L'ANCIENNE FRANCE - LE ROI

 

CHAPITRE IV. — LA PAIX DU ROI.

 

 

I. L'office du roi est de rendre la justice. — II. Il règne en faisant s'accorder entre elles les autorités qui gouvernent le pays. — III. Il apaise les conflits entre les seigneuries rivales et réduit les brigands féodaux. — IV. Les Institutions de paix. — V. Juger c'est empêcher la guerre. — VI. Saint Louis sous le chêne de Vincennes. — VII. Ses successeurs. — VIII. L'action pacificatrice des rois s'étend au delà des frontières. — IX. Après avoir accordé les seigneuries entre elles, le roi devient l'apaiseur des dissensions intestines au sein des seigneuries et des communautés. — X. La paix du roi fait l'unité du pays. — XI. Par sa seule décision, le roi peut punir de la peine capitale. — XII. Louis XIV et l'industrie des placets. — XIII. Aux XVIIe et XVIIIe siècles encore, la personne du roi est une garantie de tranquillité publique.

 

I

Nous touchons au principal attribut du monarque.

Le roi, écrira Bodin[1] au XVIe siècle, traite ses sujets et leur distribue la justice comme un père fait à ses enfants. Et telle est essentiellement sa fonction. Sur ce point les plus anciens théoriciens et les historiens les plus récents sont d'accord, rex a recte judicando[2]. Le roi est juge, simplement, généralement, sans conteste, sans que les cas où sa juridiction s'exerce aient à être précisés, sans restriction[3].

De quoi est faite cette justice ? Bodin vient de nous le dire : elle est une émanation de l'autorité paternelle[4].

Les premiers rois, Hugue Capet, Robert le Pieux, Henri Ier, Philippe Ier, Louis le Gros, déclarent en termes précis que le monarque n'occupe le trône que pour rendre la justice : Nous n'avons de raison d'être, dit Hugue Capet[5], que si nous rendons la justice à tous et par tous les moyens.

Eude de Blois écrit à Robert : La racine et le fruit de ton office, la justice[6]. Garde son droit à chacun, telle est la suprême recommandation de Louis VI mourant à son fils aîné[7], de Philippe-Auguste à Louis VIII[8].

Au début du Xe siècle, Abbon s'efforce de définir la personne royale : Elle est, dit-il[9], l'incarnation de la justice. Il déclare que le métier de roi consiste à remuer les affaires du royaume, de crainte qu'il n'y reste caché quelque iniquité[10]. Fulbert de Chartres, au XIe siècle, dit aussi : Le roi est le sommet de la justice : summum justicie caput[11]. Caractère essentiel dont le prince est marqué dans toutes les chansons de geste[12].

Nous pourrions multiplier les citations jusqu'au seuil, de la Renaissance :

Considérant, dit Louis XII[13], que la justice est la première vertu par laquelle les rois règnent... La justice, ajoute Claude de Seyssel[14], fait les princes emperer et régner ; ce que redira le chancelier de L'Hospital[15] : Le principal office du roi est de faire justice ; ce que Louis d'Orléans indiquera en quelques lignes d'un relief pittoresque. Les princes étrangers, dit-il, se font représenter en leurs sceaux superbement montez, l'espée au poing, sur leurs grands chevaux et faisant parade de leur vaillance ; tandis que les seuls rois de France s'y montrent assis, en longue robe semée de fleurs de lis et tenant leur main de justice ; deux lions sont couchés sous leurs pieds, où ils figurent la force et la violence abattues par l'équité que nos princes dispensent incessamment[16].

 

II

Au milieu de ses sujets, le roi était en effet la source de la justice, toute justice émanait de lui[17]. Il ne pouvait en être autrement. Au-dessus des mille et mille groupes locaux, familles, seigneuries, villes et communautés, qui se partageaient le royaume, le monarque était l'unique autorité commune, partant susceptible d'intervenir dans les différends qui venaient à se produire entre eux. Comme chacun de ces groupes vivait et s'administrait d'une manière indépendante, il ne restait au roi d'autre fonction que de les faire s'accorder pour le bien général. Dès que le roi est couronné, écrit Abbon (Xe siècle), il réclame à tous ses sujets le serment de fidélité, de peur que la discorde ne se produise sur quelque point du royaume[18]. Bodin dira plus tard : Le prince doit accorder ses sujets les uns aux autres et tous ensemble avec soi[19] ; résumant en deux lignes l'histoire de la fonction royale.

Dans le premier âge assurément, ce rôle de justicier ne fut pas celui d'une magistrature assise ; on dirait plutôt d'une magistrature à cheval. La robe fourrée de vair est remplacée par la broigne de cuir et par le haubergeon à mailles d'acier, la main d'ivoire par la lance et l'épée. On voit sans cesse le magistrat suprême sur les grandes routes[20], portant heaume lacé, gorgerette, cuissard et haubert :

Ainz ne fu jorz tant par fust hauz ne fiers [tant fût-il haut et fier],

Que il n'eüst le vert heaume lacié,

Ceinte l'espée, armez sor le destrier[21].

Durant bien des années, multipliant les plus laborieuses expéditions, les combats meurtriers, les plus rudes assauts donnés aux places fortes, le Magistrat a dû lutter sans trève pour imposer son autorité, avant que celle-ci pût prévaloir par le seul prestige de sa personne dans l'ensemble du pays.

 

III

Car il ne faudrait pas que le tableau tracé ci-dessus de l'action exercée par la Maison royale, — qui en arriva au long aller, comme dit Duchesne, à comprendre le pays tout entier dans le développement de ses traditions familiales et de ses usages domestiques, — fit illusion sur les conditions où son autorité patronale avait grandi d'âge en âge et s'était fortifiée.

Nous avons montré, en commençant, l'anarchie des VIIIe et IXe siècles, au milieu de laquelle s'organisèrent, en un si dur labeur, les éléments d'une société nouvelle. Cette société s'organisa et les invasions barbares cessèrent de déferler en flots tumultueux, soit que les barbares fussent retournés dans leur pays d'origine, soit qu'ils se fussent fixés sur le sol gaulois ; mais, après que la société féodale se fût constituée en une infinie quantité de groupes locaux dont chacun s'était agrégé autour d'un chef de famille, d'autres désordres devaient se produire sur les points les plus divers, car ces innombrables groupes féodaux ne tarderaient pas à entrer en lutte les uns contre les autres : entreprises, représailles, vengeances et revanches, prises et rescousses. Ce n'est plus l'anarchie et le pillage désordonné du temps des invasions, mais, par le caractère même des mille et mille petits États féodaux qui grouillent par tout le pays et le divisent, repliés sur eux-mêmes et hostiles aux forains, ennemis de tout ce qui n'est pas compris entre leurs étroites limites, la France n'en retourne pas moins à l'état de guerre comme à un état normal et permanent[22]. Il n'est seigneurie, de quelque nature qu'elle soit, qui n'ait besoin de nombreux hommes d'armes pour assurer sa sécurité ; et comment les entretenir sans les profits de la guerre[23] ? La guerre vit de la guerre, elle en naît et la reproduit.

Vers la fin du Xe siècle, le pillage est devenu pour les barons une manière ordinaire de, gagne-pain. Chacun d'eux, note Richer[24], cherche à s'agrandir comme il peut.... Leur préoccupation suprême est de s'enrichir des dépouilles d'autrui. On voyait sur les routes les nobles chevaliers poussant devant eux le butin conquis en leurs entreprises, interceptiones, leur proie, pour reprendre l'expression du temps. Ah ! quel honneur, s'écrie le troubadour Guiraud de Borneil, de voler bœufs, moutons et brebis. Et là est l'honneur maintenant. Honni soit-il, s'il paraît devant une dame, tout chevalier qui, de sa main, pousse sur la route un troupeau de moutons bêlants ou pille les églises et les voyageurs ! Tel ce comte Fouchier qui paraît dans Girart de Roussillon[25]. Jamais on n'avait vu si parfait larron. Il avait volé plus de richesses que Paris n'en possède ; ce qui ne l'empêchait pas, au jugement du poète, d'être le meilleur comte qu'il y eût jusqu'en Hongrie. Ce sont les chevaliers de proie, qui passent dans les fabliaux[26]. Au fait, en Flandre, le mot miles, chevalier, devient synonyme de latro, bandit. Les hommes de Sainte-Croix, dit l'un de ces hobereaux, ne seront convoqués, ni dérangés pour aller tuer les gens, pour aller piller et dévaster les terres[27]. Ce qui constituait évidemment une faveur d'un suzerain à ses vassaux. En 1023, Warin, évêque de Beauvais, soumet au roi Robert le pacte de paix qu'il se propose de faire jurer aux seigneurs : Je n'enlèverai ni bœufs, ni vaches, ni aucune bête de somme ; je ne saisirai ni le paysan, ni la paysanne, ni les serviteurs, ni les marchands ; je ne leur prendrai point leurs deniers et je ne les obligerai point à se racheter... je ne les fouetterai point pour leur enlever leurs subsistances. Depuis les calendes de mars jusqu'à la Toussaint, je ne saisirai ni cheval, ni poulain, ni jument dans les pâturages. Je ne démolirai ni n'incendierai les maisons. Je ne détruirai pas les farines qui s'y trouvent. Je ne déracinerai, ni ne vendangerai les vignes[28]....

La chronique de Méron permet de retracer la physionomie d'un de ces grands pillards, Giraud de Berlai. Son château de Montreuil était ceint de tant de murs et de remparts que les voyageurs disaient n'avoir jamais vu forteresse pareille. Abri qui était devenu pour Giraud comme l'antre d'une bête fauve. Il n'en sortait que pour fondre, à la tète de ses hommes, sur les villages de la région, dont il parcourait les routes, détroussant, égorgeant les passants, s'efforçant de surprendre, pour les mettre à sac, prieurés et monastères[29].

Hugue du Puiset ravage la Beauce. Il dévore les terres du pays, pour reprendre l'expression de Suger. Vaincu par son souverain, pris et jeté dans une tour, il s'en évade pour éclater en nouveaux excès. Suger le compare au chien furieux que la chaîne exaspère. Traqué en 1118, il tue de ses propres mains le sénéchal Anseau de Garlande, l'officier préféré de Louis le Gros[30].

A la même époque, Thomas de Made fait trembler le pays à vingt lieues à la ronde. Il avait, dit Suger[31], ravagé et dévasté avec la férocité d'un loup les pays de Laon, de Reims et d'Amiens. Les formidables châteaux de Crécy et de Nouvion avaient été munis par lui de remparts prodigieux et de hautes tours, d'où il infestait les terres voisines. De son côté Guibert de Nogent parle avec effroi de ses excès, de sa cruauté. Combien nombreux sont ceux qu'il a enlevés ! Malheur aux humbles qui ne peuvent satisfaire sa rapacité ! On n'imagine pas, dit Guibert, le nombre de ceux que la faim, les tortures et la pourriture ont fait périr dans sa prison.

Le domaine royal tout entier était hérissé de forteresses sorties de terre à l'époque des invasions, époque où elles avaient offert protection et refuge aux gens du plat pays ; mais au XIe siècle elles ne servaient plus qu'à les opprimer. Autant de donjons rebelles. Le pays accidenté qui s'étend sur la rive gauche de la Seine, les riantes vallées de la Mauldre, de l'Eure, de l'Yvette, de l'Orge, de l'Essonne... sont devenus un fourré de tyrannie[32].

On ne pouvait aller jusqu'à Paris, écrit Bertrand de Bar,

Que l'on ne fust décopés et ocis[33].

Les seigneurs nourrissaient des brigands dans leurs donjons, d'où ils fondaient sur les voyageurs.

En dehors de la suzeraineté directe de la couronne, l'anarchie féodale était pire encore. Pierre du Vaux de Cernai retrace les hauts faits de Bernard de Cahuzac, en Périgord. Dans un seul monastère, celui des moines noirs de Sarlat, on trouva cent cinquante hommes et femmes à qui il avait fait couper les mains et crever les yeux ; sa femme prenait plaisir à torturer de pauvres paysannes à qui elle faisait arracher les seins et les ongles de manière à les rendre incapables de travailler.

Foulque IV, comte d'Anjou, en proie à ses vices, abandonne son pays aux plus affreux brigandages. L'histoire de la noblesse bretonne présente à la même époque la plus odieuse série de crimes et d'excès qu'il soit possible de concevoir. Robert Ier, Eude Ier, Hugue III, ducs de Bourgogne, font du pillage une des ressources de leur trésor ; ils détroussent les commerçants français et flamands. Et les seigneurs ecclésiastiques eux-mêmes ne laissent pas que de donner parfois l'exemple du désordre.

Fléaux qui redoublent à la mort du roi[34], ou quand celui-ci est mineur, ou quitte le royaume. A peine, dit Suger, le roi — Louis VII — était-il parti pour les pays étrangers, que les hommes avides de pillage commencèrent à désoler le royaume'[35].

Contre ces grands bandits, qui se croyaient intangibles en leurs fertés dressées sur des mottes de pierre, les excommunications restent sans effet. Le clergé reconnaît son impuissance. Les seigneurs féodaux eux-mêmes n'osent répondre contre eux à l'appel du souverain[36] ; mais les humbles habitants des paroisses, organisés en milices de paix, viennent, sous la conduite de leurs prêtres, en chantant des cantiques, se ranger avec leurs bannières derrière l'épée de leur roi. Le roi chevauche à leur tête. Une couronne d'or entoure son heaume en acier bruni, que surmonte une fleur de lis à quatre quarts, afin que, de tous les quartiers qu'on la verroit elle retînt la forme de fleur de lis[37] ; son écu bleu de roi est semé de fleurs de lis[38] ; et par-dessus son haubert aux mailles de fer est passée une jaquette de samit rouge[39]. Voilà l'armée inlassable qui prendra les donjons simple et admirable tableau de la formation française.

Suivons en ses routes Robert le Pieux. Sur son destrier il profile sa haute taille, ses épaules droites, son dos un peu voûté, son nez large, allongé, aplati à son extrémité ; il a les cheveux lisses, la barbe soignée ; il a le regard doux, la bouche aimable et toujours prête à donner le baiser de paix[40] ; infatigable à la guerre qu'il dirige la lance au poing, infatigable à faire régner la paix et la justice.

Son petit-fils, Philippe Ier, était enfin parvenu à s'emparer du donjon de Montlhéri : Garde bien cette tour, disait-il à son successeur Louis le Gros, elle m'a fait vieillir avant l'âge ; ceux qui l'habitaient ne m'ont pas laissé un moment de repos.

Louis le Gros lui-même acquit en ces entreprises un nom populaire, chevauchant du matin au soir, actif à mettre fin au pillage et aux violences des hobereaux, se jetant dans les donjons en flammes, passant les rivières à la nage pour entraîner ses soldats, montant le premier à l'assaut des remparts croulants, sous la pluie de pierres et de plomb fondu, sous l'avalanche de fûts et de carreaux que font choir les assiégés. A pousser en avant son monde, exhortant, dirigeant, entraînant ses hommes, il gagne des extinctions de voix qui mettent des semaines à guérir, refusant de se ménager, au grand préjudice d'une santé compromise, écrit son ministre Suger, au mépris des intempéries et des obstacles qui faisaient reculer les jeunes gens[41].

Au reste ne voyait-on pas les barons féodaux les meilleurs — car il ne faudrait pas les juger tous par les exemples qui viennent d'être cités — entrer en conflit incessant avec leurs voisins ? C'était un serf que l'on se disputait, un vasselage suc lequel on ne parvenait pas à s'entendre, une avouerie qui tombait en discussion, les yeux d'une belle fille dont les feux allumaient d'inextinguibles incendies. En 1016, bataille sanglante entre les Blésois et les Angevins sur les hauteurs de Pontlevoi. Eude de Blois est vaincu. Foulque Nerra, comte d'Anjou, et son allié le duc du Maine, Hubert Eveille-Chien, font couper la tête à tous les fantassins qui n'ont pu prendre la fuite, affreux carnage où plus de trois mille hommes sont décapités. Non seulement les barons se battaient entre eux, suivis de leurs hommes, mais ils se mettaient réciproquement leurs terres en feu et en charbon[42]. Au passage des armées,

Tot environ est la terre gastie

Et mainte ville essillie et brisie,

Les bois gastés et la proie [bétail] acoillie ;

A [avec] huez [bœufs] et vaches et autre menantie [biens, avoir],

Les gens s'enfuient, n'osent demorer mie :

Les maisons laissent[43].....

Les bandes armées ne se contentent pas de prendre et de détruire les châteaux et les donjons de la partie adverse, elles mettent à sac les bourgs dont ils sont entourés[44], détruisent les vergers, arrachent les vignes, déracinent les arbres, rompent les ponts, comblent les fontaines[45]. Dans les bourgs, dans les villages, dans les métairies, on ne voyait plus de moulins tourner, les cheminées ne fumaient plus ; les coqs avaient cessé leurs chants et les grands chiens leurs abois. L'herbe croissait dans les maisons et dans les églises elles-mêmes que les prouvaires avaient abandonnées[46].

L'auteur de Gaydon met en scène un vavasseur, qui avait fait prospérer, par son travail et par celui de ses enfants, un mas construit à la lisière du bois. Il a essarté la terre tout à l'entour et l'a mise en culture. Sa cour grouille de volailles. de vaches, de bœufs et de brebis. Mais voici qu'un matin il est assailli par les hommes du seigneur d'Aspremont en guerre contre le duc d'Angers. Il se met en défense avec ses sept fils. Il s'arme

D'un gambizon, vieux, enfumé, qu'il a ;

Un vieil chapel sor sa teste ferma,

Prend sa massue, sor un jument monta :

Chacun des fiz une hache prinse a[47].

Mais il n'est pas de force à résister. Soixante hommes d'armes envahissent son plessis et le mettent au pillage. Il conte son malheur aux gens du duc d'Angers :

Un mes [mas] avoie fait en cest plaisels [plessis].

Sept finis avoie, moult biaux et eschevis [accomplis]....

Assez avoie et vaches et brebis.

Hui main matin [ce matin même], fui si fort assaillis

D'une grant gent armez et fervestis :

De mes sept fiz i ont les quatre ocis[48].....

Car le droit de guerre privée était absolu. D'après Beaumanoir il aurait été refusé aux roturiers — qui ne s'en gênaient pas pour le prendre ; mais entre nobles il ne connaissait aucune entrave, et ceux-ci entraînaient les roturiers derrière eux[49].

La rigueur de l'organisation familiale multipliait le fléau, en faisant naître luttes et dévastations simultanément aux quatre coins du pays. Une famille, pour 'dispersée qu'elle pût être dans les provinces diverses, était considérée comme formant un tout homogène, une manière d'État, existant hors même de ses frontières, répandu par morceaux sur le pays tout entier. Un seigneur était-il entré en lutte contre un voisin, sur les confins des marches de Bourgogne, on voyait ses partisans, sans crier gare ! envahir les domaines de ses cousins en Champagne et dans l'Ile-de-France. Les familles des deux adversaires étaient nécessairement englobées dans la lutte, jusqu'au degré, fort éloigné au moyen âge, où le mariage était permis entre parents[50].

La moindre guerre privée se répétait ainsi de tous côtés avec son cortège inévitable de meurtres, de pillage et d'incendies. Abus que combattit la quarantaine-le-roi, dont Beaumanoir attribue l'établissement à Philippe-Auguste[51]. Par elle furent du moins imposés quarante jours d'intervalle entre la déclaration des hostilités et la prise d'armes, pour permettre à ceux qui n'avaient pas été mêlés à l'origine du conflit, et qui devaient y être entraînés par leurs liens de parenté, de se mettre sur la défensive : répit et mesures de protection qui souvent ne laissaient pas que de faire réfléchir l'agresseur. Elle permettait aussi aux marchands qui circulaient dans le pays de se mettre à l'abri : car un seigneur s'empressait de s'emparer de tous les sujets de son adversaire qu'il rencontrait sur ses domaines, de les dépouiller, de les incarcérer et souvent de les mutiler de la manière la plus affreuse[52].

 

IV

La quarantaine-le-roi nous amène aux institutions de paix, que les rois vont superposer à leur action militaire ; car, par la place qu'il occupe au sommet de la hiérarchie sociale et par le caractère patronal de son autorité, le roi est surtout et pour tous le pacificateur. Vers lui on voit affluer, sous la plume de Raoul le Glabre (XIe siècle), les multitudes éplorées[53]. Elles arrivent à lui, couvrant la plaine, tendant vers le ciel leurs bras innombrables, criant avec désespoir : Paix ! paix ! paix ! autour de leurs évêques qui lèvent leurs crosses dorées[54]. Des théories de veuves, de jeunes filles et d'orphelins venaient à sa rencontre, poussant de lugubres clameurs et le suppliant de les protéger[55].

Les premières ordonnances édictées par les rois contre le droit de guerre privée, sont du commencement du XIIe siècle[56]. En juin 1155, à l'assemblée de Soissons, Louis VII proclame la paix de Dieu pour dix ans et la fait jurer à tous les hommes d'armes groupés autour de lui, au duc de Bourgogne, aux comtes de Flandre, de Nevers et de Soissons et à leurs vassaux présents[57].

Ce fut la première ordonnance d'une portée générale que le gouvernement ait publiée en France, et la nature même, ordonnance de paix et de concorde, en est caractéristique.

Un conflit éclatait-il entre des seigneuries, entre des familles ou des communautés rivales, deux voies s'ouvraient aux adversaires : la guerre ou la justice ; mais, après s'être engagée dans cette seconde voie, il arrivait fréquemment que la partie perdante, mécontente de la décision, en appelât aux armes. Vers le milieu du XIIIe siècle, les rois sont du moins parvenus à borner l'action à la procédure judiciaire, du moment où celle-ci a été entamée, car, dit Beaumanoir, l'en ne puet ne ne doit en un meisme tems querre venjance de son anemi par guerre et par droit de Cour[58].

L'assurement était l'engagement pris par un homme vis-à-vis d'un autre de s'abstenir de toute violence contre lui, engagement dont la rupture entraînait judiciairement la peine capitale. Par les soins du roi, l'assurement se fait au XIIIe siècle obligatoire, du moment où il est requis par l'une des parties[59].

Enfin, par un mandement de 1257, saint Louis va jusqu'à défendre entièrement les guerres privées sur ses domaines[60].

Ainsi, grâce à la force morale sur laquelle elle s'appuie, la monarchie en arrive au vine siècle à porter son autorité si haut que chacun, jusque dans les provinces les plus éloignées, la regarde avec crainte, avec affection, avec respect ; ce qui lui permet de transformer cette autorité en une source de justice, source intarissable et dont les flots couleront partout. Hors la paix du roi il n'y a ni sécurité, ni liberté : elle donne aux provinces leur prospérité, elle permet le libre jeu de leurs forces vives et, par là, elle fera progressivement l'unité du pays[61].

 

V

Juger en ce temps, écrit M. Paul Viollet[62], c'est empêcher la guerre. Le roi est l'apaiseur, dit saint Louis. Il est le souverain juge de paix[63]. A ce titre un rude et infatigable guerrier comme Louis le Gros est qualifié par Hariulf de pacifique. Louis le Pacifique qui, le sceptre en main, maintient à chacun son droit[64].

Frédéric le Play, un des rares historiens qui aient compris la féodalité, parce qu'il en a pénétré le caractère économique et social, trace le tableau en deux traits : La guerre éclatait entre les petits suzerains. Comment ramener la paix ? Ce grand résultat fut peu à peu obtenu par l'établissement de la monarchie féodale, qui ne fut d'abord qu'une monarchie superposée à toutes les autres[65].

La paix publique en arrive à se confondre avec la paix du roi.

 

VI

Tous les particuliers, écrit M. Pfister[66], viennent s'adresser au roi et il leur rend la justice.

Il leur rend la justice personnellement et directement partout où il se trouve, dans le tumulte de la guerre, entouré de son armée, dans les camps, sous la tente. Il est au siège de Narbonne :

Mes jugemenz tendrai ci et mes lois,

Cui en [celui à qui on] fera chose desor son pois [malgré lui],

A moi s'en viengne à clamer dernenois [aussitôt][67]

Pour remplir ses fonctions le monarque se-transporte d'un point du royaume à l'autre, car nombre de ses sujets ne pourraient venir jusqu'à lui :

A Cambrai fu Charles li rois à droit,

Or vous dirai pourquoi là séjournoit :

C'estoit parce que il savoir vouloit

Comment la terre illuec se gouvernait ;

A son povoir les tors faits adreçoit.

Par tout son règne li rois ainsi l'usait :

Droit à chascun à faire desiroit[68].

Chansons de geste et chroniques sont remplies de détails sur la façon dont les rois, depuis Robert le Pieux jusqu'à saint Louis, s'efforçaient de distribuer la justice, simplement, saris intermédiaire, dans la Salle de leur palais. Car le Palais est la demeure suzeraine où siège la justice[69], et la Salle est la pièce du logis où la justice est rendue. Dans la France du XIIe siècle, on en vint ainsi à parler généralement de la Salle, c'est-à-dire du tribunal royal, comme nous parlons aujourd'hui de la Chambre, pour désigner le lieu où se réunissent nos législateurs[70].

Un bailli de Philippe-Auguste désirait la terre laissée par un chevalier défunt. En présence de deux portefaix qu'il a payés, de nuit, il fait déterrer le mort, le somme de lui vendre sa terre, lui en propose un prix. Qui ne dit mot consent. Quelque monnaie est mise dans les mains du cadavre, replacé ensuite dans sa bière. La veuve porte plainte au roi quand elle voit envahir son domaine. Le bailli arrive avec ses deux témoins qui affirment la réalité de la vente par le défunt. Philippe-Auguste flaire un subterfuge. Une nombreuse assistance se trouvait comme de coutume en présence du roi siégeant en son palais. Philippe-Auguste prend à part l'un des portefaix :

Récite le Pater noster.

Et, pendant que le portefaix récitait, le roi répétait à voix haute :

C'est bien, tu dis exactement.

Puis, prenant à part le second témoin :

Voyons, dis exactement, loi aussi !

Le second portefaix, persuadé que tout est révélé par son camarade, dénonce le stratagème du bailli, que Philippe-Auguste s'empresse de condamner. Le chroniqueur ajoute :

Ce jugement vaut celui de Salomon.

A Paris, en la Salle, le roi tenait son Parlement. Entre ses barons, au nombre de cinq cents et plus, il était assis dans un fauteuil. Un avocat s'avança, ôta son chaperon et commença son plaid. Il défendait les intérêts d'une demoiselle de moult gente façon qui se déclarait opprimée par le comte d'Anjou. Au moment où elle s'apprêtait à contracter mariage avec Hermant d'Avignon, le comte ne lui en avait-il pas fait défense, sous prétexte qu'elle était sa serve, et il prétendait, ajoutait l'avocat,

Que tout li hoir qui tiennent le fief de sa person

Ne poent prendre femme, n'aussi prendre baron,

For par l'accort du prinche qui tient la région ;

De coi nous faisons chi nos protestation

De n'avoir cous et frais, s'il ne monstre raison,

Et lettres saielées qui viègnent des taion [notaire]

Ou des boins anchisseurs [ancêtres] de la dame de non [de la noble dame][71].

Mais Louis IX rend la justice plus familièrement dans sa chambre, assis au pied de son lit, ou bien à l'ombre des chênes de Vincennes, entouré de ses conseillers.

Les bonnes gens, désireux de voir régler leurs conflits, se pressaient à la porte du palais. Le saint roi envoyait vers eux l'un ou l'autre de ses familiers qui s'efforçait de les accommoder : de là, les célèbres plaids de la porte. Que si ces officiers ne parvenaient pas à mettre les plaideurs d'accord, le roi faisait venir ces derniers par devers lui. Relisons les pages si connues de Joinville :

Le roi, dit-il, avoit sa besogne réglée en telle manière que Mgr de Nesle et le bon comte de Soissons et nous autres qui étions autour de lui, qui avions ouï nos messes, allions ouïr les plaids de la porte qu'on appelle maintenant les requêtes. Et quand il revenoit du moutier (église), il nous envoyoit guerre et s'asseyoit au pied de son lit et nous faisoit tous asseoir autour de lui et nous demandoit s'il y en avoit aucun à expédier qu'on ne pût expédier sans lui ; et nous les lui nommions, et il les faisoit envoyer guerre et il leur demandoit :

Pourquoi ne prenez-vous pas ce que nos gens vous offrent ?

Et ils disoient :

Sire, c'est qu'ils nous offrent peu.

Et il leur disoit ainsi :

Vous devriez bien prendre cela de qui voudroit vous le faire.

Et le saint homme se travailloit ainsi, de tout son pouvoir, pour les mettre en voie droite et raisonnable.

Nous arrivons à la scène si connue du bois de Vincennes :

Maintes fois il advint qu'en été il s'alloit asseoir au bois de Vincennes après sa messe, et s'accotoit à un chêne et nous faisoit asseoir autour de lui. Et tous ceux qui avoient à faire, venoient lui parler sans des-tourbier d'huissiers ni d'autres. Et lors il leur demandoit de sa bouche :

A-t-il ici nullui qui ait partie ?

Et ceux-là se levoient qui avoient partie et lors il disoit :

Taisez-vous tous, et on vous délivrera l'un après l'autre.

Et alors il appeloit Mgr Pierre de Fontaines et Mgr Geoffroi de Villette et disoit à l'un d'eux :

Délivrez-moi cette partie.

Et quand il voyoit aucune chose à amender en la parole de ceux qui parloient pour lui, ou en la parole .de ceux qui parloient pour autrui, lui-même l'amendoit de sa bouche[72].

Il en allait de même à Paris dans le jardin du roi, à la pointe du Palais de Justice :

Je le vis aucune fois en été, écrit Joinville, que, pour délivrer ses gens, il venoit au jardin de Paris, vêtu d'une cote de camelot, d'un surcot de tiretaine sans manches, un manteau de cendal noir autour du cou, très bien peigné et sans coiffe, et un chapeau de paon blanc — en plumes de paon blanc — sur sa tête. Et il faisoit étendre des tapis pour nous asseoir autour de lui, et tout le peuple, qui avoit affaire par devant lui, se tenoit entour de lui debout. Et alors il les faisoit expédier en la manière que je vous ai dite du bois de Vincennes[73].

Récit confirmé par un autre chroniqueur contemporain, Jean du Vignay : Et pour ce qu'il doutoit que les petites causes venissent à peine — difficilement — devant lui, il alloit, deux fois la semaine au moins, en un lieu où chacun le pouvoit voir, pour ouïr les complaignants et, moyennant droiture et miséricorde du peuple, il faisoit les causes dépêcher rapidement[74].

Et la foule, qui se pressait autour de lui, accueillait ses sentences par des acclamations. Ils s'escrioient à Nostre-Seigneur et le prioient que Dieu donnast au roy bonne vie et longue et le maintint en joie et en santé[75].

Quant aux principes qui le dirigeaient en cette répartition de la justice, saint Louis les indiquera au cours de ses enseignements :

Cher fils, s'il avient que tu viennes à régner, pourvois que tu aies ce qui à roi appartient, c'est-à-dire que tu sois juste, que tu ne déclines ni ne dévies de justice pour nulle chose qui puisse avenir. S'il avient qu'aucune querelle, qui soit mue entre riche et pauvre, vienne devant toi, soutiens plus le pauvre que le riche et, quand tu entendras la vérité, si leur fais droit[76].

En ses sentences, le roi suivait d'ailleurs ce qui lui paraissait l'équité plutôt que des textes législatifs et cela en vertu du caractère même de son autorité[77].

Telle fut d'ailleurs essentiellement, et l'on serait presque tenté de dire uniquement, l'œuvre de saint Louis ; c'est en rendant la justice encore et toujours, du matin au soir, en quelque lieu qu'il se trouvât, de quelque question qu'il s'agit, en quelque circonstance qu'il fût placé, c'est en se maintenant obstinément, inlassablement, invinciblement loiaus et roide à tenir justice et droiture, sans tourner à destre ne à senestre, mais adès à droit — nous reprenons ses propres paroles[78] — qu'il gouverna son pays, le maintint dans les moments les plus critiques en honneur et en prospérité, et laissa à ses sujets le souvenir d'un gouvernement idéal.

Les plaids de la porte dont il vient d'être question produisirent, dès le règne de Philippe le Long, la Chambre des requêtes[79]. Ils estoient deux ordinairement suivans la Cour, l'un clerc et l'autre laie, et s'appuyoient sur une barre pour recevoir les dites requestes à la porte de la chambre du roy[80]... Ces deux auditeurs se multiplièrent jusqu'à huit, et grandirent encore en nombre au XVIe siècle. Ils forment alors l'une des juridictions du Parlement, où ils sont établis près la porte de la grande salle, vers la galerie des merciers et qu'on appelle les requestes du Palais[81].

 

VII

Dans ce même Jardin de Paris, en aval du Palais de justice, où Joinville a rencontré saint Louis mettant si paternellement fin aux conflits de ses sujets, nous trouverons ses successeurs occupés aux mêmes fonctions, et cela jusqu'à Louis XII, jusqu'au seuil de l'âge moderne[82].

Por la justice les pauvres gens y vont,

dit le poète[83].

Une miniature de Loïset Liedet (XVe siècle), conservée à la Bibliothèque de l'Arsenal[84], représente Charles V assis sous le péristyle de sa demeure, en face de la grande porte ouverte, là où Joinville nous a montré saint Louis. Il est entouré de trois ou quatre conseillers. Devant lui, les plaideurs discutent avec véhémence, car l'un d'eux en perd son chapeau ; cependant que s'éloignent, par la route qui se perd dans le fond du paysage, une théorie de plaideurs satisfaits, deux par deux, les adversaires réconciliés allant bras dessus bras dessous et devisant cordialement de la manière dont le roi vient d'accommoder leurs affaires. Nos rois, écrit Ducange[85], ont voulu recevoir eux-mêmes les plaintes de leurs sujets et, pour leur donner un accès plus libre vers leurs personnes, ils se sont en quelque façon dépouillés de leur pompe, sont sortis de leurs sacrés palais et sont venus seoir à leurs portes, pour faire justice, indifféremment à tous ceux qui la leur venaient demander.

Le solide érudit qu'est André Duchesne en devient lyrique :

Et tout ainsi, écrit-il[86], que les rois d'Israël édifièrent leurs maisons de parfums, où estoient toutes sortes de lionnes odeurs et senteurs excellentes, et que ceste maison ne se pouvoit approcher et que l'on ne se sentît soudain une incroyable suavité ; — ainsi nul n'approche cette maison de justice (le logis du roi) qui de loin ne perçoive une senteur d'excellentes et gracieuses odeurs qui y résident : je dis de cette justice laquelle, comme la fleur de lis, embaume l'air de sa douceur.

Et le bon Bodin qui traduit si naïvement, et si fortement aussi, les conceptions de ses contemporains :

Quand les sujets voient que leur prince se présente à eux pour leur faire justice, ils s'en vont à demi contents, ores qu'ils n'aient pas ce qu'ils demandent :

Pour le moins, disent-ils, le roi a vu notre requête, il a ouï notre différend, il a pris la peine de le juger. Et si les sujets sont vus, ouïs et entendus de leur roy, il est incroyable combien ils sont ravis d'aise et de plaisir[87]. Bodin ajoute : Joint aussi qu'il n'y a moyen plus grand pour autoriser ses Magistrats et officiers et faire craindre et révérer la justice, que de voir un roy séant en son trône pour juger.

 

VIII

Saint Louis, disait Joinville, fut l'homme du monde qui le plus se travailla de paix entre ses sujets[88].

Par son efficacité même, par sa beauté, par sa renommée, ce rôle de pacificateur rempli par les rois de France s'étendit jusqu'au delà des frontières. N'avait-on pas vu, dès le début du XIe siècle, un Robert le Pieux, à l'entrevue de Mouzon (1023), s'efforcer de faire adopter à l'empereur allemand Henri il des plans de paix universelle ? L'Allemagne y adhérerait et, par l'union de l'Allemagne et de la France, toute la chrétienté[89].

Rêves prématurés, et qui sans doute le seront toujours. Du moins est-on fier de constater que, du XIIe au XVIe siècle, l'arbitrage du roi de France est invoqué par les Anglais, les Impériaux, les Espagnols, empressés d'y plier leurs querelles, — pour la première fois par Fleuri II Plantagenet, en 1169, lors de son différend avec Thomas Becket, puis par Frédéric Barberousse, en 1244, lors de ses démêlés avec Innocent IV. Les deux seuls actes de saint Louis conservés aux archives de Meurthe-et-Moselle sont des sentences arbitrales qu'il introduisit entre des seigneurs mouvant de la couronne d'Empire[90]. Les maisons d'Avesnes et de Dampiere, les comtes de Chalon et de Bourgogne — Franche-Comté —, de Bar et de Lorraine, relevant de la suzeraineté impériale, lui défèrent leurs démêlés ; enfin, en 1264, les barons anglais et le roi Henri III s'en remettent à lui de les accorder. Bien plus, on voit les étrangers venir en simples particuliers à la Cour du roi, malgré la distance ; se rendre à Reims, à Paris, à Melun, à Orléans, pour demander à la main d'ivoire, dont l'action pacificatrice a répandu sa renommée clans toute l'Europe, de mettre fin à leurs différends[91]. Et tel fut le rôle de Philippe le Hardi, fils de saint Louis[92], ainsi que de Philippe le Bel ; le rôle de Charles. VII encore : Les nations estranges, écrit Henri Baude[93], venoient souvent devers lui à conseil pour le différend de leurs questions et la grant justice qu'il tenoit ; voire le rôle de Louis XI, auquel furent soumis la contestation entre les rois d'Aragon et de Castille, au sujet de la ville d'Estelle, et un autre différend entre le roi d'Aragon et les Catalans. Il se rendit à ce sujet sur la frontière de Saint-Jean-de-Luz, où il étonna, par la simplicité de ses façons, les Espagnols accoutumés à la solennité de leurs princes. Ils voyaient arriver Louis XI, arbitre de leurs monarques, en justaucorps de drap tanné et en chapeau gras bordé de coquilles. Ce n'est pas là un roi, disaient-ils, mais un pèlerin de Saint-Jacques[94].

Descrire icy les différends des Roys voisins qui se sont rapportés à la justice de France, note Louis d'Orléans, ce seroit pour faire un gros volume[95].

 

IX

Encore n'avons-nous là sous les yeux, pour vaste qu'elle paraisse, qu'une partie de la tâche accomplie. S'il est vrai que, avec le temps, l'autorité judiciaire du roi fût parvenue à faire régner une paix relative entre ses turbulents vassaux, on voit apparaître, vers le milieu du XIIe siècle, une autre source de discorde : ce ne sont plus les luttes de seigneur à seigneur, de ville à ville, de ville à seigneur, de famille à famille ; mais les dissensions intestines, non moins âpres, non moins sanglantes, au sein de chacun de ces groupes locaux.

Tant que l'organisation sociale s'était montrée vaillante, tant que les seigneurs avaient généralement rempli vis-à-vis de leurs vassaux les devoirs qui leur incombaient et que ceux-ci leur étaient demeurés affectionnés et dévoués, chacune des petites sociétés, dont la féodalité se composait, avait tourné ses efforts contre ce qu'elle considérait comme l'étranger, c'est-à-dire contre les sociétés, seigneuries ou communautés voisines ; mais du jour où la féodalité commença à se désorganiser, du jour où se produisirent dans les villes les terribles luttes civiles qui firent couler des ruisseaux de sang — soulèvements des communes contre leurs suzerains, puis, à l'intérieur des cités, guerre féroce de la classe ouvrière contre le patriciat[96], suivie, après le triomphe du commun, des violents conflits entre les corporations dominantes. — l'autorité royale, toujours dans la seule vue de maintenir la paix, transforma proportionnellement l'action qu'elle avait été appelée à exercer, et progressivement cette action devint plus importante encore, elle pénétra jusqu'aux masses populaires, en s'accroissant précisément de tout ce que perdaient les autorités locales exercées par la noblesse féodale ou par le patriciat.

Et la paix du roi continua de s'étendre sur le pays.

Le spectacle devient saisissant à l'époque du roi Jean. Il est prisonnier à Londres. Quels flots de calamités tombent de ce moment sur le royaume qui devient la proie des plus effroyables déchirements ! Le désastreux traité de Brétigny sera la conséquence de la captivité du roi ; car la dernière expédition d'Édouard III en France (1359-1360) resta sans influence sur le cours des événements. Pour le salut du pays, il fallait que la prison du roi fût abrégée. Telle était la situation du monarque au sein de la nation, et telles étaient les conditions où vivait la nation elle-même, que l'absence du souverain — quelle que fût en la circonstance la médiocrité du personnage — déchaînait la guerre civile.

Jeanne d'Arc le comprendra bien quand elle mènera Charles VII à Reims (1429). Tant que le roi n'est pas sacré, il n'est pas pleinement souverain ; nombre de ses sujets ne se sentent pas tenus par les liens de l'obéissance. — En 1484 encore, les États généraux demandent que le roi soit sacré et couronné pour éviter les grands maux qui peuvent advenir[97].

Au XVIe siècle, les légistes continueront d'écrire :

Les grands fiefs se départent à l'épée, les petits à la plume[98] ; mais ils ne sont plus que l'écho du passé. Les guerres féodales ne marquent plus qu'un mauvais souvenir ; celle de Foix (1484-1512) en avait été la dernière ; partout le roi était parvenu à imposer sa paix et, comme l'entendait saint Louis, en rendant la justice.

Les troubles profonds de la Guerre de Cent ans avaient à peine retardé l'accomplissement de sa tâche.

Il faut s'imaginer, écrit M. Imbart de la Tour[99], cent cinquante ans d'invasions, de terreurs, de ruines, l'angoisse continuelle contre la menace, cette désolation des monastères et des églises, ce dépérissement des villes, cette solitude des campagnes, cette consommation effroyable de vies, pour comprendre toute la force du sentiment qui appelait un pouvoir réparateur. Le besoin de vivre supprimait tous les autres. A la fin de la Guerre de Cent ans, la Franco n'aspirait plus qu'à deux choses, l'ordre et l'unité. La royauté les lui donna. Plus que jamais à cette époque de croissance, elle a été l'âme créatrice. Seul, dans le conflit des intérêts locaux, le roi représente l'arbitrage de l'intérêt national ; seul, au-dessus des forces éparses, la permanence des desseins et l'hérédité de l'effort. Contre l'agression du dehors ou le morcellement du dedans, il a été, comme Charles VII, l'indépendance, comme Louis XI, l'unité politique. Sous Louis XII, il fut encore la prospérité et la justice. Jamais l'œuvre des réformes n'avait été aussi brillante, le pouvoir aussi bienfaisant. La France lui dut ces biens qu'elle souhaitait, le roi lui offrit par surcroît la gloire et, dans cette paix, cette prospérité, ses intérêts furent satisfaits comme son orgueil.

 

X

Ainsi au XVIe siècle, par le naturel épanouissement des forces vives qui avaient germé en elle, la France est parvenue, sous l'action pacificatrice de la monarchie, à réaliser dans sa constitution sociale cette perfection qui fait l'admiration des étrangers. Après la bataille de Pavie, Impériaux et Espagnols n'osent pénétrer en France sachant, dit Bodin, la nature de cette monarchie.

Et tout ainsi qu'un bâtiment appuyé sur hauts fondements et construit de matières durables, bien uni et joint en toutes ses parties, ne craint ni le vent ni les orages et résiste aisément aux efforts et violences ; ainsi la république — lisez le royaumeestant unie et jointe en tous ses membres ne souffre pas aisément altération[100].

En poursuivant à travers les siècles son œuvre de concorde, la royauté a non seulement mis la paix dans le royaume, elle lui a donné son unité[101]. On connaît la célèbre lettre écrite par les ambassadeurs vénitiens, au commencement du XVIe siècle :

Il y a des États plus fertiles et plus riches que la France, tels que la Hongrie et l'Italie ; il y en a de plus grands et de plus puissants, tels que l'Allemagne et l'Espagne, mais nul n'est aussi uni[102].

Cette constitution, en sa libre croissance, devait atteindre son point de maturité vers le milieu du XVIIe siècle et produire alors ce prodigieux règne de Louis XIV, dont l'éclat éblouit toute l'Europe, comme longtemps encore il éblouira la postérité. Aux yeux tout au moins des contemporains, la monarchie de Louis XIV réalisa l'idéal politique[103].

 

XI

Le moyen âge reconnaissait au roi, source de toute justice, le droit de condamner personnellement un accusé. Walter Map rapporte que Louis VII, ayant rencontré un jeune étudiant qu'un chambellan de la reine avait battu jusqu'au sang, fit venir le coupable et, pour instantes que fussent les prières de la reine qui demandait grâce, lui fit incontinent couper le bras. L'auteur de Girart de Roussillon décrit une Cour plénière. Le roi, qui craint qu'elle ne soit troublée par quelque noise, déclare qu'il n'y a si puissant homme auquel il ne fasse sur-le-champ crever les yeux s'il provoque quelque scandale. Le poète ajoute : Charles est le meilleur justicier qu'on connaisse[104]. Le roi avait le droit de punir, fût-ce de la peine de mort, par sa seule décision.

Les chroniqueurs de Jean le Bon en donnent un exemple remarquable, où l'on voit le prince prononcer une sentence capitale contre Raoul de Brienne ; mais il s'est entouré du connétable Gautier de Brienne, duc d'Athènes, chef de la famille à laquelle l'accusé appartenait, et des principaux de son lignage. Exercice de la justice royale dans sa pureté première et dans le cadre qui lui était le mieux adapté :

Le mardi seizième jour de novembre en l'an 1350, Raoul — de Brienne — comte d'Eu et de Guynes, lors connestable de France... fut pris en l'hostel de Neelle à Paris, là où ledit roy Jehan estoit, par le prévost de Paris, du commandement du roy. Et oudit hostel de Neelle fut tenu prisonnier jusques au jeudy ensuyvant, dix-huitième dudit mois de novembre ; et là, à heure de matines. en la prison, fut décapité, présent le due de Bourbon, le comte d'Armagnac, le comte de Montfort, monseigneur Jehan de Boulogne, le seigneur de Revel et plusieurs autres chevaliers et autres qui, du commandement du roy, estoient là. Et tut ledit connetable décapité pour très grans et mauvaises trahisons qu'il avait faites et commises contre ledit roy de France Jehan, lesquelles trahisons il confessa en la présence du duc d'Athènes et de plusieurs de son lignage[105].

Dans le livre de Christine de Pisan on trouve un autre exemple, où figurent de moins grands personnages, mais qui n'est pas moins caractéristique :

Vint une fois, nostre roy estant au chastel que on dit Saint-Germain-en-Laye, une femme veuve devers lui, à grant clamour et larmes, requérant justice d'un des serviteurs des offices de la Court, lequel, par commandement, avoit logé en sa maison, et cellui avoit efforcié une fille qu'elle avoit. Le roy, moult aïré du cas laid et mauvais, le fist prendre et, le cas confessé et ataint, le fist pendre sanz nul respit à un arbre de la forest[106].

Faits et coutumes qui se retrouvent au XVIIe siècle.

Le duc de La Vallette, fils du duc d'Epernon, avait fait échouer le siège de Fontarabie par son insubordination : mouvement d'humeur auquel il avait cédé dans son dépit d'être placé sous les ordres du prince de Condé. Louis XIII le cita à comparaître devant lui, dans son cabinet : le roi s'était entouré de quelques conseillers. Richelieu avait dressé l'acte d'accusation, à la suite duquel La Vallette fut condamné à mort ; mais il ne put être exécuté qu'en effigie, car il avait pris la fuite le 8 juin 1639[107].

Le chevalier de Rohan fut mis à la Bastille le 11 septembre 1674 pour haute trahison. Son procès fut instruit par une commission composée de MM. de Bezons et de Pomereu, conseillers d'État, mais jusqu'au jugement définitif exclusivement, Sa Majesté se réservant le jugement à sa personne. Rohan avait formé un complot dont le but était de favoriser le débarquement des Espagnols et des Hollandais à Quillebœuf. Louis XIV prononça la peine de mort contre le chevalier de Rohan qui eut la tète tranchée sur la petite place de la rue Saint-Antoine devant la Bastille, le 26 novembre 1674[108].

Il arrive d'ailleurs, que les sujets du roi, et ceux même qu'il a renfermés dans ses prisons d'État, repoussent les juges réguliers qu'on leur veut donner en déclarant qu'ils ne reconnaissent d'autre juge que le roi[109].

 

XII

A l'entrée des temps modernes, les transformations qui se sont opérées dans le cours des siècles, la multiplication et la facilité plus grande des moyens de transport, le prodigieux développement d'une ville comme Paris, ont amené autour de la résidence royale un peuple si nombreux, qu'un souverain tel que Louis XIV ne pourrait plus donner audience, comme saint Louis, à tous ceux de ses sujets qui viendraient débattre devant lui leurs différends. Cependant Louis XIV encore recevait chaque semaine ceux qui se présentaient, et les plus pauvres, les plus mal vêtus[110]. Dans ce moment les princes du sang, qui se trouvaient à la Cour, se groupaient auprès du roi : les bonnes gens passaient devant lui, à la queue le leu, et lui remettaient en propres mains un placet où leur affaire était exposée. Ces placets étaient déposés par le monarque sur une table qui se trouvait près de son fauteuil et ensuite examinés par lui en séance du Conseil, comme en témoigne la mention lu au roi, que nous trouvons sur nombre d'entre eux[111]. Cette cérémonie avait généralement lieu à Versailles dans la grande galerie.

Louis XIV en parle dans ses Mémoires :

Je donnai à tous mes sujets, sans distinction, la liberté de s'adresser à moi, à toute heure, de vive voix et par placets. Puis, ne trouvant pas que cela fût commode, ni pour eux ni pour moi, je déterminai un jour de chaque semaine auquel tous ceux qui avaient à me parler, ou à me donner des mémoires, avaient la liberté de venir dans mon cabinet et m'y trouvaient appliqué à écouter ce qu'ils désiraient me dire[112].

Une gravure populaire représente Louis XIV donnant une de ces audiences publiques. La disposition n'en est guère différente de celle que l'on voit sur la miniature représentant Charles V à l'huis du Louvre. Et au bas on lit cette légende :

Voici le grand roi Louis XIV. Il donne audience aux plus pauvres de ses sujets pour terminer promptement leurs différends. Salomon s'assit sur le trône pour juger ces deux pauvres femmes qui plaidoient à qui seroit l'enfant. Notre monarque l'imite parfaitement et nos grands rois et empereurs, Charlemagne et Louis-Auguste — sans doute saint Louis — : ils donnoient des audiences publiques comme lui ; ils y étoient obligés par loi expresse et l'avoient fait publier par tout le royaume.

Le nombre des placets augmentant encore, on dut fixer pour les recevoir, au lieu d'un jour, cieux jours par semaine. Une table était dressée clans l'antichambre où le roi soupait ; quand le prince ne pouvait y prendre place, son fauteuil demeurait vicie auprès de la table, derrière laquelle le Secrétaire d'État de la guerre se tenait debout. Après que la foule des solliciteurs s'était écoulée, le ministre recueillait les placets et les emportait chez lui ; où il les étudiait pour en rendre compte ensuite au Souverain[113].

Placets rédigés par les écrivains du Charnier des Innocents. Le scribe, la lunette sur le nez, la main tremblante et soufflant dans ses doigts, donne son encre, son papier, sa cire et son style pour cinq sols. Les placets au roi coûtent douze sols. attendu qu'il y entre de la batarde et que le style en est plus relevé. Mercier constate combien celte industrie était prospère sous Louis XIV. On recevait tous les placets, on les lisait, on y répondait. Les écrivains s'achetaient des perruques neuves. Arrive la Régence, où se rompent les traditions ; puis la jeunesse, la paresse, l'indolence de Louis XV : l'industrie des écrivains dépérit[114].

 

XIII

Il est infiniment curieux d'observer à quel point le peuple conserva, jusqu'à la fin de l'ancien régime, le sentiment du rôle joué par la personnalité royale : c'est elle qui continue à maintenir la paix ; le roi est toujours l'apaiseur.

Nous venons de citer le beau mot de Joinville disant que saint Louis avait été l'homme qui le plus se travailla de paix entre ses sujets ; au XVIe siècle, Henri IV pourra dire non moins justement à Casaubon, le grand érudit qui le surprenait au milieu de ses travaux et tracas : Vous voyez combien j'ai de peine, afin que vous puissiez étudier en paix. Le monarque populaire fut poignardé par Ravaillac le 14 mai 1610 : A cette nouvelle, écrit Richelieu[115], les plus assurés sont surpris d'une telle frayeur que chacun ferme ses portes dans Paris.

Nous lisons dans une lettre de Guy Patin à son ami Spon, en date du 2 mars 1643[116] : Le roi — Louis XIII — a été mal il y a quelques jours ; mais il est, Dieu merci ! mieux, hormis que le bon prince amaigrit fort. Il est à souhaiter qu'il nous dure longtemps, car nous n'eûmes jamais tant affaire de lui.

Au milieu même du XVIIe siècle, le souverain tombe-t-il malade, l'audace des bandes de malfaiteurs s'en accroit. Louis XIV s'est alité à Mardyck le 30 juin 1658 : On ne prend pas cette route de Fontainebleau, note un voyageur[117], parce que dans la forêt il y a danger d'être volé et, huit jours avant mon voyage, l'ordinaire y fut saisi et, la tète en bas, on lui fouilla toutes ses lettres. Il est vrai que c'était au temps de la grande maladie et même de l'appréhension de la mort du roi.

En 1725, l'héritier de la couronne était plus que jamais désiré. Sa naissance, dit M. de Nolhac[118], pouvait seule rassurer le pays, si le roi devait mourir jeune, contre les dangers d'une guerre civile.

Et l'avocat Barbier, le 30 août 1730, quand naquit le petit duc d'Anjou :

A la vérité, un second fils — du roi — est une grande assurance pour la tranquillité du royaume[119].

 

 

 



[1] Bodin, les Six livres, éd. de 1583, p. 1051. — Cf. Paul Viollet : Le roi qui continue les fonctions du père de famille, juge, I, 223.

[2] Luchaire, Institutions, I, 40 ; Ch.-V. Langlois, Philippe III, p. 256.

[3] Liber practicus de consuetudine Remensi, 73, dans Varin, Arch. législatives de Reims, 1re partie, Coutumes, p. 85, Paris, 1840, in-4° ; voir aussi Bachaumont à la date du 7 juin 1786, éd. or., XXXII, 92 ; d'Avenel, la Noblesse française sous Richelieu, pp. 25-26 ; Ch.-V. Langlois, Revue historique, XLII, 77.

[4] Les Carolingiens exercent une justice publique, les Capétiens exercent une justice privée. Flach, III, 370.

[5] Diplôme à l'abbaye de Corbie, ap. D. Bouquet, X, 552, D. Montfaucon fait observer que la main de justice apparaît pour la première fois sur un sceau de Hugues Capet, Monuments de la monarchie française, I, XXXVI.

[6] Lettre authentique du comte Eude II au roi Robert dans le Bulletin de la Soc. Dunoise, II, 60, et D. Bouquet, X, 502, A.

[7] Suger, Vie de Louis le Gros, chap. XXXII, ap. Œuvres complètes, éd. Lecoy de la Marche, p. 143.

[8] Luchaire, ap. Lavisse, III1, 279.

[9] Abbon, éd. D. Bouquet, X, 627.

[10] Abbon, IV, 478.

[11] D. Bouquet, X, 448, B.

[12] Girart de Roussillon, § I, trad. P. Meyer, p. 1.

[13] Ordonnance de 1499, ap. Isambert, XI, 219, 339.

[14] Seyssel, éd. de 1558, f. 33.

[15] Traité de la réformation de la Justice, p. 28 ; Bodin (éd. de 1583, p. 610) et Guy Coquille (éd. de 1703, in-fol., III, 5) ne sont pas moins précis.

[16] Loys d'Orléans, les Ouvertures des Parlements, Paris. 1607, in-4°, f. 24.

[17] Car toute laie juridiction du royaume est tenue du roy en fief ou arrière-fief. Beaumanoir, éd. Beugnot, I, 163. — La royauté était la source de toute justice ; le pouvoir judiciaire résidait tout entier dans le roi. Esmein, p. 430. — Cf. Imbart de la Tour, I, 38-39.

[18] D. Bouquet, X, 628.

[19] Bodin, les Six livres, éd. de 1583, p. 1056.

[20] Pfister, p. 162.

[21] Li Coronemens Looys, vers 1995-97, éd. Jonckbloet, Guillaume d'Orange, I, 53. — Cf. le passage célèbre du Roman de la Rose, partie écrite par Jean de Meung, éd. Marteau, II, 356.

[22] Richer, I, 4, éd. Waitz, pp. 3-4.

[23] Guilhiermoz, p. 462.

[24] Richer, I, 4, éd. Waitz, pp. 3-4.

[25] Girart de Roussillon, § 76, trad. P. Meyer, p. 36.

[26] Fabliau du vair palefroi, ap. Montaiglon-Raynaud, I, 34-35.

[27] Vers 1049. — Cartulaire de Talmond, ch. I, p. 68.

[28] Publ. par Ch. Pfister, Robert le Pieux, 170, LX. — Cf. Luchaire, ap. Lavisse, II2, 135 ; Esmein, p. 609.

[29] Flach, II, 450-451.

[30] Luchaire, ap. Lavisse, II2, 314-315.

[31] Suger, Vita Ludovici Grossi reges, cap. XXIII, p. 93 de l'éd. Lecoy de la Marche, Paris, 1867 (citation abrégée).

[32] Luchaire, ap. Lavisse, II2, 316.

[33] Girart de Viane, éd. Tarbé, p. 24.

[34] Se hâtant de prévenir les pillages, querelles, séditions et autres désordres qui éclatent d'ordinaire à la mort du roi, il (Louis VII) revint promptement à la cité d'Orléans... Vie de Louis le Jeune, trad. Guizot, VIII, 209.

[35] Bibl. de l'École des Chartes, III, 126. — Cf. D. Bouquet, XV, 511 : Quia carissimi domini nostri regis Francorum Ludovici (VII) longa peregrinationis absentia, perversorum tergiversationibus et molestiis regnum graviter moveri videmus...

[36] Luchaire, ap. Lavisse, II2, 315.

[37] And. Duchesne, Antiquitez, éd. de 1609, pp. 487-488.

[38] Girart de Roussillon, § 331, trad. P. Meyer, p. 167.

[39] L. d'Orléans, éd. de 1607, p. 24 ; And. Duchesne, Antiquitez, éd. de 1609, pp. 487-488.

[40] Helgaud, éd. D. Bouquet, X, 99, A.

[41] Voir également, Vie de Louis le Jeune, trad. Guizot, VIII, 223. Si l'autorité des rois ne veillait, les puissants opprimeraient excessivement les faibles...

[42] Gaydon, vers 3522, éd. Guessard et Luce, p. 107.

[43] Girart de Viane, éd. Tarbé, p. 82.

[44] Gaydon, vers 4723 et 4891, éd. Guessard et Luce, pp. 143 et 148.

[45] Girart de Roussillon, trad. P. Meyer, pp. 122, 142, 143, 200 ; Joinville, éd. N. de Wailly, p. 30.

[46] Garin le Loherain, trad. P. Paris, pp. 320-321.

[47] Gaydon, vers 2387-2391, éd. Guessard et Luce, pp. 72-73.

[48] Gaydon, vers 2629-2634, p. 80.

[49] Beaumanoir, chap. LIX, § 1670-1671 et t. II, pp. 355-356 de l'éd. Salmon.

[50] Beaumanoir, chap. LX, § 1702 et t. II, pp. 371-372 de l'éd. Salmon.

[51] Beaumanoir, chap. LX, g 1702 et t. II, p. 372 de l'éd. Salmon.

[52] Bern. de Peterborough, éd. Stubbs, II, 34.

[53] D. Bouquet, X, 628.

[54] Vie de Louis le Jeune, trad. Guizot, VIII, 225-26.

[55] Cf. Flach, I, 140, et Luchaire, ap. Lavisse, II2, 135.

[56] Lavisse, ap. Revue historique, XXVI, 238. — Cf. L. Huberti, Gottesfrieden u. Landsfrieden, t. I. Die Friedesordnungen in Frankreich, 1892.

[57] Isambert, Anciennes lois françaises, I, 153.

[58] Beaumanoir, chap. LIX, § 1682 et t. II, p. 361 de l'éd. Salmon.

[59] Établissements de saint Louis, I, 31 ; — Beaumanoir, chap. LX, § 1699 et t. II, p. 370 de l'éd. Salmon.

[60] Ch.-V. Langlois, Philippe III, pp. 200 et suivantes ; Esmein, p. 250.

[61] Flach, III, 329 ; — Luchaire, ap. Lavisse, III1, 297-298.

[62] P. Viollet, Institutions, I, 312.

[63] A. Luchaire, Institutions, I, 45.

[64] Vie de saint Arnould, ap. Mabillon, S. B. VI, 2, p. 530.

[65] Le Play, l'Organisation du travail, p. 78.

[66] Pfister, Robert le Pieux, p. 156.

[67] Aymeri, vers 620-625, éd. Demaison, II, 28.

[68] Enfance d'Ogier, éd. A. Scheler, Bruxelles (1874), 7844.

[69] Viollet-le-Duc, Dictionnaire d'architecture, VII, 1 et 4.

[70] Bauduin de Sebourc, chant XXII, vers 40, éd. Boca, II, 312.

[71] Bauduin de Sebourc, chant XXIV, vers 56-71, éd. Boca, 342-343.

[72] Joinville, éd. N. de Wailly, pp. 21-22.

[73] Joinville, éd. N. de Wailly, p. 22.

[74] D. Bouquet, XXIII, 68.

[75] Joinville, éd. N. de Wailly, p. 43.

[76] Enseignements de saint Louis à son fils Philippe, dans le Confesseur de la reine Marguerite, éd. D. Bouquet, XX, 85, A-B.

[77] Voir Natalis de Wailly, Éclaircissements sur le pouvoir royal, la suite de l'Histoire de Saint Louis par Joinville, Paris, 1874, in-8°, pp. 455-457 ; cf. Viollet, II, 211.

[78] Joinville, éd. N. de Wailly, p. 264.

[79] Et. Pasquier, les Recherches de la France, ap. Œuvres, éd. in-fol. (Amsterdam, 1723), t. I, col. 56 et 59 ; — La Roche-Flavin, liv. I, § 9, p. 6 de l'éd. de 1621 ; — Wallon, II, 173 ; — Boutaric, la France sous Philippe le Bel, pp. 201-202 ; — Esmein, p. 381.

[80] L. d'Orléans, éd. de 1607, pp. 36-37.

[81] L. d'Orléans, éd. de 1607, pp. 36-37.

[82] Boutaric, p. 201.

[83] Li Coronemens Looys, vers 32, éd. Jonckbloet, Guillaume d'Orange, I, 2.

[84] Bibl. de l'Arsenal, ms. 5187 (œuvres de Froissart), f. 1.

[85] Ducange, Deuxième dissertation sur Joinville, VII, 10.

[86] And. Duchesne, Antiquitez, éd. de 1609, p. 40.

[87] Bodin, les Six livres, p. 611.

[88] Joinville, éd. N. de Wailly, p. 245.

[89] Luchaire, ap. Lavisse, II2, 137.

[90] Émile Duvernoy, ap. Revue des Études historiques, 1902, p. 74.

[91] Joinville, éd. N. de Wailly, p. 246.

[92] Ch.-V. Langlois, le Règne de Philippe III, pp. 86-87.

[93] Cité par Beaucourt, Charles VII, VI, 449.

[94] Duchesne, Antiquitez, éd. de 1609, p. 336 ; Ch. Sorel, Divers traitez sur les droits et les prérogatives des rois de France (Paris, 1666, in-8°), pp. 173-174.

[95] L. d'Orléans, les Ouvertures des Parlements ; éd. de 1607, f. 23. Cf. La Roche-Flavin, liv. XIII, chap. IV, § 4, p. 894 de l'éd. de 1621.

[96] Voyez le tableau d'ensemble tracé par Beaumanoir, chap. L.

[97] Cayer présenté au roy et son Conseil par les troys Estatz, éd. A. Bernier, Journal des États généraux (1484), par J. Masselin (Coll. docum. inédits), pp. 661-662.

[98] 7 juillet 1502. Imbart de la Tour, les Origines de la Réforme, I, 144-145.

[99] Imbart de la Tour, les Origines de la Réforme, I, 205.

[100] Bodin, liv. IV, chap. I, p. 539.

[101] Cf. Viollet, Histoire des Institutions politiques et administratives de la France, II, 19-20 ; — Luchaire, ap. Lavisse, III1, 65.

[102] Viollet, Hist. des Institutions..., II, 20.

[103] André Lemaire, Lois fondamentales de la monarchie française, p. 186.

[104] Girart de Roussillon, § I, trad. P. Meyer, p. 1 ; Viollet, Institutions, II, 210-213.

[105] Chronique des règnes de Jean II et de Charles V, publiée par R. Delachenal pour la Soc. de l'hist. de France, I (1910), 28-30. — Quelles étaient ces grandes trahisons ? D'après la chronique de Jean le Bel et celle de Jean de Noyai, Raoul de Brienne se serait rendu coupable d'une intrigue amoureuse avec Bonne de Luxembourg, première femme de Jean II.

[106] Le livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles Ve... par Christine de Pisan, Bibl. nat., ms. franç. 10 153, f. 15 v°-16 r°.

[107] Jacq. Boulanger, le Grand Siècle, p. 96.

[108] Bibl. de l'Arsenal, ms. 10 336, doss. Rohan.

[109] Ravaisson, Archives de la Bastille, I, 72. — D'autres faits sont cités par Locré, Législation civile et criminelle, I (Paris, 1822, in-8°), 149-150.

[110] Ravaisson, Archives de la Bastille, VI, 101.

[111] Voyez pour exemple, Bibl. nat., ms. 8 121, f. 144. Cf. Mme de Motteville, Mémoires, éd. Riaux (1904), IV, 254.

[112] Mémoires de Louis XIV, ad. ann. 1666.

[113] Saint-Simon, éd. Chéruel, XII, 273-274.

[114] Mercier, Tableau de Paris, éd. de 1782, I, 266-267.

[115] Richelieu, Mémoires, I, 36.

[116] Guy Patin à Spon, 2 mars 1643, éd. Triaire, I, 266.

[117] Notes d'un voyageur du Pont-Saint-Esprit à Paris, éd. Revue des Études historiques, 1904, p. 271.

[118] Nolhac, Marie Leczinska, p. 150.

[119] Chronique de la Régence et du règne de Louis XV ou Journal de Barbier, éd. de 1866, in-16, II, 125.