LA GAULE ROMAINE

LIVRE SECOND. — L'EMPIRE ROMAIN

(Du règne d'Auguste à la fin du troisième siècle)

 

CHAPITRE II.

 

 

COMMENT LE RÉGIME IMPÉRIAL FUT ENVISAGÉ PAR LES POPULATIONS.

 

L'Empire romain ne ressemble à aucun des régimes politiques qui se sont succédé en France jusqu'à nos jours. Il ne convient d'en faire ni la satire ni l'apologie. Il le faut juger d'après les idées de ce temps-là, non d'après celles d'aujourd'hui. L'historien n'a pas à dire ce qu'il pense personnellement de ce régime ; il doit dire plutôt ce que les hommes d'alors en ont pensé. Il doit chercher, à l'aide des documents, comment cette monarchie a été appréciée par les générations qui lui ont obéi et qui ont dû être heureuses ou malheureuses par elle.

En faisant cette recherche, nous ne songeons pas à nous livrer à de pures et vaines considérations. L'histoire n'est pas l'art de disserter à propos des faits : elle est une science dont l'objet est de trouver et de bien voir les faits. Seulement il faut bien entendre que les faits matériels et tangibles ne sont pas les seuls qu'elle étudie. Une idée qui a régné dans l'esprit d'une époque a été un fait historique. La manière dont un pouvoir a été organisé est un fait, et la manière dont les contemporains comprennent et acceptent ce pouvoir est aussi un fait. L'historien doit étudier l'un et l'autre, et de l'une et l'autre étude il doit écarter toute opinion personnelle ou préconçue.

On a conservé de ces cinq siècles un grand nombre d'écrits. Il y a les œuvres des poètes, celles des historiens, celles des jurisconsultes. Il y a des lettres intimes, il y a des panégyriques et des satires. Nous avons autre chose encore que les livres pour nous faire connaître les opinions des hommes : ce sont les médailles, ce sont les inscriptions, ce sont les monuments de toute sorte qui ont été élevés par des villes ou par des particuliers. Les tombeaux mêmes et les épitaphes qu'ils portent nous disent les pensées intimes et l'état d'âme de ces générations. Voilà des témoins de toute nature, de toute nation, de toute condition sociale.

On ne trouve pas dans tout cela un seul indice qui marque que les populations aient été hostiles à l'Empire. L'opposition d'une partie du sénat romain était du genre de celles que tout gouvernement peut rencontrer dans le conseil d'Etat le plus dévoué. La noble fierté de quelques hommes comme Thraséa et Corbulon n'était pas de la haine pour le régime impérial, qu'ils servaient, mais seulement du mépris pour l'homme qui momentanément gouvernait l'Empire. Tacite a peint en traits énergiques les vices de plusieurs princes et ceux de beaucoup de sujets ; mais il n'a nulle part attaqué ce régime dont il fut un des plus hauts fonctionnaires[1], et il en a quelquefois fait l'éloge[2]. Juvénal, en faisant la satire de quelques hommes, n'a jamais fait celle des institutions. Il y aurait la même erreur à représenter Tacite et Juvénal comme des adversaires de l'Empire qu'à représenter Saint-Simon comme un ennemi de la royauté. Les deux Pline, Plutarque et Philon d'Alexandrie, Suétone, Dion Cassius, Spartien et Ammien Marcellin ont poursuivi la mémoire des mauvais empereurs, mais ils ont loué et servi l'Empire. Tous les écrivains, ceux de Rome comme ceux des provinces, professent pour ce régime monarchique une estime et quelquefois même une admiration que nous sommes forcés.de croire sincères. Les inscriptions de la Gaule, comme celles de l'Espagne, de la Grèce, de l'illyrie et de la Dacie, témoignent de l'attachement universel des diverses classes de la société au gouvernement impérial et elles ne laissent voir aucun symptôme d'antipathie.

Jamais les populations ne se sont révoltées contre ce régime. On rencontre dans ce long espace de cinq siècles beaucoup de guerres civiles ; elles avaient pour objet de substituer un empereur à un autre ; elles ne visaient jamais à renverser l'Empire. La Gaule se plaignit quelquefois du poids des impôts et de la cupidité de quelques fonctionnaires ; elle ne se plaignit jamais de la monarchie. Plusieurs fois elle fut maîtresse de ses destinées ; elle ne songea jamais à établir un gouvernement républicain. [Au milieu du IIIe siècle], elle se vit détachée de l'Italie et libre de choisir ses institutions : elle se donna un empereur[3].

Il serait sans exemple dans l'histoire du monde qu'un régime détesté des populations ait duré cinq siècles. Il n'est pas dans la nature humaine que des millions d'hommes puissent être contraints d'obéir malgré eux à un seul. Ce serait encore se tromper beaucoup que de croire que le gouvernement impérial se soit soutenu par la force militaire. Sauf les cohortes prétoriennes, qui ne pouvaient garder tout au plus que la capitale, il n'avait de [vraies] garnisons nulle part. Toutes ses légions étaient aux frontières, en face de l'ennemi.

On ne rencontre jamais dans cette histoire rien qui ressemble à un antagonisme entre une population civile, qui aurait été ennemie de l'Empire, et une classe militaire qui l'aurait défendu[4]. Il ne faut pas attribuer la docilité des citoyens à ce qu'ils manquaient d'armes ; ils en avaient et savaient les manier. Jamais le gouvernement ne songea à désarmer la population[5]. On ne s'expliquerait pas que les trente légions de l'Empire eussent pu contraindre cent millions d'âmes à obéir.

Il faut d'ailleurs remarquer que les armées étaient ce qu'il y avait de moins docile dans l'Empire : presque toutes les révoltes qu'il y a eu ont été tentées par les légions ; la règle d'obéissance ne venait donc pas d'elles.

On a attribué aux empereurs romains une politique très savante et une administration fort habile. A voir de près les choses, on est au contraire étonné du peu d'efforts qu'il leur a fallu faire pour établir le gouvernement le plus absolu et en même temps le plus solide que l'Europe ait jamais eu. Le nombre des fonctionnaires impériaux, dans les premiers siècles, fut infiniment petit ; même dans les derniers, il n'approcha pas à beaucoup près du nombre d'agents que les Etats modernes jugent nécessaire à leur conservation. L'autorité impériale ne plaçait pas un représentant dans chaque village. Elle ne nommait pas une multitude de juges et de percepteurs d'impôts et ne disposait pas d'un nombre infini d'emplois. Elle ne se changeait même pas de tous les soins de la police. Encore moins jugeait-elle nécessaire, pour gouverner la société, de diriger l'éducation de la jeunesse. Elle ne nommait pas les membres des divers sacerdoces dans les provinces. Tous les moyens auxquels les Etats modernes ont recours pour se maintenir lui furent inconnus ; elle n'en eut pas besoin.

Il faut donc accepter comme une vérité historique que les hommes de ce temps-là ont aimé la monarchie. Si nous cherchons à nous rendre compte de la nature de ce sentiment, nous remarquons d'abord qu'il ne dérivait pas d'une théorie ou d'un principe de raison. Ces hommes n'avaient nulle idée du dogme du droit divin des princes. Le paganisme n'avait jamais enseigné que les dieux eussent une préférence pour le régime monarchique. Le christianisme ne l'enseignait pas davantage ; il n'ordonnait l'obéissance aux princes que comme un acte de résignation et il recommandait plutôt à leur égard l'indifférence que le dévouement. Ce n'est donc pas l'idée d'un devoir supérieur qui a forcé la soumission des hommes. Ils ont aimé l'Empire parce qu'ils ont trouvé intérêt et profit à l'aimer. Ils ne se sont pas demandé si ce régime était moralement bon ou mauvais, s'il était conforme ou contraire à la raison ; il leur a suffi qu'il fût d'accord avec l'ensemble de leurs intérêts.

Tacite, au début de son grand ouvrage, énumère les divers motifs qui firent que toutes les classes de la société romaine et l'aristocratie elle-même acceptèrent le régime impérial[6] ; puis il ajoute : Quant aux provinces, le nouvel ordre de choses était loin de leur déplaire ; le gouvernement du sénat et du peuple leur avait pesé à cause des rivalités des grands et de la cupidité des magistrats ; les lois de la République ne les avaient jamais protégées, impuissantes qu'elles étaient contre la violence, contre la brigue, contre l'argent[7]. Telle fut la vraie cause de l'attachement à l'Empire. Les hommes jugèrent que le pouvoir d'un seul était moins oppressif que le pouvoir de plusieurs, et que les droits individuels seraient mieux garantis par la monarchie qu'ils ne l'avaient été par le gouvernement républicain. Beaucoup de faits et d'anecdotes montrent que ces populations considéraient le prince comme un défenseur et un appui, qu'elles lui adressaient leurs réclamations, qu'elles croyaient lui être redevables de leur prospérité ou de l'adoucissement de leur misère.

Qu'on lise les inscriptions, le sentiment qu'elles manifestent est toujours celui de l'intérêt satisfait et reconnaissant. Les hommes appellent le prince des titres de pacificateur du monde, conservateur du genre humain, garant de toute sécurité. Il est le patron et le père des peuples ; il est leur espoir et leur salut. On lui demande de guérir tous les maux de l'humanité. On le remercie de tous les biens dont on jouit. Dans l'histoire du monde nous trouvons peu de régimes politiques qui aient duré cinq siècles comme l'Empire romain ; nous en trouvons peu qui aient été aussi indiscutés et inattaqués dans leur principe ; nous n'en trouvons pas qui aient été aussi longtemps et aussi universellement applaudis par les populations qu'ils régissaient[8].

Les opinions des hommes en matière de politique sont fort variables. Il y a des temps où le désir général d'un peuple est de se gouverner lui-même ; il y en a où son unique désir est d'être gouverné. Pour l'un et pour l'autre ses vœux peuvent être également ardents. En général, il aime le nouveau en proportion de sa haine pour le passé. Or, à l'époque qui nous occupe, le passé et ce qu'on pourrait appeler l'ancien régime était le gouvernement républicain. En Italie et en Grèce, en Gaule et en Espagne, les hommes avaient vécu sous ces institutions durant plusieurs siècles. Ils en étaient venus peu à peu à les haïr ; leurs intérêts, leurs opinions, leurs sentiments s'étaient détachés d'elles : ils avaient aspiré à s'en affranchir. Ils leur reprochaient d'avoir favorisé le développement d'une aristocratie oppressive ; d'avoir, sous les faux dehors de la liberté politique, écrasé la liberté individuelle ; d'avoir enfanté partout des discordes et des guerres civiles ; d'avoir rempli l'existence humaine de querelles et de passions. Ils avaient été pris de dégoût pour ce régime, et ils en souhaitaient un autre qui leur donnât plus de sécurité, plus de liberté, plus de travail et de bonheur[9]. Comme ils ne savaient pas encore que la monarchie a aussi ses vices et ses dangers, ils se précipitèrent vers elle avec une fougue irréfléchie ; ils lui donnèrent leurs cœurs et leurs volontés ; ils lui furent reconnaissants de s'être établie sur leur tête ; ils l'aimèrent d'un amour fervent et passionné.

N'allons pas croire que même [les premiers empereurs] se soient imposés aux hommes par la violence : Par l'accord du sénat et de la foule, la puissance absolue fut conférée [à Caligula], et telle fut la joie publique que, durant les trois mois qui suivirent, les Romains immolèrent plus de 160.000 victimes en son honneur[10]. Sort-il de Rome, chacun s'engage envers les dieux à leur élever un autel ou à leur faire quelque ex-voto le jour où il reviendra[11]. Tombe-t-il malade, tous passent la nuit autour du palais, et il ne manque pas de gens qui offrent aux dieux leur vie pour sauver la sienne[12]. Or de tels vœux alors n'étaient pas de vains mots. Caligula ayant guéri, ces hommes durent mourir pour acquitter l'engagement qu'ils avaient pris envers la divinité[13].

Ce fut dès lors un usage assez fréquent de se dévouer aux empereurs[14]. Une foule d'inscriptions nous montrent de simples particuliers qui se sont voués à la divinité et à la majesté de Caligula, de Domitien, de Trajan, de Marc-Aurèle, de Septime Sévère[15]. Cela ne veut pas dire que ces hommes s'attachent au prince pour en obtenir quelque faveur ; beaucoup sont des provinciaux qui ne l'ont jamais vu. Mais ils se lient envers les dieux pour qu'ils accordent au prince santé, guérison, ou victoire. Des villes entières prirent souvent cette sorte d'engagement religieux[16]. Une des formules usitées en ce cas nous a été conservée : Serment des habitants d'Antium. De ma propre et libre volonté. Tous ceux que je saurai être ennemis de l'empereur Caius César, je serai leur ennemi. Si quelqu'un met en péril son salut, je poursuivrai celui-là par les armes, sans trêve, sur terre et sur mer. Je n'aurai ni moi ni mes enfants pour plus chers que le salut de l'empereur. Si je manque à mon serment, que Jupiter et le divin Auguste et tous les dieux immortels m'enlèvent ma patrie, mes biens, ma santé, et que mes enfants soient frappés de même[17].

Nous ne pouvons juger les sentiments des hommes que par les témoignages qu'ils nous en ont laissés. Or ces témoignages, si nombreux, si divers, venus de toutes les classes, nous montrent qu'ils donnèrent à l'Empire, non pas seulement cette obéissance résignée qu'on accorde toujours à la force, mais une obéissance volontaire et empressée, un abandon de toute leur âme, un dévouement complet, une véritable dévotion[18].

Ce sentiment, comme il arrive aux sentiments qui dominent une foule, prit la forme d'une religion. Nous touchons ici à des faits qui sont en opposition avec toutes nos idées modernes et qui paraissent d'abord incroyables aux hommes de notre époque ; ils sont pourtant avérés et incontestables. On vit surgir en ce temps-là dans les âmes, d'un bout de l'Empire à l'autre, une religion nouvelle qui eut pour divinités les empereurs eux-mêmes. Il est attesté par tous les historiens, depuis Tacite et Dion Cassius jusqu'aux écrivains de l'Histoire Auguste, que l'autorité impériale et la personne même des empereurs furent adorées durant trois siècles[19]. Cette vérité est confirmée par d'innombrables inscriptions qui ont été gravées, loin de Rome et des empereurs, par des particuliers, par des corporations ou par des villes[20]. Toutes les provinces, et la Gaule comme les autres, se couvrirent de temples et d'autels consacrés à tous les empereurs l'un après l'autre[21].

On a une inscription de la ville de Narbonne qui fut écrite dans les premières années de notre ère ; elle est conçue ainsi[22] : Le peuple de Narbonne s'engage par vœu perpétuel à la divinité d'Auguste. Bonheur à l'empereur César Auguste, père de la patrie, grand pontife, à sa femme, à ses enfants, au sénat, au peuple romain, et aux habitants de Narbonne qui se sont liés par un culte perpétuel à sa divinité. Le peuple de Narbonne a dressé cet autel dans la forum de la ville, et a décidé que sur cet autel, chaque année, le 8 des calendes d'octobre, anniversaire du jour où la félicité du siècle l'a donné au monde pour le gouverner, six victimes lui seront immolées, l'acte de supplication sera adressé à sa divinité, le vin et l'encens lui seront offerts.

Quelques années avant l'ère chrétienne, la Gaule entière[23] éleva en commun un temple, près de la ville de Lyon, au confluent du Rhône et de la Saône : ce temple était consacré à Rome et à Auguste[24]. C'est par la volonté unanime des cités gauloises qu'il fut construit[25]. Une inscription énumérait les noms des soixante cités qui l'avaient érigé, et autour de l'autel soixante images représentaient chacun de ces peuples[26]. Un prêtre fut élu par les Gaulois pour présider aux offices de ce culte et une fête annuelle fut instituée[27].

Ce temple n'était pas précisément à Lyon ; Lyon était une colonie romaine et non une cité gauloise ; Lyon n'avait donc aucun titre à ériger ce temple ni même à le posséder sur son territoire. Il était situé hors de Lyon, au confluent des deux fleuves, sur un terrain qui était la propriété commune des trois provinces et des soixante cités gauloises[28].

Cette religion ne fut pas une vogue d'un jour. Dion Cassius écrit que l'autel et la fête existent encore de son temps[29]. Une série d'inscriptions montrent que le temple de Narbonne et celui du Confluent subsistèrent plusieurs siècles et que les sacrifices y furent régulièrement accomplis[30]. On peut dresser une liste de Gaulois qui s'y succédèrent comme grands prêtres. C'est d'abord l'Eduen Caius Julius Vercundaridub[31]. Nous trouvons plus tard deux Carnutes, Caius Julius et Publius Vettius Perennis, le Séquane Quintus Adgennius Martinus, le Cadurque Marcus Luctérius, le Nervien Losidius, l'Arverne Servilius Martianus, le Ségusiave Ulattius, et [beaucoup d'] autres[32].

Tous ces prêtres, élus par la réunion des cités gauloises, étaient les premiers personnages de leur pays[33]. De même la province de Narbonnaise avait son temple de Rome et d'Auguste ; un grand prêtre élu par la province présidait annuellement à ce culte[34].

Chacune des cités gauloises avait en outre chez elle un temple de l'empereur ; le prêtre de ce culte, qui portait le titre de flamine d'Auguste[35], était élu par la cité, et parmi ses premiers citoyens[36].

Des temples semblables à ceux de Narbonne et du Confluent furent élevés dans toutes les parties de l'Empire, et des sacerdoces de même nature furent institués partout par les populations[37]. Ce qui est digne de remarque, c'est que l'érection de ces temples n'était pas ordonnée par le pouvoir impérial ; aucun fait ni aucun texte ne nous autorisent à douter qu'elle ne fût l'œuvre spontanée des populations[38]. Les prêtres provinciaux ou municipaux n'étaient pas non plus nommés par les empereurs ; ils étaient élus par les peuples. Ces sacerdoces étaient recherchés à l'égal des plus hautes dignités. Ils étaient brigués par ce qu'il y avait de plus distingué et déplus considérable. Pour être élu prêtre de Rome et d'Auguste, ou flamine, il fallait avoir passé par les premières magistratures de la cité. C'était le but le plus élevé de l'ambition, le couronnement des plus brillantes carrières[39].

Mais il ne fallait pas que ce culte n'appartînt qu'aux plus grands et aux plus riches. Les pauvres et les humbles voulurent avoir aussi leur religion des empereurs. Dans chaque cité, presque dans chaque bourgade, le bas peuple et les simples affranchis élevèrent un autel à l'Auguste ; il se forma une corporation religieuse qu'on appela les Augustaux, et il y eut un collège de prêtres au nombre de six et qu'on appela les sévirs d'Auguste. C'était un sacerdoce annuel, très recherché des petites gens. Au jour des sacrifices, on les voyait revêtus de la robe prétexte, et des licteurs marchaient devant eux. Morts, on ne manquait pas de mettre sur leur tombe le titre qui avait honoré leur vie[40].

Dans ce culte, tout n'était pas public, tout n'était pas pour l'apparat. Beaucoup d'hommes dans le secret de leur maison, loin des regards de la foule et sans nul souci des fonctionnaires impériaux, adoraient la divinité de l'empereur, associé à leurs dieux pénates. On peut voir au musée du Louvre deux statuettes en bronze qui représentent Auguste et Livie ; elles étaient placées, à titre d'objets d'adoration, dans le sanctuaire intime d'une famille gauloise. Plusieurs générations d'hommes les invoquèrent obscurément. Nous pouvons penser que cette famille leur demandait, dans les prières de chaque jour, la paix, le bonheur, la richesse, la santé, et que, dans chacune de ses joies, elle se croyait tenue de leur adresser ses actions de grâces. Les statues des empereurs étaient de véritables idoles, auxquelles on offrait l'encens, les victimes, les prières[41].

Il est impossible d'attribuer tout cela à la servilité Des peuples entiers ne sont pas serviles, et ne le sont pas durant trois siècles. Ne supposons pas que ce culte fût un simple cérémonial, une règle d'étiquette ; le palais impérial était presque le seul endroit du monde où il n'existât pas. Ce n'étaient pas les courtisans qui adoraient le prince, c'était Rome. Ce n'était pas Rome seulement, c'était la Gaule, c'était l'Espagne, c'était la Grèce et l'Asie. Si l'on excepte les chrétiens, qui vivaient alors obscurs et cachés, il y avait dans tout le genre humain un concert d'adoration pour la personne du prince[42].

Quelques historiens ont supposé que ce culte avait été un fruit tardif du despotisme et qu'il n'avait réellement surgi que vers le temps de Dioclétien. C'est au contraire à partir de Dioclétien qu'il cessa d'être. Il ne fut plus qu'un vain cérémonial et une étiquette ; il n'en resta plus que les dehors et les mots, tels qu'on les trouve encore dans les codes des empereurs chrétiens. Le vrai culte, le culte sincère, spontané, fervent, date du début même de l'Empire et a duré environ trois siècles. Durant toute cette époque, chaque prince fut personnellement adoré : chacun eut ses temples, ses fêtes sacrées et ses prêtres. Chacun n'était-il pas un Auguste, c'est-à-dire plus qu'un homme ? En parlant au prince, on lui disait : Très saint empereur[43]. Le titre même de dieu, auquel il n'avait pas droit dans la langue officielle, lui était volontiers donné dans la langue ordinaire. Dès le temps de Caligula, on disait aux princes qu'ils étaient des dieux[44]. Cette forme de langage devint ordinaire sous les Flaviens[45]. On les appelait Votre Divinité, Votre Éternité[46]. Le feu sacré était porté devant Hadrien, devant Antonin, devant Marc-Aurèle[47]. On jurait par l'empereur comme on eût juré par les plus puissants dieux, et ce genre de serment était le plus sacré[48]. Nous avons l'inscription d'un Gaulois des environs de Lyon qui se déclare dévot à la divinité de Marc-Aurèle[49]. Les meilleurs princes comme les plus mauvais, les plus sages comme les plus insensés, durent accepter ces titres et ces étranges respects. Ils pouvaient bien les repousser de leur entourage et éloigner l'encens de leur personne[50] ; ils ne pouvaient pas empêcher que loin d'eux l'encens fumât en leur honneur. Le plus philosophe d'entre eux, Marc-Aurèle, n'eut même pas la pensée de supprimer une si bizarre religion, qui d'ailleurs s'adressait moins à lui qu'à l'autorité impériale dont il était revêtu. Il institua un culte pour son collègue mort[51]. Il éleva un temple à sa femme Faustine et créa pour elle un sacerdoce[52]. Il fut lui-même, et longtemps encore après sa mort, honoré comme une divinité[53]. Son historien, Jules Capitolin, dit que de son temps encore, dans beaucoup de maisons particulières, la statue de Marc-Aurèle est placée entre les dieux pénates ; il est un dieu ; il a ses prêtres et ses flamines[54]. En sorte que ce même homme que l'esprit moderne se représente comme le type du philosophe, ces générations l'adorèrent comme un dieu[55]. Caracalla aussi eut un temple et un clergé spécial pour son culte[56]. Il en était ainsi de tous les empereurs.

Ce culte étrange se comprend et l'on en sent tonte la sincérité et toute la force si l'on songe à l'état psychologique de ces générations. Les hommes étaient fort superstitieux. Dans la société de l'Empire romain les pratiques de la dévotion étaient universelles ; les plus hautes classes s'y livraient avec la même ferveur que les classes ignorantes. Les actes d'adoration et les sacrifices étaient ce qui tenait le plus de place dans l'existence. Chaque homme avait son lararium ; les pauvres de chaque rue avaient leur chapelle et leur idole. Les sacerdoces se multipliaient, chacun voulant être prêtre de quelque dieu. Des confréries religieuses s'établissaient partout. La magie et la divination étaient fort en vogue, parce qu'on était préoccupé du surnaturel. Jules César croyait aux prodiges, Tibère cultivait l'astrologie, Vespasien faisait des miracles[57], Marc-Aurèle consultait les magiciens[58]. Il en était de même dans tous les rangs de la société : les princes et les riches avaient leurs devins dans leur maison ; la foule courait aux devins des carrefours[59]. Beaucoup de gens avaient, comme Septime Sévère, un livre où ils nomment jour par jour tous les prodiges et toutes les prédictions qui les concernaient personnellement. On ne parlait que de songes, d'oracles, d'évocation de morts. Il n'y avait personne qui ne portât sur soi quelque talisman, une pierre chaldéenne, un œuf druidique. L'esprit humain tremblant voyait la divinité partout. Son besoin d'adorer s'appliqua naturellement à ce qu'il trouvait de plus puissant dans les choses humaines, à l'autorité impériale.

Nous ne devons pas d'ailleurs confondre les pensées de ce temps-là avec la doctrine du droit divin des rois, qui n'a appartenu qu'à une autre époque[60]. Il ne s'agit pas ici d'une autorité établie par la volonté divine ; c'était l'autorité elle-même qui était divine. Elle ne s'appuyait pas seulement sur la religion ; elle était une religion. Le prince n'était pas un représentant de Dieu ; il était un dieu. Ajoutons même que, s'il était dieu, ce n'était pas par l'effet de cet enthousiasme irréfléchi que certaines générations ont pour leurs grands hommes. Il pouvait être un homme fort médiocre, être même connu pour tel, ne faire illusion à personne, et être pourtant honoré comme un être divin. Il n'était nullement nécessaire qu'il eût frappé les imaginations par de brillantes victoires ou touché les cœurs par de grands bienfaits. Il n'était pas dieu en vertu de son mérite personnel ; il était dieu parce qu'il était empereur. Bon ou mauvais, grand ou petit, c'était l'autorité publique qu'on adorait en sa personne. Cette religion n'était pas autre chose, en effet, qu'une singulière conception de l'État. La puissance suprême se présentait aux esprits comme une sorte de Providence divine[61]. Elle s'associait dans la pensée des hommes avec la paix dont on jouissait après de longs siècles de troubles, avec la prospérité et la richesse qui grandissaient, avec les arts et la civilisation qui s'étendaient partout. L'âme humaine, par un mouvement qui lui était alors naturel et instinctif, divinisa cette puissance. De même que dans les vieux âges de l'humanité on avait adoré le nuage qui, se répandant en eau, faisait germer la moisson et le soleil qui la faisait mûrir, de même on adora l'autorité suprême qui apparaissait aux peuples comme la garantie de toute paix et la source de tout bonheur.

Ces générations ne subirent pas la monarchie, elles la voulurent. Le sentiment qu'elles professèrent à son égard ne fut ni la résignation ni la crainte, ce fut la piété. Elles eurent le fanatisme du pouvoir d'un seul comme d'autres générations ont eu le fanatisme des institutions républicaines. Il est naturel à l'homme de se faire une religion de toute idée qui remplit son âme. A certaines époques il voue un culte à la liberté ; en d'autres temps, c'est le principe d'autorité qu'il adore.

 

 

 



[1] Tacite dit de lui-même : Dignitatem nostrum (dignitas est le cursus honorum) a Vespasiano inchoatam, a Tito nudam, a Domitiano longius provectam (Histoires, I, 1). Il exerça ensuite de hautes fonctions sous Trajan.

[2] Il déclare (Histoires, I, 1) que cette monarchie fut établie dans l'intérêt de la paix : Omnem potentiam ad unum conferri pacis interfuit. — Remarquez aussi cette phrase qu'il met dans la bouche de Galba : Si immensum imperii corpus stare ac librari sine rectore posset (ibidem, I, 16). — On connaît l'éloge qu'il fait du principal de Trajan : Rara temporum felicilate ubi sentire quæ velis et quæ sentias dicere licet (ibidem, I, 1) ; or il faut faire attention qu'il ne veut pas dire que le régime impérial ait été alors modifié ; nous savons bien qu'aucun changement constitutionnel n'a été imposé à Nerva ni à Trajan. Tout au contraire, le régime est devenu h partir de Trajan de plus en plus absolu. Tacite admettait donc que ce régime fût excellent sous un bon prince.

[3] Sur l'histoire de cet empereur Postumus, on peut voir Trébellius Pollion, dans l’Histoire Auguste : Galli... eum imperatorem appellarunt. Siquidem nimius amor erga Postumum omnium erat in Gallica gente populorum quod, submotis omnibus Germanicis gentibus, Romanum in pristinam securitatem revocasset imperium. — On peut voir aussi, au sujet du même personnage, les inscriptions d'Orelli, n° 1015, 1016, et les médailles (Mionnet, t. II, p. 64 et 60 ; Eckhel, VII, 444). [Ajouter le recueil de de Witte.]

[4] Il est vrai de dire qu'à la mort d'un empereur les armées étaient ordinairement plus pressées que le sénat de lui donner un successeur. Presque toujours il arriva ce que dit Tacite : Sententiam militum secuta patrum consulta (Annales, XII, 69) ; mais encore ne voit-on pas, sauf une fois peut-être, que personne ait énoncé l'avis de rétablir le régime républicain. Le sénat et les armées peuvent être souvent en désaccord sur l'empereur à choisir ; ils ne semblent jamais être en désaccord sur la nécessité d'avoir un empereur.

[5] La Loi Julia, au Digeste, XLVIII, 6, interdit les amas d'armes, mais non pas la possession des armes ad usum itineris vel navigationis vel commercii causa. Des textes nombreux (entre autres, Tacite, Histoires, II, 61 ; IV, 67) marquent que les populations avaient des armes

[6] Militem donis, populum annona, cundos dulcedine otii.... (Nobiles), novis ex rebus aucti, tuta et præsentia quam vetera et periculosa mallent (Tacite, Annales, I, 2). — Tος παροσι ο μνον οκ χθοντο, λλ κα χαιρον, κα βελτω κα δεστερα ατ ν κουον ρντες ντα (Dion Cassius, LVI, 44).

[7] Neque provinciæ illum rerum statum abnuebant, suspecta senatus populique imperio ob certamina potentium et avaritiam magistratuum, invalida legum auxilio quæ vi, ambitu, pecunia turbabantur (Tacite, Annales, I, 2). — Vindicatæ ab injuriis magistratuum provinciæ (Velléius, II, 126).

[8] Voyez le recueil d'Orelli-Henzen, passim. Les expressions qu'on y rencontre le plus fréquemment sont celles-ci : Patri patriæ, n° 606, 642, 712, 912, 1033 ; — fundatori pacis, n° 601 et 1089 ; — pacatori orbis, n° 323, 859, 1035, ; Corpus inscriptionum latinarum, II, n° 1670, 1969 ; — fundatori publicæ securitatis, n° 1071 ; — restitutori orbis, n° 1050 ; — conservatori generis humani, n° 795, ibidem, II, n° 2054. — Un monument, érigé au temps de Tibère, porte cette dédicace : Salute perpetum augustæ tibertatique publicæ populi romani, providentiæ Tiberii Cæsaris Augusti nati ad æternitatem romani nominis ; Orelli, n° 689. — Le titre de restitutor libertatis publicæ se retrouve aux n° 1089 et 1090. — Des inscriptions gauloises portent : Pacatori et restitutori orbis imperatori Cæsari Aureliano (Allmer, n° 31) ; veræ libertatis auctor imperator Cæsar M. Claudius Tacitus pius felix Augustus (Allmer, n° 52). [Corpus, XII, n° 5561 et 5565 ; cf. n° 5456.] — Pline cite un certain Valgius, qui adressa un livre à Auguste, inchoata præfatione religiosa ut omnibus malis humanis illius potissimum principis mederetur majestas (Pline, Histoire naturelle, XXV, 2). — Ce serait mal connaître la nature humaine que de croire qu'il n'y eût en tout cela que de l'adulation.

[9] Dion Cassius exprime les pensées de ce temps-là quand il dit : Le gouvernement prit alors une forme nouvelle, plus conforme au progrès et à l'intérêt des peuples. Il ajoute que les hommes ne pouvaient plus trouver leur salut qu'en dehors du régime républicain (Dion Cassius, LIII, 19 ; cf. XLIV, 5 ; Ammien, XIV, 6 ; Tertullien, De pallio, I, 2).

[10] Suétone, Caius, 14 : Consensu senatus et irrumpentis in curiam turbœ, jus arbitriumque omnium rerum illi permissum est, tanta publica lætitia ut tribus proximis mensibus supra centum sexaginta millia victimarum cœsa tradantur.

[11] Suétone, Caius, 14 : Vota pro reditu suscepta sunt. — On sait le sens très précis et nullement métaphorique du mot votum, et l'on connaît les nombreuses inscriptions qui se terminent par la formule V. S. L. M., votum solvit libens merito. Le votum était l'engagement qu'une personne prenait envers un dieu de lui faire telle offrande convenue si le dieu la méritait par la concession de la faveur demandée.

[12] Ibidem : Pernoclantibus cunctis circa Palatium, non defuerunt qui depugnaturos se armis (comme gladiateurs) pro salute ægri, quique capita sua titulo proposito voterent.

[13] C'est ce que prouve un peu plus loin Suétone, c. 27 : Deux personnages ayant refusé d'acquitter leur vœu, Caligula les y obligea. L'un, qui était un chevalier romain, dut combattre comme gladiateur ; l'autre dut mourir. La religion ne permettait pas que le vœu restât non acquitté ; c'est ce que Dion Cassius explique bien, LIX, 8.

[14] Dion Cassius, LIII, 20 : Σξτος τις Πακοουιος αυτν Αγοστ καθωσωσε.

[15] C. Ulatlius, civis Segusiavus... devotus numini majestatique ejus, Allmer, Inscriptions de Vienne, n° 24 [Corpus, XII, n, 1851]. Devotus numini Marci Aureli, Bernard, le Temple d'Auguste, p. 61. — La formule est quelquefois remplacée par celle-ci : Pro salute imperatoris. Exemples, à Genève, pro salute Augustorum (Mommsen, Inscriptiones helvelicæ, n° 155) ; à Aoste, pro salute imperatoris Marci Aureli, lectum, porticus cum suis columnis, Sex. Vireius decurio de sua pecunia (Allmer, n° 16) ; à Tain, pro salute imperatoris Cæsaris M. Aur. Commodi, taurobolium fecit Q. Aquius Antonianus [Corpus, XII, n° 1782] ; pro salute et incolumitate dominorum nostrorum Valeriani et Gallieni Augustorum (Corpus inscriptionum latinarum, VIII, n° 4219). [Cf. Corpus, XII, p. 926.] — Chacune de ces inscriptions, et elles sont infiniment nombreuses, implique l'érection d'un temple, d'un autel, de quelque monument, c'est-à-dire une forte dépense faite pour acquitter le vœu.

[16] Corpus inscriptionum latinarum, VIII, n° 4218 : Respublica Verecundensium devota numini majestatique ejus. — Pareilles inscriptions en Espagne, ibidem, II, n° 1115, 1171, 1673, 2071, etc.

[17] Corpus inscriptionum latinarum, II, n° 172 ; Orelli, n° 5605 : Jusjurandum Aritiensium. Ex mei animi sententia, ut ego iis inimicus ero quos Caio Cæsari Germanico (il s'agit de Caligula) inimicos esse cognovero, et si quis periculum ei salutique ejus inferet intuleritque, armis bello internecivo terra marique persequi non desinam quoad pœnas ei persolverit. Neque me neque liberos meos ejus salute cariores habeho... Si sciens fallo fefellerove, tum me liberosque meos Juppiter Optimus Maximus ac divus Augustus ceterique omnes dei immortales expertem patria, incolumitale fortunisqne omnibus faxint. — Nous ignorons pourquoi cette petite ville de Lusitanie s'était ainsi vouée à Caligula.

[18] Ce fut un usage d'élever des monuments, des autels, ou d'immoler des séries de victimes, en l'honneur ou pour le salut de l'empereur. Exemple : Ex imperio Matris deum, tauropolium provinciæ Narbonensis factum per C. Balonium Primum, flaminem Augustorum, pro salute dominorum imperatorum L. Septimi Severi Pii Pertinacis Augusti et M. Aurelii Antonini Augusti (Lebègue, Épigraphie de Narbonne, n° 13 ; Herzog, n° 7) [Corpus, XII, n° 4525]. — Pro salute imperatoris Cæsaris M. Aurelii Antonini Augusti lectum, porticus cum suis columnis Sex. Vireius Sextus, decurio, de sua pecunia (Allmer, Inscriptions de Vienne, n° 16) [Corpus, XII, n° 2591]. — Augusto sacrum et Genio civitatis Biturigum (Jullian, Inscriptions de Bordeaux, n° 1). — Pro salute Augustorum (Inscriptiones helveticæ, n° 133). — Pro salute domus divinæ (ibidem, n° 149). — Imperatori Cæsari M. Aurelio Antonino Augusto (il s'agit de Caracalla) patri patriæ, Narbonenses (Lebègue, n° 14) [Corpus, XII, n° 4347]. — In honorem domus divinæ, à Cologne (Brambach, n° 439), à Coblentz (ibidem, n° 692, 695, 711, 721).

[19] Tacite, Annales, I, 54 ; I, 73 ; II, 83 ; III, 64 ; Histoires, II, 95. — Dion Cassius, LI, 19-20 ; LIV, 32. — Spartien, Hadrien, 13 ; Jules Capitolin, Antonin, 6.

[20] Corpus inscriptionum latinarum, II, n° 2221, 2224, 2334, 5395, etc. V, n° 18, 3341, 4442, etc. ; Corpus inscriptionum atticarum, III, n° 63 et 253 ; Corpus inscriptionum græcarum, n° 2696, 2943, 3524, etc.

[21] Genio Augusti, Orelli, n° 1455, 1667 ; Genio Tiberii Cæsaris, n° 3796 ; Genio Caii Cæsaris, n° 699 ; Genio Vespasiani, n° 755 ; Genio Domitiani, Henzen, n° 7 421 ; Genio Trajani, Orelli, n° 789 ; Genio Antonini, n° 1718. — Numini Augusti, n° 204, 401, 608, 1989, 2489, etc. ; numini deorum Augustorum, n° 277, 805, 5208. Collegium numinis dominoriim (Vespasiani et Titi), n° 2389. — Auguste sacrum (Jullian, Inscriptions de Bordeaux, n° 1). — Devotus numini Marci Aureli (Bernard, le Temple d'Auguste, p. 61). [Cf. Corpus, t. XII, p. 927.]

[22] Lebègue, Épigraphie de Narbonne, 1887, p 117, Herzog ; Appendix, n° 1 ; Orelli, n° 2489 ; Wilmanns, n° 104 ; [Corpus, XII, p. 530] : T. Statilio Tauro L. Cassio Longino consulibus (l'an II après J.-C.) numini Augusti votum susceptum a plebe Narbonensium in perpetuum. Quod bonum, faustum, felixque sit imperatori Cæsari divi filio Augusto patri patriæ pontifici maximo tribunitia potestate XXXIV, conjugi liberis gentique ejus, senatui populoque romano et colonis incolisque colonise Juliæ Paternæ Narbonis Martii, gui se numini ejus in perpetuum colendo obligaverunt, plebs Narbonensium aram Narbone in foro posuit ad quam quotannis VIII kalendas Octobres, qua die eum sæculi felicitas orbi terrarum rectorem edidit, tres equites romani a plebe et tres libertini hostias singulas inmolent et colonis et incolis ad supplicandum numini ejus thus et vinum de suo præstent.... — Nous ne donnons qu'une partie de cette curieuse inscription. Notons que le mot plebs, qui s'y trouve répété quatre fois, ne désigne pas, à notre avis du moins, la plèbe ou classe inférieure de Narbonne. Il désigne la population entière, la cité ; c'est une signification qui dans la suite s'attachera de plus en plus au mot plebs. Les tres equites romani a plebe sont, suivant nous, trois membres du peuple de Narbonne portant le titre de chevaliers romains.

[23] Du moins ce qu'on appelait les Trois Gaules, c'est-à-dire la Lugdunaise, l'Aquitaine et la Belgique, la Gaule entière moins la Narbonnaise, laquelle eut son temple particulier. [Voir sur ce sujet Guiraud, les Assemblées provinciales, et Allmer, Musée de Dijon, t. II.]

[24] Tite Live, Épitomé, 137 : Ara Cæsaris ad confluentem Araris et Rhodani dedicata, sacerdote creato. Suétone, Claude, 2 : Ara ibi Augusto dedicata est. Dion Cassius, LIV, 32.

[25] Nous n'avons aucun détail sur l'acte d'érection ; la date n'en est même pas connue avec certitude. Suétone donne la date de 744 ; mais Dion Cassius montre que la fête existait déjà en 742. On voudrait surtout savoir si la décision des 60 cités gauloises fut tout à fait spontanée. M. Guiraud pense, d'après le passage de Dion Cassius, que ce fut Drusus qui on donna l'idée aux Gaulois. Toutefois Dion Cassius ne dit pas précisément cela ; il dit (LIV, 32) qu'en l'an 742 de Rome Drusus, étant en Gaule et ayant à combattre les Germains, s'entendit avec les principaux personnages de la Gaule, qu'il réunit autour de lui à l'occasion de la fête qui avait lieu à l'autel d'Auguste. Il nous faudrait avoir le livre 137 de Tite Live ; le très court Épitomé rapproche l'érection du temple d'Auguste de faits de guerre contre les Germains et même de quelques troubles en Gaule ; ce serait donc dans un moment de crise que les 60 cités se seraient entendues pour donner ce témoignage de fidélité à l'Empire.

[26] Strabon, IV, 3, 2 : Τ ερν τ ναδειχθν π πντων κοιν τν Γαλατν Κασαρι τ Σεβαστ... στι δ βωμς ξιλογος πιγραφν χων τν θνν ξκοντα τν ριθμν κα εκνες τοτων κστου μα. L'unanimité des cités, sinon l'unanimité des habitants, n'est pas douteuse.

[27] Un savant et zélé celtiste a soutenu qu'avant l'établissement du culte de Rome et d'Auguste à Lyon il existait là un vieux culte national du dieu Lug, rendez-vous général de la Gaule. A l'en croire, un nom nouveau aurait simplement pris la place d'un ancien nom (d'Arbois de Jubainville, le Cycle mythologique irlandais, p. 5, 158-139, 304-305 ; Nouvelle Revue historique de Droit, 1881, p. 193-213). Mais il ne peut citer aucun document qui marque l'existence de ce vieux culte en Gaule, particulièrement à Lyon. Son hypothèse s'appuie seulement sur ce qu'il y a eu là une ville appelée Lugdunum, mot qui peut à la rigueur signifier colline du dieu Lug ; mais cela ne suffit pas pour prouver qu'il y eut là un temple spécial de ce dieu, moins encore un centre religieux de la Gaule à cette place. Et quand même le nom de Lugdunum impliquerait le culte national et général du dieu Lug, il resterait encore ce point auquel il faut faire attention, à savoir que le temple d'Auguste n'était pas à Lugdunum ; il n'était même pas sur la colline de ce nom ; il n'était pas de ce côté-là de la Saône. Il était sur l'autre rive, en dehors de toute colline, en dehors du territoire de Lugdunum, dans la pointe qui sépare la Saône et le Rhône. On n'est donc pas en droit de rattacher ce culte d'Auguste à une vieille religion gauloise, qu'il aurait continuée. Ce fut une religion toute nouvelle pour la Gaule, et plutôt de tradition gréco-romaine que de tradition gauloise. Elle se rattachait aux antiques religions d'État. De même qu'il y avait eu durant une série de siècles des cultes de famille, de tribu, de cité, de confédération, l'esprit humain plein de ces habitudes créa un culte d'empire. Le culte de Rome et l'Auguste fut pour l'ensemble des provinces ce que les divinités poliades avaient été pour chaque cité.

[28] C'est ce qui a été bien établi par Léon Renier, 2e édit. de Spon ; de Boissieu, Inscriptions antiques de Lyon ; Aug. Bernard, le Temple d'Auguste. Il est vrai que Suétone dit Lugduni (Claude, 2), Dion Cassius έν Λουγδούνω (LIV, 32) ; mais ce n'est là qu'une manière de parler abréviative ; les inscriptions, qui contiennent la formule exacte et officielle, disent ad confluentem Araris et Rhodani, et c'est aussi ce qui est dans l’Épitomé de Tite Live ; Strabon dit que l'autel était, non dans la ville, mais en avant de la ville : Πρό τής πόλεως έπί τή συμβολή τών ποταμών. [Voir maintenant les nouvelles recherches de M. Allmer.]

[29] Dion Cassius, LIV, 32 : ς ορτς ν κα νν περ τν το Αγοστου βωμν τελοσι.

[30] De Boissieu, Inscriptions de Lyon, Orelli, n°' 184, 660, 4018 ; Henzen, n° 5255, 5965, 5966, 5968, 6944, 6966. — De même dans le temple de Rome et d'Auguste à Ancyre on constate par les inscriptions que la série des prêtres se continua pendant plus de deux siècles.

[31] Tite Live, Épitomé, 137 : Sacerdote creato C. Julio Vercundaridubio Æduo.

[32] Ces personnages nous sont connus par des monuments honorifiques qui leur ont été élevés soit par une cité, soit par la Gaule entière. Bernard, le Temple d'Auguste, pages 55 et suivantes : Q. Adgennius, Urbici filius, Martinus, Sequanus, sacerdos Romæ et Augusti ad confluentem Araris et Rhodani. — C. Servilio Martiano, Arverno, sacerdoti ad templum Romæ et Augnstorum, tres provinciæ Galliæ. — Losidio, Quieti filio, Nervio, sacerdoti ad aram Cæsaris nostri ad templum Romæ et Augusti inter confluentes Araris et Rhodani, tres provinciæ Galliæ. M. Aug. Bernard a réuni dix-huit inscriptions certaines, donnant dix-huit noms de prêtres. |La liste a été complétée par M. Allmer.]

[33] Presque toutes les inscriptions portent la mention : Omnibus honoribus apud suos functo.

[34] Flamen provinciæ Narbonensis (Allmer, n° 75). L. Æmilio M. f. Volt. Tutori flamini Romæ et Augusti (Allmer, n° 137). Κ. Τρεβέλλιος 'Ροΰφος... άρχιερεύς έπαρχείας τής έκ Ναρβώνος (Lebègue, Épigraphie de Narbonne, n° 42). Flamini Augusti leinpli Narbonensis (Lebègue, n° 44). Cf. Herzog, Appendix, n°' 106, 107. 108. \Corpus, Xll, p. 935.] Il n'est pas douteux que, dans l'expression Romæ et Augusti, Augusti ne désigne l'empereur ; l'une des preuves qu'on en peut donner est que, dans les moments où il y avait deux ou trois empereurs associés, l'expression se modifiait en Romæ et Augustorum. [Sur le flamine de la Narbonnaise, voir la nouvelle inscription de Narbonne, Corpus, XII, p. 864.]

[35] On ne disait pas flamen principis, flamen imperatoris ; c'est que le vrai titre de l'empereur, puisqu'il était objet d'adoration, était augustus.

[36] A Nîmes, flamen Romæ et Augusti, Herzog, Appendix, n° 128, 129 ; Henzen, n° 5907 [Corpus, XII, n° 5180, 5207 ; cf. p. 582]. A Lyon, Henzen, n° 6951. A [Vienne], Mommsen, Inscriptiones helveticæ, n° 5, 118, 119, 142 [Corpus, XII, p. 958]. Hors de Gaule, Orelli, n°' 488, 5874, 5881, 5651. Cf. en Espagne, un pontifex domus Augustæ [Corpus inscriptiomim latinarum, II, n° 2105). — Noter qu'il y avait, en outre, des temples élevés aux empereurs morts et où les sacrifices se continuaient. C'est ainsi que nous voyons un flamen divi Claudii, plus d'un demi-siècle après la mort de Claude (Orelli, n° 65 et 5651) ; nous trouvons de même un flamen divi Vespasiani (Orelli, n° 5855), un flamen divi Trajani (ibidem, n° 65 et 5S98), un flamen Hadriani (ibidem, n° 5805), un flamen divi Severi (ibidem, n° 2204). On sait que le mot divus n'était attaché au nom de l'empereur qu'après sa mort. Il y a aussi un flamen Commodianus (Henzen, n° 6052), un sacerdos Flavialis (ibidem, n° 5480), un sacerdos Ulpialis (ibidem, n° 5155). [Cf. Corpus, XII, p. 928.]

[37] L'existence de ce culte est attestée pour la province d'Asie par les inscriptions, Bœckh, n° 2741, 5415, 5461, 5494, 4059 ; Waddington, n° 1266 ; pour la Galatie, par plusieurs textes cités par M. G. Perrot, De Galatia provincia romana, p. 150-155 ; pour la Grèce, voir Bœckh, n° 1124, 1718, 2585 ; on trouve à Sparte des άρχιερεϊς τοϋ Σεβαστοΰ, Foucart, Inscriptions de Laconie, n° 176, 179, 244 ; en Egypte, l'existence d'un temple de Rome et d'Auguste est signalée par Philon, Legatio, 22 ; pour l'Afrique, voir L. Renier, Inscriptions de l'Algérie, n° 5915 ; Henzen, n° 6901 ; pour l'Espagne, Corpus inscriptionum latinarum, II, n° 160, 397, 475, 2221, 2224, 2241, 2554, 3329, 3395, 4191, 4199, 4205, 4239, 4250 ; pour la Grande-Bretagne, Tacite, XII, 52 ; XIV, 51 ; Henzen, n° 6488 ; pour la Pannonie, Corpus inscriptionum latinarum, III, n° 3343, 3485, 3626 ; pour la Thrace, Dumont, Inscriptions de Thrace, n° 29 ; Bulletin de correspondance hellénique, 1882, p. 181 [et d'une façon générale les préfaces et les tables de tous les volumes du Corpus]. — Sur cette religion, voir Boissier, la Religion romaine ; P. Guiraud, Assemblées provinciales dans l'Empire romain, livre I, c. 2 ; Mommsen, Staatsrecht, édit. de 1877, II, p. 732 et suiv. ; Marquardt, Staatsverwaltung, III, p. 445 et suiv. [ibidem, p. 465 et suiv., édit. Wissowa].

[38] Decrevere Asiæ urbes templum Tiberio, et permissum statuere (Tacite, Annales, IV, 15). — Templum ut in colonia Tarraconensi statueretur Augusto petentibus Hispanis permissum (idem, I, 78). Tibère et Claude défendirent qu'on leur élevât des temples (Dion Cassius, LVII, 9 ; LX, 5). — Il y a pourtant quelques exemples, mais ce sont de rares exceptions, d'autels érigés par des empereurs à eux-mêmes ou par des fonctionnaires aux empereurs (Dion Cassius, LIX, 28). — D'une manière générale on peut dire que l'érection de tant d'autels fut une vogue, mais non pas un mot d'ordre.

[39] Cela ressort de beaucoup d'inscriptions ; nous n'en citerons que quelques-unes qui sont relatives à la Gaule. — Æduo... summis honoribus apud suos functo, sacerdoti ad templum Romæ et Augusti (Boissieu, p. 84 ; Bernard, p. 55). — Latinio Catapano, Æduo, sacerdoti trium provinciarum, officiis et honoribus omnibus functo, Sequani publice (Bernard, p. 64 ; Orelli, n° 184). — C. Catullino, Tricassino, omnibus honoribus apud suos functo, sacerdoti ad templum Romæ et Augustorum (Bernard, p. 64). — Cf. Censorinus, De die natali, c. 15 : Tu tamen, officiis municipalibus functus, honore sacerdotii (les mots sacerdos et sacerdotium, dans la langue du temps, s'appliquent particulièrement au sacerdoce des empereurs) in principibus tuæ civitatis es conspicuus.

[40] On trouve des seviri Augustales à Lyon (Orelli, n° 194, 2322, 4020, 4020, 4242 ; Henzen, n° 5231, 7256, 7260) ; à Vaison (Henzen, n° 5222) ; à Arles (Orelli, n° 200) ; à Avenches (Orelli, n° 372, 375 ; Henzen, n° 6417) ; à Nîmes (Orelli, n° 2298 ; Henzen, n° 5231) ; à Genève (Orelli, n° 260) ; à Vienne (Allmer, t. II, p. 300) ; à Cologne (Brambach, n° 442) ; à Trêves (Brambach, n° 804) [et dans presque toutes les villes de la Narbonnaise, Corpus, XII, p. 940, et des Trois Gaules].

[41] Effigies Augusti, ut alia numinum simulacra (Tacite, Annales, I, 75). — Cf. Dion Cassius, LVIII, 4 : Τας εκσι το Τιβερου θυον.

[42] Voir sur ce culte, Egger, Examen critique des historiens d’Auguste, 2e appendice ; et, du même savant, de nouvelles observations sur les Augustales, dans la Revue archéologique, année 1847. [Voir, sur la question des Augustales et des flamines, surtout les dissertations allemandes récentes, qu'on trouvera résumées dans le Manuel de Marquardt.]

[43] Trébellius Pollion, Valeriani, 6 : Sanctissime imperator. — Pline, Lettres à Trajan, 1 : Sanctissime imperator.

[44] Voir ce que raconte Dion Cassius, LIX, 27, d'un certain Lucius Vitellius, qui n'était, dit-il, οτ´ γεννς οτ´ φρων. Il le représente se prosternant aux pieds de Caligula, θεισας ατν κα προσκυνσας κα εξμενος θσειν ατ. Plus tard, il lui adresse la parole en ces termes : Ύμν φη τος θεος, δσποτα.... Dans l'inscription du saltus Burunitanus [Corpus inscriptionum latinarum, VIII, n° 10 570], les colons appellent l'empereur Divina Tua Providentia.

[45] Dion Cassius, LXVII, 15, représente Juventius Celsus se prosternant devant Domitien, προσκυνσας αύτώ, δεσπότην τε καί θεόν όνόμασας, et il ajoute ά παρα τών άλλών ήδη προς αγορεύετο. — Suétone, Domitien, 13 : Quum procuratorum suorum nomine dictaret epistolam, sic cœpit : Dominus et deus noster. Unde institutum ut ne scripto quidem ac sermone cujusquam appellaretur aliter.

[46] Pline écrit à Trajan, l. 59 [67] : Flavius Archippus per Salutem Tuam Æternitatemque petiit ut....

[47] Hérodien, I, 8, 4 ; I, 16, 4 ; II, 5, 2 ; II, 6, 12 ; VII, 6, 2.

[48] Voir la loi municipale de Salpensa. XXV et XXVI : Facito ut is juret per Jovem et divum Augustum et divum Claudiam et divum Vespasianum Augustum et Genium imperatoris Domitiani et deos penates. — Lex Malacilana, LIX. — Cf. Suétone, Caligula, 15 ; Claude, 11.

[49] Imperatori Cæsari M. Aurelio Antonino Augusto C. Ulattius... devotus numini majestatique ejus (Aug. Bernard, le Temple d'Auguste, p 61).

[50] Claude interdit προσκυνεν ατ μτε θυσαν ο ποιεν, Dion, LX, 5.

[51] Jules Capitolin, Marcus, 15 et 20 : Fratri divini honores decreti... quum senatus fratrem consecrasset.

[52] Jules Capitolin, Marcus, 26 : Petiit a senatu ut honores Faustinæ ædemque decernerent, laudata eadem, quum impudicitiæ fama graviter laborasset — Puellas Faustinianas instituit in honorem uxoris mortuæ... ædem il!i exstruxit. — Il y a des inscriptions en l'honneur de diva Faustina (Orelli-Henzen, n° 868, 3253, 3385, 5472).

[53] De même Antonin le Pieux, dont le biographe dit : Meruit et circenses et flaminem et templum et sodales Antoninianos (Jules Capitolin, Pius, 13).

[54] Jules Capitolin, Marcus, 18 : Hodie in nostris domibus Marci statuæ consistunt inter deos penates ; dati sacerdotes et sodales et flamines et omnia quæ de sacratis decrevit antiquitas. La première partie de cette phrase se rapporte à un culte privé et certainement volontaire, la seconde à un culte public.

[55] Jules Capitolin, Marcus, 19 : Deusque etiam nunc habetur.

[56] Spartien, Caracalla, 11 : Inter deus relatus est ; habet templum, hahet Salios, habet sodales. — On sait que les sodales étaient un collège ou une corporation de prêtres voués au culte d'un empereur ; il y avait des sodales Augustales, des sodales Hadrianales, des sodales Flaviales, des sodales Antoniniani.

[57] Tacite les raconte longuement, Histoires, IV, 81.

[58] Dion Cassius, LXVI, 8 ; LXXI, 8. — Dion Cassius, qui est sénateur, se montre à chaque page de son livre le plus superstitieux et le plus dévot des hommes. — Sur la superstition et la dévotion de Marc-Aurèle, voir Jules Capitolin, Marcus, 13 : Undique sacerdotes accivit, peregrinos vitus implevit, Romani omni genere lustravit ; 19 : Cum ad Chaldæos Marcus retulisset. Il s'agit ici d'une anecdote qui pourrait bien n'être pas vraie, mais qui marque assez bien les opinions du temps. Ailleurs, c. 24, nous voyons Marc-Aurèle faire un miracle : Fulmen de cælo precibus suis contra hostes extorsit.

[59] Sur l'habitude de consulter les Chaldæi, les magi, les mathematici, voir Tacite, Annales, II, 27 ; II, 52 ; III, 22 ; XII, 22 ; XIV, 9 ; XVI, 50. Notez que tous ces exemples se rapportent à des personnes des classes les plus élevées. Dans Dion Cassius, pareils exemples sont innombrables. — Spartien, Hadrien, 5 ; Septime Sévère, 2 ; Jules Capitolin, Gordiani, 20.

[60] Dans les titres officiels des empereurs, que les inscriptions nous font connaître, il n'y a pas un mot qui présente l'idée du gratia Dei des royautés modernes, — Quand un chevalier romain dit h Tibère : Tibi summum rerum judicium dii dedere (Tacite, Annales, VI, 8), c'est le langage de la flatterie individuelle, ce n'est pas l'énoncé d'un principe politique.

[61] Le prince est appelé dans une inscription Θεός έμφανής καί κοινός τοΰ άνθρωπίνου βίου σωτήρ, Bœckh, n° 2957 ; Trajan est appelé conservator generis humani ; Constantin, conservator humanarum rerum. — Dans une inscription rédigée par le collège des Frères Arvales, Claude est nommé divinus princeps et parens publicus (Henzen, n° 7849).