[Cf. Revue des Deux Mondes, 1874, t. IV, p. 575-579.]Le régime féodal ne se serait pas établi si la majorité des hommes avait voulu qu'il ne s'établît pas. La royauté n'aurait pas perdu le gouvernement de la société si les classes inférieures avaient voulu continuer à lui obéir. Mais en même temps que les comtes, les évêques et tous les grands travaillaient à acquérir des sujets, les petits et les faibles allaient d'eux-mêmes vers cette sujétion et retiraient leur obéissance aux rois pour la donner aux seigneurs. Ce mouvement était déjà très marqué pendant le règne de Charlemagne. Ce prince montre lui-même dans un de ses capitulaires que beaucoup d'hommes renonçaient volontairement à leur condition d'hommes libres, c'est-à-dire de sujets du roi, pour [entrer dans les ordres ecclésiastiques, ou] se faire les vassaux d'un évêque ou d'un abbé[1]. Leur motif n'était pas la dévotion ; c'était le désir d'échapper au service militaire et à toutes les autres charges que l'État imposait au citoyen. Dans un autre capitulaire[2], le même prince laisse voir quel danger il y avait pour les simples hommes libres à rester ses sujets et quels intérêts les poussaient à se faire vassaux des seigneurs. Dans le premier cas, ils étaient accablés par les corvées, par le droit de gîte, surtout par le service militaire ; à se faire vassaux, au contraire, ils se procuraient un protecteur puissant qui les défendait en justice et les exemptait des charges publiques. Charles le Chauve se plaignait du nombre des hommes libres qui spontanément quittaient la condition de sujet du roi et abandonnaient leur franchise pour se soumettre au service ou d'une église ou d'un seigneur[3]. Quelquefois c'était le comte lui-même, l'évêque, l'abbé, qui contraignait les hommes pauvres à se livrer à lui. Il n'est pas douteux que parmi ceux-ci il ne se trouvât des hommes qui fissent effort pour n'être pas saisis par le vasselage. Cette résistance était impuissante parce qu'elle était exceptionnelle ; la majorité, ou se résignait, ou préférait sans hésiter la domination seigneuriale. Dans les siècles précédents, la monarchie avait été ordinairement l'appui des faibles, et elle avait eu aussi les faibles pour appui. Dans l'ancienne Grèce, les petits monarques que l'on appelait τύραννοι avaient reçu le pouvoir des classes populaires et l'avaient exercé à leur profit, Dans l'ancienne Gaule, la royauté avait eu aussi un caractère démocratique. L'Empire romain, sans niveler les classes, avait eu du moins une législation et une justice égales pour tous. Il avait maintenu des rangs dans la société, mais il n'avait pas permis que les rangs supérieurs prissent l'autorité, et missent le joug sur les rangs inférieurs. Il avait voulu que tous les hommes libres, à quelque degré qu'ils fussent placés de l'échelle sociale, fussent directement et uniquement sujets du prince. ' Il y eut toujours deux règles essentielles dans la politique de l'Empire : l'une était de protéger les faibles ; l'autre était d'agir directement sur eux. Il n'est pas douteux que, dans la constitution sociale et avec la grande inégalité des fortunes qu'il y avait déjà sous l'Empire, les pauvres ne fussent entraînés vers la dépendance des grands et vers le patronage. Aussi les empereurs enjoignaient-ils tout spécialement à leurs fonctionnaires de les défendre. C'est un devoir de conscience pour le gouverneur de province, disait Ulpien, d'empêcher les puissants de faire tort aux faibles[4]. Constantin disait plus tard qu'on devait particulièrement veiller aux intérêts des plus petits[5]. Nous pouvons voir dans le Digeste, contre quels périls il fallait les mettre en garde : Le gouverneur de province, y est-il dit, s'opposera aux redevances établies contrairement aux lois, aux actes de vente arrachés par la violence, aux engagements imposés par la crainte[6]. Nous reconnaissons là les trois séries de faits qui sont devenus si fréquents après l'Empire romain et qui ont précipité les faibles et les pauvres dans la recommandation et le vasselage. L'Empire les défendit aussi longtemps qu'il put. Comme il s'appliquait à assurer aux faibles la protection des pouvoirs publics, il leur interdisait aussi de se soumettre au patronage personnel des hommes puissants. Il ne voulait pas que les grands prissent les petits sous leur défense. Nous enjoignons, disent plusieurs empereurs, de renoncer au patronage ; les cultivateurs qui se seront mis en clientèle seront frappés du supplice, et ceux qui les auront reçus payeront, pour chaque fonds de terre, une amende de 25 livres d'or. Ils veillaient surtout à ce qu'on n'engageât pas la terre et ils déclaraient que toute terre ainsi engagée serait confisquée. Ils voulaient en un mot que les faibles ne devinssent pas les sujets des forts et ils s'appliquaient à conserver sur eux à la fois la protection et l'autorité[7]. Ce qui était déjà difficile pour les derniers empereurs devint impossible pour les rois francs. Sous les Mérovingiens les classes inférieures n'avaient plus senti ni la protection ni l'autorité de l'État, et elles s'étaient réfugiées, de gré ou de force, dans le patronage[8]. Les princes carolingiens, qui imitaient et copiaient volontiers l'Empire romain, s'écartèrent de la politique impériale en ce point capital que, loin d'interdire le patronage et la clientèle qu'on appelait de leur temps le séniorat et la fidélité, ils les autorisèrent formellement. Charlemagne lui-même admit la légitimité de ce Contrat personnel qui mettait un homme sous l'autorité d'un autre homme. Il permit à ceux qui étaient hommes libres de se recommander, c'est-à-dire d'engager leurs biens et leur personne, et de prêter le serment de foi à un particulier[9]. Cet usage se continua sous Louis le Pieux. Charles le Chauve alla plus loin ; il exigea que tout homme, dans son royaume, eût un seigneur et se fît vassal[10]. Ce n'est pas que ces princes fussent assez aveugles pour ne pas voir que de telles institutions devaient briser leur pouvoir : mais ils étaient en présence de faits sociaux contre lesquels ils ne pouvaient pas lutter. Il est vrai que Charlemagne mettait au-dessus de l'autorité seigneuriale sa propre autorité. Il voulait que chaque homme libre, en prêtant le serment de foi à un seigneur, prêtât le même serment au roi[11]. Mais il y avait là une contradiction. Les devoirs de la fidélité étaient tellement rigoureux, tellement sans limites, ils constituaient une subordination si complète de tout l'être humain, qu'il était moralement impossible d'être à la fois le fidèle du prince et le fidèle d'un seigneur. Il fallait choisir. Nous ne pouvons guère douter que les classes inférieures
n'eussent préféré obéir au prince, si elles se fussent senties protégées par
lui. Elles n'auraient pas subi l'autorité seigneuriale, si l'autorité royale
avait pu les soutenir et étendre ses mains jusqu'à elle. Charlemagne le
savait ; aussi répète-t-il maintes fois dans ses capitulaires qu'il veut
protéger les faibles[12] : Que les veuves, dit-il, que
les orphelins, que tous ceux qui sont faibles vivent en paix sous notre
mainbour et qu'on respecte leurs droits. Il enjoint aux commissaires
impériaux de défendre surtout les pauvres[13]. Il les autorise
à intervenir entre le seigneur et son homme. S'ils
apprennent, leur dit-il dans ses instructions, que justice n'a pas été faite à un pauvre, ils doivent s'adresser à
l'homme puissant et le sommer par deux fois de rendre justice ; si les deux
sommations ont été sans effet, ils emploieront la forcé pour que le pauvre ait
ce qui lui est dû[14]. Qui ne voit
combien une telle intervention devait être rare, inefficace, impuissante ? De
pareilles instructions révèlent l'étendue du mal plutôt qu'elles ne peuvent
le guérir. Un autre capitulaire nous montre combien la justice des fonctionnaires royaux était peu sûre pour le faible. L'homme puissant, y est-il dit, à qui le pauvre refuse de se livrer, lui et sa terre, trouve toujours moyen de le faire condamner[15]. On se fait facilement illusion sur l'époque de Charlemagne. Comme les générations qui suivirent furent démesurément malheureuses, elles se représentèrent son règne comme un temps de paix intérieure, d'ordre et de prospérité[16]. Mais il y a des actes législatifs de Charlemagne où il laisse voir lui-même à quels désordres il avait à faire face. Que les hommes libres, dit-il dans un capitulaire, ne soient pas contraints par les comtes, à travailler à leurs prés, à moissonner, à labourer ou à vendanger pour eux[17]. Qu'aucun homme, écrit-il ailleurs, ne soit assez hardi pour établir de sa propre autorité des péages nouveaux sur les routes ou les rivières[18]. Des iniquités d'une autre nature se produisaient. Nous ne voulons pas, disait Charlemagne, que les hommes libres qui sont pauvres soient opprimés par les puissants ; nous ne voulons pas qu'écrasés par la fourberie ou l'injustice, ils soient contraints de vendre ou délivrer leurs petites propriétés[19]. Nous voyons ici qu'il était fréquent que le petit propriétaire fût amené à céder ses droits à un homme plus riche ou plus fort que lui ; il continuait à vivre sur sa terre, mais comme simple usufruitier, et il arrivait alors, ainsi que le dit Charlemagne, que ses fils déshérités n'avaient plus d'autre ressource que de se faire mendiants ou voleurs[20]. En l'année 811, de nombreuses réclamations parvinrent à l'oreille du prince de la part de cette classe d'hommes qu'on appelait les pauvres. Or nous devons bien entendre que ces pauvres n'étaient pas les mêmes hommes qu'on appelle de ce nom dans les sociétés modernes. Au-dessus des esclaves, des prolétaires, des colons, ces pauvres étaient les petits propriétaires ; ils possédaient un ou plusieurs manses, quelques esclaves pour les cultiver ; ces hommes, qui seraient presque des riches dans nos sociétés démocratiques, étaient des pauvres et des faibles dans l'étal social de ce temps-là. C'étaient eux qui souffraient le plus ; ils n'avaient pas la sécurité du colon et du serf que leur puissant maître protégeait. Ils étaient quotidiennement menacés dans leur liberté et dans leurs biens. Ces pauvres nous crient, dit Charlemagne, qu'on les dépouille de leurs propriétés. Si l'un d'eux refuse de livrer son domaine, on trouve mille moyens de le condamner en justice, ou bien on le ruine en le grevant outre mesure du service militaire, jusqu'à ce qu'on l'oblige bon gré mal gré à vendre bu à donner ce qu'il a[21]. L'autorité publique aurait dû défendre ces hommes ; mais
c'étaient au contraire[22] les dépositaires
de l'autorité, c'est-à-dire les comtes, vicaires, centeniers, évêques et
abbés, que ces" hommes accusaient de les dépouiller. Charlemagne était
réduit à émettre cette singulière prescription : Nous
interdisons à nos fonctionnaires d'acheter par des moyens frauduleux les biens
des pauvres ou de les ravir par force[23]. Lorsque Louis
le Pieux, en prenant possession du trône, fit faire une enquête générale, on
constata qu'une incroyable multitude d'hommes
avaient été opprimés, dépouillés de leur patrimoine, privés de leur liberté[24]. Ainsi cette
monarchie de Charlemagne, si puissante qu'elle nous paraisse, avait été
incapable de défendre les faibles. Sous ses successeurs, nous ne voyons pas
les mêmes plaintes, parce qu'on ne se plaignit même plus. Tous les désordres grandirent. En ce temps-là, dit un annaliste en parlant du règne de Louis le Pieux, le royaume des Francs était couvert de désolation, et la misère des hommes se multipliait de jour en jour[25]. Plusieurs chroniqueurs montrent que des troupes de brigands parcouraient le pays[26]. La plupart de ces grands qui figurent dans l'histoire des Carolingiens étaient des chefs de bandes armées[27]. Chacun d'eux avait des soldats, et le roi n'en avait pas. Ils avaient la force qui peut à son gré opprimer ou protéger, et le roi ne possédait aucun moyen d'exiger l'obéissance ou de donner protection. Il arriva alors ce qui était arrivé chaque fois que les mômes circonstances s'étaient rencontrées. Le faible qui rie trouvait pas d'appui dans l'autorité publique, implora l'appui du fort, et, ainsi que César le disait, déjà des Gaulois, se donna à l'un des grands pour ne pas être à la merci de tous les grands. Les contrats de patronage, de recommandation ou de fidélité se multiplièrent. On se fil client, fidèle, vassal, pour vivre en paix. On se sentait abandonné de la royauté, on l'abandonna aussi, et l'on se livra à un comte ou à un évêque dont on fit son seigneur, c'est-à-dire son protecteur et son maître. Puis vinrent les incursions des Normans. Ces hommes que la faim ou les divisions intestines chassaient des pays du Nord, ne formaient que de méprisables troupes de pirates. On est surpris de leur petit nombre et du mal qu'ils firent. On se demande comment la société gallo-germaine put devenir tout à coup si faible, qu'elle ne sût pas résister à de pareils ennemis. Quelques chroniqueurs du temps ont attribué cette extrême impuissance à la bataille de Fontanet, ou le sang guerrier se serait épuisé. Il est vraisemblable que ce qui épuisa bien davantage cette société, ce fut la perte de toute discipline sociale et la division qui se mit en elle. Elle fut alors incapable de se défendre contre les convoitises des peuples pauvres. Norvégiens, Danois, Hongrois, Sarrasins, tous ceux qui cherchaient une proie, tous ceux qui étaient très avides et un peu hardis, se jetèrent sur elle. A de si misérables adversaires ce grand corps désorganisé ne sut opposer ni des frontières ni des armées. Ils attaquèrent de tous les côtés à la fois. Ils étaient peu nombreux ; mais, comme ils se multipliaient par le mouvement, on les trouvait partout et on les croyait innombrables[28]. Les Africains pillèrent Rome, l'Italie, la Provence. Les Slaves et les Hongrois ravagèrent l'Allemagne et vinrent jusqu'en Bourgogne. Les Norvégiens et les Danois saccagèrent la France. Ils arrivaient sur des barques, remontaient le Rhin, la Seine, ou la Loire, ils brûlaient les villes, emportaient l'or, détruisaient les moissons, égorgeaient les paysans ou les emmenaient esclaves. En ce temps, dit un annaliste, les Normans ne cessèrent pas de massacrer ou de réduire en servitude le peuple chrétien, d'abattre les églises, de détruire les villes et de brûler les villages. Ce n'était partout que cadavres de clercs et de laïques, de nobles et de non-nobles, de femmes et d'enfants. Il n'y a pas une place, pas un chemin où l'on ne trouvât des morts. C'était une grande douleur devoir comme le peuple chrétien était exterminé[29]. Une année ces Normans quittèrent la France, dit l'annaliste, parce qu'ils n'y trouvaient plus de quoi vivre. Ce n'était pas que les hommes fussent lâches. Les chroniqueurs mentionnent souvent des actes de bravoure et dans toutes les classes de la population. Les rois, ces rois carolingiens que l'on représente comme insouciants et oublieux de leurs devoirs, étaient au contraire très actifs et très prompts à combattre. Nous les voyons toujours en mouvement, courant d'une frontière à l'autre pour faire face à l'ennemi ; ils ne connaissent pas le repos ; Charles le Chauve lui-même a toujours l'épée à la main[30]. Les grands montrent aussi du courage ; on peut compter dans les Annales tous ceux qui essayent de lutter, qui défendent les villes, qui surprennent l'ennemi, qui le mettent en déroute ou se font tuer[31]. Il n'est pas jusqu'aux paysans qui ne prennent les armes. Ils défendent vaillamment leur sol. Tantôt ce sont ceux du Poitou qui mettent les Normans en déroute ; tantôt ce sont ceux d'entre Seine et Loire qui se jurent entre eux de résister aux Danois ; mais, attaqués par des hommes mieux armés, ils ne peuvent que se faire tuer[32]. Ainsi le courage ne manque pas, et chacun fait ce qu'il peut. Mais ce n'est pas par le courage qu'une société peut se défendre, c'est par l'union et la discipline. Il faut que les forces individuelles se groupent pour former une force publique. C'est cela même qui faisait le plus défaut au ixe siècle. La royauté n'existait plus que de nom ; n'ayant ni armées permanentes, ni forteresses qui fussent à elle, ni administration régulière, ni obéissance assurée, elle fut incapable de défendre les populations. Le principal résultat des incursions normandes fut de manifester à tous les yeux la faiblesse de la royauté. Elles furent l'épreuve à laquelle on la jugea[33]. Les peuples ne se demandèrent pas si elle était elle-même coupable de cette faiblesse. Ils ne songèrent pas que ce fût à eux de se grouper autour d'elle et de lui rendre la force. Ce n'est pas au moment du danger et en présence de l'ennemi qu'on change un état social. Les peuples ne virent qu'une chose, c'est que la royauté ne les défendait pas. Ils auraient voulu, que, comme l'ennemi se montrait partout, elle fût aussi partout présente ; et ils ne la sentaient presque nulle part. Ils lui reprochèrent de ne pas les protéger et l'accusèrent, ou peu s'en faut, de les trahir. Ce sentiment qu'éprouvèrent les générations du ixe siècle a laissé des traces profondes dans les traditions et les préjugés des générations suivantes. On les retrouve jusque dans les poésies du XIIe siècle. Robert Wace, dans le Roman de Rou, reproduit sans nul doute les pensées des hommes écrasés et ruinés par les Normans, quand il leur fait dire au roi de France : Que faiz tu ? que demures ? que penses ? que atenz ? Ne tu ne nus quiers paiz, ne tu ne nus defenz[34]. La royauté avait été si puissante au temps de Charlemagne, elle avait si fort frappé l'imagination des hommes, qu'ils ne pouvaient pas comprendre qu'elle ne les défendît plus, et qu'ils lui imputaient leurs malheurs : Virent le gentil règne a grant hunte aturné ; Al rei Challun le Simple en unt merci crié Que il prenge cunrei de la Crestienté ; Veient les mustiers ars è le pueple tué Par défaite del rei è par sa fiebleté[35]. En vain le roi répondait-il qu'il n'était qu'un homme : Ne ne puis par mei sul Rou ne Normanz chacier ; Jeo ne sui qu'uns suis hom a beiure è a mangier ; Jeo ne puis d'un sul cors cuntre tuz esforcier, Que puet faire uns suis hom è que puet espleitier, Se li hume li taillent ki li dèivent aidier ? La faiblesse est ce que les peuples pardonnent le moins aux rois. La désaffection qui se manifesta si notoirement contre les Carolingiens vint de là. Comme ils ne protégeaient plus, on cessa à la fois de les aimer et de les craindre. La nature humaine a un besoin instinctif d'obéir. Quand un pouvoir disparaît, elle cherche d'abord à quel autre pouvoir elle se soumettra. Dès qu'on cessa d'obéir au roi, il parut naturel qu'on obéît à l'homme duquel on tenait la terre. Tous les regards et toutes les espérances se portèrent vers les seigneurs. On était sûr de les trouver au moment du danger. On n'avait pas à attendre qu'ils vinssent de loin ni à craindre qu'ils fussent occupés ailleurs ; car ils habitaient la province ou le canton menacé. Entre le comte et la population du comté le lien des intérêts était visible ; le champ du laboureur était le domaine du comte ; il le défendait comme son bien propre ; si soupçonneux que fussent les hommes dans leur malheur, ils ne pouvaient penser à accuser leur seigneur direct d'insouciance ou de trahison. Vainqueur, on ne ménageait pas la reconnaissance ; vaincu, on savait qu'il souffrait plus que personne. Seul il était bien armé et suivi de quelques bons soldats ; seul il veillait pour tous ; fort ou faible, il était le seul défenseur, le seul espoir des hommes. La moisson, la vigne, la cabane, tout périssait avec lui ou était sauvé par lui. C'est surtout à cette époque qu'on éleva les châteaux forts. Il y en avait toujours eu dans les temps de trouble et de danger social. On en avait [vu] surgir dès la fin de l'Empire romain ; sous les Mérovingiens, les villes étaient entourées de murailles. La longue paix intérieure qu'il y avait eu sous Pépin le Bref et Charlemagne avait fait disparaître les murailles et les châteaux[36]. La royauté, qui s'était alors chargée du soin de défendre elle-même le sol, avait été en droit d'interdire aux particuliers et aux villes de se fortifier[37]. Cette interdiction se retrouve encore dans les capitulaires de Charles le Chauve ; mais on voit assez que les hommes cessèrent d'en tenir compte. Les villes relevèrent leurs murs ; les abbayes se fortifièrent ; les seigneurs construisirent d'épais donjons[38]. Six siècles plus tard, les hommes n'avaient que haine pour ces forteresses seigneuriales. Au moment où elles s'élevèrent, ils ne sentirent qu'amour et reconnaissance. Elles n'étaient pas faites contre eux, mais pour eux. Elles étaient le poste. élevé où leur défenseur veillait et guettait l'ennemi. Elles étaient le sûr dépôt de leurs récoltes et de leurs biens ; en cas d'incursions, elles donnaient un abri à leurs femmes, à leurs enfants, à eux-mêmes. Chaque château fort était le salut d'un canton. Les générations modernes ne savent plus ce que c'est que le danger. Elles ne savent plus ce que c'est que de trembler chaque jour pour sa moisson, pour son pain de l'année, pour sa chaumière, pour sa vie, pour sa femme et ses enfants. Elles ne savent plus ce que devient l'âme sous le poids d'une telle terreur, et quand cette terreur dure quatre-vingts ans sans trêve ni merci. Elles ne savent plus ce que c'est que le besoin d'être sauvé. On donna tout aux seigneurs. On oublia tout pour eux. On ne pensa ni à des rois qu'on ne voyait pas, ni à des libertés dont on n'aurait su que faire. On obéit à ceux par qui l'on était défendu. On donna la sujétion en échange de la sécurité. Des milliers et des millions de contrats se formèrent entre chaque champ et le guerrier qui combattait pour lui, entre chaque existence humaine et le guerrier à qui l'on devait de vivre. Alors s'établit ce que ces hommes appelaient le droit de sauvement ou le droit de garde[39]. Les petits propriétaires, les laboureurs, tous ceux qui étaient encore libres, mais qui avaient besoin d'être défendus contre l'envahisseur étranger ou l'oppresseur voisin, s'adressèrent à un guerrier et conclurent avec lui un contrat. , Il fut convenu que l'homme de guerre sauverait et garderait le laboureur, sa famille, sa maison, sa récolte .et ses meubles. Il fut convenu d'autre part que le laboureur payerait cette protection par une redevance pécuniaire et par l'obéissance[40]. Nous promettons en bonne foi, disait le guerrier, de vous garder, vous et vos biens, comme doit le faire un bon gardien et seigneur[41]. Nous vous recevons sous notre sauvement et défense[42]. Le laboureur de son côté reconnaissait qu'il était sous la protection et garde de ce seigneur[43]. Le premier devenait un sauteur ; c'est le nom qu'on lui donnait en quelques provinces[44] ; le second était un sauvatier, c'est-à-dire un sauvé et un protégé[45]. Le terrain ou la circonscription que le seigneur devait défendre s'appelait un sauvement[46] et la redevance que les hommes lui payaient pour sa défense portait le même nom[47]. La redevance pécuniaire était ordinairement fixée par contrat. Humbert, noble homme, est tenu de garder et défendre les hommes de la châtellenie de Saint-Germain ; et nous, en échange de cette bonne garde, nous nous engageons à lui payer, à lui et à ses héritiers, un cens annuel de cent solidi[48]. Le village payera au vicomte cinq solidi à titre de commendation, et moyennant cette somme, le vicomte s'engage à sauver toujours et partout les hommes du village, soit quand ils sont dans leurs maisons, soit quand ils vont et viennent[49]. Ce qu'on appelait la commendation
était la même chose que le sauvement ou la garde[50]. L'abbé Robert, écrit un seigneur en 1148, voulant éviter les violences et ravages des malfaiteurs, a
placé ses deux villages en ma commendation, et il s'est engagé à me payer dix
solidi chaque année à la Saint-Jean[51]. Ailleurs[52], nous voyons un
abbé de Saint-Bénigne de Dijon qui, ne pouvant protéger un de ses villages,
l'a mis en commendation dans les mains du duc de Bourgogne ; il lui paya pour
cette protection un cens annuel de cent solidi,
et il n'est pas douteux que ce sont les paysans qui fournirent cette somme.
Ailleurs[53],
les laboureurs ont conclu un contrat sous cette forme : Le seigneur a la garde de tous les habitants et de chacun
d'eux en particulier : sur chaque maison ayant charrue, il lèvera un setier
d'avoine ; sur chaque maison où sont deux bœufs, il lèvera une mine d'avoine
; sur celle qui n'a ni charrue ni bœufs, il ne lèvera qu'un quartant.
Dans un autre village, chaque feu doit à son sauveur une mine d'avoine, deux
deniers et un pain[54]. Ailleurs les
habitants du village doivent donner à leur défenseur trois journées de labour
avec leurs bœufs chaque année[55]. Dans les pays
de vignobles, l'homme de guerre s'engage à garder les vignes, et chaque
vigneron lui doit une mesure de vin. Quelquefois encore il s'engage à
protéger sur les routes les voituriers qui transportent le vin, et ceux-ci lui
payent un droit de protection[56]. Dans quelques provinces, la redevance de sauvement s'appelle le vingtain ; c'est en effet la vingtième gerbe ou la vingtième partie des fruits et du vin[57]. Ce droit seigneurial a été établi à l'origine. par une série de conventions particulières entre chaque seigneur et les habitants de la terre, et il était le prix dont ceux-ci s'engageaient à payer la protection que celui-là s'engageait à leur assurer. Souvent le contrat stipulait que le produit du vingtain serait entièrement employé à fortifier le château qui était la sûreté du village[58]. On ajoutait parfois que les paysans devraient deux jours de corvée chaque année pour travailler aux fortifications[59]. Ce sauvement a été, non pas la seule origine, mais une des origines des droits seigneuriaux. La protection a entraîné avec elle la sujétion. Le sauvatier s'est fait serviteur[60], le sauveur a été inévitablement un maître, un justicier, un souverain. Garde et commandement se sont confondus. Les hommes se sont soumis pour être défendus[61]. Ils souffraient trop et tremblaient trop pour penser à leur liberté. Entre le vasselage et la ruine, ils n'ont pas hésité. Le joug ne leur a pas été imposé malgré eux ; ils Pont accepté par contrat. Ils n'ont pas été saisis de force par l'autorité seigneuriale ; ils ont été au-devant d'elle. Comme on vivait d'ailleurs en un temps où la protection était plus recherchée que l'autorité, ce fut le protégé qui paya, et il sembla juste qu'il indemnisât le seigneur de ses soins et de sa peine. Il n'y eut plus d'hommes libres, si ce n'est dans quelques villes bien garnies de murailles. Les hommes ne furent plus sujets de l'autorité publique : ils furent sujets les uns des autres ; ils furent, à des degrés divers, des vassaux. |
[1] Second capitulaire de 805, art. 15 [Borétius, p. 125]. — Cf. Polyptyque d'Irminon, p. 31, n° 61. — Cf. capitulaire de 811, art. 4 [Borétius, p. 164].
[2] Troisième capitulaire de 811, art. 3 [Borétius, p. 163].
[3] Édit de Pistes, art. 28, Walter, p. 150 [Pertz, p. 495].
[4] Ulpien, Digeste, I, 18, 6.
[5] Code Justinien, I, 40, 2, année 322.
[6] Ulpien, Digeste, I, 18, 6.
[7] [Cf. Les Origines du système féodal, c. 4, § 5.]
[8] [Cf. plus haut, livre IV, c. 1.]
[9] Second capitulaire de 805, art. 9 [Borétius, p. 121]. — Premier capitulaire de 811, art. 4 [Borétius, p. 161]. — Second capitulaire de 813, art. 16 [Borétius, p. 172].
[10] Capitulaire de 847, art. 2 [Pertz, p. 395]. — Capitulaire de 865, art. 4 [Pertz, p. 501]. — Cf. capitulaire de 873, art. 5 et 6 [Pertz, p. 520].
[11] Second capitulaire de 805, art. 9 [Borétius, p. 124], Cf. capitulaire de 875, art. 6, Walter, t. III, p. 56 [Pertz, p. 520]. — Charlemagne pouvait-il penser que mieux le vassal obéirait à son seigneur, mieux il obéirait au roi, Premier capitulaire de 810, art. 17 [Borétius, p. 155]. Cela n'était possible qu'autant que les seigneurs continueraient à obéir.
[12] Art. 1 des [capitula ad Legem Bajuvariorum addita, Borétius, p. 157]. — Second capitulaire de 813, art. 2 [Borétius, p. 171].
[13] Troisième capitulaire de 810, art. 3 [Borétius, p. 155].
[14] Troisième capitulaire de 810, art. 3 [Borétius, p. 155].
[15] Troisième capitulaire de 811, art. 3 [Borétius, p. 165].
[16] Nithard, IV, 7. — Pourtant les capitulaires de Charlemagne font souvent mention de famine et constatent la misère publique.
[17] Cinquième capitulaire de 803, art. 17 [Borétius, p. 144, n° 57, art. 2].
[18] Cinquième capitulaire de 803, art. 22 [Borétius, n° 57, art. 7].
[19] Second capitulaire de 805, art. 16 [Borétius, p. 125].
[20] Second capitulaire de 805, art. 16 [Borétius, p. 125].
[21] Troisième capitulaire de 811 [Borétius, p. 165].
[22] Troisième capitulaire de 811 [Borétius, p. 165].
[23] Premier capitulaire de 815, art. 22 [Borétius, p. 174]. Cf. Lehuërou, p. 509, n. 3.
[24] Thégan, 15. — Cf. ce qu'Alcuin écrit à l'empereur, dans Gérard, t. Il, p. 536. — Louis le Pieux, dans un acte de 816 en faveur des Espagnols, signale deux désordres qui certainement se reproduisaient dans tout l'Empire. Deuxième præceptum pro Hispanis, 816 [Borétius, p. 263].
[25] Annales Xantenses, année 834, Pertz, II, 226 ; ibidem, année 838.
[26] Vita Ludovici, 53. — Nithard, IV, 7. — Annales de Saint-Bertin, année 843, p. 54.
[27] Vita Walæ, dans Mabillon, Acta ordinis sancti Benedicti, t. IV, p. 510 ; Himly, p. 150.
[28] On vit jusqu'à des pirates grecs piller Marseille en 848 et se retirer impunément ; Annales de Saint-Bertin, année 848.
[29] Annales de Saint-Waast, année 884, p. 318.
[30] Annales de Saint-Bertin, p. 67, 95, 109, 149, 254, 286.
[31] Le duc de Bourgogne Richard délivre la ville de Chartres assiégée ; Bouquet, VIII, p. 302. — Le comte Gissilolfe, advocatus du monastère de Fleury, bat les Normans près de la Loire sous Charles le Simple ; Bouquet, VIII, p. 301. — Année 875, ex Chronico Nàmnetensi, Bouquet, VII, p. 220. — En 865, ex Chronico Engolismensi, Bouquet, VII, p. 222. — Chronicon Ademari, Bouquet, VII, p. 227. — Historia translationis Sanctæ Faustæ, Bouquet, VII, p. 344.
[32] Annales de Saint-Bertin, p. 97-98 : Vulgus promiscuum, le commun peuple du pays ; nos paysans sont massacrés par les envahisseurs mieux armés et plus forts qu'eux. — Les manuscrits portent a potentioribus nostris interficiuntur, ce qui fait que les traducteurs ont supposé que ces paysans avaient été exterminés par des compatriotes, par les seigneurs. L'abbé Dehaisnes écrit en note qu'il croit qu'il faut lire nostri. C'est en effet la seule leçon possible ; le mot potentiores n'est jamais employé dans l'Annaliste de Saint-Bertin pour désigner les grands du pays et ce mot ne peut désigner que les envahisseurs ; il suffit d'ailleurs de lire le passage tout entier pour se convaincre qu'il ne se peut agir ici d'une lutte entre les paysans et les seigneurs, ce qui eût été un événement assez grave pour que l'annaliste en eût parlé avec quelque précision.
[33] Vita S. Faronis auctore
Hildegario Meldensi episcopa reananlc Carolo Calvo
(Bouquet, VII, p. 550).
[34] Roman de Rou, v. 4245 [édit. Andresen].
[35] Roman de Rou, v. 1068 et suiv.
[36] Il y avait pourtant des châteaux sous Pépin le Bref : In castellis ab avo nostro conquisitis, dit Louis le Pieux dans un capitulaire de 819 [ou 820], art. 7 [Borétius, art. 2, p. 296].
[37] Édit de Pistes, de 864. Mais c'étaient les comtes qu'il chargeait de démolir ces forteresses. [Pertz, p. 499.]
[38] Voir les citations dans Lehuérou, p. 615.
[39] [Voir encore] tutela terræ. Cartulaire de Saint-Père, p. 232. — XII denarios de garda. L. Delisle, p. 61.
[40] Les hommes libres de Wolen (canton d'Argovie), jugeant que Gontrim, homme puissant et riche, serait pour eux un chef bon et clément, lui offrirent leurs terres à condition qu'ils en jouiraient paisiblement sous sa protection et mainbour en lui en payant le cens légitime. Guérard, Polyptyque d'Irminon, p. 218. — L'Église protégeait quelquefois aussi bien que les guerriers. On pouvait donc se mettre en sauvement de l'Église.... Histoire de l'abbaye de Condom, apud Ducange, VI, p. 47, 2. — Tabularium S. Germani Pratensis, Ducange, VI, p. 49, 2.
[41] Charte de 1285, apud Baluze, Histoire de la maison d'Auvergne, II, p. 500 ; Ducange, VI, p. 907, 1.
[42] Charte de 1202, Ducange, VI, p. 49, 2. — Ducange, VI, p. 51, 1.
[43] Ducange, III, p. 580, 2.
[44] Chronicon Besuense, apud Ducange, VI, p. 49, 1. — Charte de 1166, Ducange, VI, p. 49, 2.
[45] [On disait encore] un mainborè. On lit dans le Polyptyque de l'abbé Irminon qu'un certain Adalbert, homme libre, s'est fait le mainborè de l’abbaye ; sa femme et ses enfants sont devenus, par ce fait, sujets de l'abbé. XII, 9, p. 124.
[46] Ducange, VI, p. 47, 2. — Hugues de Flavigny, Ducange, VI, p. 46, 3.
[47] Charte de 1248, Ducange, VI. p. 49, 5.
[48] Charte de 1270, Ducange, III, p. 580, 2. — Je ne pense pas que nous ayons des contrats de cette nature qui datent du IXe siècle ; mais il ne me paraît pas douteux que les contrats qui nous sont restés du XIIe et du XIIIe ne sont que la continuation ou le renouvellement de contrats bien antérieurs.
[49] Tabularium Sancti Albini Andegavensis, apud Ducange, II, p. 475, 3.
[50] Ducange, II, p. 473, 3. — Cela s'appelait aussi custodia et tensamentum. Tensare et le français tenser signifiaient défendre ; voir Ducange, VI, p. 541, 2, et Brussel, Usage des fiefs, t. II, p. 150, 184, 203.
[51] Charte de 1148, Ducange, II, 475, 3.
[52] Ducange, II, 475, 3.
[53] Charte de 1309, Ducange, VI, 909, 1.
[54] Charte de Guillaume, comte de Nevers, 1165 ; Ducange, VI, p. 47, 1. — Ducange, VI, p. 48, 2. — Ducange, III, p. 580, 2. — Charte de 1229, Ducange, VI, p. 909, 1. — Ducange, VI, p. 541, 5. — Ducange, VI, p. 47, 1. — Hommes qui doivent froment, gélines et deniers de sauvement ; charte de 1285, dans Ducange, VI, p. 47, 2.
[55] Cartulaire de Saint-Père, charte de 1086, t. I, p. 248, etc.
[56] Commendatio vinearum.... commendatio asinariorum vinum deferentium. Ducange, II, p. 473, 5. — Tensamentum vini. Idem, VI, p. 542, 1. — Li sauveniez du vin ; charte de 1281, dans Ducange, VI, p. 47,2. — Salvamentum de vino. Idem, VI, p. 47, 1. — Ailleurs un seigneur vend à des hommes de Saint-Wandrille, adjutorium, consilium et advocationem. Charte de 1157, Léopold Delisle, p. 61. — Il est à peine besoin d'ajouter que des abus se produisirent, et que ces abus vinrent du côté où était la force. Il arriva souvent que des seigneurs se firent payer plus qu'ils ne protégèrent ; il arriva à la longue qu'ils continuèrent à se faire payer quand ils ne protégèrent plus : Ducange, VI, p. 46, 3. Ducange, VI, p. 542, 2. Nous devons croire aussi que dans les siècles suivants, à mesure que les hommes curent moins besoin de protection, ils trouvèrent plus lourde et plus inique la redevance qu'ils s'étaient engagés à payer à perpétuité pour la protection.
[57] Le vintain est un droit acquis par convention entre le seigneur et les habitants de sa terre, par laquelle le seigneur s'est obligé de faire construire et maintenir à ses dépens les murailles du bourg ou de l'enclos du château pour la sûreté des habitants et la conservation de leurs biens mobiliers, moyennant la vingtième partie des blés et du vin qu'ils recueillent. Salvaing, Usage des fiefs, c. 46.
[58] Charte de 1256, Ducange, VI, p. 841, 2. — In pluribus castris et territoriis... pro muris seu mœniis construendis ; apud Salvaing, p. 279.
[59] Charte de 1277, Ducange, VI, p. 841, 2. — Charte de 1168, Ducange, VI, p. 541, 3.
[60] Sauvatier est synonyme de serviteur ; apud Ducange, VI, p. 50, 3.
[61] Cartulaire de Saint-Germain des Prés, apud Ducange, VI, p. 542, 2. — Histoire de l'abbaye de Condom, apud Ducange, VI, p. 47, 2. — Toutefois la garde ne se confondit pas toujours avec la justice. Il y a grande différence, dit Beaumanoir (c. 46), entre garde et justice, car tel a justice en une terre qui n'en a pas a garde.