DE QUELQUES RÈGLES DE CE RÉGIME MUNICIPAL. C'est à la faveur de ce régime municipal que les villes gauloises se sont agrandies et embellies et que les populations ont prospéré durant trois siècles. Il est utile d'observer quelles sont les règles qui en ont assuré le fonctionnement régulier durant un si long espace de temps. A première vue, cet organisme municipal semble avoir été démocratique. L'Empire ne supprima nulle part, si ce n'est à Rome, les comices populaires. Les inscriptions de l'Espagne, comme celles de l'Italie, de la Grèce et de l'Afrique, nous montrent ces assemblées se perpétuant assez longtemps ; elles nous permettant de nous représenter les habitants d'une cité votant pour l'élection de leurs duumvirs ou de leurs questeurs ; parfois même elles nous mettent sous les yeux les brigues des candidats et les agitations du corps électoral[1]. Il faut se garder toutefois d'attribuer une trop grande importance à ces comices et surtout de les considérer comme des assemblées tout à fait populaires. Le peu de renseignements qui nous sont parvenus à leur sujet nous montrent que les hommes y étaient répartis en cadres qu'on appelait curies ou tribus[2] ; que les votes s'y comptaient, non par têtes, mais par groupes ; et qu'il y a grande apparence que les petites gens étaient relégués, ainsi que dans les anciens comices de Rome, dans un petit nombre de ces groupes de manière à ne former jamais la majorité. Il est même des faits qui donnent à penser que les prolétaires n'étaient pas inscrits sur la liste des citoyens. Pour ce qui est des grandes cités gauloises, comme celles des Éduens et des Lingons, qui embrassaient un vaste territoire et comprenaient une population fort nombreuse, il n'y a pas d'indice qu'une si grande multitude s'y soit jamais réunie en comices. Deux choses sont mieux connues et ont eu certainement plus d'importance que ces comices d'apparence démocratique : l'une est la composition du sénat municipal ; l'autre est la responsabilité des magistrats. C'est par l'observation de ces deux choses qu'on se fera une idée exacte du régime municipal de l'Empire romain. Le sénat de la cité, ordo decurionum ou senatus, n'était sans doute pas nommé par le gouvernement ; il eût été absolument contraire aux habitudes du pouvoir impérial d'en désigner lui-même les membres. Il n'était pas non plus élu par la foule ; l'esprit romain n'avait jamais admis, même au temps de la République, qu'un conseil dirigeant, dont les premières qualités doivent être l'expérience et l'indépendance, pût être l'expression des volontés inconstantes delà multitude. Le sénat municipal, à l'image de l'ancien sénat romain, était composé d'après une liste dressée par un magistrat, le duumvir quinquennale, qui faisait ainsi l'office de l'ancien censeur[3]. Or ce magistrat, pas plus que le censeur romain, ne pouvait composer la liste arbitrairement. Il ne devait y porter que des hommes appartenant à des catégories qui étaient déterminées ou par des lois formelles ou par des usages aussi respectés que les lois. La première condition pour qu'on y fût inscrit, était qu'on possédât un certain chiffre de fortune. Qui n'avait pas au moins 100000 sesterces en biens inscrits au cens, n'était pas décurion[4]. Non seulement aucune indemnité pécuniaire n'était attachée à la dignité de décurion, mais c'était même un usage assez général que chaque nouveau membre en entrant dans ce corps payât une somme de 1.000 ou 2.000 pièces d'argent[5]. Il fallait donc avoir quelque fortune pour être décurion[6]. L'ensemble des faits permet de croire que, dos qu'on était riche, on entrait naturellement dans ce conseil. Enfin, bien que la liste en fût renouvelée tous les cinq ans, il est visible que la dignité de décurion était considérée comme viagère. Il ne faut donc pas se représenter ce sénat municipal comme un conseil électif, mais plutôt comme la réunion des plus riches personnages et des grands propriétaires du pays[7]. Le législateur romain explique nettement le principe qui a présidé à cette organisation : Ceux qui ont fondé nos institutions, dit-il, ont jugé nécessaire de grouper dans chaque cité les hommes notables et d'en former un corps qui administrât avec ordre les intérêts communs[8]. C'était constituer une aristocratie municipale. L'ordre des décurions avait, en effet, un rang fort supérieur à ce qu'on appelait la plèbe[9]. On lui assurait des places d'honneur dans les repas sacrés et dans les jeux[10]. Mais il n'y a de véritable aristocratie que là où les obligations sont proportionnées aux privilèges ; aussi était-ce ce qu'on avait voulu établir. Si les décurions étaient en possession du droit d'administrer les cités, ils supportaient en retour toutes les charges de cette administration. Ils géraient la fortune publique à leurs risques et périls. Ils avaient le devoir de maintenir la plèbe dans l'ordre, de faire la police, de passer leur temps à juger. Ils avaient même la charge de lui fournir du blé à bas prix, d'entretenir pour elle des bains gratuits, de lui donner des fêtes[11]. On ajouta ensuite à toutes leurs obligations celle de percevoir les impôts, et on les rendit responsables pécuniairement pour ceux qui ne payaient pas[12]. Quant aux magistratures municipales, c'était une règle absolue qu'elles fussent gratuites ; elles étaient même fort coûteuses. L'homme qui en était revêtu devait d'abord payer un honorarium à la cité. Si ce n'était une règle absolue, c'était du moins un usage assez fréquent pour que plusieurs inscriptions le signalent[13]. Il devait ensuite, pendant l'année de sa magistrature, faire le sacrifice, non seulement de son temps et de ses soins, mais encore d'une partie de sa fortune. Il fallait qu'il fît des largesses au petit peuple, qu'il célébrât des jeux, qu'il accomplît, en grande partie à ses frais, un grand nombre de cérémonies religieuses et de repas sacrés[14]. Il était souvent entraîné à construire ou à réparer à ses dépens les édifices publics, un théâtre, un temple, un marché[15]. Puis, l'année expirée, il devait rendre des comptes. Il était responsable de la gestion des intérêts municipaux. Il pouvait être poursuivi, non seulement pour fait d'improbité, mais pour fait d'imprudence ou de négligence[16]. Il avait administré la fortune publique à ses risques et périls. S'il avait adjugé l'entreprise de la construction d'un édifice, il répondait de la bonne exécution du travail[17]. S'il avait affermé les biens communaux, il répondait du payement des fermages[18]. S'il avait placé les capitaux de la cité, il répondait pour les débiteurs insolvables[19]. Aussi exigeait-on qu'en entrant en charge il donnât un cautionnement et engageât son bien[20]. Sa fortune personnelle était la garantie de la bonne administration des finances municipales. On conçoit d'après cela qu'un homme pauvre ne voulût ni ne pût jamais aspirer à la magistrature. Une ville n'aurait même pas voulu d'un homme sans fortune pour en faire un magistrat[21]. La première condition pour être questeur, édile, duumvir, était de posséder une propriété foncière qui pût servir de gage. Les riches seuls pouvaient donc arriver à la magistrature, et ils y laissaient quelquefois leur richesse. Il y a une loi qui accorde une pension alimentaire à ceux qui se sont ruinés pour le service de la cité[22]. Au milieu de ces règles ou de ces usages, que pouvaient devenir les comices populaires ? Leur choix était bien restreint ; leur liberté, si grande qu'elle pût être dans le texte de la loi, était en réalité presque nulle. A supposer qu'ils eussent essayé de montrer quelque exigence démocratique, l'ordre des décurions était armé contre eux : il examinait les cas d'indignité des élus, pouvait casser l'élection, et si les comices refusaient d'élire des candidats à son gré, il nommait lui-même, à la place de duumvirs, des préfets[23]. D'ailleurs, avec les mœurs municipales que nous venons de décrire, quel intérêt la plèbe avait-elle à pousser ses membres aux magistratures ou à se mêler de l'administration de la cité[24] ? On ne trouve dans l'histoire de l'Empire romain aucune loi qui ait aboli les comices municipaux. Il semble qu'ils aient disparu d'eux-mêmes. Ou bien ils cessèrent de se réunir, ou bien ils ne se réunirent que pour la forme, afin de confirmer des choix qui leur étaient indifférents et des décrets où ils n'étaient pour rien. A partir de la fin du IIIe siècle, les classes inférieures semblent absolument écartées du gouvernement municipal. L'ordre des décurions en reste seul chargé. Le terme de curiales qui, à l'époque précédente, s'était appliqué à tous les citoyens, ne désigne plus que les décurions, c'est-à-dire les membres du sénat local[25]. Dès lors aussi le rang de curiale ou de décurion devient absolument héréditaire et s'attache forcément à la possession du sol[26]. On est curiale parce qu'on est propriétaire. Dès lors enfin tout ce qui est riche ou seulement aisé a l'obligation d'exercer les magistratures. Il n'y a même plus d'apparence de comices. L'usage s'établit que le magistrat en fonction présente son successeur ; ce choix est ensuite ratifié par le vote de la curie[27]. Quand on lit les codes romains, on est d'abord surpris d'y voir que la dignité de décurion ou celle de magistrat est plus souvent présentée comme un fardeau que comme un avantage[28]. Les lois obligent le propriétaire à être décurion malgré lui ; elles le condamnent à être édile ou duumvir. Essaye-t-il de fuir la curie, elles l'y ramènent de force, elles l'y enchaînent[29]. Il ne faut pas croire que ces lois soient le fruit de la décadence ou l'œuvre d'une tyrannie aveugle ; elles ont été promulguées par les Antonins[30]. Ces princes sont, en effet, les vrais organisateurs de ce régime municipal dont nous venons démontrer le caractère. En instituant cette aristocratie, ils lui ont marqué ses devoirs en même temps que ses droits ; et ils ont si bien lié les uns aux autres, que l'on s'est demandé de nos jours si le sort de ce décurion ou de ce magistrat n'était pas plus à plaindre qu'à envier, et si cette liberté municipale n'était pas une forme de tyrannie. Il est vrai que les règles de ce temps-là paraissent étranges aux hommes de notre siècle ; mais cela tient apparemment à ce que notre manière de penser en matière de gouvernement n'est plus la même qu'à cette époque. Aux yeux des générations actuelles, tout privilège est une faveur, tandis que dans presque tous les siècles de l'histoire les privilèges ont été des obligations. Nous sommes portés à croire que les privilégiés les ont usurpés par la force ou par la ruse, au lieu que le plus souvent ils n'ont fait que les accepter et les subir. Nous pensons volontiers que ces privilégiés ont dû tenir beaucoup à l'exercice de leurs droits et à la conservation de leurs avantages, tandis que presque toujours il a fallu qu'on les contraignît à les garder, et que, dès qu'ils ont été libres, ils se sont empressés de s'en défaire. Notre siècle diffère aussi de ceux dont nous parlons parla manière dont il conçoit la liberté. Il la fait consister principalement à prendre part, ne fût-ce qu'indirectement et en apparence, au gouvernement d'un pays ou à l'administration d'une ville, au lieu que dans d'autres siècles les hommes plaçaient la liberté parlent ailleurs que dans l'exercice des devoirs politiques. Quand les législateurs romains établirent ce régime municipal, ils ne pensèrent certainement pas à une œuvre de libéralisme, et les populations apparemment ne le leur demandaient pas. Ce qu'on voulut, c'est que les affaires municipales fussent administrées et que les intérêts locaux fussent garantis. On ne trouva pas de plus sûr moyen pour atteindre ce but que de grouper les propriétaires, c'est-à-dire les principaux intéressés, et de les charger des difficiles fonctions de gérer sous leur responsabilité les intérêts de tous[31]. Mais pouvait-on laisser à chacun d'eux la liberté d'accepter ou de refuser ces fonctions ? Il faudrait bien peu connaître la nature humaine pour croire que beaucoup d'hommes eussent brigué un honneur si périlleux. On jugea donc que la richesse ne donnait pas seulement un droit, mais qu'elle imposait encore un devoir. Le propriétaire fut, bon gré, mal gré, membre de la curie. On lui interdit d'émigrer, de vendre sa terre, de se faire soldat ou moine ; on lui ferma toutes les issues par lesquelles il aurait pu échapper à ses obligations[32]. Les curies se seraient bientôt trouvées vides, si les lois ne les eussent protégées contre une désertion inévitable. La liste de la curie — album curiæ — était dressée tous les cinq ans, non pas par un fonctionnaire impérial qui eût été étranger à la cité, mais par les curiales eux-mêmes ou par le magistrat qu'ils avaient choisi. Ils étaient naturellement intéressés à n'omettre aucun nom ; il paraît même qu'ils étaient tentés d'inscrire plus de noms qu'il n'eût fallu, afin qu'il y eût un plus grand nombre de copartageants aux charges publiques[33]. De là deux séries de réclamations en sens contraire qui n'ont cessé d'assiéger les empereurs durant trois siècles. D'une part, beaucoup d'hommes se plaignaient d'être indûment portés sur la liste ; ils alléguaient ou leur âge ou leur pauvreté. D'autre part, les curies se récriaient, disant que beaucoup de leurs citoyens réussissaient à leur échapper et que le fardeau devenait trop lourd pour ceux qui restaient. A ces deux genres de récriminations le pouvoir répondait par deux séries de règlements qu'une lecture attentive du Digeste et des Codes fait très bien discerner. D'un côté, il défendait d'inscrire sur l'album ceux qui avaient moins de 18 ans ou qui possédaient moins de 25 arpents de terre ; de l'autre, il ramenait dans les curies ceux qui avaient voulu se dérober aux charges municipales. De ces mesures, les premières étaient prises dans l'intérêt des individus ; les secondes, dans l'intérêt des curies. On s'explique tous ces règlements divers du pouvoir si l'on entend par la pensée les demandes diverses des populations[34]. Il n'est pas douteux que l'édilité, la questure, le
duumvirat, ne fussent de très hautes dignités. L'homme qui était pour une
année le chef d'une de ces grandes cités, dont le territoire égalait
l'étendue d'un de nos départements, devait être un personnage fort honoré ;
les inscriptions témoignent en effet de la considération qui l'entourait, et
il n'était pas rare que pour reconnaître son habile administration ou ses
sacrifices pécuniaires la cité lui élevât par un décret public une statue.
Mais bien peu d'hommes devaient aspirer à ces grandeurs brillantes. A compter
ce qu'elles coûtaient, il est difficile de croire qu'il s'offrît chaque année
un nombre suffisant de candidats. Il fallait donc élire des hommes qui
n'avaient rien brigué, rien souhaité, ou qui avaient souhaité ardemment de
n'être pas élus. Contre de tels choix les protestations n'étaient pas rares ;
elles venaient des élus eux-mêmes et non pas des candidats évincés[35]. On était
magistrat malgré soi. En vain fuyait-on[36] ; en vain se
cachait-on ; la loi disait : Si un homme désigné
pour une magistrature s'est enfui, qu'il soit recherché ; si on ne le trouve
pas, que sa fortune lui soit enlevée et qu'elle soit donnée à celui qui sera
duumvir à sa place ; si on le trouve, son châtiment sera de porter durant
deux ans entiers le poids du duumvirat[37]. De telles lois ont paru inexplicables aux hommes de nos jours ; elles sont pourtant conformes à la nature des choses. Le gouvernement d'une société ou d'une ville est un ensemble de charges ; pour qu'une classe aristocratique consente à porter un tel fardeau, il faut ou bien l'y déterminer par de grandes compensations, ou bien l'y contraindre par la force. L'Empire romain ne donna à l'aristocratie municipale que des compensations insuffisantes ; il lui fallut donc, pour obtenir qu'elle se chargeât d'administrer le pays, déployer contre elle toute la sévérité de ses lois. |
[1] Voir Lex Rubria de Gallïa Cisalpina, dans le Corpus inscriptionum latinarum, t. I, p. 115 ; Lex Julia municipalis, ibidem, p. 119 ; Lex municipalis Salpensana, Lex municipalis Malacitana, ibidem, t. II, p. 251 et suiv. ; les Bronzes d'Osuna dans le Journal des savants, mai 1874. Cf. Corpus inscriptionum græcarum, passim, et Orelli-Henzen, n° 3700 et suiv., n°' 7227, 7276. — Mommsen, die Stadtrechte der lateinischen Gemeinden Salpensa und Malaga, 1855 ; Ed. Laboulaye et Ch. Giraud, les Tables de Malaga et de Salpensa, 1856 ; Giraud, les Bronzes d'Osuna, 1875 ; Herzog, Galliæ Narbonensis historia, p. 174-235 ; Zumpt, Studia romana ; Marquardt, Rœmische Slaatsvenvaltung, 1873 ; [1881,2° édit.] ; Houduy, le Droit municipal, 1876 ; Duruy, Histoire des Romains, t. V [Willems, les Élections municipales à Pompéi].
[2] Lex Malacitana : Qui comitia habebit, is municipes curiatim ad suffragium ferendum vocato, ita ut... curiæ singulæ in singulis conseptis suffragium per tabellam ferant.
[3] Lex Julia municipalis. — Lex coloniæ Juliæ Genetivæ. — Pline, Lettres, X, 85, 113, 114.
[4] Cette règle ressort d'un passage de Pline, Lettres, I, 19 : Esse tibi centum millium censum satis indicat quod décurio es, et d'un autre de Pétrone, c. 44 : Jam scio unde acceperit denarios mille aureos. Ces 1.000 deniers d'or font justement 100.000 sesterces. Cf. Lex Malacitana, LX. Toutefois il ne faudrait pas penser que ce chiffre de 100.000 sesterces fût déterminé uniformément pour tout l'Empire.
[5] Cela ressort d'une lettre de Pline à Trajan et de la réponse du prince, lettres qui montrent que la règle n'était pas générale ; Pline écrit que la Lex Pompeia, loi qui a constitue la province de Bithynie, ne prescrit pas à ceux qui entrent dans le sénat de donner de l'argent ; mais l'usage s'en est introduit et tend à se généraliser. Trajan répond avec sa sagesse habituelle : Honorarium decurionatus omnes qui in quaque civitate Bithyniæ decuriones fiunt inferre debeant nunc, in universum a me non potest statui (Pline, Lettres, X, 115, 114). Un peu plus tard, une lettre de Fronton, Ad amicos, II, 6, semble montrer que l'usage est devenu une règle. Cette somme était appelée honorarium, summa honoraria, pecunia ob decurionatum. Plusieurs inscriptions mentionnent comme un fait exceptionnel qu'un décurion ait été nommé gratuito (Wilmanns, n° 1562, 1725, 1894, 2058, 2210).
[6] Sur la règle de payer une somme d'argent en entrant dans le décurionat, il y a un renseignement curieux dans Fronton, Ad amicos. II, 6 ; Pecuniam ob decurionatum intulit.
[7] Il ne faut pas perdre de vue que ce qu'on appelait une cité était à la fois ville et campagne. La plupart des grandes fortunes étaient des fortunes foncières.
[8] Novelles de Justinien, IV, 17 : Qui rempublicam olim nobis disposuerunt, existimaverunt oportere adunare in unaquaque civitate nobiles viros et unicuique senatus dure curiam per quam debuissent agi quæ publica sunt atque omnia fieri secundum ordinem.
[9] Paul, au Digeste, L, 2, 7 : Decurionum honoribus plebeii prohibentur. — Ulpien, au Digeste, L, 2, 2. — Bronzes d'Osuna, CXXV-CXXVII.
[10] Fronton, Ad amicos, II, 6 : Usus est per quinque et quadraqinta annos omnibus decurionum præmiis commodisque..., cenavit, in spec,taculis sedit.
[11] Digeste, L, 4, 1 : Civilia sunt munera, defensio civitatis, id est ut syndicus fiat, legatio ad census accipiendum, annonæ cura, prædiorum publicorum, frumenti comparandi, aquæductus, equorum circensium spectacula, publicæ viæ munitiones, calefactiones thermarum. — Il est vrai que, pour plusieurs de ces charges, les décurions pouvaient rejeter une partie du fardeau sur la plèbe par un système de corvées que signale Siculus Flaccus (Gromatici, édit. Lachmann, p. 146) et dont il est parlé aussi dans les Bronzes d'Osuna, XCVIII. — L'obligation de rendre la justice est attestée par ce passage d'Ulpien, au Digeste, L, 5, 13 : Qui non habet excusationem etiam invitus judicare cogitur.
[12] L’exactio tributorum est déjà mentionnée par Ulpien, au Digeste, L, 4, 3, § 11.
[13] Il fallait d'abord payer, presque toujours, un honorarium ; Wilmanns, n° 681 : M. Cælius Saturninus ob honorem quinquennalitatis intata reipublicæ summa honoraria, ex sestertium quinque millibus... — N° 2370 : L. Vibius Salurninus quattuorvir... amplius ad honorarium summam quum sestertium tria millia promisisset, ex sestertium sex millibus pecunia sua posuit. Cf. ibidem, n° 725 et 2337.
[14] Les inscriptions sont pleines de renseignements sur ce sujet. Sennius Solemnis cujus cura omne genus spectaculorum atque Taurinicia Diana data (monument de Thorigny). — L. Postumio, duumviro, ob magnificentiam gladiatorii muneris quod civibus suis triduo edidit (L. Renier, Mélanges d'épigraphie, p. 220). — Ludos circenses dédit (Orelli, n° 4020). — L. Fabio Cordo, quattuorviro, ob viginti paria gladiatorum data (Wilmanns, n° 665). — Ob præcipuam ejus in edendis spectaculis liberalitatem (idem, n° 2216) [Corpus, XII, n° 1585]. — Ludos scænicos sua pecunia fecit (idem, n° 1728). — Honore sibi quinquennalitatis oblato, viginti paria gladiatorum sua pecunia edidit (idem, n° 1810). — C. Junius Priscus, duumvir jure dicundo, quinquennalis candidayus Avelatensium, spectacula quæ municipibus Arelatensibus pollicitus erat sestertium.... [?] (Herzog, n° 325) [Corpus, XII, n° 697]. — On calculait ce que coûtait l'exercice d'une magistrature : Æstimationem honoris in pecunia pro administratione offerentes (Paul, au Digeste, L, 4, 16). — Le Code Théodosien (XII, 1, 29) parle aussi des magistratures municipales comme d'une source de dépenses : Magistratus desertores, quascumque pro his expensas civitas prærogavit, refundere cogantur. — Code Justinien, XI, 40, 1 : Primates viri populi studiis ac voluptatibus grati esse cupiant.
[15] Wilmanns, n° 1798 : Cn. Vœsio Apro, quæstumi, ædili, dunnivivo, flamini..., quod tempore honorum curarumque suorum plenissimo munificentiæ studio voluptatibus et utilitatibus populi plurimi contulerit, ludum etiam gladiatorum solo empto pecunia sua exstructuin publiée optulerit. — Idem, n° 1815 : Ædem Fortunæ sua pecunia refecit. — Lebègue, Épigraphie de Narbonne, n° 71 : Duumvir... macellum de sua pecunia fecit [Corpus, XII, n° 4429, 4450]. — Autres exemples dans le recueil de Wilmanns, n° 1724, 1724 a, 1780, 1786, 1791, 1852, 1864, 1873, 1877, 1907, 2009, 2062.
[16] Ulpien, au Digeste, L, 8, 8 (6).
[17] Voir le titre De operibus publicis au livre VIII du Code Justinien.
[18] Papinien, au Digeste, L, 8, 5 (3), et 12.
[19] Digeste, L, 1, 56.
[20] Lex Malacitana, LX : Qui duumviratum quæsturamve petent..., quisque eorum, quo die comitia habebuntur, prædes in commune municipum dato, pecuniam communem eorum quam in honore suo tradaverit salvam fore.... Prædia subsignato... Cf. Digeste, L, titres I, 4, 8. Il fallait même que le magistrat sorti de charge fût encore caution pour son successeur. — Remarquons bien que ces personnages étaient responsables, non envers l'État, mais envers la cité.
[21] In honoribus gerendis considerandum est... an facultates sufficere injuncto muneri possint (Callistrate, au Digeste, L, 4, 14, § 3).
[22] Decurionibus facultatibus lapsis alimenta decerni si ob munificentiam in patriam patrimonium exhauserint (Digeste, L, 2, 8).
[23] Voyez Orelli, n° 3679, et la note. Cf. Lex Salpensana, XXIV.
[24] Trois attributions importantes paraissent avoir été toujours étrangères aux comices et réservées aux décurions : 1° la nomination des prêtres (inscriptions citées par Herzog, n° 504 et 518) [Corpus, XII, n°' 1872 et 1904] ; 2° la juridiction, ou du moins l'appel des arrêts des magistrats ; on ne voit pas, dans les documents qui nous sont parvenus, trace de juridiction populaire ; les mots judicia plebis, que l'on trouve dans une seule inscription (Orelli, n° 2480). n'indiquent pas une institution de cette nature ; telle est du moins l'opinion de Herzog, p. 206-208 ; 3° la vérification des comptes de finances (Lex Malacitana, LXIII, LXIV, LXVII, LXVIII). Ces trois attributions assuraient au sénat municipal une influence prépondérante.
[25] Code Théodosien, XII, 1, 27 : Rarum Carthaginis senatum et exiguos residere curiales. — Cassiodore, Variarum, VI, 13 : Curiales qui legibus appellati sunt minor senatus.
[26] Code Théodosien, XII, 1, 5 : Qui originis gratia vel ex possidendi conditione vocatur in curiam.
[27] Papinien, au Digeste, L, 1, 15, § 1, et 17, § 14. La présentation s'appelait nominatio.
[28] Onera decurionatus, onera duumviratus (Code Théodosien, XII, 1, 12 et 16).
[29] Decuriones quos sedibus civitatis relictis in alia loca transmigrasse probabitur, præses provinciæ in patrium solum revocare et mineribus congruentibus fungi curet (Ulpien, au Digeste, L, 2, 1). Il était défendu de se racheter de l'exercice d'une magistrature par le payement d'une somme d'argent (Paul, au Digeste, L, 4, 16).
[30] Imperatores Antoninus et Verus rescripserunt eos qui compulsi magistratu fuguntur, non minus cavere debere quam qui sponte officium agnoverunt (Digeste, L, 1, 58). Déjà dans la Lex Malacitana, LI, on voit qu'un homme pouvait être nommé magistrat malgré soi. Il en était de même pour le décurionat, dès le temps d'Ulpien et même de Trajan : Qui inviti fiunt decuriones (lettre de Trajan à Pline, V, 114) : ad decurionatus honorem inviti vocari (Ulpien, au Digeste, L, 2, 2, § 8).
[31] Les inscriptions nous donnent la vraie pensée des hommes. Qu'on étudie avec attention toutes celles qui ont un caractère municipal, et l'on remarquera que les cités louent et remercient chaque personne qui s'est acquittée do toutes les magistratures, omnibus honoribus in civitate functus. Ce n'est pas le magistrat qui remercie la cité ; c'est plus souvent la cité qui remercie le magistrat, tant il est vrai que la magistrature apparaît comme une charge au moins autant que comme un honneur. Des inscriptions portent omnibus oneribus et honoribus functus (Wilmanns, n° 1832 et 2014). — Une autre porte aux nues un personnage qui, alors qu'il eût pu se faire exempter, quum honoribus et muneribus potuisset excusari, a pourtant consenti à gérer les magistratures (Wilmanns, n° 2009).
[32] Sancimus ut qui ultra viginti quinque jugera privato dominio possidet, curiali consortio vindicetur (Code Théodosien, XII, 1, 55). — Revocetur ad curiam, substantiam muneribus aptani possidens (ibidem, XII, 1, 17). — In fraudem civitium munerum per tacitam fidem prædia translata fisco vindicitur (Papinien, au Digeste, L, 1, 15). — Quoniam relictis curiis nonnulli ad militiæ præsidia confugiunt, reverti ad curiam præcipimus (Code Théodosien, XII, 1, II). — Qui derelicta curia militaverit, revocetur ad curiam (Code Justinien, X, 31, 17, loi de 526).
[33] Cette pensée est exprimée dans une inscription. Une cité loue pompeusement un personnage d'avoir augmenté le nombre des décurions, ut sint cum quibus munera decurionatus jam ut paucis onerosa honesie compartiamur (Henzen, n° 7168, page 445). — On ne peut malheureusement donner la date de ce document.
[34] Voir, par exemple, au Code Théodosien, XII, 1, 96, une loi qui est portée sur la demande des curies.
[35] Ulpien, au Digeste, XLIX, 4,1 ; XLIX, 1, 21. Code Justinien, X, 31, 2. — Dès le IIIe siècle, il n'y avait presque plus d'élections ; chacun était magistrat à son tour et obligatoirement. Ulpien, au Digeste, L, 4, 3, § 15 : Præses provinciæ provideat munera et honores in civitatibus sequaliter per vices secundum ætates et dignilates injungi, ne, fréquenter iisdem oppressis, simul viris et viribus respublicæ destituantur. D'autres lois rappellent qu'il faut empêcher les locupletiores de fuir les charges.
[36] Magistratus desertores (Code Théodosien, XII, 1, 29).
[37] Loi de 326, au Code Justinien, X, 31, 18.