'assura devant la petite cour jacobite, qu'il reconnaîtrait le prince de Galles, son fils, pour roi d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande. On a prétendu que cette détermination fut prise sur les instances de Mme de Maintenon sollicitée elle-même par la femme de Jacques II, et qu'un mouvement de condescendance pour deux femmes, et de sensibilité pour le malheur, prévalut dans sou esprit sur les arguments politiques de son ministre. Ceux qui connaissent les habitudes diplomatiques de Louis XIV trouveront peut-être tout aussi vraisemblable qu'il se soit fait de cette reconnaissance un moyen de troubler Guillaume, et de le détourner des affaires du continent, en lui suscitant chez lui de nouvelles inquiétudes d'une alliance entre les jacobites et la France. Quel qu'ait été d'ailleurs son motif, il exécuta sa promesse. Aussitôt après la mort de Jacques II (16 septembre), le prince de Galles fut proclamé roi à Saint-Germain, revêtit les insignes royaux, et, quand il fit sa première visite à Versailles, Louis XIV lui donna la droite.

La reconnaissance du prince de Galles fut diversement appréciée en France. Les uns admirèrent tant de magnanimité, tant de justice. Le jeune duc de Bourgogne, dans une lettre qui n'était pas d'un politique, et heureusement privée, vantait au roi d'Espagne, son frère, la conduite de son aïeul comme le seul acte digne d'un honnête homme dans la circonstance. Il riait du roi Guillaume ou du prince d'Orange, comme on voudrait l'appeler, qui retirait son ambassadeur, et d'une colère impuissante à faire désormais plus de mal qu'elle n'en avait déjà fait. J'avoue, disait-il, que je fus soulagé quand j'appris que le roi avait déclaré qu'il reconnaissait le prince de Galles[21]. D'autres, comme Dangeau, s'évertuaient à prouver que cette reconnaissance n'avait rien de contraire à la paix de Ryswick, que le roi n'avait aucune intention de troubler Guillaume dans la possession de son trône ; mais que le prince de Galles tenait de sa naissance un droit que personne ne pouvait lui ravir, qu'on avait des exemples de deux rois portant ensemble le même titre : tel Jean-Casimir que la France appelait roi de Suède, alors qu'il existait un autre roi de Suède régnant avec qui elle avait fait alliance. Cependant, les plus avisés ne tardèrent pas à comprendre que cette belle action était pleine de périls. Ils y virent une offense personnelle pour Guillaume, un titre de plus à sa haine et à sa vengeance, un défi à l'indépendance des Anglais dans la perspective de recevoir un roi de l'étranger, une excitation aux protestants, qui étaient les plus nombreux en Angleterre ; à redoubler de surveillance et de vexations contre : les catholiques[22]. Ceux-ci voyaient juste. La reconnaissance du prince de Galles a été le dernier branle de la guerre.

Guillaume était à Loo, en Hollande, à table avec plusieurs princes allemands et seigneurs, quand cette nouvelle lui fut apportée. Il la dit à ses convives, sans ajouter aucune parole ; mais le rouge lui monta au visage, et il enfonça son chapeau pour cacher cette émotion. Immédiatement il expédia à son ambassadeur en France l'ordre de revenir, et aux lords-régents d'Angleterre l'ordre de renvoyer de Londres le résident français. Il en appela ensuite à l'Europe de ce qu'il appelait la violation de la paix de Ryswick, en la dénonçant au roi de Suède, garant de ce traité européen. Sous prétexte que cette rupture ne menaçait pas moins les Provinces-Unies que son trône, il se hâta de faire conclure entre l'Angleterre et la Hollande un traité particulier d'alliance défensive perpétuelle, renouvelé de 1678 (11 novembre 1701). Il travailla à étendre la Grande Alliance et d'abord par l'accession du nouveau roi de Prusse. Ce n'était pas la plus facile de ses entreprises. Ce nouveau venu parmi les rois, se sentant recherché, mettait au plus haut prix sa coopération. Travaillé par la diplomatie française, alléché par l'or que lui offrait Louis XIV, il ne prétendait s'engager dans le parti contraire qu'à la condition d'avantages supérieurs. Donner peu, faire peu par lui-même et recevoir beaucoup, tel était son calcul et son espérance. Il lui fallait une partie de la Gueldre espagnole, la garantie, par les puissances maritimes, de l'argent qu'il réclamait de l'Espagne, et des établissements coloniaux en Amérique[23]. La Prusse avait donc, dès son origine, la prétention de devenir une puissance maritime et coloniale ; le mouvement qu'elle se don ne aujourd'hui pour prendre sa place sur la mer n'est qu'une tradition et comme un legs de son fondateur. Or, ce point était le plus délicat. Guillaume croyait l'Angleterre trop chatouilleuse sur ce chapitre pour admettre un autre partageant que la Hollande à la curée des Indes occidentales. Les négociations traînèrent jusqu'à l'irriter mie déterminer presque à rompre. A la fin, pour ne pas perdre l'appui d'un prince si puissant en Allemagne, il en passa par où il eût mieux aimé ne pas aller. Par un traité du 10 janvier 1702, il accorda au roi de Prusse la plupart de ses exigences, et celui-ci promit à la Grande Alliance un corps de cinq mille hommes. Guillaume aurait été heureux de gagner aussi le roi de Suède Charles XII, et le roi de Pologne Frédéric-Auguste, électeur de Saxe, et à ce titre un des princes les plus importants de l'Allemagne[24]. Mais ces deux princes étaient engagés dans cette longue rivalité qui sépare à cette époque le Nordet l'Est de l'Europe des intérêts de l'Occident. Rien ne devait détourner Charles XII de ses projets de vengeance ou de conquête en Pologne et en Russie ; les malheurs de Frédéric-Auguste battu, et pendant un temps dépossédé de son royaume, ne devaient plus lui laisser d'autres soins que la défense de son électorat. Le contre-temps était d'autant plus fâcheux qu'il n'y avait qu'un électeur d'Allemagne, le Palatin, avec le roi de Prusse, qui eu embrassé la cause de l'Empereur. Ceux de Bavière et de Cologne étaient ouvertement alliés à la France, ceux de Mayence et de Trèves avaient arboré la neutralité. Les Cercles, vainement sollicités par le prince de Bade, général de l'Empereur, n'avaient consenti à lever des troupes que pour se mettre en garde contre l'Empereur aussi bien que contre la France. Mais Guillaume fut dédommagé des hésitations de l'Allemagne par l'adhésion enthousiaste de l'Angleterre à ses projets.

Torcy a lui-même avoué que, jusqu'à la reconnaissance du prince de Galles par Louis XIV, H ne grande partie de la nation anglaise répugnait encore à la guerre, mais que cette déclaration du roi de France changea ces bonnes dispositions[25]. Vainement, par un manifeste adressé à toutes les cours de l'Europe, le roi avait essayé de réduire cette reconnaissance à une simple formalité de politesse, à un titre honoris figue laissé pour consolation au malheur. Vainement il rejetait la violation de la paix de Ryswick sur l'alliance de Guillaume et des Etats-Généraux avec l'Empereur. Les Anglais se sentirent menacés dans leur indépendance par ce qu'ils appelaient la prétention d'un souverain étranger à leur imposer un roi. Leurs adresses venaient jusqu'en Hollande chercher Guillaume, pour l'inviter à défendre, par tous les moyens, sa personne et ses droits méconnus. Quand il rentra en Angleterre, la persévérance des mêmes sentiments l'encouragea à dissoudre un Parlement qui n'avait accepté ses propositions qu'à la dernière extrémité, et la nouvelle Chambre des communes, qui sortit de ce courant d'opinion, se prononça dès le premier jour pour l'action immédiate (9 janvier 1702). Dans sa harangue d'ouverture, Guillaume se déclara personnellement offensé par la reconnaissance du prétendu prince de Galles, et toutes les puissances de l'Europe menacées par les dernières démarches de Sa Majesté Très-Chrétienne. Les mesures prises jusqu'alors ne sentaient encore que la défensive ; cette fois le, actes du Parlement pressèrent ouvertement l'attaque. La Chambre des lords demandait le rétablissement de l'Empereur dans tous ses droits, et le renversement de l'usurpateur du trône d'Espagne. La Chambre des communes voulut que, dans tous les traités d'alliance, on stipulât, par une clause spéciale, qu'aucune pais ne serait conclue avec la France, jusqu'à ce que le roi Guillaume et la nation anglaise eussent reçu réparation de l'outrage que leur avait fait la reconnaissance du prétendu prince de Galles[26]. Pour soutenir cette réclamation, le Parlement vota l'entretien de quarante mille hommes de terre et de quarante mille hommes de mer, et, pour en faire un devoir de patriotisme et de conscience, il condamna le prince de Galles à mort, et imposa à toute personne, pourvue d'un emploi dans l'Église ou dans l'État, un bill d'abjuration du prétendant. Fort de ces engagements, Guillaume triompha enfin des hésitations d'Amsterdam dont les marchands, effrayés non sans raison des charges pécuniaires d'une guerre générale, montraient moins d'empressement que lui à précipiter la lutte. Les puissances maritimes convinrent d'envoyer dans la Méditerranée quatre-vingts vaisseaux, cinquante anglais et trente hollandais, pendant que dix-huit vaisseaux des États protégeraient dans la mer du Nord le commerce de la République.

En face d'ennemis si bien d'accord, Louis XIV commençait à se sentir trop isolé, trop dénué d'alliances et d'auxiliaires dignes de confiance. Il ne trouvait pas même l'Espagne en disposition et en état de contribuer par elle-même à maintenir sa propre intégrité, dont elle se montrait si jalouse. Les espérances ou illusions, qui avaient suivi le testament, s'étaient promptement dissipées. D'abord on avait soupçonné que de sinistres projets contre la vie de Philippe V n'étaient pas impossibles de la part de quelques partisans de l'Autriche. Les poisons d'Espagne sont bien subtils, écrivait Fénelon[27], il y en a jusque dans les odeurs, et on ne peut se précautionner sur toutes choses. Louis XIV, également inquiet, recommandait à son petit-fils de ne pas sentir les Heurs qu'on lui présenterait, de s'abstenir de tabac, de ne pas ouvrir lui-même ses lettres[28]. On reconnut ensuite que la présence de Français dans le gouvernement ferait des jaloux. L'ambassadeur d'Harcourt ne dut entrer au conseil de Philippe V que sur la demande formelle et publique de Porto-Carrero[29]. C'est dans la même pensée que, un peu plus lard, au moment du mariage du jeune roi, on choisit pour camerera mayor de la reine la princesse des Ursins ; elle était Française, il est vrai, mais devenue étrangère à la cour de France par tin long séjour en Italie, et à moitié Espagnole par son mari qui avait été grand d'Espagne[30]. Il fallait donc pas donner aux Espagnols, écrit encore Fénelon, des amiraux ou des ministres, ni les gouverner comme des enfants, mais leur prêter des gens bien sages qui les instruiraient et les aideraient sans prendre aucun signe d'honneur et d'autorité. Malheureusement l'Espagne était un corps mort qui ne se défendait pas ; on y trouverait aussi difficilement des hommes capables de se laisser conseiller que des ressources matérielles. Habitués à ne voir dans les séances du conseil de Castille qu'une formalité et une cérémonie[31], les hommes d'État ne comprenaient rien à l'activité et à l'esprit pratique des Français. D'Harcourt écrivait : Je ne serais pas fâché de travailler si je faisais quelque chose, mais après avoir travaillé toute une semaine avec ces gens-ci, je m'aperçois que je n'ai rien fait. Car on ne fait que raisonner et on ne sait ce que c'est qu'exécution. D'autre part le royaume était ruiné, soit par les concussions des uns, soit par l'oppression des autres. Les vice-rois du Mexique et du Pérou trafiquaient des droits du monarque, et vendaient à leur profit les postes les plus importants. Tandis que les Castillans pavaient de lourds impôts, les autres provinces, en vertu de leurs privilèges, ne payaient presque rien.

Louis XIV passa toute l'année 1701 à lutter contre ces abus. Malgré tant de nullité et de misère, le conseil de Flandre résidant à Madrid prétendait régler, sans aucune connaissance des affaires, l'administration et la défense des Pays-Bas ; il contrariait toutes les mesures prises par la France. Le roi signifia que, si les ordres de Madrid s'exécutaient dans les Pays-Bas, il n'y aurait pas d'argent pour payer les troupes d'Espagne, et que les dépenses faites par la France deviendraient inutiles. Il exigea que ses ordres à lui fussent rendus obligatoires pour le gouverneur, espagnol dans ces provinces. Bien convaincu, après une assez longue attente, qu'il n'y avait pas en Espagne de gens assez habiles et assez désintéressés pour les employer à rétablir l'ordre dans les finances, il envoya à Madrid le financier Orry[32], dont cette mission a commencé l'importance, avec le soin d'examiner la nature, le mode de perception et l'emploi des revenus de la monarchie, les engagements pris et les conditions de ces engagements, et de rechercher par quels moyens les rentrées pouvaient être augmentées et les dépenses proportionnées aux recettes. Le mois suivant (juillet) il remplaça d'Harcourt malade par Marcin. Exercer réellement les fonctions de ministre du roi d'Espagne sans en avoir le titre, régler les heures et toute la journée du jeune roi, ranimer le conseil d'État par l'introduction de personnes moins incapables, combattre les routines, les entêtements des provinces, telles étaient les instructions du nous el ambassadeur, rédigées par Torcy. Il s'y joignait un point délicat, plus téméraire en Espagne que partout ailleurs, qui ne devait être abordé qu'après une longue réflexion. Les églises d'Espagne étaient très-riches en or et même en argenterie, et l'espèce était très-rare dans le commerce ; ne pourrait-on pas obliger le clergé à vendre une partie de cette argenterie[33] ? On se rappelle que l'expédient avait été essayé en France au commencement de la seconde coalition.

En dépit de ces efforts la situation ne changea pas. A la fin d'octobre, deux mois après Chiari, le roi s'en prenait à l'indifférence, ou à l'inertie des Espagnols, des difficultés insurmontables qu'il rencontrait en Italie. L'argent, écrivait-il à Marcin, manque absolument pour les dépenses les plus nécessaires ; on ne peut en trouver pour soutenir la guerre en Italie, pour satisfaire aux traités et pour maintenir les alliances. Il semble, parla conduite des Espagnols, qu'il s'agisse de maintenir des États dont la conservation serait entièrement indifférente à leur monarchie. On voit qu'ils ont peine à souffrir que je mette quelque règle à ceux des Pays-Bas. Enfin je soutiens de tous côtés les frais de la guerre, les dépenses en sont immenses par l'éloignement des lieux où il faut porter mes armes, et, loin d'être aidé par l'Espagne à défendre ses propres États, je trouve des contradictions de sa part dans tout ce que je veux faire de plus avantageux pour elle. Si le zèle de mes sujets n'a pas de bornes, ils en trouveront enfin aux moyens de m'assister. La menace renfermée dans ces derniers mots était déjà assez transparente ; il la renforçait en refusant de ruiner la France pour sauver l'Espagne, en avouant la nécessité d'une paix prompte, et, ce qui devait leur donner du cœur, la nécessité d'acheter cette paix par la cession de quelques États dépendants de la monarchie d'Espagne[34]. A son accent de regret et de résolution tout à la fois, il n'était pas possible de ne pas sentir le découragement. Néanmoins, sa correspondance témoigne qu'une espérance lui restait encore. Philippe V avait montré dès son début quelque capacité, un sentiment vrai de sa dignité et de ses devoirs. Il paraissait en public, à la différence des rois autrichiens qui se tenaient renfermés et invisibles ; il se laissait aborder pour encourager les réclamations. Il avait promis d'apporter aux affaires l'examen convenable. En parlant de la guerre, il avait dit que la place d'un roi, au danger, devait être, comme partout, la première[35]. Depuis que les Autrichiens menaçaient le duché de Milan, il insistait auprès de son grand-père pour passer en Italie. Louis XIV encourageait cette ardeur comme une chance de salut : Vous gagnerez, lui écrivait-il, le cœur de vos sujets, vos ennemis seront forcés à vous estimer et à vous craindre. Que je serai heureux quand je vous verrai dans le haut point de gloire où votre courage vous élèvera ! Je vous aimerai davantage, et, mon estime se fortifiant, ma tendresse augmentera, en vous voyant tel que je vous désire et que je me persuade que vous serez. Il faut attendre les événements pour apprécier ce qu'il y avait de vrai, ce qu'il y avait de spécieux dans cette attente.

L'ouverture des hostilités générales était imminente. Tout à coup le grand ennemi de la France, le grand meneur de l'Europe, disparut du monde sans avoir rien vu des effets de la troisième coalition ourdie par lui avec tant de patience et d'art, rien vérifié de la nouvelle grande perspective, comme il disait, qui s'ouvrait à ses yeux. Le dépérissement de la santé de Guillaume III était désormais évident. Dans ce corps naturellement débile, trente années d'application impitoyable au gouvernement, à la diplomatie et à la guerre, avaient épuisé toutes les sources de la vie. On attendait, on calculait sa mort plus ou moins prochaine, comme, dans les années précédentes, celle de Charles II. Il n'est pas même invraisemblable que cette éventualité ait retardé le commencement des opérations décisives, Louis XIV espérant qu'une pareille mort changerait la politique, et que la coalition privée de son chef pourrait bien se rompre d'elle-même. Une chute de cheval (4 mars 1702) détermina la catastrophe et fit cesser les incertitudes. Guillaume, blessé à la clavicule, puis atteint d'humeurs menaçantes au genou et exténué par la fièvre, déclara, non sans regret[36], qu'il tirait rapidement à sa fin. Il n'eut pas même le temps de faire accepter par les Anglais son projet d'union de l'Angleterre et de l'Écosse en un seul royaume, dernier coup préparé par lui contre la maison de Stuart, puisqu'il avait pour but d'imposer à l'Écosse l'ordre de succession royale établi en Angleterre en 1689 et 1701. Le Parlement éluda cette demande, mais lui apporta à sanctionner le bill d'abjuration du prince de Galles. Ce fut son dernier acte politique. Il mourut le 19 mars, le quinzième jour après l'accident.

Ce grand événement parait avoir médiocrement ému l'Angleterre. Les Anglais appréciaient bien au point de vue de leur intérêt les services de Guillaume, mais ils n'aimaient pas sa personne[37]. Pendant son agonie, le Parlement se préoccupait avant tout de proclamer sans délai le successeur avec toutes les formalités voulues, en dépit du repos du dimanche[38]. L'enterrement fut à peine décent, loin d'être magnifique : c'est au moins la plainte de Burnet, le compagnon de sa fortune depuis l'invasion, et évêque de Salisbury par sa grâce[39]. L'hommage le plus explicite rendu en Angleterre à la gloire de Guillaume fut le discours d'avènement où la reine Anne proclama que la mémoire de Guillaume ne périrait pas. Ses bienfaits, disait-elle, rejailliront jusqu'à nos derniers neveux ; ils célébreront ses heureuses entreprises, applaudiront à la profondeur de sa politique, et adopteront avec confiance les maximes qu'il nous a laissées pour assurer un bonheur réel à nos peuples et les préserver des révolutions dont ils avaient été, jusqu'à lui, les malheureuses victimes[40]. En Hollande, la douleur fut plus sensible et plus retentissante. Les particuliers prirent le deuil, même à Amsterdam. Quiconque essaya de s'y soustraire fut victime de cet emportement populaire qui, sous prétexte de liberté, ne souffre pas de contradiction. Les députés aux États, rassemblés spontanément, se jurèrent, en s'embrassant, de rester unis pour la défense de la patrie[41]. Les frais de deuil des membres du gouvernement furent mis à la charge de la République. Six semaines durant, les cloches sonnèrent le glas funèbre, trois fois par jour, une heure et demie chaque fois. Jamais, en Hollande même, Guillaume III n'avait reçu tant d'honneurs. Pendant que ses amis lui prodiguaient l'hommage du regret universel, en France ses ennemis étaient bien près d'y joindre celui de leur joie présente ou de leur crainte passée. Heureusement Louis XIV y mit bon ordre. Averti le premier (25 mars), le roi ne fit connaitre l'événement qu'au Dauphin et à Mme de Maintenon, et chargea d'Argenson, successeur de La Reynie, de prévenir par des mesures opportunes le retour des folles démonstrations qui avaient suivi la bataille de la Boyne. Le reste du jour, il ne dit mot à personne et ne laissa échapper aucun signe de la nouvelle. Lorsque la chose fut publique, il persévéra dans le même air d'indifférence et la même liberté d'allures. On voit, par Dangeau[42], que cette réserve impatiente les courtisans ; en louant le roi d'être maitre de lui en toute chose, on sent qu'ils souffrent de la contrainte qu'il leur impose ; en répétant qu'il a grand sujet d'avoir de la joie, ils réclament pour leur propre joie la liberté de s'épancher bruyamment. Mais il fallut s'en tenir à l'exemple du maitre. Louis XIV ne refusait même pas de prendre le deuil, par respect des convenances que les souverains observent entre eux, quand ils ne sont pas en guerre les titis coutre les autres, et la guerre, malgré tant de préparatifs, n'était pas encore officiellement déclarée. Il voulut seulement attendre que la reine Anne lui eût notifié la mort de Guillaume[43]. Cette notification n'ayant pas eu lieu, il se trouva tout dispensé de la coutume. Ainsi s'explique probablement ce que Saint-Simon lui reproche avec aigreur, le deuil interdit aux Bouillon, Lorges et Duras, qui, par la mère de Turenne, étaient parents des princes d'Orange.

Après tout ce que nous avons raconté de Guillaume III, il nous parait superflu d'apporter sur sa tombe un de ces jugements funèbres par lesquels l'histoire trop souvent se croit obligée à prendre congé de ses grands personnages. Que pourrions-lotis dire qui ne fût une répétition ? Nous avons jugé chaque fois sur le fait l'homme et le politique. Nous ne lui avons contesté ni le droit de légitime défense contre les invasions ou les empiétements de Louis XIV, ni le mérite d'une persévérance indomptable aux retards et aux défaites, ni l'art de rassembler, de retenir en faisceau les volontés incertaines ou fatiguées pour les faire conspirer à ses desseins, ni la gloire d'avoir deux fois contraint à restitution son redoutable adversaire. Que ce soient là des titres d'honneur aux yeux de ses amis et des peuples qui ont profité de ces efforts, aucune antipathie nationale, aucun regret du mal qu'il a fait à la France, ne nous a empêché de le reconnaitre. Mais d'avoir consenti au massacre des frères de Witt, et récompensé les assassins, d'avoir joué, par un caprice de dépit et par mépris de la vie (les hommes, l'existence de deux armées contre le droit des gens, c'est là une tache de sang qui ne s'effacera pas de son front : surtout d'avoir préparé de si loin la ruine de son beau-père, de l'avoir poursuivie impassiblement parles armes, par la calomnie, par la diplomatie jusque dans le dernier asile offert a u malheureux par l'étranger, c'est un attentat impie aux lois les plus saintes du cœur humain qu'aucune nécessité d'État ne justifiera jamais devant la conscience et la morale. Si donc le politique s'est élevé à la hauteur des plus habiles et des plus forts, l'homme reste dans la région inférieure de ceux qu'on ne peut ni aimer ni estimer, que leur importance et leurs talents imposent forcément dans les affaires, mais qu'on n'admet pas dans l'intimité et que l'on quitte sans regret. Et pourtant la part de celui-ci a été si considérable dans les intérêts de son siècle, qu'on ne se sépare pas de lui sans surprise, et qu'il semble qu'une moitié de cette histoire va désormais nous manquer.

 

 

 



[1] Voir les Mémoires militaires relatifs à la succession d'Espagne, par le général Pelet, tome I, pages 573 et suivantes : pièces relatives à la campagne d'Italie.

[2] Pelet, Mémoires militaires : lettre de Tessé au roi, 4 janvier 1701.

[3] Pelet, Mémoires militaires : lettre de Vaudemont à Louis XIV, 11 février 1701.

[4] Pelet, tome I : lettre de Catinat au roi, 21 mai 1701.

[5] Lettre de Tessé à Louis XIV, 4 janvier 1701 ; il cite les lettres que Vaudemont avait reçues d'Angleterre et lui avait montrées.

[6] Vaudemont au roi, 11 février 1701, dans les pièces relatives à la campagne d'Italie. Pelet, tome I.

[7] Tessé à Chamillard, 9 juillet.

[8] Voir, Mémoires du général Pelet, la lettre de Catinat au roi du 2 juillet 1701, page 266, et la lettre de Tessé, du 8 juillet, dans les pièces justificatives, page 586.

[9] 4 août 1701. Pelet, tome I : pièces relatives à la campagne d'Italie.

[10] Louis XIV le rappelle à Victor-Amédée dans la lettre même où il lui annonce la disgrâce de Catinat ; mais il se contente de lui dire : Puisque vous ne les avez pas attaqués, je suis persuadé que vous l'avez fait pour le mieux.

[11] Catinat à Chamillard, 28 août.

[12] Villeroi au roi, première dépêche, 24 août 1701. Pelet, tome I.

[13] Lettres de Villeroi à Louis XIV, du 2 et du 19 septembre, dans lesquelles il donne à entendre que, s'il a été battu, c'est au roi qu'il faut en rapporter la première cause. Pelet, tome I, pages 320 et 609.

[14] Villeroi à Louis XIV, 4 et 10 septembre 1701. Pelet, tome I, pages 611 et 612.

[15] Général Pelet, tome I, campagne d'Italie.

[16] Général Pelet, tome I : lettres de Villeroi à Louis XIV, 17 novembre et 9 décembre 1701.

[17] 3.000 cavaliers, 1.000 dragons et 8.000 fantassins qui prêteraient serment de fidélité au roi de la Grande-Bretagne et aux Provinces-Unies. Traité du 20 janvier 1701 : Dumont, Corps diplomatique, tome VIII.

[18] Dumont, Corps diplomatique, tome VIII : texte du traité de la Grande Alliance.

[19] La Hollande et d'autres États protestants avaient adopté le calendrier grégorien en 1699 (Journal de Dangeau, 8 novembre 1899). L'Angleterre, le Danemark et la Suède s'obstinèrent seuls à conserver le calendrier julien. Le traité était signé en Hollande ; il a donc pu être daté d'après le nouveau style.

[20] C'est la date de Dangeau.

[21] Recueil des lettres du duc de Bourgogne.

[22] Saint-Simon, Mémoires, tome II, chapitre XXVI, page 318.

[23] Lettres de Heinsius, novembre 1701.

[24] Voir les lettres de Guillaume à Heinsius, 29 novembre 1701 et 31 janvier 1702, dans Sirtema de Grovestins, tome VIII.

[25] Torcy, Mémoires, tome I.

[26] Smolett, Histoire d'Angleterre, cité par Sirtema de Grovestins.

[27] Fénelon, Mémoires de 1701 sur les moyens de prévenir la guerre de la succession d'Espagne.

[28] Voir les Mémoires de Noailles, rédigés par Millot.

[29] Œuvres de Louis XIV, tome VI : lettre à d'Harcourt. 7 mars 1701.

[30] Mémoires de Saint-Simon. Instruction secrète de Torcy à Marcin avant le mariage.

[31] Voir dans les Mémoires de Noailles le tableau d'une séance du conseil de Castille sous les rois autrichiens. Tous les vendredis, le conseil de Castille s'assemblait dans la chambre du trône. Le roi entrait couvert et les trouvait agenouillés ; ils s'asseyaient et disait : Levez-vous, et ils se levaient : asseyez-vous et ils s'asseyaient ; couvrez-vous, et ils se couvraient. Jamais il n'était question de rien de plus. Philippe V demanda si l'on ne ferait pas d'autres choses Le président répondit qu'on ne faisait pas autre chose sous Charles II, mais qui, sous Philippe IV, on lui expliquait quelquefois les jugements du conseil. — Et que disait Philippe IV ? — Il disait : Cela est bien. — Pour moi, je le dirai si je le trouve ainsi, et si je le trouve autrement, je dirai : Cela est mal.

[32] Œuvres de Louis XIV, tome VI : lettre à d'Harcourt, 22 juin 1701.

[33] Voir les Mémoires de Noailles.

[34] Œuvres de Louis XIV, tome VI : lettre à Marcin du 31 octobre 1701.

[35] Dangeau, 28 février 1701.

[36] Macaulay, fragment final.

[37] Macaulay dit lui-même : Malgré les grands services qu'il a rendus à notre pays, il ne régna jamais sur nos cœurs. Tome II, au commencement.

[38] Macaulay, tome II, au commencement.

[39] Burnet, Histoire de ce qui s'est passé pendant la vie de Burnet, livre V : Il y eut des gens qui proposèrent de lui faire des obsèques pompeuses. Mais on ne crut pas qu'il convint de se jeter dans des dépenses inutiles, à la veille d'une guerre qui devait tant nous coûter. Aussi, on résolut de se borner à des funérailles ordinaires. Seulement on donna ordre de lui élever un magnifique tombeau et une statue équestre, soit qu'on eût réellement le dessein d'honorer sa mémoire, ou qu'on voulût seulement excuser l'économie d'un enterrement qui fut à peine décent, loin d'être magnifique.

[40] Sirtema de Grovestins, tome VIII.

[41] Burnet, Histoire de sa vie.

[42] Journal de Dangeau, 25 et 26 mars 1702.

[43] Dangeau, Journal, 5 avril 1702.