1° LES SOURCES DE L’ESCLAVAGE. Sur ce domaine rural que nous venons d'observer, vivait une petite population de cultivateurs non propriétaires, dans laquelle nous devons distinguer plusieurs classes d'hommes. Etudions d'abord celle des esclaves. L'esclavage était une institution aussi germanique que romaine. Il y avait eu des esclaves dans l'ancienne Germanie, et c'est par eux que la terre avait été cultivée[1]. L'esclavage se continue dans l'époque mérovingienne. Observez les deux séries de législations qui ont alors gouverné les hommes : d'une part, les lois germaniques, la Loi des Burgundes, la Loi salique, la Loi ripuaire, la Loi des Wisigoths, ou celle des Alamans ; d'autre part, les codes romains en vigueur à la même époque, le code Théodosien, la Lex Romana des Burgundes, la Lex Romana des Wisigoths ; dans ces deux séries de législations vous voyez l'esclavage ; et l'esclavage a exactement, dans ces divers codes, la même nature et les mêmes règles. Les esclaves gardent après les invasions le même nom qu'ils avaient eu dans la société romaine ; on les appelle des serfs, servi, souvent mancipia, au féminin servæ, ancillæ. Nous les trouvons quelquefois désignés par le terme germanique de vassi, lequel n'a pas à cette époque d'autre sens que celui d'esclave, mais qui, semble-t-il, s'applique surtout aux esclaves domestiques[2]. Ces esclaves ou serfs étaient de toute race. Déjà sous
l'empire romain il y avait eu des esclaves barbares
à côté des esclaves provinciaux[3]. De même sous les
Mérovingiens il y eut des esclaves indigènes et des esclaves germains. La Loi
des Burgundes parle de l'esclave de naissance
barbare, par quoi elle entend un esclave germain[4]. La Loi ripuaire
parle de l'esclave ripuaire[5]. Bertramn, qui
écrit son testament en 615, dit qu'il a des esclaves, les uns de naissance romaine, les autres de naissance barbare[6]. Il entend par
les uns des esclaves nés en Gaule, par les autres des esclaves venus de pays
germanique. Il ajoute qu'il a acheté des esclaves
barbares, c'est-à-dire germains[7]. Les auteurs du
temps nous montrent plusieurs fois des esclaves qui viennent, en effet, de la
Germanie. Un simple négociant, nommé
Christodore, possède deux esclaves saxons[8]. Le biographe
d'Eligius nomme trois de ses esclaves, Thillo qui était Saxon, Tituenus qui
était Suève, et Buchinus qui était né, dit-il, dans un pays encore païen[9]. Paul Diacre
rappelle que durant toute cette époque on amena de
la populeuse Germanie d'innombrables troupes d'esclaves, qui furent vendus à
prix d'argent aux populations de la Gaule et de l'Italie[10]. Nous possédons dans les chartes beaucoup de listes de noms d'esclaves ; on y lit autant de noms germaniques que de noms romains. Saint Rémi, par exemple, a des esclaves qui s'appellent Baudeleif, Albovich, Alaric, Manachaire, Marcoleif, Leudochaire, Dagalaïf, Sunnoweife, de même qu'il en a qui s'appellent Profuturus, Prudentius, Provincialis, Amantius, Placidia, Ambrosius, Cassaria. Dans le testament d'Arédius, écrit en 575, nous trouvons des noms tels que Léomer, Heldemod, Frangomer, Gariabaude, Léotchar, Gundomer, Léobaude, et nous en trouvons d'autres tels que Castorius, Faustinus, Silvius, Aquilinus, Artémia, Amazonia. Dans le testament de Bertramn, les esclaves se nomment Chinamund, Chrodorinde, Théodeginde, Austrechaire, Léodégisile, Baudasinde, ou bien Euménès, Julianus, Maurellus. Ce n'est pas qu'un nom germain prouve absolument que l'esclave qui le porte soit de naissance-germanique, ni qu'un nom romain prouve une naissance romaine. Mais la fréquence des noms germaniques dans la classe servi le implique la fréquence des Germains dans cette classe. Si la servitude avait été le partage d'une seule race, on n'y trouverait pas si habituellement des noms appartenant aux deux races. La vérité est que la servitude était une condition où toutes les races indistinctement tombaient et se confondaient. Ceux qui ont supposé que les serfs du moyen âge étaient les fils des Gaulois et que les maîtres étaient les fils des Germains, ont commis une double erreur, qui a faussé toute notre histoire. Un propriétaire romain pouvait posséder des esclaves germains, comme un propriétaire germain pouvait posséder des esclaves romains. Les auteurs des chartes, qui avaient à la fois des esclaves des deux races, ne font aucune différence entre eux. Nous pouvons même noter que dans ces chartes les noms romains et les noms germains ne forment pas deux listes séparées ; ils sont pêlemêle dans une même liste. D'où nous pouvons penser que, sur le sol aussi, ils ne formaient pas deux catégories et vivaient ensemble. Il n'y a d'ailleurs qu'à observer les familles d'esclaves ; on y remarquera très souvent que le mari peut porter un nom germain et la femme un nom romain. Dans le testament de saint Rémi, une Placidia est la femme d'un Mellaric, et une Saparégisilde est la femme d'un Flavianus. Pareils exemples sont innombrables. Les lois n'établissent non plus aucune différence entre les deux races d'esclaves. La Loi salique et la Loi ripuaire règlent la situation de l'esclave et punissent ses délits sans jamais s'occuper de sa race. Quand il s'agissait de déterminer le prix des esclaves en cas de meurtre, on les distinguait, non d'après leur race, mais d'après leur genre de travail, c'est-à-dire d'après ce qu'ils rapportaient au maître. Dans la Loi des Burgundes, par exemple, l'esclave laboureur avait le prix de 50 solidi, l'esclave charpentier en avait un de 40, l'esclave forgeron de 50, l'esclave orfèvre de 150. On voit par là qu'un esclave romain, s'il était orfèvre, pouvait valoir aux yeux de la loi autant que cinq esclaves germains qui étaient laboureurs[11]. Il n'est pas douteux que ceux qui étaient esclaves avant les invasions ne soient restés esclaves après elles. Les Germains n'eurent pas la pensée d'abolir l'esclavage ; ils ne songèrent même pas à affranchir parmi les esclaves des Romains ceux qui étaient de leur race. Nous devons donc croire que chaque domaine conserva ses anciens esclaves, qui s'y perpétuèrent par l'hérédité. Mais la société romaine usait volontiers de l'affranchissement, et la société mérovingienne fit de même. Nous voyons surtout que les testateurs donnaient la liberté à une partie de leurs esclaves. Le nombre des affranchissements fut si grand, que l'on ne comprendrait-pas que la classe servile n'eût pas été épuisée bien vile, si l'on ne savait que d'autres sources vinrent incessamment en réparer les pertes. C'était, en premier lieu, la guerre. On sait que les rois francs ne cessèrent presque pas de combattre les Germains. Or le droit public des populations germaniques permettait de réduire les vaincus en servitude. Aussi voyons-nous dans les écrivains du temps qu'au retour de chaque campagne on ramenait des captifs. C'est ainsi que beaucoup de Thuringiens, d'Alamans, de Saxons, de Slaves vinrent en Gaule et firent souche de serfs[12]. La guerre civile produisait les mêmes effets. Les rois francs, souvent en lutte entre eux, faisaient des captifs, sans distinguer d'ailleurs entre hommes de race franque et hommes de race romaine ; les uns et les autres devenaient esclaves et étaient vendus[13]. Il arrivait aussi que les otages que les rois se donnaient entre eux, et qui appartenaient aux meilleures et plus riches familles, fussent à la première querelle réduits en servitude[14]. Ajoutez à cela les violences particulières. Le genre de crime qui consistait à s'emparer de la personne d'un homme libre et à le vendre comme esclave fut fréquent à ces tristes époques. Le malheureux pouvait s'adresser à la justice ; mais s'il avait été entraîné loin de son pays et de sa famille, il lui était presque impossible de prouver sa liberté native. La seconde source de l'esclavage était le commerce. Il y
avait des marchands qui amenaient régulièrement en Gaule des troupeaux d'esclaves
de la Germanie et de l'île de Bretagne. Frédégaire parle d'une jeune fille nommée
Bilichilde que Brunehaut avait achetée à des
marchands et dont le roi Théodebert fit sa femme[15]. L'auteur de la
Vie de saint Gaugéric nous montre un marchand qui
conduit une troupe d'esclaves enchaînés pour les vendre[16]. Un écrivain du
sixième siècle nous, parle d'esclaves qui sont
espagnols, scots, bretons, vascons, saxons, burgundes[17]. Un autre parle
de gens qui traversaient le pays menant des esclaves à vendre : saint Berchaire
leur en achète seize d'un seul coup[18]. Éligius, dit
son biographe, était ardent à délivrer les esclaves ; il allait attendre sur
le rivage les bateaux qui apportaient cette marchandise humaine ; il y avait
des jours où il en rachetait vingt, cinquante, et jusqu'à cent ; or ces
hommes étaient de toutes races : il y avait parmi eux des Romains, des Gaulois, des Bretons, même des Maures ; mais
ce qu'il y avait le plus c'étaient des Saxons. Car en ce temps-là, ajoute le biographe, les Saxons arrachés à
leur pays étaient emmenés comme des troupeaux et dispersés dans toutes les
provinces[19]. Bathilde, qui
devint reine, avait été ainsi amenée en Gaule comme esclave, et cette fille de race saxonne avait été vendue à vil prix[20]. Une troisième source qui alimentait l'esclavage était Je droit pénal. La servitude était un des châtiments que la loi prononçait contre certains crimes. L'incendie, l'avortement, le sortilège, l'empoisonnement et même plusieurs genres de vols étaient punis de cette peine[21]. En cas de rapt ou d'adultère, le coupable devenait l'esclave de la famille qu'il avait outragée, et cette famille pouvait à son choix le mettre à mort ou le vendre[22]. On sait que beaucoup de crimes se rachetaient à prix d'argent ; c'était ce qu'on appelait la composition. Mais si nous regardons les sommes qui sont marquées dans les Lois, nous voyons qu'elles sont exorbitantes. Le meurtre d'un homme libre, par exemple, se rachetait deux cents pièces d'or, et le prix s'élevait en certains cas à six cents et même à dix-huit cents. Il fallait donc être fort riche pour composer. Que devenait le coupable s'il était pauvre ? La Loi salique prononce que, s'il ne peut payer, et si aucun de ses parents ne veut ou ne peut payer pour lui, et s'il ne trouve personne qui veuille lui fournir la somme, il sera mis à mort[23]. D'autres législations prononcent qu'il deviendra l'esclave de la famille lésée[24]. La Loi des Burgundes déclare qu'en cas de rapt le coupable qui ne peut payer le prix de son crime, sera adjugé aux parents de la jeune fille et que ceux-ci en feront ce qu'ils voudront[25]. Les lois franques paraissent ne punir les crimes que de peines pécuniaires ; qu'on regarde au fond si l'on ne voit pas bien que, pour quiconque n'était pas très riche, la vraie peine était ou la mort ou l'esclavage[26]. En cas de vol, la loi fixe une composition ; mais les chiffres sont encore bien élevés. Le voleur qui a dérobé un bœuf doit payer mille quatre cents deniers d'argent[27]. Celui qui a volé deux deniers dans une maison est frappé d'une amende de mille deux cents deniers. Il n'est pas ordinaire qu'un voleur possède de telles sommes. Alors il devient l'esclave de celui qu'il a volé, et on lui fait écrire une lettre ainsi conçue : Comme j'ai commis un vol à votre préjudice et que je ne puis transiger avec vous, je renonce à ma qualité d'homme libre et je me place en votre service de telle façon que vous fassiez de moi tout ce que vous faites de vos autres esclaves[28]. Nous possédons une autre formule du même acte où il ne s'agit que d'un vol de grain ou de vin : Je suis entré par effraction dans votre cellier ou votre grange et j'ai dérobé de votre grain ; vous m'avez cité devant le comte, et le tribunal a jugé que je devais vous payer telle somme ; mais comme je ne la possède pas, il m'a convenu de placer mon cou sous votre bras et de vous livrer la chevelure de ma tête en présence de témoins, en sorte que désormais je serai à votre service, j'obéirai à vous ou à vos agents, et si je commets quelque faute, mon dos subira les mêmes châtiments que vous infligez à vos autres esclaves[29]. Un autre cas était fréquent. Un coupable, un meurtrier
avait été arrêté, jugé par le comte, et condamné à mort ; car la peine de
mort était fort usitée sous les Mérovingiens[30]. Mais les lois
et les usages permettaient, soit au coupable de se racheter lui-même, soit à
un autre de le racheter, en payant au fonctionnaire royal un prix fixé. Le
coupable, ainsi arraché à la mort, devenait l'esclave de celui qui l'avait
sauvé[31]. Cela faisait
l'objet d'un acte écrit entre les deux hommes. La lettre était ordinairement
rédigée suivant cette formule : A l'instigation du
mauvais esprit et par ma fragilité, je suis tombé en grave chute, dont j'ai
encouru le péril de mort ; mais au moment où j'étais déjà dévolu au supplice,
votre bonté m'a racheté par argent, et vous avez donné votre bien en échange
de mon crime. Et moi, n'ayant pas d'autre moyen de reconnaître votre
bienfait, je vous fais abandon de ma qualité d'homme libre, en sorte qu'à
partir de ce jour je ne me détacherai pas de votre service et ferai tout ce
que font vos autres esclaves ; j'obéirai a vos intendants en toute chose.
S'il m'arrive jamais d'essayer de me soustraire à votre service, vous aurez
pleine faculté de me châtier ou de me vendre[32]. Les formules
pareilles qui nous sont parvenues sont assez nombreuses pour que nous jugions
combien cette sorte de marché a été usitée[33]. Quelquefois
c'était un prisonnier qui était racheté de la prison et qui devenait
l'esclave de celui qui l'en avait tiré. Il pouvait être entendu qu'il ne
serait esclave que jusqu'à ce qu'il eût gagné par son travail et payé à son
maître le prix que celui-ci avait versé[34]. Ainsi, le droit
pénal de l'époque, directement ou indirectement, par l'effet de la loi ou par
suite de l'usage du rachat, entraînait beaucoup d'hommes dans la servitude. Il faut encore compter, parmi les sources qui alimentaient l'esclavage, la servitude volontaire ou consentie. Il se pouvait que l'homme libre renonçât à sa liberté. Il pouvait la vendre, comme on vend un objet dont on est propriétaire. Les vieilles lois germaniques autorisaient ce marché[35]. Les lois romaines l'interdisaient ; mais elles laissent voir qu'il se pratiquait quelquefois malgré elles. A l'époque mérovingienne, il se passait publiquement, et il en était dressé un acte écrit[36]. Quelquefois l'homme se vendait pour avoir de l'argent. Il écrivait une lettre ainsi conçue :Au magnifique seigneur un tel, moi un tel, et ma femme. Il est reconnu que nous vous avons vendu et vendons notre état de personnes libres, avec tout notre avoir, c'est-à-dire avec tel manse, telle terre, telle vigne, et tout ce que nous possédons dans telle villa ; en conséquence de quoi nous avons reçu de vous un prix convenu, consistant en tel nombre de sous d'or ; dorénavant, vous qui êtes notre acheteur, vous aurez le droit de faire de nous et de nos héritiers tout ce que vous voudrez, et cet acte de vente sera formé à perpétuité[37]. Il arrivait parfois que la vente ne fût qu'une forme
d'emprunt. La législation ne prononçait pas expressément que le débiteur
insolvable deviendrait l'esclave du créancier[38]. Mais il pouvait
arriver qu'un emprunteur ne trouvât de l'argent qu'à condition de donner en
gage sa liberté. Il écrivait alors 'un acte appelé obnoxiatio : Sur ma demande, et
dans un besoin pressant, tu m'as mis dans la main tel nombre de sous d'or,
et, comme je n'ai pas moyen de te les rendre, je fais cet engagement envers
loi, de telle sorte que tu fasses de moi tout ce tu fais de tes esclaves, et
que tu aies le plein droit de me vendre, de m'échanger, ou de me châtier[39]. Cette sorte de
vente pouvait n'être que temporaire ; si la somme n'était pas trop forte,
l'emprunteur pouvait stipuler dans l'acte qu'il la rembourserait en tel
nombre d'années, et il n'était esclave que jusqu'au terme convenu[40]. Il pouvait même
quelquefois n'engager et ne livrer que la moitié de sa personne, status sui medietatem, ce qui signifiait qu'il
ne devait au maître qu'un certain nombre de jours par semaine, jusqu'à ce
qu'il eût remboursé la dette[41]. On pense bien
que tous ces emprunteurs ne réussissaient pas à s'acquitter, et que beaucoup
d'entre eux tombaient réellement, et leur famille après eux, dans cette
servitude complète ou dans cette demi-servitude. D'autres vendaient leur liberté à cette seule fin d'être nourris et vêtus leur vie durant ; et ils écrivaient : Sans y être contraint par aucune violence, et de ma pleine volonté, je renonce à mon état d'homme libre[42]. Le Code des Frisons signale des hommes qui, soit par une volonté spontanée, soit par besoin, ont fait cession de leur liberté[43]. La Loi des Bavarois déclare qu'aucun homme libre ne doit perdre sa liberté, à moins qu'il ne la livre lui-même par sa volonté spontanée[44]. Grégoire de Tours parle d'hommes pauvres qui, pour être nourris, se font esclaves[45], et un concile du commencement du septième siècle croit devoir s'occuper des hommes libres qui se sont vendus pour argent[46].... Ils se vendaient, est-il dit, pour argent ou pour quelque autre bien[47]. Nous pouvons conjecturer que plus d'un se fit l'esclave d'un propriétaire pour avoir place sur son domaine et obtenir quelques champs ou quelques vignes à cultiver. La dévotion pouvait être parfois une source d'esclavage. Un malade avait demandé sa guérison à l'intervention d'un saint ; guéri, il se faisait l'esclave de ce saint, c'est-à-dire de l'église ou du couvent où ce saint était particulièrement honoré[48]. Quelquefois l'intérêt, prenant la forme de la dévotion, déterminait l'homme à se donner à l'église ; on avait ainsi l'existence assurée et une protection certaine[49]. L'obéissance envers l'abbé était ordinairement douce et l'on vivait tranquille sur la terre d'un couvent. Ces esclaves volontaires n'étaient pas soumis à tous les caprices ; l'acte par lequel un homme s'était donné stipulait ordinairement la limite des obligations qui lui seraient imposées. Quelques exemples montrent que l'obligation se bornait à payer une redevance annuelle de quelques deniers[50]. Cette servitude était d'ailleurs héréditaire[51]. Il ne faut pas négliger, parmi les. divers modes d'esclavage volontaire ou consenti, celui qui dérivait du mariage d'une personne libre avec une personne serve. La Loi salique et la Loi ripuaire prononcent que l'homme ingénu qui épouse une esclave devient esclave[52]. Elles disent de même que la femme libre qui s'unit à un esclave perd son ingénuité[53]. La Loi des Ripuaires avertit bien cette femme ; elle veut que le roi ou le comte lui présente une épée et une quenouille ; si elle prend l'épée, c'est pour tuer l'esclave et rester libre ; si elle choisit la quenouille, elle épouse l'esclave et partage sa servitude[54]. Toutes ces règles étaient conformes aux vieux usages de la Germanie[55]. Elles l'étaient aussi aux anciennes lois romaines[56]. Nous devons comprendre que la conception d'esprit que l'on avait au sujet de l'autorité du maître sur son esclave, conduisait à exiger, comme chose naturelle, que la personne qui épousait cet esclave devînt l'esclave du même maître. Ce maître seul pouvait adoucir la rigueur d'une telle règle en renonçant lui-même à son droit naturel sur la personne qui épousait son esclave. C'est ce qui arrivait quelquefois. Il écrivait alors une lettre ainsi conçue : Comme tu as suivi volontairement mon esclave et que tu l'as accepté pour mari, je pourrais te prendre en servitude ainsi que les enfants qui naîtront de loi ; mais il m'a plu de. l'écrire cette présente lettre par laquelle je déclare que les fils et les filles qui naîtront de vous resteront personnes libres, vivront dans l'état de liberté, comme s'ils étaient nés de parents ingénus[57]. C'était là une pure concession du maître, et il pouvait se la faire payer. En général, chaque mariage avec une personne esclave faisait tomber une personne de la liberté dans la servitude, et donnait naissance à une nouvelle famille servile. Telles étaient les sources très diverses qui alimentaient incessamment l'esclavage. Lors donc que nous voyons cette nombreuse classe de serfs qui va couvrir tristement le sol de la France durant de longs siècles, nous devons nous dire : Parmi ces serfs, les uns le sont par naissance, et ils descendent des anciens esclaves de la Gaule romaine ou de la Germanie ; d'autres le sont par violence, ayant été enlevés dans quelque guerre ou quelque razzia et amenés en Gaule ; d'autres le sont par suite d'un crime commis, et l'origine de leur servitude a été une pénalité ; il y en a enfin beaucoup qui descendent d'anciens hommes libres, lesquels ont consenti, pour des motifs divers, à entrer dans la condition servile, et ils y sont entrés, la plupart du temps, en écrivant une lettre constatant leur pleine volonté. 2° CONDITION LÉGALE ET CONDITION RÉELLE DES ESCLAVES. De l'empire romain au royaume des Francs la condition légale des esclaves ne s'est pas sensiblement modifiée. L'esclave est toujours un objet de propriété, analogue, au moins en droit, à tout autre objet que les hommes peuvent posséder. Les lois barbares sont d'accord sur ce point avec les lois romaines. Si quelqu'un, dit la Loi salique, a volé un esclave ou un cheval, il payera 1.200 deniers au maître[58]. L'esclave pouvait être vendu. Nous avons plusieurs formules relatives à cette vente : « Je déclare que je t'ai vendu un esclave qui m'appartenait, portant tel nom, et je garantis qu'il n'est ni voleur, ni fugitif, ni débile, mais sain de corps et d'esprit ; j'ai reçu de toi tel prix convenu, et désormais tu pourras faire de lui tout ce que tu voudras[59]. » Généralement, la vente avait lieu au marché, en public et devant témoins, et l'on écrivait ceci : Il est notifié que tel homme, dans tel marché, a acheté un esclave valant tel nombre de sous d'or[60]. Mais cette règle n'était pas absolue, et la vente d'un esclave pouvait avoir lieu dans une maison privée et sans nulle publicité[61]. L'esclave pouvait être donné ou légué comme toute espèce d'objets. Un prêtre écrit dans son testament en 573 : Je fais don à tel monastère des esclaves susnommés, afin que cette donation rachète mes péchés[62]. Un homme écrit : Je donne à saint Vincent et à saint Germain une esclave nommée Adhuide, pour le salut de mon âme[63]. Nous voyons maintes fois un testateur faire le partage de ses esclaves, affranchir les uns, distribuer les autres à ses héritiers ou les léguer à une église. L'esclave étant un objet de propriété ne peut pas être propriétaire. Jamais on ne le voit posséder une terre en propre[64]. Pour lui il n'existait pas d'hérédité. Il n'hérite pas de ses parents. Un jour cette question fut posée : Un homme libre est devenu esclave par suite de son mariage avec une esclave ; ne peut-il pas hériter de ses parents qui sont restés, hommes libres ? Cela parut impossible ; il fut répondu que, si la succession de ses parents s'était ouverte avant que cet homme tombât en servitude, sa part d'héritage appartenait aussi bien que sa personne à son maître ; mais si la succession ne s'ouvrait qu'après le jour où il était devenu esclave, il ne comptait pas parmi les héritiers et sa part venait en accroissement aux autres parents[65]. Il est vrai que l'esclave pouvait avoir un pécule, peculium[66] ; le mot est le même qu'au temps des Romains, et les règles qui régissent ce pécule sont aussi les mêmes. Il peut comprendre toute sorte d'objets : des troupeaux, des meubles, de l'argent, une maison, un champ, même d'autres esclaves[67]. Mais la possession de ce pécule n'est garantie à l'esclave par aucune loi. En droit, ce pécule appartient à son maître ; aussi voyons-nous dans les chartes et dans les formules que le maître dispose de ce pécule[68]. S'il affranchit l'esclave, il peut lui laisser son pécule ou le garder pour lui, à son choix[69]. S'il vend ou s'il lègue son esclave, il décide de ce que le pécule deviendra. Seulement, nous devons remarquer que dans nos textes, presque sans aucune exception, il n'use de son droit que pour décider que l'esclave gardera son pécule. Aucune loi non plus ne prononce que le pécule passera aux enfants de l'esclave ; l'impression qui ressort des chartes est qu'il leur était ordinairement laissé, au moins en grande partie. Une personne esclave ne pouvait pas épouser une personne libre[70]. Cette règle, qui était déjà dans le droit romain, se retrouve dans tous les codes barbares[71]. Si une femme libre épouse son propre esclave, elle est punie de mort, ou tout au moins mise hors la loi, et nul ne peut la recevoir ni lui donner du pain[72]. Si un homme libre s'unit à sa propre esclave, ses enfants ne sont pas légalement ses enfants : ils sont ses esclaves ; veut-il qu'ils soient libres, il doit les affranchir publiquement ; encore ne seront-ils pas ses héritiers naturels : il faudra qu'il fasse un testament en leur faveur[73]. Arrivait-il qu'un homme libre épousât une esclave sans savoir qu'elle fût esclave, il pouvait, dès que l'erreur était constatée, rompre le mariage et renvoyer la femme, à moins qu'il ne préférât la racheter à son maître[74]. Ainsi l'esclave ne pouvait se marier, sauf de rares exceptions, que dans sa classe. Il devait d'ailleurs, pour se marier, en obtenir la permission de son maître. Cette règle était ancienne ; elle se conserva sans contestation comme chose naturelle. Les lois n'avaient pas besoin de la mentionner ; c'est dans les actes des conciles que nous la trouvons. Les évêques réunis à Orléans en 541 reconnurent que l'Église n'avait pas le droit de marier deux esclaves sans le consentement de leurs maîtres[75]. Grégoire de Tours raconte l'histoire d'un maître qui punit cruellement deux de ses esclaves pour s'être mariés sans son consentement[76], et, plus tard, nous voyons Eginhard écrire à un ami pour lui demander la grâce de deux de ses esclaves qui avaient commis le délit de se marier sans sa permission[77]. L'esclave ne pouvait se marier qu'avec un esclave du même maître. C'était encore là une de ces règles qu'il n'était pas besoin d'insérer dans les lois[78]. Supposez une union de deux esclaves appartenant à des maîtres différents : la cohabitation sera impossible, et la femme qui aura un maître ne pourra pas obéir à un mari. Une telle union était donc interdite en principe. En pratique, elle était possible si les deux maîtres étaient d'accord pour l'autoriser. Mais il se présentait alors une assez grande difficulté : ce n'était pas d'arranger le service de telle façon que chacun des deux esclaves servît son maître ; rien n'était plus aisé ; mais c'était de déterminer quels seraient les droits de chaque maître sur le pécule commun des deux esclaves, et surtout auquel des deux maîtres leurs enfants appartiendraient. Les lois ne s'occupaient pas de la question et n'avaient pas à s'en occuper. Il fallait donc que les deux maîtres fissent entre eux une convention particulière. Nous trouvons dans les formules un des types de convention qui furent usités en pareil cas : Par amour de la paix, disent les deux maîtres, nous sommes convenus que, des enfants qui naîtront, deux tiers appartiendront au maître de la servante, et un tiers au maître de l'esclave ; et que, du pécule qui sera acquis durant le mariage, le maître de l'esclave aura les deux tiers et le maître de la servante le tiers[79]. En principe, l'esclave faisait partie de la maison, non de la société. Il n'avait en conséquence ni droits politiques ni droits civils. Ni la loi ni la justice publique n'existaient pour lui. Quand le droit civil s'occupe de lui, c'est toujours au point de vue du maître et pour assurer son droit de propriété sur lui. Il interdit le vol de l'esclave, comme il interdit la fuite de l'esclave. Quand vous voyez les lois barbares punir d'une peine pécuniaire le meurtre d'un esclave, il faut bien entendre que la somme est payée, non à ses enfants, mais à son maître[80]. C'est pour cela que le prix de l'esclave varie suivant sa profession, c'est-à-dire suivant les revenus qu'il rapportait par son travail ou suivant sa valeur vénale[81]. Le maître est indemnisé de même pour les coups et blessures que l'esclave a reçus et en proportion de la détérioration que sa personne a subie[82]. De même encore, le viol commis sur une esclave est puni d'une peine pécuniaire et la somme est payée au maître[83]. Tout cela était la conséquence naturelle et forcée des principes qui régissaient l'esclavage et qui régnaient dans la législation, comme ils régnaient dans l'esprit des hommes. On n'aurait même pas compris que la loi fit donner l'indemnité à l'esclave, puisqu'on ne concevait pas que l'esclave pût acquérir. La loi ne pouvait prononcer d'indemnité qu'en faveur du maître, et elle n'avait pas d'autre moyen de protéger l'esclave. Il n'y avait pas de juridiction possible pour l'esclave. Il ne pouvait pas accuser son maître. La Loi romaine défendait au juge de l'écouter ; que le maître fût coupable ou non, l'esclave était d'abord puni de mort[84]. Cette interdiction subsista sous les rois barbares[85]. Les conciles eux-mêmes ne songèrent pas à la faire disparaître. L'esclave ne pouvait pas non plus être accusé en justice par son maître ; et cela résultait du même principe, à savoir qu'il ne pouvait pas se produire d'action judiciaire entre le maître et son esclave. N'étant pas justiciable des juges publics, l'esclave n'avait d'autre juge que son maître. Soit qu'il eût commis une faute contre son maître, soit qu'il en eût commis une contre une autre personne de la maison du maître, par exemple contre un compagnon d'esclavage, c'était le maître qui jugeait. Le droit de vie et de mort que le maître exerce sur son esclave n'est pas par essence un pouvoir arbitraire, c'est une juridiction ; c'est même la seule juridiction qui semblât possible[86]. Quand un homme libre se fait esclave, il déclare par écrit que, s'il commet quelque faute, son maître aura la faculté de le châtier et de le ramener au bon ordre, disciplinam imponere[87]. Le maître peut donc, comme un juge sans appel, condamner son esclave au fouet, aux coups, à la prison ; il peut le mettre aux fers. Toutefois il ne doit pas aller jusqu'à le frapper de mort ; cette règle, que les empereurs avaient établie, fut maintenue sous les Mérovingiens[88] ; mais il faut reconnaître qu'elle n'avait guère de sanction légale[89]. Le droit de justice du maître sur ses esclaves était compensé par sa responsabilité. S'il était juge des fautes que l'esclave commettait contre lui-même ou contre ses autres esclaves, il répondait en justice de toutes celles qui étaient commises hors de sa maison. En cas de crime contre un étranger, il fallait avant tout que le maître livrât au juge l'esclave coupable ; c'était lui qui avait la charge de l'arrêter, de le garder, de le conduire au tribunal ; s'il ne le faisait pas, il était traité comme étant lui-même le coupable, et c'est lui qui portait la peine[90]. Si l'esclave faisait défaut, le maître réparait le dommage causé[91]. Si l'esclave était convaincu d'avoir volé un objet d'une valeur moindre d'un tiers de sou, le maître était tenu de payer trois sous d'or[92]. Si l'esclave avait tué un homme libre, le maître commençait par livrer son esclave à la famille du mort, et il payait en outre la moitié de la composition[93]. S'il avait tué un esclave, le maître devait payer la composition due pour le mort au maître de cet esclave[94]. En théorie, c'est le maître qui est coupable, et c'est lui qui porte la peine. On voit que la condition légale de l'esclave n'avait pas beaucoup changé depuis l'antiquité. Sa condition réelle se modifia davantage. L'Eglise chrétienne eut en cela quelque influence. Ce n'est pas qu'elle réprouvât l'institution de l'esclavage. Il est visible que les ecclésiastiques possédaient au moins autant d'esclaves que les laïques. Elle n'encourageait aucune révolte. Elle ne pensait pas à prêcher l'égalité des conditions humaines. Elle partageait les idées alors régnantes sur la légitimité de l'esclavage, et ne paraissait même pas se douter qu'il pût disparaître un jour. Son rôle entre les esclaves et les maîtres fut très simple. Elle disait aux esclaves : Obéissez à vos maîtres, comme l'Apôtre l'ordonne. Puis elle disait aux maîtres, sans contester aucunement leurs droits : Soyez justes et bons envers vos esclaves[95]. Et elle ajoutait cette raison : Sachez bien que votre esclave et vous, vous avez un même maître, qui est Dieu[96]. Elle disait encore au maître : Ne dédaigne pas ton esclave, parce qu'auprès de Dieu il est peut-être plus que toi[97]. Or cette pensée si simple eut un immense effet. Ce n'est pas qu'auparavant la religion païenne eût absolument dédaigné l'esclave ; elle avait des fêtes pour lui, elle exigeait que le maître lui accordai des jours de liberté, et la loi du repos dominical est antérieure au christianisme. Mais ce que le christianisme enseignait de nouveau, c'était que le maître et l'esclave seraient jugés, et que l'esclave pourrait se trouver incomparablement au-dessus du maître durant toute une éternité. Peut-on calculer combien une telle croyance, régnant avec la même force dans l'esprit du maître et dans l'esprit de l'esclave, a dû adoucir l'autorité du maître et a dû relever l'esclave ? Celui-ci fut un chrétien ; il fut baptisé comme son maître, et ce fut quelquefois le maître qui tint le fils de son esclave sur les fonts baptismaux[98]. Songeons bien que le premier progrès à opérer n'était pas de conférer des droits à l'esclave ou de lui donner tout à coup du bien-être' ; il fallait Te relever à ses propres yeux, lui donner une âme d'homme, le rendre capable, je ne dis pas d'orgueil, mais de vertu et de grandeur. C'est ce que fit la nouvelle religion. On est frappé de voir combien l'Église, dans ses conciles, s'occupe de l'esclave. Lui qui n'était rien dans le droit civil, prend tout de suite une grande place dans le droit religieux. L'Église interdit de le vendre à des Juifs, de le vendre à des païens, de le vendre à des étrangers[99]. Elle tend à établir, comme précaution en faveur de l'homme, que la vente ait lieu en public, en présence d'un magistrat ou d'un prêtre[100]. Elle excommunie le maître qui frappe de mort son esclave, même coupable[101]. Elle fait profiter l'esclave de son droit d'asile. Si un esclave, même coupable d'un crime, s'est réfugié dans une église, elle ne le rend au maître qu'après que celui-ci à juré de faire grâce[102]. Elle ne peut élever un esclave à ses dignités ecclésiastiques, parce que ce serait une situation impossible que celle d'un prêtre qui aurait un maître ; mais dès qu'un maître a affranchi son esclave, elle n'a aucun scrupule à faire de cet ancien esclave un prêtre[103]. Elle ne permet pas qu'un esclave entre dans les ordres malgré son maître ; mais s'il est arrivé qu'il y ait été admis par erreur, elle ne l'en fait pas déchoir, et préfère rendre au maître deux esclaves à la place de celui qu'il a perdu[104]. Elle rachète volontiers des esclaves pour en faire des moines et des religieuses[105]. Elle élève volontiers ses propres esclaves à la cléricature[106]. Il s'est opéré d'ailleurs, sans révolte et sans bruit, un immense changement dans l'existence de l'esclave. L'antiquité ne connaissait pas pour lui le mariage ; elle ne lui accordait que l'union sexuelle, sans lien moral et sans effets de droit. La religion nouvelle déclara que le mariage était le même pour l'esclave que pour l'homme libre. Il avait lieu dans l'église et sous la bénédiction du prêtre. Dès lors un mariage d'esclaves était aussi indissoluble et aussi sacré qu'un mariage de personnes libres[107]. Cela eut de grandes conséquences. L'existence de l'esclave en fut transformée. Il eut une famille. Il acquit la dignité et la force que donne une famille groupée autour d'un homme. Sa femme eut droit au respect du maître lui-même ; la Loi des Lombards prononce que le maître qui a déshonoré la femme de son esclave perd cet esclave et sa femme, qui deviennent libres de plein droit[108]. Nous ne trouvons pas la même disposition dans les autres codes du temps ; mais il n'est pas douteux que l'Église n'ait en tout pays fait respecter le mariage d'esclaves[109]. Il y à des détails qui sont en apparence insignifiants et qui pourtant décèlent toute une révolution intime. Dans l'antiquité, les enfants des esclaves étaient seulement réputés enfants de la mère ; c'était la conséquence forcée du principe qu'il n'y avait pas légitime mariage entre esclaves. Avec le mariage légitime les enfants appartinrent au père. Dans tous nos textes du septième et du huitième siècle, c'est comme enfants du père et de la mère qu'ils figurent[110]. Dès lors la famille de l'esclave fut constituée à la ressemblance de la famille du maître. Il ne fut pas nécessaire que les lois conférassent à l'esclave l'autorité maritale et paternelle, et, de fait, elles ne pouvaient la lui conférer, puisque, au point de vue légal, il était, lui et les siens, en puissance de maître. En pratique, il eut presque toujours cette autorité. Sa femme et ses enfants vécurent autour de lui. Le ménage d'esclaves, dans son existence intérieure, commença à ressembler au ménage de personnes libres. Nous verrons plus loin un autre progrès. |
[1] Tacite, Germanie, 24.
[2] Loi salique, manuscrit 4404, tit. 35, § 6 ; dans Pardessus, p. 19 ; dans Hessels, col. 55 : Si quis vassum ad ministerium aut fabrum aut porcarium occident. — De même dans le manuscrit 9655 et dans celui de Wolfembutel, Hessels, col. 56 et 58. — Cf. Lex Alamannorum, LXXXI, 3, Pertz, t. III, p. 75 : Siniscalcus, si servus est et dominus ejus duodecim vassos infra domum habet. — Marculfe, II, 17 : Dispensare ad vassos vestros vel bene meritos vestros. — Codex Wissemburgensis, n° 17 et 159 : Vassallos meos elpuellas meas de inlus sala mea. — Diplomata, n° 476 : Dono rassalos sex cum tribus puellis.
[3] Code Théodosien, III, 4, 1 : Hoc enim non solum in barbaris sed et in provincialibus servis jure prxscriplum est.
[4] Lex Burgundionum, X : Si quis servum natione barbarum occident. — La Vie de saint Epladius parle d'esclaves tam romani quam burgundiones (Bouquet, III, 581).
[5] Lex Ripuaria, LVIII, 18 : Si ingenua Ripuaria servum Ripuarium secula fuerit. — Ibidem, 10 : Si tabularius ancillam Ripuariam acceperit, generatio ejus serviat.
[6] Testamentum Bertramni, dans les Diplomata, n° 230, t. I, p. 212-213 : Famulos meos qui mihi descrvire videntur tam de natione romana quam de barbara. Nous n'avons sans doute pas besoin de faire observer que dans cette phrase natio ne signifie pas nation, mais naissance ; l'esclave n'appartenait jamais à une nation.
[7] Ibidem, p. 213 : Quos postea de génie barbara comparavi.
[8] Grégoire de Tours, Hist., VII, 46.
[9] Vita Eligii, I, 10. Comparer Vita Tillonis, dans Mabillon, II, 994, où il est dit que Tillo, né d'une famille libre chez les Saxons, avait été amené et vendu en Gaule.
[10]
Paulus Warnefridi, Hist. Langobardorum,
I, 1.
[11] Lex Burgundionum, Pertz, t. III, p. 538, lit. X, c. 2-6 : Si alium servum, ROMANUM sive BARBARUM, aralorem aut pircar'um occiderit, 50 solidos solvat. Qui aurificem occideril, 150 solidos solvat. Qui fabrum argenlarium occideril, 100 solidos solvat. Qui fabrum ferrarium occiderit, 50 solidos solvat. Comparez la Lex Romana Burgundionum (Papianus), tit. II, c. 6, Pertz, p. 597 : Si servus cujuscumqus occisiis fuerit, secundum servi qualitatum domino ejus prctia cogatur exsolvere ; hoc est, pro adore xenlum solidos (même disposition dans la Lex Burgundionum, L, 2), pro ministeriate 60, pro aratore aut porcario 50, pro aurifice electo 100, pro fabro ferrario 50, pro carpentario 40. — On remarque, à la vérité, dans la Lex Burgundionum, X, 1, une disposition qui vise particulièrement l'esclave germain, servum natione barbarum ; mais il faut faire attention qu'il n'est question dans ce paragraphe que du ministerialis ou de l'expeditionalis. L'expeditionalis est un esclave qui accompagne son maître à la guerre, et cet esclave germain n'a pas son analogue romain ; quant au ministerialis, il a ici un wergeld de 60 solidi ; or, si vous regardez la Lex Romana correspondante, Papianus, tit. II, § 6, vous y trouvez un ministerialis qui est ici un Romain et qui a le même wergeld. On se tromperait sur le sens des mots de la Loi burgunde, servum natione barbarum, si l'on croyait qu'ils donnent un avantage à l'esclave germain en général ; il n'y a quelque avantage que pour l'esclave barbare qui combat à côté de son maître ; encore est-il mis au-dessous de l'esclave orfèvre. — Comparez Lex Wisigothorum, VI, 1, 5. — La Loi salique ne fait aucune distinction entre les esclaves quant au prix du meurtre ; voy. XXXV, 6 ; la Loi ripuaire ne les distingue pas d'après la profession, mais d'après la dignité du maître, .c'est-à-dire que l'esclave du roi ou d'une église a un wergeld triple ; voyez VIII, IX et X.
[12] Voyez l'exemple de la Thuringienne Radegonde, fille de rois, qui fut amenée en Gaule avec le butin et tirée au sort (Vita Radegundis a Fortunato, c. 2 ; Grégoire, Hist., III, 7). — Saint Rémi, dans son testament (Dipl., I, p. 85), dit avoir racheté d'esclavage une femme nommée Sunnoweifa et son fils Leubérède, qui avaient été auparavant des personnes libres ; il y a apparence que c'étaient des prisonniers de guerre. — Frédégaire, Chronique, c. 87 : Omnem populum qui gladium evasit, captivitati deputant. — Voyez aussi dans la Vie de saint Eusicius (Bouquet, III, 429), à la suite d'une expédition de Childebert contre les Wisigoths, des milliers de captifs amenés d'Espagne en Gaule.
[13] Grégoire, Hist., VI, 51 : Ingressus exercitus Desiderii per Turonicum captivos
abduxerunt. — Ibidem, VII, 1 : Cum
Mummolus mullos caplivos ab ea urbe duxisset proseculus ille
(l'évêque Salvius) omnes redemit. — Ibidem,
VIII, 30 : Animas in caplivilatem subdenies.
— Frédégaire, Chronique, c. 20 : Pluritas
captivorum ab exercitu Theuderici et Theudoberti exinde ducitur. — Ibidem,
57 : Hominum multitudinem in captivitatem duxerunt.
— Vita Fidoli, c. 4 (Bouquet, III, 407) : Pueros
atque adolescentes pucllasque exercilus vinclis post terga manibus secum
ducens, per diversa loca pretio acceplo distrahebat. — Vita
Betharii, 9, 10 (Bouquet, III, 429-450). — Vita Salvii, 6, 10.
[14] Grégoire de Tours, Hist., III, 15.
[15] Chronique de Frédégaire, 55 : Bilichildem quam a negotiatoribus mercaverat. — Les marchands d'esclaves sont mentionnés dans les formules : Senonicæ, 9.
[16] V. S. Gaugerici, Acta Sanctorum, 11 août : Negotiator pueros captivos vinculis constrictos venumdandos duxit.
[17] Fortunatus, Vita Germani, c.
74 : Hispanus, Scoius, Britto, Vasco, Saxo,
Burgundio, cum ad nomen Beati concurrerent undique, liberandi jugo servitii.
[18] Vita Bercharii, Bouquet, III, 589-590, c. 14 et 17 : Pretio a prætereuntibus suscepil captivas pucllas octo..., simul cum ipsis suscepil prelio viros oclo captivos.
[19] Vita Eligii, c. 10 : Ubicumque venumdandum intellexissel mancipium, dato prelio, liberabat.... Usque ad viginli et quinquaginla redimebal. Nonnunquam agmen integrum usque ad centum animas, cum navi cgrederentur, ulriusque sexus, ex diversis gentibus venientes liberabat, Romanorum scilicet, Galloium atque Brilannorum, necnon et Maurorum, sed præcipuc ex génère Saxonum, qui abunde co tempore velut greges a sedibus propriis evulsi in diversa distrahebantur.
[20] Vita Balthildis, Acta SS. ord. S. Bened., II, 776 : Balthildis vili pretio venumdala... cum esset ex genere Saxonum.
[21] Lex Burgundionum, XLVII. — Lex Wisigothorum, II, 1, 7 ; VII, 6, 2 ; IX, 2,
8-9 ; VI, 2, 2. — Lex Baiuwariorum, VII, 18 ; VIII, 4. — Vita
Desiderii Cat., 5 : Alii ob hoc servituti
addicti sunt.
[22] Grégoire de Tours raconte un exemple de l'application de cette peine, Hist., VI, 56. — Lex Burgundionum, 56 : Adulterant subdi jubemus regix servituti. — Lex Wisigothorum, in, 5, 1 ; III, 4, 14. — Chez les Alamans et les Bavarois, la violation du repos dominical était punie de la servitude (Lex Alamann., XXXVIII, 4 ; Lex Baiuwariorum, VI, 2).
[23] Lex Salica, LVIII : Si quis hominem occiderit. et, tota facullale data, non habuerit unde lotam legem impleat..., si eum in composilionem nullus ad fidem luleril, hoc est ut eum redimal de quod non persolvit, de sua vita componat.
[24] Lex Wisigothorum, VI, 4, 2 : Si non habuerit unde componat, ipse sine dubio serviturus tradatur. — Lex Baiuwariorum, I, 11 : Si non habet taniam pecuniam, se ipsum et uxorem et filios iradat in servitium. La Loi ajoute : usque dum se redimere possit ; mais cette réserve était bien illusoire ; ce n'est pas dans l'esclavage que l'on pouvait acquérir l'énorme somme dont il est parlé dans ce même article de loi. — La servitude comme conséquence d'une condamnation judiciaire est encore indiquée dans la Loi des Bavarois, XVI, 11 ; t. III, Pertz, p. 523.
[25] Lex Burgundionum, XII, 2 : Sexies puellæ pretium raptor
exsolvat. Si rapior non habuerit unde solutionem suprascriptam solvere valeat,
puellæ parenlibus ut faciendi de eo quod ipsi maluerint habeant potestatem.
[26] C'est ce qui est dit expressément dans un additamentum à la Loi ripuaire, c. 5 : Homo ingenuus qui multam quamlibet solvere non potuerit et fidejussores non habuerit, liceat ei semetipsum in wadium ei cui debitor est millere usque dum mullam quam debuit persolvat (Borétius, Capit., p. 177, anno 805).
[27] Lex Salica, III, 5 : Si quis bovem... furaverit, MCCCC dinarios qui faciunt solidos XXXV, culpabilis judicetur. — Ibidem, XI, 5. : Si quis ingenuus casam effregerit et quod valet 2 dinarios furaverit, MCC dinariis qui faciunt solidos XXX, culpabilis judicetur.
[28] Formulæ Andegavenses, 2 : Quod res vestras furavi et aliter transigere non possum, nisi ut integrum statum meum in vestrum debeam implicare servitium, ergo constat me... ut quidquid de me facere volueritis, sicut et de reliqua mancipia vestra, in omnibus habeatis potestatem faciendi quod volucritis. — Cet acte prenait la forme d'une vente ; il était appelé venditio, et le coupable paraissait recevoir la somme à laquelle il avait été condamné et qu'il ne payait pas.
[29] Formules, édit. de Rozière, 464 ; Zeumer, Bignonianæ, 27.
[30] Pour les preuves, voyez notre volume de la Monarchie franque, p. 459 et suiv.
[31] On trouve déjà un exemple de cela dans le testament de saint Rémi (Diplomata, t. I, p. 85) : Friardus quem, ne occideretur, quatuordecim solidos comparavi.
[32] Marculfe, II, 28.
[33] Formulæ Andegavenses, 3. — Senonicæ, app., 6. — Arvernenses, 5.
[34] Formulæ Bignonianæ, 27 : ... In ca ratione ut interim quod ipsos solidos veslros reddere poluero.... — C'est ainsi que saint Rémi, qui a racheté Friard pour 14 sous, lui fait grâce de 2, et décide qu'il payera les 12 autres à une église (Testam. Remigii, p. 85).
[35] Tacite, Germanie, 24 : Victus (l'homme qui a perdu au jeu) voluntariam servitutem adit ; venire se et alligari patitur. — Tacite signale ce cas de servitude volontaire ; il ne dit pas que ce fut le seul.
[36] Andegavenses, 17 : Dum cognitum est quod homo, nomen ille, venclilione de integro statu suo ad hominem, nomen Muni, et conjuge sua illa — Cette formule vise d'ailleurs le cas où l'homme qui s'est vendu redevient libre et où son acheteur devrait lui restituer son acte de vente. — Formulée Wisigothicæ, 52.
[37] Formulæ Andegavenses, 25.
[38] Il semble que l'on pratiquât l'emprisonnement pour dettes, l'emprisonnement dans la maison du créancier ; cela ressort d'un récit de Grégoire de Tours, dans les Miracula Martini, III, 47, p. 252 ; voyez aussi ce qu'il raconte de saint Enoch, mort en 576, qui donnait beaucoup aux pauvres et qui en racheta plus de 200 a nexu servitutis debilique onere (Vita Patrum, XV, 1).
[39] Formulæ Senonicæ, 4. — Cf. Lex Salica, addit., édit. Merkel, p. 48.. — Voyez aussi un capitulaire de 805, Borétius, p. 114, c. 8.
[40] Formulæ Andegavenses, 18 ; Senonicæ, 24.
[41] Formulæ Andegavenses, 38 ; Marculfe, II, 27.
[42] Formulæ Andegavenses, 19.
[43] Lex Frisionum, XI, 1 : Si liber homo spontanea voluniate vel forte neeessitate coactus, nobili seu libero seu etiam lido in personam et servitium lidi se subdiderit.
[44] Lex Baiuwariorum, VI, 5 : Quamvis pauper sit, libertatem suam non perdat, nisi ex sponlanea voluntate alicui tradere voluerit, hoc potestatem habeal faciendi.
[45] Grégoire, Hist., VII, 45 : Subdebant se pauperes servilio ut aliquantulum de alimenta porrigerent. — Cf. capitulaire de Pépin, dans Borétius, p. 40, art. 6 : Si quis pro inopia fame cogente se vendiderit.
[46] Sirmond, Concilia Galliæ, I, p. 619, art. 14 : De ingenuis qui se pro pecunia aut alla re vendiderunt. Le concile veut obliger les maîtres à rendre à ces hommes leur liberté aussitôt que ceux-ci auront payé la somme autrefois reçue.
[47] Ibidem : Pro pecunia aut alla re. Dans la langue mérovingienne, le mot res se dit le plus souvent d'un bien foncier.
[48] Voyez, par exemple, la Vita Melanii, Bollandistes, janv., I, 550 : Qui sanitate recepta cum omnibus suis S. Melanii se iradidit obsequiis alque ejus servilio adhæsit.... Qui cumper mérita sancti se intellexisset sanatum, se Pontificis tradidit obsequiis, cujus cliam progenies usque in hodiernum diem ejus eclesiæ excubiis jugiler inservit. — Grégoire de Tours, Gloria conf., 101 (103) : Qui cum sanitatem recipiunt, statint se tributarios loco illi faciunt, ac récurrente circulo anni pro rcdditæ sanitatis gratia tributa solvunt.
[49] Voyez des exemples dans le Polyptyque de Saint-Maur à la suite de celui de Saint-Germain-des-Prés, Guérard, p. 287 et 288, n° 20 et 22 : Ingelburgis B. Petro se tradidit.... Hisenburgis gratanter se condonavit S. Petro ut in posterum cum filiis suis sub servitutis jugo teneatur. — Voyez le Polyptyque de Saint-Germain, IV, 34 ; XX, 47, etc.
[50] Coloni qui se addonaverunt, debet unusquique denarios 4, et feminæ denarios 2. Polyptyque de Saint-Remi, à la suite du Polyptyque d'Irminon, p. 290, n° 9.
[51] Beaumanoir, ch. XLV, § 19 : Servitutes de cors si sont venues en moût manières... La seconde ci est parce que et tans cha en arrière, par grant dévotion, moult se donaient, eux et leurs oirs et leurs cozes, as sains et as saintes, et paiaient ce qu'il avaient proposé en lor cuers..,.
[52] Lex Ripuaria, LVIII, 15 : Si Ripuarius ancillam Ripuarii in matrimonium acceperil, ipse cum ea in servilio perseveret. — Lex Salica, XIII, 9 (1er texte, Pardessus, p. 9) : Ingenuus si ancillam aliénant priserit, simililer palialur (id est, ingenuilalem suam perdat).
[53] Lex Salica, XIII, 8, 1er texte : Si ingenua puella sua voluntate servum secuta fuerit, ingenuitatem suam perdat. — Lex Ripuaria, LVIII, 16 : Si Ripuaria hoc fecerit, ipsa et generatio ejus in servilio perseverent. — Cf. Lex Burgundionum, XXXV ; Lex Wisigothorum, III, 2, 2 ; Lex Alamannorum, 18,5.
[54] Lex Ripuaria, LVIII, 18. Cela n'a lieu d'ailleurs que dans le cas où les parents de la femme s'opposent au mariage.
[55] Cela ressort de ce que nous disent les chroniqueurs des vieilles lois des Saxons qui interdisaient le mariage entre libre et esclave. Voyez Translatio Alexandri, § 1, dans les Monum. Germaniæ Script., t. II, p. 675, et Adam de Brème, ibidem, t. VII.
[56] Paul, Sententiæ, II, 21 : Simulier ingenua alieno se servo conjunxerit, si quidem invito et denuntiante domino in eodem contubernio perseveraverit, efficitur ancilla.
[57] Marculfe, II, 29. — Senonicæ, 6.
[58] Lex Salica, X, 1 : Si quis servum aut caballum furaverit, solidos 50 culpabilis judicetur.
[59] Formulæ Turonenses, 9 : Constat me libi vendidisse servum juris mei, nomine illo, non furent, non fugilivum, sed sano corpore moribusque bonis instructum, unde acccpi a le pretium solidos tantos. — De même, Marculfe, II, 22 ; Lindenbrogianæ 15, etc. — Sur les vices rédhibitoires qui entraînaient la nullité de vente, voyez Lex Baiuwariorum, XV, 9.
[60] Formulæ Senonicæ, 9.
[61] C'est ce que marquent, dans la formule même que nous venons de citer, les mots vel in quocunque loco.
[62] Testamentum Aredii,
Diplomata, t. I, p. 159.
[63] Polyptyque de Saint-Germain, XIX, 1 bis.
[64] Je ne puis me ranger à l'opinion de B. Guérard (Polypt. d'Irminon, Prolégom., p. 505), qui croit, d'après un décret de Clotaire II, art. 9, qu'il y avait des serfs qui possédaient des biens fonciers. C'est que Guérard se fiait à la leçon de Baluze, qui écrivait : Si quis de potentioribus servis qui per diversa possident. Les manuscrits portent servus et non servis (Borétius, p. 6, c. 12), et dès lors la construction de la phrase est : Si quis servus cujuslibet de potentioribus qui per diversa possident.
[65] Capitula Legi Salicæ addila, Behrend, p. 114, Borétius, p. 292.
[66] Dans les chartes, peculium est souvent écrit pour pecus ou pecora ; c'est le mot peculiare qui est plus ordinairement employé pour désigner le pécule.
[67] C'est ce qu'on voit par une formule des Lindenbrogianæ, 9, où un esclave affranchit un autre esclave qu'il possède ; il ne le fait d'ailleurs que cum permissione domini sui.
[68]
Formulæ Andegavenses, 45 : deux maîtres, mariant deux de leurs esclaves,
se partagent à l'avance les droits au pécule qu'ils pourront acquérir. Cf. Lex Romana Burg., VI, 4,
et Lex Wisigothorum, IX, 1, 16 ; X, 1, 17.
[69] Il pouvait aussi, comme on le voit dans la Loi des Wisigoths, V, 7, 14, ne lui laisser son pécule qu'en lui défendant de l'aliéner : ce qui revenait à s'en réserver la succession.
[70] Ce principe est rappelé dans la Lex Romana Burg., XXXVII, 7, et dans la Lex Romana Wisig., IV, 8, interpretatio.
[71] Lex Salica, XIII, 8. Lex Ripuaria, LVIII, 16.
[72] Lex Salica, LXIX : Si quis millier cum servosuo in conjugio copulaverit, omnes res suas fiscus adquirat et illa aspellis fiat ; si quis eam occiderit, nullus morlem illius requirat ;... si quis de parentibus panem aut hospitalem dederit, solidos 15 culpabilis judicetur. — Lex Burgundionum, XXXV : Si ingenua puella servo se conjunxerit, utrumque jubemus occidi. Cf. Lex Wisigothorum, III, 2, 2 ; Lex Langorbadorum, Rotharis, 195 et 222. La rigueur d'une telle loi étonne d'abord. ; on se l'explique si l'on songe à tout un ensemble d'idées qui régnait alors sur l'esprit ; d'une part, cette femme devait être in potestate mariti ; de l'autre, cet esclave était in potestate dominæ ; il y avait là une contradiction, une incompatibilité qui choquait toutes les règles des mœurs.
[73] Cela se dégage nettement de la Senonica 42 : Dulcissima filia mea, dum ego te in ancilla meageneravi, et postea ante regem jactante denario denario ingenuam dimisi, et lu minime in hereditate mea sociare paieras, ego hanc cartulam hereditoriam in le fieri rogavi ut de rébus meis in heredilale succédas. — Lex Baiuwariorum, XV, 9 (alias, XIV, 8) : Si de ancilla habuerit filios, non suscipiant portionem inter fratres. — Le maître avait d'ailleurs la ressource d'affranchir son esclave avant le mariage, ainsi que l'explique la Loi des Lombards, Rotharis, 222.
[74] Voyez le capitulaire de Verberie, art. 6, Borétius, p, 40.
[75] 4e concile d'Orléans, a. 541, c. 24, Sirmond, I, 265 : Quæcunque mancipia sub specie conjugii ad ecclesiæ septa confugtrint ut per hoc credant fieri posse conjugium, minime eis licentia tribuatur... Propriis dominis reddantur... dominis libertate concessa si eos voluerint propria voluntate conjungere.
[76] Grégoire de Tours, Hist., V, 5.
[77]
Einhardi epistolæ, 16, éd. Teulet, t. II, p. 26 : Quidam homo vester venit... veniam postulons pro eo quod
conservant suam, ancillam vestram, sibi in conjugium sociasset tine vestra
jussione. Precamur benignitatem vestram... si detictum ejus venia dignum fuerit
inventum.
[78] Lettres de Grégoire le Grand, XII, 25 : Nec fitios suos in conjugio sociare præsumat, sed in ea masra. cui lege et conditione ligati sunt, socientur.
[79] Formulæ Andegavenses, 45. La Loi du roi des Wisigoths Chindasuinte règle les choses à peu près de la même façon, X, 1, 17.
[80] Lex Salica. XXXV, 5. — Lex Ripuaria, VIII, IX. — Lex Wisigothorum, VI, 5, 9 : Composilio enta percussore domino servi reddenda ; 20 : Si servus servum occidit, servi dominus domino servi persolvat.
[81] Lex Burgundionum, X. — Lex Romana Burg., II, 6.
[82] Lex Wisigothorum, VI, 4, 9 : Si ingenuus servum alicnum debilitaverit, alterum paris meriti servum domino dare non moretur. — Lex Ripuaria, XXIV, XXV, XXVI, XXVII.
[83] Lex Salica, XXV, 5 : Si ingenuus cum ancilla aliena mæchatus fuerit, domino ancillæ DC dinarios culpabilis judicetur.
[84] Code Théodosien, IX, 6, 2-5.
[85] Lex Romana Burg., VII, 5 : Ne servus dominum, præter solum crimen majestatis, accuset. — Edictum Theodorici, 48 : Neque in civilibus neque in criminalibus causis vocem possunt habere légitimam.
[86] Ce principe est bien exprimé dans la Loi des Wisigoths, VII, 2, 21 : Si servus domino suo vel conservo aliquid involaverit, in domini polestaie consistat quid de eo facere voluerit, nec judex se in hac re admiscat.
[87] Marculfe, II, 28 ; Senonicæ,
4 ; Merkelianæ, 26.
[88] Edictum Chlotarii, art. 22. — Lex Wisigothorum, VI, 5, 12.
[89] Grégoire de Tours, Hist., V, 5, montre un maître mettant à mort un esclave, et il ne dit pas qu'il ait été poursuivi.
[90] Pactus pro tenore pacis, 5 : Si servus in furtnm inculpatur, requiratur à domino.... Si dominus servum non præsentaverit, legem unde inculpatur componat. — Childeberti II decretio, art. 10 : Qui servum criminosum habuerit... et prxsentare noluerit, suum iveregildum omnino componat. — Lex Salica, XL, 9, Pardessus, p. 22 : Si servum suum noluerit suppliciis dare, omnem causant vel compositionem dominus servi in se excipiat, non quale servus, sed quasi ingenuus, totam legem super se solviturum suscipiat.
[91] Pactus pro tenore pacis, art. 12.
[92] Pactus pro tenore pacis, art. 6.
[93] Lex Salica, XXXV, 5, manuscrits 4404 et 18237, Wolfembutel et Munich : Si servus ingenuum occiderit, ipse homicida pro medietate compositionis hominis occisi parentibus tradatur ; et dominus servi aliam medietatem compositionis se noverit solviturum. — L'édit de Chilpéric, art. 6, est moins sévère : il oblige seulement le maître à jurer qu'il n'a eu aucune part au crime ; il n'a alors qu'à livrer son esclave (Borétius, p. 8).
[94] Lex Ripuaria, XXVIII : Si servus servum interfecerit, dominus ejus 56 solidis culpabilis judicetur.
[95] Servi, obedile dominis vestris, sicut Apostolus jubet, fude bona et corde simplici. Et vos, domini, eadem facite in servis, conservate in eis justiciam et misericordiam. (Sermon attribué à saint Boniface, dans la Patrologie, t. 89, p. 853.)
[96] Sermon attribué à saint Boniface, dans la Patrologie, t. 89, p. 853 : Scientes quod illorum et vester dominus in cælis est.
[97] C'est ce que le biographe d'EIigius met dans sa bouche : Ne despicias servum, quia forsilan melior est apud Deum quam tu. (Vita Eligii, II, 15.)
[98] Grégoire de Tours, Hist., X, 28 : Domini proprios famulos de sacro fonte suscipiunt.
[99] Concile de Reims, a. 650, c. 11 : Ut christiani judæis vel gentilibus non venumdentur.... Si paganis aut Judxis vendiderit, communione privetur et emptio careal firmitate. — Concile de Châlon, a. 650, c. 9. — Concile de Leptine, a. 745, c. 5. — Cf. Lettres de Grégoire le Grand, IX, 109 et 110. — Capitulaire de 779, art 19, Borétius, p. 51.
[100] Capitulaire de 779, art. 19.
[101] Concile d'Agde, a. 506, c. 62. — Concile d'Albon, a. 517, c. 54. — Lex Langobardorum, Rotharis, 272.
[102] Concile d'Orléans de 511, c. 5. — Concile d'Albon de 517, c. 59. — Grégoire de Tours, Hist., V, 5 : Deux esclaves se sont réfugiés dans une église ; le prêtre dit au maître : Non poteris cos recipere nisi fidem facias ut de omnipxna corporali liberi maneant.
[103] Troisième concile d'Orléans, c. 26 : Ut nullus servilibus conditionibus obligatus ad honores ecclesiasticos admiltatur, nisi prius auttestamento aut per tabulas légitime constilerit àbsolutum. — Exemple d'esclaves devenus clercs, dans la Vita Germani, 14.
[104] Premier concile d'Orléans, c. 8 : Si servus, nesciente domino, diaconus aut presbyter fucrit ordinatus, ipso in clericatus officio permanente, episcopus cum domino duplici salisfactione compenset. — Il y a eu d'ailleurs sur celle question des solutions diverses ; voyez Corpus juris canonici, édit. Friedberg, t. I, p. 208-210.
[105] Vita Bercharii, 14 et 17 : Le saint rachète 8 esclaves pour en faire des moines, 8 femmes esclaves pour en faire des religieuses.
[106] L'abus même se produisit. Un capitulaire de 789, art. 72, recommande de ne pas faire entrer dans les ordres trop de fils de serfs (Borétius, p. 60). Un capitulaire de 805, art. 11, enjoint de ne pas admettre dans les monastères trop de serfs, de peur que la culture des terres ne soit abandonnée (Borétius, p. 122).
[107] L'Église applique ce principe à tous les cas possibles. Si un maître prétend rompre le mariage de son esclave, elle le lui interdit (2° concile de Chalon, a. 815). Si les deux esclaves appartiennent à deux maîtres différents, l'Église veut que chacun continue à servir son propre maître, mais qu'ils restent unis dans le mariage. (Ibidem, c. 50.) Si un homme libre a épousé une esclave, il n'aura plus le droit de la renvoyer pour épouser une femme libre, sauf le cas où il y aurait eu erreur sur la personne (Décision du pape Zacharie, dans le Corpus juris canonici, p. 1095).
[108] Lex Langobardorum, Liutprand, 140.
[109] Est-il besoin de dire que l'on ne trouve nulle part le moindre indice d'un prétendu droit du seigneur, qui est une invention de l'imagination moderne. Le jus primæ noctis fut un droit pécuniaire de 2 ou 4 deniers que le serf payait pour obtenir la permission de se marier, et il devait le payer avant la première nuit. Nous n'insistons pas ; nous affirmons seulement qu'il n'y a pas dans tous les documents de l'époque un seul mot qui suppose le droit du seigneur.
[110] De là quelques changements dans le droit. Jusqu'alors, quand un esclave avait épousé l'esclave d'un autre maître, il avait paru naturel que les enfants appartinssent à la mère, c'est-à-dire au maître de la mère. Désormais il n'en est plus de même ; pour concilier les droits des maîtres avec ceux du père, on adopta une règle nouvelle, qui est que les enfants seront partagés : ce qui est, notons-le bien, la reconnaissance formelle des droits du père jusque-là méconnus.