DU RÉGIME POLITIQUE DES GAULOIS. La première chose à constater est que César ne fait aucune mention de tribus ni de clans. Un ne rencontre dans son livre ni ces deux mots, ni aucun terme qui en ait le sens, ni aucune description qui en donne l'idée. On peut faire la même remarque sur ce que Diodore et Strabon disent des Gaulois. Le vrai groupe politique chez les Gaulois, à l'époque qui précède la conquête romaine, était ce que César appelle du nom de civitas. Ce mot, qui revient plus de cent fois dans son livre, ne signifiait pas une ville. Il désignait, non une agglomération matérielle, mais un être moral. L'idée qui s'y attachait, dans la langue que parlait César, était celle que nous rendons aujourd'hui par le mot État. Il signifiait un corps politique, un peuple organisé, et c'est en ce sens qu'il le faut prendre lorsque cet écrivain l'applique aux Gaulois[1]. On pouvait compter environ 90 États dans la contrée qui s'étendait entre les Pyrénées et le Rhin[2]. Chacun de ces Etats ou peuples formait un groupe assez nombreux. Beaucoup d'entre eux pouvaient mettre sur pied 10.000 soldats, plusieurs 25.000, quelques-uns 50.000[3]. Les Bellovaques pouvaient armer jusqu'à 100.000 hommes, ou, en ne prenant que l'élite, 60.000[4]. On peut admettre que la population d'un État variait entre 50.000 et 400.000 âmes. Un peuple gaulois était, en général, une collection plus grande qu'une ancienne cité de la Grèce ou de l'Italie. La civitas occupait un territoire étendu. Il était ordinairement partagé en plusieurs circonscriptions, auxquelles César donne le nom latin de pagi[5]. Dans ce territoire on trouvait, le plus souvent, une ville capitale[6], plusieurs petites villes[7], un assez grand nombre de places fortes[8] ; car il y avait longtemps que chaque peuple avait pris l'habitude de se fortifier, non contre l'étranger, mais contre le peuple voisin[9]. Dans le territoire on trouvait encore une multitude de villages, vici[10], et de fermes isolées, ædificia[11]. Il importe, au début de nos études, de faire attention à cette répartition du sol. gaulois. Les siècles suivants n'y ont apporté que de lentes et légères modifications. Les trois quarts de nos villes de France sont d'anciennes villes gauloises. Plus que cela, lés civitates elles-mêmes ont conservé, jusqu'à une époque assez voisine de nous, leurs anciennes limites. Les pagi ou pays subsistent encore ; les souvenirs et les affections du peuple des campagnes y restent obstinément attachés. Ni les Romains, ni les Germains, ni la féodalité n'ont détruit ces unités vivaces, dont les noms mêmes ont traversé les âges jusqu'à nous. La forme du gouvernement n'était pas partout la même[12]. Chaque peuple, étant souverain, avait les institutions qu'il voulait avoir. Ces institutions différaient aussi suivant les temps ; car la Gaule avait déjà traversé plus d'une révolution et se trouvait dans une époque d'instabilité. La monarchie n'y était pas inconnue. César signale des rois chez les Suessions, chez les Atrébates[13], chez les Eburons[14], chez les Carnutes, chez les Sénons, chez les Nitiobroges[15], chez les Arvernes. D'ailleurs, il ne définit pas avec précision cette royauté et ne dit pas quelle était l'étendue de ses pouvoirs. Plusieurs régimes très divers peuvent porter le nom de royauté. Les rois dont il parle paraissent avoir été électifs. Au moins ne parvenaient-ils ail pouvoir qu'avec l'assentiment du plus grand nombre. Il ne semble pas non plus que cette royauté fut omnipotente. Peut-être n'était-elle pas autre chose qu'une forme de la démocratie. L'un de ces rois dit un jour à César que la multitude avait autant de pouvoir sur lui que lui sur la multitude[16]. En général, cette royauté apparaît, non comme une institution traditionnelle qui reposerait sur de vieilles habitudes ou sur des principes de droit public, mais plutôt comme un pouvoir révolutionnaire qui surgit dans les troubles publics et qu'un parti crée pour vaincre l'autre parti[17]. Ainsi Vercingétorix, au début de sa carrière, chassé de sa cité par les grands, y est ramené par un parti populaire et y est proclamé roi par ce même parti[18]. Chez la plupart des peuples, la forme républicaine prévalait, et avec elle l'aristocratie[19]. La direction des affaires appartenait à un corps que César appelle du nom de sénat[20]. Par malheur il ne nous apprend pas comment ce sénat était composé. Nous ignorons si l'on y entrait par droit de naissance, par élection, par cooptation, ou de quelque autre manière[21]. Le pouvoir était confié, là où il n'existait pas de rois, à des chefs annuels. César les appelle du nom romain de magistrats[22]. Ils étaient élus ; mais nous ne connaissons pas assez les règles et les procédés de l'élection pour pouvoir dire si la magistrature avait une source populaire ou aristocratique. Il semble qu'il n'y ait eu, dans beaucoup d'Etats, qu'un seul magistrat suprême[23], et que ce magistrat ait exercé un pouvoir absolu jusqu'à être armé du droit de vie et de mort[24]. Nul doute, quoique César n'en parle pas, qu'il n'y eût au-dessous de lui quelques magistrats inférieurs[25]. On serait désireux de savoir si ces constitutions politiques des divers peuples étaient mises en écrit, ou si elles se conservaient seulement à l'étal de coutume. Il est certain que les Gaulois se servaient de l'écriture, er particulier pour les choses du gouvernement[26]. Ils avaient des registres publics. Ils savaient mettre en écrit le recensement de leur population, et l'état nominatif des habitants et des soldats[27]. Ils pouvaient donc avoir aussi des lois écrites[28]. Nous ignorons si César s'est fait lire ces textes ou s'est fait rendre compte de ces coutumes. Deux ou trois traits, qu'il rapporte en passant, donnent à penser que ces constitutions étaient rédigées avec un détail assez minutieux, comme il convenait à des peuples déjà avancés. Par exemple, la constitution des Eduens fixait avec soin le mode d'élection du magistrat, le lieu, le jour[29] ; elle établissait que des prêtres y devaient être présents[30] ; la présidence de l'assemblée électorale appartenait au magistral on charge, et c'était lui qui proclamait l'élu[31]. César ajoute ce trait qui l'a frappé : la loi ne permettait pas à deux frères d'être magistrats du vivant l'un de l'autre ; elle ne permettait même pas que deux frères siégeassent ensemble au sénat[32]. Ces prescriptions semblent l'indice de la jalousie mutuelle des grandes familles, attentives à ne laisser aucune d'elles l'emporter sur les autres. Une autre règle digne d'attention était que plusieurs de ces peuples, les Eduens par exemple, séparaient nettement la magistrature suprême du commandement de l’armée[33]. Enfin, César rapporte ailleurs une particularité qui nous paraît significative. Ceux des Etats qui savent le mieux se gouverner ont établi dans leurs lois que, si un homme a appris des étrangers quelque chose qui intéresse le bien public, il doit le faire savoir au magistrat, mais n'en donner connaissance à aucune autre personne. Les magistrats cachent les faits ou les exposent au public suivant ce qu'ils jugent utile. Il n'est permis de parler des affaires publiques qu'en conseil[34]. La lecture du livre de César montre assez que ces règles si précises et si bien conçues n'étaient guère observées. Mais nous devions les citer pour montrer que les Gaulois, même en matière de gouvernement, n'étaient plus une société primitive. Ils connaissaient les impôts publics. César ne les définit pas. Il laisse voir seulement qu'ils étaient de deux sortes. Il y avait des impôts directs ; il les appelle tributa, et donne à penser qu'ils étaient déjà excessifs[35] ; tous les hommes libres y étaient soumis, à l'exception des druides[36], Il y avait en même temps des impôts indirects ; César les appelle portoria et vectigalia[37], et il n'est pas douteux qu'il n'entende par ces mots des droits de douane ou des droits sur les transports. Ces impôts étaient affermés à des particuliers qui, moyennant une somme convenue qu'ils payaient à l'Etat, les percevaient à leur profit et s'enrichissaient[38]. Le système des fermes, qui a duré à travers tous les régimes jusqu'en 1789, était déjà pratiqué chez les Gaulois. Le service militaire était dû à l'Etat par tous les hommes libres. Suivant César, les druides seuls en étaient exempts[39]. Le jour où le magistrat suprême ordonnait la levée en masse, c'est-à-dire la réunion générale en armes[40], tous les hommes en âge de combattre devaient se rendre au lieu indiqué. Le dernier arrivé était ou pouvait être mis à mort[41]. L'État exerçait-il un droit de justice sur ses membres ? On en a douté. D'une part, on ne peut nier que l'Etat n'eût le droit de punir les crimes commis contre lui-même. Ainsi, Orgétorix ayant voulu changer la constitution pour se faire roi, nous voyons l'État helvète se constituer en tribunal et se préparer à frapper de mort, par le supplice du feu, l'accusé[42]. De même, un chef des Trévires prononce une sentence de confiscation contre un personnage qui s'est allié aux Romains[43]. Mais dans ces deux cas il s'agit visiblement de crimes contre l'Etat : l'Etat poursuit et condamne. Le point difficile est de savoir si, dans les crimes qui n'atteignaient que des particuliers, ou dans les procès civils que ceux-ci avaient entre eux, l'Etat se présentait comme juge, ainsi que cela a lieu dans les sociétés modernes. Ce problème est difficile à résoudre. César dit, en effet, dans le passage où il parle des druides, qu'ils jugeaient les procès et même les crimes entre particuliers[44]. On a conclu de là qu'il n'existait pas d'autres tribunaux que ceux des druides. Mais si l'on examine de près le passage de César, on y remarque deux choses. En premier lieu César écrit le mot presque, fere, qui n'est pas à négliger : Ils jugent, dit-il, presque tous les débats. En second lieu, il ne dit pas que cette juridiction des druides fût obligatoire, et la manière dont il s'exprime fait plutôt penser que c'était volontairement que la plupart des hommes se présentaient devant eux[45]. Un détail qui n'a pas été assez remarqué est que les druides n'avaient pas le droit de coercition, et ne citaient pas à comparaître devant eux ; c'étaient les justiciables qui d'eux-mêmes allaient à eux[46]. César remarque même, comme une preuve du grand respect des hommes, que tous obéissaient à leurs jugements[47]. Ce n'est pas ainsi qu'on a l'habitude de parler d'une juridiction obligatoire. Ajoutons enfin que, si quelqu'un refusait de se soumettre à leur sentence, ils n'avaient pas le droit de le saisir et de lui imposer la peine, et ne pouvaient que lui interdire les actes religieux[48]. Il y a d'ailleurs dans le même chapitre de César un mot
auquel il faut faire attention : Si un homme, après
s'être présenté à leur tribunal, refuse de s'en tenir à leur arrêt, ils le
frappent de l'interdit ; et dès lors, si cet homme demande justice, justice
lui est refusée[49]. Ces derniers
mots ont une grande importance ; ils ne signifient certainement pas que
l'homme se présente devant les druides, puisqu'il vient de repousser leur arrêt
; c'est visiblement à un autre tribunal qu'il s'adresse cette fois ; mais la puissance de l'interdit religieux, dit César, est si grande, que cette justice même lui est fermée[50]. César fait donc
au moins allusion à un autre tribunal que celui des druides ; il y faisait
déjà allusion par le mot : Ils jugent presque tous
les procès. C'est donc aller trop loin que d'affirmer, comme on a fait[51], qu'il n'existait chez les Gaulois aucune justice publique pour vider les procès et punir les crimes. Il faut se borner à dire que la nature de ces tribunaux et leur procédure nous sont inconnues, César n'ayant jamais eu l'occasion d'en parler. Ce qu'on peut ajouter, c'est que les hommes préféraient ordinairement la juridiction des druides à celle de l'État. Apparemment, la justice publique était mal organisée ; durement ou partialement rendue, elle laissait opprimer le faible par le fort, le plébéien par le puissant[52]. Elle inspirait peu de confiance. Cela expliquerait à la fois la grande puissance des druides et le développement des institutions de patronage et de clientèle que nous verrons plus loin. |
[1] Sur ce sens de civitas, les exemples sont nombreux dans César lui-même. V, 54 : Senones, quæ est civitas magnæ auctoritatis. — V, 3 : Treveri, hæc civitas equilatu valet. — VII, 4 : Celtibus ab civitate erat interfectus. — I, 4 : Cum civitas armis jus suum exsequi conaretur. — I, 19 : Injussu civitatis. — V, 27 : Non voluntate sua, sed coactu civitatis. — VI, 3 : Parisii confines erant Senonibus civitatem que patrum memoria conjunxerant. — V, 53 : Omnes civitates de bello consultabant. — VI, 120 : Quæ civitates commodius suam rem publicam administrare existimantur, habent legibus sanctum si... — VII, 13 : Avarico recepto, civitatem Biturigum se in potestatem redacturum confidebat. — IV, 12 : In civitate sua reggum obtinuerat. — La différence entre urbs et civitas est bien marquée ici : Avaricum urbem quæ præsidio et ornamento sil civitati (Biturigum), VII, 15.
[2] Il est impossible de donner avec certitude le nombre des peuples avant César. César ne s'attache pas à en donner une liste complète. Ce nombre même pouvait varier suivant que tel petit peuple était considéré comme indépendant ou comme subordonné. On compte ordinairement 50 peuples dans la partie de la Gaule qui avait été conquise entre les années 125 et 121 et qui formait la Provincia. Dans la Gaule restée indépendante, comprenant l'Aquitaine, la Celtique et la Belgique, on peut compter 60 peuples ou civitates, dont voici les noms. [Nous écartons, bien entendu, toutes les questions relatives à leur orthographe, pour lesquelles nous renvoyons au ; monographies spéciales ; nous ne prétendons pas non plus arrêter une nomenclature définitive.] 1° En Aquitaine, Convenæ, Bigerrionenses, Benarnenses, Ituronenses, Tarbelli, Aturenses, Elusates, Ausci, Lactoralenses, Bituriges Vivisci, Vasates, Nitiobroges, Cadurci, Ruteni, Gabali, Helvii, Vellavi, Arverni, Lemovices, Petrocorii, Santones, Pictones, Bituriges Cubi ; 2° dans la Celtique : Turones, Andecavi, Namnetes, Veneti, Osismi, Cariosolitæ, Redones, Ambivariti ou Abrincatui, Uxelli, Viducasses, Lexovii, Aulerci Eburovices, Aulerci Cenumani, Aulerci Diablintes, Carnutes, Parisii, Senones, Ædui, Lingones, Sequani, Segusiavi, Helvetii ; 3° dans la Belgique : Caletes, Veliocasses, Ambiani, Bellovaci, Atrebates, Morini, Menapii, Nervii, Viromandui, Suessiones, Remi, Eburones, Treveri, Leuci, Mediomatrici. — Nous ne plaçons pas dans cette liste quelques peuples subordonnés, comme les Meldi, qui se rattachaient aux Parisii, les Mandubii, que quelques-uns rattachent aux Ædui.
[3] César, II, 4. On voit dans ce passage que les Suessions promettaient de fournir 50.000 soldats, les Nerviens pareil nombre, les Ambiens 10.000, les Morins 25.000, les Aduatuques 19.000.
[4] César, II, 4 : Hos posse conficere armata millia centum, pallicitos ex eo numero electa sexaginta. — Ailleurs, VII, 75, César fournit d'autres chiffres ; mais il faut faire attention que ce sont les chiffres d'une seconde levée ; les Eduens donnent encore 55.000 hommes, les Arvernes un même nombre, les Bituriges 12.000.
[5] César, I, 12 : Pagus Tigurinus pars civitatis Helvetiæ. Omnis civitas Helvetia in quattuor pagos divisa est. — IV, 22 : Pagi Morinorum. — VI, 11 : In omnibus civitatibus atque in omnibus pagis partibusque. — VII, 64 : Pagos Arvernorum.
[6] César, VII, 15 : Avaricum pulcherrimam urbem. — Quelquefois César désigne cette capitale par le mot oppidum ; Bibracte, Gergovie, sont appelées par lui oppida (I, 25 ; VII, 4 et 54).
[7] César, VII, 15 : Viginti urbes Bituriqum. — VII, 23 : Ad defensionem urbium.
[8] César, I, 11 : Oppida Æduorum expugnari. — I, 28 : Oppida Helvetiorum. — II, 4 : Suessionum oppida duodecim. — II, 29 : Cunctis oppidis Aduatucorum. — II, 6 : Oppidum Remorum, nomine Bibrax. — III, 12 : Oppida Venetorum. — VI, 4 : Jubet in oppida multitudinem convenire. — III, 14 : Compluribus expugnatis oppidis. — M. Glasson (page 95) représente ces oppida comme de simples enceintes fortifiées, lieux de refuge en temps de guerre, inhabitées en temps de paix. César ne représente pas de cette façon les oppida gaulois. Dans son récit un oppidum est un lieu d'habitation, souvent une petite ville, quelquefois même une grande ville. Exemples : Vesuntio, oppidum maximum Sequanorum (I, 58) ; Noviodunum, oppidum Æduorum ad ripas Ligeris (VII, 55) ; Lutetia, oppidum Parisiorum (VII, 57) ; Bibracte, quod est oppidum apud Æduos maximæ auctoritatis (VII, 55) ; Alesia, oppidum Mandubiorum (VII, 68) ; Vellaunodunum, oppidum Senonum (VII, 11). — Remarquez que César appelle Gergovie à la fois oppidum et urbs (comparer VII, 4 et VII, 56) ; de même Alesia est qualifiée oppidum et urbs dans le même chapitre (VII, 68) ; Avaricum, qui est un oppidum (VII, 15), est en même temps une urbs pulcherrima (VII, 15). — Dans les oppida vivait une population de marchands ; ainsi l’oppidum Genabum (VIII, 5) était un centre commercial (VII, 3) ; dans l’oppidum Cabillonum il y avait des hommes qui habitaient negotiandi causa (VII, 42) ; il y en avait dans beaucoup d'autres, mercatures in oppidis vulgus circumsistit (IV, 5). César mentionne plusieurs fois une population urbaine qu'il appelle oppidani (II, 33 ; VII, 15 ; VII, 58 ; VIII, 27 ; VIII, 32).
[9] Sur les murailles et les fossés de ces oppida, voir César, II, 12 ; II, 52 ; [et surtout] VII, 25. — César mentionne plusieurs fois des castella : Cunctis oppidis castellisque (II, 29) ; castellis compluribus (III, 1). Il appelle Aduatuca un castellum (VI, 52).
[10] Les vici sont plusieurs fois mentionnés par César : I, 5 ; I, 11 ; I, 28 ; VI, 43 ; VII, 17 ; VIII, 5. — Il ne les décrit pas. C'étaient visiblement des agglomérations de paysans ; VII, 17 : Pecore ex vicis adacto. Le vicus Octodurus était visiblement un très gros bourg, puisqu'il put y loger huit cohortes (III, 1).
[11] César appelle ædificia les habitations rurales : Vici atque ædificia (III, 29 ; VI, 6 ; VI, 43 ; VII, 14) ; c'étaient des constructions légères, dont César ne parle guère que pour dire qu'il y faut mettre le feu. Quelquefois pourtant l’ædificium était la vaste demeure d'un chef : Ambiorix, ædificio circumdato silva, ut sunt fere domicilia Gallorum qui vitandi æstus causa plerumque silvarum atque fluminum petunt propinquitates (VI, 30).
[12] César, I, 1 : Hi omnes... institutis... inter se differunt.
[13] César, II, 4 ; IV, 21.
[14] César, V, 24 : Eburones, qui sub imperio Ambiorigis et Catuvolci erant. — V, 38 : Ambiorix in Aduatucos qui erant ejus regno finitumi proficiscitur. — VI, 51 : Catuvolcus, rex dimidiæ partis Eburonum.
[15] César, V, 25 ; V, 54 ; VII, 31.
[16] César, V, 27 : Ambiorix (dixit).... non voluntate sua fecisse, sed conclu civitatis, suaque esse ejusmodi imperia ut non minus haberet juris in se multitudo quam ipse in multitudinem.
[17] Ainsi, après la mort d'Indutiomare, Cingetorigi principatus atque imperium est traditum (VI, 8).
[18] César, VII, 4 : Vercingetorix... prohibetur a principibus... expellitur ex oppido Gergovia... Coacta manu egentium ac perditorum... rex ab suis appellatur.
[19] Strabon, IV, 4, 3 : Ἀριστοκρατικαὶ ἦσαν αἱ πλείους τῶν πολιτειῶν.
[20] César, VII, 55 : Magnam partem senatus (chez les Éduens). — I, 51 : Omnem nobilitatem, omnem senatum, omnem equitatum amisisse (même peuple). — II, 5 : Omnem senatum ad se convenire jussit, principumque liberos ad se adduci (chez les Rèmes). — Il signale ailleurs un sénat chez les Sénons, V, 54 ; chez les Vénètes, III, 16 ; chez les Éburovices et les Lexovii, III, 17 ; chez les Nerviens, II, 28 ; chez les Bellovaques, VIII, 21.
[21] Quelques mots donnent à penser qu'en général il identifie le sénat avec la nobilitas. Par exemple, I, 31, lorsqu'il dit omnem nobilitotem, omnem senatum Æduos amisisse, il parait employer les deux termes comme à peu près synonymes.
[22] César, VI, 20 : Ad magistratum. — VII, 55 : Convictolitavim magistratum.
[23] César, VII, 52 : Cum singuli magistratus antiquitus creari consuessent. — I, 16 : Liscus, qui summo magistratui præerat.
[24] César, I, 16 : Magistratui... quem vergobretum appellant Ædui, qui creatur annuus et vitæ necisque in suos habet potestatem. — VII, 52 : Cum singuli magistratus regiam potestatem annuam oblinere consuessent. — Mais notons toujours que ce que César dit des Éduens n'était peut-être pas vrai des autres peuples, ni surtout de tous.
[25] Cela résulte des mots qui summo magistratui præerat, I, 16, et aussi du pluriel intermissis magistratibus, VII, 33.
[26] César, VI, 14 : In publicis rationibus, græcis litteris utuntur. — Dans ce passage l'écrivain latin note que les druides ne se servent pas de l'écriture, mais il ajoute aussitôt que les Gaulois savent écrire. — Ils se servaient aussi de l'écriture pour les actes privés, in privatis rationibus (ibidem). Strabon ajoute que les Gaulois connaissaient l'usage des contrats écrits, IV, 1, 5, édit. Didot, p. 150 : ὥστε τὰ συμβόλαια ἑλληνιστὶ γράφειν. Mais par le mot ἑλληνιστὶ Strabon entend-il dire qu'ils écrivaient en langue grecque ou avec l'alphabet grec ?
[27] César, I, 29 : In castris Helvetioriim tabulæ repertæ sunt litteris græcis confectæ, quibus in tabulis nominatim ratio confecta erat qui numerus domo exisset eorum, qui arma ferre passent, et item separatim pueri, senes mulieresque.
[28] Et César le donne à entendre dans ce passage : Civitates... habent legibus sanctum, si quis... (VI, 20). Le mot leges désigne d'ordinaire un texte écrit. — Il emploie le même terme encore ailleurs, VII, 55, en parlant de la constitution des Éduens ; VII, 76, en parlant de celle des Atrébates ; II, 5, en parlant de celle des Suessions.
[29] César, VII, 55. Il note comme une violation des lois que Cotus ait été élu alio loco, alio tempore atque oportuerit.
[30] César, VII, 55 : Qui per sacerdotes more civitatis esset creatus. Notons toutefois que ce passage prête à une double interprétation, suivant la manière dont on comprend les deux mots intermissis magistratibus. Il se pourrait qu'il s'agît ici d'une élection faite sous la direction des prêtres à défaut des magistrats.
[31] Cela ressort des mots : Fratrem a fratre renuntiatum (César, VII, 55). En effet, Cotus était le frère de Valetiacus, vergobret de l'année précédente (VII, 52).
[32] César, VII, 53 : Cum leges duo ex una familia, vivo utroque, non solum magistratus creari vetarent, sed etiam in senatu esse prohiberent.
[33] Cette règle nous paraît résulter de ce que dit César, VII, 35 : Quod, legibus Æduorum, iis qui summum magistratum obtinerent, excedere ex finibus non liceret. Aussi remarquons-nous un peu plus loin, au chapitre 37, que, Convictolitavis étant vergobret, ce n'est pas lui qui commande l'armée : Litavicus exercitui præficitur. — Strabon, IV, 4, 5, confirme ce que dit César : ἕνα ἡγεμόνα ἡροῦντο κατ' ἐνιαυτὸν, ὡς δ' αὕτως εἰς πόλεμον εἷς ἀπεδείκνυτο στρατηγός. Il ajoute ce détail, que le chef militaire était élu ὑπὸ τοῦ πλήθους.
[34] César, VI, 20 : Quæ civitates commodius suam rempublicam administrare existimantur, habent legibus sanctum, si quis quid de republica a finitimis acceperit, uti ad magistratum deferat, neve cum quo alio communicet... Magistratus quæ visa sunt occultant, quæque esse ex usu judicuverunt multitudini produnt. De republica nisi per concilium loqui non conceditur.
[35] César, VI, 15 : Plerique magnitudine tributorum premuntur.
[36] César, VI, 14 : Druides... neque tributa una cum reliquis pendunt. — M. Glasson, p. 105, pense que les nobles aussi étaient exempts ; mais aucun texte ne le dit. De ce que César parle du poids des impôts sur la plebs (VI, 13), il ne suit pas que les nobles n'en payassent pas.
[37] César, I, 18 : Portoria reliquaque Æduorum vectigalia. — Portoria se dit le plus souvent des péages au passage des rivières, aux ponts, ou sur les routes. Vectigalia pourrait avoir un sens plus étendu et s'appliquer, par exemple, aux revenus de terres publiques ou de terres des peuples sujets, ou à des impôts payés par ces peuples. — Un autre passage de César, relatif aux Vénètes, III, 8, permet de croire qu'il y avait des douanes à l'entrée des ports.
[38] César, I, 18 : Dumnorigem, complures annos, portoria reliquaque omnia Æduorum vectigalia parvo prelio redempta habere. — Redimere est en latin l'expression consacrée pour indiquer la prise en ferme d'un impôt ou d'un revenu public (Cicéron, Brutus, 22 ; Digeste, XIX, 2, 29 ; L, 5, 8, § 1).
[39] César, VI, 14 : Druides a bello abesse consuerunt... mililiæ vacationem habent. Le devoir de guerre pesait surtout sur les chevaliers ; VI, 15 : Omnes in bello versatuir. La plèbe y était visiblement sujette, mais peut-être n'était-ce que dans les cas de concilium armatum dont nous allons parler dans les deux notes qui suivent.
[40] César, V, 56 : Indutiomarus... armatum concilium indicit ; hoc, more Gallorum, est initium belli ; quo, lege communi, omnes puberes armati convenire consuerunt.
[41] César, V, 56 : Qui ex iis novissimus convenit, in conspectu multitudinis omnibus cruciatibus affectus necatur. — Rien n'indique que ces concilia armata fussent des assemblées délibérantes ; concilium ici n'a pas d'autre sens que celui de réunion. Quand Strabon décrit certaines assemblées où il était défendu d'interrompre l'orateur sous peine d'avoir l'habit coupé en deux par le glaive de l'appariteur public, il ne parle pas de ces réunions militaires, mais des συνέδρια (Strabon, IV, 4, 3).
[42] César, I, 4 : Orgetorigem ex vinctis causam dicere coegerunt. Damnatum pœnam sequi oportebat, ut igni cremaretur. Die constituta, Orgetorix ad judicium.... — On se trompe quand on se figure ici un tribunal populaire ; de ce que l'auteur dit Helvetii, et plus loin civitas, il ne suit pas que le judicium soit composé de tout le peuple helvète. La preuve qu'il n'en était pas ainsi, c'est qu'il suffit qu'Orgétorix se présentât avec sa familia pour que le tribunal le laissât échapper, ce qui n'eût pas été possible si ce tribunal avait été le peuple entier. Puis nous voyons l'Etat helvète, par ses magistratus, convoquer à la hâte une grande multitude qu'il faut aller chercher dans la campagne, ex agris.
[43] César, V, 56 : Cingetorigem, Cæsaris secutum fidem, hostem judicat, bonaque ejus publicat.
[44] César, VI, 13 : Druides magno sunt apud eos honore. Nam fere de omnibus controversiis publicis privatisque constituunt ; et si quod est admissum facinus, si cædes facta est, si de hereditate, si de finibus controversia est, iidem decernunt ; præmia pœnasque constituunt. — Strabon répète ce qu'a dit César (IV, 4, 3).
[45] Il faut en effet tenir compte de la phrase qui précède : Magno hi sunt apud eos honore. C'est après avoir signalé ce grand respect des Gaulois pour les druides que César énonce que les druides jugent presque tous les procès des Gaulois, — Cette association d'idées est encore plus visible chez Strabon : Les druides sont réputés très justes, et à cause de cela la confiance des hommes leur porte les procès, δικαιότατοι δὲ νομίζονται καὶ διὰ τοῦτο πιστεύονται τάς τε ἰδιωτικὰς κρίσεις καὶ τὰς κοινάς. Pour la même raison, on leur confiait aussi le jugement des poursuites en matière de meurtre, τὰς φονικὰς δίκας τούτοις ἐπετέτραπτο δικάζειν (Strabon, IV, 4, § 4).
[46] César, VI, 13 : Druides considunt in loco consecrato. Huc omnes undique qui controversias habent conveniunt.
[47] César, VI, 13 : Eorumque judiciis parent.
[48] César, VI, 13 : Sacrificiis interdicunt. M. Glasson pense qu'ils avaient le droit de prononcer une peine : le bannissement, la mutilation, la mort (Glasson, p. 126) ; l'auteur cite à l'appui César, V, 55, 54 et 56 ; mais, si l'on se reporte aux textes cités, on voit qu'il s'agit de jugements prononcés par des magistrats ou par les États, et non pas par les druides. Quant aux supplices des hommes in furto aut latrocinio comprehensi, dont parle César, VI, 16, on voit bien que, ces criminels étant voués aux dieux, il appartenait aux druides de procéder à leur exécution ; mais on ne voit pas si c'étaient eux qui avaient prononcé la peine.
[49] César, VI, 13 : Quibus est interdictum, his omnes decedunt, aditum efugiunt, neque his petentibus jus redditur neque honos ullus communicatur.
[50] La suite des idées de César dans la phrase est visiblement que nul ne veut avoir de contact avec un tel homme et que c'est pour cela que tout tribunal se ferme devant lui, comme les maisons privées, comme les comices même.
[51] D'Arbois de Jubainville, Des attributions judiciaires de l'autorité publique chez les Celtes, dans la Revue celtique, t. VII, tirage à part, pages 2-5.
[52] César, VI, 13 : Injuria potentiorum premuntur,