Avant d'étudier le gouvernement des Carolingiens, il est utile d'étudier la famille carolingienne[1]. ïl s'est fait de grandes théories sur l'événement de753 qui a substitué Pépin le Bref aux Mérovingiens. Les uns ont supposé qu'il y avait eu là une révolution politique, c'est-à-dire lé triomphe d'une classe d'hommes sur la royauté, et l'établissement d'institutions nouvelles. D'autres ont présenté l'avènement des Carolingiens comme le résultat d'une nouvelle invasion germanique. Suivant cette opinion, fort en vogue aujourd'hui, il y aurait eu une seconde invasion de Germains au VIIIe siècle, et Charles Martel en aurait clé le principal chef. La dynastie mérovingienne aurait été écartée comme devenue trop romaine, et les Carolingiens auraient été élevés au trône pour faire prévaloir les idées, l'esprit, le sang germaniques. Ainsi, suivant les uns l'avènement des Carolingiens est une révolution, suivant les autres une invasion[2]. Nous avons à chercher si ces théories sont conformes à la vérité. Nous ne le chercherons pas par des raisonnements et des considérations, mais par la simple observation des faits. Il est nécessaire d'observer d'abord les origines de cette famille et ses antécédents. Ce sera le moyen le plus sûr de nous faire une idée juste de l'acte de 753. 1° [LES CAROLINGIENS FONT PARTIE DE L'ARISTOCRATIE MÉROVINGIENNE.] Le premier point à constater est que cette famille n'a pas surgi tout à coup ; elle n'est pas apparue brusquement au vme siècle pour prendre la royauté. Elle ne sortait pas non plus, à ce moment, de la Germanie. Elle n'était pas apportée sur le sol de la Gaule par un nouveau flot de Germains. Elle était déjà depuis deux siècles riche et puissante. Elle faisait partie de l'aristocratie mérovingienne. C'est de la société mérovingienne qu'elle est sortie, et c'est là qu'elle a eu ses racines. Remontons la filiation. Avant Pépin le Bref il y a Charles Martel, avant Charles Martel son père Pépin dit d'Héristal. Ici la ligne se dédouble. Ce Pépin est fils d'Anségise et de Begga ; Anségise est fils d'Arnulf et Begga est fille d'un premier Pépin qui lui-même est fils d'un certain Carloman[3]. Arnulf et Carloman sont les deux ancêtres. Tous les deux sont des hommes du VIe siècle, et les Carolingiens sont là réunion de ces deux familles. Observons d'un peu plus près cette généalogie. Du premier Carloman nous ne savons rien que son nom[4]. On admet généralement qu'il était un duc, c'est-à-dire un fonctionnaire du roi d'Austrasie. Il était lui-même un Austrasien. Il est tout à fait vraisemblable qu'il était un Franc de race et un pur Germain. Son fils Pépin, très vraisemblablement aussi, était de pure race franque. Mais ici se présente un fait qui n'aurait pas dû être négligé : ce Pépin se maria avec une femme du midi de la Gaule, avec une riche propriétaire d'Aquitaine. Ce fait nous est attesté par son biographe : La femme de Pépin, dit-il, la vénérable Itta, était issue d'une clarissime noblesse d'Aquitaine[5]. Or le biographe, bien qu'il ne fût qu'un moine, était particulièrement instruit sur ce point ; car son couvent possédait une charte de donation de propriétés que cette femme avait faite en sa faveur[6]. Apparemment, celte charte portait avec le nom d'Itta le nom de son père et quelques indications sur sa famille. Le moine pouvait donc savoir sûrement qu'elle était d'une clarissime noblesse d'Aquitaine. Or la population de l'Aquitaine n'était pas une population germanique. Les Wisigoths n'y étaient pas restés ; les Francs ne s'y étaient pas établis. Elle obéissait aux rois francs et à des fonctionnaires royaux qui étaient plus souvent des Romains que des Francs. Nous avons même constaté plus haut qu'il y était resté un assez bon nombre de riches familles de l'aristocratie impériale. L'expression clarissima nobilitas qu'emploie le biographe était précisément l'expression consacrée pour désigner les familles de cette aristocratie où le titre de clarissime ou de sénateur était héréditaire[7]. L'employait-il sciemment, l'avait-il trouvée dans la charte d'Itta ? nous l'ignorons ; mais cette expression ne laisse pas d'être significative. Quant à ce mariage entre un Germain du nord de la Gaule et une .Romaine du Midi, il n'a rien qui doive nous surprendre. Pareilles unions étaient fréquentes. Nous savons d'ailleurs que l'Aquitaine faisait partie du même royaume que l'Austrasie. Les rapports entre les deux pays étaient incessants. Le mélange des races, surtout par mariage entre les Germains et les riches héritières romaines, est un des faits les plus incontestables de l'époque mérovingienne. C'est donc d'un mariage de cette sorte que naquit Begga, laquelle se trouva ainsi fille d'un Germain et d'une Romaine. Regardons maintenant l'autre ligne, celle, d'Arnulf. Nous possédons deux biographies de ce personnage[8]. Les deux auteurs vantent sa haute naissance et sa noblesse. Le premier s'exprime sous cette forme : Il était né d'une grande famille des Francs ; noble par ses parents, il fut encore plus noble par sa foi dans le Christ[9]. Il n'en dit pas plus, ne nous fait pas connaître le nom de son père, et nous laisse ignorer quelle était cette grande famille des Francs. Or on se heurte ici à une difficulté. Il n'y avait pas, au VIe siècle, de familles nobles chez les Francs. Il n'existait pas chez eux de caste nobiliaire ; Jamais il n'est fait mention dans les documents de cette époque d'une seule famille franque qui possédât une noblesse héréditaire. Qu'on lise Grégoire de Tours qui met si bien sous nos yeux les mœurs de ce siècle, on y verra en maints passages une noblesse romaine, qu'il appelle la noblesse sénatoriale ; on n'y verra pas une seule fois une noblesse franque, bien que Grégoire ait fort bien connu les plus grands personnages parmi lès Francs. Que veut donc dire l'auteur de la Vie de saint Arnulf quand il parle de prosapia Francorum ? Il faut noter que la plupart des Vies de saints de cette époque commencent par vanter la noblesse du personnage. En général ils se servent des expressions nobilis genere, nobilibus parentibus ortus, ortus nobili progenie, ortus inclyta prosapia. Mais parfois ils remplacent ces expressions par celle-ci : Ex nobili Francorum prosapia genitus[10]. Mais si l'on compare entre elles les Vies où sont employées ces diverses expressions, on voit qu'aucune idée spéciale ne s'attachait à l'une d'elles et que dans la langue fort prétentieuse des hagiographes elles étaient synonymes. Toutes, également et avec le même vague, voulaient dire que le saint n'était pas de basse naissance. Mais aucun de ces hagiographes ne songeait précisément à la race franque ou à la race romaine. Pas une fois, en effet, dans un tel nombre de Vies de saints, nous ne voyons que l'auteur oppose les deux races l'une à l'autre, ni même qu'il paraisse connaître deux races. Pour comprendre ces mots prosapia Francorum que six ou sept hagiographes emploient, et seulement à partir du VIIe siècle, il faut songer que le mot Franci n'avait pas un sens ethnique et qu'il désignait, tous les sujets du royaume des Francs. Il est impossible d'avoir lu les textes sans être frappé de cette vérité. Les mots rex Francorum ne signifiaient pas que le roi ne régnât que sur les Francs de race ; si Francorum avait ici son sens ethnique, il en résulterait que le roi mérovingien n'aurait eu aucun titre qui indiquât son autorité sur les hommes de race romaine. Nous rencontrons fort souvent l'expression palatium Francorum ou proceres Franci ; or nous savons par de nombreux exemples que beaucoup d'hommes de race romaine figuraient dans les plus hauts rangs du Palais et parmi les proceres. On trouve cent fois l'expression exercitus Francorum ; or nous savons que ces armées comptaient, au moins en Neustrie, plus de Romains que de Francs ; nous savons aussi que le service militaire était obligatoire pour tous indistinctement, et qu'il y eut même des Romains qui commandèrent les années. L'armée était donc un mélange de races, et pourtant on l'appelait toujours exercitus Francorum : cela ne signifiait pas autre chose que l'armée du pays ou du royaume des Francs. Dans ces expressions, comme dans beaucoup d'autres, le mot Francus avait perdu son sens ethnique. On était un Francus dès qu'on était un membre du royaume des Francs. Francorum est synonyme de Franciæ[11]. Lors donc que l'auteur de la Vie de saint Arnulf dit que cet homme était d'une grande famille des Francs, il n'est nullement, certain qu'il entende par là qu'Arnulf appartînt à la race franque, ni qu'il descendit d'un compagnon de Clovis. Vraisemblablement il se sert d'une expression vague et ne songe pas à chercher si son héros est un Franc ou un Romain. — Il ne nous dit pas quel était son père[12]. Peu de temps après, Paul Diacre parle d'Arnulf, dans son Catalogue des évêques de Metz, et il en parle, comme l'auteur précédent, sans remonter à son père[13]. 2° [QUE LES CAROLINGIENS PEUVENT ÊTRE RATTACHÉS À LA NOBLESSE ROMAINE.] Mais un autre hagiographe écrit la Vie de saint Clodulf,
fils de cet Arnulf, et il pense à donner la généalogie de la famille[14]. Arnulf, dit-il,
était d'une ancienne race de sénateurs[15]. Ce terme de
sénateur qui apparaît ici est digne d'attention. Le mot est fréquent dans
Grégoire de Tours. Seulement, il s'applique toujours à des Romains, jamais à
des Francs. Il désigne des familles de l'ancienne aristocratie impériale,
familles où le titre de sénateur avait été héréditaire sous l'Empire et était
resté héréditaire sous les Mérovingiens, au moins jusqu'à la fin du VIe
siècle[16]. C'est ainsi que
Grégoire de Tours nous apprend qu'un certain Gundulf, duc en Austrasie, était
de famille sénatoriale, genere senatorio
; et nous voyons en effet que ce Gundulf appartenait à la famille toute
romaine des Florentius Géorgius. Que ce fils des Florentius ait porté le nom de Gundulf, il n'y a rien là qui doive surprendre. Beaucoup de Romains prenaient des noms germaniques, surtout quand ils devaient se placer au service du roi. Les noms n'étaient pas héréditaires, et les formes germaniques avaient la vogue. Arnulf était donc, suivant l'hagiographe, d'une ancienne famille de sénateurs. Son père, ajoute-t-il, s'appelait Arnoald ou Ansoald, et le père de celui-ci s'appelait Ansbert[17]. De cet Ansbert on parlait très peu ; mais on vantait beaucoup ses frères, qui furent presque tous évêques. Ils s'appelaient Déotarius, Firminus, Agiulfus, Gamardus père de Goéric, et enfin Ragenfrid père du patrice Mummolus 'et du patrice Hector. Ce mélange de noms romains et de noms germaniques entre des frères n'avait rien qui étonnât à cette époque[18]. Les renseignements fournis par la Vie de saint Clodulf sont confirmés par d'autres documents. On trouve dans plusieurs manuscrits du Xe et du XIe siècle des tableaux généalogiques de la famille carolingienne. On peut ne pas attribuer une foi absolue à des tableaux généalogiques. Toutefois il faut songer que dans l'époque mérovingienne les grandes familles avaient leurs archives. Nous avons montré cela parles chartes et les formules. Un tableau généalogique n'est donc pas nécessairement une œuvre de fantaisie. Chaque famille possédait le sien. Précisément parce qu'il n'existait pas de noms héréditaires, chaque famille était soucieuse de conserver les preuves écrites de sa filiation. Cinq manuscrits contiennent une Généalogie de la famille carolingienne[19] ; dans un sixième nous trouvons un poème en vers[20] sur cette même généalogie[21]. Ces six manuscrits ne se ressemblent pas ; ils ne dérivent donc pas d'un manuscrit unique. Ils s'accordent parfaitement entre eux sur le fond. Tous sont en conformité avec la Vie de saint Clodulf. Tous établissent la même filiation : Ansbert, Arnoald, Arnulf. Tous mentionnent les mêmes frères d’Ansbert, et notamment Firminus. Tous enfin signalent cette famille comme sénatoriale[22], et quelques-uns ajoutent expressément qu'elle est romaine[23]. Une Vie de saint Goéric confirme, sans que l'auteur y ait pensé, cette généalogie[24]. Elle nous apprend que Goéric, dont le second nom était Abbo[25], était un Aquitain, qu'il appartenait à une grande famille, et qu'il était parent d'Arnulf[26]. Or il se trouve en effet que les Généalogies nous présentent un Goéric fils de Gamardus, et dont Arnulf était le cousin germain par son père. Tout ce que les Généalogies nous apprennent sur Ansbert, et surtout sur ses frères, marque bien que cette famille résidait en Aquitaine[27]. Or une seconde Vie de saint Arnulf, qui d'ailleurs n'a été écrite qu'au IXe siècle[28], rapporte en effet que le père d'Arnulf était Aquitain[29]. Cela encore, concorde avec les Généalogies, car il n'est pas douteux que l'hagiographe en parlant ainsi n'eût dans l'esprit la famille toute aquitaine d'Ansbert et de ses frères. Lui aussi, il mentionne Goéric, qu'il dit être cousin d'Arnulf[30], et qui vint d'Aquitaine s'établir à Metz[31]. Toutes ces Généalogies s'arrêtent à Ansbert, dont on peut placer l'existence aux environs de l'année 500. Aucune d'elles ne remonte à son père. Aucune ne nous explique comment il se fait qu'un homme nommé Ansbert soit d'une famille de sénateurs. Mais il se trouve qu'un des frères d'Ansbert, Firminus, fut évêque, devint un saint, et eut ainsi son biographe[32]. Or cet auteur nous dit quel était le père de Firminus et par conséquent d'Ansbert ; il s'appelait Ferréolus ; il était un des grands personnages de la Narbonnaise : il était le descendant des Ferréolus, l'une des grandes familles sénatoriales de la Gaule. Cette Vie de Firminus est surtout digne d'attention. On ne soupçonnera pas que l'auteur écrive pour louer les Carolingiens ; il ne paraît pas les connaître[33]. Ce n'est pas non plus de lui-même, ni de parti pris, qu'il nomme Ferréolus ; dans son premier chapitre, il se contente de dire vir quidam. Mais plus loin il raconte, apparemment d'après quelque source ou quelque tradition plus ancienne, comment le jeune Firminus se présenta à l'évêque Roricius pour obtenir d'entrer en cléricature ; il rapporte à ce sujet un dialogue. Qui es-tu ? demande l'évêque. — Je suis né à Narbonne, répond l'enfant, mon père s'appelle Ferréolus et ma mère Industria[34]. C'est par ce trait naïvement inséré dans le récit hagiographique que nous savons la descendance de Firminus et d'Ansbert. Or ce trait de la Vita Firmini est confirmé par un détail que nous donnent les Généalogies : à savoir qu'Ansbert eut un fils qui portait ce même nom de Ferréolus[35]. On sait que les grandes familles romaines, sans que l'hérédité du nom fût une règle chez elles, aimaient à transmettre les noms du père au fils, ou tout au moins du grand-père au petit-fils. Les Généalogies qui nous fournissent le nom du petit-fils Ferréolus concordent donc avec la Vita Firmini qui nous fournit le nom du grand-père. Cette famille des Ferréolus, qui avait été l'une des plus grandes de la Gaule et qui avait fourni à l'Empire des préfets du prétoire au Ve siècle[36], paraît avoir eu un moment d'éclipsé sous la domination des Wisigoths. Sa grandeur sous les rois francs s'explique si l'on fait attention à certains détails. Nous devons songer, en effet, que la cité de Narbonne à laquelle les Ferréolus appartenaient[37], continua, même après la bataille de Vouglé, à faire partie du royaume des Wisigoths pendant tout le VIe siècle ; mais nous voyons les hommes de cette famille quitter Narbonne. Or cela coïncide avec une expédition du roi d'Austrasie Théodebert (533), qui conquit sur les Goths, non pas Narbonne, mais les cités voisines, Uzès et Alais. Nous remarquons que, peu après, l'évêché d'Uzès est donné à un membre de cette famille nommé Roricius[38], puis à un fils de Ferréolus, Firminus, et enfin à un fils d'Ansbert, Ferréolus. On sait qu'à cette époque les rois disposaient aisément des évêchés. Quant à Alais, nommé alors Àrisitum[39], les rois d'Austrasie qui s'en étaient emparés en firent une circonscription indépendante de la cité de Nîmes[40] et y installèrent un fils de Ferréolus, Déotarius, puis un fils d'Ansbert, Modéric. En même temps, Agiulfe, fils de Ferréolus ou peut-être d'Ansbert[41], fut assez en faveur auprès du roi d'Austrasie pour en obtenir le siège épiscopal de Metz. Tous ces faits permettent de nous représenter cette famille comme ayant quitté Narbonne et le royaume des Goths vers 533 pour se lier à la fortune des Francs. Elle rendit apparemment de très grands services, car elle reçut en récompense trois évêchés. Ansbert servit-il comme soldat, ou comme diplomate, ou comme administrateur[42], nous l'ignorons ; mais son zèle parut assez grand et l'appui de cette grande famille du Midi parut assez précieuse pour qu'un roi mérovingien lui donnât une de ses filles en mariage. Ce fait est attesté par des documents de diverse nature, et nous n'avons pas le droit de le rejeter[43]. Il n'a rien d'ailleurs qui soit invraisemblable. Il est au contraire en pleine conformité avec la grande faveur dont cette famille a joui au VIe siècle. Il semble donc bien résulter de tout ce qui précède que la famille carolingienne se rattachait, par Arnulf et Ansbert, aux Ferréolus, et qu'elle était ainsi, en partie, de sang romain. Mais ces documents méritent-ils une pleine confiance ? Ce n'est pas sur des raisons de pure vraisemblance ou des raisons subjectives que nous avons à nous décider. Sans doute, ceux qui se figurent a priori que la population romaine dut être écrasée par les barbares, dépouillée, opprimée, réduite au néant, rejetteront cette généalogie comme une fable ; ni la richesse d'Ansbert, ni surtout son mariage avec une fille d'un Mérovingien n'entreront dans leur esprit. Mais ceux qui n'ont pas ces idées préconçues, ceux qui savent que les Romains restèrent riches, qu'ils servirent les rois, qu'ils parvinrent aux fonctions les plus hautes, que plusieurs d'entre eux prirent, par mode, des noms germaniques, qu'enfin les mariages entre les deux races étaient infiniment fréquents, ceux-là ne seront pas arrêtés par des raisons d'invraisemblance[44]. Au fond, cette généalogie ne doit pas être jugée d'après les diverses préventions qu'on a dans l'esprit[45]. C'est k la valeur seule des documents qu'un esprit critique doit regarder. D'une part, on peut dire en leur faveur qu'ils sont nombreux. La Vie de saint Clodulf, trois tableaux généalogiques qui viennent de source différente et qui pourtant concordent, le petit poème sur Ansbert, la seconde Vie de saint\ Arnulf, la Vie de saint Goéric, enfin la Vie de saint Firmin, voilà un total de huit textes. C'est beaucoup d'avoir huit textes sur un seul fait. Ce qui ajoute à leur valeur, c'est que ces différents auteurs ne paraissent ni s'être entendus entre eux, ni s'être copiés, ni avoir copié un modèle commun. La Vie de saint Clodulf et la Vie de saint Firmin n'ont aucun rapport entre elles. La première ignore tout ce qui concerne Firminus ; la seconde ignore tout ce qui concerne Ansbert et les Carolingiens ; c'est par d'autres documents que nous savons que Firmin et Ansbert sont la même famille et que nous pouvons associer les deux biographies. Aucune règle de critique ne permet de rejeter de pareils textes ni l'accord qui résulte pour nous de leur rapprochement[46]. Mais, d'autre part, aucun de ces textes n'est très ancien. La Vie de saint Clodulf est, à mon avis, du règne de Pépin le Bref. Une des Généalogies est du même règne[47] ; les autres sont du temps de Charlemagne ou de ses fils, puisque le nom de Charlemagne y figure, même celui de Louis le Pieux et de Lothaire[48]. Le petit poème sur Ansbert a été adressé à Charles le Chauve. La Vie de saint Firmin et celle de saint Goéric sont d'époque inconnue. Lors donc que ces documents mentionnent Ansbert et à plus forte raison Ferréolus, personnages du vie et même du Ve siècle, ils sont loin d'être des documents contemporains. Le principal argument contre cette Généalogie n'est pas que les écrits qui nous la fournissent datent seulement du vme siècle ; car nous savons que les familles riches avaient alors des archives domestiques[49], et il n'était pas fort difficile de retrouver la série des six ascendants d'un homme. L'argument le plus fort est que les documents qui nous l'ont conservée ont été écrits au temps où régnaient les Carolingiens et peut-être dans le but de les louer[50]. — Ainsi une chose est certaine, c'est que ces tableaux généalogiques ont été dressés au VIIIe siècle. Une chose fait question, c'est de savoir s'ils ont été dressés d'après des pièces et des actes qui se trouvaient dans la famille d'Arnulf, ou s'ils ont été fabriqués par pure imagination. Cette question ne peut pas être résolue scientifiquement. Chacun à son gré peut admettre l'une ou l'autre alternative. On peut croire à cette généalogie, comme on peut la rejeter. Seulement, si on la rejette comme fabriquée, il faudra se demander pour quel motif Charlemagne ou ses contemporains auraient imaginé et fabriqué une généalogie qui, au lieu de le faire descendre des Germains, le rattachait à une famille romaine[51]. De deux choses l'une : ou la généalogie est vraie, et alors Charlemagne descendait, en partie, d'une grande famille de l'aristocratie romaine ; ou la généalogie est fausse, et alors Charlemagne prétendait ou croyait en descendre[52]. Dans le premier cas, il y a un fait réel, qui est curieux. Dans le second, il y a une opinion, une prétention, une conception d'esprit qui serait plus curieuse que le fait lui-même et qui aurait encore plus d'importance[53]. Quant à nous, nous n'avons pas voulu négliger ces documents, comme ont fait les historiens allemands. Nous ne croyons pas qu'on doive construire sur eux une théorie. Ils doivent seulement nous mettre en garde contre la théorie qu'on a faite. Quand on a dit que la famille carolingienne représentait le sang et l'esprit germaniques, on a dit une chose que ces documents contredisent et qu'aucun autre document ne confirme. Nous ne concluons pas de ces documents que la famille de Charlemagne soit romaine ; mais on est encore moins en droit de dire qu'elle soit exclusivement germaine. Si l'on veut absolument introduire ici la question des races, il faut dire que cette famille en représente le mélange. Le mieux est d'écarter de notre étude cette question de races, à laquelle ni les rois ni les peuples d'alors ne pensaient. Notons que si l'on admet que Charlemagne descende d'Ansbert et des Ferréolus, on ne sera pas en droit d'en conclure qu'à travers ces sept générations cette famille soit restée romaine de sang et romaine d'esprit. Elle a vécu constamment dans le Nord et dans l'Est. Elle s'est mêlée par mariage à des familles germaines. Ses intérêts n'ont cessé d'être mêlés à ceux des rois d'Austrasie, puisqu'elle les servait et grandissait par eux. Nous devons même admettre que cette famille mit quelque soin et même quelque affectation à se confondre ave les Francs, puisque tous ses membres, depuis Ansbert, eurent des noms de forme germanique. Si les Carolingiens descendent d'une famille romaine, c'est d'une famille qui par ambition ou habileté avait eu soin de se franciser. Elle avait mis de côté sa descendance romaine et était devenue l'une des premières familles franques. 3° [LES CAROLINGIENS SONT UNE FAMILLE D'ÉVÊQUES ET DE SAINTS.] Mais cette théorie des races une fois mise de côté, il reste dans cette généalogie plusieurs renseignements que nous devons en dégager et mettre en lumière. La société que vise notre étude avait deux traits caractéristiques : dans la vie morale, une dévotion extrême, et plutôt aux saints qu'à Dieu ; dans l'existence matérielle, la grande influence de la richesse foncière. Or il ressort de cette généalogie ces deux choses : que la famille carolingienne fut, de toutes les familles de la Gaule, celle qui comptait le plus de saints, et celle aussi qui possédait le plus de terres. Pour les saints, à la première génération, parmi les frères d'Ansbert, nous trouvons : Déotarius, qui fut évêque d'Alais et devint un saint après sa mort[54] ; Firminus, qui fut évêque d'Uzès et devint aussi un saint des plus vénérés[55] ; Agiulfe, qui fut évêque de Metz ; Gamardus, qui ne fut pas évêque, mais qui fut père d'un évêque et d'un saint, saint Goéric[56]. A la seconde génération, les fils d'Ansbert furent : Arnoald, qui, après avoir vécu dans les dignités laïques[57], finit sa vie sur le siège épiscopal de Metz[58] ; Ferréolus, qui fut vingt-huit ans évêque d'Uzès et y fut honoré après sa mort comme un saint ; Modéric, qui mourut évêque d'Alais et sur le tombeau duquel Dieu opère beaucoup de miracles[59] ; enfin leur sœur, Tarsitia, devint aussi une sainte : tous les jours la puissance du Christ se manifeste pour ses mérites, et l'on rapporte même qu'elle a ressuscité un mort[60]. A la troisième génération, nous avons Arnulf, qui, après avoir été un grand seigneur de la cour d'Austrasie, fut évêque de Metz ; plus tard, il se fit moine à Remiremont, ce qui augmenta le prestige de son nom aux yeux des hommes. On en fit donc un grand saint. Son fils Clodulf devint évêque de Metz ; ces évêchés d'Uzès et d'Alais dans le Midi, de Metz dans lé Nord, étaient comme la propriété héréditaire de cette famille. Mort, il fut un saint[61]. Cela fait un total de neuf évêques, de sept saints, et d'une sainte, dans une même famille. Pépin le Bref et Charlemagne descendaient d'évêques et de saints. Si nous entrons dans les idées des hommes de ce temps-là, nous jugeons quelle force c'était pour une famille d'avoir des ancêtres qui faisaient des miracles. Longtemps encore après Charlemagne, les peuples croyaient que ces saints continuaient à veiller sur leurs descendants[62]. 4° [LES CAROLINGIENS SONT UNE FAMILLE DE GRANDS PROPRIÉTAIRES.] C'était en même temps la famille la plus riche. Le premier Carloman était un grand propriétaire du pays de Liège[63] ; son fils, Pépin de Landen, déjà riche, épousa en Aquitaine une riche héritière qui lui apporta an grand nombre de domaines[64]. D'autre part, les auteurs des Généalogies nous disent qu'Ansbert était très riche[65]. C'est un trait qu'ils ne négligent pas. Le biographe de saint Arnulf commence aussi par nous dire qu'il était très opulent en biens du siècle[66]. Un mariage unit les deux familles de Pépin et d'Arnulf et confondit les deux fortunes sur une seule tête, Pépin d'Héristal. Aucun document ne nous donne la liste ou le nombre des domaines possédés par cette famille[67]. Mais nous pouvons peut-être en juger par le nombre des donations déterres que nous voyons qu'elle a faites. Elle possédait dans l'Ardenne un castrum Ambra dont elle fit donation, la villa Germigny dans le pays de Reims[68] ; elle donne à l'église de Metz une villa Nugaretum située dans le diocèse de Verdun[69]. Elle donne aux monastères fondés par saint Rémacle un domaine dans le Hasbain et un autre dans l'Ardenne[70] ; au monastère de Saint-Trudon, deux domaines[71] ; au couvent de Lobbes une grande forêt située dans le bassin de la Sambre[72]. Nous savons d'ailleurs qu'elle a possédé dans le pays de Verdun le Parrois et Cominières[73] ; dans la vallée de la Moselle un domaine appelé Palatiolum[74] ; dans le diocèse de Trêves la villa Bollumvilla ou Bollumdorf[75] ; deux autres propriétés dans le pays de Maëstricht[76] ; dans le diocèse de Liège, deux grands domaines, dont chacun était le chef-lieu de plusieurs propriétés[77] ; dans l'Ardenne, le domaine de Lethernau, qui commandait lui-même à quatre autres domaines[78]. Itta a fait donation de plusieurs terres dans le Midi. Dans la Neustrie-, nous voyons la famille faire don à l'abbaye de Fontenelle de huit domaines situés dans le Vexin et le Beauvaisis[79]. Ces dix-huit ou vingt propriétés sont peu de chose ; mais nous devons calculer, d'abord, que nous sommes loin d'avoir la liste complète des donations de la famille ; ensuite, que ces donations qui ne l'ont jamais appauvrie n'ont certainement porté que sur une petite partie de sa fortune[80]. C'était tout au plus la dîme de sa richesse foncière. Or on était en un temps où la richesse foncière faisait toute la force des familles. C'était elle qui procurait des serviteurs, des amis, des guerriers. Par elle on était indépendant, et par elle on commandait. * * *Ainsi, il y avait dans cette famille, d'une part une longue série d'évêques, de saints, d'intercesseurs auprès de Dieu, d'auteurs de miracles, de l'autre une accumulation de domaines épars dans toutes les parties de la (Joule, et surtout au nord-est. Voilà la double origine de la grandeur carolingienne. A quoi bon imaginer qu'elle ait représenté les appétits d'une race et dirigé une invasion, puisque les documents ne disent rien de cela ? La vérité est qu'elle était la famille la plus riche en saints et la plus riche en terres. Nous allons voir qu'elle acquit avec cela la mairie du Palais, puis, par la mairie, la loyauté. |
[1] Nous employons le nom de Carolingiens ; mais il est bien entendu que ce n'est qu'un nom de convention. Les hommes de cette famille n'eurent jamais un nom commun. Il n'existait pas de noms patronymiques. — Quelques érudits allemands ont préféré le nom de Pippinides, parce qu'il ï a eu plusieurs Pépins dans cette famille, ou le nom d'Arnolfingiens, à cause d'Arnulf, ancêtre de Charlemagne. Ces deux noms ne sont dans aucun document. — Puisqu'il faut adopter un terme de convention, autant vaut s'en tenir à celui de Carolingien, qui est clair.
[2] [Dans un livre tout récent, MM. Bémont et Monod écrivent encore : L'avènement des Carolingiens, sera une conquête de la Gaule par les Germains.]
[3] Le mariage de Begga avec Anségise est signalé par la Vita Pippini (Bouquet, II, p. 608), par la Vita Sigiberti, 10, par Sigebert de Gembloux (idem, II, p. 600), par le Fragmentum auctoris incerti (idem, II, p. 692) par une Genealogia (idem, II, p. 698), par les Annales Metteuses S. Arnulfi. — Tous ces documents sont sans doute de date fort postérieure. Je ne pense pas que ce soit une raison suffisante pour rejeter ce mariage. Il était fort naturel que Frédégaire ou son continuateur ne le mentionnât pas ; les Gesta Francorum ni les Annales n'avaient pas non plus à s'en occuper. Il ne rentrait pas non plus dans ce que l'auteur de la Vie de saint Arnulf avait à dire. — De ce que ce nom de Begga ne nous ait été conservé que par des auteurs du Xe siècle, il ne suit pas nécessairement que ces auteurs l'aient inventé [il est d'ailleurs déjà dans la Vie de sainte Gertrude]. —Nous verrons l'intime union d'Arnulf et de Pépin en politique.
[4] On n'a sur lui que ce mot de la Vita Pippini ducis (Bouquet, II, p. 603). — On a pourtant fait sur ce personnage tout un système. Gérard, dans son Histoire des Francs d'Austrasie, I, p. 429, fait de ce Carloman un duc puissant qui gouvernait tout le pays entre la Forêt Charbonnière, la Meuse et le pays des Frisons. Il se trompe. Il confond Carloman avec son fils Pépin. Il cite la phrase des Annales de Metz (Pertz, I, p. 316 ; Bouquet, II, p. 677). Il ne fait pas attention que, dans le texte, cette phrase s'applique à Pépin, et non pas à Carloman, qui n'est même pas nommé ; voici la phrase : Begga, filiu Pippini præcellentissimi principis qui populum inter Carbonarium, etc. — La phrase a été reproduite exactement dans le Chronicum Vedastinum, p. 386, édit. Dehaisnes. — On la trouve aussi dans l'Historia Sanctæ Gertrudis (Bonnell, p. 176, note).
[5] Vita Pippini ducis (Bollandistes, 21 février ; Bouquet, II, p. 605).
[6] Vita Pippini ducis (Bollandistes, 21 février ; Bouquet, II, p. 605).
[7] [Cf. L'Invasion Germanique, liv. I, c. 10, § 3.]
[8] Mabillon ne donne que la première : Vita S. Arnulfi, dans les Acta Sanctorum ordinis S. Benedicti, II, p. 150 [de même Krusch, Scriptores rerum Merovingicarum, t. II, p. 426, ne donne que la première]. — Les deux sont dans les Bollandistes, au 18 juillet ; juillet, t. IV, 430-445.
[9] Vita S. Arnulfi. — Le texte donné par Manillon et par les Bollandistes porte bien genitus, et non pas gentis comme le porte l'édition de la Patrologie [tous les mss. donnent genitus].
[10] J'en trouve six exemples, dont aucun n'est antérieur au VIIe siècle : Vita Landelini, I ; Mabillon, II, p. 873. — Vita Trudonis, 1 ; ibidem, II, p. 1072. — Vita Salabergæ, 5 et 9 ; ibidem, III, p. 605 et 606. — Vita Agili, 14 ; Bouquet, III, p. 512. — Vira Umberti, 1 ; ibidem, II, p. 801.
[11] On remarquera, en effet, dans la langue mérovingienne l'usage fréquent du nom de peuple à la place du nom de pays. Dans la Chronique de Frédégaire, par exemple, Austrasii est souvent employé à la place de Austrasia, Franci pour Francia.
[12] Notons que l'auteur de la Vita S. Arnulfi est un moine de Remiremont. Il a connu Arnulf, mais seulement dans la fin de sa vie ; il ne l'a connu que moine, dans sa retraite absolue. On comprend qu'il n'ait pas connu sa généalogie.
[13] Paulus Warnefridi, Libellus de ordine episcoporum Mettensium (Patrologie latine, t. XCV, col. 704). — Paul Diacre attache si peu au mot Francorum l'idée de race germanique, qu'il croit que les Francs sont venus de Troie (ibidem, Migne, col. 718).
[14] Vita S. Clodulfi, Acta Sanctorum ordinis S. Benedicti, II, p. 1044 ; Bollandistes, 8 juin. Cette vie me parait avoir été écrite sous Pépin le Bref. Elle n'est pas antérieure, puisqu'il y est parlé de Pépin. Elle n’est pas postérieure, puisqu'il n'y est pas parlé de Charlemagne. L'auteur n'aurait pas manqué de faire mention du grand empereur dans le chapitre où il étale la grandeur de la descendance d'Arnulf. S'il ne fait pas mention de Charlemagne en ce passage, c'est que Charlemagne ne régnait pas encore lorsqu'il a écrit. — Pertz dit pourtant que cette Vie n'a été écrite qu'en 840 ; mais il ne présente aucune preuve a l'appui de son opinion. Il allègue seulement que l'auteur cite des Gesta Mettensium pontificum et, supposant que par ces Gesta il désigne ceux de Paul Diacre, il le place après cet écrivain. Mais l'auteur a pu avoir sous les yeux des Gesta de l'église de Metz, qui n'étaient pas ceux de Paul Diacre.
[15] Vita Clodulfi, 2.
[16] J'en trouve vingt-quatre exemples : dans Grégoire de Tours, In gloria confessorum, 5. — Historia Francorum, X, 31, § 18 ; II, 2. — Vitæ Patrum, VI, præfatio (il s'agit de Gallus, qui est un Romain d'Auvergne) ; VI, 1 ; VII, præfatio. — Historia Francorum, VI, 39 ; VIII, 39 ; X, 1 ; X, 31, § 12. — Vitæ Patrum, IV, 3 ; VI, 4 ; VIII, 1. — In gloria confessorum, 41 ; 90. — Vitæ Patrum, XIV, 3. — Historia Francorum, VI, 7 ; V, 45 ; VI, 11 ; X, 31, § 5 ; X, 31, § 7. — Vitæ Patrum, VII, 1 ; XX, 1. — In gloria martyrum, 86. — Il n'y a pas un seul exemple du même mot appliqué à des Francs.
[17] Vita Clodulfi.
[18] Notons d'ailleurs qu'il était assez d'usage alors que chaque personnage portât deux noms. Gamardus s'appelait aussi Babo (Pertz, p. 310). Quant à Ragenfrid, il eut deux fils qui portèrent des noms tout romains, Mummolus et Hector (Pertz, p. 310). — Le patrice Mummolus fut un des plus grands personnage du VIe siècle, commanda les armées, remporta des victoires. Grégoire de Tours dit (IV, 42) que le père de ce patrice Mummolus s'appelait Péonius. Il résulterait de là que Péonius et Ragenfrid étaient les deux noms du même personnage.
[19] Ces manuscrits sont : Paris 5294, Paris Saint-Germain 440 ; les autres sont au Musée Britannique, à Munich et à Vienne.
[20] Paris 8305 [Dümmler, t. II, p. 141]. On a de plus une Généalogie publiée d'après un manuscrit de Pithou dans Duchesne, Historiæ Francorum Scriptores, t. II, p. 1-2, et Bouquet, II, p. 699.
[21] Ces textes ont été publiés par Pertz, Scriptores, II, p. 308-312. Une de ces Généalogies est dans Bouquet, II, p. 698 et III, p. 677.
[22] Pertz, II, p. 310 ; p. 308. — Ibidem, p. 310-311.
[23] Voir surtout sur ce point le petit poème [sur Ansbert] De origine gentis Carolinæ. La Généalogie commence par : Aurea cum totum regnaret Roma per orbem.
[24] Vita S. Goerici, Bollandistes, 19 septembre, t. VI, p. 47 et suiv. Il existe deux Vies.
[25] Cf. Paulus Warnefridi, Gesta
episcoporum Mettensium. [Vita Arnulfi, 19].
[26] Vita S. Goerici, Vita prior, c. 2. — Ce Goéric fut d'abord un egregius miles, sæculi actibus serviens, et exerça de si grandes dignités en Aquitaine qu'un des hagiographes l'appelle rex (il veut dire rector) du pays ; vieux, il songea à l'épiscopat, et son cousin Arnulf lui transmit le siège de Metz.
[27] Désidérius vit et meurt évêque d'Arisitum, Firminus est évêque d'Uzès, Gamardus est père de Goéric qui vit longtemps en Aquitaine, Ragenfrid est père de Mummolus et d'Hector qui vivent dans le Midi, Tarsitia vit et meurt à Rodez.
[28] Vita altera S. Arnulfi, dans les Bollandistes, juillet, t. IV, p. 441. Cf. Mabillon, Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 149. Le c. 9 me parait indiquer qu'elle a été écrite sous Louis le Pieux. [C'est également la conclusion à laquelle est arrivé Krusch, p. 428, qui du reste ne la publie, pas.]
[29] Vita altera S. Arnulfi.
[30] Cette Vie d'Arnulf contenait, dans un des manuscrits, un exordium où était rapportée toute la filiation d'Ansbert (Bollandistes, p. 434) ; mais cet exordium n'est connu que par Vigner, qui l'a communiqué à Dominicy, et l'on peut avoir quelque défiance.
[31] Vita altera Arnulfi, c. 19, p. 444.
[32] Vita Firmini episcopi Usetiensis, dans les Bollandistes, octobre, t. V, F- 640 [cf. Auctarium, p. 70 et suiv.].
[33] [M. Krusch nous signale des extraits importants d'une Vie de Firminus donnés par les Bollandistes dans leur Catalogue des manuscrits hagiographiques, II, p. 95 et suiv. Ils seraient des environs de l'an 800.]
[34] Vita Firmini, c. 2. — Je me suis demandé si ce Firminus est bien le même que le Firminus dont parlent les Généalogies carolingiennes et la Vie de saint Clodulf. Il n'y a pas à en douter. Les Généalogies et la Vie de saint Clodulf disent que le Firminus, frère d'Ansbert, fut évêque d'Uzès. Le Firminus de la Vita S. Firmini fut aussi évêque d'Uzès. Or il n'y a eu qu'un seul évêque d'Uzès qui ait porté le nom de Firminus. Les dates aussi concordent parfaitement. Ajoutez encore que la Vita S. Firmini, sans nommer Ansbert, dit que Firminus a un frère dont le fils s'appelle Ferréolus ; or Ansbert avait en effet un fils de ce nom.
[35] Pertz, II, p. 308 ; p. 310. — Les Généalogies ajoutent que ce Ferréolus devint évêque d'Uzès ; de même la Vita Firmini dit que ce neveu de Firminus devint évêque d'Uzès après lui. La concordance est parfaite. — Grégoire de Tours mentionne la mort de ce dernier Ferréolus en 581 (Historia Francorum, VI, 7). — [Les Bollandistes publient une Vita Ferreoli au supplément du 4 janvier.]
[36] Sur les Ferreoli, voir Sidoine, VII, 12, etc.
[37] Vita Firmini, 1 et 2, Bollandistes, octobre, t. V, p. 640.
[38] La parenté de Roricius avec les Ferréolus est marquée par la Vita S. Firmini, c. 5. Lorsque Firminus a dit qu'il était fils de Ferréolus de Narbonne, Roricius cognovit quod esset ex progenie sua ortus. Suivant Gallia christiana, VI, 611, Roricius serait fils d'un Tonantius Ferréolus.
[39] Longnon, p. 5. Suivant ce savant, Arisitum serait Alais. Suivant d’autres, ce serait Arzat, ville aujourd'hui disparue, dans le Rouergue, près M Milhau. [Bien d'autres hypothèses ont été émises, que nous n'avons pas à énumérer ici.]
[40] Longnon, p. 55 et 538.
[41] Agiulfe nous est donné par les Généalogies comme frère d'Ansbert ; mais il ne fut évêque de Metz qu'en 578. Une ligne de Paul Diacre qui ne dit pas son père, mais qui le donne comme fils d'une femme de la famille mérovingienne, permet de supposer que Paul Diacre le croyait fils d'Ansbert.
[42] Ansbert est qualifié ïlluster vir (Bouquet, II, p. 598).
[43] Vita Arnulfi ab Umnone (Mabillon, II, p. 149). Généalogie (Pertz, p. 508) [avec une note marginale d'un ms. du Xe siècle, dans les Gesta, p. 285, édit. Krusch.] — Ce Clotaire est visiblement Clotaire Ier, lequel posséda l'Aquitaine de 553 à 561. Mais les auteurs des Généalogies qui s'accordent sur le nom de Blithilde, ne s'accordent pas sur le nom du roi son père. L'un la dit fille de Clotaire II et sœur de Dagobert Ier, ce qui est impossible puisque Arnulf son petit-fils était plus âgé que Clotaire II. Paul Diacre, dans son Catalogue des évêques de Metz, semble croire qu'il s'agit de la fille de Clovis. L'auteur du petit poème est plus net et marque bien qu'il s'agit de la fille de Clotaire Ier. — Toutes ces dissidences ne me paraissent pas infirmer le lait capital, à savoir le mariage entre une femme de la famille mérovingienne et un homme de la famille des Ferréolus. Si l'idée ne de cette alliance avait été imaginée au temps des Carolingiens et imposée aux hommes par un motif politique, tous nos auteurs seraient d'accord. Nul mot d'ordre ici. Nos auteurs savent qu'il y a eu un mariage, et plusieurs se trompent sur la date. On comprend que l'un en fasse la fille, l’autre la sœur de Clotaire. Il y a, en critique historique, des dissidences qui sont des indices de véracité, comme il y a des concordances qui ne marquent que le mensonge.
[44] [Voir dans les derniers chapitres de L'Invasion germanique.]
[45] Voir la discussion dans Pertz, II, p. 307, et déjà dans les Bollandistes, juillet, t. IV, p. 426 ; Gérard, 1, p. 354. Voir Bonnell, Die Anfänge des Karolingischen Hauses, p. 10, qui n'admet pas cette généalogie. — J'aurais plus de confiance dans Dominicy [Ansberti Familia rediviva, 1648], si ce méridional ne laissait trop voir son désir préconçu d'accaparer pour le Midi la famille de Charlemagne. — J'aurais plus de confiance dans Pertz et dans Bonnell, s'ils ne laissaient percer trop visiblement le désir préconçu de garder pour les pays du Nord la famille carolingienne. Les préventions, ou romanistes ou germanistes, ont toujours dirigé l'opinion des érudits sur ce point. C'est pour cela que l'érudition allemande s'applique à empêcher qu'on tienne aucun compte des nombreux documents que nous avons cités.
[46] Noter qu'à ces documents on pourrait encore ajouter Paul Dirige, Dans son Catalogue des évêques de Metz il dit qu'Agiulfe descendait par son père d'une noble famille de sénateurs, et, par sa mère, d'une fille de Clovis. Cela concorde parfaitement avec les Généalogies, car il ajoute comme elles qu'Arnoald était le neveu d'Agiulfe (Migne, t. XCV, col. 704). Il s'en écarte en ce seul point qu'il fait de Blithilde une sœur de Clotaire Ier au heu d'en faire sa fille. — Joignez encore le Chronicon Vedastinum qui est écrit au Xe ou XIe siècle (édit. Dehaisnes, p. 385-386), et la Chronique de Sigebert de Gembloux à l'année 619.
[47] C'est celle qui est publiée par Duchesne, Historiée Francorum Scriptores, t. II, p. 1-2, et par Bouquet, II, p. 699, sous le titre de Libellus de majoribus domus regiæ.
[48] Pertz, p. 309. Une Généalogie va même jusqu'à l'empereur Othon, Pertz, II, p. 314.
[49] Sur ces archives des familles, voir les Formules d'Anjou, n° 31, 32, 33 ; de Tours, 28 ; de Marculfe, I, 34.
[50] L'hypothèse qu'on a faite que tout cela aurait été inventé sous Louis le Pieux par les Aquitains, me paraît une hypothèse de peu de poids. La Vie de saint Clodulf et l'une des Généalogies sont antérieures à Louis le Pieux.
[51] Faisons encore une observation. La lecture attentive de ces Généalogies ne donne pas l'impression qu'elles aient été 'dictées ou inspirées par le souverain. D'abord, elles ne se ressemblent pas, et il n'y a pas eu un texte officiel. D'ailleurs la Vie de saint Clodulf et surtout celle dé saint Firmin ont été écrites en dehors de toute inspiration carolingienne. Or c'est justement par la, seule Vie de saint Firmin que nous connaissons l'attache avec les Ferréolus. Aucun des tableaux généalogiques n'allait jusque-là.
[52] On notera même que ces Généalogies écrites au IXe siècle ne mentionnent que la ligne paternelle, le côté d'Arnulf et d'Ansbert ; elles négligent complètement la ligne maternelle, le côté de Carloman et du vieux Pépin, le côté le plus germanique. — Mais je crois que cela tient uniquement à ce que la ligne d'Ansbert présentait un plus grand nombre d'évêques et de saints.
[53] Les hommes les plus instruits du IXe siècle ont cru a la vérité de cette généalogie. Hincmar déclara publiquement et dans une occasion solennelle que Charles le Chauve et ses ancêtres descendaient, par saint Arnulf, de Clovis. Il croyait donc au mariage d'Ansbert avec Blithilde (Annales Bertiniani, 869, édit. Dehaisnes, p. 195-196).
[54] Généalogie (Pertz, II, p. 310).
[55] Vita S. Firmini, Bollandistes, octobre, t. V, p. 640. — Généalogie.
[56] Vita S. Clodulfi, 2.
[57] La Généalogie du manuscrit de Munich le qualifie illuster vir (Pertz, p. 509). On sait d'ailleurs qu'il ne devint évêque qu'en 599, après avoir établi son fils dans le service du palais de Théodebert II.
[58] Paulus Warnefridi, Liber de Mettensïbus episcopis. — Suivant le Gallia christiana, XIII, 690, cet Arnoald ne serait pas le neveu d'Agiulfe, mais un homonyme.
[59] Généalogie (Pertz, II, p. 309).
[60] Généalogie (Pertz, II, p. 309).
[61] Le premier Pépin aussi fut vénéré comme saint, quoiqu'il n'eût pas été évêque ; de même sa femme Itta et sa fille Gertrude (voir Vita Pippini, et Vita Gertrudis, dans Mabillon, II, p. .464) ; mais cette sainteté me paraît être d'une époque un peu postérieure, et je crois qu'il vaut mieux ne la pas compter. [Celle de Gertrude est seule bien prouvée par sa Vie, qu'un auteur récent, Krusch, place avec raison au VIIe siècle.]
[62] Voir le Poeta Saxo, V, v. 151-154 ; Jaffé, p. 609.
[63] On représente ordinairement ce premier Carloman comme un duc puissant et un chef des pays dans la vallée de la Meuse, tout cela sans preuves. — Adrien Valois, Rerum francicarum, t. III, p. 27, dit seulement : Carlomannum in Hasbania multas possessiones habuisse credo, principem Hasbaniœ fuisse non credo.
[64] Vita Pippini. Rien ne fait croire qu’Itta ait fait donation de toutes ses propriétés.
[65] Pertz, p. 308. — Vita Arnulfi ab
Umnone.
[66] Vita S. Arnulfi, 2 [1, Krusch].
[67] Nous savons qu'elle posséda Landen, Héristal, Nivelle (Vita GerIrudis, Pertz, I, p. 316).
[68] Diplomata, n° 409 ; n° 316.
[69] Diplomata, n° 414. — Clodulf, fils d'Arnulf, donne au monastère de Mettlach la villa Oblagna (Pardessus, II, p. 84), au monastère de Tholey la villa Mercervilla (idem, II, p. 93). [Si les donations sont réelles, les deux chartes sont visiblement fausses.]
[70] Vita S. Remacli, 21 ; Bouquet, III, p. 527.
[71] Vita S. Trudonis, 22 ; Acta Sanctorum ordinis Benedicti, II, p. 1083 ; Bouquet, III, p. 636. L'un de ces domaines s'appelait Ochinsala, l'autre Ham.
[72] Diplomata, n° 443. La charte paraît fausse, c'est-à-dire refaite postérieurement pour remplacer une charte brûlée ou perdue ; la donation n'en paraît pas moins certaine, car les moines qui ont refait la charte possédaient encore la forêt.
[73] Par un diplôme de 702 (Diplomata, n° 454) Pépin fait don à l'évêque de Verdun du Parrois et reprend Cominières qu'il lui avait donné antérieurement.
[74] Testamentum Adelæ, Bouquet, III, p. 653.
[75] Diplomata, n° 503.
[76] Diplomata, n° 521.
[77] Diplomata, n° 587.
[78] Diplomata, n° 591.
[79] Annales Fontanellenses, Bouquet, II, p. 658 et suiv. Ces domaines avaient nom Floriacus, Taricinus, Walmo, Luciniacus, Mala, Gamapium, Ecclesiola, et Fontanidum.
[80] La famille acquit beaucoup de propriétés dans les guerres civiles, par confiscation. Cf. Diplomata, n° 537.