HISTOIRE DU RÈGNE DE LOUIS XIV

DEUXIÈME PARTIE. — L'ÉPOQUE DE PUISSANCE ET DE GLOIRE SOUS COLBERT ET LOUVOIS (suite)

 

CHAPITRE XXI. — Préliminaires de la guerre de Hollande.

 

 

Expédition de Candie. - Efforts de la Triple-Alliance pour acquérir de nouvelles adhésions. - Efforts de la France pour rompre la Triple-Alliance. - Alliance secrète de Louis XIV avec l'Angleterre (1670). - Occupation de la Lorraine (1670). - Négociations heureuses de la France avec les princes d'Allemagne, l'empereur, la Suède. - Querelles avec la Hollande, guerre de tarifs (1671). La guerre déclarée à la Hollande par l'Angleterre et par la France (1672).

 

La guerre de dévolution, par la force et la rapidité de ses coups, avait jeté une véritable épouvante dans les États voisins de la France. Ils se le répétaient entre eux pour s'animer à se secourir mutuellement ; ils l'avouaient naïvement à la France même pour se justifier de leur réserve vis-à-vis d'elle. La puissance de la France est telle, disait de Witt à Pomponne, qu'elle n'a jamais eu de semblable en Europe. En face de tant de peuples affaiblis, l'Espagne par ses pertes, l'Angleterre par ses factions, la Suède par une minorité, la France seule riche en hommes et en argent, tout unie en elle-même, faisait craindre des entreprises qui ne pouvaient venir d'ailleurs que partielles et impuissantes ; et la Hollande n'avait plus de salut que dans la barrière que formait encore ce reste des Pays-Bas conservé à l'Espagne[1].

Les Anglais, tout en se réjouissant d'avoir assuré l'intérêt général de la chrétienté contre la puissance et les attentats de la France, appréhendaient l'habileté des Français à semer la division entre les alliés, à susciter des divisions en Angleterre[2]. Un de leurs premiers griefs était le commerce et la marine imposante que la France travaillait à se créer ; le roi Charles II avouait tout bas que ce serait toujours le grand sujet d'ombrage de son peuple[3]. Si la grandeur des Français, écrivait le ministre Arlington[4], va en augmentant tous les ans, à proportion de ce qu'elle a fait depuis peu, ce seront d'incommodes voisins, et je ne vois pas qu'il y ait dans la chrétienté un génie capable de s'y opposer, sinon en tâchant de se sauver chacun de son côté. Temple, l'ambassadeur anglais à La Haye, ne se rassurait sur le danger des prétentions de la France que par la supputation du temps nécessaire pour les réaliser. Je crois, écrivait-il[5], que les Français en viendront avec le temps, à l'imitation de cet ambassadeur romain, à décrire un cercle autour des princes avec lesquels ils auront à traiter, et à leur commander de répondre positivement avant que d'en sortir. Ce sont de grands desseins pour les entreprendre tout d'un coup, que d'avoir cent vaisseaux de guerre avec tous les canons de fonte, d'établir le commerce dans les Indes, de faire valoir ses manufactures en interdisant toutes les autres, de reprendre tous les domaines qui ont autrefois appartenu à la couronne, de supprimer tous les privilèges de ceux de la religion, d'entreprendre la conquête de la Flandre, et de vouloir être le seul arbitre de tous les différends qui arrivent entre ses voisins. Pour venir à bout de tous ces desseins, il faut bien du temps et bien du bonheur, et que les autres princes et États aient bien de la négligence et de l'imprudente.

Les Suédois ne cachaient pas davantage les motifs de leur hostilité. Ils n'avaient jamais que gagné à être les alliés de la France. La paix de Westphalie l'avait assez clairement démontré en les constituant la nation prépondérante dans le Nord ; les traités d'Oliva et de Copenhague l'avaient encore mieux fait sentir par l'à-propos d'une intervention qui leur épargnait les conséquences inévitables des désastres de Charles-Gustave. Mais la mémoire de ces grands services ne les rendait que plus jaloux, comme tous les obligés, de l'élévation de leur protecteur. Ils avaient pour griefs que la France avait traité amicalement le Danemark leur rival, tenté d'élever un Français sur le trône de Pologne où régnait encore un débris de dynastie suédoise — Jean-Casimir —, et exercé une influence souveraine dans cet Empire où elle les avait fait entrer, en dépit du Brandebourg, avec le rang et la valeur d'un État sérieux. Ils avaient sollicité une place dans le complot de l'Angleterre et de la Hollande contre le vainqueur de la Flandre ; et, par leur accession à la dernière heure, ils lui avaient donné son nom de Triple-Alliance. Ils étaient bien résolus à continuer et à développer cette politique. Un parti puissant dans le sénat érigeait en principe que, après avoir combattu l'Autriche quand elle menaçait l'Allemagne, il importait maintenant de s'unir à la maison d'Autriche contre la France, parce que la France s'était rendue redoutable par l'excès de sa grandeur et l'étendue de ses desseins[6].

De tous les effrayés, l'Empereur était le plus malheureux. Sa timidité naturelle, accrue du sentiment de sa faiblesse, lui montrait un danger dans les propositions amicales autant que dans les menaces. Louis XIV offrant de tenir comme membres du corps germanique quelques-unes de ses conquêtes, qui, d'après les vieilles routines, étaient comprises dans l'Empire, Léopold déclina vite cette marque de déférence qui aurait fait du roi de France un prince allemand avec voix et influence dans la diète. Le roi dut se résigner — sans peine, il est vrai — à être bien le maitre unique, absolu, de ses acquisitions. Les mécontents hongrois ayant sollicité l'appui de la France, Louis XIV le refusa et donna à l'Empereur des preuves certaines de son refus. Léopold fut bien moins rassuré par cette marque d'amitié que tourmenté de la pensée du mal qu'il était au pouvoir de cet ami de lui faire. Aussi demeura-t-il en butte pendant trois ans à tous les projets qui le tentaient de prendre des mesures défensives contre la France. Il fallait, disait-il[7], se précautionner contre l'agrandissement de Sa Majesté Très-Chrétienne. Son intention était de ne jamais vouloir le premier lui causer le moindre préjudice, mais seulement de concourir à arrêter ce grand torrent de bonne fortune.

Au moment de la paix d'Aix-la-Chapelle, la diplomatie eut l'espoir de détourner vers de lointains parages les armes françaises. Candie aux abois réclamait les secours de toute la chrétienté. Le pape, Venise, s'adressaient à la France, à l'Empire, à l'Angleterre, aux Provinces-Unies. Les Hollandais, qu'on accusait, dès le temps de Richelieu, de se travestir en Turcs, pour exercer la piraterie, n'avaient guère d'antipathie contre les Ottomans. L'Angleterre ne voulait rien faire sans la Hollande, et au fond elle craignait que la Hollande, en l'engageant à rompre avec le Grand-Seigneur, ne lui fit perdre un grand capital, son plus avantageux négoce, et tous les effets de ses marchands dans l'empire Turc[8]. Les négociateurs trouvèrent que cet honneur regardait surtout la France : ils ne songeaient pas à lui marchander la gloire ; ils accueillirent, ils flattèrent avec empressement la pensée que l'on prêtait à Louis XIV. M. Colbert (Croissi), écrivait Temple, dit que son maitre enverra incessamment dix ou quinze mille hommes au secours de Candie ; ce serait une action bien glorieuse et digne d'un prince chrétien qui mériterait bien des applaudissements, et si, conjointement avec les Hollandais, nous pouvions engager la France dans ce dessein, je crois que nous aurions lieu d'être contents de nos peines et de nos soins. J'en ai parlé à M. de Beverning qui est de mon sentiment, et qui a insinué la même pensée aux ministres allemands qui l'ont reçue avec avidité, et j'espère que cela pourra réussir ; ce qui est d'autant plus à souhaiter que ce serait le vrai moyen de délivrer ces provinces de la crainte qu'elles pourraient concevoir si, après la paix, il restait à la France tant de troupes oisives[9].

L'expédition de Candie eut lieu en 1669, au milieu de ces espérances, mais sans les réaliser. Outre de nombreux volontaires, le roi envoya six mille hommes sous le commandement du duc de Navailles, et une flotte de 22 vaisseaux de guerre, de 12 galères et trois galiotes avec des troupes de marine sous le commandement de Beaufort. Débarquées le 24 juin, les troupes de terre prirent part, dès le lendemain, à une sortie victorieuse qui occupa les retranchements, redoutes et batteries des Turcs devant une des portes de la ville. Malheureusement la place était épuisée et ses défenseurs beaucoup moins nombreux que n'avaient dit les Vénitiens, tandis que les Turcs au contraire recevaient chaque jour de formidables renforts. Ces assiégeants obstinés s'acharnèrent à reconquérir la position perdue ; ils n'en seraient pas venus à bout, malgré leur nombre, sans l'explosion d'un magasin à poudre sous les pieds des Français, et sans l'inaction de la flotte que Beaufort, par un de ses coups de tête, avait quittée pour venir combattre à terre. Il fut tué dans cette aventure, et un plus grand mal fut que les Français, refoulés dans la place, perdirent beaucoup de leur aplomb et de leur confiance. Cependant Vivonne, qui avait pris le commandement de la flotte, essaya de lui rendre son importance. Il fit sur le camp du grand vizir un bombardement terrible qui épouvanta les Turcs (24 juillet) ; mais un de ses vaisseaux périt par une explosion dont les débris atteignirent ses galères. En vain un nouvel assaut fut repoussé par l'énergie des Français (26 juillet) ; en vain quelques munitions de guerre et quinze cents soldats étaient arrivés de Bavière ; la modicité de ce secours ne faisait que mieux apparaître l'inutilité de la défense. Les ruines des murs et des maisons étaient vraiment irréparables ; pour comble d'embarras, les Vénitiens ne s'ingéniaient qu'à contrarier leurs auxiliaires. Leduc de Navailles avait reçu pour instructions de se retirer en cas que la place fût réduite à être emportée d'assaut, et qu'il n'y eût aucune apparence que le nombre d'hommes qui seraient dedans pût résister à ceux qui l'attaqueraient. Il crut, un peu vite peut-être, la condition remplie. Il fit rembarquer ses troupes, non toutefois sans opposer jusqu'à la dernière heure une résistance glorieuse, puisque les trois derniers bataillons restés dans la ville repoussèrent, avant de partir, un troisième assaut, et le 31 août il mettait à la voile pour la France[10].

La réputation de bravoure des Français était hors d'atteinte ; ils n'avaient pas été vaincus. Leur petit nombre, quoiqu'il fût supérieur à tous  les. corps auxiliaires d'Allemagne et d'Italie, prêtait davantage à la critique, et surtout leur retour inattendu. Le pape, les Vénitiens, réclamèrent. Le roi, d'abord inquiet de ces plaintes, et peu instruit des vrais motifs de la retraite, hésitait à condamner le due de Navailles. Il finit pas le désavouer et l'exila[11]. Il promit d'envoyer de nouvelles troupes, chargea le maréchal de Bellefonds d'en faire la levée, et l'autorisa même à prêter serment au pape comme généralissime des troupes de Sa Sainteté contre les Turcs[12]. On sut bientôt que ce nouvel effort était sans objet. Candie avait capitulé presque aussitôt après le départ des Français, le 5 septembre. La diplomatie avait à chercher une autre diversion ou un autre frein à l'ambition de Louis XIV.

Déjà même, pendant la durée de l'expédition, elle ne s'était pas rassurée. Le marquis de Pomponne avait dit un jour à La Haye que les craintes des Espagnols étaient ridicules, que le roi de France n'avait pas maintenant plus de six mille hommes dans son camp, qu'il en avait envoyé sept mille au secours de Candie, que présentement il ne songeait qu'à achever les fortifications des places conquises, et que, au moins jusqu'à la mort du roi d'Espagne, il n'avait d'autre pensée que d'entretenir la paix et de se divertir. Temple ne répétait ces bonnes paroles que pour les tourner en dérision : Si tout ce que dit l'ambassadeur de France est véritable, écrivait-il à Arlington[13], son maître a le plaisir d'être tranquille et en repos pendant qu'il donne de l'inquiétude à tout le monde. Cette inquiétude animait les membres de la Triple-Alliance à chercher de toutes parts à Louis XIV, sinon encore des ennemis déclarés, au moins des surveillants, des gardiens de la paix, à étendre leur accord défensif aux princes de Lunebourg, à l'électeur de Brandebourg, à l'Empereur, au Danemark, aux cantons suisses[14]. Les Anglais saisissaient avidement l'apparence d'établir de bonnes relations avec le Danemark, et de supplanter à leur profit le crédit de la France dans cette cour. On crut un moment que les cantons de Bâle, Berne, Lucerne, Soleure et deux autres étaient gagnés à la Triple-Alliance, et que les sept petits cantons n'attendaient plus, pour se décider, que l'argent de l'Espagne. Temple en triomphait déjà : Si cela arrivait, disait-il[15], la France se verrait tellement entourée de tous côtés, que je crois que cela pourrait l'obliger à laisser le monde en repos pour quelque temps. Le marquis de Pomponne résumait exactement la situation dans cette dépêche à Louis XIV (mars 1669) : Je ne vois ici qu'une application continuelle à faire un tel ralliement dans l'Europe, qu'il serve de barrière à Votre Majesté toutes les fois qu'elle pourrait entreprendre quelque chose dans les Pays-Bas[16].

L'idée fixe de Louis XIV était de faire la guerre à la Hollande. Il voulait punir cet insolent modérateur qui avait arrêté la course de ses conquêtes, et surtout il considérait la soumission de la Hollande comme le prélude nécessaire et le gage décisif de l'occupation des Pays-Bas espagnols. Cette politique est catégoriquement avouée par lui-même et par Louvois[17]. Pour en assurer le succès, il fallait contrebattre toutes les manœuvres de ses ennemis, empêcher la Triple-Alliance de se fortifier d'adhésions nouvelles, et la dissoudre elle-même en gagnant l'Angleterre et la Suède contre la Hollande. Telle fut l'occupation de sa diplomatie pendant trois ans ; il n'y épargna ni l'argent, ni la ruse, achetant quiconque vendait se vendre, flattant toutes les passions personnelles où les antipathies nationales, se montrant tour à tour bienveillant pour les protestants et zélé pour les intérêts catholiques. Il parviendra, grâce à ces manœuvres, à isoler un moment la Hollande, et à se donner le moyen de l'écraser pour quelques semaines par une surprise.

Il savait que l'accord n'était pas pur ni complet entre ses adversaires ; chacun d'eux n'avait pas même chez lui ou en lui l'unité de vues et de volonté. La crainte de la France avait rapproché les Anglais et les Hollandais ; mais des querelles de commerce et de colonies continuaient à diviser les marchands des deux nations. Ou débattit pendant deux ans le sens de la paix de Bréda ; on ne put s'entendre sur le sort des Anglais devenus sujets de la hollande à Surinam, ni sur le droit d'un des deux peuples à passer devant les forts de l'autre. De Witt était trop véritable Hollandais, comme dit Temple, pour rien abandonner des intérêts particuliers de son pays en considération de la Triple-Alliance, c'est-à-dire d'un intérêt commun. La Suède avait bien contribué à sauver l'Espagne, mais il s'agissait maintenant de lui payer à peu près cinq cent mille écus qu'on lui avait promis pour l'entretien de son armée dans le pays de Brême. Or, c'était à qui ne payerait pas cette somme ; l'Espagne soutenait qu'elle n'avait pas demandé l'assistance de la Suède, que la Hollande seule, par caprice, lui avait imposé ce payement, et la hollande se refusait à en faire l'avance si l'Espagne ne lui donnait pas hypothèque sur ses villes de Gueldre ; en attendant les Suédois répondaient par l'ajournement à tous les projets nouveaux où l'Angleterre et la Hollande essayaient de les engager[18]. L'Empereur, par instinct de préservation, n'aurait pas dédaigné une alliance avec les confédérés de La Haye ; mais il lui répugnait d'entrer dans une ligue protestante ; d'autre part, il était inquiet des troubles intérieurs de l'Espagne, où un bâtard de Philippe IV, don Juan, disputait la régence à la reine mère ; et, dans le cas possible de la mort du jeune roi, il craignait de s'aliéner la France avec laquelle il avait conclu un traité secret pour le partage de la succession espagnole.

Les divisions intérieures de chaque État contribuaient encore à relâcher le lien des alliances extérieures. Les Provinces-Unies étaient partagées entre les républicains et les partisans du prince d'Orange. De Witt venait de faire rendre, par les États de Hollande et West-Frise, l'édit perpétuel (1667) qui interdisait à quiconque serait capitaine et amiral général d'être en même temps stathouder d'une ou de plusieurs provinces. Il avait rudement déclaré au jeune prince que c'était une mesure de défiance légitime inspirée par le souvenir des attentats de son père, et par la crainte qu'il ne voulût lui ressembler[19]. Cependant la Zélande protestait contre une décision qui ne pouvait avoir de valeur que par le vote de toutes les provinces, et bientôt le prince se rendait furtivement à Middelbourg, où les états de Zélande l'installaient parmi eux comme premier noble à dix-huit ans[20]. Cette rivalité avait son contre-coup en Angleterre et mécontentait Charles II. Il n'avait jamais aimé les Hollandais ; son antipathie s'irritait de ces attaques à son neveu comme de la question interminable de Surinam et des forts, et le disposait à rompre avec des amis si peu complaisants. Aussi bien en Angleterre, comme en Hollande, l'opinion n'était pas unanime, ni les différents pouvoirs en parfaite intelligence. Le ministère lui-même, la fameuse cabale, était partagé. Tandis qu'Arlington tenait pour la Hollande, Buckingham préférait la France, et Clifford, au milieu des acclamations soulevées par la paix de Bréda, avait dit : Nonobstant toute cette joie, il faut que nous ayons encore une guerre avec la Hollande dans peu de temps ; c'était lui, selon un de ses adversaires, qui entretenait la mauvaise volonté de la Compagnie anglaise des Indes pour les Hollandais[21]. Le Parlement ne voulait d'alliance qu'avec les États protestants ; mais le roi n'était pas encore vis-à-vis du Parlement dans la dépendance où l'a placé plus tard la révolution de 1688. Il avait des droits que, dans un premier besoin, un premier zèle de restauration, tout le monde lui avait reconnus ; il pouvait en user subitement, et imposer son caprice à la nation. Quand les chambres lui disputaient parcimonieusement les subsides, les libéralités de Louis XIV étaient bien capables de le séduire.

Toutefois les premières tentatives du roi de France vis-à-vis des amis de la Hollande parurent échouer complètement. En Angleterre, Buckingham lui-même demandait, avant toute autre condition, que la France suspendit ses constructions navales ; la perspective de la ruine du commerce hollandais, dont les Anglais profiteraient bien plus que la France, ne les touchait que médiocrement. Les Suédois ne furent pas moins difficiles. Louis XIV leur offrant de leur payer l'argent qu'ils réclamaient de l'Espagne, ils affectèrent de se croire outragés, et du haut de leur probité incorruptible, ils s'indignaient qu'on les crût capables de manquer à leur parole pour de l'argent. Louis XIV attendit, et, se tournant d'un autre côté, il commença, pour ranimer la ligue du Rhin, par traiter avec l'archevêque de Cologne toujours hostile aux Hollandais (février 1669) ; il lui offrit des forces contre tous ses ennemis, et lui envoya douze canons promis autrefois par Mazarin[22]. Il encouragea l'évêque de Munster à faire des armements considérables pour se garantir des vengeances de la Hollande, et obtenir quelques réparations légitimes[23]. Il amusa l'Espagne par des chicanes de limites ou des offres d'échanges ; il détourna l'Empereur d'entrer dans la Triple-Alliance par l'intérêt de la religion catholique, la crainte des Hongrois, la division des Polonais, l'ambition des Turcs. Tout à coup, au milieu de ces soins, il vit le roi d'Angleterre venir spontanément à lui et réclamer son assistance.

C'était un singulier homme que Charles II. Il se livrait volontiers à l'alchimie et à l'astrologie ; il favorise en roi ces hautes connaissances, a dit ironiquement La Fontaine[24]. Un moment, Louis XIV avait espéré de le conduire par un astrologue de son choix, et de lui démontrer les avantages, de l'alliance française par des raisons tirées de la lune. Mais un horoscope démenti par l'événement avait ruiné le crédit de ce nouveau diplomate. Maintenant Charles II voulait changer de religion, et, comme son frère le duc d'York, se déclarer catholique. Pour s'assurer cette liberté contre l'intolérance anglicane, il croyait avoir besoin d'une assistance étrangère. Ceux de ses conseillers qui étaient catholiques, considérant que la maison d'Autriche était hors d'état de coopérer à l'exécution de son dessein, l'engageaient à recourir à Sa Majesté très-chrétienne ; en retour du service attendu, on le trouverait disposé à favoriser la politique de Louis XIV.

Il y avait ici plusieurs surprises en une seule. Ce roi libertin s'inquiétait bien vivement de son salut : n'était-ce pas plutôt de l'argent qu'il pourrait sous ce prétexte tirer de la France ! En tête de ses confidents était Arlington, jusque-là le chevalier de l'alliance hollandaise, l'inspirateur de Temple ; au contraire, on se cachait de Buckingham bien plus porté pour l'alliance française. Ce qui n'est pas moins curieux, c'est que pour entretenir Charles II dans cette disposition, Louis XIV envoya des présents à sa maîtresse, lady Castlemaine — Barbara Palmer —. Cela ne gâte rien aux affaires auprès des dames de quelque humeur qu'elles soient, écrivait Lyonne à Croissy. Merveilleuse flexibilité de la diplomatie! Un projet de conversion, de rénovation morale, confié aux soins et à l'influence d'une concubine! Mais il s'agissait de ressaisir à tout prix et d'enchaîner désormais la volonté flottante du roi d'Angleterre.

Les négociations marchèrent avec lenteur, mais sans interruption. Après avoir déclaré à Charles II qu'il ne désirait pas moins que lui cette nouvelle étreinte de leurs cœurs et de leurs intérêts[25], Louis XIV proposa pour médiatrice la duchesse d'Orléans qui était le lien si naturel de leur union[26]. En novembre 1669, Charles II exprimait à l'ambassadeur français sa triple volonté de se déclarer catholique, de favoriser les prétentions de Louis XIV sur la succession d'Espagne, et de faire la guerre aux Hollandais ; le mois suivant il lui remettait un projet de traité contenant ces divers objets, et aussi la demande de 200.000 livres sterling (cinq millions) payables avant la déclaration de catholicité, et destinés à en assurer le succès ; de plus, l'Angleterre devait avoir, dans la dépouille de l'Espagne, Minorque et Ostende avec ses environs, dans la dépouille de la Hollande, Walcheren, Cadsant et l'Écluse. Louis XIV n'accepta pas du premier coup, ni sans amendements, ces propositions. Il trouvait un peu forte la somme de cinq millions. Il jugeait inopportune la déclaration de catholicité. Quoique Charles II n'eût pas l'intention d'imposer la religion catholique à toute l'Angleterre, mais seulement de rendre les catholiques libres comme lui-même, quoiqu'il entendit accorder la tolérance aux presbytériens, et comptât leur gratitude parmi ses moyens de succès, l'ambassadeur français lui représentait le danger de risquer une lutte contre la majorité de la nation, de donner aux Hollandais un prétexte pour former une coalition protestante, d'aliéner les princes protestants d'Allemagne que la France travaillait à gagner. Il insistait pour qu'avant tout le roi anglais déclarât la guerre à la Hollande sous prétexte des difficultés commerciales qui divisaient les deux peuples, et cherchât dans la victoire un droit de plus et des forces nouvelles pour proclamer la tolérance[27]. Il y avait aussi quelque désaccord dans la question de savoir à qui appartiendrait le commandement suprême quand les forces navales de France et d'Angleterre seraient réunies : Charles II le réclamait pour son frère ; il en coûtait beaucoup à Louis XIV de céder le pas à l'étranger.

Après six mois de débats, la duchesse d'Orléans, qui faisait partie du voyage du roi à Dunkerque, passa à Douvres où Charles II se rencontra comme fortuitement (juin 1670). Là, au milieu de fêtes brillantes, et dans l'intimité des confidents, fut conclu un premier traité qui, en conciliant les exigences mutuelles, enlevait le roi d'Angleterre à la Triple-Alliance. La somme pour aider à la déclaration de catholicité était réduite à deux millions, et cette déclaration, au lieu de précéder toute autre entreprise, ne devait se faire qu'au moment jugé opportun par Charles II. Le roi anglais, tout en respectant le traité d'Aix-la-Chapelle, s'engageait à soutenir les droits nouveaux que l'ouverture de la succession d'Espagne pourrait donner au roi de France. Les deux rois avouaient la résolution de mortifier l'orgueil des États généraux de Hollande, et d'abattre la puissance d'une nation qui s'était souvent noircie d'une extrême ingratitude envers les propres fondateurs et créateurs de cette République. A cet effet, le roi d'Angleterre joindrait aux troupes françaises de terre un corps de six mille Anglais, et mettrait en mer cinquante vaisseaux de guerre auxquels se joindraient trente vaisseaux français, sous le commandement commun du duc d'York. Les deux rois feraient toits leurs efforts pour attirer dans cette guerre la Suède et le Danemark, ou au moins l'un des deux, les électeurs de Cologne et de Brandebourg, la maison de Brunswick, le duc de Neubourg, l'évêque de Munster. Enfin, pendant. toute la durée des hostilités, la France payerait à l'Angleterre un subside annuel de trois millions. La perspective de ce revenu était bien faite pour engager Charles II à la persévérance ; mais il se trouva lié plus étroitement encore par une clause tacite, conforme à ses goûts, et qui décidément ne répugnait pas à la délicatesse de son allié. Dans la suite de la duchesse d'Orléans figurait une belle Bretonne, Louise-Rénée de Penancoët de Kéroualle, qui n'était pas là par hasard, et dont l'étoile, dit Sévigné, avait été devinée avant qu'elle partit. Charles II l'aima aussitôt, et elle se trouva elle-même avec une légère disposition à ne pas haïr[28]. Devenue favorite à la place de la Castlemaine, bientôt créée duchesse de Portsmouth, elle fut auprès de son amant l'auxiliaire rémunéré de l'étranger. D'abord gardienne du traité de Douvres, elle allait servir d'entremetteuse aux manœuvres secrètes qui retiendraient Charles II dans l'alliance de Louis XIV, malgré les oppositions des Anglais.

Quoique rien n'eût transpiré de ce qui s'était passé à Douvres, les Hollandais, toujours aux écoutes, ne tardèrent pas à soupçonner quelque mystère fâcheux dans le voyage de Madame. Van Beuningen, venu quelques jours après à Londres, ne put faire agréer par Charles II le projet d'admettre l'Empereur dans la Triple-Alliance, ou de former une ligue de défense réciproque entre l'Angleterre, la Suède, la Hollande et tous les princes qui voudraient y entrer. Étonnés d'un accueil qui leur faisait craindre une défection, ils se retournèrent vers l'Allemagne, et engagèrent à Mayence une négociation avec l'électeur, le député de l'Empereur et le duc de Lorraine, dans le but de former, à frais communs, entre le Rhin, la Meuse et la Sarre, un corps de treize mille hommes qui serait à leur disposition. Ils ne firent que s'attirer une plus redoutable menace. Louis XIV, instruit de leur dessein, mit subitement la main sur la Lorraine.

Il était habitué à ne pas croire aux promesses de fidélité du duc de Lorraine, et à ne pas ménager ce Protée, comme l'appelait une médaille française. Déjà, en janvier 1669, il l'avait sommé de n'avoir pour armée, conformément au traité de 1661, que trois compagnies de parade chargées de sa garde. La prompte soumission de Charles IV avait paru alors aux envieux de la France une garantie de paix[29]. Mais on s'aperçut bientôt que secrètement il faisait passer des troupes aux Espagnols ou les rappelait eux-mêmes dans ses États ; pour renfort de griefs, on apprit ses menées avec les Hollandais. Aussitôt, sous prétexte de manœuvres militaires, une armée française s'approcha de la Lorraine, et combinant ses mouvements avec la garnison de Toul, commença, le 25 août 1670, des hostilités qui ne devaient pas être longues. Il faut voir, dans la correspondance du chevalier Temple, l'ahurissement des Hollandais ses amis à cette nouvelle accablante.

Je venais de me mettre à table pour diner lorsque le messager des États est venu pour me prier de trouver bon que leurs commissaires pussent me parler, quoique l'heure fût indue.... Là-dessus, M. de Witt entra à la tête des autres commissaires, et me dit que les États avaient reçu une lettre de France du 29 du passé, par laquelle on leur donnait avis que le chevalier de la Fourille, qu'on avait fait partir secrètement de la cour, avant de rompre le camp de Saint-Germain, s'était mis à la tète des troupes qui étaient en garnison sur les frontières de Lorraine, qu'il était entré dans ce pays et s'était emparé de la ville de Nancy ; que ces peuples s'attendaient si peu à cette entreprise et qu'elle avait été conduite avec tant de diligence et de secret, qu'il avait pris la duchesse et qu'il s'en était fort peu fallu qu'il ne se fût saisi de la personne du due ; que ce prince s'était retiré dans Bitche, petite place, mais très-forte, et que là il assemblait le plus de forces qu'il lui était possible pour se défendre... que l'armée française qui avait campé proche Saint-Germain avait marché du côté de Péronne, sous le commandement de M. de Vaubrun, mais qu'on avait donné ordre de diviser les troupes en deux corps, dont l'un irait joindre le marquis de Créqui, en Lorraine, et l'autre du côté de Sedan, où il s'arrêterait pour s'opposer aux entreprises qu'on pourrait faire du côté de la Flandre ou du côté de la Hollande...

Après cela, M. de Witt et les autres commissaires s'étendirent fort sur l'importance de cette saisie de la Lorraine, disant que cela coupait entièrement la Bourgogne du reste des provinces d'Espagne, et que cela empêchait toute la communication que les Pays-Bas espagnols avaient avec cette province, et qu'elle se voyait aussi privée de celle des Suisses et de plusieurs princes allemands. De sorte qu'on pouvait comparer la Lorraine à la citadelle d'une ville qui commande à tout le reste. Ils ajoutèrent que la duché de Luxembourg se voyait aussi en quelque façon bloquée, et qu'elle ne pouvait plus donner de secours aux autres provinces des Pays-Bas espagnols ni en recevoir ; que les Français mettraient bientôt le pied sur la gorge aux électeurs de Mayence et de Trêves, et que, par conséquent, quand la France commencerait à attaquer la Flandre, après s'être rendus maîtres de la Lorraine, la comté de Bourgogne serait à eux en une heure de temps aussi bien que la Flandre en peu de jours... Enfin, ils me dirent qu'ils avaient aussi eu avis, par la même poste, de tous les préparatifs de mer que les Français faisaient et de l'état où était leur flotte, dont ils me donnèrent la liste que je vous envoie[30].

Les Hollandais n'avaient plus qu'une espérance, c'était que l'Angleterre pourrait encore faire pencher la balance du côté qu'il lui plairait et se rendre l'arbitre de toutes les affaires de la chrétienté ; sans cela ils étaient résolus de laisser agir le bon Dieu, et de voir la France à leurs portes sans se remuer[31]. Quel coup de grâce pour eux quand il fut évident que l'Angleterre les abandonnait ! D'Arlington répondit à Temple, courrier par courrier : Sa Majesté ne sait pas bien ce qu'elle doit dire, ni les plaintes qu'elle doit faire à cet égard, jusqu'à ce qu'on ait appris ce que dira le roi très-chrétien, ce que le due de Lorraine alléguera de son côté, en un mot, de quelle manière l'Empereur, le roi d'Espagne et les princes voisins en témoigneront leur ressentiment[32]. En même temps il rappelait Temple à Londres, en lui recommandant toutefois de laisser sa maison à La Haye, et d'assurer les Hollandais de son prochain retour. Temple, l'auteur de la Triple-Alliance, dévoué corps et âme à son ouvrage, était bien déterminé à ne jamais le défaire ; il avait à ce titre la confiance des Hollandais. Son rappel était le signe manifeste d'un changement dans la politique anglaise. De Witt en fut atterré. Temple lui-même commença à comprendre le peu d'accueil que depuis quelque temps ses propositions trouvaient en Angleterre, et il ne douta plus de sa disgrâce, lorsque, revenu à Londres, Arlington évita de lui parler des affaires de Hollande, et que Clifford lui dit que les ministres des États étaient des coquins et de la canaille avec qui Sa Majesté ni aucun prince ne pouvait honnêtement avoir à faire[33]. Grâce à cette immobilité de ses voisins, et plus encore à la supériorité de ses forces, Louis XIV acheva vite la conquête de la Lorraine (5 octobre 1670). L'Empereur essaya de protester, timidement, il est vrai, puisqu'il intervenait, disait-il, non pour faire rendre la Lorraine à son duc, mais pour disposer favorablement le roi de France en faveur de ce prince. Le ton du vainqueur n'était pas propre à lui rendre de l'audace. L'envoyé d'Autriche demandant une conférence avec les ministres, Louis XIV répondit qu'il avait l'habitude de traiter ses affaires lui-même. Dans le cours des négociations, il donna deux raisons de son refus, la prudence et sa dignité. Il n'était pas sage de laisser le duc de Lorraine entre lui et l'Empereur. parce que les indiscrétions de ce prince inconstant pouvaient compromettre l'un et l'autre. On avait fait courir le bruit que l'Empereur entendait prescrire la restitution ; le roi ne pouvait souffrir qu'on attribuât à la peur ce qui ne dépendait que de sa volonté. Il fallait donc choisir entre l'amitié ou l'inimitié du roi[34]. Léopold n'insista pas.

Cependant l'alliance de la France et de l'Angleterre recevait son dernier complément. Le traité de Douvres n'était connu et signé que d'une partie des conseillers de Charles II, de ceux qui étaient favorables aux catholiques, Arlington, Clifford, Arundel. Il importait de le faire adopter par les autres, pour assurer à l'exécution le concours de toutes les forces du Gouvernement. Le roi chargea donc Buckingham et ses amis, qui ne, savaient rien encore, d'entreprendre d'eux-mêmes, et comme chose nouvelle, un semblant de négociations avec la France contre la Hollande, reproduisant le traité de Douvres, mais où la question religieuse n'étant pas nommée, ses conseillers protestants polluaient signer sans répugnance. Louis XIV s'y prêta d'autant plus volontiers, qu'il avait besoin de ménager les protestants d'Allemagne et surtout l'électeur de Brandebourg. Cette comédie aboutit au traité simulé du 30 décembre 1670. Charles II n'y parlait pas de sa déclaration de catholicité, mais les deux millions promis pour cet acte lui étaient conservés pour frais d'armement. On augmentait la part de l'Angleterre dans la dépouille de la Hollande. Le traité de Douvres lui avait assigné file de Walcheren, l'Écluse et Cadsant ; ici on lui accordait, en outre, les îles de Woorne et de Gœrree : engagement dangereux, selon le marquis de Pomponne, car c'était livrer aux Anglais toute la Zélande, l'entrée au cœur de la Flandre, l'embouchure de la Meuse et le chemin de la province de Hollande. Lyonne lui-même ne s'en aperçut que trop tard : De bonne foi, disait-il, quand nous avons fait ce traité, nous n'avons pas fait réflexion que Middelbourg et Flessingue étaient dans l'île de Walcheren[35]. Au moment même, on ne considéra que l'avantage d'avoir engagé tous les ministres anglais contre la Hollande, les protestants aussi bien que les catholiques.

Il n'y avait plus en apparence qu'à ouvrir les hostilités ; le traité simulé en fixait même le commencement au printemps de 1671. Mais, quelle que fût l'impatience de Louis XIV, elle ne dominait pas sa prudence. Il eût regardé comme téméraire d'attaquer la Hollande avant de lui avoir ôté tout appui du côté de l'Allemagne et de la Suède. L'année 1671 se passa encore tout entière en négociations.

La ligue du Rhin s'était dissoute faute de renouvellement au terme fixé (août 1667), c'est-à-dire à l'époque même où la guerre de dévolution rendait suspects aux princes allemands les projets et la supériorité de leur protecteur. Louis XIV eût bien voulu la reconstituer. Dès février 1669, en accordant ses subsides et ses canons à l'électeur de Cologne, il lui faisait prendre l'engagement de donner les mains au rétablissement de la ligue aussitôt qu'il aurait trois ou même deux adhérents[36]. L'année suivante (février 1670) il en obtenait autant de l'électeur de Bavière. Cet électeur, jusque-là hostile, comme son père, à la politique française, promettait de ne pas entrer dans la Triple-Alliance et de travailler à renouveler la ligue du Rhin dont pourtant il n'avait jamais été membre, de prendre parti pour la France dans le cas où l'Empereur ne voudrait pas transiger pour la succession d'Espagne, de donner sa fille au Dauphin, et sa voix à Louis XIV pour la dignité impériale à la première vacance. Des tentatives analogues furent faites auprès de l'électeur de Brandebourg. Par un traité qui est resté à l'état de projet (décembre 1669), il était invité à ne pas entrer dans la Triple-Alliance, à faire renouveler la ligue du Rhin par les princes de Brunswick, Lunebourg et liesse, à appuyer de ses armes les prétentions de la France sur les Pays-Bas ; il recevrait en retour les forts de Gueldre, Venloo et Ruremonde[37]. Mais le Brandebourg avait déjà sa politique et ses projets à part. Il caressait l'espoir d'être le chef des protestants, et de fonder sur cet accord une puissance rivale de l'Autriche. Il éluda des propositions qui, en aidant au développement de la France, auraient entravé le sien.

La maison de Hohenzollern, en possession de l'électorat de Brandebourg depuis 1415, n'avait eu d'abord de remarquable que les surnoms de ses princes. Elle avait produit Frédéric Dent de Fer, Albert l'Achille et l'Ulysse à la fois, Jean le Cicéron, Joachim le Nestor, Joachim II l'Hector Allemand. En 1618 avait commencé son accroissement territorial par l'acquisition de la Prusse. Ce duché, ravi à l'ordre Teutonique par l'apostasie luxurieuse du grand maître Albert de Brandebourg, revenait, après une courte durée de cette dynastie bâtarde, à la branche aînée de la famille. Outre cette origine peu honnête, l'héritage était grevé de conditions assez gênantes ; c'était un fief de la Pologne, qui imposait le serment et l'hommage envers un roi étranger ; c'était un domaine isolé sans communication avec le Brandebourg dont le séparaient, à grande distance, la Poméranie et plusieurs provinces polonaises. Mais la suite a prouvé que ces groupes d'États épars pouvaient être les jalons d'un grand empire, si le possesseur savait s'en servir comme de camps avancés au milieu des princes intermédiaires, comme de moyens de chicanes spécieuses et d'invasion en temps opportun. Les dissensions de l'Allemagne, la guerre de Trente Ans, les rivalités des États du Nord, offrirent à la maison de Hohenzollern l'occasion d'essayer avec persévérance et avantage ce système frauduleux. L'électeur Frédéric-Guillaume, le premier qui ait porté ensemble ces deux noms demeurés à peu près inséparables chez ses descendants, obtint à la paix de Westphalie (1648), grâce à la fermeté de la France[38], la Poméranie ultérieure qui le rapprochait de la Prusse, et la province de Magdebourg qui arrondissait sa puissance dans le bassin de l'Elbe. Par son intervention dans la rivalité de Charles-Gustave et de Jean-Casimir, il affranchit la Prusse de la suzeraineté de la Pologne — traité de Wehlau, 1657 — ; indépendance qui préparait la royauté de ses successeurs sur les bords de la Vistule. Enfin le règlement définitif de la succession de Clèves et Juliers (1666) lui assigna le duché de Clèves et les comtés de La Marck et de Ravensberg, dans le bassin du Rhin : troisième groupe d'où devait sortir un jour la Prusse-Rhénane. Par ses succès, Frédéric-Guillaume mérita le nom de Grand-Électeur qui le distingue entre les princes allemands au XVIIe siècle ; il devint réellement le souverain prépondérant de l'Allemagne du Nord. Dès lors, il ne pouvait voir qu'avec jalousie ou inquiétude tout projet capable de consolider la prépondérance française sur les bords du Rhin. Louis XIV essaya vainement de l'armer contre l'Espagne, et de le tourner contre les Hollandais, en lui représentant que les Hollandais, en vertu d'anciens arrangements, tenaient garnison dans plusieurs de ses villes du duché de Clèves, qu'ils étaient bien plus maîtres chez lui que lui-même, que la France le délivrerait de cette assistance gênante ; l'électeur ne se laissa prendre à aucune raison ni promesse ; il songeait bien plutôt à défendre la Hollande. L'antipathie des Hohenzollern pour la grandeur française commençait.

Mais ce que l'Électeur de Brandebourg refusait obstinément, Louis XIV, à force de persévérance, l'obtint de là plupart des anciens alliés du Rhin. Il n'est pas sans intérêt de remarquer Gourville parmi les agents qu'il employa ; l'ancien complice de Fouquet, non encore relevé de ses condamnations à la taxe et à mort, était admis provisoirement à mériter sa réhabilitation par des services de tout genre. Il négocia surtout auprès de la maison de Hanovre[39]. Le duc de Hanovre (10 juillet 1671) promit de ne pas aider les Hollandais et de fermer ses États à leurs auxiliaires ; il livrerait au contraire le passage et des vivres aux troupes françaises, moyennant 10.000 écus par mois pendant deux ans et la restitution de ce que les Hollandais lui avaient pris. L'évêque de Munster conclut deux traités (28 juillet 1671) : par le premier, qui était public, il restait neutre ; par le second, qui était secret, il ouvrait ses États et mettait ses ressources à la disposition du roi, moyennant un subside mensuel de 10.000 écus. L'évêque d'Osnabrück, de la maison de Lunebourg, tout en ne promettant que sa neutralité, donnerait des preuves de son affection aux intérêts et service du roi[40], c'est-à-dire laisserait les armées françaises circuler chez lui et acheter des vivres ; un subside mensuel de 5.000 écus, et des secours, s'il était attaqué lui-même, seraient sa récompense (23 octobre 1671). L'électeur de Cologne, déjà lié à la France depuis deux ans, s'engagea plus étroitement (11 juillet 1671) à donner aux Français le passage, des vivres, des magasins, à leur laisser construire un pont surie Rhin à l'endroit qu'il .leur plairait de choisir. Cet électeur était de la famille de Bavière. On a vu que l'Électeur de Bavière lui-même avait, l'année précédente, accepté résolument l'alliance de Louis XIV. Pour compléter l'enchaînement de la maison de Wittelsbach à la politique française, le duc d'Orléans, frère du roi, épousa la fille de l'électeur Palatin (octobre 1671).

Le chef-d'œuvre de l'art fut sans doute d'amener enfin l'Empereur à ne pas contrarier les projets de la France. Léopold se débattait depuis trois ans entre les propositions des Hollandais, les reproches de l'Espagne, l'adresse du ministre français Grémonville, et les intrigues de l'impératrice douairière, sa belle-mère, qui se vendait à la France pour des parures de diamants dignes d'elle et du monarque donateur[41]. Il ne se décidait ni à entrer dans la Triple-Alliance, ni à garantir le traité d'Aix-la-Chapelle, ni à prendre confiance en Louis XIV. De temps en temps ses ministres, gagnés par l'Espagne, faisaient des scènes à Grémonville pour le forcer à quitter Vienne. On crut un instant que la rupture ouverte allait éclater. Les principaux seigneurs hongrois, Nadasti, Serin (Szerini), Frangipani, Tattembach, avaient comploté un soulèvement formidable. Découverts et condamnés (avril 1671), leurs supplices en différentes villes inaugurèrent un système d'oppression impitoyable pour la Hongrie. On soupçonna assez facilement qu'ils avaient eu la France pour complice ; et au moins dans les années précédentes Louis XIV n'avait pas été pur de toute complicité avec Serin[42]. Mais la violence même des ministres autrichiens leur donnait un tort, dont, après le premier moment, ils craignirent les conséquences. Une lettre de Louis XIV (24 juin 1671), habile mélange d'amitié et de menace, fortifia cette réflexion. Il y rappelait avec quel bonheur Grémonville avait servi les deux souverains dans le traité de leur étroite union pour le partage de la succession espagnole. Il niait tout rapport de son ministre avec les Hongrois qu'il qualifiait sans façon de scélérats, réclamait la publication des preuves de cette innocence qui se trouvaient au procès, et demandait si l'Empereur voulait renoncer à l'amitié promise[43]. La secousse détermina l'apaisement. Léopold, circonvenu par des assurances doucereuses, se laissa persuader que la France n'en voulait ni à l'Espagne ni à l'Empire, qu'elle n'avait en vue que sa défense contre les membres de la Triple-Alliance. On lui promettait le maintien de la paix de Munster, l'exécution exacte de la paix d'Aix-la-Chapelle. A ces conditions il accepta un traité de neutralité. Il s'engagea, en cas de guerre entre le roi très-chrétien d'une part, et les rois d'Angleterre et de Suède et les États des Provinces-Unies d'autre part, à ne se mêler de cette guerre ni par lui ni par autre, sinon par une entremise de ses offices pour procurer la paix, à ne faire aucune confédération avec ces rois ou États pour leur défense contre le roi très-chrétien, à ne leur donner aucun secours en armes, argent, conseils ou quelque autre chose que ce fût (1er novembre 1671). Ce traité, préparé par les soins de Lyonne, fut aussi le dernier succès de ce ministre. Il n'avait pas même vu la conclusion finale. Cet homme capable, comme l'appelle Louis XIV, venait de mourir (1er septembre 1671), épuisé à la fois par le travail et par l'abus des plaisirs.

Lyonne laissait également en bonne voie une négociation avec la Suède. Car la diplomatie française ne s'était pas plus rebutée des résistances de Stockholm que des indécisions de Vienne ; elle avait renoué, dès la première apparence favorable, avec ses anciens alliés du Nord. Comme il était encore dans la destinée de Louis XIV de trouver vite des remplaçants à ses serviteurs ou d'y pourvoir par lui-même, il acheva en peu de temps ce que Lyonne avait commencé.

Les Suédois, ces fiers champions de la Triple-Alliance, n'avaient guère soutenu plus d'une année leur personnage d'amis vertueux et incorruptibles à l'argent. Les cinq cent mille écus réclamés de l'Espagne n'étant venus ni de l'Espagne ni par la Hollande, ce retard diminuait sensiblement leur estime pour les ennemis de la France. Ils s'aperçurent que l'Espagne avait beaucoup d'incapacité, beaucoup d'ignorance des affaires, et que la Hollande ne se souciait de la Suède que quand elle croyait en avoir besoin[44]. Une dépêche d'un diplomate français trace de ces politiques un portrait dur et plaisant, que les faits ont bien justifié : Quand on a fait, dit-il, quelque séjour à Stockholm, connu la vanité des Gascons du Nord, la présomption qui leur persuade qu'on ne s'aperçoit pas de leur faiblesse et de leur pauvreté, et qu'on ne peut se passer d'eux, le peu d'honnêteté qu'il y a dans leur conduite, les cabales qui règnent dans le sénat, d'un côté la faiblesse et l'inapplication de ceux qui le composent, et de l'autre l'animosité particulière de ceux qui, sans songer au bien de l'État, n'ont pour but que de traverser les desseins de leurs ennemis ; tout cela joint ensemble fait qu'un homme, aussi bien instruit que vous l'êtes, ne peut être surpris de tous les changements qui arrivent.... Si le sénat de Rome eût eu aussi peu de penchant pour la guerre que celui de Suède en a aujourd'hui, l'Empire romain n'aurait pas été d'une si grande étendue. Ces messieurs qui gouvernent ici sont à peine rassemblés, et ne parlent déjà que d'aller passer à la campagne trois semaines aux fêtes de Pâques, un mois à celles de la Pentecôte, et deux aux jours caniculaires ; quand ils auront touché l'argent, ils ne songeront plus à rien qu'à attendre avec beaucoup d'impatience un autre terme pour recevoir[45].

Vers le milieu de 1671, ils avaient cru trouver leur avantage à se retourner vers la France. Pomponne, alors ambassadeur à La Haye, mais qui avait précédemment résidé à Stockholm, leur fut aussitôt expédié, à la grande surprise et inquiétude des Hollandais. Il confia aux Suédois les desseins de Louis XIV contre la Hollande, et les rassura sur l'honneur de leur passé en déclarant qu'il n'était pas question de toucher au traité d'Aix-la-Chapelle. Avaient-ils peur que le roi eût l'intention de ruiner les États protestants : il leur suffisait, pour dissiper ce soupçon, de considérer que le roi s'alliait avec l'Angleterre et la Suède, deux États protestants ; c'était assez dire que ses desseins contre la Hollande ne regardaient que la politique. Sur ces entrefaites, Lyonne étant mort, Pomponne fut nommé à sa place ministre des affaires étrangères ; mais il demeura encore plus de deux mois à Stockholm, n'en voulant partir qu'avec une négociation assez avancée pour ne pouvoir être rompue par un caprice. Secondé par l'ambassadeur anglais, qui confirmait tout ce qu'il avait avancé des desseins de Charles II, il posa les bases d'une alliance active. Les Suédois offraient d'abord leur neutralité, moyennant subside annuel. Peu à peu ils se laissèrent amener, par l'espérance d'un subside plus fort, à promettre leur coopération. Ils voulaient bien s'opposer par les armes à l'Empereur et à tout prince d'Empire qui viendrait en aide aux Hollandais. Seulement, par une vieille rancune de voisinage, ils tenaient à exclure le Danemark des avantages de l'alliance française. Le 3 décembre 1671, ils remettaient ces stipulations à Pomponne pour qu'il les rapportât en France. Ainsi, à un mois de distance, Louis XIV recevait la promesse de neutralité de l'Empereur et la promesse de concours des Suédois.

Il fallut, il est vrai, débattre encore pendant quelque temps la rédaction définitive du traité. Le désintéressement des Suédois était mis à de rudes épreuves. Les Hollandais, avertis des menées de la France, venaient offrir de bonnes sommes à leurs anciens associés pour les retenir dans leurs intérêts. Ces tentatives ne manquaient pas d'attrait, et les Français avaient à les combattre par des offres plus avantageuses. Il y avait marché à Stockholm : l'alliance resterait évidemment à l'enchérisseur le plus généreux ; elle fut enfin adjugée à la France (1672). Par un traité public, la France et la Suède stipulèrent la garantie de leurs anciens traités et le maintien de l'ordre établi par la paix de Westphalie. Par des articles secrets, les Suédois promettaient de combattre tout prince d'Empire qui voudrait défendre les Hollandais ; à cet effet, ils feraient passer seize mille hommes dans la Poméranie ; le roi très-chrétien, en retour, leur payerait six cent mille écus par an pendant la guerre, et quatre cent mille avant la guerre[46]. Quelque onéreux que parût cet engagement, Louis XIV fut si satisfait du résultat, qu'il chargea son ambassadeur de faire au grand chancelier de Suède un présent personnel de vingt mille écus, soit en argent, soit en pierreries[47].

A considérer froidement cette série de victoires diplomatiques, Louis XIV apparaît bien plutôt comme un traitant habile ou bien servi que comme un potentat sûr de sa force. Partout, sauf dans l'occupation de la Lorraine, la ruse et la dissimulation. Il se dépouille de cette grandeur qui épouvantait ses voisins et se fait solliciteur comme la faiblesse défiante d'elle-même. Loin d'imposer sa pensée, il la renie pour écarter le plus grand obstacle à ses projets. Tandis qu'il ne veut ruiner la Hollande que pour mieux envahir et conserver les Pays-Bas espagnols, il affirme qu'il ne prétend rien contre l'Espagne ; il le répète à Vienne, à Stockholm, en Angleterre, à Madrid même. Il ne dissout la Triple-Alliance qu'en protestant de son respect pour ce qu'elle a réglé, au risque d'en provoquer la reconstitution dès que le cours de ses victoires l'obligera à découvrir son secret. Il sentait lui-même que ces alliances n'étaient pas solides ; il avoue qu'il ne faisait pas grand fond sur elles[48], mais qu'il lui suffisait d'avoir mis la hollande hors d'état de résister. Ce but était atteint. A la fin de 1671, la Hollande ne pouvait plus compter que sur l'Espagne et l'électeur de Brandebourg. L'Espagne, comprenant que le danger lui était commun avec la Hollande, consentit à l'assister contre la France et à ne faire ni paix ni trêve que d'un consentement mutuel (traité du 17 déc. 1671, 22 février 1672). L'électeur de Brandebourg, rétif à toutes les propositions de Louis XIV, allait se prononcer et armer pour la Hollande aussitôt après la déclaration de guerre[49].

Il ne manquait plus qu'un grief plausible, une apparence de raison à produire tout haut pour justifier la guerre. Louis XIV, qui le cherchait depuis trois ans, le trouva dans la question des tarifs.

Si Colbert était jaloux du commerce hollandais, la Hollande ne voyait pas avec moins de dépit le développement des manufactures et de la navigation en France. Les tarifs de 1667 avaient fort irrité de Witt et Van Beuningen ; ils s'étaient proposé, nous l'avons vu, d'y répondre par la voie de rétorsion. A son retour d'Aix-la-Chapelle, Van Beuningen invitait les États à interdire chez eux les vins et eaux-de-vie de France, les bouquets de plumes, les éventails, les rubans, le papier français[50]. Mais il y avait à ces représailles de très-sérieuses difficultés. La plupart des villes de Hollande étaient l'étape de celles d'Allemagne ; des vaisseaux allemands venaient y charger les eaux-de-vie et vins de France, et emportaient en même temps beaucoup d'épiceries. Interrompre le commerce avec la France, c'était arrêter du même coup le commerce des Allemands ; ceux-ci se rendraient directement dans les ports de France, et leurs bonnes espèces d'or et d'argent seraient perdues pour la Hollande. En même temps les intérêts particuliers des États se faisaient concurrence. La Gueldre voulait bien qu'on interdît le papier français parce qu'elle fabriquait elle-même beaucoup de papier ; mais Rotterdam trouvait son compte à ne rien prohiber ; et Amsterdam, favorable à la prohibition en général, jugeait sage et patriotique d'en excepter ce qui venait de Lille et de Tournay[51]. Aussi Colbert ne voyait de conséquences fâcheuses dans ces menaces que pour leurs auteurs. Les Hollandais portaient les vins de France dans le Nord, et rapportaient de là du bois, du chanvre, du fer et autres marchandises de gros volume. Or, disait Colbert[52], si les hollandais mettent des impositions sur les vins qui entrent chez eux, ils seront obligés de les revendre plus cher ; dans ce cas les Français pourront porter directement leurs vins dans le Nord, et en rapporter toutes les denrées qui font la richesse des Hollandais. Si les hollandais se contentent d'ira, poser ceux des vins qui se consomment en Hollande, ils en importeront moins évidemment, et dès lors ils auront moins de vaisseaux. La diminution sera dans la proportion d'un vaisseau et de vingt hommes pour 150 ou 120 barriques de vin. Ainsi, ils ne peuvent imposer les vins de France sans livrer aux Français le commerce du Nord ou sans se condamner à restreindre leur propre marine.

Il continua donc à narguer leur mécontentement. Il créa la Compagnie du Nord, et la dota de privilèges qui rendaient la concurrence presque impossible aux Hollandais. Les États s'en plaignirent encore ; dans la prévision d'une lutte prochaine, ils ordonnèrent des armements : la seule province de Hollande devait fournir six régiments d'infanterie et trois de cavalerie ; les autres provinces à proportion. Louis XIV riposta à cette velléité belliqueuse en favorisant, contre le parti républicain, les prétentions du prince d'Orange. Ce prince, qui, malgré de Witt, avait pris place dans les États particuliers de Zélande comme premier noble, fut encore admis (1670) dans le Conseil d'État, ou pouvoir exécutif, de la confédération. Louis XIV, en le félicitant, lui souhaita d'arriver à la même puissance que ses pères. Il n'avait pas pénétré toute la profondeur de ce nouveau Taciturne, plus sombre encore que le premier, gui n'a jamais eu des sentiments de l'homme que l'égoïsme et l'envie, et n'a connu de devoirs ni envers l'humanité ni envers la famille. L'hypocrite répondit qu'il était bien touché de l'opinion si juste et si favorable de Sa Majesté, et qu'il montrerait, par ses actions et par son zèle, la même passion que ses pères pour le service du roi. Inquiet de cette entente, de Witt invitait les États à porter les troupes de terre à soixante-dix mille hommes, à équiper soixante vaisseaux, à mettre en état de défense Maëstricht, Bois-le-Duc, Bréda, Berg-op-Zoom.

Néanmoins les tarifs français ne s'abaissaient pas. Déboutés de toutes leurs réclamations, les États parlèrent d'interdire à leurs sujets le commerce des îles françaises de l'Amérique. Colbert ne fit qu'en rire. La compagnie hollandaise, écrivait-il[53], ne saurait rien faire qui soit plus agréable au roi, parce qu'il y a déjà longtemps que je ne travaille à autre chose qu'à leur interdire ce commerce. Il y a lieu d'espérer que, ces défenses réciproques étant bien exécutées, Sa Majesté parviendra plus facilement à la fin qu'elle s'est proposée. Enfin, ils prirent tout de bon la résolution d'interdire chez eux les eaux-de-vie de vin et de mettre des droits très-forts sur les soieries, le sel et les autres marchandises et denrées de France. C'était un coup de désespoir ; car, disait Pomponne, quelque incommodité qu'ils croient apporter à notre commerce, ils ne peuvent disconvenir du préjudice que le leur en recevra. Ou plutôt c'était une manière de provocation ; beaucoup de gens en Hollande avaient des goûts belliqueux, ils désiraient la guerre dans l'espoir de troubler et de ruiner, avant leur affermissement, les manufactures, le commerce et la marine de la France[54].

Louis XIV les prévint. Le 7 janvier 1671 un arrêté royal fit défense de charger les eaux-de-vie sur les bâtiments hollandais, et frappa d'un droit les harengs importés par eux. Les considérants expliquaient que les eaux-de-vie exportées de France par les étrangers, et surtout par les Hollandais, étaient dénaturées par des mélanges malsains, et que l'importation des poissons et des épiceries des Indes-Orientales causaient un préjudice considérable à la navigation et au commerce des sujets de Sa Majesté. Colbert ne nie pas que l'exclusion des harengs hollandais fût une violation des traités ; mais, ajoute-t-il, depuis deux ans les Hollandais ayant affecté la résolution d'exclure les denrées et manufactures françaises, le roi lassé de tant de menaces a été bien aise de leur montrer qu'il ne les craignait pas. A leur tour les Hollandais ne voulurent pas reculer, ils prononcèrent l'interdiction contre les eaux-de-vie et plusieurs manufactures de France, non sans essayer d'établir qu'ils ne violaient pas les traités, parce qu'ils n'avaient exclu que les eaux-de-vie en général sans nommer spécialement celles de France. Or, à cette époque, il n'y avait d'eaux-de-vie de vin qu'en France. Colbert sut bien le leur dire ; il les avertit en outre que s'ils s'avisaient d'exclure les vins, le roi doublerait le droit de fret, et en déchargerait les autres étrangers[55]. Dans le courant de la même année, il leur ferma presque absolument les îles françaises d'Amérique par des réductions ou suppressions de droits d'entrée dont tous les avantages étaient pour les marchands français.

Les Hollandais s'efforcèrent d'entraîner leurs voisins dans cette querelle commerciale ; ils ne réussirent qu'auprès des Espagnols. Ce gouvernement, mécontent de tout le monde, de l'Empereur qui ne savait pas se dégager des intrigues françaises, de la Suède qui lui demandait de l'argent, de la France qui avait si fort avancé sa ruine, n'était pas non plus trop bien porté pour la Hollande qui lui avait imposé la paix d'Aix-la-Chapelle. Mais, dans l'état actuel de l'Europe, il n'y avait à peu près que la Hollande qui ne fût pas gagnée à Louis XIV. C'était une voie ouverte à l'accommodement. L'Espagne y entra et s'associa à la guerre des tarifs. Son représentant aux Pays-Bas, Monterey, interdit dans ces provinces les eaux-de-vie et les produits manufacturés de France (septembre 1671). Elle osa davantage encore : Louis XIV lui témoignant une grande colère, au lieu de se séparer des Hollandais, elle resserra ses liens avec eux et entama ce traité de défense mutuelle dont il fut impossible au grand roi d'empêcher la ratification. Alors il retourna cet échec à son avantage : il voulut s'en faire, auprès de l'opinion, un motif suffisant de déclaration de guerre. Les Hollandais, fort inquiets de leurs propres bravades et de sa puissance, voyaient, dans l'accroissement continuel de l'armée française, l'orage prêt à fondre sur eux. Ils essayèrent de le détourner par des excuses, des offres de réparation, s'ils étaient coupables de quelque offense. Groot — le fils de Grotius —, leur ambassadeur en France, dans une audience restée célèbre[56], parla au roi, d'un ton humble et presque touchant, de l'ancienne amitié, de la reconnaissance des Provinces-Unies pour les services des rois de France, de leur disposition à désarmer si le roi l'ordonnait (4 janvier 1672). Louis XIV saisit cette occasion de donner à ses desseins une couleur de représailles légitimes, en réduisant ses griefs au nouvel accord des Hollandais avec l'Espagne : Quand j'ai appris, dit-il, que les Provinces-Unies essayaient de débaucher mes alliés, et sollicitaient des rois mes parents d'entrer en des ligues offensives contre moi, j'ai voulu me mettre en état de me défendre et j'ai levé quelques troupes ; mais je prétends en avoir encore plus vers le printemps, et je m'en servirai en ce temps-là de la manière que je jugerai le plus à propos pour le bien de mon État et pour ma gloire.

De son côté, le roi d'Angleterre était à la recherche de tout sujet de plainte, de toute mauvaise chicane, pour justifier sa rupture avec la Hollande et assurer à sa nouvelle politique l'adhésion des Anglais. D'abord, c'étaient des médailles de la dernière guerre entre l'Angleterre et la Hollande, ou d'autres monuments de vanité hollandaise, dont il réclamait la suppression (nov. 1670). Quand on l'eut satisfait, il reprit la question du pavillon, comme une des plus chères à l'orgueil anglais. Les Hollandais, à la paix de Bréda, avaient consenti à saluer les premiers le pavillon des vaisseaux de guerre britanniques ; Charles II prétendit les contraindre à saluer un simple yacht, ou faire de leur refus un cas de guerre. Un yacht, envoyé en Hollande pour ramener la femme du chevalier Temple, traversait la flotte hollandaise (juillet 1671). Le capitaine avait ordre de réclamer le salut, ou de canonner les vaisseaux qui s'y refuseraient, et d'y user toute sa poudre pour donner une bonne matière de se quereller. Il tira, en effet, quoique à contre-cœur ; mais les Hollandais évitèrent le piège ; ils n'amenèrent pas et ne ripostèrent pas au canon : ils expliquèrent froidement au capitaine anglais que, tant que de nouveaux arrangements ne seraient pas intervenus entre les deux nations, ils ne pouvaient considérer un yacht ou bâtiment de plaisance comme un vaisseau de guerre du roi[57]. Charles II affecta une grande indignation. Il envoya un. nouvel ambassadeur à La Haye, avec mission d'employer toute son adresse à aigrir la matière, à rendre les États odieux à tous les Anglais. Les États, déjà menacés par la France, se résignaient à tous les sacrifices pour prévenir la défection du roi d'Angleterre. Ils lui offrirent, en dépit de Jean de Witt, comme un témoignage de déférence personnelle, de nommer son neveu, le prince d'Orange, capitaine-général (janvier 1672) ; ils se montrèrent disposés à baisser pavillon devant un simple yacht, à la condition que, conformément à la Triple-Alliance, l'Angleterre les assistât contre la France. Ils étaient en vérité trop conciliants. Pour se donner le droit de les quereller, Charles II répondit qu'ils devaient se soumettre sans condition, et comme ce sans condition risquait d'être accepté, on y ajouta des demandes si déraisonnables, dit Arlington lui-même, qu'ils ne pouvaient y consentir. Le roi réclamait le droit exclusif de pêche dans les mers britanniques, leur reprochait l'asile accordé à d'anciens officiers anglais qu'il appelait ses rebelles, leur imputait à outrage un tableau de la bataille de Chatam, où Corneille de Witt était peint appuyé sur un canon..., etc.

Les États avaient pourtant tenu leur parole. Ils venaient de nommer le prince d'Orange capitaine-général, avec engagement de lui conférer à vie les fonctions de capitaine et d'amiral-général quand il aurait vingt-deux ans accomplis (24 février 1672). Mais déjà, depuis douze jours, Charles II avait rendu publique son alliance avec la France par le traité de Whitehall (12 février). Quelques semaines après, il commençait les hostilités par un coup de piraterie : le 23 mars, sans avoir encore rompu ouvertement avec la Hollande, il faisait attaquer leur flotte de Smyrne et leur enlevait un vaisseau de guerre et quatre vaisseaux marchands. Le 27, il déclara la guerre. Cette déclaration énumérait tous les griefs de l'Angleterre contre la Hollande, dans un style propre à surexciter le patriotisme anglais : l'ajournement du règlement de commerce, stipulé par la paix de Bréda, les violences exercées sur les colons anglais de Surinam, les insultes à la nation anglaise par des emblèmes outrageants, peintures, médailles et autres monuments faux dont toutes les villes des Provinces-Unies regorgeaient, la violation du droit de pavillon, cette ancienne prérogative des rois d'Angleterre et la dernière dont ce royaume dût jamais se défaire : Insolence inouïe, qu'ils osent nous disputer l'empire de la mer ! Eux qui, sous le règne du feu roi, notre père, étaient obligés de payer les droits et coutumes pour pécher dans nos mers, et ce n'est pas à eux d'en disputer avec nous, eux qui sont redevables de l'état où ils sont maintenant à la protection de nos ancêtres, et au sang et à la valeur de nos sujets[58].

Au milieu de ces roueries politiques se glissait un acte d'une tout autre nature, que ce voisinage a pu compromettre sans lui ôter le mérite d'être l'application de cette liberté religieuse tant réclamée par les philosophes et les libéraux de nos jours. Fidèle aux sentiments qu'il avait exprimés dès les premiers jours de son règne, Charles II publiait le 25 mars 1672 une déclaration d'indulgence pour les âmes délicates, suspendait les lois pénales contre les dissidents, autorisait les non-conformistes protestants à pratiquer leur culte dans des lieux de réunion placés sous la protection du magistrat civil, et les catholiques dans des maisons particulières. Quel était donc le crime de cette tolérance ? Était-ce de faire une part aux catholiques dans la liberté commune ? Personne n'oserait aujourd'hui soutenir tout haut un pareil grief. Était-ce de préparer, sous cette apparence d'égalité, l'oppression des protestants ? Pour justifier cette imputation, il faudrait que Charles II eût au moins essayé de donner cette tournure à son œuvre ; or nous verrons bientôt que l'intolérance des anglicans et des presbytériens ne lui eu a pas même laissé le temps.

Un coup de tonnerre, dit Temple[59], dans un beau jour d'hiver, ne surprendrait pas plus le monde que notre déclaration contre la Hollande le surprit en 1672. Jusque-là les hollandais s'obstinaient à espérer, contre toutes les apparences, que l'Angleterre n'en viendrait jamais à une rupture ouverte. En France on en avait au moins douté jusqu'à l'attaque de la flotte de Smyrne, et cependant on voulait que ce fût l'Angleterre qui commençât[60]. Louis XIV était donc au comble de ses vœux. A son tour, le 6 avril 1672, il lança sa déclaration de guerre, sans alléguer d'autre motif que la mauvaise satisfaction que lui inspiraient la conduite et l'ingratitude des Provinces-Unies[61] ; le 28 avril il partit de Saint-Germain. Il ne prévoyait pas quel ennemi nouveau, quelle résistance inattendue allait surgir de ses victoires mêmes, et le contraindre à changer ses plans, quels sacrifices imposés à ses peuples pour sa gloire affaibliraient au dedans le prestige et le respect de son autorité, quelles haines sa prépondérance sur l'Europe amasserait au dehors contre la France. L'époque la plus florissante, la plus heureuse, la plus populaire de son règne finissait.

 

 

 



[1] Voir Mignet, tome III : dépêches de Pomponne.

[2] Temple, lettre à son père, 20 juillet 1668 : collection in-12, 2 volumes, publiés par Jonathan Swift.

[3] Mignet, tome III, Ire partie : lettre de Charles II.

[4] Lettres du comte d'Arlington au chevalier Temple, in-12, Utrecht, 1701.

[5] Temple, lettre du 25 janvier 1669 : petite collection in-18, imprimée à La Haye, 1700 ; publiée par D. Jones, commençant en octobre 1663, finissant en août 1669.

[6] Mignet, tome III, partie III.

[7] Dépêche de Grémonville, mai 1671, citée par Mignet.

[8] Lettres d'Arlington à Temple, 23 octobre 1668, 8 janvier 1669.

[9] Temple, Lettres, 8 mai 1888 : collection in-12, tome II.

[10] Rousset, Histoire de Louvois. Ici, comme partout, l'auteur a trouvé, dans la correspondance de Louvois, des faits nouveaux dont il convient de lui laisser tout le mérite.

[11] Œuvres de Louis XIV, t. V. On y trouve sur cette affaire la note suivante du président Rose :

Il est certain qu'à l'époque où le nonce et l'ambassadeur de Venise se plaignirent au roi de cette retraite, il aurait fallu que M. de Navailles alléguât des raisons sans réplique pour justifier sa conduite ; car rien ne l'obligea, dit-on, à partir avant l'arrivée de Vincent Rospigliosi, généralissime des armées chrétiennes à Candie, qui, voyant l'extrémité où la place était réduite, ne se fût jamais engagé au débarquement, et ainsi il se fût chargé seul de l'événement de cette retraite ; au lieu que M. de Navailles, par un faux zèle de religion ou par avidité d'avoir seul la gloire d'avoir levé le siège à propos, ayant précipité l'attaque des tranchées des Turcs, et ensuite le rembarquement et le retour, attirait sur la France le blâme de la perte de Candie. Aussi il y eut un des ministres qui conseillait au roi par ses dépêches de faire arrêter M. de Navailles au port de Toulon et de l'envoyer sous bonne et sûre escorte au pape pour en faire telle justice qu'il lui plairait. C'était l'avis de M. de Lyonne ; mais M. Le Tellier para le coup, remontrant de quelle conséquence il serait de soumettre les sujets du roi à la juridiction du pape. Et après un exil assez long, il lui procura son rétablissement dans ses emplois, par le moyen desquels il parvint au bâton de maréchal de France en 1675.

[12] Œuvres de Louis XIV, Lettres à Bellefonds, des 20 et 21 septembre.

[13] Lettres de Temple, 16 mai 1669 : petite collection in-18.

[14] Voir les lettres d'Arlington et de Temple.

[15] Temple, 25 juin 1669 : collection in-18.

[16] Pomponne à Louis XIV. Voir Mignet, tome III, IVe partie.

[17] Voir un mémoire de Louis XIV sur la guerre de Hollande, retrouvé et publié par Rousset.

Voir un mémoire de Louvois au grand Condé, 1671, cité par Mignet : Le véritable moyen de parvenir à la conquête des Pays-Bas espagnols, c'est d'abaisser les Hollandais et de les anéantir, s'il est possible.

[18] Voir les lettres de Temple, 1668, 1669.

[19] Basnage, Histoire des Provinces-Unies, année 1667.

[20] Basnage, Histoire des Provinces-Unies, année 1668.

[21] Temple, Lettre à son père, 20 juillet 1668 : collection in-12, tome I.

[22] Dumont, Corps diplomatique, tome VII.

[23] Lettres de Temple, 4 et 25 juin 1669 : collection in-18.

[24] La Fontaine, Fables, livre VII : Un animal dans la lune.

[25] Œuvres de Louis XIV, Lettres, juin 1867.

[26] Œuvres de Louis XIV. Lettres, septembre 1689.

[27] Voir, dans les Œuvres de Louis XIV ou dans Mignet, les dépêches de Colbert-Croissy sur ces questions.

Nous insistons sur ce mot de tolérance. Si peu honorables que soient le caractère et les intentions de Charles II, il est certain que, comme Jacques II plus tard, il ne prétendait opprimer aucune conscience. Les clameurs de l'Église anglicane, qui se croit anéantie dès qu'une autre Église respire librement à côté d'elle, ont pu faire illusion à l'Europe du XVIIe siècle, surtout dans l'emportement de sa résistance à Louis XIV ; mais il est temps que ces préjugés disparaissent de l'histoire sincère et impartiale.

[28] Sévigné, 30 mars 1672. Basnage, Histoire des Provinces-Unies, année 1670.

[29] Lettres de d'Arlington, 22 février 1669 : Les lettres de France nous assurent que le duc de Lorraine s'est soumis, et qu'il mettra bas les armes.....

[30] Temple, Lettre à milord Arlington, 2 septembre 1670.

[31] Temple, Lettre à milord Arlington, 2 septembre 1670.

[32] Lettre d'Arlington, 1er septembre ; vieux style, 11 septembre 1670.

[33] Temple à son père, 22 novembre 1670.

[34] Voir Basnage, 1670. Mignet, tome III, partie II : Négociations avec l'Autriche, nov., déc. 1670.

[35] Mémoires du marquis de Pomponne.

Encore un argument en faveur de ceux qui font aujourd'hui de la connaissance minutieuse de la géographie le salut du genre humain. Il est vrai que les diplomates et les officiers d'état-major doivent savoir exactement la géographie, soit pour régler les limites des nations. soit pour en préparer l'invasion, ou, ce qui vaut mieux, en assurer la défense.

[36] Dumont, Corps diplomatique, t. VII.

[37] Voir Mignet, tome III, partie III. Il cite le projet de traité, en latin, inédit, qui est au dépôt des affaires étrangères.

[38] Voir notre chapitre V, deuxième section, t. I : Paix de Westphalie.

[39] Mémoires de Gourville.

[40] Dumont, Corps diplomatique, tome VII ; texte du traité.

[41] Voir dans Mignet les dépêches de Grémonville sur ce sujet.

[42] Voir plus haut, chap. XVII, 1re section, les aveux de Louis XIV dans ses Mémoires, relativement aux mécontents hongrois.

[43] Œuvres de Louis XIV, tome V.

[44] Voir Mignet, tome III, partie II : dépêche du 19 août 1671.

[45] Mignet, tome III, partie II : dépêche de Courtin à Pomponne.

[46] Voir Dumont, Corps diplomatique, tome VII.

[47] Mignet, tome III, partie III.

[48] Mémoire de Louis XIV sur la guerre de Hollande, retrouvé par Rousset.

[49] Dumont, Corps diplomatique, tome VII.

[50] Basnage, année 1668.

[51] Basnage, 1669, 1670.

[52] Lettres de Colbert. Collection Clément : finances, industrie, commerce.

[53] Dépêches de Pomponne, novembre 1670 ; dans Mignet, tome III, partie IV.

[54] Dépêches de Pomponne, novembre 1670 ; dans Mignet, tome III, partie IV.

[55] Colbert, Lettres, janvier, février 1871.

[56] Voir Sévigné, Lettres, 5 janvier 1672.

[57] Lettre de Temple à son père, septembre 1871 : collection in-12, tome II.

[58] Dumont, Corps diplomatique. Texte de la déclaration.

[59] Temple, Mémoires de ce qui s'est passé dans la chrétienté depuis le commencement de la guerre, en 1872.

[60] Temple, Lettre à son frère, mai 1672 : Ni les Français ni les Hollandais n'ont pu croire que ce fût tout de bon, jusqu'à ce que nous ayons attaqué la flotte de Smyrne. Mon frère Henri dit qu'avant ce coup personne ne le croyait à Paris, et lorsque j'ai dit à milord Arlington ce que j'avais appris de mon frère, il m'a avoué que la cour de France même n'en avait rien cru qu'après cette action. Et quelques mesures que nous eussions prises avec Messieurs les Français, ils voulaient que ce fût nous qui commençassions la guerre.

[61] Dumont, Corps diplomatique, tome VII.