C'est pour obéir à la volonté de M. Fustel de Coulanges que j'ai accepté la mission de publier ses divers manuscrits et de compléter son Histoire des Institutions politiques de l'ancienne France. Il désirait vivement que la tâche commencée par lui fut continuée par un de ses élèves, et il avait bien voulu me désigner au choix de sa famille. La pieuse affection que j'avais pour lui, l'admiration que m'inspirent ses travaux, l'amour de la recherche historique, qu'il faisait partager à tous ses disciples, m'ont rendu ce devoir facile et précieux. Je suis heureux aujourd'hui, en publiant ce volume, d'accorder un premier et reconnaissant hommage à celui qui fut mon maître et me fit l'honneur de m'appeler son ami. Le volume qui parait aujourd'hui a été composé à peu près entièrement par M. Fustel de Coulanges. L'introduction et les quatorze premiers chapitres ont été àa-ils parlai dans les dernières années de sa vie. Cà et là, il y a eu seulement quelques phrases à rédiger, des notes à compléter, des transitions à insérer. Le chapitre XV, très bref du reste, a été fait d'après d'anciens cours et deux articles donnés à la Revue dès Deux Mondes, le 15 mai 1873[1] et le 1er août 1874[2] : c'est sur les indications formelles de M. Fustel de Coulanges que je l'ai ajouté. Le chapitre suivant est la réimpression presque intégrale d'un Mémoire paru en 1883 dans la Revue historique[3]. La conclusion a été écrite sous l'inspiration du présent volume un des paragraphes est emprunté à l'article du 1er août 1874. Les textes ont été contrôlés et transcrits d'après les plus récentes éditions. Je n'ai pas cru devoir compléter la bibliographie. M. Fustel de Coulanges avait lu tout ce qui se rapportait à son sujet, œuvres modernes et textes anciens il ne tenait pas à le montrer. Toutes les fois que j'ai dû ajouter un texte, une phrase ou un mot, je me suis servi de crochets, pour permettre au lecteur de reconnaître aisément les additions.. Les quinze premiers chapitres paraissent dans l'ordre indiqué par M. Fustel de Coulanges pour le plan de son volume. Les titres ont été parfois légèrement modifiés l'auteur ne les avait pas définitivement arrêtés. Ces quinze chapitres concernent uniquement le bénéfice et le patronage. L'intention de M. Fustel de Coulanges était d'étudier l'immunité dans ce même volume. Cela ressort notamment d'une esquisse très sommaire de ce volume, trouvée parmi ses papiers[4]. Se serait-il borné a réimprimer l'article de la Revue historique! L'aurait-il remanié complètement? Je crois plutôt qu'il l'eût reproduit sur un tirage à part de cet article, annoté de- sa main, il, n'a fait que d'insignifiantes additions. Le titre de ce livre n'est pas celui sous lequel le public l'a attendu. M. Fustel de Coulanges l'appelait volontiers le Bénéfice, et c'est sous ce nom qu'il le faisait annoncer. Nous avons cru cependant qu'il fallait le changer. Le bénéfice n'est traité que dans un tiers de l'ouvrage; le patronage y occupe assurément plus de place. Ce à quoi l'auteur s'attache surtout, c'est à montrer l'origine des institutions d'où sortira le système féodal. C'est le mot de féodalité que nous retrouverons à la fin de chaque chapitre. C'est de la féodalité seulement qu'il est question dans la double introduction. Enfin, le titre que nous donnons à ce livre est à peu près celui sous lequel avaient paru les deux articles de la Revue des Deux Mondes, ébauche et résumé du présent ouvrage. De tous les ouvrages de M. Fustel de Coulanges, celui-ci peut-être lui a coûté le plus de temps, lui a demandé le plus de soins. Il n'en est point auquel il ait plus longuement songé. S'il ne lui a pas été donné d'y mettre la dernière main, il l'a du moins rédigé presque en entier; et, dans les pages que j'ai dû ajouter, je me suis efforcé d'être l'interprète fidèle de sa pensée. CAMILLE JULLIAN. Bordeaux, 1er mai 1890. |
[1] Les origines du régime féodal, — I. La propriété foncière dans l'Empire romain et dans la société mérovingienne.
[2] Les premiers temps du régime féodal. – II. Le patronage, la fidélité, le droit de sauvement.
[3] Étude sur l'immunité mérovingienne.
[4] Plan : Du patronage chez les Gaulois, Romains, Germains ; de l'engagement de la personne, commendatio, ma les Mérovingiens ; de l'engagement de la terre ou du bénéfice ; des imminités et du patronage royal.