LES TRANSFORMATIONS DE LA ROYAUTÉ PENDANT L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE

LIVRE III. — [LES INSTITUTIONS MONARCHIQUES SOUS LE GOUVERNEMENT DES CAROLINGIENS]

 

CHAPITRE XIII. — [LES CHARGES DE LA POPULATION].

 

 

1° LES IMPÔTS.

 

Il n'est pas facile de calculer quelles étaient, sous ce régime, les charges de la population ; ni les Chroniques ni les actes législatifs n'en font le compte. On reconnaît du moins à de nombreux indices que les hommes avaient encore à payer des impôts à l'Étal. Ce que l'on appelait du terme général de publicæ functiones apparaît fréquemment dans les diplômes et dans les Capitulaires, et cette expression désignait un ensemble de charges fort diverses[1].

1° Les documents signalent dans les termes les plus formels une contribution publique qui, sous le nom de donum publicum ou donum generale, était remise aux mains du roi chaque année. Cet usage venait de l'époque mérovingienne : C'était l'ancienne coutume, disent les Annales, qu'au Champ de Mars les dons fussent apportés au roi par le peuple[2]. L'usage se continua sous Pépin le Bref, Charlemagne, Louis le Pieux el Charles le Chauve. Hincmar, dans le traité De Ordine palatii, atteste que l'une des deux assemblées annuelles avait pour principal objet de percevoir les dons publics[3]. Les Chroniques de Saint-Bertin et de Saint-Wandrille mentionnent, à chaque plaid, le payement des dons[4]. Ce mot don, qui était usité au VIIIe et au IXe siècle, ne doit pas plus nous faire illusion que le mot octroi qui sera employé plus tard : il désignait une contribution obligatoire.

Il ne paraît pas que le chiffre en fût fixé d'une manière permanente ; il variait probablement suivant les besoins ou les désirs du prince. C'est ainsi qu'un chroniqueur, racontant la grande expédition de Pépin le Bref en Aquitaine, fait remarquer que cette année-là les dons furent plus considérables que de coutume[5]. Il y a apparence que le chiffre était indiqué aux contribuables, quelques semaines à l'avance, par une lettre partie du Palais ; c'est du moins ce qu'on peut induire de ce qu'écrit Loup de Ferrières en 845 à un ministre : Je vous adresse les dons obligés, débita dona, que le roi par votre lettre m'a enjoint d'envoyer[6]. L'évêque Frothaire parle aussi dans une de ses lettres des dons royaux qu'il a envoyés au Palais.

Ces dons se payaient encore à Charles le Chauve dans ia dernière année de son règne ; car, à la suite du procès-verbal de la fameuse assemblée de Kiersy-sur-Oise, de 877, on lit ce qui suit : Après que ces capitulaires eurent été lus en public, le roi donna à tous la permission de retourner chez eux, excepté à ceux qui ne s'étaient pas encore acquittés de leurs dons et qu'il retint plusieurs jours pour qu'ils s'en acquittassent.

Les monastères eux-mêmes, sauf un petit nombre, n'étaient pas exempts du payement de cet impôt. On peut voir, au milieu des capitulaires de Louis le Pieux, une liste de quarante-huit monastères, sur lesquels tonte doivent le don annuel, debent dona, et dix-huit en sont affranchis[7]. Enfin dans un diplôme de Louis le Pieux, daté de 830, nous lisons cette phrase : Comme ce monastère nous payait, avant la présente charte un don annuel, nous établissons qu'à l'avenir il nous enverra chaque année six livres d'argent, moyennant quoi il sera exempt de tout don et de tout service[8].

Il nous semble d'après ces textes que le don annuel était un véritable impôt. Ce qui en faisait le caractère particulier, c'est qu'au lieu d'être perçu par les fonctionnaires royaux résidant dans les provinces, il était porté ou envoyé par le contribuable lui-même au prince et remis directement dans ses mains. Ce qui disparut donc au VIIIe siècle, ce ne sont pas les impôts directs, ce sont les percepteurs, c'est-à-dire les intermédiaires entre le gouvernement et les contribuables.

Les diplômes d'immunité, qui exemptaient de tout impôt payable aux comtes ou autres fonctionnaires publics, n'exemptaient pas toujours du don au roi. Ainsi l'on sait que l'abbaye de Saint-Denis, qui avait depuis longtemps l'immunité, devait donner au roi chaque année deux cents muids de vin ; l'Église de Reims était tenue d'envoyer un don annuel au palais d'Aix-la-Chapelle[9].

2° A côté de cet impôt, les Capitulaires en mentionnent un autre, qu'ils appellent des noms de tribut, tributum, de cens royal, census regalis, ou de inferenda[10]. Nous enjoignons à nos missi, écrit Charlemagne en 812, de rechercher tous les cens qui de toute antiquité ont été dus au roi, qui census antiquitus ad partem regis venire solebant. Il écrit ailleurs : Nous voulons que le cens royal soit payé partout où il est dû, soit de la personne, soit des biens, sive de personna, sive de rebus. Cet impôt était donc à la fois personnel et foncier. De même dans un capitulaire de Charles le Chauve il est fait mention des hommes francs, franci homines, qui doivent le cens au roi, soit pour leur personne, soit pour leurs terres, de suo capite vel de suis rebus[11].

Un érudit qui est mort trop tôt pour la science, M. Lehuërou, a supposé que ce cens n'était qu'une sorte de rente domaniale et que le roi ne la percevait que sur le sol dont il était propriétaire[12]. Cette conjecture est contraire aux textes ; car les mêmes capitulaires qui mentionnent le cens royal que les francs hommes payaient de leurs terres, montrent que ces hommes pouvaient les vendre ou les léguer, ce qu'ils n'auraient pas pu faire s'ils n'avaient eu sur elles un droit complet de propriété.

Cet impôt foncier était réparti et perçu par les fonctionnaires royaux. Un tableau de répartition avait été dressé par les missi dominici de Charlemagne ; un capitulaire de Louis le Pieux défendit d'y rien changer et menaça de destitution tout fonctionnaire qui exigerait du peuple un chiffre supérieur à celui qui avait été fixé. Un autre capitulaire signale les remises de tribut <jui étaient accordées par le prince aux provinciaux et mentionne à cette occasion les percepteurs, qui sont appelés exactores[13].

Les actes les plus nombreux qui nous aient été conservés de la chancellerie carolingienne sont des diplômes d'immunité. Sans cesse, nous voyons Charlemagne, Louis le Pieux, Charles le Chauve accorder à des évoques et à des abbés, parfois même à des laïques, l'exemption des impôts sur leurs terres. Il est assez évident que les princes n'auraient pas eu lieu d'accorder cette exemption et que personne n'aurait songé à la demander, si ces impôts n'avaient pas régulièrement existé. Quand Charlemagne ou Charles le Chauve écrit : Nous voulons qu'aucun fonctionnaire public n'entre sur les terres de telle abbaye pour y percevoir le cens, le tribut ou l'inferenda, nous devons penser que le fonctionnaire public levait ces mêmes contributions sur les terres qui n'appartenaient pas à cette abbaye. Si nombreux d'ailleurs que fussent les diplômes d'immunité, ils laissaient encore beaucoup de terres soumises à l'impôt.

On ne doit sans doute pas conclure de ces faits et de ces textes qu'il existât un système d'impôts très régulier ; mais on peut en inférer que les impôts publics n’avaient pas encore tout à fait disparu. Les hommes libres et les propriétaires du sol payaient encore des .contributions directes.

Nous ne trouvons pas assez de chiffres dans les documents pour que nous puissions apprécier si, elles étaient lourdes. Le don paraît avoir été l'impôt des grands, des évoques, des abbés, et particulièrement des immunistes ; le cens, tribut ou inferenda, paraît avoir été, sous des noms divers, un seul impôt, et il ne pesait vraisemblablement que sur les petits propriétaires. Le premier était porté au roi directement par le contribuable à l'occasion du Champ de Mai ; le second était perçu au nom du roi par les comtes et les autres fonctionnaires. Le premier devait disparaître le jour où le roi cesserait de convoquer les Champs de Mai et ne pourrait plus grouper la nation autour de lui ; le second devait rester dans les mains des comtes, le jour où ceux-ci deviendraient indépendants du roi.

Pour ce qui est des impôts indirects, ils existaient sous trois formes : les péages, le droit de gîte et la corvée.

3° Les péages, que l'on appelait tonlieus, telonea, d'un mot grec qui avait été usité en Occident dans les derniers siècles de l'Empire romain, étaient établis sur les routes, sur les ponts, à l'entrée des ports, aux passages des frontières[14]. Un chroniqueur mentionne des douaniers, telonarii, dans la ville d'Orléans et sur toute la ligne de la Loire, au temps de Charlemagne. Les diplômes de Charles le Chauve signalent les tonlieus établis sur la Loire, sur le Rhône, sur la Seine, sur l'Escaut, et aux portes des villes ; les mêmes diplômes montrent que ces péages étaient perçus au profit du roi par des fonctionnaires publics[15].

4° Le droit de gîte, mansio ou parata, était l'obligation pour tout propriétaire de loger et de défrayer les envoyés du roi, les fonctionnaires en passage, et en général tous ceux qui voyageaient avec une lettre du roi, evectoria ou tractoria[16]. Un tarif fixait ce que chacun, suivant son rang, pouvait exiger ; par exemple, un comte avec sa suite avait droit, chaque jour, à trente pains, deux muids devin (32 sextarii), un porc et trois poulets ; il fallait en outre lui fournir des chevaux[17].

Une lettre de Charlemagne à son fils Pépin laisse voir que cette prestation donnait lieu à de nombreux abus[18]. Les fermes royales et la plupart des abbayes immunistes en étaient affranchies ; elle pesait d'autant plus lourdement sur les petits propriétaires.

5° La corvée était l'obligation de travailler aux roules, aux ponts, aux édifices publics. Il est visible qu'au temps des Carolingiens on voyageait, et même avec une certaine rapidité ; les diplômes signalent maintes fois les voitures du commerce, et les Capitulaires mentionnent également les chariots des armées. De tout cela nous sommes en droit de conclure qu'il y avait des routes et des ponts sur les rivières. Comme nous ne voyons jamais que l'État fît les frais de ces constructions et de l'entretien incessant qu'elles exigeaient, nous devons penser que tous ces travaux étaient à la charge des populations. Cette vérité ressort d'ailleurs de plusieurs capitulaires ; nous y voyons que dans chaque canton les habitants avaient le devoir de travailler aux routes, aux ponts, même à la restauration des églises et des maisons royales[19].

 

2° LE SERVICE MILITAIRE.

 

Le plus lourd fardeau qui pesât sur les populations était le service militaire. Aucune époque ne fut plus remplie de guerres que celle de Pépin et de Charlemagne. Rarement les annalistes remarquent que cette année fut sans guerre et que la terre se reposa[20]. Il n'existait pourtant pas d'armées permanentes. A peine voyait-on quelques gardes du corps auprès de la personne du prince[21]. De garnisons, il n'y en avait aucune dans l'intérieur du pays, et ce n'était que par exception qu'on en établissait quelques-unes pour garder quelques castella sur des frontières très menacées[22]. Les .documents ne signalent jamais une troupe qui fût constamment tenue réunie. Les armées étaient levées pour chaque campagne, et après chaque campagne se dissolvaient.

Il n'existait pas non plus à cette époque une classe guerrière. Se figurer une catégorie d'hommes spécialement voués à la profession ou au devoir militaire serait une grande erreur. Les documents ne signalent jamais cette classe. Ils ne contiennent même pas une seule allusion qui en suppose l'existence. Il n'y a pas d'hommes qu'ils qualifient spécialement des noms de bellatores ou de milites[23]. Les armées, carolingiennes sont composées d'hommes de toute condition et de toute profession, de propriétaires, d'agriculteurs, de marchands. Ces hommes quittent une occupation paisible pour faire campagne, et, la campagne finie, reprennent leur occupation paisible. Leurs chefs aussi sont les comtes, qui, chefs d'armée pendant la guerre, sont des administrateurs et des juges en temps de paix.

S'il n'existe pas de classe guerrière, c'est que tout le monde est soldat. Tous les hommes doivent le service de guerre, du moins tous les hommes libres, c'est-à-dire ceux qui ne sont ni esclaves ni serfs. Quand le seigneur empereur donne l'ordre de guerre, nul ne doit être assez hardi pour désobéir[24]. Le comte, qui est le chef de la population, est aussi celui qui lève les soldats[25]. Tous les hommes doivent se tenir entièrement prêts, disent encore les Capitulaires, de manière à se mettre en route dès qu'ils en recevront l'ordre. Si quelqu'un, l'ordre venu, dit qu'il n'est pas prêt à partir, qu'il soit conduit devant notre tribunal pour être jugé et puni[26]. Que chaque comte, est-il dit ailleurs, ait soin d'obliger les hommes à partir pour l'armée, sous peine pour chacun d'une amende de 60 solidi, afin que chacun se rende au jour fixé au lieu où nous leur ordonnerons de se rendre[27].

Cette règle qui s'impose à tous les hommes libres du royaume, se trouve incidemment mentionnée dans une ordonnance relative à quelques cultivateurs espagnols qui avaient été admis comme membres de l'Empire. Ils seront, dit l'empereur, assujettis à aller à l'armée comme tous les autres hommes libres[28]. Ils devront encore faire le service de gardes aux frontières à toute réquisition du comte[29]. Il est si vrai que ce service de guerre pesait sur tous les hommes libres, que beaucoup de ces hommes entraient dans les ordres ecclésiastiques sans autre motif que de s'en affranchir[30].

Pour le service militaire, on ne distinguait pas les races, et il n'est pas douteux que le descendant des Francs, à supposer qu'il pût se reconnaître, ne coudoyât à l'armée le descendant des Gaulois. On ne distinguait pas les professions, et nous verrons bientôt que l'agriculteur et l'artisan s'y rencontraient. On ne distinguait pas non plus les provinces, et la population de l'Aquitaine devait le même service que la population de l'Austrasie. Les peuples sujets, comme les Bavarois et les Alamans, le devaient dans les mêmes conditions. La Saxe, à peine conquise, fut assujettie au service de guerre[31]. Ce que les annalistes de l'époque appellent l'armée des Francs, exercitus Francorum, n'est pas composée de guerriers de race franque : c'est l'armée de tout l'Empire.

Les ecclésiastiques seuls étaient dispensés. Encore remarque-t-on, si l'on regarde ces lois avec quelque attention, que ce dont on les exemptait, c'était moins le service militaire avec ses charges diverses que l'obligation de combattre en personne et de verser le sang[32].

Le service militaire était gratuit. Même en campagne et devant l'ennemi, l'homme ne recevait aucune solde. Le prix de son temps, le prix de son danger ne lui était pas compté. Les documents ne mentionnent rien qui ressemble à une solde militaire, et l'on ne voit même dans la langue aucun mot qui présente cette idée. Le soldat n'était même pas nourri par l'État. Quand il entrait en pays ennemi, il fallait qu'il se fût procuré ses vivres, qu'il les transportât lui-même. La règle était qu'au début de chaque campagne il se fût pourvu de vivres pour trois mois[33] ; encore les trois mois comptaient-ils, non du jour où il avait quitté son foyer, mais du jour où il passait la frontière, et quand cette frontière pouvait se trouver à vingt jours de marche de son foyer[34].

Le roi ne fournissait ni armes ni vêtements. Chacun devait se procurer lance, bouclier, arc et flèches[35], et s'il était assez riche, casque et cuirasse[36]. Il fallait se munir d'armes de rechange et de vêtements pour six mois[37]. On lit dans une ordonnance de Louis le Pieux : Nous voulons et prescrivons que tous hommes dans notre royaume qui doivent faire la campagne, soient bien munis de chevaux, d'armes, de vêtements, de chariots, de vivres, afin que, dès qu'ils recevront notre ordre, ils partent sans retard pour le pays qui leur sera indiqué[38]. La loi ne fixait aucune limite d'âge.

Un service militaire si fréquent et si coûteux pouvait se concilier avec la structure générale de la société de ce temps-là. La plus grande partie des terres était cultivée par des bras serviles que le devoir de guerre ne réclamait pas. La population libre étant à l'armée, la terre pouvait encore être labourée et moissonnée. Pourtant, à côté des grands propriétaires, il en existait encore de très petits qui n'avaient que très peu de serfs ou qui même cultivaient de leurs mains. Il y avait même des hommes libres qui étaient tout à fait pauvres et qui n'auraient pu faire les frais de leur service militaire. Il fallait à tout le moins posséder quelque chose pour vivre sans travail pendant six mois et pour se fournir de vivres, de vêtements et d'armes. De là une série de règles que nous trouvons exprimées dans les Capitulaires.

On distinguait plusieurs catégories d'hommes inégalement astreints au service de guerre, non suivant leur race, mais suivant leur fortune.

La première classe se composait de ceux qui détenaient des bénéfices royaux ; ils étaient astreints, tous et sans nulle exception, au devoir de guerre à leurs frais[39]. Ces bénéfices sont ordinairement de grands domaines auxquels est attaché un personnel agricole assez nombreux. Les hommes les détiennent temporairement, le roi restant propriétaire. Il semblerait que cette concession royale étant une pure faveur, un devoir militaire plus rigoureux y fût attaché. La suite va nous montrer qu'il n'en est rien. Si les bénéficiaires doivent tous le service de guerre, ce n'est pas parce que le roi amis cette condition à sa concession : ils le doivent par cette seule raison qu'ils sont hommes libres et qu'ils occupent une terre assez étendue pour subvenir aux dépenses de l'expédition.

Après la classe des bénéficiaires, en effet, vient la classe des propriétaires. Il n'est pas besoin de posséder un domaine bien étendu pour être astreint au service. Tout homme qui possède en propre une terre de cinq manses doit aller à la guerre à ses frais[40]. Nous avons vu ailleurs que le manse, petite parcelle de la villa, est l'unité de culture. L'étendue du manse varie suivant la nature du terroir. Il est, en général, ce qu'une famille serve peut cultiver, et ce qui suffit à la nourriture de cette famille, déduction faite de la redevance due au propriétaire. Notre capitulaire ajoute : Il en sera de même du propriétaire de quatre manses, et même de celui qui n'a que trois manses[41]. Or on peut juger qu'un propriétaire de trois manses est en réalité un homme fort pauvre, puisqu'il n'a que les redevances relativement légères de trois familles serves.

Quant à celui qui ne possède que deux manses, la loi reconnaît qu'il est incapable de faire à lui seul le service de guerre. Elle prononce donc qu'il se réunira à un autre homme qui en possède un ou deux, et que, de ces deux hommes, l'un partira, l'autre fera les frais[42]. De la même façon, trois hommes, dont chacun ne possède qu'un manse, et qui peut-être cultivent eux-mêmes, s'associent : l'un d'eux part ; les deux autres lui fournissent ses armes et ses vivres[43]. Il en est même qui ne possèdent qu'un demi-manse ; ceux-là s'associent par six[44]. On peut calculer que la charge, même si partagée, ne laisse pas d'être fort lourde pour chacun, d'autant qu'elle se renouvelle presque chaque année et qu'elle dura presque toute la vie.

Un autre capitulaire adoucit quelque peu la rigueur de celui-ci en fixant à quatre manses le minimum de terre qui oblige au service complet ; encore ne compte-t-il que les manses vêtus, c'est-à-dire garnis du personnel agricole nécessaire à la culture[45]. Il est d'ailleurs indifférent que l'on possède ces quatre manses en propre ou que l'on n'en soit qu'un détenteur bénéficiaire[46]. Le service militaire est une charge inhérente à la possession de la terre[47].

Mais il y a des hommes qui ne possèdent aucune terre, qui ne sont ni propriétaires ni agriculteurs, mais qui sont commerçants ou artisans. La loi ne les oublie pas. Elle ajoute : Les hommes qui ne possèdent pas de terres, mais qui possèdent en biens meubles la valeur de vingt sous d'argent, doivent s'associer à six, de manière que l'un d'eux parte et que les cinq autres fassent les frais[48]. D'un autre capitulaire on peut déduire que l'homme qui possédait la valeur de six livres d'argent, soit en métaux précieux, soit en meubles, vêtements, chevaux, devait le service complet, personnellement et à ses frais, et qu'il suffisait de posséder en biens meubles la valeur d'une livre pour être astreint à la sixième partie de ce service[49]. Les commerçants et artisans quelque peu aisés n'étaient donc pas exempts[50]. Si l'on compte que la livre d'argent de l'année 807 avait à peu près la même valeur qu'auraient 560 francs d'aujourd'hui, on voit qu'il suffisait de posséder cette valeur en meubles pour être astreint, presque chaque année, sinon à Faire la guerre soi-même, du moins à fournir la cinquième partie des armes, vêtements, vivres, et de toutes les charges qui étaient comprises sous le nom de service de guerre[51].

Au-dessous ou à côté des hommes libres, directement sujets du roi, il existait des catégories d'hommes qui appartenaient aux évêques, aux abbés, ou à des seigneurs laïques. Ces hommes n'étaient pas exempts du service militaire[52]. Ce n'était pas qu'ils le dussent immédiatement au roi. Le roi ne les convoquait pas. Ils n'étaient pas enrôlés et conduits par le fonctionnaire royal. Mais, comme le principe était que chacun dût un service, de guerre proportionnel à sa fortune, il suivait de là que le seigneur propriétaire d'un ou plusieurs grands domaines, l'évêque possesseur de grands territoires, le riche abbé dont le monastère régnait sur des milliers de manses, devait fournil' pour la guérie un nombre de soldats en rapport avec cette fortune foncière. Il y a là des faits d'une grande importance [pour l'avenir]. Disons dès maintenant que, tout seigneur ecclésiastique ou laïque qui recevait du roi l'ordre de guerre, devait transmettre cet ordre à ses hommes, et les fournir au roi tout armés et équipés pour la campagne.

Par ces hommes, il est clair que nous ne devons pas entendre les serfs qui cultivent les manses. Il s'agit d'hommes libres, à tout le moins d'affranchis[53], mais d'hommes libres en vasselage et qui occupent quelque terre d'un évêque, d'un abbé ou d'un grand propriétaire[54]. C'est ce qu'explique bien ce capitulaire : Quiconque étant libre occupe quatre manses en bénéfice d'un seigneur, doit le service de guerre personnel et complet, et il doit marcher à la suite de son seigneur[55]. De même, ceux qui n'occupaient que deux ou qu'un manse devaient une part proportionnelle de ce service[56]. L'évêque et l'abbé faisaient la levée de leurs hommes, aussi bien que le comte faisait celle des sujets directs du roi[57]. L'ecclésiastique était dispensé de combattre en personne, mais il devait mettre quelqu'un à sa place à la tête de ses combattants[58]. Les abbesses étaient soumises exactement aux mêmes obligations que les abbés et les évêques.

Voici un ordre de guerre adressé par Charlemagne à un abbé[59]. Il s'agit de Fulrad, abbé du monastère de Saint-Quentin en Vermandois. Charles, sérénissime auguste, couronné de Dieu, grand et pacifique empereur et avec l'aide de Dieu roi des Francs, à l'abbé Fulrad. Nous te faisons savoir que nous avons fixé notre rendez-vous général pour la présente année en Saxe, dans la partie orientale, près de la rivière Boda, au lieu nommé Stassfurt[60]. En conséquence, nous t'ordonnons que tu te rendes en cet endroit en plein service avec tes hommes, bien armés et fournis de tout, et que tu t'y trouves le 14 des calendes de juillet (18 juin). Vous serez, toi et tes hommes, si bien garnis de toutes choses nécessaires, que vous puissiez aussitôt marcher en guerre du côté où vous recevrez l'ordre de marcher, c'est-à-dire que vous devrez avoir avec vous tout ce qu'il faudra en armes, vêtements, vivres, ustensiles et tous instruments[61]. Chaque cavalier aura l'écu, la lance, l'épée longue et l'épée courte, arc, carquois, flèches. Dans vos chariots, vous aurez des cognées, des haches, des pioches, des pelles en fer et tout ce qui est nécessaire à l'armée. Vos chariots devront porter des vivres pour trois mois, des vêtements et armes pour six mois, à compter du jour du rendez-vous à Stassfurt... Aie soin de n'apporter à tout cela aucune négligence, si tu veux mériter nos bonnes grâces.

Nous avons une lettre écrite à Frothaire, évêque de Toul, par son métropolitain de Trêves, pour lui transmettre l'ordre de Louis le Pieux. Sache que j'ai reçu de notre seigneur l'empereur un ordre qui ne souffre pas de désobéissance : c'est de faire savoir à tous les hommes de notre ressort que tous se préparent pour partir en guerre en Italie[62]. En conséquence, nous te mandons et ordonnons, au nom de l'empereur, que tu veilles avec grand soin à ce que tous abbés, abbesses, comtes, vassaux, et toute la population de ton diocèse qui doit le service de guerre se tiennent prêts à partir, si bien que, l'ordre du départ leur arrivant le soir, ils partent le lendemain matin, l'ordre arrivant le matin, ils partent le soir, sans nul retard, pour l'Italie.

Tel était le service militaire au temps des Carolingiens. Tous les hommes, à l'exception des serfs, y étaient astreints, et toute leur vie, chaque fois qu'il plaisait au roi de décider une guerre[63]. Chacun marchait sous les ordres du comte, s'il était, sujet direct du roi ; s'il était sujet d'un seigneur, d'un abbé ou d'un évêque, il marchait sous les ordres de ce seigneur ou du représentant de cet abbé ou de cet évêque[64].

* * *

Telles étaient les charges de la population. Il est nécessaire de s'en faire une idée pour comprendre la lassitude et la désaffection que les hommes ne tardèrent pas à éprouver pour ce régime. Il est utile aussi de remarquer qu'elles pesaient principalement sur la classe moyenne.des hommes libres et des propriétaires du sol. Le système d'impôts et le système militaire étaient également de nature à ruiner cette classe. Aussi arriva-t-il qu'elle disparut insensiblement : tous les hommes peu à peu la désertèrent, les uns pour tomber dans la catégorie des colons et des serfs, les autres pour s'élever au rang de vassaux des seigneurs. Pour échapper aux charges de la liberté, on renonça à la liberté et à la propriété même, et l'on se réfugia soit dans le servage, soit dans la féodalité.

 

 

 



[1] Baluze, Capitulaires, t. I, p. 547 et 622 [cf. Borétius, p. 294] ; t. II, p. 324. L'expression functio regalis est employée comme exactement synonyme, ibidem, t. I, p. 726. — Comparer les nombreux diplômes d'immunité où les mots functiones publicæ reviennent sans cesse.

[2] Annales Laurissenses minores, année 751. Annales de Fulde, année 751.

[3] Hincmar, Ad proceres pro institutione Carolomanni (De Ordine palatii), c. 30 et 35. Une lettre de l’évêque Frothaire (Bouquet, t. VI, p. 394) mentionne aussi les dona regalia qu'il allait envoyer au Palais impérial.

[4] Éginhard, Annales, année 829. — Annales de Saint-Bertin, année 832. — Chronique de Fontenelle, année 851. — Vita Ludovici ab Anonymo, c. 41 et 43.

[5] Continuateur de Frédégaire, c. 131.

[6] Lettres de Loup de Ferrières, n° 45 (Bouquet, VII, 492)

[7] [Borétius, p. 350.]

[8] Dom Bouquet, t. VI, p. 564.

[9] Diplôme, dans dom Bouquet, t. VI, p. 541 ; Flodoard, Historia Remensis ecclesiæ, II, 19, et III, 4. Ces dons furent payés au roi jusqu'au temps de Louis le Pieux.

[10] Sur l'inferenda, les principaux textes sont : le capitulaire de 829, ft. 15 [Krause, p. 17] ; les Gesta Dagoberti, c. 37, et les diplômes de 814 et de 842 dans dom Bouquet, t. VI, p. 460, et t. VIII, p. 435.

[11] 5e capitulaire de 812, art. 10 [Borétius, p. 177] ; 2e de 805, art. 20 [Borétius, p. 125]. Capitulaires, liv. III, c. 86 [Borétius, p. 434] ; liv. IV, c. 57 [Borétius, p. 442]. 4e capitulaire de 819, art. 2 [Borétius, p. 287]. Édit de Pistes de 864, art. 28 et 34 [Pertz, p. 495 et 497] ; capitulaire de 865, art. 8 [Pertz, p. 502]. Voir encore un diplôme de 820 (Bouquet, p. 525).

[12] Lehuërou, Institutions carolingiennes, p. 480.

[13] Capitulaire de 829, art. 15 [Krause, p. 17. Capitulaires, liv. V, c. 359.

[14] On leur donnait aussi une foule d'autres noms latins, pulveraticum, veraticum, portaticum, ripaticum, pontaticum, etc.

[15] Capitulaire de 755, art. 26 [Borétius, p. 52, art. 4] ; de 805, art. 13 [Borétius, p. 124] ; de 809, art. 8 [cf. Borétius, p. 149, art. 9j. — Miracles de Saint-Benoît, I, 19, p. 46 de l'édit de la Société de l'histoire de France. — Flodoard, Historia Remensis ecclesiæ, II, 18. — Diplômes de 775, de 800, de 822, de 840, de 855 ; dom Bouquet, V, 752 ; V, 704 ; VI, 532 ; VI, 634 ; VIII, 367 et 538.

[16] Capitulaire de 802, art. 27 [Borétius, p. 96] ; prœceptum pro Hispanis, année 815, [Borétius, p. 262, art. 5] ; capitulaire de 855, art. 4 [cf. Pertz, p. 434]. Cf. une lettre d'Agobard qui mentionne la tractoria stipendialis (Bouquet, VI, 364) ; voir aussi un grand nombre de diplômes accordant l'exemption des mansiones et des paratæ. — Cf. Guérard, Polyptyque de l'abbé Irminon, t. I, p. 804-812.

[17] 5e capitulaire de 819, art. 29 (Baluze, I, p. 619, Pertz, Leges, III, p. 218) [Borétius, p, 291].

[18] Dom Bouquet, t. V, p. 629.

[19] Capitulaire de 793, art. 20 (Baluze, I, 546) ; de 817, art. 8 [Borétius, p. 149, art. 9] ; de 821, art. 11 [Borétius, p. 301] ; de 855, art. 4 [cf. Pertz, p. 434]. — Cf. Moine de Saint-Gall, I, 30.

[20] Continuateur de Frédégaire, 124. — Chronique de Moissac, année 790.

[21] Ce sont ceux que les documents appellent satellites ou custodes. Vita Caroli, 19 et 22 ; Gesta abbatum Fontanellensium, c. 11, 12 et 15 ; Annales Fuldenses, année 866. Mais il n'y a pas d'indice que ces satellites eut été nombreux.

[22] Ainsi le Continuateur de Frédégaire, c. 129, parle de garnisons établies dans l'Aquitaine au moment de la conquête De même au moment de la conquête de la Saxe (Annales de Lorsch, année 776). — Eginhard, Annales, années 775, 785, 802 et 809 ; Vita Caroli, 9 ; Annales de Lorsch, années 774 et 788 ; l'Astronome, c. 13 et 8 ; Chronique de Moissac, année 803.

[23] Le terme milites se présente souvent, mais avec un autre sens, il signifie des serviteurs du roi, des hommes du Palais, Vita Benedicti, 41 ; voir Hincmar, De Ordine palatii, 27 ; Moine de Saint-Gall, I, 26 ; I, 30. De même on dit des serviteurs d'un comte, milites comitis ; en ce sens miles est déjà presque synonyme de vassus. Militares viri signifie les hommes de la cour, l'Astronome, 7, et Moine de Saint-Gall, I, 11. Quelquefois militaris ordo s'oppose à ordo ecclesiasticus, Agobard, II, 48. — Il n'est sans doute pas besoin d'ajouter que, dans une armée, milites se dit d'hommes actuellement soldats, mais l'idée d'une classe ou d'une caste de milites n’est exprimée nulle part.

[24] Capitulaire de 802, art. 7, p. 93 [Borétius].

[25] Capitulaire de 802, art. 7, p. 93 [Borétius].

[26] Capitulaire de 802, art. 34, p. 97 [Borétius].

[27] Capitulare Aquisgranense, incerti anni, Borétius, p. 171, Baluze, I, 506, art. 9.

[28] Præceptum pro Hispanis, année 815, Borétius, p. 261.

[29] Les mêmes dispositions sont renouvelées par Charles le Chauve en 844.

[30] Capitulaire de 805, art. 15, p. 125. — La Lex dicta Chamavorum parle aussi du service de garde, c. XXXVI, et du service de guerre dû par tout homme libre sur la réquisition du comte, c. XXXIV, XXXV, XXXVII.

[31] Capitulaire de 807, Borétius, p. 136, art. 2.

[32] Capitulaire de 742, art. 2, Borétius, p. 25. — Capitulaire de 769, art. 1 et 2, p. 45. — C'est la même raison qui leur fait interdire de porter des armes : capitulaire de 789, art. 68 (70), Baluze, 1,256, Borétius, p. 59. De même, capitulare episcoporum, 802, Baluze, 1, 560, Borétius, P- 107, art. 18. — Nous verrons plus loin que les prêtres, évêques, abbés, étaient astreints d'une certaine façon au service militaire. Un document dit même qu'ils en étaient accablés (capitulaire de 805 inséré dans la collection de Benoît Lévite, VI, 370, Baluze, I, 987).

[33] Capitulaire de 811, art. 8, Borétius, p. 167. De marca signifie à partir de la frontière.

[34] Capitulaire de 811.

[35] Capitulare Aquisgranense, Borétius, p. 171, art. 9.

[36] Capitulare Aquisgranense, Borétius, p. 171, art. 9. — Capitulaire de 805, art. 6, p. 123.

[37] Capitulaire de 811, art. 8, p. 167.

[38] Epistola Ludovici et Lotharii encyclica, dans Bouquet, VI, 343, [et dans Krause, p. 5], année 828.

[39] Capitulare de exercitu præparando, année 807, p. 134. — Nous pensons que ces beneficia, quoique le mot nostra ne soit pas exprimé, sont les bénéfices royaux.

[40] Capitulaire de 807, art. 2. — J'ajoute à ses frais ; cela ressort des articles suivants, et d'ailleurs cela est dit nettement dans le capitulaire de 808, art. 1. Præparare se signifie se fournir de vivres, d'armes, vêtements, chevaux pour l'expédition.

[41] Capitulaire de 807.

[42] Capitulaire de 807.

[43] Capitulaire de 807, art. 2.

[44] Capitulaire de 807, art. 2.

[45] Capitulare de exercitu promovendo, année 808, p. 137. — Cet adoucissement apporté au capitulaire de l’année précédente me paraît avoir été imposé à Charlemagne par la pauvreté croissante des petits propriétaires.

[46] Ibidem. Dans le premier cas, l'homme marche sous les ordres du comte ; dans le second, de son seigneur.

[47] De là cette expression d'un capitulaire de 825 dans Borétius, p. 329.

[48] Capitulaire de 807, art. 2, p. 135. — Baluze écrit quinque solidos (I, 458) ; c'est en effet ce que porte le ms. de Paris 9654, folio 20 ; mais le Vaticanus laisse le chiffre en blanc. Borétius fait justement observer que quinque doit être  une erreur du copiste. Le vrai chiffre peut se déduire du capitulaire de Thionville de 809, art. 19, dont nous parlons plus loin.

[49] Capitulaire de Thionville, année 809, art. 19, p. 125. Ce capitulaire règle les peines encourues par ceux qui manquent au service, militaire, suivant l'état de fortune de chacun ; on en peut donc déduire quelle était pour chacun l'étendue de ce service. Celui qui possède la valeur de six livres d'argent, payera l'amende complète, c'est-à-dire 60 solidi. Celui qui ne possède que la valeur de trois livres d'argent, payera la moitié de l'amende, 30 solidi. Celui qui ne possède qu'une livre payera seulement 5 sous, ce qui est une proportion moindre.

[50] Guérard, Prolégomènes du Polyptyque d'Irminon, p. 158, évalue la livre d'argent, valeur relative, à 565 francs d'aujourd'hui.

[51] Mêmes règles dans l'édit de Pistes, de 864, art. 26 et 27.

[52] Nous voyons dans une lettre d'Éginhard que ses hommes ont dû, en vertu d'un ordre du roi, faire la garde du littoral. Éginhard, Lettres, édit. Jaffé, n° 18, édit. Teulet, n° 22. — Une autre lettre, n' 57 de l'édit. Jaffé, n° 33 de l'édit. Teulet, fait encore une allusion fort claire au service que doivent les hommes d'Éginhard.

[53] Que les affranchis ou lites fussent astreints au service de guerre, c'est ce qui résulte d'une lettre de Louis le Pieux de 824. Il écrit à l'abbé de Corvey pour lui assurer une pleine immunité, et il lui dit que dorénavant ses comtes n'entreront plus sur les terres du monastère pour saisir les hommes libres ou lites et les forcer d'aller à la guerre, Bouquet, VI, 337. Cf. Traditiones Corbeienses, n° 10-4, p. 115, charte d'immunité.

[54] Capitulaire de 819, art. 27, p. 291.

[55] Capitulaire de 808, art. 1, p. 137.

[56] Capitulaire de 808.

[57] Capitulare Aquisgranense, anni incerti, p. 171, art. 9.

[58] Capitulaire de Pépin, année 744, Borétius, p. 29.

[59] Karoli ad Fulradum epistola, dans Jaffé, Liber Carolinus, p. 587, dans Borétius, n. 168.

[60] La Boda est un affluent de la Saale, qui se jette dans l'Elbe ; Stassfurt est voisin de Magdebourg. Tout cela est fort loin de Saint-Quentin.

[61] Le ton de la lettre semble indiquer que l’abbé doit se rendre en personne au rendez-vous ; mais il faut faire attention que cette lettre est une circulaire qui était faite aussi bien pour les seigneurs laïques que pour les ecclésiastiques. On pouvait d'ailleurs écrire à un abbé : Tu te rendras à l'armée, étant bien entendu qu'il pouvait se faire représenter.

[62] Frotharii seu ad Frotharium epistolæ, n° 25, Bouquet, VI, 395. — Hetti, archevêque de Trêves, écrit cette lettre, non à titre de métropolitain, mais à titre de missus ou legatus de l'empereur ; de là les mots omnibus qui in nostra legatione manere videntur. La date de la lettre est de 817.

[63] Il y avait quelques exemptions, non pas légales, mais a la discrétion des comtes ou des seigneurs, capitulaire de 819, art. 27, p. 291. — Voir encore capitulaire de 808, art. A, p. 137.

[64] Nous voyons dans une lettre d'Éginhard qu'un certain Gundhart, homme de l'abbé de Fulde, a reçu de son abbé l'ordre de se rendre l’armée ; il prie son abbé de l'exempter (édit. Jaffé, f 42). — On voit dans les Miracula S. Wandregisili un certain Sigenandus qui est miles monasterii Fontanellæ et qui fait la guerre en Saxe au temps de Charlemagne (Mabillon, Acta, II, 547).