L'ANCIENNE FRANCE - LE ROI

 

CHAPITRE X. — LIBERTÉS ET FRANCHISES.

 

 

I. Le pouvoir absolu du roi était, dans l'ancienne France, le fondement de la liberté. — II. Indépendance des seigneuries. — III. Indépendance des communautés d'habitants. — IV. Le pouvoir du roi était fait d'une autorité morale. — V. Hiérarchies sociales. — VI. Franchises provinciales. — VII. Indépendance de la magistrature. — VIII. Organisation militaire. — IX. Finances. — X. Instruction publique. — XI. Administration. — XII. Franchises des détenus dans les prisons du roi. — XIII. Comparaison avec le régime moderne. — XIV. Et les lettres de cachet ?

 

L'un des hommes qui ont le mieux compris l'ancienne France, un esprit d'une singulière indépendance, le marquis D'Argenson, place en épigraphe, à la première page de ses Considérations[1], ces deux vers :

Que dans le cours d'un règne florissant

Rome soit toujours libre et César tout puissant.

Il ajoute : La liberté est l'appui du trône.

 

I

Ces pensées du marquis D'Argenson seraient pour nous étonner. car nous avons presque tout oublié de ce qui faisait, la vie de nos pères. Parmi eux l'autorité souveraine était absolue, et c'était précisément parce qu'elle était absolue — et incontestée — que, sous leurs yeux, fleurissait la liberté. Sénac de Meilhan ne formule pas un paradoxe quand il écrit : La nation devait à ses souverains la liberté dont elle jouissait[2].

Parmi les étrangers, les observateurs les plus clairvoyants ne s'y trompent pas ; lisez Machiavel, Canossa, Dallington. Le premier définit la France un État libre ; lui et Canossa signalent en son gouvernement la puissance sans tyrannie, l'unité de direction jointe à la diversité des conseils et, sous l'absolutisme des formules, la permanence des libertés[3]. Dallington va jusqu'à définir la France, sous le gouvernement de ses princes, une vivante démocratie[4].

L'ordre, dit encore D'Argenson, rend légitime la liberté[5]. Or, pour maintenir dans l'ensemble du royaume cet ordre qui permettait la liberté, il n'y avait que l'autorité du roi. Bien plus ! l'autorité absolue du monarque constituait en France l'ordre même. L'ordre public tout entier émane de moi, dit très justement Louis XV en son lit de justice du 3 mars 1766[6]. Nous avons vu que cette autorité représentait en France la justice. La liberté, observe le comte de Ségur[7], n'est au fond que la justice. Parole profonde et d'une admirable vérité. Ordre, liberté, autorité souveraine et justice découlaient ainsi d'une source commune et pour se confondre à nouveau dans leur cours. Car nous pouvons admettre un instant que cette autorité du roi ait été restreinte : du jour au lendemain la France serait tombée dans l'anarchie. Au fait, n'est-ce pas ce qui adviendra, sur la fin du XVIIIe siècle, quand cette hypothèse se réalisera ?

 

II

Sous le couvert du pouvoir absolu, chaque seigneur dans son fief exerçait indépendamment son autorité, rendait la justice, percevait les impôts, levait des soldats. Chascuns barons, écrivait au XIIIe siècle Beaumanoir, est souverains en sa baronie[8] ; confirmant ces paroles des Établissements de saint Louis : Li bers si a justice en sa terre ; ne li rois ne peut mettre ban en la terre au baron, sans son assentiment, ne li bers ne peut mettre ban en la terre au vavasseur[9]. Au XIIIe siècle, conclut M. Dognon, le royaume est une collectivité de seigneuries sous les mains de particuliers qui échappent à l'action des rois[10].

Voilà pour le moyen âge ; mais après la Renaissance Montaigne voit encore dans les seigneurs, qui hérissaient le pays de leurs tourelles à poivrière, de vrais souverains : Le train, les sujets, les officiers, les occupations, le service et les cérémonies d'un seigneur nourri entre ses valets, il n'est rien de plus royal.... Il ouït parler de son maitre — le roi — une fois l'an. Montaigne ajoute : A la vérité nos lois sont libres assez et le poids de la souveraineté touche un gentilhomme français à peine deux fois en sa vie, car qui sait conduire sa maison sans querelle et sans procès, il est aussi libre que le duc de Venise.

 

III

N'est-ce pas ce qui frappe la vue en premier lieu, quand on regarde le passé de notre France : les innombrables libertés locales qui y grouillent, actives, variées, enchevêtrées et souvent confuses, en un vivace et remuant fouillis ?

Selon le mot de Montesquieu chaque partie de l'État était un centre de puissance[11]. Tout village de France, disait Richelieu, est une capitale. Le Parlement de Provence déclarait : Chaque communauté parmi nous est une famille qui se gouverne elle-même, qui s'impose des lois, qui veille à ses intérêts[12]. Les Parlements de toutes les provinces auraient pu tenir un langage pareil. Il n'est paroisse qui ne forme un groupe autonome[13].

Dès le XVe siècle ce régime est général et partout très avancé. Nous le trouvons dans de petites localités, comme dans des bourgs considérables. Tous ces groupes ont leurs consuls, procureurs ou syndics, leurs assemblées, leur propriété commune, et telle est la force de ces usages qu'en Provence les habitants établis sur des terres incultes reçoivent aussitôt une organisation semblable[14].

Les villageois partagent avec le seigneur l'exercice de la justice ; le roi ne songe pas à intervenir. L'administration communale est entre les mains des consuls ou des syndics librement élus. Lors même — et le cas est fréquent — que ces communautés n'ont pas d'administration échevinale, elles ont leurs assemblées, elles peuvent s'imposer, elles nomment des asséeurs et des collecteurs qui répartissent et lèvent la taille, des marguilliers pour gérer les biens de l'église, des procureurs pour défendre leurs intérêts[15]. De ces communautés, on peut répéter cc que Montaigne disait des gentilhommières : A peine la souveraineté les touche-t-elle.

Les assemblées de villages, où les gens des campagnes délibéraient de leurs affaires, soit sur la place commune, soit dans l'église, ont été souvent étudiées. Chaque chef de famille y avait une voix et les veuves y étaient à ce titre admises en maint endroit. C'est là, écrit Émile Cheysson[16], c'est sur cette place, sous cet orme, que les pères se réunissaient et délibéraient sur leurs fors. C'était la personnalité vivante de la commune. Aujourd'hui ces villages sont absorbés par la centralisation et ressentent tous, au même moment, la même impulsion bureaucratique. Ils ont perdu toute vie propre et tout relief. L'on a peine aujourd'hui à se retracer les luttes, les émotions publiques et la grandeur passée de ces petits États.

Comme l'ont fait observer MM. Esmein et Paul Viollet, ces communautés d'habitants tiraient leur vie de la vie même de l'ancienne France et, jusqu'au cœur du XVIIIe siècle, elles sont restées pour le pays un trait essentiel de sa constitution[17].

 

IV

Entre bien d'autres, un trait rapporté par M. Imbart de la Tour montre la force du sentiment d'indépendance que la franchise de la vie locale avait développé. Vers l'année 1495, le Languedoc et la Provence ne s'entendaient pas sur la délimitation de leurs frontières ; ce qui amena le sénéchal de Provence dans les îles du Rhône pour y placer les armes comtales au point de démarcation qu'il avait déterminé ; mais voici qu'il y trouve, à un poteau, l'écu aux fleurs de lis. Devant les armes du roi, le sénéchal de Provence se découvre, se prosterne, puis il les fait décrocher et transporter à la sacristie de Sainte-Marthe pour y être conservées comme des reliques.

Trait suggestif qui caractérise les sentiments des Français vis-à-vis du souverain et la nature de l'autorité que celui-ci exerçait sur eux[18].

J.-J. Rousseau ne peut s'empêcher de le constater : Sans soldats, sans menaces, le roi est obéi[19].

Aussi Louis XIV et, après lui, Louis XV et Louis XVI ont-ils pu déclarer en maintes circonstances que leurs peuples étaient les plus libres de l'Europe. Cette liberté était telle que, de nos jours, le plus libéral de nos ministres de l'Intérieur la qualifierait d'anarchie.

Le pays de France était hérissé de libertés. Par elles, sous la souveraineté du roi, il se gouvernait. Elles plongeaient dans le passé le plus éloigné des racines profondes, à l'instar de l'autorité royale qui leur servait de lien et formait l'unité de la nation.

 

V

Libertés renforcées par ce que les historiens modernes ont appelé les hiérarchies sociales[20] ; au reste, dès le XVIIIe siècle, Montesquieu et Saint-Just lui-même n'ont-ils pas été conduits à la même constatation[21] ?

L'autorité royale trouvait à la fois un appui et .des bornes dans la hiérarchie des classes armées de leurs privilèges[22]. Les ordres privilégiés, dit Ségur, et toutes les classes de la société offraient une résistance plus efficace que des lois au joug de l'arbitraire[23].

Ce rôle joué par les aristocraties dans le maintien des libertés publiques, les politiques les plus clairvoyants, comme Gouverneur Morris sous la Révolution, après lui Tocqueville, l'ont bien défini. Le 3 juillet 1789 l'ambassadeur américain dînait avec La Fayette : Nous avons avec lui une conversation politique, écrit-il, dans laquelle je l'adjure de conserver si possible quelque autorité constitutionnelle au corps de la noblesse, comme le seul moyen de conserver quelque liberté au peuple[24].

 

VI

Hiérarchies sociales encore raffermies par l'indépendance des provinces où elles s'étaient constituées.

A peine est-il besoin de rappeler quelle était au moyen âge l'indépendance des fiefs grands et petits vis-à-vis du roi de Saint-Denis. Arrivons aux temps modernes.

Après le traité d'Arras, en février 1435, aux États généraux de langue d'oïl, tenus à Poitiers, Charles VII, d'accord avec les États, décide le rétablissement des aides ; il s'agit de pourvoir à la solde des gens d'armes. Les aides sont donc accordées par les États généraux, pour une durée de quatre ans ; mais les États provinciaux s'y opposent et la mesure ne peut être mise en exécution[25].

En 1518, François Ier imagine d'introduire la gabelle en Bretagne, ce qui déchaîne un soulèvement devant lequel les représentants du roi doivent battre en retraite ; même aventure en 1548, dont Henri II fait les frais : il est contraint de renoncer à établir la gabelle en Saintonge[26].

Quand Henri IV entreprit le desséchement des marais, le pays refusa ses capitaux et les populations entravèrent les travaux[27]. Sully se heurta aux mêmes obstacles pour l'achèvement du canal de Languedoc : dans la suite Louis XIV et Colbert en furent réduits à s'adresser au crédit personnel de Richet.

En 1621, Louis XIII et Richelieu projetèrent d'établir quelques droits sur les marchandises à la frontière d'Espagne : protestation du Languedoc devant laquelle roi et ministres doivent s'incliner. Par une déclaration donnée à Cognac en 1622, Louis XIII dut laisser au Languedoc le libre échange de ses marchandises avec l'Espagne, mais il établit des bureaux de douane entre le Languedoc et l'Auvergne : Le jour où mes sujets du Languedoc, dit le roi, voudront bien m'autoriser à placer des percepteurs sur la frontière espagnole, je retirerai ceux que je suis obligé de mettre à l'intérieur du royaume[28]. La Provence accepta des bureaux de traites sur la frontière étrangère, mais elle en voulut aussi sur la frontière française de manière à former économiquement un État à part[29]. Quant à la Bourgogne, au Dauphiné, à l'Aunis, à la Guyenne, à la Bretagne, au Maine, ces provinces se décidèrent, les unes pour des douanes vers l'étranger, les autres vers la France.

Au début de la guerre contre l'Angleterre, Richelieu crut devoir faire construire des galères dans le port de Saint-Malo ; mais ces messieurs de Saint-Malo firent valoir que l'entreprise en était contraire à leurs franchises. Il fallut au grand ministre beaucoup d'encre et d'éloquence pour décider ces bourgeois à s'incliner devant l'intérêt général, et il dut y joindre la promesse d'augmenter encore ces mêmes franchises dont il avait à se plaindre.

Marseille est une ville franche qui ne fait corps, ni avec le royaume, ni même avec la Provence ; Marseille est un État à part[30], ainsi que Bayonne et que Dunkerque[31].

On sait quel accueil les provinces firent aux projets de Colbert sur les fermes. Quelques-unes d'entre elles les acceptèrent et furent nommées de ce jour les provinces des cinq grosses fermes ; mais les autres les rejetèrent et furent dès lors réputées étrangères ; mieux encore : trois provinces étaient regardées comme formant l'étranger effectif[32].

Une refonte des monnaies est décrétée ; elle entraîne l'interdiction des pièces espagnoles ; mais le Parlement de Toulouse estime que ces pièces sont excellentes et la monnaie prohibée de continuer à circuler en Languedoc comme par le passé.

C'est ainsi que l'on vit la seconde moitié du XVIIIe siècle occupée par la fameuse querelle du râpage des tabacs. Le roi en avait attribué le monopole aux fermiers généraux ; mais, en violation ouverte de son édit, plusieurs Parlements, notamment celui de Rennes, faisaient brûler sur la place publique les boucauts des financiers[33].

Rois et ministres furent également impuissants, en présence des oppositions provinciales, et malgré des efforts sans cesse renouvelés, à supprimer les barrières économiques entre les différentes parties de leurs États, à décréter, par exemple, la libre circulation des grains. Chaque province prétend rester maîtresse de la traite — circulation des grains —. Parlements, conseils de ville, États provinciaux se trouvent d'accord pour s'opposer aux édits du roi qui voudraient décréter le libre transit. Devant cette résistance les édits demeuraient sans effet[34]. Égale impuissance à faire adopter l'unité des poids et mesures.

Le roi annonçait la réforme ; dans quelques provinces elle était favorablement accueillie ; mais dans d'autres elle était rejetée et le roi absolu devait renoncer à ses projets[35]. Ceux-ci furent repris par la Révolution qui, avec l'aide de la guillotine, les fit enfin prévaloir aux cris de Vive la liberté !

Les diverses provinces n'étaient pas unies ensemble : elles étaient juxtaposées. La France était une agrégation inconstituée de peuples désunis'[36]. En Provence, le roi n'était pas roi, il était comte de Provence ; en Dauphiné, il était Dauphin du Viennois ; en Bretagne, duc de Bretagne. Les Béarnais, comme le déclare le Parlement de Pau en 1788[37], habitaient un pays étranger à la France, quoique soumis au roi, un pays indépendant et souverain.

Dans chacune de ces provinces, les habitants avaient le droit d'être gouvernés par des hommes du pays, d'être jugés dans le pays et par des magistrats du pays. Il en allait de même en Artois, en Bourgogne, en Alsace, en Lorraine, en Languedoc. Ce n'étaient pas des provinces du royaume ; mais des provinces dans le royaume[38]. Parlant de ces régions, et de la Guyenne, M. Imbart de la Tour écrit : L'autonomie y était complète ; chacune d'elles, pour reprendre l'expression du même historien, formait une véritable enceinte des libertés publiques[39]. Le pays de Dombes constituait une principauté indépendante, ainsi que la principauté de Sedan et celle d'Orange, au moins jusqu'à 1714. Les princes-évêques de la maison de Lorraine se résignaient les uns aux autres la suzeraineté de Verdun. De place en place, et encore au XVIIe siècle, apparaissent des francs-alleus, comme la seigneurie d'Henrichemont et le fameux royaume d'Yvetot[40].

L'esprit d'indépendance locale était alors si fort, qu'on ne laissait pas de voir des rois qui, loin de le combattre, cherchèrent eux-mêmes à le développer.

Une coutume constante voulait que les biens possédés par le souverain au jour de son couronnement, fussent, du fait même, réunis au domaine ; mais Louis XII veut maintenir l'indépendance du comté de Blois, il y établit même une Chambre des comptes spéciale pour accentuer la séparation ; Henri IV veut en faire autant pour tout le domaine qu'il possédait avant son avènement, voire pour les terres et seigneuries, duchés, comtés et vicomtés, sis à l'intérieur du royaume. Le Parlement intervint, refusa d'enregistrer les lettres et le roi dût céder (juillet 1607)[41].

A Paris même, au milieu de la ville, subsista, jusqu'à la Révolution, un véritable État„ indépendant du Gouvernement, le fameux enclos du Temple, dont les habitants, au nombre de 11 000, avouaient la suzeraineté de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Cette villa nova Templi avait été fondée au XIIIe siècle par les Templiers ; elle usait de lois particulières. Là, les règlements des corporations et jurandes perdaient leur force ; les professions y étaient libres : ce qui donna naissance à la bijouterie d'imitation, dont les statuts des orfèvres parisiens interdisaient la fabrication, aux fameux bijoux du Temple ; là s'exerçait librement la médecine et se vendaient les produits pharmaceutiques prohibés par la Faculté ; le débiteur y trouvait abri contre ses créanciers[42]. Dans l'enclos du Temple il y avait une prison spéciale, car le Grand prieur exerçait haute, moyenne et basse justice, justice marquée par un pilori qui se dressa rue des Vieilles-Haudriettes jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Un criminel parvenait-il à se réfugier dans l'enclos, il fallait une véritable procédure d'extradition pour qu'il fût livré entre les mains du roi.

Songeons au reste que, sous Louis XIV encore, la justice se répartissait à Paris entre vingt-quatre seigneuries différentes. Jusqu'à la seconde moitié de son règne, jusqu'en 1674, l'autorité immédiate du grand roi ne s'étendit que sur la moindre partie de sa capitale[43].

Sans parler de quelques juridictions particulières dont les mœurs imposaient le respect : Les Savoyards de Paris, écrit Mercier[44], sont ramoneurs, commissionnaires et forment dans Paris une espèce de confédération qui a ses lois. Les plus âgés ont droit d'inspection sur les plus jeunes. Il y a des punitions contre ceux qui se dérangent. On les a vus faire justice d'un d'entre eux qui avait volé : ils lui firent son procès et le pendirent.

Aussi Voltaire, pour rendre la diversité, le pittoresque, la chaotique complication de ces autorités innombrables, dont l'inextricable enchevêtrement formait la constitution du royaume faite à mesure, au hasard, irrégulièrement, écrivait-il très heureusement[45] : Voyez à Paris le quartier des Halles, de Saint-Pierre-aux-Bœufs, la rue Brise-Miche, celle du Pet-au-Diable, contraster avec le Louvre et les Tuileries : voilà l'image de nos lois.

 

VII

Les grands services de l'État, la Justice, l'Armée, la perception des impôts, l'Instruction publique, échappaient au pouvoir central. Le gouvernement se trouvait endigué de toutes parts par des forces plus maîtresses de l'État que le roi lui-même[46].

Prenons l'administration de la justice depuis la fin du moyen âge. Dès le XVe siècle, on trouve les magistrats propriétaires de leurs charges. Avant Henri IV, le titulaire d'un office de judicature pouvait le résigner à l'un de ses parents, pourvu qu'il fit cette résignation clans les quarante jours précédant sa mort. Moyennant finance, Henri IV en accorda la transmission héréditaire. Sur un conseiller au Parlement le roi n'eut plus aucune action, à aucun moment de sa carrière. Les conséquences en sont précisées par Richelieu : Les charges — de judicature — sont ainsi rendues propres à certaines familles, desquelles on ne les saurait tirer[47].

Indépendante du pouvoir royal par sa constitution, la magistrature ne l'était pas moins par ses mœurs. Il était interdit à un magistrat d'exercer nulle charge à la Cour, d'en obtenir nul honneur ; aussi, quand Louis XIV voulut ériger en duché la terre de Villemort en faveur du Président Séguier, le Parlement lui renvoya-t-il les lettres d'érection : les faveurs du gouvernement ne pouvaient venir jusqu'à un magistrat.

Les seuls membres du Parlement qui fussent à la nomination du gouvernement étaient ceux qu'on appelait les gens du roi, le procureur et les avocats généraux. Encore, comme l'indique Beugnot, l'organisation indépendante de la magistrature était si forte que cette nomination même dépendait en fait des principales familles du Parlement, qui imposaient leurs choix à la Cour. Enfin, une fois nommés, ces magistrats debout, nous parlons des gens du roi, devenaient inamovibles, propriétaires de leurs charges, comme leurs collègues assis[48].

A la tête de la magistrature française. le chancelier interprète la volonté royale auprès des cours de justice. Sa dignité est la première du royaume. Le chancelier est vêtu de la pourpre royale, il peut mander chez lui les secrétaires d'État ; il a le pas sur les ducs et pairs ; il ne termine jamais ses lettres par le mot serviteur ; il ne rend aucune visite et ne prend jamais le deuil. Lui aussi, comme le procureur et comme les avocats généraux, est à la nomination du roi ; mais, pour assurer son indépendance, il a été établi qu'une fois nommé le chancelier serait inamovible. Afin qu'il fût soustrait à tonte influence personnelle du monarque. il lui était interdit de manger à la table du roi, d'être reçu dans son intimité, voire de paraître à la Cour si ce n'était dans l'exercice de ses fonctions et dans leur apparat.

Or les Parlements, forts de l'indépendance que nous venons de dire, prononçaient en dernier ressort sur toutes les sentences dont on interjetait appel auprès d'eux. Édits et ordonnances n'étaient exécutoires qu'après avoir été enregistrés par eux. Telle est la loy du royaume, écrit la Roche-Flavin[49], que nuls édicts, nulles ordonnances n'ont affect, on n'obéyt à iceux, ou plutôt on ne les tient pour édicts et ordonnances, s'ils ne sont vérifiés aux Cours souveraines et par libre délibération d'icelles. Enregistrement précédé d'un examen et d'une discussion approfondis : il arrivait aux Parlements d'accepter certaines parties de l'ordonnance, de rejeter les autres, ou de les modifier, et estiment telles modifications tenues pour loi, ou bien de l'accepter ou de la rejeter toute entière[50].

Magistrats, qui ne craignent pas de tenir en échec la volonté royale unie à celle des représentants de la nation. La grande ordonnance de 1629, le code Nichait, comme les Parlementaires l'appelèrent par dérision, fut rédigée par le chancelier Michel de Marillac — Michatz péjoratif de Michel — d'après les cahiers des États de 1614 et les avis des assemblées des notables qui les confirmèrent ; le roi la publia, mais les Parlements, au moment de l'enregistrement, la modifièrent ou la rejetèrent. Le code Michau n'entra jamais en activité[51].

Les Parlements, dira Louis XV[52], élèvent leur autorité à côté et même au-dessus de la nôtre, puisqu'ils réduisent notre pouvoir législatif à la simple faculté de leur proposer nos volontés, en se réservant d'en empêcher l'exécution.

Au reste les Parlements n'étaient ni liés, ni subordonnés les uns aux autres : celui de Paris accepte un édit que celui de Toulouse rejette et que celui de Rouen, tout en l'adoptant, modifie en son application ; ce qui produit les plus diverses conséquences dans leurs ressorts respectifs. La Roche-Flavin dit qu'il a vu repousser par le Parlement de Toulouse plus de quatre-vingts édits qui avaient été acceptés par celui de Paris, bien qu'il y eust jusques à six, voire sept jussions[53]. — Ayant le Parlement de Paris ordonné par arrest que les Jésuites vuideront la France... nous prohibasmes — à Toulouse — l'exécution dudit arrest... ce qui maintint les Jésuites en toute nostre province de Languedoc et partie de Guyenne de nostre ressort[54].

Le gouvernement devait transmettre aux Parlements les nominations faites par lui à la plupart des fonctions ; et l'on vit plus d'une fois ces assemblées en refuser l'enregistrement, c'est-à-dire briser les promotions du roi[55].

Bien plus, les traités conclus par le monarque avec les puissances étrangères leur devaient être soumis et il arriva que les Parlements les rejetèrent. Aucun édit ou proclamation, ni guerre, ni paix que le roi veut faire n'est valable, écrit Dallington[56], sans le consentement et arrêt du Parlement.

Cette résistance, que le pouvoir absolu trouvait dans l'organisation judiciaire, a fait l'admiration de Claude de Seyssel : Et véritablement, dit-il[57], cestuy frein et retenail est moult grant et louable.... Et a esté si longuement entretenu qu'à peine se pourroit plus rompre encore qu'il se puisse ployer.

Pour ployer ledit frein, les rois pouvaient avoir recours aux lits de justice, où ils avaient puissance d'obliger un Parlement à enregistrer un édit déterminé ; mais c'étaient là des cérémonies qui exigeaient un appareil solennel et compliqué ; on n'y pouvait avoir recours que rarement et l'on n'y eut recours que rarement en effet. D'autant que ce moyen de contrainte, pour encombrant qu'il fût, ne laissait pas que d'être souvent inefficace. Les magistrats, quand la voix leur était rendue, trouvaient de nouveaux moyens de résistance : ils déclaraient qu'ils ignoraient dans l'administration de la justice la loi enregistrée contre leur volonté, ou encore ils donnaient en masse leur démission, sûrs qu'elle ne serait pas acceptée dans ces conditions ; ou enfin, ils suspendaient l'administration de la justice[58].

D'autres fois, pour obtenir l'enregistrement, le roi avait recours à des lettres de jussion ; mais les cours répondaient en renouvelant leur refus d'approuver l'édit royal, le souverain envoyait de nouvelles lettres et les cours répétaient leur refus ; les mois passaient et les années ; le roi ne tardait pas à être absorbé par d'autres soucis ; enfin les magistrats avaient le dernier mot[59].

On sait comment sous Louis XIV, le Parlement fit retirer l'édit qui établissait en France le tribunal de l'Inquisition. Dans les matières mêmes qui nous auraient semblé du ressort exclusif de la Cour royale, il arrivait aux magistrats d'intervenir et de parler en maîtres. Sous Louis XIII, à plusieurs reprises, le Parlement de Paris refusa de laisser créer de nouveaux ducs et pairs, il s'agissait de Chevreuse, de Brissac et de Lesdiguières ; bien que la Cour déclarât désirer beaucoup obtenir cette création, surtout en faveur de Lesdiguières ; à leur refus, les magistrats ne donnaient d'autre raison que la peur de rendre cette dignité trop commune[60].

Et le Parlement croyait-il enfin devoir céder, enregistrer un édit qu'il n'approuvait pas, mention en était faite dans le registre, où il était dit, par manière de protestation, que l'ordonnance n'avait été transcrite que. par la volonté expresse du roi. Ce qui étoit une marque, dit Guy Coquille[61], que la Cour n'avoit pas trouvé l'édit raisonnable. En outre, chaque année étaient renouvelées des remontrances au monarque pour lui demander de révoquer son édit[62]. Quelle autorité celui-ci pouvait-il conserver ? d'autant que, par des arrêts de règlement, chaque Parlement en accommodait l'application de façon que, dans l'étendue de son ressort, l'édit était effectivement annulé[63].

Ce que le chancelier de l'Hospital rappelle à l'Échiquier de Rouen : Vous faites des ordonnances comme de cire, ainsi qu'il vous plaist. Il y a pis : vous vous dites estre par dessus les ordonnances et n'estre obligés par icelles, si ce n'est en tant qu'il vous plaist... Vous dites estre souverains[64].

Si l'on recherchait, note M. d'Avenel, la masse des ordonnances, déclarations et autres décisions royales, et que l'on vît ce que, en pratique, elles étaient devenues, on s'apercevrait que les Parlements les amendaient, abrogeaient et interprétaient à leur guise et sans que le pouvoir central intervînt[65].

Les cahiers rédigés en 1789 par le Tiers de Nemours présentent l'ensemble des faits en un heureux raccourci : Le roi proposait des lois, elles étaient rebutées par le Parlement. Il tenait un lit de justice : quelquefois cette cérémonie terminait l'affaire ; quelquefois aussi le Parlement protestait ; alors obéissait qui voulait. Quelques provinces se soumettaient, d'autres refusaient ; on les laissait faire. Personne n'a encore eu l'idée qu'il n'y eût qu'un État, qu'un roi, qu'une patrie et que c'est à leur intérêt que tout doit être subordonné, ou, si quelqu'un s'est hasardé à le montrer, il a passé aussitôt pour un rêveur, pour un philosophe[66].

Voilà le langage des hommes de la Révolution.

Quel est le gouvernement moderne qui supporterait, même atténuées, les remontrances que les Parlements et les diverses Cours souveraines, Chambres des comptes, Cours des aides, ainsi que les assemblées du clergé et tous les grands corps de l'État[67], avaient coutume d'adresser au roi, dans les circonstances les plus diverses, remontrances qui étaient imprimées, répandues à profusion : la réunion en forme aujourd'hui de longues suites de volumes[68] ; — pour les remontrances faites par les Cours des Parlements aux roys, concernant le bien public, tous les registres en sont pleins, observe la Roche-Flavin[69] ; — remontrances qui se renouvelaient à tout propos, en toute occasion, formulées avec éclat, avec apparat, et répétées ensuite en multiples échos ; remontrances incessantes, émanant de corps constitués qui avaient entre les mains toute l'administration judiciaire et financière du pays ?

 

VIII

Telles étaient les barrières mises à l'absolutisme royal par l'organisation de la justice ; voyons l'administration militaire.

Les officiers étaient maîtres de leurs charges qu'ils avaient achetées et qu'ils se transmettaient en famille. Un régiment, une compagnie était une propriété réelle entre les mains de celui qui en était colonel ou capitaine[70]. Les places d'officiers ou bas-officiers en étaient à sa nomination[71].

Les régiments se désignaient par les noms de leurs colonels qui les habillaient à leur gré et leur faisaient dessiner des étendards à leur fantaisie.

Jusqu'à Louis XIV, ce fut le colonel général de l'infanterie qui disposa librement, à son plaisir, de tous les emplois dans ce corps immense[72].

Ajoutez que les gouverneurs des places fortes et les colonels des régiments étaient souvent obligés de contribuer de leurs propres deniers aux frais de leurs fonctions ; d'où ils en arrivaient tout naturellement à s'y considérer comme indépendants. Un colonel était personnellement responsable de la solde de ses hommes et de leur équipement. En 1636, le maréchal de Brézé se plaignait des lourdes charges que lui occasionnait son commandement à Calais. Il était obligé d'avancer la solde de la garnison ; déjà toute sa vaisselle d'argent y avait passé. Il n'était de semaine que la place ne lui coulât jusqu'à deux mille écus. Il s'y ruinait[73]. Brézé n'en agissait pas par excès de zèle : il faisait son devoir. Les gouverneurs de la Capelle et du Câtelet, écrit Fontenay-Mareuil en s'indignant de leur conduite, se persuadent tellement que le roi est obligé de pourvoir à tous leurs besoins, qu'ils ne veulent pas mettre un denier du leur, à l'entretien de leurs murailles[74]. Le gouverneur d'Antibes doit de même faire réparer à ses frais les fortifications de la ville : il est vrai que, en retour, le roi lui fait abandon pour six ans d'un droit féodal encore en vigueur dans la localité.

On imagine les conséquences. Le commandant d'une place dont il fait entretenir les remparts de ses deniers particuliers, en arrive à la considérer, et l'opinion commune la considère, comme son bien. Des femmes deviennent gouverneurs de villes par survivance. Mme Zamet avait conservé la capitainerie de la Conciergerie. En 1617. Richelieu accorde à Mme de la Boulaye une augmentation de cinquante hommes d'armes de garnison à Fontenay-le-Comte, où elle commande pour le roi[75].

Sert qui veut et comme il l'entend.

Les lettres écrites par Louis XIII à Richelieu durant la campagne de Lorraine, sont à ce point de vue des plus édifiantes. On est aux prises avec l'ennemi. De Bar-le-Duc, le 7 octobre 1635 :

Je vous écris la larme à l'œil de voir la lâcheté et la légèreté des Français. Depuis hier à midi nous avons perdu huit à neuf cents chevaux de noblesse, quelques harangues, promesses, flatteries, menaces que je leur ai pu faire[76]. Nos capitaines, estimant qu'ils avaient suffisamment tenu la campagne, rentraient chez eux. Le lendemain, 8 octobre, de Saint-Dizier : Depuis ma lettre écrite, deux de mes chevau-légers, qui étaient demeurés malades derrière, m'ont assuré avoir trouvé cieux bandes de noblesse de Poitou qui se retirent[77]. Et le 29 octobre : Baradat — c'était le favori de Louis XIII — ne veut point refaire son régiment, disant qu'il ne le peut sans se ruiner entièrement. La noblesse de Bourgogne, qui est à Saint-Mihiel, demande son congé pour la Saint-Martin. Je crois qu'il le leur faut donner sans quoi ils le prendront[78].

Dans plusieurs provinces comme en Bretagne, et ceci jusqu'à la Révolution, les milices avaient le privilège de ne recevoir d'ordres que de leurs officiers immédiats élus par elles[79]. Elles refusent d'obéir aux commandants qui leur sont envoyés par le roi.

Quant aux forces de police, il est permis de dire que dans le royaume elles n'existaient pas. François Ier créa la maréchaussée. Jusque-là, quand il fallait mettre à exécution un arrêt de justice, on était contraint de s'adresser aux seigneurs et au curé de l'endroit qui, réunissant de bonnes volontés, mettaient la force à la disposition de la justice[80]. Encore après le XVIe siècle et jusqu'à la Révolution, les milices locales, entièrement indépendantes du pouvoir du roi, étaient-elles les seuls instruments de répression dont disposât l'autorité. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, quand des brigands sont signalés dans le voisinage d'une localité, ce sont les principaux de la ville qui doivent se faire assister de vingt ou trente hommes bien armés, tant de pied que de cheval, pour s'acheminer vers la susdite garenne, afin d'enclore ceux qu'on soupçonnait âtre là-dedans[81].

Ainsi s'expliquent les chevauchées des Mandrins. La Bourgogne et la Franche-Comté avaient des libertés qui interdisaient aux soldats du roi d'y tenir garnison[82] ; aussi les contrebandiers parcourent-ils à leur gré les pays où le gouvernement n'est représenté par aucune force effective. Deux années durant ils sillonnent ces provinces, prennent les villes d'assaut, se font servir des vins d'honneur sur les places publiques et mettent la contrée en coupe réglée. Il n'y avait pour arrêter le cours de leurs exploits que les milices bourgeoises et la noblesse du pays, lesquelles ne connaissaient plus d'autre fonction que de marcher en belle ordonnance dans les processions et aux fêtes communales.

Il en allait de même en Languedoc, en Provence, en Guyenne, ce qui fait la stupéfaction de l'ambassadeur turc qui parcourt la France en 1720. Toulouse, écrit-il, a le privilège de ne point recevoir de garnison du roi. C'est pour cela que les cinquante soldats, leur capitaine et leurs enseignes, qui m'avaient accompagné depuis Toulon, prirent congé de moi aux portes de la ville et s'en retournèrent. Deux autres compagnies de la ville passèrent devant moi pour me conduire à mon logis.

Même cérémonie à Bordeaux. Comme c'est une ville libre, écrit Mehemet-Effendi[83], les soldats restèrent dehors. Plusieurs compagnies de la milice de la ville, avec leurs capitaines passèrent devant moi et me conduisirent en pompe à mon logis.

Marseille, Saint-Malo, vingt autres villes, avaient des privilèges identiques[84].

Assurément des réformes s'opéraient, car la monarchie s'acheminait progressivement vers la centralisation et l'administration modernes. A la mort du second duc d'Epernon, Louis XIV supprima, avec ses grands privilèges, la charge du colonel général ; il enleva de même, en 166o, au capitaine des gardes du corps la faculté qu'il avait de disposer de tous les offices militaires de la Maison du roi ; mais il faut attendre l'ordonnance de 1762 pour voir l'État prendre entièrement à ses frais l'entretien du soldat et l'ordonnance du 25 mars 1776 pour voir se réaliser la suppression de la finance des emplois militaires[85].

 

IX

Comme les offices de judicature, les charges de finances devenaient elles aussi, par la vénalité, la propriété — transmissible aux descendants — de ceux qui en avaient fait l'acquisition ; et l'indépendance des titulaires en était d'autant plus grande qu'elle s'étayait d'une plus grande fortune.

La perception des impôts indirects était entre les mains des fermiers généraux. fastueux bourgeois, indépendants du pouvoir. La Ferme générale avait ses employés et ses troupes à elle, elle avait même des tribunaux spéciaux comme la commission de Valence : Association de finance, dit le Parlement de Rennes, qui s'élève au-dessus de la loi[86].

Les impôts une fois recueillis, le souverain n'en disposait pas à son gré. Chaque recette avait son emploi déterminé par clos règles précises. Le roi veut-il consacrer à des dépenses personnelles une partie des fonds qui ne doivent pas être mis à sa disposition, il se heurte à une foule d'obstacles, broussailles infranchissables, où il s'embarrasse et se perd : ce sont les Chambres des comptes qui font des remontrances, les Cours souveraines qui refusent d'enregistrer, les bordereaux que nul ne régularise ; car les comptables, dans la crainte d'être rendus responsables, opposent une résistance passive[87]. Un officier — de l'administration financière — placé entre un ordre du roi et un mandement contraire des gens des comptes, obéit à ceux-ci[88].

Et jaçoit que des fruits et du revenu du royaume, écrit Claude de Seyssel[89], les roys puissent disposer à leur volonté pour le temps qu'ils en sont administrateurs, toutefois faut-il en tous cas et despenses qu'ils font, ordinaires et extraordinaires, revenir à la Chambre des comptes, laquelle les retranche et refrène bien souvent si elles sont mal fondées. Et ceste loy et ordonnance est très utile à la chose publique pour la conservation du domaine royal, et aussi par ce moyen est refrenée la trop grande largesse des princes qui tend à prodigalité.

 

X

Quant à l'instruction publique, on sait comment, depuis le sommet jusqu'au dernier échelon, elle était tout entière hors les mains de l'État. L'idée que le gouvernement pût se substituer comme éducateur au père de famille, eût plongé nos ancêtres dans la plus grande stupéfaction.

Voici en quels termes le chancelier de la Faculté de médecine donnait aux nouveaux docteurs le droit d'exercer en France :

Moi, chancelier, en vertu du pouvoir à moi confié par le Saint-Siège, je vous donne la licence d'enseigner, d'interpréter et de pratiquer la médecine, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit[90].

Tous .les médecins sortis de la Faculté formaient un vaste corps, une grande famille dont les membres restaient en rapports constants, nommant librement les professeurs, modifiant leurs règlements, se soutenant et se secourant les uns les autres. Tous les docteurs en médecine vivaient sur le pied d'une égalité absolue ; ils avaient tous le droit d'assister aux actes publics comme aux séances privées de la Faculté ; chacun d'eux était autorisé à y prendre la parole ; chacun d'eux avait sa voix lors de l'élection des dignitaires, où chacun d'eux pouvait être élu directement doyen, censeur ou professeur, par le suffrage de ses confrères[91].

 

XI

Des finances et de l'instruction publique, des offices judiciaires et militaires, nous sommes conduits au cœur même du gouvernement, à l'administration proprement dite, où le spectacle est encore le même. Les rois le reconnaissent : nul officier — lisez fonctionnaire — ne peut être destitué de son office que par mort, résignation ou forfaiture[92]. L'ordonnance publiée par Louis XI, le 21 octobre 1467, était formelle. Le roi y déclarait qu'il ne donnerait à l'avenir aucun office s'il n'était vacant par mort ou par résignation faite de bon gré et consentement du résignant, ou par forfaiture préalablement jugée et déclarée judiciairement[93].

Inamovibilité dont l'origine remontait au moyen âge, où le roi considérait que les fonctions étaient des bénéfices, conséquemment non seulement une propriété, mais une propriété héréditaire[94]. Les fonctions se transmettaient comme un bien de famille[95].

Inamovibilité qui s'étendit jusqu'aux grands officiers. Ces dignités sont à vie, dit Coquille[96]. Elles n'étaient pas résignables ; mais si grande était l'autorité des titulaires que généralement ils choisissaient eux-mêmes leurs successeurs. C'est la vérité, dit Loyseau[97], que la résignation que font les seigneurs de telle qualité n'est guère refusée, ce qui est cause que ces offices se vendent et se trafiquent communément entre eux. C'est-à-dire qu'ils en arrivaient à échapper à leur tour à la nomination du roi. Ajoutez que ces grands officiers disposaient pour la majeure partie des offices secondaires relevant de leur département[98].

Considérez jusqu'aux charges de secrétaire d'État ; voyez ces familles de ministres comme les Phélypeaux, que deux siècles trouvent en place de père en fils, d'oncle en neveu. On a beaucoup reproché à Louis XIV d'avoir mis au secrétariat de la guerre, le jeune Barbezieux, après la mort de son père, Louvois. Barbezieux n'était pas seulement jeune, mais incapable ; et combien d'historiens ont vu là une preuve de l'orgueil et de la suffisance du grand roi. Barbezieux succédait naturellement à son père, Louvois, comme celui-ci avait succédé à son père, Le Tellier, comme Seignelay avait succédé à Colbert. Le fils, écrit M. d'Avenel, obtenait de droit ce qu'avait le père. A défaut de fils, le neveu, le frère, le cousin ; il semblait que ce ne fût que justice de leur conserver cet emploi, qui était dans la famille.

C'est ainsi, comme le fait encore observer M. d'Avenel, que, non seulement les offices de judicature, mais les emplois administratifs, depuis les plus vils jusqu'aux plus illustres étaient des biens transmissibles, à l'égal d'une pièce de terre ou d'un titre de rente[99].

De temps à autre, il arrive au monarque de regimber. Il lui semble étrange qu'il ne puisse ôter l'office d'un de ses sujets pour le bailler à un autre ; mais il doit se plier à des conditions plus fortes que lui. En fait, conclut M. Imbart de la Tour, les offices sont réellement perpétuels. Les officiers suspendus ne le sont que par une procédure régulière et après sanction du Parlement[100].

La vénalité des charges, dont l'importance était si grande que D'Argenson en arrive à l'appeler une forme de gouvernement[101], contribua à maintenir ces traditions. La vénalité, écrit D'Argenson, a commencé par les charges de finance, puis a passé aux magistratures de justice ; cet abus a passé aux fonctions de la police et de l'administration ; enfin il s'est emparé de tout[102]. Le roi, écrit-il encore[103], a aliéné pour toujours la plus belle de ses prérogatives, qui est le choix de ses officiers et même le pouvoir qu'il leur communique. L'hérédité transmet du père aux enfants ce pouvoir et cette transmission ne se heurte plus qu'à un agrément difficile à refuser.

Depuis que, du règne du roy François Ier, la vénalité des offices fut permise, tant du costé du roy, qui prenoit le quart de la finance, que des particuliersn'estant pas raisonnable de priver un officier de son estat financé sans le rembourser, il fut trouvé juste par le roy, [par] les sieurs de son Conseil et par Vais les Parlements, que le roy ne pourroit déposer ni priver ses subjects des offices, qu'en trois cas, sçavoir : par mort, forfaicture ou incompatibilité d'offices. Et à présent ne se peut faire à cause de l'édict de la Paulette qu'au seul cas de forfaicture, quand par crime ou délict un officier est privable ou privé de son estat[104].

La paulette datait du commencement du XVIe siècle (1604). L'hérédité des offices en devint générale et permanente. Elle s'établissait par le versement au trésor d'un droit annuel équivalent au soixantième du prix de l'office. Le nom paulette fut donné à ce système par le secrétaire du roi Charles Paulet, qui avait imaginé la mesure, ensuite adoptée par le Conseil.

 

XII

Mais descendons jusque dans les prisons du roi, où sont les détenus renfermés en vertu d'ordres directement émanés du souverain. Telle est la multiplicité des libertés et franchises dont les sujets jouissaient vis-à-vis du pouvoir central que, dans ses prisons mêmes, ils en étaient indépendants.

Le For-l'Évêque était à Paris une maison de détention où l'on était renfermé par lettre de cachet. Or, il n'y avait pas un seul fonctionnaire du For-l’Évêque qui fût à la nomination du roi. Tous relevaient du Parlement, du Parlement indépendant et généralement hostile au pouvoir. C'était lui qui faisait les règlements du For-l'Évêque et en avait l'inspection.

Mais voyons les franchises et libertés des détenus dans la prison du roi. Et c'est bien à dessein que nous employons ces mots franchises et libertés.

Un nommé Chevalier est mis au For-l'Évêque pour distribution de faux billets de loterie. Dans la prison il continue à fabriquer de faux billets. Le nommé Lurot les y vient chercher et les met en circulation dans Paris. Au fond de sa chambre Chevalier a ses presses, ses planches, ses burins. Il s'y trouve à son aise pour graver ses feuilles et ses camarades de captivité trouvent leur distraction à venir le voir travailler.

Mme de Coade a été incarcérée comme tenancière de jeux prohibés. Au For-l'Évêque elle continue son commerce. C'est chez elle, en prison, une chambrée des plus élégantes. Propos galants et mondains de gentilshommes, d'officiers. de femmes de procureurs : les uns prisonniers, les autres venus expressément de la ville au For-l’Évêque pour y jouer au pharaon, jeu prohibé, dans la chambre de Mme de Coade.

L'histoire d'un nommé Saint-Louis, dit Legrand, est plus surprenante encore. Il avait été mis au For-l'Évêque parce qu'on avait découvert le commerce auquel il se livrait, lequel consistait à fournir des filles à des gentilshommes, à des fermiers généraux, à de riches anglais. On a une lettre du concierge, c'est-à-dire du directeur du For-l’Évêque, demandant que Saint-Louis soit transféré dans une autre maison de détention, vu que, au For-l'Évêque même, il continue son métier ; et au profit de qui ? — ne cherchez pas — des prisonniers.

Mais, dira-t-on, il eût été plus simple d'interdire à ce particulier de faire dans la prison du roi ce misérable commerce. Voilà précisément ce qui n'était pas possible. Dans la prison du For-l'Évêque le détenu avait des libertés et franchises précises, déterminées, qui lui étaient assurées par l'usage et contre lesquelles le gouvernement ne pouvait rien. Ces libertés et franchises lui permettaient, ainsi qu'à ses compagnons de captivité, de se livrer au trafic en question. Il n'y avait donc rien à faire ; et, pour l'empêcher de poursuivre son métier lucratif, mais répréhensible, il n'y aurait eu qu'un moyen, c'eût été de transférer notre individu dans une prison où les détenus n'auraient pas eu droit aux mêmes libertés.

En août 1747, Sarazin est conduit au For-l'Évêque pour nouvelles à la main. Du fond de son cachot il continue son commerce même pour lequel il a été arrêté. Il y reçoit les gazettes de Hollande, entend ses reporters, fait distribuer sa feuille manuscrite à ses abonnés.

Tel Sarazin au For-l'Évêque, tel Cabaud de Rambaud à la Conciergerie, où les us sont les mêmes. Il y poursuit librement son industrie de nouvelles à la main, industrie prohibée et qui l'a fait incarcérer. Bientôt il ne suffit pas à Rambaud de recevoir la visite de ses rédacteurs dans sa prison : pour plus de commodité, il veut les y avoir auprès de lui. Je viens d'apprendre à l'instant par Bompard, écrit l'inspecteur Poussot, dans un rapport daté du 17 février 1744[105], que Rambaud, à qui il s'était présenté — dans la prison de la Conciergerie — pour avoir de l'ouvrage, lui a dit qu'il lui en donnerait volontiers s'il voulait obtenir par quelqu'un de ses amis une sentence des consuls contre lui et se faire conduire prisonnier à la Conciergerie. Ledit Rambaud s'est offert de payer tous les frais. Sous prétexte de dettes criardes, nos gazetiers se faisaient donc écrouer et leurs copistes de même. La plupart de leurs copistes, écrit Poussot[106], et même plusieurs auteurs étant dans les prisons, ils se trouvent à l'abri des poursuites.

Mais tout cela, dira-t-on, est insensé ! Tant il est vrai que nous ne comprenons plus ce qui faisait les mœurs et les idées du vieux temps.

 

XIII

Songeons à la puissance que possède aujourd'hui notre conseil des ministres et, en fait, le président du Conseil : il dispose de la magistrature, de la magistrature assise par la nomination, les décorations et l'avancement, de la magistrature debout par le déplacement, les décorations et la révocation ; les juges de paix sont nommés par le gouvernement et ne sont pas inamovibles ; l'administration commande à la gendarmerie, à la police, à l'immense corps enseignant, et à l'innombrable nation des fonctionnaires, préfets, sous-préfets, conseillers de préfecture, percepteurs, contrôleurs, inspecteurs, instituteurs, cantonniers et gardes champêtres, employés des postes et des chemins de fer, ingénieurs et agents des ponts et chaussées, des eaux et forêts, etc., etc., — multitude immense que, du soir au matin, du fond de son cabinet, le ministre mobilise à son gré, sur un signe du télégraphe, sur un coup de téléphone, pour atteindre ainsi en un instant les recoins les plus écartés et les plus obscurs du pays, influer sur la vie nationale jusqu'en ses moindres manifestations ; — puis songeons d'autre part à l'état embryonnaire des moyens d'action que la monarchie avait à sa disposition sous l'ancien régime,  alors qu'au contraire en face d'elle, dans chaque seigneurie, dans chaque commune, dans chaque corporation, dans les Parlements indépendants et propriétaires de leurs charges, dans le clergé fortement établi et riche de biens considérables, dans les grandes familles, fières de leurs traditions, de leur cohésion, de leur clientèle, de leur fortune, et en général dans la famille elle-même organisée sous la direction de son chef, elle trouvait autant de forces énergiques, robustes, actives, alertes, animées chacune d'une vie indépendante, se réglant chacune d'une manière particulière ; — et nous arriverons à justifier le paradoxe apparent d'un historien moderne : à savoir que le plus modeste de nos secrétaires d'État a des moyens d'action plus nombreux, sans comparaison aucune, et plus puissants que ceux dont Louis XIV pouvait se servir en sa monarchie absolue.

J'ai prouvé, écrit Sénac de Meilhan, en conclusion à ses Considérations sur le Gouvernement, que, loin d'être oppresseur, le gouvernement était modéré et faible[107]. Il faut, disait Napoléon, que la faiblesse constante du gouvernement sous Louis XIV même, sous Louis XV et sous Louis XVI, inspire le besoin de soutenir l'ouvrage nouvellement accompli et la prépondérance acquise par le pouvoir central. Et le chancelier Pasquier : En dehors de quelques personnes, dont les actes étaient pour le gouvernement un sujet particulier d'irritation, le reste des citoyens jouissait de la liberté de fait la plus complète. On parlait, on écrivait, on agissait avec la plus grande indépendance, on bravait même l'autorité avec une entière sécurité[108].

Ce que doit avouer l'un des esprits les plus remarquables parmi ceux qui ont adopté les idées révolutionnaires, Rétif de la Bretonne ; Rétif qui fut jacobin, terroriste, et qui fait observer en pleine Terreur : combien frêles étaient ces libertés anglaises tant vantées, auprès de la liberté effective dont, sous le gouvernement des rois, on jouissait à Paris[109].

Quelques années auparavant, dans l'École des Pères, le même Rétif avait donné une remarquable définition du despotisme. Il distinguait trois sortes de tyrans : 1° les despotes asiatiques ; 2° les empereurs de Russie ; 3° enfin, la troisième espèce de despotes, la pire de toutes. Elle n'existe plus, disait Rétif, depuis l'anéantissement presque total des gouvernements républicains : tels étaient les tyrans de Syracuse, d'Athènes, de Milet, de Corinthe ; les premiers empereurs romains, les premiers ducs de Toscane et les autres oppresseurs des villes libres d'Italie.... Cette sorte de tyrannie est comme la maladie nécessaire du gouvernement républicain.... la monarchie n'a pas tous les avantages du républicanisme, mais elle est le rempart le plus sûr contre l'oppression'[110]....

Au fait, n'est-ce pas ce que disait Jean-Jacques ? Il vient de parler, comme Rétif, de la tyrannie : Ce système odieux, est bien éloigné d'être aujourd'hui celui des bons et sages monarques, et surtout des rois de France...[111]

Prenons les faits dans leur réalité. En ville, à la campagne, un citoyen était, sous l'ancien régime, indépendant du pouvoir royal. Cette indépendance était complète, si l'on excepte la prestation des impôts, impôts insignifiants à côté de ceux que nos gouvernants exigent de nous aujourd'hui, et qui eux-mêmes n'étaient pas prélevés par les gens du roi.

Au sujet de cette libre constitution les ambassadeurs étrangers, accrédités auprès de Sa Majesté très chrétienne, ne cessent d'exprimer leur surprise. Mercy-Argenteau écrit à Kaunitz[112] : Ce qui est une absurdité à dire et qui cependant n'est qu'une trop grande vérité, c'est que le roi a peu de crédit sur les affaires de l'État. Et Montlosier : Le roi n'avait d'existence que dans l'intérieur de son palais[113].

Gouvernement que l'on a coutume de nommer, et que l'on continuera de nommer, le despotisme monarchique.

Dis moins — et nous revenons en terminant sur une réflexion faite au commencement de ce chapitre l'on comprend que la France, avec ses libertés et ses franchises, avait besoin — puisqu'aussi bien elle formait un corps de nation — d'un pouvoir central qui fût, clans la pensée de tous, un pouvoir absolu : sans lui la Nation se serait désagrégée.

 

XIV

Peut-être à ces conclusions objectera-t-on l'histoire des lettres de cachet. Aux lettres de cachet nous comptons consacrer tout un volume de cette série d'études sur l'ancienne France. Qu'il nous soit permis, pour le moment, de nous borner aux constatations qui suivent.

Les lettres de cachet se divisaient en trois catégories :

1° Les lettres de cachet de famille, qui étaient la consécration par le pouvoir royal de l'autorité paternelle. Le père mort ou absent était remplacé par le Conseil de famille. Elles tenaient par là aux racines les plus vivaces de l'ancienne société, car on retrouvait à la tête de la vieille famille française le paterfamilias romain avec sa toute puissance. Aussi bien, quand le roi se refusait à soutenir l'autorité paternelle, les municipalités s'en chargeaient. En cette partie de l'histoire des lettres de cachet, de beaucoup la plus importante, le pouvoir royal n'apparaît donc que comme le contrefort de l'autorité domestique.

2° La deuxième catégorie était formée par ce qu'on nommait les lettres de cachet de police. Celles-ci subsistent de nos jours : ce sont les mandats d'amener de nos juges d'instruction.

3° Restent les lettres de cachet pour affaires d'État. Parmi les autres elles étaient très rares : deux ou trois à peine sur mille. Et clans les cas où elles entraient en vigueur, les tribunaux réguliers auraient sévi le plus souvent avec une rigueur beaucoup plus grande que ne le faisait l'autorité souveraine. Au reste sur ce point une constatation paraîtra sans doute décisive : en trois années la Révolution a délivré plus de lettres de cachet pour affaires d'État — et dont la plupart ont eu les plus tragiques conséquences — que le gouvernement royal en huit siècles. Quant aux lettres de cachet en blanc, dont il est encore question dans les meilleurs ouvrages, tout ce qu'on en répète est légendaire : elles n'ont jamais existé.

***

Ainsi que le montre Malesherbes, la lettre de cachet était le seul moyen que le roi possédât de faire connaître et valoir son autorité. Cette autorité, nous l'avons vu, était dans l'ancienne France la condition de la liberté. Ce qui conduit à une conclusion en apparence paradoxale, mais dont la justesse prendra son relief à la réflexion : c'est grâce aux lettres de cachet que les Français de l'ancien temps ont pu jouir de ces franchises et libertés — perdues pour leurs descendants — dont nous avons essayé de tracer rapidement le tableau.

 

 

 



[1] Écrites vers 1732.

[2] Sénac de Meilhan, l'Émigré, éd. or., IV, 42. — Cf. Imbart de la Tour, I, 470.

[3] Imbart de la Tour, I, 208-209.

[4] Rob. Dallington, The view of Fraunce, traduction E. Emerique, p. 35.

[5] Considérations, cité par Aubertin, p. 201.

[6] Cité par Gomel, les Causes financières de la Révolution française, p. 26.

[7] Comte de Ségur, Souvenirs, III, 83.

[8] Coutumes de Beauvaisis, chap. XXXIV, § 1043 et t. II, p. 23 de l'éd. Salmon.

[9] Cité par Montlosier, Monarchie française, I, 308.

[10] Cf. Esmein, p. 335.

[11] Montesquieu, Esprit des lois, liv. XXIII, chap. XXIV.

[12] 17 Février 1774, cité par de Ribbe, I, 92.

[13] Imbart de la Tour, les Origines de la Réforme, I, 487. Cf. Montlosier, Monarchie française, I, 275.

[14] Imbart de la Tour, op. cit., I, 488.

[15] Imbart de la Tour, op. cit., I, 26.

[16] Émile Cheysson, appendice au livre de Le Play, l'Organisation de la famille, 2e éd., p. 391.

[17] Esmein, pp. 609 et suivantes ; Viollet, III, 1 et suivantes ; And. Lemaire, p. 316. — Ces assemblées de village de l'ancienne France peuvent être comparées à celles que l'on retrouve dans la Russie contemporaine : L'assemblée est convoquée par l'ancien, le staroste, lorsque le peuple sort de l'église ; elle a toujours lieu en plein air, au milieu de la rue du village.... Aucune formalité : tout chef de famille a droit à un vote. Ashton Wentworth Dilke, Local government and taxation (1875), pp. 316-319. Babeau, le Village, p. 34.

[18] Imbart de la Tour, les Origines de la Réforme, I, 31 (d'après les Archives des Bouches-du-Rhône, B 1216).

[19] Cité par Sénac de Meilhan, l'Émigré, I, 81-82.

[20] Luchaire et Langlois, ap. Lavisse et Rambaud, Histoire générale, I, 509.

[21] Saint-Just, l'Esprit de la Révolution, éd. Vellay, I, 281.

[22] Imbart de la Tour, I, 206.

[23] Comte de Ségur, Souvenirs, I, 218.

[24] Esmein, Gouverneur Morris, p. 154.

[25] Beaucourt, III, 464.

[26] Imbart de la Tour, I, 33.

[27] G. Fagniez, l'Économie sociale de la France sous Henri IV, pp. 75-56.

[28] Pierre Audigier, Histoire d'Auvergne, Bibl. nat., ms. franç. 11477 f. 108 v°-109.

[29] Moreau de Beaumont, Mémoires concernant les impositions, éd. Poullin de Viéville (1787, in-4°), III, 358.

[30] Ch. Lourdes, Histoire de la Révolution à Marseille et en Provence, Marseille, 1838.

[31] Moreau de Beaumont, III, 395.

[32] Moreau de Beaumont, III, 496-525.

[33] Delahante, Une famille de financiers au XVIIIe siècle, Paris, 1881, t. I.

[34] Voir entre autres les faits cités par Imbart de la Tour, I, 327.

[35] La Roche-Flavin, liv. VIII, chap. XIII, p. 589 de l'éd. de 1621 ; Sagnac, la Législation civile de la Révolution (1898, in-8°), pp. 6-7.

[36] Sagnac, la Législation civile..., p. 6.

[37] Remontrances du Parlement de Pau, 1788, Archives parlementaires, I (Paris, 1867), 341.

[38] Montlosier, Monarchie française, I, 313.

[39] Imbart de la Tour, Origines de la Réforme, I, 29.

[40] Vicomte d'Avenel, la Noblesse française sous Richelieu, pp. 102-104.

[41] Voir Remontrances de messire Jacques de la Guesle, procureur général du roy, pp. 92 et suivantes ; Esmein, p. 333.

[42] Séb. Mercier, Tableau de Paris, chap. CV.

[43] L. Tanon, Hist. des justices des anciennes églises et communautés monastiques de Paris (Paris, 1883, in-8°), pp. 121 et suivantes.

[44] Séb. Mercier, Tableau de Paris, chap. LVII.

[45] Voltaire, Dictionnaire philosophique, article Lois, éd. de 1785, V, 463.

[46] Batiffol, Vie intime d'une reine de France, p. 11.

[47] Richelieu, Mémoires, éd. Michaud, I, 221-222.

[48] Vicomte d'Avenel, la Noblesse française sous Richelieu, pp. 327-328.

[49] La Roche-Flavin, Treize livres, I, XIII, chap. XVII, § 3, p. 921 de l'éd. de 1621.

[50] La Roche-Flavin, liv. XIII, chap. XVII, § 34, pp. 930-931 de l'éd. de 1621.

[51] Isambert, XVI, 342 ; Esmein, p. 777.

[52] Édit. de déc. 1770, éd. Isambert, XXII, 506.

[53] La Roche-Flavin, liv. XIII, chap. VIII, § 2, p. 901 de l'éd. de 1621.

[54] La Roche-Flavin, liv. XIII, chap. VIII, § 1, p. 901 de l'éd. de 1621.

[55] La Roche-Flavin, liv. XIII, chap. XXVIII, § 20, p. 966 de l'éd. de 1621 ; — Mémoires de Richelieu, éd. cit., I, 27. — Cf. Esmein, p. 526.

[56] Dallington, The view of Fraunce, trad. Emerique, p. 35.

[57] Seyssel, éd. de 1558, f. 12 v°.

[58] Voir édit de déc. 1770, éd. Isambert, XXII, 501 et suivantes ; Esmein, p. 528.

[59] Batiffol, Vie intime d'une reine de France, p. 489. Pour se faire une idée de l'indépendance des Cours souveraines dans la première moitié du XVIIe siècle, il faut lire le Journal de Malenfant, greffier au Parlement de Toulouse, dans les Chroniques du Languedoc, Montpellier, 1875, gr. in-8°.

[60] Vicomte d'Avenel, Noblesse... sous Richelieu, p. 109.

[61] Guy Coquille, éd. de 1703, III, 2.

[62] La Roche-Flavin, liv. XIII, chap. XVII, n° 16, p. 926 de l'éd. de 1621.

[63] La Roche-Flavin,  liv. VIII, chap. LXXXI, § 2, p. 717 de l'éd. de 1621. — Cf. Esmein, pp. 528-529.

[64] La Roche-Flavin,  liv. VIII, chap. LXXXI, § 2, p. 717 de l'éd. de 1621. — Cf. Esmein, pp. 528-529.

[65] Vicomte d'Avenel, Noblesse... sous Richelieu, p. 316.

[66] Cité par Champion, p. 84.

[67] D'Aguesseau, Fragment sur l'origine et l'usage des remontrances, dans le recueil de ses Œuvres, XIII, 538.

[68] Les seules Remontrances du Parlement de Paris au XVIIIe siècle, publiées par J. Flammermont, font trois volumes, Paris, 1888-1898, in-4°.

[69] La Roche-Flavin, liv. XIII, chap. XV, § 9, p. 919 de l'éd. de 1621.

[70] Cam. Rousset, Louvois, I, 165 ; Alb. Duruy, l'Armée royale, pp. 71-72.

[71] Montlosier, Monarchie française, I, 296.

[72] Richelieu, Mémoires, éd. Petitot, I, 34 ; — Louis XIV, Œuvres, éd. de 1806, I, 257.

[73] Vicomte d'Avenel, la Noblesse française sous Richelieu, pp. 179-180.

[74] Vicomte d'Avenel, la Noblesse française sous Richelieu, pp. 179-180.

[75] D'Avenel, la Noblesse française..., p. 569.

[76] Cité par A. Masson, la Sorcellerie, (Paris, 1904, in-16) p. 24.

[77] A. Masson, la Sorcellerie, p. 24.

[78] A. Masson, la Sorcellerie, pp. 24-25.

[79] Gustave Bord, la Prise de la Bastille, pp. 40-41.

[80] P. de Vaissière, op. cit., p. 93.

[81] Inventaire général des larrons, liv. II, p. 47.

[82] Mémoires de M. d'Arceville, Bibl. du Ministère de la Guerre, A1 m. 150.

[83] Relation de l'ambassadeur turc Mehemet-Effendi, trad., Paris, 1757, pp. 43 et 47.

[84] Mémoires inédits du colonel Fr.-Xavier Vernère.

[85] Albert Duruy, l'Armée royale en 1789, pp. 72-73.

[86] Cf. Ernest Lavisse, Revue de Paris, 1er nov. 1910.

[87] Cf. Lavisse, le Pouvoir royal au temps de Charles V, ap. Revue historique, XXVI, 274.

[88] Batiffol, Vie intime d'une reine de France, p. 467.

[89] Seyssel, éd. de 1558, f. 13.

[90] René Fauvelle, les Étudiants en Médecine de Paris sous le grand roi, Paris, 1899, in-8°, p. 75.

[91] René Fauvelle, les Étudiants en Médecine de Paris sous le grand roi, p. 48.

[92] Isambert, X, 541. — Voir les textes cités par Imbart de la Tour, les Origines de la Réforme, I, 75.

[93] Isambert, X, 541. — La Roche-Flavin, liv. II, chap. VII, p. 114 ; liv. X, chap. XIX, § 3, p. 790 et liv. XI, chap. XIV, p. 854 de l'éd. de 1621.

[94] Pfister, op. cit., pp. 129-130.

[95] Pfister, op. cit., p. 128.

[96] Institutions, p. 4.

[97] Loyseau, Des offices, liv. IV, chap. II, n° 16.

[98] Loyseau, Des offices, liv. IV, chap. II, n° 85.

[99] Vicomte d'Avenel, la Noblesse française sous Richelieu, p. 164.

[100] Imbart de la Tour, les Origines de la Réforme, I, 76.

[101] D'Argenson, Considérations sur le Gouvernement, pp. 150-51.

[102] D'Argenson, Considérations sur le Gouvernement, p. 152.

[103] D'Argenson, Considérations sur le Gouvernement, pp. 150-51.

[104] La Roche-Flavin, Treize livres des Parlements, liv. II, chap. § 22, p. 120 de l'éd. de 1621.

[105] Archives de la Bastille, Bibl. de l'Arsenal, ms. 11 544, f. 232-233.

[106] Lettre du 1er mai 1744, Archives de la Bastille, Bibl. de l'Arsenal, ms. 11 544, f. 272.

[107] Sénac de Meilhan, Du Gouvernement, p. 134.

[108] Mémoires du chancelier Pasquier, I, 46.

[109] Rétif de la Bretonne, Nuits de Paris, éd. or., XV, 36.

[110] Rétif de la Bretonne, l'École des Pères, I, 16-17.

[111] Cf. Sénac de Meilhan, pp. 78-79.

[112] 6 nov. 1784, cité par Champion, p. 82.

[113] Mémoires, I, 161.