LA MORT DE LA REINE

LES SUITES DE L'AFFAIRE DU COLLIER — D'APRÈS DE NOUVEAUX DOCUMENTS RECUEILLIS EN PARTIE PAR A. BÉGIS

 

VI. — JOSEPH BALSAMO[1].

 

 

Que si le baron de Breteuil eût pu faire connaître au public les dossiers formés par les soins du commissaire Fontaine, Cagliostro n'aurait sans doute pas trouvé d'aussi fervents admirateurs. Fontaine avait découvert — et les documents réunis dans la suite par le tribunal de l'Inquisition à Rome confirmèrent de tous points ses recherches — que l'illustre prophète, qui conversait jadis avec le Christ à l'ombre grise des oliviers, était né à Palerme le 8 juin 1743. Il s'appelait Joseph Balsamo, fils de Pierre Balsamo et de Félicie Braconieri, sa femme. Son père, d'extraction juive, était un petit commerçant de Palerme qui avait fait banqueroute ; il était mort à quarante-cinq ans. La mère était demeurée veuve avec son fils Joseph et une fille Jeanne-Josèphe-Marie. En 1758, âgé de quinze ans, Joseph Balsamo avait pris l'habit des Frères de la Miséricorde, dont la mission était de soigner les malades ; mais il n'était demeuré que peu de temps dans leur Ordre, où il avait cependant appris des éléments de pharmacie.

La recherche des trésors faisait fureur en Sicile, non moins qu'en France, un siècle auparavant. Le jeune Balsamo devint chercheur de trésors. Il avait beaucoup d'esprit et fit accroire à un riche orfèvre de Palerme, le bonhomme Marano, que, dans une grotte, au milieu de la campagne, se trouvait un trésor immense dont il le rendrait possesseur. Marano donna deux cents onces d'or. Rendez-vous fut pris. La nuit était belle au clair de la lune. Balsamo commença ses incantations. Tout à coup parut une bande de démons tout de noir vêtus, qui tombèrent sur Marano et le rossèrent d'importance. Le bonhomme était volé et battu. Le malheur voulut que Balsamo ne put garder pour lui ce trait, très drôle évidemment ; si bien que l'orfèvre l'entendit et paya des spadassins pour poignarder le jeune magicien, lequel, en toute hâte, gagna la Calabre avec deux de ses associés, un prêtre et un domestique. Mais ceux-ci étaient entrés clans leur rôle d'esprits frappeurs, au point que, une fois en Calabre, ils rossèrent Balsamo et lui prirent l'argent de Marano. Et Balsamo, à son tour volé et battu, arriva à Rome en 1760, dénué de toute ressource.

Les chefs-d'œuvre de la ville éternelle l'inspirèrent. Il apprit le dessin et y acquit rapidement une habileté surprenante. C'était un talent de copiste ; car il n'avait pas les dons de l'artiste qui crée. Balsamo copiait sur vieux papier, avec des encres spéciales, les eaux-fortes de Rembrandt, à ne pas distinguer l'original de la reproduction. Il imitait étonnamment les écritures et il atteignit à une réelle perfection dans l'art de contrefaire les testaments, ce qui l'obligea plus d'une fois à décamper prestement de l'endroit où il s'était fixé. Il fit ainsi des dessins à la plume pour de grands seigneurs romains, pour le cardinal Orsini, qui l'honora de sa protection ; mais sa fortune restait médiocre. L'amour le consola de l'indigence. Sur l'estrade de Pellegrini, au fond de la boutique d'un batadore, c'est-à-dire d'un fondeur de cuivre pour ornements d'équipages, il s'émut de la grâce douce et tendre d'une jeune fille : Lorenza Feliciani. Les yeux de Lorenza semblaient faits d'ombre transparente comme une eau profonde, ses cheveux qui ondulaient avaient la couleur du blé mûr, et ses lèvres étaient rouges avec des éclats de lumière comme les cerises au mois de juin.

Elle entrait dans sa quinzième année.

Et ce furent des rendez-vous chez une vieille Napolitaine voisine de l'échoppe du fondeur. Il parlait si bien, Balsamo, et l'enfant, la tête renversée sur ses genoux, l'écoutait, le regardant de ses grands yeux limpides. Le père trouvait sa fille trop jeune ; mais la petite déclarait qu'elle épouserait Balsamo ou qu'elle allait mourir. Le père céda et le mariage fut célébré en avril 1769, à la paroisse San Salvador in Campo.

Les dessins de Balsamo ne suffisaient pas à la subsistance de son ménage. Un marquis sicilien lui persuada de le suivre en Allemagne où il lui obtiendrait un brevet de capitaine au service du roi de Prusse et où il le prendrait en attendant comme secrétaire pour l'italien. On sait que donna Lorenza était, au dire des contemporains, une des beautés de l'Europe. Nulle ne la surpassait pour la blancheur du teint, pour la grâce et la douceur du regard. Balsamo et sa femme passèrent ainsi à Lorette, de là à Berg dans l'État de Venise, où ils eurent des démêlés avec la police à propos de lettres que le marquis sicilien, de concert avec Balsamo avait falsifiées.

Gœthe conte l'aventure. Les pièces fabriquées devaient être décisives dans un important procès de succession qui intéressait le Sicilien. Balsamo fut jeté en prison. Rempli de fureur, le marquis se rend chez le président du tribunal où il trouve dans l'antichambre l'avocat de la partie adverse. Il engage une discussion avec celui-ci, le saisit à la gorge, le jette à terre, le frappe, le piétine. Au bruit, le président sort de son cabinet. C'était, note Gœthe, un homme faible et qui se laissait influencer. L'avocat, roué de coups de pied et de coups de poing, en était devenu très timide. Et Balsamo fut mis en liberté — sans formalité aucune, dit Gœthe, sans même qu'il fût fait mention de son élargissement sur les livres d'écrou. Mais il lui fallut gagner d'autres climats. Balsamo et sa femme, après avoir vendu tous leurs effets, vinrent à Milan, dépourvus d'argent, puis à Gènes, d'où ils résolurent d'aller chercher fortune en Espagne.

Casanova rencontre les jeunes époux en 1770, à leur passage à Aix-en-Provence. Ils allaient vêtus en pèlerins. Ils devaient être, dit Casanova[2], des gens de haute naissance puisqu'en arrivant dans la ville, ils avaient distribué de larges aumônes. La pèlerine était, disait-on, charmante, toute jeune ; mais, très fatiguée, elle était allée se coucher en arrivant.

Le lendemain, Casanova sollicita l'honneur d'être reçu. Il logeait dans la même auberge. Nous trouvâmes la pèlerine assise dans un fauteuil, ayant l'air d'une personne excédée de fatigue, et intéressante par sa grande jeunesse, par sa beauté, qu'une teinte de tristesse relevait singulièrement, et par un crucifix en métal jaune, long de six pouces, qu'elle tenait entre ses mains. Le pèlerin, qui arrangeait des coquilles sur son mantelet de toile cirée noire, ne bougea pas ; il parut nous dire, en portant ses regards sur sa femme, que nous ne devions nous occuper que d'elle.

Nous allons à pied, fait Lorenza, vivant d'aumônes, afin de mieux obtenir la miséricorde de Dieu, que j'ai tant offensé dans ma vie. J'ai eu beau ne demander qu'un sol par charité, on m'a toujours donné des pièces d'argent et même d'or, en sorte qu'en arrivant dans chaque ville nous devons distribuer aux pauvres tout ce qui nous reste, afin de ne pas commettre le péché de manquer de confiance en la Providence éternelle.

Cette jeune femme, dit Casanova, bien loin d'afficher le libertinage, avait le maintien de la vertu. Invitée à écrire son nom sur un billet de loterie, elle s'excusa en disant qu'à Rome on ne faisait pas apprendre à écrire aux filles qu'on voulait élever pour être honnêtes et vertueuses. Tout le monde rit de cette excuse, excepté moi, qui me crus certain alors qu'elle appartenait aux dernières classes du peuple.

Les jeunes gens arrivèrent ainsi à Barcelone où Balsamo travailla pour le vice-roi. Mais, au bout de quatre mois, ils furent obligés de quitter la ville parce que le vice-roi, dit Lorenza, avait pris une fantaisie pour moi, voulait s'amuser avec moi, et, sur ce que je l'avais rebuté, avait pris beaucoup d'humeur contre nous et voulait nous chagriner et me faire arrêter, sous prétexte que je n'étais pas mariée. Ils allèrent à Madrid où ils passèrent l'année 1771, Balsamo travaillant pour le duc d'Albe. Ils y firent la connaissance d'un autre Sicilien qui leur joua d'autres tours, lesquels les obligèrent de partir pour Lisbonne ; mais la jeune femme ne supportant pas le climat de la ville, ils se rendirent à Londres en 1'772.

A Londres, Balsamo se donna comme peintre. Il s'associa à un nommé Pergolèse, dessinateur dans Campton-Street, mais ne tarda pas à se brouiller avec lui. Il logeait dans la même rue chez un tourneur. Il n'avait pas un écu en propriété, écrit un officier français qui le connut alors, s'enivrait, battait sa femme et avait le ton et les manières d'un drôle.

Balsamo fit à cette époque la connaissance d'un troisième Sicilien qui se faisait appeler marquis de Vivona. Ils furent tous deux reçus dans une société de quakers, secte austère et vertueuse. Aux beaux yeux de Lorenza, l'austérité de l'un desdits quakers se dissipa comme la brume aux rayons du soleil. Les lois pour la protection de l'honneur conjugal étaient déjà très sévères en Angleterre, et très pratiques : business are business. Il fut donc convenu entre Balsamo et Vivona que Lorenza donnerait rendez-vous au quaker. Celui-ci parait à l'heure marquée : le dialogue s'anime au point que le quaker, en nage, ôte son chapeau, sa perruque, son habit, son.... Lorenza pousse un cri, la porte s'ouvre : c'est le mari, Balsamo, avec le marquis de Vivona comme témoin ; et le quaker reçut la permission de sortir après avoir signé un dédommagement de cent livres sterling[3].

Les cent livres sterling n'empêchèrent pas Balsamo d'être, peu après, mis en prison pour dettes. Un lord anglais, que Lorenza appelle sir Dehels, l'en fit sortir et l'emmena avec sa femme dans un château qu'il avait près de Cantorbéry. Balsamo devait en peindre les murailles à fresques. Ce furent des peintures inimaginables et Cagliostro dut prendre le parti de venir avec sa femme chercher fortune à Paris. Mais avant de se mettre en route, il s'ennoblit et se créa marquis de Balsamo.

Nous sommes sur la fin de 1772. Le voyage jusqu'à Paris a été raconté par donna Lorenza elle-même.

Passant en France, dit la jeune femme, nous fîmes la connaissance de M. Duplessis, intendant de M. le marquis de Prie, qui nous fit toutes sortes de politesses ainsi qu'à mon mari. Et comme M. Balsamo lui montrait de ses ouvrages, M. Duplessis en parut surpris.

Vous ferez fortune à Paris, lui dit-il, je suis avocat au Parlement, je connais beaucoup de seigneurs, soyez sans inquiétude, je vous ferai présenter au roi. Il ne faut plus voyager. Votre femme est bien aimable, bien gentille, bien douce. Je ferai tout mon possible pour vous établir à Paris.

Arrivée à Calais, Lorenza confessa à M. Duplessis, qui se montrait de plus en plus empressé, qu'elle allait devoir demeurer dans le port n'ayant plus d'argent pour continuer la route.

Sur cela, M. Duplessis me fit toutes sortes d'amitiés et de promesses, me proposant de me conduire dans sa chaise jusqu'à Paris.

Et mon mari ?

Ne peut-il pas attendre quelque peu à Calais ? Il viendra plus tard.

Lorenza, qui savait les usages, repoussa avec vivacité cette proposition étonnante. Finalement il fut convenu qu'elle se placerait avec M. Duplessis dans une chaise de poste qu'il avait louée et que le mari suivrait, trottant à cheval : aussi bien le grand air et l'exercice ne pouvaient-ils que lui faire du bien.

Le joli voyage ! Le marquis de Balsamo admire la nature dans sa parure d'automne. Les bois ont pris des tons cuivrés. Les bouleaux et les trembles, aux ramures claires, ont des feuilles jaune citron qui s'enlèvent en notes vives sur les masses brun roux des chênes lourds. A l'horizon, où de fines vapeurs blanches, transparentes, s'étirent vers le ciel, les bois se perdent dans la brume du temps. Mais, renfermée dans la chaise de poste, qui roule, les panneaux bien clos, — car l'air est déjà vif en automne et la jeune femme doit avoir la gorge délicate, donna Lorenza est assise auprès de M. Duplessis ; tandis que Balsamo, tantôt prenant de l'avance, tantôt en arrière ou à côté de la voiture, galope superbe et joyeux. Il chante de sa voix puissante des chansons italiennes, aux notes larges et sonores qui vont au loin dans la campagne sans écho, cependant qu'au fond de la berline close, M. Duplessis dit à Lorenza :

Vous avez pris mon âme : je vous aime. Vous êtes jeune, vous êtes belle, votre peau est douce et dégage un pénétrant parfum. Il ne tient qu'à vous de faire mon bonheur. Je me charge de votre fortune. Je ne vous abandonnerai jamais. Lorsque nous serons à Paris, je ferai donner une place à Balsamo. Je ferai son bonheur à lui aussi. Je lui donnerai cent Jouis pour qu'il fasse un voyage à Rome[4].

Et ainsi tourmentée contre mon gré, poursuit Lorenza, j'ai été plusieurs fois tentée de ce.tor en chemin et d'abandonner M. Duplessis, afin de me soustraire à ses sollicitations et aux violences mêmes qu'il me faisait dans la voiture pour me témoigner son amour ; mais, connaissant le caractère bouillant et emporté de mon mari, je craignais de lui faire part de ce qui se passait, en refusant de continuer la route, et nous arrivâmes à Paris dans la matinée.

Le jour même, Duplessis logea ses compagnons de voyage dans l'hôtel de la marquise de Prie et, le soir, du consentement de Balsamo, qui se coucha fatigué du voyage, il mena sa femme à l'Opéra.

Ces façons, dit Lorenza, durèrent six semaines ou deux mois, et je ne peux me dispenser de déclarer que les manières généreuses de M. Duplessis, la tendresse qu'il me marquait, ses expressions amoureuses, ses promesses, me firent prendre de l'inclination pour lui, joint à ce que mon mari me causait parfois du chagrin par sa vivacité et sa jalousie.

Duplessis invitait fréquemment M. et Mme de Balsamo à dîner. Un dimanche soir, après le dessert, le marquis s'en alla faire visite au sieur Mercuroz, apothicaire, laissant sa femme et son hôte en tête à tête.

Parce que, note Lorenza, mon mari, quoique jaloux, avait confiance en moi.

Balsamo revint sur l'heure de minuit. Il avait passé une soirée charmante chez son ami l'apothicaire. On avait bu du vin de Samos, ce qui avait mis l'apothicaire dans une humeur admirable, et, ce soir, Balsamo avait été, sans aucun doute, le plus heureux des trois.

Depuis cette époque, poursuit Lorenza, M. Duplessis me témoigna, toutes les fois qu'il pouvait me rencontrer seule, qu'il était jaloux de mon mari. Il me faisait entendre qu'il fallait m'en séparer, qu'en France les femmes avaient cette liberté-là.

Lorenza fut ainsi logée par M. Duplessis chez une dame Théron, rue Saint-Honoré.

Mais ceci ne faisait plus du tout l'affaire de Balsamo. Sa confiance en sa femme n'allait pas jusqu'à se priver des avantages que son autorité de mari, rendant au bon moment visite à l'apothicaire, était susceptible de lui procurer. En janvier 1773, il déposa une plainte à la lieutenance de police et, le 2 février, la jolie Lorenza fut vulgairement enfermée à Sainte-Pélagie, en compagnie de bien d'autres femmes qui toutes y apprenaient de quelle façon les dames avaient en France la liberté de se séparer de leurs maris.

En 1775, Balsamo apparaît à Naples, menant un train de grand seigneur. Il se fait appeler lb marquis Pellegrino. On se souvient que c'est sur l'estrade de Pellegrini, qu'il avait, en 1769, rencontré Lorenza[5]. Il avait pour valet de chambre un nommé Laroca, qui s'était rendu fameux par ses aventures et avait aussi à Turin joué le rôle de marquis, quoique perruquier. Le marquis Pellegrino enseignait à faire de l'or, à changer le chanvre en soie et à fixer le mercure — pierre philosophale. De Naples, il se rend avec sa femme à Malte, d'où il revient à Naples en compagnie du chevalier d'Acquino.

1776 est la date du second voyage à Londres, où Balsamo prend pour la première fois le nom devenu fameux de comte de Cagliostro. Ce nom n'était pas absolument imaginaire. C'était celui d'un de ses grands-oncles maternels, originaire du petit bourg de la Noava, à huit lieues de Messine, qui avait été l'agent du prince de Villafranca. Cagliostro se donne alors comme astrologue et prétend être parvenu, avec le secours des astres, à réduire en certitudes les chances du tirage des loteries. Il a un procès avec une dame Fry de Chelsea qui lui réclame un collier, ce qui le fait mettre en prison au Kingsbench. Les colliers étaient évidemment pour lui porter malheur. Cagliostro disait que la dame lui avait donné ce bijou afin de rémunérer la justesse de ses combinaisons pour les loteries ; mais la dame assurait qu'elle le lui avait confié parce qu'il avait promis qu'avec les petits diamants il en ferait de gros. L'astrologue fut condamné à restituer le collier. Enfin il partit, après un séjour de six mois. Il laissait dans son appartement une grande malle, remplie, avait-il dit, d'effets précieux. Elle était vide.

En 1779, Cagliostro fait son fantastique voyage en Russie et en Pologne. Les détails donnés sur ses prodiges et ses escroqueries y prennent de telles proportions qu'on ne peut leur accorder créance.

Au commencement de 1780, le prophète arrive à Strasbourg, où nous l'avons connu[6]. Il est entouré d'une réputation mystérieuse et distribue des drogues aux gens qui, en foule, se pressent dans son hôtel. A Strasbourg, où il fit la connaissance du cardinal de Rohan, il resta trois ans et demi. Au milieu de 1783, il fait un voyage à Rome, Naples, Florence, Antibes. Le 1er décembre 1783, il s'installe à Bordeaux. Il est toujours médecin. Ses guérisons passent pour miraculeuses. La police est obligée de se charger du service de sa maison pour éviter. les désordres parmi la foule qui s'y précipite. Aux jours de consultation huit ou dix soldats montent la garde à la porte et dans l'escalier. Le 1er novembre 1784, il est à Lyon. Il s'y occupe plus particulièrement de l'organisation de ses loges maçonniques sur le rite égyptien. La loge mère est fondée à Lyon, et, en quelques mois, des loges filiales s'essaiment à travers la France. Le 30 janvier 1785, Cagliostro arrive à Paris ; la négociation du Collier était commencée.

D'où venaient ses ressources à cette époque ? D'une part, de ses loges égyptiennes, organisées un peu partout, dont chacune versait des cotisations qui contribuaient à sa subsistance, et, d'autre part, du cardinal de Rohan. Je me souviens, dit une note manuscrite, signée Rheinbold, sur un exemplaire de la lettre de Cagliostro au peuple anglais que possédait Xavier Marmier, je me souviens que, avant le procès du Collier, lorsque le cardinal de Rohan fil son dernier voyage à Strasbourg, il lui envoya par un de ses gens un sac de 1.200 à 1.800 livres, de son carrosse qui s'arrêta devant la porte de l'abbé Hüffel, prévôt de Saint-Pierre-le-Vieux, et que Cagliostro, pour faire une douceur à ce coureur, emprunta douze livres à la cuisinière de son hôte le prévôt, tant il était démuni d'argent. Ses richesses d'ailleurs étaient plus apparentes que réelles. Il éblouissait par un prodigieux étalage de diamants et de bijoux — qui étaient faux.

 

 

 



[1] Mêmes sources que pour le chapitre X de l'Affaire du Collier et le chapitre III du présent volume. En outre, les Mémoires de Casanova et l'Italiänische Reise de Gœthe. Voir aussi un article de M. Henry Bouchot, A propos de Joseph Balsamo, dans le Messager de la Marne du 26 mars 1878.

[2] Cette partie des Mémoires de Casanova est exactement confirmée par l'interrogatoire de Lorenza Feliciani du 20 février 1773, publié par Campardon, Marie-Antoinette et le Procès du Collier, p. 425-426.

[3] L'anecdote du quaker est établie, d'une part par l'interrogatoire de Lorenza Feliciani, du 2 février 1773 (Campardon, p. 426), d'autre part par le procès de l'Inquisition (Vie de Joseph Balsamo, p. 20-21).

[4] Interrogatoire de Lorenza Feliciani, publié par Campardon, p. 128.

[5] Une montagne au nord de Palerme s'appelle le monte Pellegrino.

[6] L'Affaire du Collier, chap. X.