A la royauté les Carolingiens ajoutèrent le titre d'empereur. Il faut voir comment ils acquirent ce titre. Il faut chercher surtout quel en était le vrai sens, quelle en fut la portée, et s'il a apporté une modification profonde dans les institutions générales de la France. Gardons-nous d'abord des grandes théories et des généralités vagues. Pour les uns, Charlemagne empereur marque la victoire définitive de la race germanique sur les races gallo-italiennes : c'est la fin de l'ancien monde et l'avènement d'un monde nouveau. Pour d'autres, au contraire, ce serait l'esprit romain qui, par la main du pape, aurait ressaisi pour quelque temps la victoire et aurait dompté le germanisme au milieu de son triomphe même. Toutes ces généralités sont également inexactes : elles ne s'appuient sur aucune preuve ; ni les textes ni les faits ne les confirment. Elles sont le fruit d'une manière de penser qui est moderne, et ne répondent nullement au tour d'esprit des hommes du vnie siècle. Aussi ne trouve-t-on la trace de pareilles idées ni dans les écrits de Charlemagne, ni dans les lettres des papes, ni dans les historiens du temps. 1° [DE LA CONTINUITÉ DE L'EMPIRE ROMAIN EN OCCIDENT.] Le couronnement de Charlemagne comme empereur à Rome, le 25 décembre de l'année 800, n'est pas un acte isolé ; il se rattache à beaucoup d'actes antérieure qui l'annonçaient et le préparaient. La première remarque qu'il faut faire, c'est que l'acquisition du titre d'empereur fut précédée de l'acquisition de celui de patrice. Charlemagne, avant de se qualifier imperator, prit dans ses diplômes et ses actes législatifs la qualification de patricius Romanorum[1]. Il y a ici une filière de faits qu'il importe de suivre. Partons d'abord de celte vérité que l'Empire romain, imperium romanum, n'avait pas péri. En l'année 476, le sénat romain avait envoyé à Constantinople les insignes impériaux avec une lettre où il disait qu'un seul empereur suffisait dorénavant à l'Empire[2]. C'est que jusque-là l'Empire romain, sans cesser d'être un, avait eu deux capitales et deux empereurs. La démarche officielle du sénat romain en 476 signifiait que Rome obéirait désormais à l'empereur qui régnait à Constantinople. Cet empereur s'appelait empereur des Romains, imperator Romanorum, βασιλεύς τών 'Ρωμαίων, c'est-à-dire qu'il était le chef de tout l'ancien État romain et de toutes les populations romaines. Il continuait, l'ancien Empire ; Justinien, Héraclius, Léon l'isaurien continuaient la série des augustes. Les habitants de la Gaule ne cessèrent pas d'appeler Empire romain l'État dont la capitale était Constantinople. Les expressions imperium romanum ou respublica romana sont fréquentes chez les écrivains mérovingiens ; on les trouve dans Grégoire de Tours, dans Frédégaire, dans Marius d'Avenches, dans les hagiographes ; elles désignent toujours cet État. Le Continuateur de Frédégaire, qui écrit vers 768, désigne encore l'Empire, dont le siège est Constantinople, par le mot respublica[3]. Ces écrivains ne connaissent pas d'Empire grec ; ils ne connaissent qu'un Empire romain. Les rois francs écrivent souvent aux princes qui règnent à Constantinople ; c'est toujours du titre d'empereurs romains qu'ils les qualifient. Encore au temps de Charlemagne et chez Éginhard lui-même, ceux qu'on appelle romani imperatores sont les princes qui règnent à Constantinople[4]. Il en était de même en Italie, et à plus forte raison. Quand un Italien disait imperium romanum, il entendait l'Empire dont le siège était à Constantinople[5]. La plus grande partie de l'Italie continuait à faire partie de cet Empire. Ravenne, Rome, Naples restaient des villes de l'Empire romain. Rome n'était plus capitale. Elle reconnaissait pour capitale Constantinople. Quand un Romain du VIIe et du VIIIe siècle disait urbs regia, ce n'était pas de Rome, c'était de Constantinople qu'il parlait[6]. Les empereurs avaient un réseau de fonctionnaires pour administrer leurs provinces italiennes. Leur plus haut représentant était l'exarque, exarchus Italiæ ; au-dessous de lui étaient des ducs, duces, δοϋκες[7]. Il y avait un duc de Vénétie, un duc de Naples, un duc de Rome. Ces fonctionnaires avaient la juridiction, le commandement des troupes, la levée des impôts. A Rome, comme dans les autres grandes villes, chaque nouvel empereur envoyait son image sacrée, et la population devait l'adorer en signe d'adhésion au nouveau règne. L'image était placée dans une église[8]. Le nom du prince devait être inséré dans une des prières de la messe. On comptait les années par le règne de chaque empereur ; les papes eux-mêmes, dans leurs lettres, ne dataient pas autrement[9]. Les monnaies fabriquées à Rome portaient l'effigie du souverain de Constantinople. Le pape était un évêque de l'Empire romain, par conséquent un sujet de l'empereur. Il était élu comme les autres évêques de l'Empire, c'est-à-dire par le clergé et par le peuple ; mais l'élection n'était valable que si elle était acceptée par l'empereur[10]. Le procès-verbal de l'élection était porté à l'exarque d'Italie, qui le transmettait à Constantinople. L'élu ne prenait possession de l'épiscopat qu'au reçu de la, réponse impériale qui confirmait son élection[11]. C'était la même règle que pour les autres évêques de la Grèce ou de l'Asie. Le pape n'avait dans Rome, légalement, aucune autorité politique. A côté de lui était le duc impérial[12], et au-dessus de lui l'exarque. L'empereur pouvait intimer au pape l'ordre de se rendre à Constantinople[13], soit pour siéger en concile, soit pour lui rendre compte de sa conduite ou même de sa foi. En 655, le pape Martin Ier, pour avoir désobéi aux ordres de l'empereur, fut arrêté en pleine église par l'exarque, emmené à Constantinople et interné en Chersonèse[14]. Cette subordination de l'Italie et de Rome à l'Empire dura jusqu'au VIIIe siècle. Longtemps elle ne donna lieu à aucune opposition. Elle paraissait naturelle et légitime. Il faut ajouter que, sous cette domination éloignée et débonnaire, les évêques d'Italie et surtout celui de Rome grandirent en richesse et en indépendance. L'autorité politique s'amollissant, le régime municipal s'annihilant, il n'y eut plus de grand et de fort que les évêques, et surtout celui de Rome. Rome perdit les avantages d'une capitale ; mais le pape gagna beaucoup à ne pas avoir l'empereur près de lui. La grande autorité du Saint-Siège a ses racines dans ces trois siècles où il n'obéissait qu'à l'empereur de Constantinople. 2° [LE PAPE S'ALLIE AVEC LE BOI DES FRANCS.] Au VIIIe siècle toutefois, il se produisit plusieurs motifs pour que celte situation ne se prolongeât pas. D'abord, le pape devenait un trop grand personnage pour rester toujours dans la sujétion. Si l'autorité politique lui manquait, il possédait en revanche une immense fortune territoriale. Ses fundi et ses massæ étaient répandus dans toute l'Italie, en Sicile, en Sardaigne, même en Gaule ; et comme à chacun de ces domaines était attachée une population ou de serfs ou de colons, c'était un ou deux millions de sujets que le pape avait à lui comme propriétaire. A cela se joignait son grand prestige sur toutes les nations occidentales. Si l'Orient comptait plusieurs patriarches, le pape était le seul patriarche de l'Occident. Ni l'Italie ni la Gaule n'hésitaient à voir en lui le chef suprême de l'Église universelle. Il était en relations suivies avec les évêques gaulois et était accepté d'eux comme un supérieur. Il avait converti les Anglo-Saxons et s'en était fait, d'une certaine façon, des sujets. Au VIIIe siècle, il convertit la Germanie, et fit une sorte de conquête du pays par son agent et son apôtre saint Boniface. Il était bien difficile qu'un pouvoir si riche, si puissant, moralement si fort, restât sujet de l'empereur de Constantinople. D'autres raisons encore le détachaient d'un Empire dont le siège était en Grèce. A Constantinople il rencontrait la concurrence d'un patriarche, qui, ayant l'avantage d'être plus près du trône, pouvait réussir à s'emparer de la suprématie ecclésiastique. Ce qui était plus grave encore, c'est que l'esprit religieux qui dominait en Grèce n'était pas tout à fait de même nature que l'esprit religieux qui régnait a Rome. L'esprit grec était subtil en matière de controverses théologiques et enclin à philosopher au moins autant qu'à croire ; les raffinements et les hérésies s'y produisaient aisément. Tout autre était l'esprit romain, constant et tenace en matière de foi, ennemi des fines recherches et timide aux nouveautés. Il était presque impossible que Rome et Constantinople s'entendissent bien sur la foi. Même quand elles croyaient aux mêmes dogmes, il n'était pas certain qu'elles y crussent tout à fait de la même façon. Dès le milieu du VIIe siècle, une querelle très vive avait éclaté, au sujet de l'hérésie du monothélisme, entre le Saint-Siège d'une part, le patriarche et l'empereur de l'autre[15]. Elle se renouvela au commencement du VIIIe. Vers 712, on apprit à Rome que le nouvel empereur Philippicus était monothélite. Aussitôt le peuple romain, dit l'historien des papes, décida qu'il ne recevrait pas le nom ni les lettres d'un empereur hérétique, que son image ne serait pas introduite dans les églises, que son nom ne serai ! pas prononcé dans les cérémonies de la messe[16]. Peut-être Rome aurait-elle cherché dès ce moment à se détacher de l'Empire, si la mort du prince hérétique n'avait fait disparaître cette cause de discorde. Peu d'années après, la lutte recommence pour un motif plus matériel, et nous voyons le pape Grégoire II interdire la levée des impôts par l'Empire[17] ; peut-être s'agissait-il surtout de ceux que l'Empire voulait lever sur les domaines de l'Église[18]. Enfin survint la grande querelle des iconoclastes.
L'empereur Léon l'Isaurien avait, non seulement interdit le culte des images,
mais encore ordonné la destruction de toutes les images dans les églises[19]. La lettre
impériale qui apporta ce décret à Rome menaçait le pape de destitution s'il
n'obéissait pas. Grégoire il refusa d'obéir, et toute l'Italie se souleva
contre les fonctionnaires impériaux. Ce qui est curieux, c'est que ni les
populations ni le pape ne pensèrent encore à se séparer de l'Empire. Toute l'Italie, dit le biographe romain, résolut de choisir un autre empereur et de le conduire à
Constantinople[20]. Un changement
de prince était tout ce qu'on souhaitait. Le pape trouvait même ce dessein
trop hardi[21].
Il pensait aux Lombards qui, en ce moment même, profitaient des insurrections
italiennes et s'emparaient de plusieurs provinces[22]. C'était une
forte raison pour qu'il ne se détachât pas de l'Empire. Aussi engageait-il
les populations à ne pas cesser d'être attachées et
fidèles à l'Empire romain[23]. Grégoire III, qui lui succéda en 731, continua le même genre de lutte. Les empereurs Léon et Constantin, pur de nouveaux décrets, poursuivirent, interdirent les images[24]. Le nouveau pape écrivit une lettre de protestation à l'empereur, puis, réunissant un concile d'évêques italiens, il lança l'excommunication contre quiconque briserait les images, c'est-à-dire quiconque obéirait à l'empereur[25]. C'était une véritable révolte ; toutefois nous ne voyons pas que le pape ait jamais fait acte de détachement à l'égard de l'Empire[26]. Les Lombards l'effrayaient. Ils étaient volontiers ses
alliés contre l'Empire ; mais ils voulaient visiblement. s'emparer de
l'Italie et de Rome même. Contre les Impériaux et contre les Lombards, le
pape chercha un appui en Occident et s'adressa au chef de guerre qui dominait
eu France, à Charles Martel. Il y a ici un point obscur. Il est impossible de
dire quelle était la nature de l'alliance qu'il voulut contracter avec le
chef franc. Nous savons bien qu'il lui écrivit, puisque deux de ses lettres
nous sont parvenues[27] ; mais dans ces
lettres il demande seulement l'appui contre les Lombards, sans dire un mot
pour ou contre l'Empire. Les ambassadeurs qu'il envoya en France en 741
furent peut-être chargés d'instructions plus précises ; mais le Liber pontificalis
nous dit seulement qu'il envoya à Charles Martel les clefs du tombeau de saint
Pierre et qu'il lui demanda de le délivrer de
l'oppression des Lombards[28]. Or les clefs de saint Pierre n'étaient nullement, comme quelques-uns l'ont cru, la marque de la souveraineté sur Rome. Personne au VIIIe siècle ne songeait à les regarder comme un symbole d'autorité sur la ville. Il était depuis longtemps dans les usages des papes de faire présent des clefs du sépulcre de saint Pierre et de quelques parcelles de ses chaînes. Le pape Grégoire le Grand avait fait ce présent à plus de vingt personnes, au roi franc Childebert[29], au roi d'Espagne Récarède[30], au patrice impérial Asclépiodole[31], au duc Andréas[32], à l'évêque Columbus[33], au médecin Théodore[34], à bien d'autres et même à plusieurs femmes[35]. Nul n'y attachait l'idée qu'elles fussent, le symbole d'un pouvoir politique[36]. C'est que ces clefs n'étaient pas autre chose qu'une sorte de décoration, décoration qui pouvait être renouvelée indéfiniment, et qui était une marque de pure amitié du pape[37]. Elles faisaient aussi l'office d'amulette, puisqu'elles venaient du tombeau d'un saint. On peut voir plus d'une fois dans Grégoire de Tours que la pierre qui recouvrait un saint et les seules raclures de cette pierre étaient un objet très sacré et un remède contre bien des maux. C'est la même idée qui s'attachait aux clefs qui se faisaient du tombeau de saint Pierre, d'autant qu'on y insérait quelques parcelles des chaînes qui avaient attaché les membres du saint. Ces clefs se portaient suspendues au cou[38]. Elles avaient la vertu, à la fois, de soutenir l'homme contre les tentations et le péché, de le préserver des maladies, de le sauver du danger dans les batailles[39]. Tel est le présent que reçut Charles Martel. Il ne signifiait certainement pas que Rome se donnât à lui. Quant à la demande de protection contre les Lombards, elle ne signifiait pas non plus que Rome songeât dès lors à se séparer de l'Empire. Un annaliste franc paraît en dire davantage et semble indiquer qu'il y aurait eu un pacte formel entre le chef franc et le pape. Mais sa phrase, soit qu'elle ait été altérée par les copistes, soit que l'auteur lui-même n'ait pas bien compris ce qui lui avait été dit, est véritablement inintelligible pour nous[40]. Les annalistes postérieurs indiquent qu'une alliance fut conclue, en vertu de laquelle le peuple romain se séparait de l'empereur des Grecs, et se remettait en la protection du prince franc[41]. On peut douter qu'un pape ait fait des ouvertures si hardies à un prince étranger, qu'il savait être étroitement uni au roi des Lombards[42]. Il ressort d'ailleurs du récit des mêmes annalistes que Charles Martel n'aurait rien conclu et se serait contenté d'envoyer une ambassade au pape. Enfin, à supposer même que l'alliance dont parlent les annalistes francs eût été faite, il est certain qu'elle n'aurait eu aucune suite, puisque le chef franc et le pape moururent quelques semaines après[43]. Grégoire III ne s'était pas séparé de l'Empire. Son successeur Zacharie lui resta attaché. Il était Grec de naissance[44], et il trouvait plus d'avantages à être le sujet d'un empereur de Constantinople que d'un roi des Lombards. Il fut en rapports amicaux avec l'empereur[45]. Rome demeura ville d'Empire et chef-lieu d'un duché impérial[46]. Nous devons toutefois remarquer que le duc de Rome devient à ce moment un allié bien fidèle du Saint-Siège[47] : il obéit à ses ordres ; il semble qu'il lui soit subordonné[48]. C'est le pape qui négocie avec les Lombards et avec l'exarque[49] ; c'est lui qui gouverne Rome, et le duc ne paraît être que son agent[50]. Apparemment il s'était opéré ici un changement que le biographe du pape ne nous fait connaître due par voie d'allusion. Rome, sans se détacher encore de Constantinople, devenait presque un État libre entre les mains de son évêque. Vint ensuite Etienne II (752-757)[51]. Pas plus que ses prédécesseurs il ne se sépara formellement de l'Empire, Voyant que les Lombards voulaient s'emparer de Rome, c'est à l'empereur qu'il s'adressa d'abord pour être secouru[52]. Ne recevant pas de secours, il essaya de s'entendre lui-même avec les Lombards, puis il s'adressa au roi des Francs[53]. Il se rendit auprès de lui, passa un hiver en France, et conclut avec lui un contrat. Nous n'avons pas le texte de ce contrat ;- nous savons seulement qu'il a été fait, au moins par le roi franc, un acte écrit[54]. Deux des points de la convention sont bien connus : d'une part, Pépin serait sacré roi par le pape ; de l'autre, il ferait une expédition en Italie contre les Lombards. Les autres points sont plus obscurs. Il n'y a pas le moindre indice que le pape ait demandé l'appui du roi franc contre les Grecs. Pas d'indice non plus qu'il ait annoncé le désir de se détacher de l'Empire[55]. On aperçoit pourtant dans les textes que la convention faite entre le pape et le roi franc avait un objet plus général et visait à quelque chose de plus qu'une intervention momentanée contre les Lombards. En effet, les lettres écrites par les papes dans les années suivantes signalent comme le principal objet du contrat la protection perpétuelle de l'église de Rome. Nous avons commandé dans vos mains, disent-ils au roi, les intérêts de notre église, et vous avez promis de vous charger du soin de sa défense[56]. Ce n'est pas un pacte fait pour un jour ou une année, car il a été conclu à l'avance par les futurs successeurs de Pépin : Nous t'avons commis toi et tes fils, écrit le pape, à la protection de notre Église et de notre peuple de Rome[57]. Un demi-siècle plus tard, Charlemagne rappelait le point essentiel de la convention de 754 lorsqu'il disait : Ce que nous voulons par-dessus tout, c'est que nos fils prennent sur eux la défense de l'Église de Rome, comme notre père Pépin l'a prise et nous après lui[58]. C'est donc une mission de défense générale et perpétuelle que Pépin et ses fils ont assumée[59]. Pour la même raison, visiblement, le pape leur a conféré, au père et aux fils à la fois, un titre perpétuel et inamovible, celui de patrice. Ce point mérite qu'on s'y arrête. 3° [LE ROI DES FRANCS, PATRICE DES ROMMNS.] Que Pépin ail reçu le titre de patrice des mains du pape, c'est ce qui est attesté par un homme qui était certainement un contemporain et qui fut-peut-être un témoin oculaire[60]. Ce qui marque bien encore que ce titre fut acquis par Pépin dans cet hiver de 754, c'est-à-dire pendant le séjour du pape en France, c'est qu'à partir de cette date toutes les lettres pontificales sont adressées à Pépin patrice des Romains[61]. Et les mêmes lettres donnent déjà la qualification de patrices à ses deux fils, qui ne sont encore que deux enfants[62]. Ce titre de patrice était un titre de la cour impériale. Les patrices, depuis quatre cents ans, étaient les plus hauts dignitaires de l'Empire[63], et le patriciat avait pour caractère propre d'être une dignité inamovible[64]. On peut remarquer que presque tous les exarques qui administraient l'Italie au nom de l'empereur étaient patrices. Le Liber pontificalis qualifie chacun d'eux de patricius et exarchus Italiæ[65]. Rome était donc accoutumée à obéir à un patrice. Pour elle, le patrice était le plus haut fonctionnaire qui se plaçait entre le pape et l'empereur. C'est ce titre que le pape Etienne II conféra à Pépin[66]. A vrai dire, il ne pouvait guère en trouver un autre à lui donner. Il ne pouvait le nommer empereur, parce qu'il ne songeait pas à se détacher de Constantinople. Il ne pouvait pas lui obéir comme roi, parce qu'il ne voulait pas plus être sujet du roi des Francs que du.roi des Lombards. Le seul titre possible était celui de patrice, titre assez haut pour qu'un roi franc pût l'accepter, et qui pourtant réservait l'autorité de l'empereur. On aperçoit bien la pensée du pape. Il continuera à avoir pour empereur celui qui règne à Constantinople ; en même temps il aura pour patrice celui qui règne à Aix-la-Chapelle : deux autorités, l'une purement nominale, l'autre un peu plus effective, toutes les deux fort éloignées ; entre elles, Rome sera réellement gouvernée par son évêque. L'indépendance du Saint-Siège semblait garantie par cette combinaison. Voilà donc Pépin et Charlemagne patrices, avec celte restriction qu'ils sont exclusivement patrices des Romains[67]. Ils ont, à l'égard de Rome et des territoires oui en dépendent, les devoirs et les droits qu'avaient eus antérieurement les patrices envoyés de Constantinople en Italie. Ils ont le droit et le devoir de défendre Rome ; ils ont aussi, quelque peu, le droit et le devoir de veiller à son gouvernement. Rome est leur sujette, comme elle l'était des anciens patrices. Il est vrai que leur autorité est lointaine, respectueuse, intermittente. Nous la voyons surtout s'exercer par des donations. Si Pépin enlève aux Lombards l'Exarchat et la Pentapole, ce n'est pas pour les restituer à l'empereur, c'est pour les donner au Saint-Siège. Il s'écoule environ un demi-siècle pendant lequel la situation est celle-ci : le pape reste le sujet de l'empereur de Constantinople, il est en même temps le sujet du patrice franc. Ses relations avec Constantinople sont rares[68] ; nous ne connaissons, dans un espace de quarante-six ans, que trois lettres qu'il ait écrites à l'empereur[69]. Au contraire avec les rois francs les relations sont constantes ; entre 755 et 791, il nous est parvenu quatre-vingt-onze lettres écrites par les papes à Pépin ou à Charlemagne[70]. Elles ont trait aussi bien à des intérêts matériels ou administratifs qu'à des questions religieuses. Quoique les affaires fussent le plus souvent traitées par les missi du roi, ces lettres laissent apercevoir de temps en temps que les papes reçoivent des ordres et y obéissent[71]. Quand Charlemagne vient à Rome, il y est reçu en patrice, c'est-à-dire comme un chef, et avec tout le cérémonial qui avait été usité précédemment pour les patrices et les exarques[72]. Il s'y montre aussi en costume de patrice impérial[73]. L'autorité de Charlemagne sur Rome grandit lorsqu'il eut conquis le royaume des Lombards. Paul Diacre écrivait, vers l'année 777, que Charles, vainqueur des Lombards, avait pris aussi possession de Rome et l'avait ajoutée à son sceptre[74]. Lorsque Léon III fut élu pape, en 795, il se hâta d'envoyer à Charlemagne les clefs du tombeau de saint Pierre et l’étendard de la ville[75]. Les clefs étaient un présent sans conséquence ; mais l'étendard semble bien marquer la sujétion. Ce qui était plus significatif encore, c'est que le pape demandait au roi, ou plutôt au patrice, d'envoyer un délégué à Rome pour recevoir les serments du peuple romain[76]. Charles envoya en effet à Rome un abbé, Angilbert, et dans une lettre qu'il lui remit et qui nous a été conservée il lui traça les instructions qu'il devait transmettre au pape. C'est le ton d'un souverain qui s'adresse à l'un des évêques de ses États[77]. En même temps il écrivait au pape une lettre pleine de respect, mais où il savait marquer le rôle des deux puissances : A nous de défendre l'Église du Christ contre les attaques des païens, contre les ennemis du dehors, et de la fortifier au dedans dans la vraie foi ; à vous d'élever les mains vers Dieu comme Moïse, afin que vos prières nous assurent la victoire[78]. En l'année 800, Charlemagne changea son titre de patrice en celui d'empereur. Si l'on en croyait Éginhard, la couronne impériale lui aurait été donnée par surprise et malgré lui[79]. L'étude du détail des faits va nous montrer que la scène du couronnement était préparée à l'avance. Que Charlemagne ait eu l'ambition d'être empereur, c'est ce qu'aucun document ne dit, mais ce qui est' fort vraisemblable. Tout le monde en Occident savait la valeur de ce titre. Alcuin écrivait à Charlemagne, en 799, que le nom d'empereur était plus grand que celui de roi[80]. Mais il fallait la connivence du pape ; or jusque-là les papes avaient tenu à rester les sujets de l'empereur de Constantinople. Mais les premières années du pontificat de Léon III avaient été fort agitées. Un parti ennemi avait chassé le pape et avait failli l'assassiner[81]. Un duc franc, qui se trouvait à Rome, avait sauvé le pape et l'avait conduit à Charlemagne. Léon III demeura tout un été en Germanie, auprès du roi. Que se passa-t-il dans leurs entretiens, très peu d'hommes le surent, et nul ne l'a dit[82]. Un chroniqueur italien écrivait, soixante-dix ans plus tard, que le pape s'était engagé, s'il était ramené à Rome et délivré de ses ennemis, à couronner Charles du diadème impérial[83]. Le roi des Francs, en effet, chargea aussitôt une armée de reconduire le pape dans sa ville, et l'année suivante il se rendit lui-même à Rome. Il y entra visiblement en maître, puisque le pape n'y siégeait que par son appui. Tout de suite il y fit preuve d'autorité ; se portant juge de la querelle entre le pape et ses adversaires[84], il obligea le pape lui-même à comparaître devant lui et devant son entourage laïque, et à se justifier, faute de preuve, par le serment judiciaire[85] : acte grave, inouï, visiblement humiliant[86]. Tout cela montre assez que déjà, comme patrice, il tenait Rome et le pape à sa discrétion. Quand on compare la grandeur du roi et la petitesse du pape, on ne doute guère que le pape n'ait dû exécuter ce que le roi voulait, Deux jours après ce jugement, le roi se faisait couronner empereur par ce même pape. 4° [LE ROI DES FRANCS DEVIENT EMPEREUR DES ROMAINS. DU CARACTÈRE DE CET ACTE.] Pour bien comprendre cet acte et en apprécier exactement toute la signification, il faut y observer successivement trois traits distinctifs. 1° Ce couronnement de Charles comme empereur est, de la
part du pape, une rupture avec Constantinople. C'est la première chose qui
ressort des textes. Nous y voyons même qu'on se préoccupa d'avoir un prétexte
de rupture ; et ce prétexte fut que le trône impérial put paraître vacant,
n'étant alors occupé que par une femme, l'impératrice Irène. Voici comment
s'expriment les Annales de Lorsch : Comme, du côté
des Grecs, l'Empire était vacant, n'étant plus exercé que par une femme, il
parut convenable au pape Léon... de nommer
empereur Charles roi des Francs, qui déjà avait sous son autorité Rome où les
anciens Césars avaient eu coutume de siéger[87]. — La Chronique
de Moissac exprime les mêmes idées : Tandis que
Charles émit à Rome, il lui vint des messagers qui lui annoncèrent que chez
les Grecs le titre d'empereur était vacant et que c'était une femme qui
tenait ce titre. Sur cela... l'on décida de
donner le nom d'empereur à Charles qui tenait déjà Rome, laquelle était la
mère de l'Empire[88]. — Tout cet
ordre dépensées se retrouve chez des annalistes postérieurs. Anschaire,
évêque de Brême, écrit soixante ans après l'événement : La puissance impériale, depuis Constantin Auguste, avait
eu pour siège Constantinople ; mais comme une femme la détenait... on décida de transporter cette puissance au roi des
Francs, parce qu'il possédait Rome qui était la vraie capitale de cet Empire[89]. — Plus tard,
Orderic Vital montre une intelligence très juste de l'événement : Depuis le grand Constantin jusqu'à Irène, c'était
l'empereur de Constantinople qui gouvernait l'Empire romain, et l'Italie
était sous son autorité ; mais le pape Léon et les évêques décidèrent de rejeter
de leur cou le joug de l'empereur de Constantinople et d'élever Charlemagne à
l'Empire[90]. 2° Le premier trait distinctif de l'événement est donc que.les hommes y ont vu une rupture avec Constantinople[91]. En voici un second. Suivant les annalistes, ce ne serait pas le pape seul qui aurait pris cette décision. Nous lisons dans les Annales de Lorsch : Il parut convenable au pape Léon, aux vénérables évêques réunis en assemblée, et à tout le peuple chrétien de nommer Charles empereur. — La Chronique de Moissac dit que la résolution fut prise par le pape, par toute l'assemblée des évoques, et par tous les grands, Francs et Romains[92]. — Suivant Anschaire, Charles serait devenu empereur par l'élection du peuple romain. — Le Liber pontificalis, plus réservé à titre d'écrit officiel, signale pourtant la présence et l'action de tous les fidèles romains[93]. — Il ne faudrait pas conclure de ces textes qu'il y ait eu une véritable délibération, un vole, un plébiscite ; mais on peut en induire qu'il y eut un simulacre de cela. Quelques pourparlers précédèrent le couronnement, lequel fut, d'une certaine façon, un acte collectif. 3° Observons maintenant la cérémonie elle-même et notons-en le caractère. Je prends la description du Liber pontificalis[94] : Étant venu le jour de Noël, dans la basilique de Saint-Pierre, tous se réunirent de nouveau. Alors le pontife, de sa propre main, posa la très précieuse couronne sur la tête de Charles. Et à ce moment tous les fidèles romains, unanimes et d'une seule voix, sous l'inspiration de Dieu et de saint Pierre, s'écrièrent : A Charles, très pieux auguste, couronné de Dieu, grand et pacifique empereur, vie et victoire ! L'acclamation fut répétée trois fois, et ainsi par tous il fut établi empereur des Romains. — Éginhard dit de même : Le pape Léon posa la couronne sur la tête de Charles, et tout le peuple romain fit entendre cette acclamation : A Charles auguste, couronné de Dieu, grand, et pacifique empereur des Romains, vie et victoire[95]. Or tous ces titres étaient purement romains ; augustus était par excellence le titre impérial ; les épithètes de très pieux, couronné de Dieu, grand, pacifique, étaient celles que prenaient les empereurs d'Orient. Nous avons un livre écrit à Constantinople sur toutes les cérémonies ou publiques ou religieuses ; l'un des chapitres décrit longuement le cérémonial usité pour le couronnement des empereurs[96]. Nous y voyons que le couronnement a lieu dans la principale église que c'est le patriarche qui pose la couronne, et qu'à ce moment le peuple fait entendre ses acclamations : Longues années à Auguste, empereur des Romains ; longues années à Toi qui es couronné de Dieu, et autres acclamations analogues. Si nous comparons cette description que nous donne Constantin Porphyrogénète à celle que nous donne Éginhard, nous devons reconnaître que Charlemagne a été couronné empereur suivant le cérémonial qui était suivi à Constantinople. Éginhard ajoute encore ce trait : Après les acclamations, le pontife se prosterna (adoravit) devant Charles suivant le rite établi au temps des anciens empereurs. Le caractère de l'acte de l'an 800[97] est donc bien visible. C'est un empereur romain que fait le peuple romain par les mains de son évêque. On dirait la contre-partie exacte de ce qui s'était passé en 476. A cette date, un simulacre de sénat romain avait renvoyé les insignes' impériaux et avait écrit qu'il ne voulait pas d'autre empereur que celui qui était à Constantinople. En 800, un simulacre de sénat et de peuple romain, avec son évêque jouant le rôle du patriarche, déclarait qu'au lieu d'un empereur romain créé à Constantinople il voulait avoir un empereur romain créé à Rome et siégeant en Occident. Nul n'avait la pensée d'un empire franc ou d'un empire germanique. Notons bien que ce n'était pas la royauté franque qui se changeait en empire. Il ne s'agissait que de l'Empire romain, et il se trouvait seulement qu'il était conféré à un roi franc. Ce qu'aucun des rois germains du Ve siècle n'avait osé, Charlemagne le faisait. Mais ce qu'il n'eût pas osé, c'était de se faire empereur franc[98]. Il suffit de regarder ses diplômes pour voir qu'il ne changea pas son titre de roi des Francs contre celui d'empereur. Il est à la fois roi des Francs, roi des Lombards, et empereur.des Romains[99]. Même ce dernier titre passe avant les deux autres comme supérieur. C'est à ses yeux un titre tout romain. Il se qualifie de sérénissime auguste, empereur couronné de Dieu, grand et pacifique. Quand on lui écrit ou qu'on lui parle, c'est du nom de augustus qu'on l'appelle. On l'appelle aussi césar, et de même pour Louis le Pieux[100]. Que Charlemagne ou Charles le Chauve veuille se montrer au public en empereur, c'est du costume romain qu'il se revêt. On pourrait supposer d'après cela que, portant deux titres, il était roi pour les Francs et empereur pour les Romains. Ce serait une erreur. Il était empereur pour tous ses États et pour tous ses sujets. Ses diplômes le prouvent[101], et ce qui le prouve encore mieux, c'est qu'en 802 il chargea ses missi, envoyés dans tous ses États, d'exiger que tout homme, ecclésiastique ou laïque, qui lui avait prêté serment à titre de roi lui renouvelât son serment à titre de césar[102]. C'est un fait curieux et important que ce titre d'empereur des Romains, d'auguste et de césar ait été accepté par tous. Visiblement, le mot Romain dans ce titre était pris dans son sens le plus étendu ; il ne désignait pas les habitants de Rome : il était employé comme les Gaulois du Ve siècle l'employaient lorsqu'ils s'appelaient eux-mêmes Romains. Or on ne voit pas qu'aucun homme de la Gaule, fût-il de race franque, se soit plaint devoir son chef s'appeler césar, se qualifier empereur des Romains et le compter ainsi lui-même comme Romain. L’idée d'un Empire romain embrassant tout l'Occident s'était perpétuée à travers les siècles passés. La Gaule n'avait jamais cessé de connaître un empereur romain ; sans obéir le moins du monde aux princes qui régnaient à Constantinople, elle avait su très exactement l'avènement de chacun d'eux et le gros de son histoire. A partir de l'an 800, l'empereur romain fut chez elle et fut en même temps, son roi. Se dire empereur des Romains, c'était se dire chef de l'ancien Empire pour tout l'Occident. 4° Il reste à se demander si ce titre d'empereur changea beaucoup la nature du pouvoir monarchique en France. On s'est fait sur ce point quelques illusions. Ceux qui ont dans l'esprit une antithèse entre les idées germaniques et les idées romaines et une longue lutte entre ces deux courants, se figurent volontiers que le titre d'empereur a introduit une nouvelle manière de gouverner les hommes. Il n'en est rien. La royauté franque était déjà une véritable monarchie, et l'emploi des procédés romains de gouvernement est fort antérieur au couronnement de Charlemagne. Quand la suite de nos éludes nous montrera les diverses institutions, le Palais, l'administration, les assemblées publiques, la justice, nous n'apercevrons pas qu'aucune de ces institutions se soit modifiée en l'année 800. Nous constaterons au contraire que chacune d'elles est demeurée après cette date ce qu'elle était avant elle. Charlemagne n'a pas gouverné comme empereur autrement qu'il gouvernait comme roi[103]. Les titres seuls ont été changés, et quelques formes extérieures. Le nom du souverain a été plus vénérable et plus pompeux. La phraséologie impériale, qui s'était continuée sous les Mérovingiens, s'est accrue et développée, en se rapprochant un peu de celle de Byzance. Plus que jamais, l'empereur, s'adressant aux peuples, s'est étendu complaisamment sur ses droits et ses devoirs. Ce qu'on remarque le plus, c'est l'emploi du ternie respublica. Les Mérovingiens l'avaient
quelquefois employé ; il devient fréquent dans la bouche des empereurs.
L'idée qui s'y attache, c'est que le gouvernement est la chose de tous, mais
que la chose de tous est gérée par l'empereur seul. L'empereur doit
travailler au bien de tous ; il est responsable de la sécurité, de la
prospérité, du bon ordre, même de la foi et de la conduite de tous. Les
empereurs dans leurs actes emploient sans cesse ce mot respublica[104], et les écrivains,
comme Éginhard, Nithard[105], Thégan, en
usent volontiers. Les fonctionnaires royaux sont appelés ministri reipublicæ. Le mot restera dans la
langue française et se perpétuera de siècle en siècle, désignant le
gouvernement de tous par un monarque, jusqu'au jour où un brusque changement
dans le tour d'esprit des hommes donnera à ce mot brusquement un tout autre
sens. Il semble donc que, dans quelque mesuré, la royauté se soit fortifiée et surtout se soit placée, par son esprit et son langage, à un niveau plus haut. Peut-être quelques rares esprits espérèrent-ils fonder une autorité plus haute, plus protectrice, aussi plus stable que n'avaient été toutes les royautés germaniques, et qui eût assuré le monde contre les divisions, contre les désordres et les maladies du corps social. Cependant ces mots et ces litres ont eu peu d'influence sur le gouvernement réel des hommes. La qualification d'empereur n'a pas fait que les Carolingiens fussent mieux obéis. Si la reconstitution de l'Empire avait une véritable action, on lui verrait deux conséquences : l'une, de maintenir l'unité de l'Occident ; l'autre, d'empêcher le triomphe de la féodalité. [Il n'arriva] ni l'un ni l'autre. Les guerres civiles et une irrémédiable division éclatèrent dès la génération suivante. Si le triomphe de la féodalité fut retardé, il ne le fut que tic bien peu. Comme l'Empire ne changeait rien à l'état social et à la structure intime de la population, il ne pouvait avoir d'effet durable sur la structure politique. Le couronnement de Charlemagne comme empereur a été sans doute l'un des événements qui ont le plus frappé les contemporains ; mais il a eu peu de portée sur la marche des institutions générales du pays. |
[1] A partir de 775. Tardif, n° 76 et suiv.
[2] [Cf. L'Invasion germanique, liv. II. Lire, sur toute cette question des rapports des Francs avec l'Empire, l'excellent livre de M. Gasquet, L'Empire byzantin et la monarchie franque.]
[3] Continuateur de Frédégaire, c. 120.
[4] Eginhard, Vita Caroli, 28 : Romanis imperatoribus (il s'agit d'Irène et de Nicéphore). — Les Annales de Lorsch en 803 s'expriment ainsi au sujet de Nicéphore : Nicephorus imperator qui tunc rempublicam gubernabat.
[5] Liber pontificalis, p. 407, 431 et 442.
[6] Regia urbs, dans le Liber pontificalis, édit. Duchesne, p. 343, 350, 354, 366, 373, 396, 451, 432, 442, et en cent autres endroits. Aux pages 332 et 333 les mots sacerdos regiæ urbis désignent le patriarche de Constantinople.
[7] [Voir le livre de Diehl sur l'Exarchat de Ravenne.]
[8] Liber pontificalis, Vita Constantini, p. 392.
[9] Lettre de Pelage II, dans Bouquet, IV, 82 ; de Zacharie, ibidem, p. 95 et 97. — Lettre de Grégoire le Grand à Augustin (Vita Augustini, 7, cf. 29, dans la Patrologie, LXXX, col. 55). — On sait que l'auteur du Liber carolinus a supprimé les dates des lettres pontificales.
[10] Le Liber pontificalis, édit. Duchesne, p. 309, signale comme une exception que Pelage II ait été ordonné sans l'ordre de l'empereur, parce que Rome était à ce moment assiégée par les Lombards. — Voir surtout le Liber diurnus, n° 58 et 59.
[11] Liber pontificalis, édit. Duchesne, p. 343, 355. — Un passage de la Vie de Benoît II paraît dispenser l'élu de la confirmation impériale. Liber pontificalis, p. 363. Mais, ainsi que le remarque le savant éditeur, cela veut dire seulement que l'empereur remet à l’exarque le soin de confirmer l'élection. Il abrège les délais trop longs entra l'élection et la confirmation, en déléguant ce droit de confirmation à son représentant en Italie.
[12] Le Liber pontificalis ne mentionne pas de duc de Rome avant 712 ; mais cela ne prouve pas qu'il n'en existât pas auparavant (Liber pontifiais, p. 392 et 403).
[13] Liber pontificalis, p. 389.
[14] Liber pontificalis, p. 338.
[15] Liber pontificalis, Vie de Martin Ier, édit. Duchesne, p. 336-338. — Héfélé, § 507, trad. fr., t. IV. p. 87 et suiv.
[16] Liber pontificalis, Constantinus, p. 592.
[17] Liber pontificalis, Grégoire II, p. 403 ; Théophane, Chronique, année 715 (a. 6217).
[18] C'est ce que donnent à entendre ces mots du Liber pontificalis, Grégoire II, p. 403 : Ex suis opibus ecclesias denudari. — Peut-être s'agissait-il d'une augmentation du census.
[19] Liber pontificalis, Grégoire II, p. 404 et p. 409.
[20] Liber pontificalis, Grégoire II, p. 404 et p. 409.
[21] Liber pontificalis, Grégoire II, p. 404 et p. 409.
[22] Liber pontificalis, Grégoire II, p. 405 et 407.
[23] Liber pontificalis, Grégoire II, p. 407.
[24] Liber pontificalis, Grégoire II, p. 415.
[25] Liber pontificalis, Grégoire II, p. 416.
[26] Au contraire le Liber pontificalis nous montre Grégoire III, au plus fort de la lutte, ne cessant d'écrire des lettres à l'empereur (page 417) pour obtenir le retrait de ses décrets.
[27] Liber carolinus, édit. Jaffé, n° 1 et 2 ; elles sont de 739 et de 740.
[28] Liber pontificalis, p. 420. — M. l'abbé Duchesne croit que tout ce passage est interpolé ; mais il garde une grande valeur s'il a été écrit, comme il le pense, au temps d'Etienne II, c'est-à-dire onze ou douze ans après l'événement.
[29] Grégoire le Grand, Lettres, VI, 6. Le Continuateur de Frédégaire et tous ceux qui le copient se trompent donc lorsqu'ils disent que Charles fut le premier qui reçut les clefs de saint Pierre.
[30] Grégoire le Grand, Lettres, XII, 7.
[31] Grégoire le Grand, Lettres, XI, 14.
[32] Grégoire le Grand, Lettres, I, 30.
[33] Grégoire le Grand, Lettres. XII, 7.
[34] Grégoire le Grand, Lettres, VII, 28.
[35] Grégoire le Grand, Lettres, XII, 7.
[36] C'est pourtant [ce que des écrivains allemands ont soutenu en citant] une lettre de Grégoire III qui aurait écrit à Charles : Sacratissimas claves quas vobis ad regnum direximus ; mais le vrai texte est ad rogum et non pas ad regnum. Voir Jaffé, Liber carolinus, p. 17. — Jaffé explique quas libi ad rogum direximus par ad rogationem tuam. J'ai quelque doute sur cette explication. Dans la langue du temps, roga, rogum signifient présent, gratification. Exemple : Rogam clero suo ampliavit (Liber pontificalis, Léon III, § 559).
[37] Ces clefs sont désignées par les mots claves sepulcri (Continuateur fie Frédégaire, c. 110), plus souvent claves confessionis sancti Petri ou claves ex confessione ; on sait qu'en Italie on appelait alors confessio le tombeau d'un saint. Quelquefois le pape emploie l'expression clavem a sacratissimo corpore. On ajoute souvent : Claves in quibus de vinculis ejus inclusum est, ou clavem in qua ferrum decatenis ejus clausum est.
[38] Lettre de Grégoire le Grand à Childebert. — Lettre du même au patrice Asclépiodote.
[39] Grégoire le Grand, Lettres, VII, 28. — IX, 52. — I, 50. — VI, 6. — XI, 14.
[40] Continuateur de Frédégaire, 110. Si pactum signifie un contrat, un pacte, un accord, les deux membres de la phrase doivent s'appliquer chacun a l'une des deux parties ; en ce cas, recederet aurait pour sujet Carolus, et sanciret aurait pour sujet pontifex. Mais, entendue ainsi, la phrase n'offre aucun sens, puisque Charles Martel n'avait pas à s'éloigner du parti de l'empereur, dont il n'était pas l'allié ; il avait été, au contraire, jusqu'alors l'allié du roi lombard. D'autre part, on ne voit pas bien ce que vient faire ici le consulat ; nous ne sommes plus au temps de Clovis, où il y avait encore des consuls. L'expression consulatum sancire ne se comprend pas [le texte que donne l'édit. Krusch et qui est celui des principaux mss., romano consulto, ne se comprend pas davantage], — Les annalistes postérieurs n'ont eu d'autre source que ce passage même, et l'on voit bien qu'ils n'ont pas pu le comprendre.
[41] Chronique de Moissac, année 741 (Bouquet, II, 656). — Les Annales de Fontenelle parlent de l'ambassade du pape, mais ne prétendent pas savoir le traité secret qui |'u être conclu. Les Annales de Fulde n'en parlent pas. Les Annales de Metz s'expriment comme la Chronique de Moissac.
[42] Liutprand avait envoyé des secours à Charles Martel au moment de l'invasion des Sarrasins (Paul Diacre, VI, 54), et c'est peut-être à cette entrée d'une armée lombarde en Provence qu'il avait dû sa victoire de Poitiers. — Ce même Liutprand avait adopté Pépin comme son fils (Paul Diacre, VI, 53 ; Adrevald, p. 56 ; Chronicon Centulense, Bouquet, III, 252).
[43] Voir sur toute cette affaire les observations très justes de M. Bayet, Voyage d'Etienne III en France, dans la Revue historique, 1882. — M. Gasquet, dans son étude sur lé royaume lombard, Revue historique, janvier 1887, p. 79, incline à croire qu'un pacte fut conclu, et qu'il le fut contre l'Empire. [Il est revenu là-dessus dans son livre sur l'Empire byzantin et la monarchie franque.] — Il est certain qu'à la génération suivante, alors qu'il y a eu réellement un pacte, on a cru que ce pacte s était fait une première fois sous Charles Martel. Cette opinion était" celle de Charlemagne, capitulaire de 806, art. 15, Borétius, p. 128.
[44] Liber pontificalis, p. 426.
[45] Il se fit même donner par lui deux domaines du fisc impérial dans la campagne romaine (Liber pontificalis, Zacharie, c. 20, p. 435).
[46] Liber pontificalis, Zacharie, c. 2, p. 426.
[47] Liber pontificalis, Zacharie, c. 2, 4, 12, p. 426, 429.
[48] Ajoutez un passage d'Etienne II, c. 19, où l'on voit que les militiæ optimates obéissent au pape (p. 445).
[49] Liber pontificalis, Zacharie, c. 5 et suiv., c. 12.
[50] Cela ressort bien d'une phrase du Liber pontificalis. Le biographe disant que le pape quitte Rome pour aller négocier avec Liutprand, ajoute ; Relicta romana urbe Stephano duci ad guberitandum. Le duc est donc son représentant en son absence.
[51] On l'appelle souvent Etienne III. Nous comptons comme le Liber pontificalis. — La seule raison qui a induit à l'appeler Etienne III est qu'il y a eu en 752 un autre Etienne qui a été élu, mais qui est mort quatre jours après l'élection et sans avoir été ordonné et consacré ; aussi le Liber pontificalis ne le compte-t-il pas comme pape (voir Liber pontificalis, Etienne II, c. 2, et la note 3 de la page 456).
[52] Liber pontificalis, Etienne II, c. 9, p. 442.
[53] Liber pontificalis, Etienne II, c. 15, p. 444.
[54] C’est ce que rappelle Etienne II dans une lettre de l'année suivante, où il parle d'une promissio manu firmata (Jaffé, p. 36).
[55] Suivant le Liber pontificalis, c. 26, le pape demandait ut causam beati Petri et reipublicæ Romanorum (Pippinus) disponeret. — Or les mots respublica Romanorum en 754 signifiaient encore l'Empire : c'est seulement dans les années suivantes et par un malentendu très facilement explicable qu'on les a employés pour désigner l'État romain soumis au pape.
[56] Lettre d'Etienne II à Pépin, en 755, Jaffé, p. 38. — Autre lettre, p. 36.
[57] Lettre de 756, Liber carolinus, Jaffé, p. 55-54. — Dans beaucoup de lettres, les papes appellent Pépin ou Charlemagne noster defensor, noster auxiliator.
[58] Capitulaire de 806, Divisio imperii, art. 15, Borétius, p. 129. — Charlemagne croit même pouvoir ajouter que son aïeul Charles Martel avait déjà accepté cette mission de défense.
[59] Le contrat est bien marqué dans le Liber carolinus, Jaffé, p. 160-161.
[60] C'est l'auteur anonyme de la Clausula de Pippini consecratione dont nous avons parlé plus haut. Il écrivait treize ans après le sacre, et l'on admet généralement qu'il était moine du monastère de Saint-Denis où le sacre avait eu lieu. Il s'exprime ainsi : Per manus Stephani ponlificis in regem et patricium una cum prœdictis filiis Carolo et Carlomanno unctus et benedictus est (Bouquet, V, 10 ; Grégoire de Tours, édit. Arndt et Krusch, p. 465). Peut-être ne faut-il pas prendre à la lettre les paroles de l'auteur jusqu'à croire que Pépin ait été sacré comme patrice.
[61] Liber carolinus, édit. Jaffé, 1867, Les premières lettres, écrites avant 754, sont adressées Pippino regi Francorum. A partir de 755 toutes les lettres portent Pippino regi Francorum et patricio Romanorum.
[62] Liber carolinus, n° 6, lettre de 755. De même, n° 7, 8.
[63] Voir Code Théodosien, VI, 6, et la note 2 de Godefroi, t. II, p. 72. — Honor patriciatus, Novelles de Valentinien III, tit. XI, Hænel, p. 164. — Code Justinien, XII, 2, 3 et 5, lois de Zénon et de Justinien.
[64] Voir le diplôme de nomination d'un patrice dans Cassiodore, VI, 2. — On peut voir aussi dans le Liber de cærimoniis de Constantin Porphyrogénète, c. 48, édit. de Bonn, p. 244 et suiv., le cérémonial qui était observé à Constantinople pour la nomination d'un patrice.
[65] P. 312, 328, 552, 572, 383, 403.
[66] Si y a ici une difficulté. Si le patriciat était une dignité impériale que l'empereur seul conférait, comment peut-elle être conférée par le pape ? Cette difficulté a été 1res bien vue par M. Bayet, qui a fait d'excellents travaux sur cette époque. Dans son étude sur le voyage d'Etienne III en France, il met en pleine lumière que le pape n'était pas brouillé avec l’Empire ; il en conclut qu'il ne pouvait pas avec juste raison avoir la pensée de conférer lui-même une dignité que l'empereur avait seul le droit de donner, et il lui paraît vraisemblable que le pape, agissant ici de concert avec l'empereur, était porteur d'un diplôme impérial en faveur de Pépin, — Tout son travail me paraît d'une grande justesse, sauf le dernier point, sur lequel quelques objections se présentent à mon esprit. 1° Les textes ne parlent d'aucun diplôme impérial, et il n'est, fait aucune allusion dans le Liber carolinus à une intervention de l'empereur. 2° Si Pépin eût été fait patrice par l'empereur, il fût devenu son subordonné eu quelque façon, et il paraîtrait quelque chose de cela ; tout au contraire, le Continuateur de Frédégaire en 757 mentionne un échange d'ambassades qui ne ressemble en rien a ce que seraient les relations entre un patrice et un empereur ; Pépin y paraît visiblement comme roi, et non pas comme patrice. Je doute même que les empereurs aient reconnu à Pépin ce titre de patrice, dont ils auraient au contraire tiré un grand parti s'ils l'avaient eux-mêmes conféré. 3° Il faut noter que le titre porté par Pépin ne fut pas exactement celui qui était usité dans l’Empire ; il est toujours qualifié patricius Romanorum ; les deux mots sont toujours réunis, sans exception ; les patrices impériaux étaient seulement patricii. 4° Autre différence : les deux fils de Pépin furent certainement nommés patrices en même temps que lui ; or cela était contraire à toutes les règles de la cour impériale ; il n'est pas admissible que Constantinople ait constitué au profit des rois francs un patriciat héréditaire. — Je ne serais donc pas disposé à admettre qu'il y ait eu un diplôme de l'empereur. Il est possible que le pape ait déclaré qu'il était d'accord avec l'empereur ; les deux parties crurent ou feignirent de croire quelle avaient son assentiment.
[67] Pépin ne paraît pas avoir pris dans ses actes la qualification de patrice, à moins que ce ne fût dans des actes relatifs à l'Italie et que nous n'avons plus. Charlemagne au contraire, dès l'année 775, adopta, dans tous ses actes, le titre de patrice des Romains, qu'il ajouta à ceux de roi des Francs et de roi dos Lombards (Tardif, n° 76 et suiv.).
[68] Il n'y a pas d'indice que les élections des papes soient soumises aux empereurs ou aux exarques. — Nous ne voyons plus d'apocrisiaire pontifical : Constantinople après 743 (Thomassin, Discipline de l'Église, 2e édit., t. I, p. 137).
[69] Elles sont mentionnées dans le Liber pontificalis, Paul, c. 3, Adrien, c. 14 et 88, p. 464, 490, 512. — Toutes les trois concernent la question des images.
[70] Le Recueil des lettres d'Adrien s'arrête à 791 ; nous n'avons celles de Léon III qu'à partir de 808.
[71] Par exemple, dans le n° 94 du Liber carolinus (Jaffé, p. 27C) on voit que le pape a reçu l'ordre d'expulser les négociants de Venise du territoire de Ravenne et de la Pentapole. — On a aux Archives nationales (Tardif, 87) une lettre d'Adrien Ier qui demande des instructions et des ordres.
[72] Liber pontificalis, Adrien, c. 56, p. 497.
[73] Éginhard, Vita Caroli, 23.
[74] Paulus Warnefridi, Libellus de episcopis Mettensibus, édit. de la Patrologie, p. 706.
[75] Éginhard, Annales, année 796 (l'élection est du 26 décembre 795, nouveau style ; Léon III fut sacré le lendemain).
[76] Éginhard, Annales, année 796. — Il y a dans ce texte une difficulté. Je ne suis pas bien sûr que ad suam fidem et subjectionem signifie dans la foi et sujétion de Charlemagne. Grammaticalement, cela pourrait tout aussi bien signifier dans la foi et la sujétion du pape. Ce qui me fait encore plus hésiter à admettre l'interprétation ordinaire, c'est que je ne vois pas que le peuple romain eût à faire son serment de fidélité au roi parce qu'il avait un nouvel évêque. Je reste dans le doute, mais je dis que, dans l'un et l'autre cas, il y a un fait caractéristique : de deux choses l'une, ou le peuple prête serment au patrice, ou bien, prêtant serment au pupe, il ne pont le faire qu'en présence d'un délégué du patrice. — Je rappelle à ce sujet que le pape Paul Ier, à peine élu, écrit à Pépin qu'il a retenu à Rome le missus du roi pour qu'il assistât à son ordination et qu'il fût témoin de l’amour du peuple romain à l'égard du patrice (Liber carolinus, Jaffé, p. 68) ; ajoutons que Pépin, à la nouvelle de l'élection de Paul Ier, écrivit au peuple romain une ammonitio pour lui enjoindre d'être fidèle au nouveau pape (ibidem, p. 70). Il est possible que ce fût une vieille règle que le peuple romain prêtât serment à un évêque en présence du représentant de l'autorité civile.
[77] Cette lettre est au Liber carolinus, Jaffé, p. 553.
[78] Lettre de Charlemagne a Léon III, dans Jaffé, p. 356.
[79] Vita Caroli, 28.
[80] Monumenta Alcuiniana, p. 464.
[81] Les documents ne nous permettent pas do dire avec certitude quelles étaient les tendances de ce parti. Voir un travail de M. Bayet, Léon III et la révolte des Romains en 799, dans l’Annuaire de la Faculté des lettres de Lyon, 1883.
[82] Alcuin l'ignorait ; il est vrai qu'il n'était pas présent, mais il était en général tenu fort au courant des choses. Dans une lettre de septembre 799, il se plaint de ne rien savoir (Monumenta Alcuiniana, p. 491).
[83] Johannes diaconus, Chronicon episcoporum Neapolitanæ ecclesiæ, dans Muratori, Rerum italicarum scriptores, t. I, 2° partie, p. 312, ou dans Waitz, Scriptores rerum italicarum, p. 428. Ce livre a été écrit dans le dernier quart du IXe siècle. L'auteur, qui est Napolitain, n'a pas les mêmes raisons que le Liber pontificalis et les Annales flanques pour déguiser la vérité. — On peut rapprocher de cela ce que dit Théophane, édit. de Bonn, p. 732.
[84] Le pape était accusé de certains crimes par ses adversaires, notamment d'adultère et de parjure (lettre d'Alcuin, dans les Monumenta Alcuimana, p. 489), et le roi des Francs avait chargé un de ses agents de faire une enquête, qui ne paraît pas avoir été favorable à Léon III (ibidem, p. 511). Éginhard dit que le voyage de Charlemagne à Rome avait surtout pour objet de investigandis quæ pontifici objiciebantur criminibus.
[85] Éginhard, Annales. — De même dans les Annales de Lorsch, et dans le Liber pontificalis. — Le texte du serment du pape fut conservé par écrit ; il est inséré dans le Liber carolinus, édit. Jaffé, p. 378.
[86] Pour sentir combien l'obligation de ce serment était humiliante pour le pape, il faut se reporter a une lettre qu'Alcuin lui avait écrite l'année précédente et où il le détournait de prêter un tel serment et même de se soumettre à aucun acte judiciaire, par cette raison que le siège apostolique juge, mais ne peut pas être jugé. Ce qui le fait sentir encore mieux, c'est que le pape eut soin de dire dans son serment qu'il ne se regardait pas comme jugé, et il ajouta que ce serment, contraire aux canons, ne devrait jamais être invoqué comme un précédent contre ses successeurs (Jaffé, p. 379).
[87] Annales Laureshamenscs, Pertz, I, 38.
[88] Bouquet, V, 78.
[89] Vita S. Willchadi, auctore Anschario (Mabillon, Acta, t. III, 2e partie, p. 406 ; Bouquet, V, 451). — De même, plus tard, Sigebert de Gembloux, Bouquet, V, 578 : pendant la querelle des images, Sigebert admet que les habitants de Rome étaient encore sujets d'Irène.
[90] Orderic Vital, I, 24, édit. Le Prévost, t. I, p. 156. — De même un Grec, Constantin Manassès, voir Bouquet, V, 398.
[91] Aussi n'y eut-il que la cour de Constantinople qui se trouva blessée et qui protesta. Vita Caroli, 28. Les princes de Constantinople ne reconnurent pas d'abord aux princes francs le titre d'empereur des Romains et prétendirent garder ce titre pour eux seuls.
[92] Bouquet, V, p. 79.
[93] [Anschaire, p. 313, n. 3.] —
Orderic Vital.
[94] Liber pontificalis, Bouquet, V, 466 [édit. Duchesne, t. II, p. 7].
[95] Éginhard, Annales, année 801. De même Annales de Fulde, Bouquet, V, 332. De même le Poeta Saxo (IV, 21).
[96] Constantin Porphyrogénète, De Cærimoniis aulæ Byzantinæ, édit. de Bonn, c. 38, 40, 45, p. 191-224.
[97] Nous disons l'an 800 ; la plupart des Annales le mettent en 801, parce qu'elles font commencer l'année à Noël. Dans cette manière de compter le couronnement eut lieu le premier jour de l'année 801.
[98] Le titre d'empereur remplaçait le titre de patrice et non pas celui de roi. Éginhard, année 801. Ce sont les empereurs grecs qui ont essayé de qualifier Charlemagne de imperator Francorum (Bouquet, VI, 336), et l'on comprend pourquoi. L'empereur Louis II écrivant en 871 à l’empereur grec qui lui avait demandé pourquoi il s'intitulait empereur des Romains et non pas empereur des Francs, lui dit : Miraris quod non Francorum sed Romanorum imperator appellemur, sed scire te convenit quia nisi Romanorum imperator essemus, utique nec Francorum, a Romanis enim hoc nomen et dignitatem assumpsimus (Epistola Ludovici imperatoris, Bouquet, VII, 574.)
[99] Capitulaire de 806 [Borétius, n° 45, p. 126] ; Tardif, n° 103.
[100] Lettre de Léon III à Charlemagne (Jaffé, Liber carolinus, p. 308). Benoît Levite qualifie du titre de césar Charlemagne, Louis et Lothaire, Præfatio capitulariorum, Bouquet, VII, 509. — Un acte de donation de 811 (original, Tardif, n° 101) est daté : Anno undecimo imperii domni nostri Karoli gloriosi augusti. — Annales de Fontenelle, Bouquet, VI, 174. — Annales de Saint-Bertin, p. 31. — L'auteur des Miracles de saint Goar appelle l'empereur augustus (Bouquet, V, 455). — Le titre de césar est un peu moins fréquent que celui de augustus, encore le trouvons-nous dans le capitulaire de 802, de sacramento, dans la formule de Rozière, n° 140, dans Ermold, etc. Moine de Saint-Gall, II, 21. — L'impératrice est toujours appelée augusta, Annales de Metz, année 829, Bouquet, VI, 212.
[101] Quelquefois le titre imperator Romanorum est remplacé par Romanum gubernans imperium.
[102] Capitulaire de 802, Borétius, p. 92 ; Pertz, Leges, I, 91 ; Baluze, I, 363 et 378.
[103] On peut noter qu'il n'a même pas changé sa cour pour y introduire le cérémonial ou les dignités en usage à Constantinople. Sa cour, comme son administration, garde les règles mérovingiennes.
[104] Diplôme de Louis le Pieux, Tardif, n° 135. — Diplôme de Louis le Pieux, Bouquet, VI, 464. — Capitulaire de 860, 6, Walter, p. 112. — 2° traité de Mersen, 851, art. 5, Walter, III, 36. — Les évêques à Charles le Chauve, 858, Walter, p. 90. — Édit de Pistes, 864, art. 25. — Édit de Pistes, 864, art. 24. — Lettre d’Agobard à Louis le Pieux, Bouquet, VI, 567. — Borétius, p. 274. — Acte original de 833 ; Bouquet, VI, 588 ; Tardif, n° 126.
[105] Nithard, en un ouvrage de quarante pages, emploie plus de trente fois le mot respublica. — Hincmar, Epistola ad Carolum, Migne, I, 49. — Vita Walæ, II, 2, Bouquet, 280. — On trouve l'expression ob beneficium reipublicæ, dans l'intérêt public, dans la Vita S. Adalardi écrite par son disciple Ratbert, c. 30, Bouquet, VI, 277. — Miracula S. Benedicti, 27. — Même le domaine royal est appelé res publica, Walter, III, p. 119, vers la fin.