LE fond de cet ouvrage est l'Histoire de Charlemagne, mais elle est précédée de Considérations sur la première race, et suivie de Considérations sur la seconde. Ces accessoires ne sont pas simplement des préliminaires et une suite, ils entrent dans le plan de l'ouvrage ; ils sont une partie essentielle du sujet, tel qu'il a été conçu l'Histoire de Charlemagne a seule toute sort étendue ; l'Histoire des deux races n'est qu'en abrégé ; mais elle est entière, et elle devait l'être dans les vues de l'auteur. Il fallait montrer tout le mal que Charlemagne avait à corriger, et qu'il a corrigé en partie ; il fallait montrer tout le bien que ses successeurs avaient à détruire, et qu'ils ont détruit entièrement. Il fallait faire connaître comment les hommes sont ou deviennent des barbares, comment les barbares peuvent quelquefois devenir des hommes, combien les hommes redeviennent facilement des barbares. C'est ce tableau qu'on a voulu présenter dans ces .trois vicissitudes ; ce sont ces vicissitudes dont on a tâché d'exposer et les causes et les effets : en général, on a voulu tirer de cette partie de notre histoire toutes les vérités utiles, toutes les moralités importantes qu'elle peut fournir. L'histoire doit non seulement être racontée, mais encore être raisonnée ; il faut que les hommes et les événements soient jugés ; il faut que les erreurs et les fautes du passé soient la leçon de l'avenir ; il faut qu'on sache ce qui s'est fait, pour savoir ce qu'il faut faire et ce qu'il faut éviter ; et, sur un si grand intérêt, l'historien ne doit point s'en rapporter à la sagacité du lecteur, il doit la provoquer, il doit l'aider par des réflexions. Tous les bons historiens, anciens et modernes, en ont usé ainsi ; chez eux les réflexions accompagnent toujours le récit des faits, ils tous été philosophes ; et sans philosophie, qu'est-ce que l'histoire ? Ce n'est pas qu'il n'y ait des lecteurs ennemis des réflexions, qui disent encore : Racontez-nous les faits et laissez-nous juger. On ne peut que féliciter les esprits assez éclairés pour n'avoir aucun besoin des lumières d'autrui ; mais ce n'est pas sans doute le grand nombre. D'ailleurs l'historien, plus rempli, plus pénétré des événements qu'il raconte, les ayant médités plus long-temps, et les ayant vus sous plus de faces, n'en est-il pas Je juge le plus naturel ? n'est-il pas le plus capable d'en saisir les rapports, d'en fixer le résultat, d'en embrasser les conséquences ? Le lecteur peut-il comparer l'impression légère qu'il reçoit par la lecture, à l'impression profonde que l'historien a dû recevoir par l'étude ? Le lecteur le plus attentif n'a-t-il pas toujours besoin d'être averti, d'être excité ? Dans tous les genres, l'auteur qui pense le plus sera toujours celui qui fera le plus penser le lecteur. Croit-on que, sans la philosophie lumineuse de M. Hume, le commun des hommes eût des idées aussi saines sur l'Histoire d'Angleterre ? Croit-on que, sans les coups de pinceau, sans les traits profonds de Tacite, on eût des idées aussi fortes des crimes de la politique, des violences de la tyrannie, des bassesses de l'adulation ? Les mémoires historiques sont la partie la plus agréable de l'histoire, parce que c'est une conversation plutôt qu'un ouvrage ; c'est la partie le plus strictement renfermée dans le récit des faits, et qui semblerait pouvoir le plus se passer de philosophie, par l'intérêt personnel que l'auteur a communément aux choses qu'il raconte, et par les détails auxquels il peut se livrer ; cependant les Mémoires historiques mêmes plaisent surtout en proportion de la philosophie qui y règne, et des jugements qu'ils contiennent. Les mémoires de Sully abondent en réflexions ; les Mémoires de madame de Staal, qu'on peut regarder comme d'excellents Mémoires historiques, ont partout l'empreinte philosophique ; son histoire paraît n'être qu'une suite de pensées et de sentiments ; les Mémoires du cardinal de Retz sont extrêmement pensés, et les dissertations n'y sont peut-être que trop fréquences. Concluons, en général, que l'histoire est tout à la fois un témoin qui dépose et un juge qui prononce. Mais les historiens, même les plus éclairés, n'ont pas toujours jugé assez sainement des choses ; ils ont été trop souvent entraînés par les idées de leur siècle ; la plupart des jugements de l'histoire sont à réformer, et c'est un motif de plus de raisonner aujourd'hui l'histoire. Il faut rayer de ses annales, il faut démentir à la face de l'univers tous ces jugements infectés de l'esprit du machiavélisme, ces éloges de la guerre, ces hommages prostitués au crime réputé heureux, à la fourberie réputée adroite, il faut s'élever contre ces ennemis du genre humain, qui ont osé distinguer deux morales, l'une pour le peuple, l'autre pour les rois ; l'une qui règle les droits des particuliers, l'autre qui fait la destinée des empires ; contre ces écrivains ou pervers ou stupides, qui, laissant dans l'oubli, ou livrant même au mépris les vertus pacifiques et bienfaisantes, ont toujours célébré les vices turbulents et funestes, et ont fourni par-là aux tyrans et aux rebelles des encouragements et des motifs. On dira peut-être que cette discussion, que cette réfutation des mauvais jugements de l'histoire est d'un avocat plus que d'un historien ; que c'est plaider plus qu'écrire l'histoire. Oui, c'est plaider, c'est plaider la cause de l'humanité contre les oppresseurs et les esclaves. Quel plus noble emploi pour l'histoire ! Puissions-nous être dignes à jamais de l'écrire ainsi, et puisse l'humanité n'avoir pas à désavouer ses défenseurs ! Ne quittons point cette thèse, elle peut nous fournir encore quelques réflexions. L'histoire et la fable doivent l'une et l'autre avoir pour objet une moralité ; la fable fonde cette moralité sur des faits qu'elle invente et qu'elle y adapte ; l'histoire la fonde sur des faits vrais, et lui donne par-là une base plus solide. Quant à la manière d'employer la moralité, elle est à peu-près la même et pour la fable et pour l'histoire, soit que l'auteur l'énonce de lui-même, soit qu'il la place dans la bouche d'un de ses personnages, soit qu'il la supprime entièrement, lorsqu'elle sort assez d'elle-même du fond du sujet, et que l'esprit ne peut pas ne la pas sentir et ne la pas suppléer. Lorsque' Agrippine crie au centurion qui la massacre par l'ordre de son fils, et qui l'avait déjà frappée à la tête : Frappe les entrailles qui ont porté ce monstre, VENTREM FERI, ces deux mots ont plus d'éloquence et de moralité que n'en auraient les plus fortes déclamations contre le parricide. Lorsqu'après avoir rapporté les crimes longtemps impunis de Néron, l'historien ajoute : La longue patience du genre humain se lassa enfin, on n'a pas besoin d'étendre davantage la menace terrible que cette phrase si simple fait à tous les tyrans. Mais toutes les fois que les préjugés ou d'opinion ou d'usage s'opposent à la moralité et la repoussent, on ne peut la faire sortir avec trop d'éclat, on ne peut dénoncer trop formellement, ni la développer trop pleinement ; le lecteur alors est, pour ainsi dire, un ennemi qu'il faut vaincre, ou du moins un juge prévenu qu'il faut ramener et détromper, un aveugle qu'il faut éclairer, même malgré lui ; il ne faut pas surtout qu'une vérité utile puisse lui échapper, faute de sagacité de sa part, ou de développement de la part de l'auteur. Mais, me dira-t-on peut-être, il y a une différence essentielle entre la fable et l'histoire relativement à la moralité ; la fable, maîtresse des faits, les invente et les dispose pour la moralité qu'elle a en vue ; l'histoire reçoit les faits et ne les invente pas ; le hasard, ou le pouvoir inconnu qui, préside aux destinées, n'arrange pas toujours les faits d'une manière favorable à une moralité quelconque. De plus, l'historien même, dans le choix des sujets qu'il traite, ne songe pas toujours à une moralité. On voit, vers le commencement de ce siècle, sortir des glaces du nord un héros d'une valeur romanesque, un roi d'un caractère singulier, qui étonne et agite l'Europe du nord au midi ; un homme éloquent juge ce portrait digne de ses pinceaux, et il écrit l'histoire de Charles XII, comme Quinte-Curce celle d'Alexandre ; il n'y a là de moralité ni dans l'ouvrage, ni dans l'intention de l'auteur. Je réponds, 1° que dans la comparaison de Charles XII et du czar Pierre Ier son rival, l'un s'égarant dans ses vastes projets, et s'aveuglant par ses victoires, l'autre s'instruisant par ses défaites, s'élevant par degrés jusqu'à l'égalité, acquérant enfin la supériorité ; on trouverait aisément la moralité particulière de cette histoire, c'est celle de ces vers d'Horace : Vis
consul expers mole ruit sua ; Vint temperatam Dii quoque
provehunt. In majus. Que dans Charles XII, prisonnier en Turquie pour s'être engagé mal-à-propos dans les déserts de l'Ukraine sur la foi de ses succès, on retrouve cette belle moralité de Virgile : Nescia
mens hominum fati sortisque futurœ Et servare modum rebus sublata secundis. Et celle-ci de La Fontaine : Défions-nous du sort, et prenons garde à nous Après le sain d'une bataille. M. de Voltaire, dans son discours sur l'Histoire dé Charles XII, tire même, de ce sujet, une moralité plus étendue et plus, importante, qui reviendra souvent dans l'ouvrage qu'on présente ici au public. Je réponds, 2° que, quand on parle de la moralité de (le l'histoire et même de la fable, on n'entend point cette moralité des contes des' Fées, qui consiste à donner toujours sur la terre, à la vertu sa récompense, au vice son châtiment ; cette moralité se rencontré rarement dans l'histoire, et par cette raison on l'emploie rarement, même dans la fable. On entend donc par moralité dans l'histoire et dans la fable, toute vérité utile, toute vérité qu'il importe aux hommes de savoir, et dont il leur importe de se souvenir dans l'occasion, parce qu'elle peut avoir quelque influence sur leur conduite. Or, nous disons qu'à cet égard tout est égal entre la fable et l'histoire. C'est une fable très morale dans ce sens que les animaux malades de la peste. Quelle en est cependant la moralité ? Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. Cette vérité n'a rien de consolant ni de favorable à l'humanité, mais elle peut lui être utile ; elle avertit le faible et le misérable d'éviter, s'il le peut, les jugements de cour. On peut dire la même chose de la moralité de la fable du loup et de l'agneau. La raison du plus fort est toujours la meilleure. Ce n'est point un hommage rendu à la puissance, c'est un avertissement donné à la faiblesse d'éviter toute concurrence avec la force ; et par la haine qu'inspire le loup, jointe à la pitié qu'inspire l'agneau, c'est encore un avertissement donné à la puissance, de ne pas se rendre odieuse en abusant de ses avantages : c'est, en un mot, le majori cede, minori parce du vieux Caton. Il en est de même de l'histoire ; elle n'a point de leçon psi fâcheuse dont on ne puisse et dont il ne faille profiter ; elle n'a point de fait qui ne contienne des vérités utiles, il s'agit de les faire sortir et de les montrer, si elles ne se montrent 'pas d'elles-mêmes. Au défaut de moralité particulière, il y aurait toujours deux moralités générales, qui embrassent tous les événements, soit dépendants, soit indépendants de notre volonté ; s'ils n'en dépendent pas, la moralité se réduit à ce vers de Corneille : Faites votre devoir, et laissez faire, aux dieux. S'ils en dépendent, elle peut se réduire à cette maxime : Ne rien abandonner au hasard de ce qui peut-être réglé par la prudence ; mais encore un coup, chaque événement a ses moralités et ses vérités particulières : la meilleure histoire est celle qui en offre le plus ; le meilleur historien est celui qui en découvre et qui en montre le plus. C'est là que toute vérité est bonne à dire ; Cicéron le recommande expressément à l'historien : Ne quid veri non audeat. Or, ne dire que les faits en dissimulant les conséquences qui en résultent, ce n'est pas dire toute la vérité, ce n'est pas remplir toutes ses obligations. Être utile, en un mot, être utile[1], voilà le grand devoir de tout écrivain et la condamnation de tant d'écrits : si c'est la condamnation de celui-ci, ce ne sera pas du moins celle des intentions de l'auteur. D'après le peu que nous avons dit du but et de l'objet particulier de cet ouvrage, on voit qu'il n'a été ni rempli ni même saisi dans tous les autres ouvrages faits jusqu'à présent sur Charlemagne ; on voit que nous n'avons pas dû être arrêtés par la considération de ces autres ouvrages, qui ne diffèrent pas moins de celui-ci dans le fond que dans la forme. A n'envisager même que l'Histoire de Charlemagne, le travail de M. de La Bruère, quoique estimable, quoique présentant des résultats assez exacts, et des extraits assez bien faits, du peu d'auteurs qu'il avait consultés, est superficiel et absolument insuffisant ; il a fallu pousser beaucoup plus loin les recherches, et creuser bien plus avant dans le sujet. M. de Foncemagne et M. Dacier avaient commencé, sur une partie de l'Histoire de Charlemagne, des recherches qui m'ont guidé dans une partie des miennes, et un travail qui, s'il eût été continué, aurait sans doute rendu le mien et tout autre inutiles. M. Dacier ayant renoncé à faire usage de ces matériaux a bien voulu me les communiquer, et j'en ai tiré assez de secours pour regretter beaucoup de n'avoir pu en tirer davantage, cette précieuse ébauche n'embrassant qu'une faible partie du règne de Charlemagne. Mais la totalité des matériaux de cette histoire est dans les divers recueils des historiens de France, d'Allemagne et d'Espagne ; le reste dépend de la manière de voir et de mettre en œuvre : tous ne voient pas les mêmes choses dans les mêmes objets, et la manière d'exécuter varie encore plus que celle de voir. Au reste, ces matériaux sont fort nombreux et fort peu abondants : c'est une stérile richesse. Les annalistes, les chroniqueurs, source de notre vieille histoire, outre l'inconvénient de se répéter les uns les autres, ont celui d'énoncer les faits avec un laconisme qui dessèche et qui glace tout. Ces monuments de l'ancienne histoire romaine, ces Pontificum libros, annosa volumina vatum, contenaient du moins des fables brillantes, à en juger par l'histoire des premiers siècles de Rome : chez nos chroniqueurs, fable, vérité, tout est sec et froid. Ceux mêmes qui ont eu le plus de part aux affaires et qui devaient prendre le plus d'intérêt à ce qu'ils écrivaient semblent avoir moins écrit pour instruire la postérité que pour se rendre compte à eux-mêmes de certaines époques, et pour soulager leur mémoire. Eginard, qui écrivait et par vanité et par reconnaissance, qui voulait et se vanter de la confiance dont Charlemagne l'avait honoré, et s'acquitter envers ce grand prince, en célébrant sa gloire, est plus sec et plus abrégé sur son histoire que M. de La Bruère. Ceux qui ont à parler des règnes postérieurs à François Ier se plaignent au contraire de la fécondité, de la prolixité de certains mémoires historiques modernes : mais ne vaut-il pas mieux avoir à retrancher qu'à suppléer, et à réduire qu'à entendre ? Celui de tous les auteurs anciens qui fournit le plus de traits curieux sur Charlemagne et le plus de lumières, Ou plutôt de lueurs sur les usages du temps, c'est le moine de Saint-Gai ; mais on ne peut le suivre qu'avec précaution, et son amour pour le merveilleux l'a rendu suspect à ceux mêmes à qui le merveilleux ne déplaît pas. Un autre inconvénient de ce sujet, c'est la multiplicité et la continuité des guerres. Les guerres en général ne sont bonnes ni à faire ni à décrire : qu'un militaire instruit et fait pour instruire, un Feuquières, un Follard, un Montécuculli traite savamment de son art, qu'il en expose les principes, qu'il en dévoile les secrets, qu'il distingue les succès mérités et les fautes heureuses, les traits de génie et les coups du sort, qu'il observe, qu'il juge et les généraux et les armées et les expéditions, il fait sans doute un livre utile ; mais que le père Daniel fasse de l'histoire un long journal de sièges et de combats, qu'il s'appesantisse sur les détails les plus indifférents de la tactique, c'est être ennuyeux bien gratuitement, et le mérite de se connaître en opérations militaires n'égale pas peut-être dans un religieux le ridicule d'en avoir la prétention. Ce défaut d'étaler trop de détails militaires n'est pas à craindre dans l'Histoire de Charlemagne, malgré les guerres dont elle est remplie ; les secs chroniqueurs qui nous ont appris ce que nous savons de ces guerres sont trop ennemis des détails ; mais ce n'est que changer d'inconvénient : cette sécheresse flétrit tout, on ne voit rien que confusément ; le récit d'une guerre doit en être le tableau, et la plus grande prolixité, qui, du moins, donne une idée des choses, est encore moins ennuyeuse qu'une brièveté qui ne peint rien. Il nous reste à rendre compte de l'ordre que nous avons suivi dans cet ouvrage. Fidèles au principe de présenter toujours des tableaux entiers, et d'éviter la confusion des objets, nous avons séparé, comme dans l'Histoire de François Ier, la partie politique et militaire de la partie ecclésiastique, et de celle qui concerne la législation, la littérature, les institutions, les mœurs, les usages, etc. ; nous avons considéré Charlemagne tour-à-tour et toujours séparément dans la politique extérieure et dans la politique intérieure ; nous avons distingué en lui le conquérant et le législateur, le roi même et l'empereur ; nous avons surtout distingué avec soin son histoire véritable et son histoire romanesque ; car si Eginard a écrit l'histoire de ce prince, le faux Turpin l'a écrite aussi à sa manière, et en général les romanciers jouent un grand rôle parmi les historiens de Charlemagne ; nous avons donc fait de son histoire romanesque un article particulier de cet ouvrage, et nous avons montré partout les rapports qu'elle a ou qu'elle peut avoir avec l'histoire véritable. Nous avions exposé, dans la préface de l'Histoire de François Ier[2], les inconvénients de la méthode chronologique, c'est-à-dire de celle qui consiste à rapporter, sous une même année, tous les événements de tous les genres, et toutes les portions d'événements qui appartiennent à cette année ; nous avions dit combien cette méthode détruit tout intérêt, combien elle confond tous les objets, combien elle s'oppose à l'intégrité, à la netteté de chaque tableau, comme elle ne présente que des faits morcelés et imparfaits, sans cesse pris, quittés, repris, interrompus, oubliés, rappelés. Nous avions établi que, pourvu que l'époque précise de chaque événement et de chaque portion d'événement fût marquée à la marge, le devoir de l'historien est rempli, et que la chronologie n'exige rien de plus : nous ajoutons seulement ici, qu'au lieu de la méthode chronologique, nous avons souvent suivi la méthode géographique dans les divisions de l'Histoire politique et militaire de Charlemagne, c'est-à-dire qu'en prenant une grande époque, comme celle de Charlemagne roi et celle de Charlemagne empereur, nous avons traité, dans autant de chapitres séparés, les affaires de l'Italie, celles de la Germanie, celles de l'Espagne, pendant la durée entière de cette époque, toujours dans le même principe d'éviter la confusion et de présenter des tableaux nets et entiers. Un auteur avoue volontiers les difficultés de son sujet, et souvent il les exagère, parce qu'il se flatte toujours en secret de les avoir vaincues ; nous avons beaucoup parlé des difficultés du nôtre, n'en dissimulons pas non plus les avantages ; il n'annonce rien que de brillant et d'heureux : le nom de Charlemagne réveille de grandes idées, son règne est pour la nation Françoise la plus belle époque de gloire et de puissance, et, ce qui vaut encore mieux, de sagesse et de bonheur ; c'est alors que, gouvernée par un roi supérieur à tous les hommes, elle a été elle-même supérieure à tous les peuples, et qu'elle a paru avoir sur l'Europe cet ascendant que Rome, dans ses beaux jours, avait eu sur l'univers. N. B. On avait joint à la première édition de l'Histoire de Charlemagne une vie du premier président de Lamoignon. Cet ouvrage n'avait d'autre rapport avec le premier que d'être sorti de la même plume. Comme depuis il a été réimprimé séparément, on lui a substitué ici l'Histoire de Marie de Bourgogne, par laquelle M. Gaillard commença à se faire connaître comme historien. Cette histoire parut en 1757, et se rencontre difficilement. |