[Après avoir étudié le gouvernement central, c'est-à-dire la royauté, le Palais, le conseil, les assemblées, il faut chercher comment cette royauté exerçait son action sur les populations, c'est-à-dire comment elle les administrait.] De ce que les Carolingiens n'avaient pas de capitale au sens propre du mot, et de ce que les rois et leur Palais se déplaçaient incessamment, il ne faudrait pas conclure que ces rois administrassent directement les populations. S'ils se déplaçaient, ce n'était pas pour se mettre en rapport avec les sujets, ce n'était pas pour les juger immédiatement ou percevoir leurs impôts. Quoique leur Palais fût ambulant, il n'en était pas moins un centre auquel tout convergeait. Leur gouvernement était un gouvernement centralisé, qui n'administrait les hommes que par une série d'intermédiaires et qui était représenté partout par des agents. 1° LES DIVISIONS ADMINISTRATIVES. Pour bien comprendre cette administration, il faut observer d'abord quel était le système de circonscriptions territoriales. Le vaste Empire de Charlemagne et de Louis le Pieux s'étendait depuis l'Ebre jusqu'à l'Oder. Cet ensemble, l'Italie mise à part, était désigné tout entier dans l'expression regnum Francorum[1]. Quoique le mot Francia eût un sens plus restreint, on le trouve quelquefois appliqué à la totalité de ces Etats[2]. On voit assez qu'aucune idée de race ne s'attache à ces expressions : elles ont une signification purement politique. Il y avait dans cet Empire des divisions de plusieurs
sortes. Et d'abord une division par grandes régions géographiques. Les hommes
continuaient à distinguer la Gaule et la Germanie. Ces deux mots continuent à
être fréquemment employés. On les trouve, non seulement dans la langue
ecclésiastique des Actes des conciles, mais aussi chez les annalistes[3]. Les deux
contrées ainsi désignées étaient séparées par le Rhin : L'empereur, dit un annaliste, passe le Rhin, et entre en Germanie[4]. Ainsi, cette
vieille division, que les invasions germaniques du Ve siècle n'avaient pas
effacée subsistait encore dans la pensée des hommes du IXe Seulement les deux
termes de Gaule et de Germanie n'étaient que des termes géographiques[5]. Le terme de Francia s'appliquait aussi parfois à la Gaule ; il s'opposait ainsi au terme Germanie, comme les Francs s'opposaient aux Germains[6]. Venait ensuite une autre division en régions qu'on peut appeler nationales. En Germanie on distinguait la Bavière, l'Alémanie, la Thuringe, la Saxe, la Frise, En Gaule on distinguait la France proprement dite, l'Aquitaine, la Burgondie, la Septimanie ou Gothie et la Provence[7] ; et dans la France proprement dite, on distinguait encore la Neustrie et l'Austrasie[8]. Toutes ces dénominations n'avaient pas précisément un caractère politique, et ce serait trop dire qu'elles fussent des signes de nationalité. Mais elles tenaient à des usages et à des traditions de trois siècles et elles restaient fortes dans les habitudes et dans la manière de penser des hommes. La Francia, dans ce sens plus restreint du mot, n'allait au sud que jusqu'à la Loire ; mais vers l'est elle allait jusqu'au Rhin[9]. Au-dessous de cette division en régions il existait une division en pagi. Elle datait de fort loin. Le pagus correspondait au territoire d'une civitas et surtout le ressort qui dépendait d'elle. L'expression est fréquente dans les textes carolingiens, dans les Chroniques, et même dans les actes privés. Le pagus, sans être précisément un ressort administratif et officiel, était la circonscription que les hommes connaissaient le plus et à laquelle l'habitude les attachait le plus[10]. Nous ne faisons que mentionner ici la division ecclésiastique. C'était l'ancienne division romaine. Les archevêchés et diocèses représentaient les anciennes provinciæ et civitates. Quelques légères modifications avaient élevé le nombre des archevêchés à 18, celui des évêchés à 127[11]. La vraie division officielle et administrative était la division en comtés, comitatus. Elle s'adaptait d'ailleurs, le plus souvent, à la division en pagi et en civitates. Les Carolingiens l'avaient trouvée établie, ils la conservèrent. La seule différence appréciable est que le mot comitatus, qui à l'époque mérovingienne désignait plutôt la fonction du comte, devint au VIIIe siècle un terme géographique et désigna un territoire qu'un comte administrait[12]. L'étendue du ressort appelé comté varia peu entre les Mérovingiens et les Carolingiens. Il faut remarquer que le comté fut une institution générale dans tout l'Empire de Charlemagne. L'Aquitaine était partagée en comtés comme la France proprement dite, la Frise et la Saxe comme la Bavière et l'Alémanie. Le duché, ducatus, n'était pas, comme le comté, une circonscription permanente et fixe[13]. Le terme ne prend celle signification qu'à la fin de la période carolingienne, et à peu près-à l'époque où les duchés deviennent héréditaires. Au VIIIe et au IXe siècle, le ducatus est plutôt un commandement que l'on confie momentanément à un personnage en le mettant au-dessus de plusieurs comtes pour l'intérêt ou le besoin du moment. Il ne faut pas se représenter l'État carolingien divisé en duchés qui se subdiviseraient eux-mêmes en comtés. Cette distribution régulière du territoire n'exista jamais[14]. Une circonscription qui est particulière à l'époque carolingienne, est la marche, marca. Ce ternie signifiait toute espèce de limite. Il se disait des frontières de l'Empire, et c'est ainsi que Charlemagne dit que tous les hommes doivent être prêts à défendre la frontière, marcam[15]. Par extension, le même terme fut appliqué aux provinces extrêmes de l'Empire, chacune étant considérée comme étant une frontière vis-à-vis -de l'étranger. Il y eut ainsi la marche d'Espagne[16], la marche de Bénévent, la marche de Frioul, la marche de Bretagne[17], la marche de Septimanie[18]. Sauf quelques duchés et quelques marches, la division normale et constante du royaume était la division en comtés. Nulle uniformité entre les comtés quant à l'étendue. L'un pouvait être fort grand, comme le comté d'Auvergne, l'autre fort petit comme [le comté de Senlis]. En général, chaque comté comprenait une ville de quelque importance et tout le territoire rural dont elle était le chef-lieu. Le nombre des comtés carolingiens, dans ce qui forme la France actuelle, était environ de [cent dix][19]. Le comté était lui-même partagé en subdivisions que l'on appelait des centènes, centenæ. Ce terme, qui dans l'époque précédente ne se rencontre que deux ou trois fois et avec quelque vague, devient fréquent à partir de Charlemagne et prend le sens précis de circonscription territoriale. Dans un capitulaire de 786, le roi dit que la liste des hommes qui auront prêté serment devra être dressée par centènes dans chaque comté[20]. Ce qui marque d'ailleurs que cette centène n'est pas un groupe de personnes, mais un territoire, c'est cet article d'un capitulaire de 818 : Dans les procès, les témoins devront être du comté où sont situés les biens en litige ; si pourtant l'objet en litige se trouve sur le confin de deux comtés, on pourra prendre des témoins dans la plus proche centène du comté voisin[21]. Nous lisons dans un capitulaire de 829 que le comte doit faire le recensement des hommes libres de son comté et qu'il doit le faire par centènes[22]. Rien ne prouve que cette division en centènes ait été instituée par Charlemagne ou par Pépin le Bref. Il est possible qu'elle se soit formée tout naturellement, par suite du besoin d'ordre public qu'éprouvèrent les populations, ou par suite de la nécessité que les comtes sentirent, de subdiviser eux-mêmes leurs ressorts. Il semble bien que les centènes s'étaient établies à peu près partout dans le siècle qui précéda Charlemagne. C'était Une division admise, non seulement dans les usages administratifs, mais dans les usages ordinaires des particuliers. Les Formules le prouvent. Quand on vend ou qu'on donne une terre, on ne manque guère d'en marquer la situation par l'indication du pagus et de la centena[23]. A côté des centènes nous trouvons assez souvent des vicairies, vicariæ. Plusieurs actes de vente et plusieurs formules marquent la situation du domaine par l'indication du pagus et de la vicaria. Ces formules montrent bien qu'il y avait plusieurs vicairies dans chaque comté[24]. Peut-être la vicairie correspondait-elle à la centène, les deux, termes étant synonymes. On trouve pourtant quelques chartes du IXe siècle où la vicairie semble comprendre plusieurs centènes[25]. Nous ne pensons pas d'ailleurs qu'il faille chercher en cette matière une uniformité parfaite. Comme les vicairies et les centènes n'avaient pas été établies par un acte de l'autorité souveraine, comme elles s'étaient établies ici ou là, sans calcul et sans système, il pouvait y avoir beaucoup de variété. Ce qui était centène ici pouvait être ailleurs vicairie, et les deux pouvaient quelquefois coexister dans un même comté. Rien de fixe non plus quant à l'étendue. La division en villages ou communes rurales n'existait pas : le village était chose de droit privé, non d'administration publique. 2° LES COMTES. À ce système de divisions administratives correspondait tout un réseau d'administrateurs. C'étaient les ducs, les chefs de marches ou marquis, les comtes, les vicaires et les centeniers[26]. Tous ces noms, sauf celui de marquis[27], étaient anciens. Cette administration n'a pas été créée par Charlemagne. Elle venait des Mérovingiens. Elle conserve aussi son ancien caractère jusqu'à la fin du règne de Charles le Chauve. Portons d'abord notre attention sur le comte, qui est le personnage le plus important de cette hiérarchie et comme le point fixe de ce système. Le sens propre et essentiel du mot comes est compagnon du prince. Comes est un titre officiel de la cour carolingienne. Il y avait des comtes attachés au Palais, comites palatini[28]. On pouvait être comes sans exercer de fonctions et sans posséder un comitatus. Éginhard écrit à un personnage qu'il qualifie de glorieux comte, sans ajouter le nom d'un comté[29]. Léon III dans une lettre à Charlemagne parle des glorieux comtes Helmengaud et Hunfrid ; ce ne sont pas des chefs de comté : ce sont des compagnons du prince, qu'il a chargés d'une mission auprès du pape[30]. Ces comtes qui résidaient aux côtés du prince[31] pouvaient être chargés de commandements militaires[32]. D'autres comtes résidaient dans les provinces[33], et la circonscription que chacun d'eux avait à régir s'appelait, de leur nom, un comté[34]. Ainsi le comte, comes, était par essence et en principe un compagnon du prince ; et le prince pouvait aussi bien le charger d'une fonction dans le Palais, d'une mission diplomatique, ou d'un commandement i militaire, que du gouvernement d'un comté. Les comtes sont l'entourage du roi rayonnant dans toutes les parties du territoire et remplissant toutes les missions dont le roi veut les charger. Le titre de comte n'est pas encore attaché à la naissance. Mais il n'est pas davantage attaché à la possession d'un territoire. Ce n'est pas le comté qui fait le comte. Le comte n'est pas, par son origine, un chef de pays, il est un compagnon du prince. Il n'a pas ses racines dans le pays, il les a dans le Palais. C'est du Palais qu'il est envoyé dans le comté. La plupart du temps, un comte est un homme qui a été élevé dès l'enfance dans le Palais. Il a été instruit dans l'école palatine. Il a fait ensuite une sorte d'apprentissage de quelques années auprès d'un grand. A l'âge de vingt ans il a obtenu un emploi, tel que tel ni d'échanson, celui de cubiculaire, ou il a été employé dans les bureaux. A l'occasion, il a fait une ou deux campagnes. Arrivé à. l'âge de vingt-huit ou trente ans, le roi le nomme comte et lui désigne un comté. Nul n'est comte que par la volonté du roi et en vertu d’une nomination royale[35]. Un écrivain du temps, Adrevald, donne du droit du roi un exemple frappant[36]. Il vint un moment où le personnel du Palais dont le roi tirait ses comtes vint à faire défaut. C'était après la conquête de l'Aquitaine et de la Lombardie. Le Palais avait été épuisé, vidé, pour fournir des comtes dans les nouvelles provinces[37]. Charlemagne dut chercher des fonctionnaires dans les classes les plus infimes du Palais. Il prit, dit Adrevald, jusqu'à des serfs de ses domaines, après les avoir préalablement affranchis[38]. Et l'écrivain cite des noms : tels étaient Rahon qu'il fit comte d'Orléans, Sturminius qu'il fit comte de Bourges, Bertmund qu'il mit à la tête de l'Auvergne[39]. Et il y en eut, d'autres qu'il nomma comme il voulut[40]. — Ainsi le roi choisissait ses comtes à son gré. Il n'était pas tenu de les prendre dans certaines catégories ou classes d'hommes. Nulle règle sur ce point ne s'imposait à lui. De même que le roi nommait les comtes, il les déplaçait à sa volonté et pouvait les révoquer. Le Moine de Saint-Gall remarque cette différence entre Charlemagne et ses successeurs : Ceux que Charlemagne avait destitués de leurs dignités, il ne les replaçait jamais[41] ; il fait ainsi allusion à l'habitude qu'avaient Louis le Pieux et Charles le Chauve de destituer souvent, mais de replacer ensuite les mêmes comtes sur une simple promesse de fidélité. Or cette remarque du Moine de Saint-Gall prouve bien que tous ces rois exerçaient le droit de révocation à l'égard des comtes. Nous en avons de nombreux exemples sous Charlemagne. Au moment de mourir, il recommanda à son fils de ne faire que de bons choix et ensuite de ne révoquer personne sans juste cause[42]. Il reconnaissait donc à son successeur le droit absolu de révocation, puisqu'il lui conseillait de n'en pas abuser. Il y a des exemples de comtes révoqués par Louis le Pieux ; Hugues et Matfrid le furent pour avoir mal conduit une expédition militaire[43] ; Bernard le fut pour avoir été soupçonné d'intrigues contre l'empereur[44]. Nous trouvons des révocations même sous Charles le Chauve, qui ne fut pas un roi aussi faible et aussi mou que la légende l'a représenté. A un certain Bernard il reprit toutes les dignités qu'il lui avait données et les conféra à Robert[45]. En 865, il reprocha à trois comtes, Adalhard, Hugues et Bérenger, de n'avoir pas défendu le pays contre les Normands ; il leur enleva leurs comtés et les donna à d'autres[46]. Deux ans plus tard, nous voyons le même prince destituer un comte de Bourges nommé Gérard, et même le destituer sans motif[47]. Il n'est donc pas douteux que, jusqu'à la fin du règne de Charles le Chauve, le comte, nommé par le roi, ne fût révocable par lui. Nul ne pensait qu'un comte fût inamovible. Encore moins pensait-on qu'un comté pût être héréditaire. Nous voyons souvent à cette époque qu'un fils est comte comme son père l'avait été. Les mêmes familles se perpétuaient dans le Palais au service du roi, et comme le fils suivait la même carrière que le père, il arrivait aux mêmes dignités. Mais ce que nous ne voyons pas, c'est que le fils fût comte dans le même comté où son père l'avait été[48]. Les comtés n'étaient donc héréditaires ni en droit ni en fait. Quand Robert le Fort eut été tué en 866, son fils n'hérita pas des pays qu'il avait gouvernés[49]. Le fils de Ramnulf ne lui succéda pas dans le comté de Poitiers[50]. Les comtes étaient donc dans la dépendance du roi. Ils n'étaient comtes que par lui et ne l'étaient qu'aussi longtemps qu'il le voulait. Ils étaient ses agents, figurant au premier rang parmi ceux qu'il appelait ses mentes. La langue du temps les nommait aussi ses serviteurs, ministri regis, ou les serviteurs de l'État, ministri reipublicæ. Hincmar les appelle les collaborateurs de l'office royal, cooperatores regii ministerii[51]. Un comté n'est pas une propriété, c'est un office et un emploi, ministerium. C'est en même temps une dignité, honor ; mais cet honneur, émanation du pouvoir royal, n'est ni héréditaire, ni viager, ni indépendant. Cet honneur n'est pas une propriété et n'est pas même un fief ; il n'est qu'une délégation[52]. Les attributions du comte étaient fort diverses. En premier lieu, il était ce que notre langue moderne appelle un agent de transmission. C'était par lui que le prince transmettait ses volontés aux sujets. Aussi les diplômes royaux étaient-ils adressés d'ordinaire, non à la population, mais au comte et. aux autres agents[53]. Quand le roi faisait un acte législatif, il en envoyait le texte à chaque comte pour que celui-ci le promulguât en réunissant les hommes dans chaque district de son ressort[54]. Plus souvent encore, comme les comtes se rendaient chaque année au Palais, ils prenaient au moment de retourner dans leurs comtés le texte des nouveaux actes législatifs et devaient les faire connaître à leurs administrés[55]. De même, c'était le comte qui faisait prêter le serment au roi, et il dressait la liste de tous ceux qui l'avaient prêté. En second lieu, c'était le comte qui était chargé de l'exécution des lois et de tous les ordres du souverain[56]. Il avait aussi le soin de l'ordre public, pax, toute la police locale contre les malfaiteurs, et le soin de la garde du pays contre toute révolte et même contre toute attaque extérieure. En troisième lieu, le comte faisait dans son comté tout ce que le roi y eût fait s'il eût été présent. Comme il était un délégué du roi, il exerçait tous les droits royaux. Nous verrons plus loin que sa fonction la plus ordinaire était de juger les crimes ou les procès[57]. Comme le roi possédait encore quelques impôts, c'était le comte qui les percevait en son nom ou qui veillait à leur perception. Comme le roi exigeait des sujets le service militaire, c'était le comte qui faisait les levées de soldats. Mais il ne les faisait que sur un ordre du roi[58]. D'ordinaire c'était lui-même qui conduisait sa troupe contre l'ennemi. L'une de ses attributions était de diriger les travaux publics, d'entretenir les routes, de réparer les ponts et les écluses[59]. Dans l'exercice de ces attributions, le comte ne rencontrait auprès de lui aucun pouvoir qui contrôlât le sien. Il n'existait pas d'assemblées provinciales. On chercherait en vain dans les nombreux documents de cette époque la mention ou le plus léger indice d'assemblées de cette nature. Les capitulaires de Charlemagne et de son fils parlent fréquemment d'abus et d'excès de pouvoir qui sont commis par les comtes et de réclamations qui se produisent contre eux. Ces excès de pouvoir et la manière même dont ces réclamations se produisent, démontrent qu'il n'existe dans l'intérieur du comté aucun contrôle légal, aucune assemblée en face du comte. Le comte est dans son comté un souverain absolu. Mais il n'est ce souverain absolu qu'au nom du roi. Il tient de lui tout son pouvoir. Il reçoit les instructions du roi, les exécute, et lui rend compte de la manière dont il les exécute. Le Recueil des Capitulaires jusqu'à la.fin du règne de Charles le Chauve est rempli des ordres que le prince adresse à ces agents. Si l'un de vous, écrit un jour Charlemagne, est négligent à exécuter ce que je prescris et s'écarte de mon capitulaire, qu'il sache qu'il sera appelé en notre présence pour rendre compte de sa conduite[60]. Voici comment leur parle Louis le Pieux : Quant à vous, comtes, nous vous disons et vous avertissons qu'il appartient à votre office de maintenir L'ordre public et la justice dans votre ressort, et que, tous les ordres que notre autorité vous adresse, vous devez mettre votre zèle à les exécuter. Nous avertissons donc Votre Fidélité de garder bonne mémoire dé la foi que vous nous avez promise ; nous vous avons confié une partie de notre propre office, montrez-vous nos vrais collaborateurs[61]. Il n'est pas jusqu'à Charles le Chauve qui, jusqu'à la fin, ne considère les comtes comme ses délégués et ne leur envoie ses ordres. Si quelque comte, dit-il, néglige d'exécuter les présentes instructions, nos missi nous le feront savoir, afin qu'il soit puni suivant ce qu'ordonnent les capitulaires de nos prédécesseurs[62]. — Que nos comtes, dit-il encore, sachent bien que nous prenons des mesures pour savoir s'ils remplissent nos ordres avec zèle ; quiconque d'entre eux sera convaincu de négligence, nous le ferons venir devant nous, et il faudra qu'il nous dise si c'est par mauvais vouloir ou par impossibilité que nos ordres n'ont pas été remplis ; et si c'est par son mauvais vouloir, nous saurons bien trouver un autre homme qui en son lieu et place exécutera mieux nos volontés[63]. Jusqu'en 877 et pour ainsi dire jusqu'à son dernier jour, Charles le Chauve parle à ses comtes comme un maître à ses agents[64]. Une chose enfin caractérise les comtes de toute cette époque. Ils sont astreints, au moins une fois chaque année, à une époque indiquée d'avance, à se rendre auprès du roi. Partis du Palais, ils y reviennent tous les ans. Ils y demeurent plusieurs semaines, rendant leurs comptes au roi en personne ou à ses ministres, recevant de nouvelles instructions, donnant aussi leur, avis sur les affaires de leur comté ou du royaume. Ainsi, non seulement on exige d'eux que dans leurs comtés ils soient en correspondance incessante avec le pouvoir supérieur, non seulement on fait surveiller leur conduite par des missi, mais on exige encore, à un certain moment de l'année, leur présence personnelle dans le Palais. Ils sont régulièrement en contact avec le souverain. Le Palais est leur centré et comme leur point fixe. Mais à côté de ces faits et de ces usages il en est d'autres qu'il faut observer, et qui ont pu avoir quelque influence sur la suite des institutions. Ces comtes, si dépendants du roi, ne recevaient pas de lui un traitement. La règle de payer les fonctionnaires avec le trésor public avait disparu depuis les Romains. Cherchons quels étaient les bénéfices du comte et l'équivalent d'un traitement. En premier lieu, il percevait à son profit le tiers du produit des amendes judiciaires. Cette règle est énoncée dans un capitulaire de 793. Pour la part des compositions qui revient au roi, si c'est lé comte qui a fait l'enquête et jugé la cause, il en a un tiers, et le roi les deux tiers[65]. Il semble aussi que le comte ait perçu un droit d'expédition sur les actes de jugement[66]. Comme il représentait le roi, il exerçait à son profit personnel tous les droits du roi, et nous ne devons pas douter qu'il ne se soit emparé notamment du droit de gîte[67]. Un capitulaire de Louis le Pieux marque même que beaucoup de comtes en abusaient pour exiger des fournitures de vivres et de chevaux[68]. Mais le principal avantagé du comte est que des terres sont attachées à sa fonction et qu'il en perçoit tous les revenus. Les terres fiscales étaient nombreuses dans chaque comté. Il en était fait trois, parts. Les unes demeuraient exploitées au profit du roi[69]. D'autres étaient données en bénéfice à des vassaux royaux[70]. Les autres enfin étaient à la disposition du comte[71]. Il était le maître, non seulement des revenus, mais de tous les hommes qui habitaient ces terres. Ce n'est pas la même chose pour un fonctionnaire public de recevoir de son gouvernement un traitement fixe ou de percevoir lui-même une partie des profits de ce gouvernement. Dans le premier cas, sa dépendance se marque dans l'acte même qui le rémunère. Dans le second, il paraît échapper à cette dépendance. Les terres dont il jouit semblent à lui. Quand il prélève le droit de gîte, il agit comme s'il était le souverain. Dans les amendes qu'il perçoit, ni les autres hommes ni lui-même ne distinguent très nettement qu'une part représente ses honoraires. En théorie, il est rétribué par le roi ; dans la réalité apparente, c'est lui qui porte de l'argent au roi. Ce mode de rétribution avait pour effet visible que les comtés semblaient être mis en ferme. Sans doute cela était fort loin de la pensée de Charlemagne ; mais les institutions ne sont pas toujours exactement ce qu'on croit qu'elles sont. Au point de vue de ses intérêts les plus personnels, le comte était une sorte de fermier gérant un comté pour le roi et pour lui. De là à être un feudataire il n'y avait pas très loin. 3° VICAIRES, CENTENIERS, DIZAINIERS. Le comte, qui avait des fonctions multiples et un ressort étendu, avait au-dessous de lui toute une hiérarchie d'autres agents et d'autres fonctionnaires. Les documents du IXe siècle les appellent des termes généraux de judices ou agentes publici[72]. Ils continuaient à représenter, au-dessous du comte, l'autorité publique, c'est-à-dire l'autorité du roi. Les premiers parmi eux étaient les vicaires et centeniers. Il est difficile de dire si ces deux termes désignent deux catégories de fonctionnaires. Plusieurs textes établissent entre eux une entière similitude. Tantôt ils sont employés ensemble comme synonymes[73]. Tantôt ils sont employés séparément, mais dans des cas tout à t'ait analogues, comme s'ils pouvaient être pris l'un pour l'autre[74]. Sans rien affirmer, parce qu'il n'y avait pas de règles absolues, il semble que le plus souvent les vicaires et les centeniers aient été des fonctionnaires de même ordre. Peut-être les appelait-on ici vicaires, là centeniers. Peut-être même, en quelques endroits, portaient-ils à la fois les deux noms, le terme de centenier indiquant le ressort de leur action, et le terme de vicaire indiquant la nature essentielle de cette action, qui était de tenir la place du comte[75]. Ce que l'on peut constater tout d'abord, c'est qu'il y avait habituellement plusieurs vicaires dans chaque comté[76]. Ce que l'on constate ensuite, c'est que ces vicaires ne résidaient pas auprès du comte comme une sorte de conseil. Chacun d'eux avait sa circonscription à administrer. Le ressort du comte étant le territoire d'une évitas, ce ressort se partageait en districts analogues à nos cantons, et dans chacun d'eux résidait le vicaire ou centenier[77]. Le vicomte, vicecomes, ne doit pas être confondu avec les vicaires. Il n'y avait dans chaque comté, le plus habituellement, qu'un seul vicomte[78]. Il n'avait pas de ressort spécial. Il résidait d'ordinaire auprès du comte et en cas d'absence il tenait sa place[79]. Quand le comte se rendait à la guerre ou au Palais, ou s'il était retenu par quelque fonction importante[80], il laissait son vicomte dans le comté. Même en temps ordinaire il se déchargeait sur lui du soin de juger les petites affaires[81] ou il le déléguait pour remplir telle ou telle mission dans le comté ou hors du comté[82]. Au-dessous des vicaires et centeniers, il existait encore d'autres agents de l'État. On les appelait des dizainiers, decani[83]. Chacun d'eux avait sa petite circonscription. Il ne faut pas que ces termes de centeniers et de dizainiers nous fassent supposer une division numériquement exacte par cent familles ou par dix familles. Rien de si régulier n'exista à cette époque. Ces mots n'étaient que des expressions de convention et contenaient l'idée de territoire, non celle de nombre. Rien n'assure non plus que chaque centène ait toujours contenu dix dizaines. Le centenier était le chef d'un canton assez grand. Au-dessous de lui quelques dizainiers administraient des districts plus petits, formés d'un gros bourg et de quelques villages[84]. Dans le village lui-même il n'existait pas de représentant de l'autorité publique, par ce motif que le village d'alors était le plus souvent un domaine privé ; il n'obéissait donc qu'à son propriétaire ou à l'agent de ce propriétaire. Au-dessous du decanus lui-même il existait un personnel d'agents. Un écrivain contemporain de Louis le Pieux les nomme. Ils n'ont jamais eu assez d'importance pour figurer dans les actes officiels[85]. Ces vicomtes, vicaires, centeniers, dizainiers n'avaient pas chacun une attribution distincte et précise ; ils avaient toutes les attributions du comte, mais dans un ressort plus petit. Chacun d'eux était à la fois un administrateur, un juge, un chef de police[86], et au besoin un chef de soldats. Leurs fonctions judiciaires sont celles qui sont le plus souvent mentionnées dans les documents[87]. On y voit que les tribunaux ou mail des cantons sont tenus par eux, et que le tribunal procède, comme s'il était présidé par le comte. On y reconnaît qu'ils jugent les procès civils aussi bien que les procès criminels. Seulement il faut observer que les causes les plus importantes leur échappent. Ils ne peuvent connaître, au civil, des questions de propriété foncière ou des questions d'Etat ; au criminel, ils ne. jugent ni le meurtre, ni l'incendie[88]. On aperçoit déjà ici la distinction entre haute et moyenne justice qu'on retrouvera dans tout le moyen âge. Cette liste d'agents royaux de tout ordre que nous venons de dresser laisse bien voir que le personnel administratif était plus nombreux à l'époque carolingienne qu'il n'avait été à aucune des époques précédentes, et que cette hiérarchie de fonctionnaires royaux pénétrait fort avant dans la population. Il est assez curieux que ce développement du réseau de fonctionnaires se soit justement opéré à la veille du jour où le régime féodal allait l'emporter. En étudiant de près ce même système administratif, nous y remarquons quelques règles ou quelques rouages qui expliquent en partie le triomphe de la féodalité et qui y ont au moins contribué. Une première chose nous frappe à la lecture des documents : c'est que, dans l'intérieur de chaque comté, la longue hiérarchie des agents inférieurs semble dépendre du comte plus que du roi. Il est bien vrai que dans les actes officiels le roi les compte tous comme ses agents, comitibus, vicariis, centenariis et reliquis agentibus nostris. Il les fait entrer dans l'énumération des ministri reipublicæ[89]. Leurs offices sont, sans nul doute, des offices royaux[90]. Cependant ils parlent d'eux presque toujours comme s'ils étaient, non leurs serviteurs, mais les serviteurs des comtes. Ces hommes sont les subordonnés du comte, juniores comitis, les agents du comte, ministri comitis[91]. Ils n'apparaissent pas comme vicaires ou centeniers du roi, mais comme vicaires ou centeniers du comte[92]. C'est le comte qui leur donne des ordres, et les instructions royales ne leur parviennent que par lui[93]. Ils ne sont les agents du roi que médiatement[94]. Ce qui rendait cette situation plus sensible encore, c'esl qu'il existait à côté d'eux d'autres hommes qui avaient les mêmes titres de vicaires, de vidâmes, de centeniers, et qui étaient les agents des évêques ou des abbés à titre privé[95]. Il ne semble pas que dans la pratique on distinguât beaucoup les uns des autres. Les hommes voyaient dans les uns des agents du comte, comme dans les autres des agents de l'évêque. Le caractère de représentants de l'autorité publique s'effaçait chez tous ces fonctionnaires inférieurs. Nous possédons la formule d'une lettre écrite par le comte
à un vicaire, et nous y pouvons voir de quel ton le supérieur parlait à
l'inférieur[96].
Sache que nous te mandons qu'au sujet de l'office
que nous t'avons confié tu apportes un grand zèle et beaucoup d'attention...
Pour les procès qui viennent devant toi de ton
ressort fais l'enquête et juge comme je ferais moi-même, sans que rien te
trouble ou t'arrête, et n'accepte pas de présents. Fais attention à
n'apporter aucune négligence et montre du zèle si tu veux avoir nos bonnes
grâces[97].
C'est le langage d'un maître qui tient l'inférieur à sa discrétion On voudrait savoir avec une pleine certitude par qui ces centeniers et dizainiers étaient nommés. Quelques érudits modernes, préoccupés par la pensée que les libertés populaires avaient dû être très fortes à cette époque, ont soutenu qu'ils avaient été élus par la population. Il leur a semblé que le centenier avait dû être nommé par l'assemblée des hommes libres de la centène, le dizainier par celle de la dizaine. Cependant les documents ne font aucune mention d'assemblées de cette sorte. S'ils signalent des assemblées générales, ils ne fournissent aucun indice d'assemblées locales. Les Capitulaires, qui réglementent toutes choses, ne contiennent aucun règlement sur de telles assemblées, ne donnent aux missi aucune instruction qui les concerne, ne font aucune allusion à leur convocation ni aux droits qu'elles exerceraient. L'opinion que nous avons devant nous s'appuie uniquement sur deux textes légèrement observés. Le premier est une phrase où Charlemagne dit que là où il se trouvera des vidâmes, vicaires ou centeniers qui soient mauvais, ils devront être destitués et l'on en devra choisir de meilleurs[98]. Parce que Charlemagne emploie dans cette phrase le mot eligantur, on en conclut tout de suite qu'il s'agit d'une élection par un peuple assemblé. Mais on ne fait pas attention que le mot eligere n'a jamais signifié élire. Que l'on prenne le latin classique, on ne lui trouvera pas ce sens. Quand Cicéron emploie eligere, il veut parler d'un choix, non d'une élection[99] ; et quand il veut parler d'une élection, il emploie de tout autres termes. Il en est de même dans la langue du moyen âge. Aucun terme n'est plus fréquent que eligere ; mais observez-en l'emploi, et vous reconnaîtrez que les hommes ne mettaient pas dans ce mot l'idée que nous attachons aujourd'hui à notre mot élire ou à notre mot élection[100]. Maintes fois nous lisons qu'un évêque nomme un archidiacre ou un archiprêtre, eligit. L'évêque lui-même est nommé par le roi, a rege electus[101]. Un homme préfère-t-il la vie monacale au siècle, eligit monachus fieri ; cette expression est dans presque toutes les Vies des saints[102]. Charlemagne lui-même l'emploie vingt fois dans des cas où il est visible qu'aucune élection n'a lieu[103], par exemple lorsqu'il dit que dans un procès l'accusateur doit choisir ses témoins, testes eligere[104]. Il l'emploie pour désigner une nomination qui est faite par un seul homme, par un supérieur. Il l'emploie quand ce sont ses missi eux-mêmes qui choisissent et qui nomment[105]. Or il se trouve que ce même article où Charlemagne dit que les mauvais centeniers doivent être destitués, et de meilleurs doivent être choisis à leur place, fait partie d'une instruction adressée, non au peuple, mais à ses missi[106]. Le second texte qu'on allègue est un article d'un capitulaire de 809, dans lequel se trouve aussi le mot eligere[107]. Mais on n'a pas remarqué qu'il s'agit ici de vidâmes, de prévôts, de advocati ou avoués, c'est-à-dire de fonctionnaires des évêques ou abbés, et non pas de ces fonctionnaires royaux qu'on appelait vicaires, centeniers ou dizainiers[108]. Cet article, écrit en 809, ne fait que reproduire un article semblable écrit en 802 par lequel Charlemagne avait prescrit que les évêques, abbés et abbesses choisissent des vidâmes, avoués et centeniers qui eussent la connaissance des lois et l'amour de la justice[109]. Lors donc qu'il emploie ici le mot eligantur, il ne se peut pas qu'il songe à une élection populaire ; car nous savons bien que dans les domaines de l'Eglise où les hommes obéissaient à titre privé, il n'y avait aucune espèce d'élection populaire, et que ces vidâmes, avoués ou prévôts étaient choisis par l'évêque, par l'abbé, ou par l'abbesse. Le capitulaire de Charlemagne ne modifie nullement ce mode de nomination. Il recommande aux dignitaires ecclésiastiques de ne faire que de bons choix. Il ajoute cette précaution que la nomination que fera l'évêque, l'abbé ou l'abbesse devra être faite en présence du comte et en public, cum comite et populo[110]. Mais il ne veut nullement dire que ces vidâmes et prévôts soient élus par le comte et par le peuple, ce qui n'aurait aucun sens[111]. De même quand Hincmar dit des conseillers de Charlemagne eligebantur[112], il n'entend pas dire qu'ils fussent élus par le peuple : ils étaient choisis par l'empereur. On peut être assuré qu'il n'y a pas un seul texte du VIIIe ou du IXe siècle d'où il résulte que les vicaires, centeniers, dizainiers fussent des magistrats électifs. S'ils l'eussent été, les rois ne les appelleraient pas nos agents ou les agents des comtes[113]. S'ils l'eussent été, les Capitulaires mentionneraient dès assemblées locales. Ils s'occupent d'objets beaucoup moins important que ne le serait la tenue de ces réunions ou les abus qui s'y devaient produire. Mais, s'il est inadmissible que les vicaires et centeniers fussent élus par le peuple, on ne voit pas davantage qu'ils fussent nommés par le roi. Outre que les écrivains et les Formules ne fournissent pas un seul exemple d'un roi nommant un centenier, les capitulaires que nous venons de citer impliquent que ces fonctionnaires n'avaient pas été choisis par le roi. Leur nomination appartenait au comte. Cette vérité ressort
de plusieurs documents. Quand le comte écrit à son vicaire, il lui rappelle
que c'est lui-même qui lui a confié son office[114]. Dans un
concile de 815, les évêques recommandent aux comtes, non seulement d'être
justes eux-mêmes, mais encore de n'avoir pour
agents, c'est-à-dire pour vicaires et centeniers, que des hommes qui soient
justes aussi. C'est une recommandation qu'ils ne feraient pas aux
comtes si les comtes n'avaient choisi eux-mêmes leurs agents[115]. En S58,
Hincmar, au nom de plusieurs évêques, écrit à un roi : Établissez des comtes et des fonctionnaires publics qui ne
recherchent pas les présents et n'oppriment pas leurs administrés. Que ces
comtes à leur tour établissent des agents qui aiment la justice et qui suivent
leur propre exemple[116]. On voit ici
bien clairement que le choix des fonctionnaires inférieurs appartient au
comte, comme celui des comtes appartient au roi[117]. Nous pouvons donc considérer comme certain que les vicomtes, vicaires, centeniers, dizainiers, n'étaient ni élus par le peuple ni choisis par le roi. Ils étaient nommés par le comte. Non qu'ils ne fussent, en théorie, de vrais agents royaux. Il n'est même pas douteux que le i*oi n'ait eu le droit de les nommer. Mais il s'était déchargé de ce soin sans penser aux conséquences, ou bien les comtes avaient aisément usurpé cette prérogative. On s'explique alors les instructions données par Charlemagne à ses missi en 805 et en 809. Comme il a pleinement le droit de surveiller tous ces agents, il veut que ses missi s'assurent de leur capacité et de leur conduite. Là où ils seront, trouvés insuffisants et mauvais, nous voulons qu'ils soient destitués, tollantur, et que de meilleurs soient choisis à leur place, eligantur[118]. Destitués par qui ? Par le missus, visiblement. Choisis par qui ? Probablement encore par ce même missus ; et c'est ce qui est exprimé formellement dans deux manuscrits : Que de meilleurs soient mis à leur place par nos missi[119]. On se tromperait si l'on concluait delà que la nomination des centeniers appartînt normalement au missus royal. Elle ne lui appartenait que par exception. De même qu'il avait le pouvoir de redresser tous les actes des comtes, il pouvait aussi destituer un agent nommé par eux, et, s'ils ne consentaient à en choisir un meilleur, faire lui-même ce choix. La règle ordinaire était que, le comte étant seul' nommé par le roi, tous les fonctionnaires inférieurs du comté fussent nommés par le comte. Il paraît même que le comte avait le droit de les révoquer. Lorsqu'il écrit à son vicaire : Remplis avec zèle l'office que nous t'avons confié.... et prends garde d'y apporter quelque négligence si tu veux avoir nos bonnes grâces, il semble bien qu'il y ait dans ce langage une menace de révocation. Le comte était donc un maître à l'égard de tous les autres fonctionnaires publics. Cette omnipotence n'était limitée que par l'inspection annuelle du missus royal. Mais, qu'il vienne un jour où cette institution des missi disparaisse ou s'affaiblisse, le comte sera visiblement un maître absolu dans son comté. Il n'a pas d'assemblée locale qui contrôle ses actes. Il n'existe rien qui ressemble au conseil provincial de l'Empire romain, rien qui ressemble au conseil général d'aujourd'hui, L'autorité du comte, qui n'est pas limitée légalement par des assemblées locales, n'est même pas affaiblie dans la pratique par la présence d'agents inférieurs qui soient nommés directement par l'Etat. Tout, populations et fonctionnaires, dépend de lui seul et est à sa discrétion. Il dépend du roi, mais dans son comté il est un roi. Nous retiendrons ces faits pour nos études à venir Il suffira, en effet, que le lien qui attache ce comte au roi soit rompu ou soit seulement relâché pour que ce comte devienne un feudataire indépendant sans que rien soit changé dans son comté. Ce n'est ni la population locale ni la série des fonctionnaires qui lui fera obstacle. * * * Ainsi, l'administration carolingienne, toute monarchique qu'elle est, renferme pourtant des germes qui contribueront à former le régime féodal. La hiérarchie des ducs, comtes, vicomtes, vicaires, centeniers et dizainiers se retrouvera dans ce régime. Quelques-uns de ces noms, à la vérité, disparaîtront, comme trop humbles, mais on aura des ducs, des comtes, des vicomtes, des châtelains, des barons. A cette hiérarchie correspondra toute une échelle de fiefs et d'arrière-fiefs. Ceux qui ont dit que la féodalité était une armée qui était venue s'établir sur le pays et qui s'était découpé le territoire en conservant ses généraux, ses colonels, ses capitaines et ses soldats, ont exprimé une hypothèse, c'est-à-dire une pure idée de l'esprit, qui n'a jamais eu aucune réalité. La hiérarchie féodale n'est pas autre chose, à quelques nuances près, que la hiérarchie administrative de Charlemagne. Sous Charlemagne elle obéissait ; plus tard elle a cessé d'obéir, et le système féodal s'est constitué. La hiérarchie administrative a été la charpente et comme l'ossature de ce système. |
[1] Charlemagne s'intitule rex Francorum et Langobardorum. Le titre de rex Langobardorum ne s'applique qu'à l'Italie ; le titre de rex Francorum s'applique à tout le reste. Charlemagne ne se qualifie pas roi des Saxons ni roi des Espagnols ; l'expression rex Francorum enveloppe tout cela.
[2] C'est ainsi que Nithard emploie le mot Francia dans cette phrase (II, 10) : Ludhovicus et Karolus Lothario mandaverunt ut... universam Franciam æqua lance dividerent. — L'Italie était toujours exceptée. — De même le Moine de Saint-Gall déclare qu'il appelle Francia tout ce qui n'est pas l'Italie (I, 10).
[3] Annales de Lorsch, année 794. Ibidem, année 801, Bouquet, V, 55. Ibidem, année 809. Éginhard, Annales, années 809 et 817. L'Astronome, 29. Annales de Saint-Bertin, année 839. Loup de Ferrières, Epistolæ, 41 (Bouquet, VI, 404). Miracula S. Wandregisili, 2. Annales de Metz, année 803. Adonis Chronicon, année 801. — Annales de Saint-Bertin, année 864, p. 159. — Adrevald, Miracula S. Benedicti, 27.
[4] Annales de Saint-Bertin, année 840. — Annales de Lorsch, année 801. — Bouquet, V, 405.
[5] Noter que les deux mots sont rarement employés dans les Capitulaires.
[6] Dans l'Astronome, 45 : Les ennemis de Louis voulaient que l'assemblée se tînt dans la Francia ; mais Louis réussit à la convoquer dans la Germanie. Nimègue n'était pas dans la Francia. Plus loin l'écrivain dit : Omnis Germania Neumagum confluxit. Ibidem, 49. — De même on distinguait les Franci des Germani. L'Astronome, c. 20 ; c. 45. Vita Hiltrudis, 1 (Bouquet, V, 442). — En ce sens, Franci était synonyme de Galli, Francia de Gallia ; voir un long passage du Moine d'Angoulême, à l'année 787, Bouquet, V, 185, où les mots Galli et Franci sont plusieurs fois employés comme synonymes, s'opposant l'un et l'autre aux Italiens. De même, Moine de Saint-Gall, II, 1. — Toutefois, dans un certain usage, le terme Francia s'appliquait aussi à la partie occidentale de la Germanie, c'est-à-dire à la partie de la Germanie qui avait été soumise la première à l'État franc. Vita Caroli, 13, p. 48 ; et 18, p. 60 ; Éginhard, Annales, année 825, et Annales de Fulde, années 838 et 851. Cf. Bouquet, VI, 531 d.
[7] Voir sur ce point la divisio imperii de 806 (Borétius, p. 127). Charlemagne, qui partage ses États, les énumère tous. Il cite à l'article 1 l'Aquitaine, la Vasconie, l'Espagne, une portion de la Burgondie, la Provence, la Septimanie ou Gothie ; aux art. 2 et 3, la Bavière, l'Alamanie, la Thuringe, la Saxe, la Frise ; entre les deux groupes, à l'article 5, la Francia. — Notez encore cette phrase d'un capitulaire de 817, Borétius, p. 272 : Redores ecclesiarum de Francia talem potestatem habeant rerum ad illas pertinentium, sive in Aquitania sive in Italia sive in aliis regionibus ac provintiis huic imperio subjectis. — Les Annales de Saint-Bertin, année 858, p. 96, distinguent très bien l'Aquitaine, la Neustrie, la Burgondie. — L'Astronome, 49.
[8] Capitulaire de 806, art. 3. Diplôme de 782, Bouquet, V, 747. Annales de Lorsch, année 779. Tardif, n° 81. Éginhard, Lettres, 63 [25, Jaffé]. Diplôme de 817, Bouquet, VI, 50 ; cf. VI, 649. — On trouve aussi l'expression in Ripuaria (Éginhard, Annales, année 782). Un capitulaire de 835 cite aussi un pays appelé Ripuarius, mais qui paraît n'être qu'un simple pagus (Baluze, I, 690).
[9] Cela résulte du capitulaire de 806, art. 1, où l'on voit Charlemagne excepter de l'Aquitaine le pagus de Tours ; c'est que, sans cette exception expresse, ce pagus eût été compris dans l'Aquitaine. L'Astronome, c. 47, dit que Louis étant en Aquitaine repasse la Loire pour rentrer en France. Voir Mühlbacher, p. 747. — Que la Francia s'étendît jusqu'au Rhin, c’est ce qui ressort encore de ce que Lothaire II, roi du pays entre Meuse et Rhin, est qualifié rex Franciæ (Annales de Saint-Bertin, année 855, p. 87 et 90). Le duché d'Alsace était dans la part de ce Lothaire (ibidem, année 867, p. 166). — Ajouter que, dans la langue habituelle des hommes, le Rhin d'un côté et la Loire de l'autre semblent les deux grandes limites naturelles. De là cette expression si fréquente : Tam ultra Ligerem quam citra Ligerem, tam citra quam ultra Rhenum (Tardif, n° 81 ; Mühlbacher, p. 747, Bouquet, V, 727).
[10] Dans la langue du temps, on employait aussi le mot pagus pour des circonscriptions moins étendues que l'ancienne civitas : on disait, par exemple, pagus Perticus.
[11] Guérard, Prolégomènes, p. 41. [Voir maintenant l'Atlas historique de Longnon et le texte qui l'accompagne.]
[12] Exemples : Capitulaire de 792, Borétius, p. 67 ; capitulaire de 807, p. 155 ; capitulaire de 823, p. 305.
[13] Ducatus se trouve avec le sens de circonscription dans un capitulaire de Pépin le Bref. Borétius, p. 41, art. 9 (Baluze, I, 164). — Dans la Lex Ripuariorum, le pays ripuaire est désigné par le mot ducatus, art. XXX, XXXIII, LXX1I. La Loi dite des Chamaves, art. XLIV (XLII dans Baluze, col. 614) parle du ducatus comme d'une circonscription qui comprend plusieurs comitatus ; c'est l'idée qui s'attache ordinairement à ces deux termes ; ainsi, nous lisons dans les Annales d'Éginhard, année 749 : Pippinus Grifonem more ducum duodecim comtiatibus donavit.
[14] Vita Willelmi, c. 5, dans Mabillon, IV, p. 74). — L'Astronome, 42, vers 828. — Il semble qu'on n'ait pas très nettement distingué le duché du comté : on dit tantôt ducatus Lugdunensis (Annales de Saint-Bertin, p. 90) et comitatus Lugdunensis. Ermold le Noir, à vingt vers de distance appelle Willelmus dux et comes (Ermold, I, v. 137 et 172).
[15] Capitulaire de 808, Borétius, p. 159. Cf. p. 206 et 300. — De même chez les écrivains. Les Annales de Lorsch disent que, la frontière du coté de la Saxe ayant été mal gardée, les Saxons envahirent (année 774). Cf. Chronique de Moissac, années 809 et 812. — Le mot marca correspond exactement au mot latin limes, qui est également employé. Ainsi l'on dit custodes limitis (Éginhard, Annales, années 793, 826) et comites marcæ (idem, année 822). Annales de Fulde, année 849 : Dux limitis.
[16] Hispanicus limes (Éginhard, Annales, année 810, p. 286, année 826, p. 580) et Hispanica marca (ibidem, années 788, 821, 822, 827, 828).
[17] Britannicus limes (Éginhard, Annales, années 779 et 826). Britannica marca (Nithard, I, 5 ; Annales de Saint-Bertin, année 839 ; Annales de Lorsch, année 799) ; mais notez que dans les Annales de Lorsch, année 799, marca Britanniæ signifie le territoire franc qui confine à la Bretagne.
[18] Annales de Saint-Bertin, année 855. — Ibidem, année 865, p. 145. — Louis le Pieux, dans un diplôme de 817, dit marka Toïosana, Borétius, p. 271.
[19] Le comitatus porte presque toujours le nom de la civitas. De là vient, que dans les documents le mot comitatus est quelquefois remplacé par civitas. [Cf. les recherches de Longnon dans le texte de son Atlas historique.]
[20] Capitulaire de 786 ou 792, Borétius, p. 67, art. 4.
[21] Capitulaire de 818, c. 10, Borétius, p. 285.
[22] Pertz, Leges, p. 354
[Krause, p. 19].
[23] Formulæ Merkelianæ, Zeumer, p. 241, n° 1, Rozière, n° 194. — De même, dans ce Recueil, aux numéros 2, 5. 7, 8, 10, 11, 16, 17, 19, 20, Rozière, n° 206, 521, 545, 272, 278, 252, 244, 505. — De même dans un acte de jugement, ibidem, n° 29, Rozière, n° 462. — Mêmes expressions dans les Bignonianæ, n° 19, Zeumer, p. 255, Rozière, n° 126 ; et dans les Formulæ imperiales, n° 54, Zeumer, p. 512. — Le mot centuria avec le même sens se trouve dans une formule d'Alsace, Rozière, n° 150, Zeumer, p. 455.
[24] Formulæ Bituricenses, n° 15, Zeumer, p. 175, Rozière, n° 221. — Formulæ imperiales, n° 5, Zeumer, p. 2S9, Rozière, n° 517. — Libellus dotis, Zeumer, n° 9 et 10, p. 539. — Ibidem, n° 11, p. 540. — Diplôme de 959, Tardif, n° 251.
[25] Voir deux chartes citées par Guérard, Prolégomènes, p. 43, note 5, et 44, note 6.
[26] Diplôme de 755, Tardif, n° 55. Dans ce préambule, tous les personnages désignés sont des agentes, c'est-à-dire des agents royaux. — Grafio est un terme équivalant à comes. Le grafio carolingien n'est pas le chef d'un petit canton, c'est un chef de comté ; la synonymie de grafio et de comes résulte de plusieurs textes ; ainsi un capitulaire de 742, art. 5, place le grafio à coté de l'évêque dans tout un diocèse ; de même un capitulaire de 769, art. 6, Borétius, p. 45. Voir encore une des formulæ impériales, n° 29, Zeumer, p. 507, et plusieurs diplômes dans les Acta Karoli, Mühlbacher, n° 755, 747, 748, 765, et les Acta Ludovici, n° 506 et 567. — Les domestici ne sont pas précisément des administrateurs de l'ordre politique ; ils régissent les domaines fiscaux. — Cf. diplôme de 814, n° 104 ; Formulæ Senonicæ, n° 56 ; diplôme de 775, n° 77 ; diplôme de 846, n° 153 : Nolum sit episcopis, abbatibus, ducibus, comitibus, vicariis, centenariis, telonariis, actionariis, vel omnibus rempublicam administrantibus. — Cette formule devient rare après Charles le Chauve et finit par disparaître. Le régime féodal ne la comporte plus.
[27] Éginhard, Annales, années 799, 818, 799, 819, 821, 822, 826, 818 ; Vaissette, I, 98, III, 117 ; capitulaire de 807, c. 5, Borétius, p. 206 ; capitulaire de 815, pro Hispanis, idem, p. 261. Marchio est fréquent dans les Annales de Saint-Bertin ; marchisus est dans Hincmar, De Ordine palatii, c. 50.
[28] Thégan, 45. Acta Ludovici, p. 454. Capitulare de disciplina palatii, art. 6, Borétius, p. 298.
[29] Einhardi epistolæ, édit. Jaffé, n° 25, Teulet, n° 65. De même dans deux diplômes, Tardif, n° 96 et 97.
[30] Lettre de Léon III, année 808, Liber Carolinus, édit. Jaffé, p. 310. — De même dans les Annales de Saini-Bertin, année 870, p. 201.
[31] L'Astronome, 41.
[32] Un comte Boniface commande une flotte, l'Astronome, 42.
[33] De la l'expression comites provinciales. Capitulaire de 802, art. 1, Borétius, p. 92.
[34] Dans la langue ordinaire, le comte prend le titre de la cité qu'il administre.
[35] Bouquet, VI, 224.
[36] Adrevald, contemporain de Louis le Pieux et de Charles le Chauve, mort en 878.
[37] Adrevald, Miracula S. Benedicti, I, 18, édit. de Certain, p. 45. — Le même fait se reproduisit quelques années plus tard pour un autre motif : il y avait eu deux révoltes en 786 et 792 et beaucoup Je comtes y avaient été compromis ; de là beaucoup de destitutions, beaucoup d'emplois à pourvoir, et insuffisance du personnel ordinaire ; Adrevald, ibidem.
[38] Adrevald, Miracula S. Benedicti, I, 18, édit. de Certain, p. 45.
[39] Adrevald, Miracula S. Benedicti, I, 18, édit. de Certain, p. 45. — Nous devons bien entendre que ces serfs du domaine, ou plutôt peut-être ces colons, ne furent pas tirés de leur glèbe pour devenir comtes de ces grandes cités. Apparemment ces hommes avaient passé leur jeunesse au Palais, dans les emplois inférieurs, peut-être dans les bureaux, et Charlemagne ne les fit comtes qu'après les avoir éprouvés.
[40] Adrevald, Miracula S. Benedicti, I, 18, édit. de Certain, p. 45.
[41] Moine de Saint-Gall, II, 11.
[42] Thégan, 6.
[43] L'Astronome, 42. — L'historien remarque que l'empereur ne prononça pas cette révocation sans avoir fait d'abord une enquête sérieuse, et au milieu même d'un conventus. — Miracula S. Benedicti, c. 20. Bouquet, VI, 512.
[44] Bernard fut soupçonné plutôt que convaincu. L'Astronome, 47. Ce refus d'aller jusqu'au combat judiciaire implique qu'il n'existait pas non plus d'autre preuve. — Autres exemples : Annales de Metz, année 850 (Bouquet, VI, 212) ; Hincmar, De villa Noviliaco (Bouquet, VI, 216). Et d'une manière générale : Honores qui habuerant, amittebant (Vita Walæ, II, 7, Bouquet, VI, 282). Ajouter Miracula S. Benedicti, c. 20 (ibidem, VI, p. 312).
[45] Annales de Saint-Bertin, année 864, p. 138.
[46] Annales de Saint-Bertin, année 865, p. 152.
[47] Annales de Saint-Bertin, année 867, p. 171. — Il est vrai que Gérard n'accepta pas sa destitution, apparemment parce qu'aucune faute ne lui était imputée et parce que le roi ne lui avait pas permis de venir se justifier.
[48] Gérard est comte d'Auvergne, son fils Ramnulf est comte de Poitiers (Bouquet, VI, 224). — Du moins les exemples de cela sont fort rares et ne forment que des exceptions.
[49] Annales de Saint-Bertin, année 868, p. 172. — Robert avait eu les comtés d'Anjou, d'Auxerre et de Nevers.
[50] Annales de Saint-Bertin, année 868, p. 172.
[51] Hincmar, Capitula in synoclo
apttd S. Macram jtrontulqata, c. 6, Migne, t. I, col. 1077.
[52] Honor est l'ancien terme qui désignait ou la magistrature conférée par le peuple ou la fonction conférée par le prince (Lampride, Alexander, 49). Honor a trois sortes d'applications au IXe siècle : ou il désigne une dignité conférée par le roi ; ou il désigne une dignité de l'Église ; ou enfin il se dit de terres bénéficiales concédées temporairement par le prince. Dans aucun de ces trois cas, le détenteur n'est un propriétaire. L'idée de propriété est exclue du mot honor.
[53] C'est le sens des préambules que nous avons cités plus haut.
[54] Capitularia, édit. Borétius, p. 112, Baluze, I, 391.
[55] Capitularia, édit. Borétius, p. 141. — Nous verrons plus loin que les évêques avaient la même attribution.
[56] Borétius, p. 141.
[57] De là des instructions royales telles que celles-ci : capitulaire de 779, art. 21, Borétius, p. 51 ; capitulaire de 789, art. 17, Borétius, p. 63.
[58]
Ou pour défendre sa frontière. Præceptum pro Hispanis, 815, Borétius, p. 261.
[59] Moine de Saint-Gall, I, 50. — Capitulare Mantuanum, art. 7, Borétius, p. 197. — Lex dicta Chamavorum, c. XXXVIII et XXXIX. — Capitulaire de 818, c. 8, Borétius, p. 288. — Capitulaire de 829, cil, Pertz, I, 352 [Krause, p. 16].
[60] Capitularia, édit. Borétius, p. 203-204.
[61] Ludovici admonitio ad omnes regni ordines, c. 7 et 8, Borétius, p. 304. — Chronicon S. Benigni, année 858, Bouquet, VI, 256.
[62] Edictum Pistense, de 864, art. 1, Walter, III, 159. — Cf. les capitulaires de 862, Walter, p. 126 ; de 864, art. 17.
[63] Edictum Pistense, c. 55.
[64] Voir même le fameux capitulaire de Kiersy, art. 18, que l'on s'est figuré, sans nulle raison, comme la charte constitutive de la féodalité [Cf. Nouvelles Recherches, p. 431 et 461].
[65] Capitulare Italicum, c. 5, Baluze, I, 259, Borétius, p. 201.
[66] Cela ressort, sinon comme règle, au moins comme usage, d'un responsum misso cuidam datum (801-814), Borétius, p. 145, Pertz, I, 121, art. 2. La réponse du roi est indécise ; il dit qu'il posera la question au prochain plaid. Il n'en ressort pas moins de là que l'usage tendait à s'établir.
[67] Cela se prouverait, au besoin, par les chartes d'immunité. Si l'on interdit au comte de se faire donner gîte et fournitures de table, mansionem et paratas, sur la terre immuniste, c'est qu'il fait cela sur les autres terres.
[68] Præceptum pro Hispanis, 815, art. 5.
[69] Ce sont celles dont il est parlé à l'art. 1 du capitulaire de villis, Borétius, p. 83, Baluze, I, 551. — Les mêmes terres sont appelées ailleurs villæ indominicatæ (édit de Pistes, année 864, art. 8 ; Annales de Saint-Bertin, année 870, édit. Dehaisnes, p. 212).
[70] C’est ce que les Annales de Saint-Bertin, p. 212, appellent les villæ vassallorum, et l'édit de Pistes, art. 8, villæ hominum nostrorum ; [on trouve] souvent bénéficia, villæ beneficiales.
[71] Édit de Pistes, année 864, art. 8. — Capitulaire de 806, 6, p. 131. — Les Annales de Saint-Bertin rapportent qu'en 869 Charles le Chauve prescrivit à ses comtes de dresser la liste des bénéfices des vassaux, et aux vassi de dresser la liste des bénéfices des comtes, Annales de Saint-Berlin, année 869, p. 185. — Les trois sortes de domaines sont mentionnées dans un præceptum de Louis le Pieux de 817, Bouquet, VI, 509 : 1° De proprio fisco nostro perticas LXXXIV ; 2° de fisco nostro quem Werinfredus in beneficium habet perticas XCIX ; 3° de fisco nostro quem Ruoculfus comes in ministerium habet perticas XXXII. — Les terres du comte sont encore signalées dans cette formule d'âge carolingien (Zeumer, p. 289, Rozière, n° 517). — Codex Laureshamensis, n° 6, p. 16 (acte de 795). — Diplôme de 825, Bouquet VI, 547. Notons que le comte fait ratifier sa donation par l'empereur.
[72] A l'époque carolingienne, judices désigne quelquefois tout l'ensemble des fonctionnaires, les comtes compris (lettre de Charlemagne à Offa, dans Jaffé, p. 557). Capitulaire de 789, art. 67 (Borétius, p. 59). Mais d’autres fois le même terme judices s'applique plus spécialement aux fonctionnaires de second ordre, le comte mis à part. Capitulaire de 809, art. 7, Borétius, p. 149. Capitulare Italicum, 12, Borétius, p. 210. Capitulaire de 779, art. 19, Borétius, p. 51. Capitulaire de 789, art. 62, Borétius, p. 58.
[73] Walafrid Strabo, De exordiis ecclesiæ, c. 31. — Capitulaire de 805, art. 12, Borétius, p. 124. — Capitulaire de 810, art. 5, Borétius, p. 155.
[74] Capitulaire de 802, art. 25, Borétius, p. 96. Cf. Capitulare incerti anni, Borétius, p. 144, art. 4). — Remarquez aussi que la juridiction du centenier a exactement les mêmes imites que celle du vicaire ; comparer capitulaires dans Borétius, p. 210 et 515. — L'identité du vicarius et du centenarius est surtout bien marquée dans le texte de Walafrid Strabo : Centenarii vel vicarii. presbyteris plebium confetti queunt. Plus loin il dit que les decani sont placés sub ipsis vicariis, et dans la phrase suivante il dit de ces mêmes decani qu'ils sont ministri centenariorum.
[75] On pourra supposer aussi que dans les centènes les plus importantes le centenier ajoutait à son titre celui de vicarius. Toutes ces hypothèses sont également plausibles. Ce qui est sûr, c'est que les documents ne signalent aucune différence essentielle entre les vicarii et les centenarii.
[76] Capitulaire de 822, art. 5, Borétius, p. 502. Nous ne voulons pas dire que ce fût une règle absolue. Il existait de très petits comtés, surtout au nord-est ; ceux-là pouvaient n'avoir qu'un seul vicarius ou même n'en pas avoir du tout. Mais les comtés comme ceux d'Auvergne, d'Anjou, de Bourges, avaient plusieurs vicarii.
[77] Cela résulte de deux textes qu'il faut citer et expliquer : 1° Hincmar, Ad regem de cœrcendo raptu, c. 5, édit. Sirmond, t. II, p. 227, édit. de la Patrologie, t. I, col. 1019. On voit qu'Hincmar ici place le vicarius dans sa plebes, comme le comte dans sa civitas, comme le roi dans son royaume. La civitas est un territoire analogue au diocèse. Ce qu'on appelait plebes dans la langue ecclésiastique du IXe siècle était un district intermédiaire entre le diocèse et la paroisse ; dans la plebes ecclésiastique il y avait un archiprêtre et une église baptismale ; synode de 904, art. 12. Synode de Pontion de 876, art. 11. — 2° Walafrid Strabo, De exordiis ecclesiæ, c. 51, établit un long parallèle entre les dignités laïques et les dignités ecclésiastiques. Il dit d'abord que le duc correspond au métropolitain, c'est-à-dire qu'il a plusieurs diocèses dans sa circonscription, que le comte correspond à l'évêque, c'est-à-dire que le comté a, le plus souvent, la même étendue que le diocèse et l'ancienne civitas. Puis, arrivant aux vicarii, il s'exprime ainsi : Centenarii vel vicarii qui per pagos statuti sunt, possutit conferri presbyteris plebium qui baptismales ecclesias tenent et minoribus presbyteris præsunt (Patrologie latine, t. CXIV, col 964). — Les deux textes d'Hincmar et de Walafrid sont en parfait accord ; la plèbes ecclésiastique est une circonscription analogue au doyenné d'aujourd'hui ; c'est nn canton assez étendu. Le vicaire ou centenier est le chef administratif de ce canton, comme l'archiprêtre en est le chef spirituel.
[78] Il a pu y avoir des exemples de deux ou trois vicomtes dans un même comté ; au Xe siècle nous trouvons trois vicomtes dans le comté de Poitiers ; mais le cas est rare, surtout au IXe siècle, tandis que pour les vicarii la pluralité était la règle ordinaire. — La différence entre le vicecomes et les vicarii a été bien démontrée par Sohm, p. 515-519 ; cf. note de Molinier dans Vaissette, I, 867, nouv. édit.
[79] Archives nationales, Tardif, n° 107. — Capitulaire de 864, art. 14, Baluze, II, 179. — Capitulaire de 844, pro Hispanis, art. 5, Baluze, II, 28. — Acte de jugement de 955, à Narbonne, dans Vaissette, édit. de 1875, t. V, preuves, p. 160. — Le diplôme suivant, ibidem, p. 161, porte mention de deux vicecomites, mais on ne sait à quels comtés ils appartiennent. — Acte de jugement de 854, à Narbonne, Vaissette, II, preuves, col. 187. — Capitulaire de 884, art. 9, Pertz, 1, 552. — Acte de 828 passé à Dijon (Pérard, p. 17). — Acte de jugement de 816, à Autun (Pérard, p. 55-56). — Le vicecomes est souvent appelé vicedominus, surtout dans le Midi. Vaissette, II, preuves, col. 64. Acte de 791, ibidem, col. 57-58.
[80] Par exemple, Agobard, Lettres, Bouquet, VI, 564.
[81] Deux actes de jugement, dans le Languedoc, en 834 et en 858, sont passés ex ordinatione Stephani vicedomini, et ex ordinatione Richelmi vicecomitis ; le tribunal est composé de huit ou neuf judices sous la présidence de ce vicomte qui représente visiblement le comte (Vaissette, t. II, preuves, col. 185 et 506). — Walafrid Strabo, De exordiis, 51. — Acte de jugement de 816, à Autun (Pérard, p. 56). — Acte de jugement de 863, à Vienne (d'Achery, Spicilegium, t. XII, p. 154). La suite de l’acte porte mention de deux vicarii.
[82] C'est pour cela qu'il est quelquefois appelé missus comitis. Capitulare Langobardorum, 782, art. 6, Borétius, p. 192. Capitulare Aquisgranense, 810, art. 2, Borétius, p. 153. Walafrid Strabo, De exordiis, 31. — Cartulaire de Saint-Victor de Marseille, n° 291, vers 814. — Sohm a tort d'identifier toujours le missus comitis avec le vicecomes ; un seul comte pouvait avoir, quoi qu'il en dise, plusieurs missi (Præceptum pro Hispanis, 815, c. 5).
[83] Walafrid Strabo, De exordiis, 31. L'écrivain les compare aux prêtes des paroisses.
[84] Formulæ Senonenses, 11, Zeumer, p. 217, Rozière, n° 667. Formulæ Lindenbrogianæ, 17, Zeumer, p. 278. — Voir encore dans une des formules de l'épreuve par le fer chaud, dans Zeumer, p. 616 : Sigillet decanus manum ejus, là où une autre formule analogue, dans Zeumer, p. 614, dit : Fiat involuta manus sub sigillo judicis. Le decanus est donc compté parmi les judices. Il ne faut pas confondre ces decani, fonctionnaires publics, avec les decani des grands domaines privés (voir capitulare de villis, 10 et 58), ni avec les decani des monastères (formules de Rozière n° 330, § 2, 331, 361, § 2, 397, etc.). — Les decani fonctionnaires publics sont rarement cités dans les Capitulaires ; je ne les trouve mentionnés nommément que dans un capitulare Italicum de 795 (Baluze, 1, 543) ; mais ils sont compris sous la dénomination générale de vel celeris agentibus ou ministerialibus nostris.
[85] Walafrid Strabo, De exordiis, 31. Il les compare aux diacres et aux sous-diacres. Il nomme encore les questionarii, puis les veredarii, les commentarienses, les ludorum exhibitores. — Remarquer que le terme capitanei, qui se rencontre au IXe siècle, n'est pas le nom d'un fonctionnaire, il est un simple adjectif, Borétius, p. 155 ; Annales de Lorsch, dans Bouquet, V, 44.
[86] Capitulaire de 801-813, Borétius, p. 171.
[87] Capitulaire de 805, Borétius, p. 124, art. 12. — Hincmar, Epistolæ, IV, 15. — Formulæ codicis S. Emmerammi, Zeumer, p. 463. — Formulæ Bignonianæ, Zeumer, p. 250, Rozière, n° 460. — Cartulaire de Saint-Victor de Marseille, n° 26, jugement rendu en 845. — Capitulaire de 811, art. 4, Borétius, p. 176. — Ibidem, Borétius, p. 171, art. 8.
[88] Capitulaire de 814, Borétius, p. 515. — Borétius, p. 210, art. 14. — Observons toutefois que plusieurs actes de jugement, cités a la note précédente, sont en désaccord avec ces capitulaires. La loi et la pratique n’étaient pas tout à fait d'accord. Cela paraît aussi contredit par l’article 14 d'un capitulaire (Borétius, p. 171).
[89] Capitulaire de Carloman, art. 9, 884, Pertz, I, 552.
[90]
Ministerium nostrum amittant, dit le roi
en parlant des vicarii. Capitulaire de Worms, 829, 2e p.,
art. 15, Walter, II, 384 [Krause, p. 17].
[91] Sive ad vos ipsos, dit Charlemagne s'adressant aux comtes, sive ad juniores vestros (capitula ad comites directa, dans Borétius, p. 184, art. 2). Notons que juniores ne signifie pas les administrés du comte ; on disait pagenses. Juniores désigna les agents inférieurs ; junior dans la langue du temps désigne l'inférieur, comme senior le supérieur. — Præceptum pro Hispanis, 815, art. 1, Borétius, p. 262. — Capitulaire de 818, art. 11, Borétius, p. 282. — Capitulare Lotharii, 822, art. 18, Borétius, p. 519. — Concile de Chalon de 815 (Sirmond, II, 312). — Capitulaire de 818, art. 6, p. 281.
[92] Vicarii comitum, Hincmar, loco citato. — Capitulaire dans Borétius, p. 157. — Capitulaire de 814, art. 4, Borétius, p. 144. — Capitulaire de 811, art. 2, Borétius, p. 165. — Capitulaire de 819, art. 19, p. 290. — Capitulaire de 822, art. 5, Borétius, p. 302. — Moine de Saint-Gall, I, 30. — Cartulaire de Saint-Victor, n° 26. — Capitulaire de 825, art. 4, Pertz, 1, 247. — Acte de 834, dans dom Vaisselle, II, preuves, col. 186.
[93] Capitulaire de 884, art. 9, Pertz, I, 552.
[94] La règle n'est pas absolue. On voit en 807 Charlemagne donner des instructions aux vicarii, sinon directement, au moins par ses missi : Borétius, p. 156, art. 4.
[95] Capitulaire de 802, art. 15, Borétius, p. 93.
[96] Formulæ Merkelianæ, 51, Zeumer, p. 259, Rozière, n°886. M. Waitz croit que cette formule est du temps de Charlemagne.
[97] Les derniers mots de la lettre, si gratiam nostram velis habere sont précisément ceux dont le roi se servait, parlant à ses agents (Marculfe, I, 11). Ce qui est curieux ici, c'est que le comte ne dit pas si vous voulez avoir les bonnes grâces du roi, mais si vous voulez avoir mes bonnes grâces.
[98] Capitulaire de Thionville, de 805, c. 13, Borétius, p. 124. — Rapprocher de cela un article d'un autre capitulaire incerti anni, Borétius, p. 144.
[99] Exemples : Divinatio in Cæcilium, c. 14, Philippiques, X, 2, De officiis, III, 1, et De amicitia, 17.
[100] Quand les hommes veulent parler d'élection, ils ajoutent a populo. Ainsi, une véritable élection avait lieu pour les évêques ; on disait donc d’eux eligantur a clero et a populo. Mais eligere tout seul ne présente pas ce sens. Pour que l'idée d'élection soit dans ces termes, il faut qu'il y ait à coté le mot populus (Capitulaire de 818, art. 2, Borétius, p. 276). Il est clair que quand nous lisons monachi eligunt abbatem, populus eligit episcopum, nous pouvons traduire eligere par élire ; au fond il signifie encore choisir, et nous pourrions aussi bien traduire : les moines choisissent leur abbé, etc. ; mais nous pouvons aussi traduire par élire, parce qu'il y a une collection d'hommes dans ces phrases.
[101] Vita S. Leobini, 14, Bouquet, III. 451. — Grégoire de Tours, Historia Francorum, X, 31, § 11.
[102] Ajouter, pour Charlemagne même, cet article d'un capitulaire, en parlant de ceux qui renoncent au siècle : De relinquentibus secidum, ut unum e duobus eligant, aut secundum canonicam aut secundum regularem institutionem vivere (Borétius, p. 122), et un peu plus loin : Ut puellulæ non velentur antequam elegere sciant quid velint. Capitulais de 819, ail. 21, p. 278.
[103] Capitulaire de 794, art. 9, Borétius, p. 75. Il s'agit d'un évêque qui, étant accuse, préfère le combat judiciaire au serment.
[104] Capitulaire de 805, art. 11, Borétius, p. 124.
[105] Capitulaire de 803, art. 3, Borétius, p. 115. — Capitulaire de 819, art. 8, p. 288.
[106] Capitulare missorum in Theodonis villa datum, Borétius, p. 120-122.
[107] Capitulaire de 809, art. 22, Borétius, p. 151.
[108] Il est vrai que deux des manuscrits, notamment le n° 9654 de Paris, folio 22, ajoutent les deux mots judices et centenarii. Mais les agents des évêques étaient appelés judices, et les évêques [avaient même des centenarii.
[109] Capitulaire de 802, art. 13, Borétius, p. 95. Noter que dans cette dernière phrase habere a le sens que nous donnons à notre expression il y a, et la phrase, doit se traduire ainsi : Nous ne voulons pas qu'il y ait dans les abbayes des prévôts ou avoués malfaisants ou cupides.
[110] Cum a fréquemment le sens de coram dans la langue du VIIIe et du IXe siècle. — La même prescription de Charlemagne est exprimée ainsi dans un autre capitulaire (capitulare Italicum, Borétius, p. 210, art. 11) ; et encore : ibidem, 822, p. 319, art. 9).
[111] Je trouve encore dans M. Beauchet, p. 222, un autre texte qui serait celui-ci : Ut judices, advocati, præpositi, centenarii, scabinii, quales meliores inveniri possunt et Deum timentes, constituantur ad tua munera exercenda cum comite et populo elegaritur mansueli et boni (capitulaire de 809, art. 11, Pertz, I, 156, cf. Borétius, p. 149). — Mais on aurait dû remarquer que dans tous les manuscrits, sauf un seul, la phrase s'arrête au mot exercenda et que par conséquent il n'y est question ni du comte ni du peuple, ni d'aucune espèce d'élection. Le seul manuscrit qui porte les mots qui suivent est le n° 4995, de Paris, folio 55 ; or il faut noter que ce manuscrit réunit les deux capitulaires qui portent les n° 61 et 62 de l'édition de Borétius ; il confond en un seul article l'article 11 du premier et l'article 22 du second. — Tout le système de M. Beauchet fondé sur ce texte est erroné. Quand il ajoute que cette participation du peuple à l'élection des centeniers lui paraît conforme à l'esprit de la législation carolingienne qui était de ressusciter les anciennes institutions franques, il présente une hypothèse à l'appui de laquelle il aurait de la peine à citer un texte ou un fait.
[112] Hincmar, De Ordine palatii, 31.
[113] On ne dirait pas le centenier du comte, centenarium comitis, fournie dans un capitulaire de 819, art. 19, p. 290, ou, comme dans un autre de 811, art. 2, p. 105, comites et eorum centenarii.
[114] Formulæ Merkelianæ, 51.
[115] Concile de Châlon de 815, art. 21, Mansi, XIV, 98 ; Sirmond, II, 312.
[116] Hincmar, Epistola ad regem Ludovicum, édit. Sirmond, t. II, p. 157, édit. de la Patrologie, t. II, col. 19-20.
[117] Ajoutons ce capitulaire de 802, art. 25, Borétius, p. 96. — Pour le vicomte, une lettre d'Agobard prouve qu'il était au choix du comte.
[118] Capitularia, édit. Borétius, p. 124, art. 12.
[119] Ubi mali inventi fuerint, a missis nostris mittantur meliores. C'est ce que portent le manuscrit de Paris n° 9654 et le Vaticanus 582. — Comparer capitulaire de 803, art. 5, Borétius, p. 115.