LA GAULE ROMAINE

LIVRE PREMIER. — LA CONQUÊTE ROMAINE

 

CHAPITRE IX.

 

 

QUE LES GAULOIS DEVINRENT CITOYENS ROMAINS.

 

Chez les anciens, la conquête n'avait pas pour effet d'annexer les vaincus au peuple vainqueur. La Gaule devint ce que la langue latine appelait alors une provincia, c'est-à-dire un pays subordonné[1]. Elle ne fut pas dans l'État romain, in civitate romana, elle fut dans l'Empire, in imperio romano.

Parmi les Gaulois, les uns furent déclarés alliés de Rome, fœderati, les autres libres, liberi, les autres soumis, dedititii[2]. Tous se ressemblèrent en ce point qu'ils étaient placés en dehors de l'État romain. Ils étaient à l'égard de Rome des étrangers, peregrini[3]. Cela signifiait qu'ils ne faisaient pas partie du peuple romain ; ils n'avaient ni les droits politiques ni les droits civils de cette cité. Ils n'avaient pas la protection des lois romaines. Ils ne pouvaient ni hériter d'un Romain ni léguer à un Romain[4]. Ils n'avaient pas le commercium, c'est-à-dire le droit d'acquérir en pleine propriété sur terre romaine[5]. Ils n'avaient pas le droit de mariage avec des Romains, c'est-à-dire qu'une union d'un Romain avec une Gauloise n'eût pas produit d'effets légaux[6] ; le fils qui en serait né aurait, comme pour toute union illégale, suivi la condition de la mère ; il eût été par conséquent un Gaulois, un pérégrin[7]. Le pérégrin n'avait pas le droit de prendre un nom romain[8]. Ces règles n'ont pas été créées par Rome ; elles découlaient de principes qui avaient appartenu à tous les Etats anciens. Il était dans les idées des hommes d'alors qu'une barrière légale et morale séparât toujours deux peuples ou deux cités.

Ne parlons pas ici d'une politique d'assimilation. Tandis que l'on voit, dans les sociétés modernes, les conquérants employer toute leur habileté à s'assimiler les vaincus, et les vaincus de leur côté repousser aussi longtemps qu'ils peuvent l'union avec les vainqueurs, c'était le contraire dans l'antiquité. Ceux qui supposent que Rome eut la pensée et la conception nette de faire entrer dans son sein les peuples soumis, lui attribuent une idée assez moderne et qu'elle n'eut pas. Quelques esprits élevés purent la concevoir ; mais il y a tout au moins une très grande exagération à dire que Rome ait eu une politique constante en ce sens. Ce furent bien plutôt les peuples soumis qui travaillèrent à entier dans la cité romaine. Rome ne fit que se prêter au désir des peuples. Elle ne s'y prêta même que par degrés et lentement. L'effort, en tout cela, vint des peuples, et non pas de Rome. Ce ne fut pas Rome qui eut pour politique de fondre les Gaulois avec elle ; ce furent les Gaulois qui aspirèrent et qui tendirent de toutes leurs forces à s'unir à ceux qui les avaient conquis.

Il faut même remarquer que ce ne furent pas seulement les Gaulois déditices qui sentirent l'intérêt de devenir citoyens romains. Ceux qui étaient fédérés, ceux qui étaient libres, ceux qui par conséquent continuaient à avoir l'usage de leurs lois nationales, furent les plus empressés. Rome leur permettait de rester Gaulois, ils voulurent être Romains.

L'État romain, à cette époque de l'histoire, n'était plus une république libre. Le titre de citoyen ne conférait donc plus, comme autrefois, le droit d'élire les magistrats et de voter les lois. Les documents montrent pourtant qu'il avait autant de prix aux yeux des hommes et qu'il était autant recherché qu'à l'époque précédente[9]. C'est qu'il assurait la protection des lois romaines. Avec lui, la propriété était garantie ; on pouvait tester et hériter, contracter et vendre, suivant les formes solennelles et sûres ; on avait tous les droits attachés à l'autorité maritale et à la puissance paternelle. Ce titre, outre qu'il flattait la vanité, rehaussait la valeur légale de l'homme. Il fut donc un objet d'ambition. Pendant sept ou huit générations d'hommes, le but de tous les désirs d'un Gaulois ne fut pas de s'affranchir de Rome, mais d'acquérir le droit de cité romaine.

Quand nous disons droit de cité romaine, il faut tâcher de bien comprendre cela suivant les idées des anciens. Notons d'abord le mot dont ils se servaient, ils ne disaient pas jus civitatis comme nous disons droit de cité[10]. Ils disaient civitas. Les expressions usuelles étaient dare civitatem, donare civitate, adimere ou amittere civitatem. Dans ces expressions il est visible que civitas signifie la qualité ou l'état de civis, de même que peregrinitas signifie l'état de peregrinus. Nous pourrions traduire par citoyenneté. Or cette observation n'est pas sans importance ; nous y apercevons l'idée que les hommes attachaient au mot et à la chose morne, ils y voyaient bien plus qu'un droit s'ajoutant à la personne. Ils y voyaient une situation entière delà personne elle-même, un état nouveau de l'être humain. Passer de la pérégrinité à la citoyenneté romaine, ce n'était pas seulement acquérir un droit de plus, c'était se transformer intégralement. C'était cesser d'être Gaulois et devenir Romain. Ce qu'on appelait le don de la cité romaine était ce que nous appellerions aujourd'hui la naturalisation romaine.

Etudions d'abord comment le changement se fit. Une première remarque est qu'il ne fut pas l'effet d'un effort général et collectif. Ne nous figurons pas la Gaule entière réclamant la citoyenneté romaine au nom d'un principe égalitaire ; surtout ne nous la figurons pas s'insurgeant pour l'obtenir. Rien de pareil ne se vit ni en Gaule ni en aucune autre province. L'ambition et les efforts furent individuels. Ce ne fut aussi qu'à des services ou à des mérites personnels que Rome accorda la faveur si désirée.

La concession ne fut d'ailleurs ni très rare ni très difficile. Rome, à cette époque même, échangeait le gouvernement de tous contre le gouvernement d'un seul. Le droit dé cité ne fut donc plus décerné par un peuple qui eut été intéressé à ne pas augmenter le nombre de ses membres ; il le fut par un empereur qui trouva intérêt à se faire d'autres sujets que la plèbe romaine.

César fit citoyens romains beaucoup de Gaulois qui l'avaient servi[11]. Après la guerre civile, il donna la cité d'un seul coup aux 4.000 ou 5.000 Gaulois qui composaient sa légion de l'Alouette[12].

La politique d'Auguste fut de donner la cité romaine à ce qu'il y avait de plus noble, de meilleur, et de plus riche dans les provinces[13]. De cette façon la cité romaine resta une faveur toujours précieuse et toujours enviable. Un assez bon nombre de Gaulois l'obtinrent. Les noms de plusieurs d'entre eux nous sont connus[14]. Mais il avait fallu une grande noblesse, des services rendus, pour obtenir[15].

Un peu plus tard, la richesse suffit. Le titre de citoyen romain pouvait s'acheter, comme à d'autres époques on acheta des titres de noblesse. Dion Cassius affirme que beaucoup l'eurent à prix d'argent de l'empereur Claude ou de ses affranchis[16].

D'autres y parvinrent par une voie légale. Il y avait, au moins, quatorze cités gauloises qui possédaient ce que le droit public romain appelait la latinité[17]. Dans ces cités, il suffisait d'avoir rempli une magistrature municipale pour être de plein droit, en sortant de charge, citoyen romain[18].

Enfin les hommes purent acquérir la cité en servant Rome comme soldats pendant vingt ans[19]. Le Gaulois entrait comme pérégrin dans une cohorte d'infanterie ou dans une ala de cavalerie, et après son temps de service il en sortait citoyen romain[20], et ses enfants l'étaient après lui.

Ainsi la population gauloise se transforma peu à peu. La transformation commença par les plus grandes familles, par les hommes les plus considérés dans leurs propres cités, par les plus riches ou les plus braves. Dès le règne de Claude, Tacite constate que dans toute la Gaule les notables des villes possédaient la cité romaine[21]. Beaucoup d'autres l'obtinrent ou l'achetèrent de Galba, qui avait eu besoin de l'appui de la Gaule[22]. Qu'on essaye ensuite de calculer combien de Gaulois entrèrent dans les troupes romaines, et combien d'entre eux revinrent en Gaule comme citoyens ; qu'on ajoute à cela que chaque nouveau citoyen faisait lui-même souche de Romains, non seulement par le mariage, mais aussi par l'affranchissement : caries esclaves qu'il faisait libres par les procédés légaux, il les faisait en même temps citoyens romains ; et par ces calculs on jugera qu'au bout de deux siècles et demi la majorité de la population libre en Gaule avait cessé d'être gauloise pour devenir romaine.

Alors vint le décret de Caracalla qui déclara que tous les hommes libres dans l'Empire étaient citoyens romains. Les qualifications de pérégrins, de sujets, d'alliés, disparurent. Il n'y eut plus dans l'Empire que des Romains[23].

Dans les premiers temps, le titre de citoyen romain n'avait pas impliqué le droit de parvenir aux magistratures romaines et d'entrer dans le Sénat. En l'année 48 de notre ère, les principaux habitants de la Gaule sollicitèrent ce droit[24]. L'empereur Claude prit leur cause en mains[25], et se chargea de la plaider lui-même dans le sénat. Il montra leur parfaite fidélité, leur inébranlable attachement à Rome ; il ajouta que, par leurs habitudes d'esprit, leurs mœurs, leurs arts, ils étaient devenus Romains ; il fit entendre que par leur richesse comme par leurs talents ils feraient honneur au Sénat[26]. Un sénatus-consulte suivit, conforme au discours du prince. Les Gaulois, à commencer par les Eduens, purent être magistrats et sénateurs dans Rome[27].

Les Gaulois passèrent ainsi, sans beaucoup de peine, de la condition de sujets de Rome h celle de membres de l'Empire. A mesure qu'ils entraient dans le vaste corps de la cité romaine, ils prenaient tous les droits, toute la fierté, toutes les ambitions du citoyen. Ils figuraient, suivant leur richesse ou la faveur du prince, au rang des chevaliers[28] ou parmi les sénateurs. Les plus hautes classes de la société romaine leur étaient ouvertes, tous les honneurs et tous les pouvoirs leur étaient accessibles. Us devenaient volontiers agents du prince, procurateurs, fonctionnaires de l'administration. Us occupaient les hauts grades dans les armées[29]. Ils gouvernaient les provinces. Un Romain pouvait sans exagération dire à un Gaulois : Vous partagez l'Empire avec nous : c'est souvent vous qui commandez nos légions, vous qui administrez nos provinces ; entre vous et nous il n'y a aucune distance, aucune barrière[30].

A partir de ce moment, les habitants de la Gaule cessèrent de s'appeler Gaulois et s'appelèrent Romains. Le nom de Gaule resta dans la langue comme expression géographique ; celui de Gaulois fut encore employé quand il s'agit de distinguer cette population de celle des autres parties de l'Empire, de la même façon que nous employons les noms de Normands, Bourguignons, ou Provençaux ; mais le vrai nom national fut pour tous celui de Romains[31].

Une chose surprend d'abord dans les documents du Ve siècle. Salvien appelle du nom de Romains ses compatriotes gaulois[32]. Une chronique désigne les habitants du bassin de la Seine par le terme de Romains[33]. On voit au temps de Clovis un homme qui est né en Gaule, Syagrius, et qui ne commande qu'à des Gaulois, s'intituler chef des Romains[34]. C'est que ce nom appartenait officiellement et depuis longtemps à toute la population de la Gaule[35] comme à celle de toutes les provinces de l'Empire. Elle a continué à le porter, même après que l'Empire avait disparu[36]. Le titre de citoyen romain se retrouve encore, comme un titre d'honneur, dans des actes authentiques du VIIe siècle[37], et la langue du pays s'appela longtemps la langue romane ou le roman[38].

Durant cinq siècles, le patriotisme des Gaulois fut l'amour de Rome. Déjà au temps de Tacite on avait remarqué qu'ils aimaient Rome autant que pouvaient l'aimer les Romains de naissance[39]. Ce sentiment ne fit que se fortifier dans leurs âmes. Ils étaient attachés à l'Empire romain comme on est attaché à sa patrie. L'intérêt de la Gaule et l'intérêt de Rome se confondaient dans leur pensée. Un de leurs poètes s'écriait en s'adressant à Rome : Tu es la patrie unique de tous les peuples[40].

On a dit que la Gaule avait essayé à plusieurs reprises de se séparer de Rome. Il n'y a ni un seul fait avéré ni un seul texte authentique qui montre que la population gauloise ait eu cette pensée. Quelques usurpations de chefs militaires, quelques récriminations au sujet des impôts, quelques attaques du clergé chrétien contre une autorité encore païenne, ne prouvent nullement que la Gaule ait jamais eu la haine de Rome[41]. Il est incontestable que le lien entre Rome et la Gaule ne fut pas brisé par la volonté des Gaulois ; il le fut par les Germains, Encore verra-t-on dans la suite de ces éludes que la population gauloise garda tout ce qu'elle put de ce qui était romain, et qu'elle s'obstina à rester aussi romaine qu'il était possible de l'être.

 

 

 



[1] Le mot provincia, qui prit assez tard une signification géographique, signifia d'abord une mission, un commandement ; il s'appliqua surtout aux commandements exercés sur les peuples vaincus, et c'est pour cela que l'idée de sujétion s'y attacha. Nous reviendrons plus loin sur ce sujet.

[2] Pline, Histoire naturelle, III, 4, § 31-37, et IV, 17, § 105-109.

[3] Peregrinus s'oppose à civis, peregrinitas à civitas. Cicéron, In Verrem, VI, 35 : Noninem neque civem neque peregrinum. — Digeste, I, 2, 2 : Prætor qui Romæ inter pereqrinos jus dicebat. La pérégrinité impliquait une différence, non de domicile, mais de droit. On pouvait habiter Rome, même de père en fils, et y être un pérégrin ; en retour on pouvait habiter Lyon ou Trêves, et y être un civis romanus. Voir Cicéron, Pro Balbo, 23 ; De officiis, III, 11 ; Gaius, Institutes, I, 67-70, 79. Ce qui marque bien le sens de la pérégrinité, c'est que le citoyen romain qui était condamné à l'exil devenait aussitôt un pérégrin : peregrinus fit in cui aqua et igni interdictum est (Ulpien, XI).

[4] Gaius, Institutes, II, 218 : Cui nullo modo legari possit, velut peregrino, cum quo testamenti factio non sit. — Idem, II, 110 ; III, 132, 133.

[5] Ulpien, XIX, 4. L'absence de commercium exclut la mancipatio, le dominium ex jure Quiritium et même l'emploi de certaines obligations solennelles.

[6] Voir sur tout cela Ulpien, V, 4 ; Gaius, I, 50, 67, 78, 92. Quelquefois on accordait le connubium à un pérégrin par concession spéciale.

[7] Même, une loi Minicia ajouta à la rigueur de cette règle. Si un pérégrin épousait une civis romana, l'entant restait pérégrin (Ulpien, V, 8).

[8] Peregirinæ conditionis veinit usurpare romana nomina, duntaxat gentilibus, Suétone, Claude, 25. Il est probable que Claude ne fit ici que faire revivre une ancienne règle.

[9] Dion Cassius, LX, 17 : Comme les citoyens étaient en tontes choses plus estimes que les pérégrins, beaucoup demandaient le droit de cité.

[10] Du moins l'expression est rare, et dans les deux ou trois exemples où on la rencontre, il n'est pas bien sûr qu'elle exprime exactement la même idée que le mot civitas.

[11] Suétone, César, 76 : Civitate donatos et quosdam e semibarbaris Gallorum recepit in curiam. Cf. c. 80 : Illa vulgo canebantur : Galli braccas deposuerunt, latum clavum sumpserunt. — Cicéron, Ad familiares, IX, 15 : In urbem nostram est infusa peregrinitas, nunc vero etiam braccatis et transalpinis nationibus. — Idem, Philippiques, I, 40 : Civitas data provinciis universis a mortuo ; mais il est visible que Cicéron exagère ici.

[12] Suétone, César, 24 : Legionem ex transalpinis transcriptam, vocabulo quoque gallica. Alauda enim appellebatur, quam disciplina cultuque romano institutum et ornatam, postea universam civitate donavit.

[13] Cette politique est bien marquée dans le fameux discours de Mécène inséré par Dion Cassius dans son histoire, discours qui, authentique ou non, est considéré universellement comme le vrai programme du régime nouveau. Mécène dit à Auguste : Tος γενναιοττους κα τος ρστους ; κα τος πλουσιωττους σγαγε, μ μνον κ τς ταλας λλ κα παρ τν συμμχων τν πηκων πιλεξμενος, etc. Dion Cassius, LII, 19. — Cf. Suétone, Auguste, 40 : Civitatem romanam parcissime dedit.

[14] Ainsi nous savons que le père de Julius Vindex, Aquitain, était citoyen romain et même sénateur (Dion Cassius, LXIII, 22). Le Trévire Julius Florus, l'Éduen Julius Sacrovir, les Bataves Julius Civilis et Julius Paulus, étaient citoyens romains dès le temps d'Auguste (Tacite, Annales, III, 40 ; Histoires, I, 59 ; IV, 15).

[15] Tacite, Annales, III, 40 : Nobilitas ambobus et majorum hona facya, eoque romana civitas data. — De même Julius Paulus et Julius Civilis étaient ex regia stirpe (Histoires, IV, 13).

[16] Dion Cassius, LX, 17.

[17] Quatorze oppida latina sont mentionnés par Pline, Histoire naturelle, III, 5, entre autres Nîmes, Vaison, Carcassonne, Toulouse.

[18] Sur la latinitas, les principaux textes sont : Appien, Guerres civiles, II, 26 ; Strabon, IV, I, 12, édit. Didot, p. 155 ; Gains, Institutes, I, 95-90. Cf. Asconius, Ad Ciceronis Pisonianam.

[19] Ce n'était pas précisément un droit ; mais la concession était habituelle, pourvu que le soldat eût obtenu un congé honorable, honesta missio. C'est à quoi Gaius fait allusion lorsqu'il dit : Institutes, I, 37 : Veteranis quibusdam concedi solet principalibus constitutionibus connubium cum latinis peregrinisve quas primas post missionem uxores duxerint, et qui ex eo matrimonio nascuntur cives romani fiunt.

[20] C'est ce qui ressort des diplômes militaires qui nous sont parvenus.

[21] Tacite, Annales, XI, 23 : Primores Galliæ quæ Comata appellatur, civitatem romanam prident assecuti.

[22] Tacite, Histoires, 8 : Galliæ obliqatæ recenti dono romanæ civitatis. — Il ne faut pas entendre cela en ce sens que Galba ait donné le droit de cité à la Gaule collectivement ; il le donna à beaucoup de Gaulois ; Plutarque, Vie de Galba, 18, fait entendre qu'il le vendit.

[23] Ulpien, au Digeste, I, 5, 17 : In orbe romano qui sunt, ex constitutione imperatoris Antonini, cives romani effecti sunt. — Dion Cassius, LXXVII, 9 : ωμαους πντας τος ν τ ρχ ατο πδειξεν. — Novelles de Justinien, LXXVllI, 5 : Antoninus Pius jus romanæ civitatis, prius ab unoquoque suhjectorum petitus et laliter ex iis qui vocantur peregrini ad romanam ingenuitatem deducens, hoc ille omnibus in commune subjectis donavit. — Saint Augustin, Cité de Dieu, V, 17 : Factum est ut omnes ad imperium romanum pertinentes societatem acciperent romanam et romani cives essent. — Le prince auteur du décret est celui que l'on a appelé Caracalla, ce qui n'est qu'un simple surnom ; ses vrais noms, sur les inscriptions, sont : Marcus Aurelius Antoninus Lucii Septimi Severi filius (Orelli, n° 452, 951, etc. ; cf. Spartien, Vita Severi, 10). Dion Cassius ne l'appelle pas autrement qu'Antonin. — Nous n'avons pas le texte de son décret, et il est impossible d'en dire le vrai sens, encore moins le motif. Peut-être Caracalla ne songeait-il, comme le dit Dion Cassius, qu'à étendre à tous quelques impôts sur les affranchissements et sur les successions qui n'avaient frappé jusque-là que les citoyens. Avidité fiscale, humanité, ou calcul politique, la conséquence fut la même.

[24] Tacite, Annales, XI, 25 : Quum de supplendo senatu agitaretur, primoresque Galliæ jus adipiscendorum in Urbe honorum expeterent.

[25] Claude était né à Lyon ; plusieurs historiens modernes insistent sur ce fait, et peu s'en faut qu'ils ne présentent Claude comme un Gaulois. Claude, né à Lyon, n'en était pas moins né Romain, le status ne dépendant nullement du lieu de naissance ; d'ailleurs Lyon n'était pas une ville gauloise, mais une colonia civium romanorum.

[26] Tacite, Annales, XI, 25 : Continua ac fida pax ; jam moribus, artibus, affinitatibus nostris mixti, aurum et opes suas inferant potius quam separati habeant. — Nous avons une partie du discours authentique de Claude, que Tacite avait abrégé et mis, pour ainsi dire, en sa langue. Voir le texte dans Desjardins, t. III, p. 280 et suivantes.

[27] Tacite, XI, 25 : Orationem principis secuto patrum consulta, primi Ædui senatorum in Urbe jus adepti sunt. — Faut-il croire, comme Desjardins, que le sénat eût réduit la concession de l'empereur aux seuls Eduens ? Je n'en suis pas bien sûr. Tacite ne dit pas sou Mbvt. Sa phrase peut s'entendre en ce sens que, h sénatus-consulte ayant autorisé des Gaulois à entrer au sénat, il se trouva que les premiers qui y entrèrent furent des Éduens, ceux de la Narbonnaise étant mis à part. Cette province fournissait déjà des sénateurs à Rome.

[28] Orelli. N° 315, 2489, 5840. — Boissieu, Inscriptions de Lyon, p. 260, mentionne un Veromanduus qui est eques romanus. — D'autres inscriptions mentionnent des Gaulois qui furent allecti in amplissimum ordinem inter quæsrorios ou inter prætorios (Herzog, Appendix, n° 17 et 512).

[29] Valérius Asiaticus qui fut deux fois consul, Vindex qui fut gouverneur de province, étaient nés en Gaule. D'autres Gaulois, Classicus, Tutor, Sabinus, avaient des commandements. Tacite, Histoires (IV, 61), parle de centurions et de tribuns qui sont nés en Gaule.

[30] Discours de Cérialis aux Gaulois, dans Tacite, Histoires, IV, 74 : Ipsi plerumque legionihus nostris præsidetis ; ipsi has aliasque provincias regitis ; nihil separatum clausumve.

[31] C'est ainsi que dans Ammien (XIX, 6) les mêmes soldats sont appelés Gaulois et Romains : Gaulois pour les distinguer des autres troupes de l'armée, Romains vis-à-vis de l'ennemi.

[32] Salvien, De gubernatione Dei, liv. V : Unum illic Romanorum omnium votum est.

[33] Grégoire de Tours, Historia Francorum, II, 9 : In his partibus usque Ligerim fluvium habitabant Romani ; ultra Ligerim Gothi. — L'auteur de la Vie de saint Sigismond (dom Bouquet, t. III, p. 402) appelle la population, indigène, Romani Galliarum habitatores.

[34] Αίγίδος άνήρ έκ Γαλατών, dit l'historien Priscus (dom Bouquet, t. I, p. 608) ; Ægidius ex Romanis, dit Grégoire de Tours (II, 11) ; les deux expressions étaient synonymes. — Syagrius, Ægidii filius, Romanorum rex (Grégoire de Tours, II, 27) ; dans cette phrase, le mot Romannrum désigne la population sur laquelle régna quelque temps Syagrius, c'est-à-dire la population entre Loire et Somme.

[35] Le Code des Burgondes et celui des Wisigoths désignent toujours la population indigène par le mot Romani.

[36] Frédégaire, qui écrit au VIIe siècle, appelle encore Romani la population indigène.

[37] Intromisssus in ordine civium romanorum ingenuum se esse cognuscat. Formules usitées dans l'Empire des Francs, édit. E. de Rozière, n° 96. Cf. n° 64, 66, 70, 83.

[38] Lingua romana (Nithard, III, 3). Ce qu'il faut bien remarquer, c'est que cette expression, que l'on rencontre fréquemment au moyen âge, ne désigne jamais la langue latine. On lit dans le poème de Garin que plusieurs entendent mieux roman que latin, et dans une chronique du XIIe siècle, de latino vertit in romanum. Le roman était la langue que la Gaule parlait. — D'ailleurs, les Espagnols, qui étaient devenus aussi Romains que les Gaulois, ont aussi appelé leur langue le roman, et la langue des Grecs de Constantinople s'appelle encore le romaïque.

[39] Tacite, Annales, XI, 24 : Nec amore in hanc patriam nabis concedunt.

[40] Rutilius, I, 62 : Fecisti patriam diversis gentibus unam. — Sidoine Apollinaire (Lettres, I, 6) appelle Rome, unica totius mundi civitas, et il ajoute : Domicilium legum, gymnasium litterarum, curiam dignitatem, verticem mundi, patriam libertatis, in qua unica totius orbis civitate soli barbari et servi peregrinantur.

[41] Nous examinerons ce point un peu plus loin.