MŒURS ROMAINES

 

LIVRE PREMIER — LA VILLE DE ROME

CHAPITRE UNIQUE

 

 

Si l’empire romain a joué un rôle unique dans le monde, Rome aussi, qui en était le centre, fut une ville unique par son influence métropolitaine, arrivée à son apogée dans la période qui nous occupe. Ce n’est pas qu’il n’y ait eu, qu’il n’existe même aujourd’hui, des villes encore plus gigantesques par leur étendue et leur population. Il paraît, comme on le verra plus loin, qu’à la même époque Alexandrie et Antioche couvraient un plus vaste espace que Rome. Sans parler des métropoles de la Chine et du Japon, dans l’extrême Orient, Londres et Paris, celles de l’Occident, l’ont certainement laissée loin derrière elles ; d’autres capitales, en Europe, et New York, en Amérique, sont en voie de l’égaler et peut-être de la surpasser, sous ces deux rapports. Mais jamais, ni dans l’antiquité, ni dans les temps modernes, on n’a vu une ville occuper une position plus dominante, jouer un rôle plus éclatant et peser d’un plus grand poids sur le monde contemporain ; jamais capitale n’a donné aussi exclusivement le ton, fixé davantage tous les regards et réglé d’une manière plus absolue, au moyen d’une centralisation puissante, les destinées d’un aussi vaste corps de domination »que Rome, dans les deux derniers siècles de la république et les deux premiers de l’empire. Ce n’est pas seulement comme siège et centre du gouvernement de tant de pays soumis à ses lois qu’elle imposait ; car, avec le relâchement des anciennes moeurs, après la rentrée triomphale de tant de généraux et gouverneurs de provinces, enrichis des dépouilles du monde, que les Lucullus, les Pompée, les Scaurus, étonnèrent par leur magnificence, un luxe inouï jusqu’alors avait fait de Rome, devenue la plus opulente cité de l’univers, le foyer principal des arts et des lettres, tout en y développant un raffinement de jouissances sensuelles dont les fascinations n’y apparurent bientôt que trop étroitement liées avec les conditions du pouvoir et la direction de la politique même.

En fait d’art et de littérature cependant, Rome, supérieure à toutes ses anciennes rivales dans la science positive de la domination, de la politique et de la guerre, n’était pas éminemment douée d’un esprit original et créateur. Mais, depuis les Scipions, elle était devenue l’élève de la Grèce, et ses complaisants précepteurs avaient mis humblement à son service toutes les ressources de leur génie propre et de leur habileté, dans chacune des branches oit ils excellaient. Littérateurs, artistes, rhéteurs, philosophes, historiens, désertant de plus en plus Athènes et le sol hellénique, affluaient sans cesse à Rome, pour y chercher fortune et s’y fixer. Alexandrie seule conserva l’auréole scientifique dont elle brillait depuis le temps des Ptoléméen. A l’exemple de Polybe, ami de Scipion Emilien, Denys d’Halicarnasse, Appien et Dion Cassius firent de l’histoire et des antiquités romaines l’objet de leurs travaux, et c’est encore à Rome que les deux plus célèbres doctrines de la philosophie grecque du temps, l’épicurisme et le stoïcisme, furent le plus goûtées et mises en relief. Ces milliers de statues dont Rome se peupla sous le règne d’Auguste, furent aussi généralement exécutées par des Grecs, et c’est à des artistes de la même nation que l’on dut tous les ouvrages de sculpture remarquables dont la ville s’embellit encore dans la suite. Aucun peuple, enfin, ne contribua plus que les Grecs à imprimer le cachet d’une véritable métropole du monde à la capitale de l’Italie, dans laquelle ne tarda pas à se refléter toute la civilisation de l’antiquité. Telle est la magie des souvenirs du passé de la ville éternelle, dont l’ancien prestige a été relevé, depuis sa chute, par celui du pontificat et de la renaissance des arts, que son attraction n’a jamais faibli, et que l’on voit encore aujourd’hui la politique italienne, dans la voie de centralisation unitaire où elle s’est engagée, fonder principalement sur la possession de Rome l’espoir d’une nouvelle résurrection du génie de la péninsule.

Parmi les témoins de l’ancienne grandeur romaine, les monuments qu’elle a produits et laissés après elle ne sont pas les moins éloquents. Une mention du rôle important que l’art joua dans la destinée du peuple. roi se trouve donc à sa place ici. L’art grec, en se naturalisant à Rome, y perdit certainement la pureté et la simplicité de son type originaire. L’idéal cessa d’y prédominer. Dans la sculpture notamment, ou préféra un genre qui se rapproche du portrait, comme le buste. Le génie romain apportait dans tout un esprit positif. Cette tendance se manifesta bien plus largement encore dans l’architecture romaine. Celle-ci, d’ailleurs, ne vécut pas seulement d’emprunts faits à l’art grec ; elle avait une base originaire d’Étrurie, mais qu’elle s’était depuis longtemps appropriée, dans l’emploi des voûtes et des arcades à toutes les constructions. monumentales. C’est à la combinaison de cet art italien avec les formes grecques que l’architecture romaine doit ce qu’elle gagna en grandiose, en magnificence et en solidité, comme aussi ce caractère général d’utilité pratique, qui donne un cachet tout particulier aux œuvres des Romains. Même en restant neutre dans la controverse, soulevée par Niebuhr, sur le caractère plus ou moins fabuleux des origines de Rome et de l’histoire de ses rois, il faut rappeler les importants travaux dont la tradition fait remonter les dates jusqu’à ce premier âge. C’est sous Tarquin l’Ancien qu’aurait été construit, suivant elle, l’égout principal (cloaca maxima), tandis que Servius Tullius aurait fait rebâtir en pierres façonnées les murs de la ville, et Tarquin le Superbe, décorer le grand cirque de portiques. Cependant l’usage des tuiles pour la toiture ne s’introduisit à Rome qu’après la guerre de Pyrrhus, et un progrès plus général, dans l’art de bâtir, ne paraît y être résulté que du contact avec les Grecs, dans la basse Italie ou Grande-Grèce, en Sicile et dans leur patrie originaire même. La conquête de la Grèce proprement dite surtout développa chez les Romains le goût de l’architecture et substitua des habitudes de luxe et d’élégance à leur simplicité primitive. Mais, quelle que fût, déjà vers la fin de la république, la magnificence déployée dans les temples. et édifices publics, ainsi que dans les palais et les villas des grands, les habitations de la masse des particuliers n’y participèrent que plus tard.

Jules César voulait renouveler Rome ; mais la mort l’empêcha d’exécuter ce projet, qu’Auguste se chargea de réaliser. Avec le règne de ce prince commence le bel âge de l’architecture romaine, qui se continue sous ses successeurs. C’est ainsi que les Romains de l’empire deviennent les grands bâtisseurs du monde et laissent partout de superbes monuments comme des signes éternels. de leur puissance. De l’ère impériale datent ces édifices et cons tractions innombrables, temples, palais, aqueducs, ponts, voies militaires, fortifications, amphithéâtres, arcs de triomphe, colonnes triomphales et sépulcres, qui, de la capitale, se répandirent sur les autres villes de l’Italie et couvrirent peu à peu tout le monde romain. L’ordre corinthien, comme le plus magnifique et le plus somptueux, devint l’ordre préféré dans le style des constructions de luxe ; puis, cet ordre même n’ayant plus paru assez riche à la Rome sensuelle et blasée de l’empire, l’ordre composite vint s’y joindre, avec l’abâtardissement de l’art. Sous Adrien, l’architecture romaine se montre encore très florissante ; mais, sous les successeurs des Antonins, elle marche rapidement à sa décadence. L’art architectural, suivant le déclin de la puissance même de l’empire, tombe avec lui.

Ce n’est pas, toutefois, la description des splendeurs monumentales de la métropole de l’ancien monde qui doit particulièrement nous occuper ici. Elle ne saurait donner que très imparfaitement l’idée du caractère et de la vie intime de cette grande cité. Nous n’empiéterons donc pas sur le domaine de l’archéologie et ne nous étendrons même pas davantage sur les détails topographiques. Beaucoup, de nos lecteurs ont vu de leurs propres yeux, sur les bords du Tibre, la ville aux sept ou plutôt aux dix collines[1], la Rome de la papauté. Il suffit d’en appeler à leurs souvenirs, ou de renvoyer aux photographies, aux plans et aux Guides des voyageurs.

L’important d’abord, pour notre sujet, c’est de bien faire saisir l’aspect général et la physionomie de Rome, dans les deux premiers siècles de l’ère chrétienne, ainsi que les particularités du mouvement intérieur de la ville des Césars. C’est nous remettre, pour ainsi dire, en présence des impressions journalières sous lesquelles s’agitaient les plus graves intérêts comme les plus grandes ambitions de l’époque, et se déployait, au sein de la métropole, l’action du gouvernement de-ce monde romain, dont un seul homme était devenu le souverain arbitre. C’est le tableau que nous allons aborder en premier, avec les ressources de l’érudition de M. Friedlænder, en nous attachant aux pas de notre savant guide.

 

Comme toutes les grandes cités, Rome, suivant un dicton vulgaire, n’a pas été bâtie en un jour. Les premières transformations générales qu’elle subit furent surtout occasionnées par deux grandes catastrophes, qui la frappèrent à quatre cent cinquante-cinq ans d’intervalle, le sac de la ville par les Gaulois, de l’an de Rome 362 correspondant à 391 avant J.-C., et le grand incendie de Néron, de l’an 64 de notre ère. Par une singulière coïncidence de date, tous les deux commencèrent le même jour (17 juillet).

Jusqu’au second de ces incendies, la capitale des Césars était loin de ressembler à ce qu’aujourd’hui nous appellerions une belle cité. Par suite de la précipitation avec laquelle on s’était mis à réparer le désastre causé par l’invasion. gauloise, elle avait été reconstruite sans plan et sans ordre, ce qui lui donnait l’apparence d’une ville bâtie au hasard[2]. Il n’y avait que des quartiers irréguliers, des rues étroites et tortueuses, entre ces pâtés informes de hautes maisons, dont les toits, couverts en bardeaux, rendaient l’aspect encore plus triste et plus sombre[3]. Il en était surtout ainsi à l’époque de la guerre avec Pyrrhus (vers l’an 470 de Rome ou 284 avant Jésus-Christ).

A la cour de Philippe II de Macédoine, en 174 avant Jésus-Christ, le parti hostile aux Romains faisait un thème de plaisanteries de cette physionomie disgracieuse de la capitale de l’Italie[4]. Même dans les derniers temps de la république (vers l’an 63 avant notre ère), Rome, avec ses rues mal établies, chevauchant par monts et par vaux, avec ses hautes maisons entrecoupées de ruelles, ne pouvait soutenir la comparaison avec Capoue, largement assise dans la plaine[5] et dont Stace encore, dans ses Silves, dit un siècle et demi plus tard :

.... magnæ tractus imirantia Roma ;

Quæ Capys advectis implevit mœnia Teucris.

L’admiration de Cicéron et de Sénèque[6], pour les embellissements de Rome, s’applique d’une manière exclusive à la magnificence des édifices et autres établissements publics, très nombreux dès lors, et pour lesquels on avait prodigué les dépenses. Ces travaux prirent surtout un développement grandiose sous le règne d’Auguste, qui transforma Rome d’une ville de briques en une ville de marbre ; mais, quel que fût déjà le nombre des palais existants ou élevés à cette époque, ces constructions de l’État et des grands ne modifièrent que peu le tracé des rues et le caractère général des maisons particulières.

Sous l’ibère encore on se plaignait de la hauteur de celles-ci et de l’étroitesse des rues, ainsi que du danger de l’écroulement des murs, en cas d’incendie, pour les fuyards cherchant à échapper aux flammes. C’est ce qui explique aussi la rapidité des progrès du feu, les terribles ravages de l’incendie néronien. Des quatorze quartiers dits régions de la ville, trois furent entièrement consumés ; de sept autres il ne resta que des ruines à demi calcinées. Les quatre que le feu épargna étaient probablement le. sixième et le septième (Alta Semita et Via lata, du Viminal au Champ de Mars), avec le quatorzième, au-delà du Tibre, et un autre sur lequel on n’est pas d’accord[7]. De ce vaste amas de cendres renaquit une ville toute nouvelle. Les maisons furent reconstruites jusqu’à une certaine hauteur en pierre gabine et albaine, ce qui les mettait à l’abri du feu, et l’on fixa des limites à l’élévation des bâtiments, autour desquels on ménagea des espaces libres. Des plans bien arrêtés servirent de règle dans la construction des quartiers nouveaux. On établit enfin des rues plus larges, mieux alignées et bordées d’arcades.

Cependant, même ces vastes travaux, qui embrassaient plus des deux tiers de la ville, n’y firent disparaître qu’en partie les inconvénients déjà signalés. Les plaintes, au sujet de la hauteur des maisons, ne discontinuèrent pas, même après le grand incendie. Pline fait observer qu’elles étaient bien moins hautes à Alexandrie. C’est qu’il y avait, à Rome, une raison majeure pour cette manière de bâtir la rareté et sans doute aussi la cherté des terrains obligeaient, dans une ville aussi fortement peuplée, d’élever étages sur étages[8] ; et cette raison dut subsister longtemps.

A cet égard, toutefois, l’échelle des anciens n’était pas la nôtre, et personne aujourd’hui, dans nos grandes villes, ne serait frappé d’une hauteur qui les épouvantait. Déjà Auguste, suivant Strabon, l’avait limitée sur la rue à 70 pieds romains[9] ou 20m,6, mais en permettant, pour les dépendances intérieures de ces vastes maisons, bourrées de locataires, c’est-à-dire pour les corps de bâtiment ne donnant pas sur la voie publique, une élévation plus grande, tolérance dont lés propriétaires ne se firent sans doute pas faute- de profiter. Néron réduisit encore la limite, et Trajan, s’il faut en croire Aurelius Victor[10], finit mémé par l’abaisser à 60 pieds ou 17m,7. Or, la première de ces hauteurs représente tout au plus une superposition de quatre étages, avec un entresol. Ces proportions n’étaient guère dépassées ailleurs. On ne mentionne qu’une seule maison poussée à cinq étages dans la célèbre ville d’Antioche, où cependant les plus grandes, d’après le rhéteur Libanius, n’étaient généralement que de trois étages. A Rome, un appartement au troisième effrayait déjà[11] ; au quatrième perchait le pauvre, dans un galetas, immédiatement sous le toit, où les colombes pondent leurs veufs, comme nous l’apprend Juvénal par ces vers de sa troisième satire, contenant la description de Rome :

.... tabulata tibi jaco tertia fumant :

Tu nescis. Nam si gradibus trepidatur ab imis,

Ultimus ardebit, quem tegula sola tuetur

A pluvia, molles ubi reddunt ova columbæ.

Aujourd’hui, dans des villes comme Paris, Lyon et Vienne, il y a partout des maisons de cinq à six étages, à Gênes et à Edimbourg on en voit même de huit à douze et plus ; tandis qu’à Rome, oit la hauteur ordinaire des maisons particulières, nous ne parlons pas ici des palais, varie actuellement de quarante à soixante-dix pieds, du pavé au toit, elles n’ont pas en général plus de deux à trois étages, non compris le rez-de-chaussée et l’entresol, et il n’en existe encore qu’exceptionnellement de six à sept étages, parmi celles qui sont de construction récente.

Dans le fait, ce qui, après comme avant le rajeunissement de la ville, devait y faire paraître les maisons plus hautes qu’elles ne l’étaient réellement, c’est l’étroitesse des rues. La configuration naturelle du terrain déjà, avec son mouvement continu de ravins et de collines, avait presque partout formé obstacle à l’établissement de voies droites, longues et d’une largeur suffisante ; d’autant plus que le fond des vallons était en. majeure partie- occupé par les places et marchés (fora), promenades, jardins et autres établissements publics. Les exceptions, telles que la rue Haute (Alta semita), qui courait probablement dans la même direction que la strada di Porta Pia de nos jours, sur les derrières du Quirinal, et la voie Large (via Lata), qui dépassait peut-être en largeur le Corso actuel, dont la partie méridionale y correspond, doivent avoir été rares. Les grandes perspectives d’Alexandrie et d’Antioche, coupées de rues magnifiques à angles droits, longues de plusieurs milles pour la plupart, ont de tout temps manqué à Rome.

Du reste, l’effet d’architecture des rues de la capitale de l’empire romain devait, au point de vue de nos idées modernes, beaucoup souffrir. de certaines particularités de la, manière de bâtir des anciens, que l’on remarque également à Pompéji[12]. Telles étaient les fréquentes déviations de la ligne droite dans les façades des maisons ; les fenêtres isolées, ou irrégulièrement pratiquées aux étages supérieurs, l’inégalité de hauteur entre les différentes parties du même corps de bâtiment, mais surtout une multitude de constructions accessoires, établies sur les côtés ou sur la devanture des maisons, et qui rétrécissaient précisément la voie dans les rues les plus passagères et les plus animées. Le rez-de-chaussée ne contenait pas de pièces ouvertes sur la rue, et le mur, du côté de celle-ci, y était même toujours sans fenêtres. Là où il y avait des arcades le commerce d détail trouvait des places commodes pour s’installer ; mais il n’existait d’arcades que dans les grandes rues. Partout ailleurs les tavernes, boutiques, magasins d’étalage, ateliers et débits de boissons, occupaient des bâtisses empiétant sur la rue. Ainsi, l’on voit à Pompéji, du côté de pelle-ci, presque dans chaque maison, quelques boutiques avec des comptoirs scellés au mur. Avec le mouvement perpétuel et tumultueux de la foule dans les rues de Rome, les inconvénients du rétrécissement de celles-ci par ces échoppes étaient parfois tels qu’il devenait urgent d’y remédier. Rogne tout entière, dit Martial [VII, 61], n’était plus qu’une immense taverne, où dés merciers et débitants de toute espèce, les bouchers, lés cabaretiers et les barbiers, avaient tellement fait main basse sur la rue qu’ils masquaient et encombraient partout le seuil des maisons. Ici pendaient des flacons de vin, attachés par des chaînes au pilier d’un cabaret ; là un barbier maniait son rasoir, au milieu de la foule. Des gargotes, enfumées et noircies par la suie, occupaient telle rue dans presque toute sa largeur, et le préteur, non moins que le commun des passants, était obligé de marcher dans la boue de la chaussée.

Les ateliers des artisans étaient pareillement installés dans ces échoppes ou tavernes, qui servaient aussi de stations ou d’auberges, distinguées pas des enseignes[13].

Les édiles veillaient à l’éloignement de tout ce qui pouvait encombrer la rue, sur la devanture des boutiques et des ateliers. Cependant, il était permis aux foulons d’y suspendre des effets d’habillement, pour les faire sécher, comme cela se pratique encore de nos jours, à Rome, pour le linge. Domitien restreignit le débordement des tavernes. A la faveur de cette mesure, la circulation redevint. plus facile dans les rues[14]. En 368 enfin, le préfet de la ville, Prétextat, invoquant d’anciennes défenses, ordonna de supprimer, évidemment comme trop exposées au danger du feu, toutes les galeries en saillie (maeniana) des étages supérieurs, avec leurs auvents[15] qui étaient, selon toute probabilité, ordinairement garnis de tentures[16].

Mais Rome, malgré ce que son emplacement et ses rues laissaient à désirer, n’en était pas moins une ville sans pareille. Ce qui y frappait et y imposait surtout, c’était le mouvement tumultueux, indéfinissable et perpétuel d’une immense population, accourue dans la capitale de tous les pays de l’ancien monde, l’enivrant spectacle et l’étourdissant brouhaha de ce rendez-vous universel, le grandiose, la splendeur et le nombre des édifices et établissements publics de tout genre, ainsi que l’étendue de la ville[17]. Cependant, Rome n’était pas la plus vaste cité de l’époque, comme nous l’avons déjà fait remarquer plus haut. Pline, du temps de Vespasien, n’en évaluait la circonférence qu’à 13.200 pas[18]. L’itinéraire d’Alexandre, dans le Pseudo-Callisthène[19], l’estime à 14.120 et en donne 16.360 à Alexandrie ; 12.220 à Babylone, 10.250 à Carthage et 8.072 à Antioche ; mais cette dernière paraît avoir été en réalité beaucoup plus vaste, puisque, d’après le savant O. Muller, elle aurait eu, même sans les faubourgs, une longueur de 36 stades grecs, sur 30 dans sa plus grande largeur, ce qui permet d’en porter sans exagération le circuit ; en y comprenant les faubourgs, à 18.000 pas au moins. Le mur construit par Aurélien forme une enceinte d’environ 11 milles d’Italie, et deux siècles plus tard, au. temps des Goths, Rome, avec les faubourgs adjacents, n’avait pas, suivant Olympiodore, moins de 21 milles de tour.

Quoi qu’il en soit de ces calculs, à l’époque que nous avons à décrire, toute personne regardant -autour d’elle, dû haut du Capitole, voyait à ses pieds un dédale de constructions magnifiques, de palais et de monuments de toute espèce, engagés dans une mer de maisons qui s’étendait à perte de vue, par monts et par vaux, sur un espace de plusieurs milles. Le désert jonché de ruines que l’on aperçoit aujourd’hui. dans la direction des montagnes d’Albano, et qu’infeste la malaria, était alors une plaine d’une parfaite salubrité, couverte de bâtiments et coupée en tous sens de routes passagères et pleines de vie[20]. Là ville n’avait de limite bien arrêtée nulle part ; rien n’indiquait précisément où elle finissait et où commençait un autre territoire[21]. De tous côtés cette ville gigantesque envahissait la campagne, comme nos grandes capitales modernes absorbent les. nombreux bourgs et villages environnants, l’un après l’autre ; de tous côtés, ses faubourgs se perdaient dans les constructions nouvelles de splendides villas, entourées de jardins, de temples et de monuments, dont les pinacles de marbre, les frontons et les coupoles tranchaient, avec tout l’éclat d’une vive lumière, sur le fond de verdure, dès bosquets et des parcs environnants.

Parmi les plantations et constructions publiques, celles du Champ de Mars, outre qu’elles étaient les plus étendues, ne le cédaient à nul autre quartier pour la magnificence et le grandiose. Strabon a décrit l’imposant aspect de la ville de marbre qu’Auguste y laissa, pour témoigner de l’éclat de son règne. La vaste plaine, baignée de trois côtés par le fleuve, vers son embouchure, et dont l’immense surface offrait un libre champ à la circulation de la foule des voitures et des cavaliers, mêlés à d’innombrables piétons, allant ; venant et se livrant à tous les exercices du corps, le tapis d’une pelouse toujours verte, le superbe encadrement d’édifices publics et, de monuments, un labyrinthe de portiques, avec une multitude de colonnes, de coupoles et de frontons, entremêlés du feuillage des bosquets et des allées, puis, comme fond du tableau, pour couronner l’horizon, les dômes et pentes des collines qui s’élèvent en amphithéâtre sur la rive opposée du fleuve, coulant à leur pied, tout cela réuni formait un spectacle dont les yeux ne se détachaient qu’avec peine et auprès duquel la ville proprement dite paraissait ne plus devoir offrir qu’un intérêt accessoire, Mais, une fois entré dans celle-ci, on y marchait encore de surprise en surprise, à la vue des grandes places qui s’y succédaient, avec leurs encadrements. de colonnades et de temples, du Capitole, avec ses constructions monumentales, du mont Palatin ou de la colonnade de Livie, et l’on était de nouveau près d’oublier tout le reste. Telle est, dit Strabon[22], dans son admiration de la cité ainsi décrite par lui, cette ville de Rome. Ce qui périt de ces merveilles, dans les grands incendies des règnes de Néron et de Titus, ne tarda pas à être relevé ou remplacé plus magnifiquement encore, de sorte que le nombre des édifices et établissements publics, augmentant sans cesse par suite de constructions nouvelles, se retrouva bientôt plus grand que jamais. Dans le demi-siècle de Vespasien à Adrien, Rome parvint à l’apogée de sa splendeur, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne gagna pas encore, par suite de nouveaux embellissements, sous les Antonins et même plus tard. C’est dans cette période que se succédèrent, sans relâche, ces prodigieuses créations de chefs-d’œuvre d’architecture qui devaient faire l’admiration de la postérité la plus reculée, comme ils avaient étonné les contemporains. Ammien Marcellin, en parlant de l’impression que Rome fit sur l’empereur Constance la première fois qu’il la vit, en 357, ne mentionne, dans l’énumération des édifices de la capitale, à peu d’exceptions près, comme les bains établis sur le modèle de ceux des provinces, c’est-à-dire probablement les thermes de Caracalla[23] et de Dioclétien que des constructions de l’époque qui finit avec Adrien. Arrivé au Forum, siège glorieux de l’ancienne puissance romaine, Constance demeura comme interdit et muet d’admiration. De quelque côté qu’il jetât les yeux, il était ébloui par la multiplicité et l’éclat des merveilles qui s’offraient à ses regards. Quand il se mit à visiter successivement les différentes parties de la ville, sur les hauteurs et les pentes des sept collines comme dans la plaine, il lui semblait qu’il ne devait y avoir plus rien au-dessus de chaque objet nouveau qu’il découvrait. Le temple de Jupiter, au haut de la roche, Tarpéienne, lui parut rayonner d’un éclat divin aux yeux des mortels. Il s’émerveillait de la vaste étendue des bains, établis sur le modèle de ceux des provinces[24]. La masse de l’amphithéâtre Flavien, colossal édifice en pierre tiburtine, se dressait avec tant de majesté devant lui que ses yeux n’arrivaient qu’avec peine à la suivre dans toute sa hauteur. La superbe rotonde du Panthéon, avec sa prodigieuse voussure, ces colonnes gigantesques surmontées des statues d’anciens empereurs et rendues accessibles, jusqu’à leur sommet, par des marches pratiquées intérieurement, le temple de la déesse Roma, le forum de la Paix, le théâtre de Pompée, l’odéon, le stade, tous ces ornements de la ville, rivalisant entre eux de beauté, de grandeur et de magnificence, se disputaient son admiration. Mais, quand il arriva finalement au célèbre forum de Trajan, et qu’il se trouva en face de ces divines constructions, sans pareilles sous le ciel, il ne revint plus de l’extase où son esprit était emporté par ses yeux, perdus dans les courbes de ces voûtes gigantesques, indescriptibles en paroles, et à la perfection desquelles il n’était donné qu’une fois aux mortels d’atteindre ici-bas.

Ce n’était pourtant pas uniquement cette incomparable splendeur de ses places et de ses édifices publics qui faisaient de Rome une ville de merveilles. Bien d’autres spectacles, offrant toujours du nouveau, attiraient et fascinaient à chaque pas, dans le parcours de son immensité. Partout l’art, ancien et nouveau, avait répandu ses oeuvres et prodigué ses ornements avec la même profusion. Lés portiques et les temples brillaient du vif éclat des couleurs de la peinture murale ou de peintures encadrées[25] ; et, de même que les places et les rues, l’intérieur de ces édifices était rempli de bustes, de statues et de groupes de bronze ou de marbre. Même au sixième siècle de notre ère, quand les tempêtes et les ravages de plusieurs invasions des barbares eurent depuis longtemps ravi à Rome ses plus beaux et plus riches ornements, il semblait qu’il y eût encore dans ses murs, à côté de la population survivante, tout un peuple de statues[26]. Partout les masses de bâtiments étaient entrecoupées ou bordées de la verdure des jardins et des,pares, où le feuillage abondait en toute saison. Les vastes dépendances des palais comprenaient souvent de grandes plantations, avec de vieux arbres magnifiques, remplis du chant des oiseaux[27]. On y affectionnait surtout le platane et le lotier, pour leurs ombrages. Les arbustes et les fleurs répandaient leurs parfums du haut des toits et des balcons. Les collines des environs étaient, couvertes de jardins, impériaux en partie, dont plusieurs formaient des promenades ouvertes au public. De même, dans le Champ de Mars, des allées de lauriers et de platanes invitaient les promeneurs à venir goûter l’ombre de leurs épais toits de feuillage, ainsi qu’au portique de Pompée et à l’Hécatostylon. Mais la plus belle parure de l’ancienne Rome, c’étaient les ouvrages hydrauliques, aussi remarquables par leur nombre que par leur beauté. Les sources des montagnes, conduites dans la métropole, de plusieurs milles, au moyen de tuyaux souterrains, ou d’aqueducs reposant sur de puissantes arches, s’y épanchaient partout, avec un doux murmure ; des grottes artificielles formaient comme des étangs dans de vastes bassins richement décorés, d’où s’élevaient, en jets d’eau, en gerbes et en bouquets resplendissants, des fontaines superbes, dont la fraîche haleine renouvelait et purifiait l’air échauffé de l’été, ce qui fit dire au poète Rutilius Numatianus, à la fin de sa belle description des eaux de la capitale :

Frigidus aestivas hic temperat halitus auras

Innocuamque levat purior unda sitim.

On appelait salientes les fontaines à conduits, qui alimentaient la ville d’eau vive. Frontin[28] comptait en outre, à Rome, trente-neuf fontaines d’art, ou châteaux d’eau (munera), dont la plus magnifique, de forme pyramidale, paraît avoir été la fameuse meta sudans. On rapporte qu’Agrippa seul, pendant son édilité, établit jusqu’à sept cents pièces d’eau (lacus), tandis que les régionnaires n’en mentionnent pas moins de treize cent cinquante-deux.

Le trafic avec le monde entier procurait à Rome une autre source intarissable de spectacles, variant toujours. Il accumulait dans les magasins, les boutiques et les échoppes de cette ville les productions les plus rares et les plus précieuses des pays les plus lointains, comme les plus magnifiques et prodigieux ouvrages de l’industrie et de l’art de tous les peuples. A Rome, on pouvait examiner à loisir les marchandises du monde entier. Le Tibre est appelé, dans l’Histoire naturelle de Pline, rerum in toto orbe nascentium mercator placidissimus[29], expression d’autant plus juste que le commerce de cette métropole du monde était malheureusement tout passif, et qu’elle engloutissait tout sans jamais rien rendre, ni produire elle-même. Il y apportait la laine d’Espagne et la soie de Chine, du beau verre de couleur artistement travaillé, de la toile d’une extrême finesse d’Alexandrie, le vin et les huîtres des files grecques, les poissons de la mer Noire et le fromage des Alpes, qui causa, dit-on, l’indigestion dont mourut Antonin le Pieux[30]. Il y avait à Rome des dépôts avec les assortiments les plus complets des herbes médicinales de la Sicile et de l’Afrique, des épiceries et de l’encens d’Arabie, de perles de la mer Rouge, ou plutôt des bancs du golfe Persique, ainsi que de diamants des mines de l’Inde, de marbres de couleur, extraits en blocs gigantesques des montagnes de l’Asie Mineure, et de planches magnifiquement veinées des bois d’ébénisterie les plus précieux de l’Atlas. On sait, par les écrits de Galien, qu’il recevait des médicaments de toutes les provinces. Les plus belles boutiques, sous Domitien, se trouvaient dans le grand clos des Septa. C’est là qu’on allait se pourvoir de beaux esclaves, de meubles de luxe, de toute sorte d’objets en bois fins, ivoire, écaille, bronze ou airain de Corinthe, de statues grecques, de coupes anciennes artistement travaillées, de cristaux, de vaisselle et d’ustensiles de. toute nature, ainsi que de l’espèce de poterie connue sous le nom de murra. La voie Sacrée était le centre de l’orfèvrerie et de la joaillerie. Les plus grands dépôts de marchandises de l’Égypte et de l’Arabie se trouvaient au forum de la Paix, le principal débit des soieries, des parfums et des épices, pour lesquelles Domitien fit construire ses greniers à poivre (horrea piperataria), dans le faubourg Toscan (vicus Tuscus) et probablement aussi dans les galeries du grand cirque (circus maximus)[31]. Chez vous, dit avec emphase un panégyriste grec de la ville de Rome[32], vers le milieu du deuxième siècle, affluent de toutes les contrées et de toutes les mers les produits de toutes les saisons et de toutes les zones, ceux des fleuves et des lacs, ainsi que ceux du labeur et de l’industrie des Hellènes et des barbares. Que celui qui tient à contempler tout cela, s’il ne veut parcourir en voyageur le monde entier, se hâte donc de faire un séjour dans cette ville, où il y a, en tout temps, abondance de tout ce qui se produit et se fabrique chez tous les peuples. Il y arrive, dans le cours de l’été et de l’automne, tant de navires chargés, de tous les pays, que l’on pourrait se croire dans un atelier universel. On y voit tant de cargaisons de l’Inde et de l’Arabie Heureuse, que l’on pourrait s’imaginer les arbres de ces contrées à tout jamais dépouillés de leurs fruits, et les populations qu’elles renferment obligées de venir redemander à Rome ce qui est nécessaire à leurs besoins de ces produits de leur propre sol. Les étoffes de la Babylonie et les bijoux de la région barbare de l’Asie intérieure arrivent à Rome en bien plus grande quantité et bien plus facilement que tel produit d’une île de l’Archipel, à Athènes. En somme, tout ce que le commerce et la navigation procurent, l’agriculture et les mines produisent, l’industrie et les arts créent et fournissent, tout ce qui vient et croit sur la terre, tout cela conflue et se rencontre sur le marché de Rome.

Tout indiquait dans cette. ville le centre de la domination du monde, d’un empire universel, que l’on y embrassait en quelque sorte d’un coup d’œil, comme du haut d’un observatoire. Des limites les plus reculées de cette domination, les nouvelles arrivaient continuellement au siège de celle-ci,’ par toutes les voies, comme à tire d’aile. Les empereurs, sans aucun doute, recevaient personnellement des rapports suivis, quotidiens même, de tous les points importants de l’empire ; et, d’après Philon, le fou Caligula lui-même prenait le plus vif intérêt à la lecture de ceux qui lui étaient ainsi adressés d’Alexandrie, jour par jour. Y avait-il eu des pluies dans la haute Égypte, un tremblement de terre dans l’Asie Mineure, une mutinerie dans les légions campées sur les bords du Rhin, ou bien, à la cour du roi des Parthes, un changement d’attitude vis-à-vis de Rome, peu de jours après, tout le monde en parlait au forum et au Champ de Mars, on en causait à tous les festins et dans toutes les réunions de société[33].

De même, tout ce que l’on découvrait de bien extraordinaire, en fait de curiosités naturelles ou autres, quelque part que ce fût, on s’empressait de l’envoyer à l’empereur et de le faire exposer publiquement à Rome.

Déjà sous la république existait, à l’occasion des triomphes et des grands jeux surtout, l’usage de pareilles expositions de curiosités naturelles ou artistiques, provenant de pays étrangers. Pompée, dans le triomphe qu’il célébra sur Mithridate, fit parade d’un ébénier[34] ; et, depuis lors, des arbres exotiques rares figurèrent mainte fois dans le cortége des triomphateurs. Lors des jeux publics, de tels objets d’art ou de curiosité d’histoire naturelle servaient à décorer le forum et le comice, on les appelait insignia.

Dès une plus haute antiquité ; les temples tenaient souvent lieu de musées, dans l’occasion. De même on les voit plus tard, sous les empereurs, affectés principalement à l’exhibition de ces objets rares et curieux, que l’on qualifiait alors de merveilles (miracula), et dont Rome était toujours pleine. Rien n’est plus caractéristique, pour l’esprit d’une société, que la spécification de la nature des objets qui l’attirent ainsi le plus. Tels, comme les raretés du règne végétal ou du règne minéral, régulièrement envoyées de toutes les provinces aux empereurs, témoignent, chez les contemporains de Pline l’Ancien, d’un certain goût pour la science qu’il cultiva. Il nous raconte que, sous Néron, l’on découvrit, en Cappadoce, une pierre translucide, de la dureté du marbre, et que cet empereur fit employer à la construction d’un temple de la Fortune, dans sa Maison d’Or. Mais cette science était encore elle-même très bornée, et un tremblement de terre, en Asie Mineure, ayant fait découvrir des ossements dans lesquels, à en juger par le gigantesque des proportions qu’indique Phlégon de Tralles, d’après le grammairien Apollonius, un géologue moderne aurait sans doute reconnu des restes d’animaux antédiluviens, la piété païenne de Tibère, auquel une dent qui en provenait, longue de plus d’un pied, avait été envoyée à titre de spécimen, recommanda de respecter ces débris comme des reliques d’anciens héros de la mythologie.

Indépendamment du cas que les Romains faisaient en général de la recherche des bêtes féroces pour les combats du cirque, Auguste surtout se plaisait à la vue d’animaux curieux et rares, qu’il ne manquait pas de faire aussi montrer en public, comme, par exemple, un serpent long de 50 coudées au comice, un rhinocéros aux septa, et un tigre sur la scène. En 47, Claude fit voir, au comice, un prétendu phénix, mais sans convaincre personne de l’authenticité de son oiseau. Il paraît que les cerfs blancs admirés à Rome par Pausanias y furent aussi publiquement exposés. Sous Sévère, enfin, l’on montra pendant les jeux, comme il parait, à l’amphithéâtre, le modèle de la carcasse d’une baleine, qui s’était égarée, dans la Méditerranée et dans le vaste creux de laquelle cinquante ours avaient trouvé place[35]. Suétone, Pline l’Ancien, Tacite et Dion Cassius peuvent être cités comme les divers garants de ces faits.

Le goût pour les choses monstrueuses, qui s’accroît avec les progrès de la corruption dans les sociétés blasées, n’a été, comme on sait, porté nulle part aussi loin que chez les Romains. Les difformités physiques que l’on voit se manifester par accident dans l’espèce humaine, étaient peut-être ce qui excitait le plus vivement leur curiosité. Les nains et les naines, les géants et les géantes, les crétins, les hermaphrodites, étaient recherchés à Rome par certains amateurs de grande maison, qui s’en délectaient, dans leur intérieur, avec un raffinement mille fois plus pervers que la grossièreté barbare des seigneurs féodaux, chez lesquels on retrouve des goûts semblables, au moyen âge. Il y eut même à Rome un marché d’avortons. Auguste fit voir publiquement un jeune garçon, nommé Lucius, qui n’avait pas deux pieds de haut et ne pesait que 17 livres, mais était, par un bizarre contraste, dopé d’une voix de stentor[36]. Parmi les cadeaux qu’Artaban fit à Tibère figurait un juif long de 7 coudées, du nom d’Éléazar, et, sous le règne de Claude, on montra un géant d’Arabie de la taille de 9 ¾ pieds romains, probablement le même que celui dont parle Columelle, qui le donne pour juif. On allait jusqu’à pourvoir soigneusement à la conservation des restes de ces prodiges, après leur mort. Pline raconte avoir vu des cadavres de nains enfermés dans des vases, et, dans les jardins de Salluste, on montrait un caveau avec les dépouilles mortelles du couple géant de Posion et Secundilla, qui vivaient au temps d’Auguste. En 61, on envoya à Néron un enfant ayant quatre têtes et tous les autres membres d’une structure conforme[37]. On cite enfin, sous le même règne, ainsi que plus tard, sous ceux d’Alexandre Sévère et d’Aurélien, des gloutons qui régalèrent la ville et la cour du spectacle de leur voracité sans pareille. De tels sujets de divertissement ne. répondaient que trop bien à l’extravagance des princes de la famille adoptive d’Auguste. Il est juste de faire observer, cependant, que des empereurs tels que Trajan et Adrien surent mettre plus de sens et de discernement dans la recherche des curiosités signalées, par leur exemple, à l’attention publique. Tous les deux avaient à cœur d’arrêter les progrès alarmants du célibat volontaire et la dissolution des mœurs de leur époque. C’est ce qui décida sans doute le second à faire venir d’Alexandrie à Rome une femme, du nom de Sérapias, qui, suivant Ulpien ou Gaïus, avait mis au monde quatre ou cinq enfants d’une seule couche. C’était probablement la même dont son prédécesseur, pour encourager la fécondité, avait fait élever les enfants à ses frais, d’après Phlégon de Tralles, qui fait aussi mention d’un vieillard de 136 ans, distingué par l’empereur Adrien.

A Rome, comme dans nos foires, l’exploitation de la sottise et de la crédulité vulgaires eut naturellement aussi une large part dans le choix des appâts qu’on offrait à la badauderie. L’homme sauvage et des monstres vrais ou supposés, dans lesquels la superstition du temps se complaisait à reconnaître des êtres fabuleux de la mythologie, n’y manquaient pas. A Tibère on manda d’Olisippo (Lisbonne) y avoir constaté, au bord de la mer, la présence d’un triton et l’agonie d’une néréide. Pausanias assure même avoir vu, à Rome, de ses propres yeux, un triton à poils verts, couvert d’écailles, la bouche garnie d’énormes dents, et dont le corps se terminait en queue de poisson. Sous Claude, enfin, un hippocentaure fut pris, dit-on, sur une montagne en Arabie, d’où on l’envoya au préfet d’Égypte. N’ayant pu le garder vivant, on l’enduisit de miel et l’expédia ainsi à Rome, où il fut montré au public dans le palais impérial. Au témoignage de Phlégon il faut ajouter celui de Pline, dont l’Histoire naturelle contient aussi la mention de presque toutes ces curiosités phénoménales.

Mais, ne nous étendons pas davantage sur ces particularités ; elles ne peuvent intéresser qu’autant qu’elles contribuent à faire saisir les travers de l’esprit du temps. Aux spectacles de ce genre, gratuitement offerts à la multitude par la munificence impériale, se joignait toutefois aussi l’attrait de jouissances d’un ordre plus élevé, pour les hommes studieux et tous ceux qui avaient. conservé le goût de la littérature, des sciences et des arts. Les artistes de tous pays et de toute espèce, architectes, sculpteurs, peintres, musiciens, chanteurs, joueurs de flûte et de luth, voire même les athlètes de la Grèce et de l’Asie, accouraient à Rome pour déployer leur talent, exposer leurs oeuvres ou briguer l’honneur d’une couronne dans les grands concours romains du genre de ceux d’Actium et du Capitole (Agon Actiacus et Capitolinus) ; avec eux, nombre de poètes, d’orateurs et de philosophes, de rhéteurs, de sophistes et de savants grecs, de Tarsus et d’Alexandrie notamment, pour se produire et se faire entendre en public ; enfin, depuis le règne de Vespasien et la fondation de l’Athénée, sous Adrien, surtout, aussi l’élite de la jeunesse studieuse des provinces, les jeunes gens les plus capables et es plus ambitieux, afin de participer à l’avantage des incomparables ressources que la capitale du monde offrait, pour l’achèvement des études, dans toutes les branches, non moins que pour tous les genres de plaisirs et de divertissements. Cette constante affluence de virtuoses et d’étudiants, à Rome, est attestée par un grand nombre d’inscriptions latines et grecques[38]. Dans les salles et les galeries des, nombreuses bibliothèques (les régionnaires n’en mentionnaient pas moins de vingt-huit à Rome), l’ami des sciences et de la littérature se procurait aisément et amplement toutes les satisfactions qu’il pouvait désirer, au milieu de ces précieuses collections de milliers de rouleaux de parchemin et de papyrus ; et dans les cercles des savants, qui affectionnaient ces lieux de réunion, il trouvait toute espèce de secours et d’encouragement.

Les thermes, dont les divisions multiples, depuis le bassin de natation jusqu’aux étuves, offraient, en toute saison, des bains de toute espèce pour des milliers de baigneurs, avec des endroits réservés, d’une splendeur plus que royale, pour les exercices de gymnastique, la conversation et les rafraîchissements, étaient aussi des établissements du style le plus grandiose et d’une incomparable magnificence, où le dernier du peuple pouvait aller se récréer et se divertir. Il y en avait quatre à l’époque dont il s’agit ici. Les thermes de Néron paraissent avoir été les plus splendides alors, d’après Martial et Stace. Mais le plus merveilleux, dans cette ville d’enchantements, c’étaient les spectacles, les représentations, les jeux et les combats de la scène, du cirque et de l’arène. Là, toutes les fantaisies de l’imagination la plus délirante se transformaient en étourdissantes réalités.

Pour revenir une dernière fois sur le plus grand de tous les spectacles de Rome, le mouvement incessant de sa population même, les accidents provenant d’embarras causés par le trop d’empressement ou les mêlées de la foule, étaient fréquents. L’étroitesse des rues paraît avoir beaucoup contribué à les multiplier : Tacite et Suétone en citent maint exemple, et Sénèque[39] y fait allusion, non sans exagérer quelque peu. Caligula ayant eu la fantaisie de jeter des pièces de monnaie à la foule, devant la basilique julienne, il y eut 247 femmes, 32 hommes et un eunuque d’écrasés[40], et lorsqu’il fit bâtonner la multitude, pour l’avoir dérangé dans son sommeil, pendant qu’elle courait la nuit au cirque, cette bagarre aussi coûta la vie à nombre de gens. Une vingtaine de chevaliers romains et non moins de femmes y périrent, entre autres victimes[41].

Plus Rome devenait le centre du monde, plus elle devenait aussi le rendez-vous de toutes les nations. Déjà. Cicéron l’appelait une cité universelle (civitas ex nationum conventu constituta). Mais la grande immigration des provinces, par masses, n’y commença qu’après la chute de là république ;- elle ne discontinua pas ensuite d’inonder la ville, plus ou moins, avec une tendance progressive, qui persista probablement jusqu’à Constantin. Rome prit ainsi, véritablement, le caractère d’une cité commune à tous les peuples, de leur centre de réunion[42], d’un abrégé (épitomé) du monde, suivant l’expression du rhéteur Polémon, un de ses panégyristes grecs[43]. Ce qui. ajoutait encore à la bigarrure, c’était le passage d’innombrables étrangers, dont l’affluence, toujours grande dans cette ville, qui, suivant l’expression de Sénèque, payait les vertus comme les vices à leur plus haut prix, atteignait dans les occasions extraordinaires, lors des grands spectacles notamment, des proportions tout, à fait exceptionnelles.

Nempe ab utroque mari juvenes, ab utroque puellæ

Venere, atque ingens orbis in urbe fuit,

dit Ovide, dans l’Art d’aimer, en parlant des naumachies du règne d’Auguste, et, s’écrie l’auteur du livre des Spectacles :

Quæ tam seposita est, quæ gens tam barbara, Cæsar,

Ex qua spectator non sit in urbe tua ?

Rome, plus qu’aucune autre ville de l’antiquité, eut ainsi le privilège d’exercer une irrésistible attraction sur lés plus vifs penchants comme sur les plus fortes passions de l’humanité contemporaine. Cent langues y bourdonnaient aux oreilles du passant, les particularités du type et de la couleur de toutes les races, les costumes de tous les peuples, y apparaissaient pêle-mêle. Là, des éléphants de la ménagerie impériale étaient conduits par. des esclaves noirs, ou galopait un escadron de blonds Germains de la garde impériale, couverts d’armures étincelantes. Là, des Égyptiens à têtes rasées et en longues robes de toile portaient processionnellement leur grande déesse Isis[44]. Derrière tel savant grec marchait un jeune Hindou, le bras chargé de rouleaux de livres. Dès l’an 735 de Rome (19 avant J.-C.), était arrivée, suivant Dion Cassius (LIV, 9), une ambassade de l’Inde, qui amena en Europe les premiers tigres. Le parasite de ce même Favorinus qui légua sa maison de Rome à Hérode, était Hindou[45], et cet Hydaspe au teint basané (fuscus Hydaspes), dont parle Horace, dans une de ses satires (II, 8, 14), très probablement aussi. On voyait des fils de princes orientaux coiffés de bonnets élevés, comme ceux des Persans de nos jours, et couverts d’amples vêtements d’étoffes bariolées, traverser gravement et en silence, avec les personnes de leur suite, la foule qui se pressait autour d’eux. Quelques épitaphes de princes d’Orient, qui moururent à Rome, sont parvenues jusqu’à nous. Parfois aussi on rencontrait des sauvages tatoués de l’île de Bretagne, regardant avec ébahissement les merveilles d’un monde nouveau pour eux, qui les environnaient de toutes parts. Le même Dion Cassius rapporte qu’à l’aspect de toutes les magnificences de Rome, le chef breton Caractacus, qui y fut amené comme prisonnier, puis gracié par Claude, s’écria : Comment vous, Romains, qui possédez de si grandes et de si belles choses, pouvez-vous convoiter nos pauvres huttes !

On n’a, sur le chiffre de la population de Rome, que des évaluations approximatives de plus ou moins hypothétiques. Bien que toujours sujette à de grandes fluctuations, elle paraît avoir été généralement en progrès depuis Auguste jusqu’à Trajan, à l’exception des années d’épidémie ou de guerre intestine, sans diminution sensible avant les grandes pestes qui eurent lieu sous Marc-Aurèle et Commode. On peut admettre, avec assez de vraisemblance, qu’elle varia le plus souvent entre un million et un million et demi, dans cette période, et dépassa peut-être même parfois ce dernier chiffre ; mais il n’est guère probable qu’elle l’ait jamais excédé de beaucoup[46], quoique des savants distingués, comme Bunsen, Zumpt, Hoeck et Marquardt, soient arrivés dans leurs calculs à environ deux millions, chiffre possible pour l’époque de Trajan, mais certainement beaucoup trop fort pour le quatrième siècle, la dépopulation ayant antérieurement déjà commencé. La consommation de blé de la ville de Rome s’élevait, d’après Aurelius Victor et Josèphe, au temps de ce dernier, à soixante millions de mesures (modii). En admettant soixante mesures[47] par tête pour la moyenne annuelle de la consommation d’un homme fait, on aurait un million d’habitants mais, comme les femmes, les enfants et toutes les personnes de qualité en consommaient certainement beaucoup moins, cela porte à conclure à un chiffre bien plus élevé.

Gibbon toutefois, prenant le nombre des maisons pour base de son calcul, n’admet que 1.200.000 âmes, et Dureau de la Malle s’est même arrêté au chiffre de 550.000 âmes dans le sien, considérant que l’espace compris dans l’enceinte du mur d’Aurélien ne représente qu’environ les deux cinquièmes de la superficie de Paris (avant l’annexion de la banlieue). Mais déjà Zumpt a fait observer qu’avec une densité comme celle des quartiers qui formaient naguère le quatrième arrondissement de la ville de Paris, la population de Rome, dans les limites de ce mur, devait atteindre 1.153.000 habitants. Or les logements des anciens, comme on a pu le reconnaître depuis à Pompéji, étaient beaucoup plus restreints que ceux des modernes. En outre, le mur d’Aurélien, il importe de le faire remarquer, n’embrassait pas la totalité de Rome, qui comprenait des quartiers et des faubourgs considérables, situés hors de cette enceinte. Nous ne nous prononcerons pas sur le plus ou moins de probabilité d’estimations qui diffèrent tellement entre elles ; mieux vaut laisser le lecteur se décider lui-même pour celle qui lui paraîtra la plus admissible.

La haute classe et le bas peuple, ces deux extrêmes de la société, tiraient le plus d’avantage et se trouvaient le mieux de cette étonnante profusion de jouissances, des excitations et des spectacles, qu’offrait la capitale du monde romain. La grande majorité de la population libre, dans laquelle le nombre des hommes devait l’emporter de beaucoup sur celui des femmes, était complètement ou en partie nourrie aux frais de l’État. Les grands trouvaient à Rome, pour le déploiement du faste d’une existence princière, plus d’occasions, de facilités et de ressources que dans aucune autre ville du monde. Mais il y avait, dans ces conditions de la vie à Rome, le revers de la médaille, au point de vue duquel le sort le moins enviable devait être celui des classes moyennes. L’extrême cherté des vivres et de tous les objets de première nécessité dans la capitale[48] contrastait avec le bon marché dans les villes municipales de l’Italie et des provinces, ce qui a fait dire à Martial :

Egisti vitam semper, Line, municipalem,

Qua nihil omnino vilius esse potest.

Déjà du temps de César, les loyers étaient montés à Rome au quadruple de ce qu’on payait dans les autres villes de l’Italie, et tout porte à croire que les progrès du luxe métropolitain rendirent la disproportion encore plus grande[49], bien que Juvénal puisse être suspect d’exagération lorsqu’il dit qu’à Sora Fabrateria ou Frusino (Frosinoné) on pouvait acheter maison et jardin pour la somme que coûtait, annuellement, la location d’un méchant et sombre appartement dans la capitale. On n’avait rien pour rien, à Rome, et quiconque n’appartenait pas à la plus basse classe était constamment obligé, par les exigences de sa position sociale, de s’imposer de lourdes et ruineuses dépenses. L’usage ou la mode exigeait, même des gens peu aisés, surtout lorsqu’ils étaient dans les affaires, l’affectation d’un certain luxe extérieur, qui dépassait souvent leurs moyens. On avait honte de se servir pour manger de vaisselle en poterie ordinaire, on ne pouvait se montrer qu’en toge, et bien des gens auraient rougi de sortir sans une suite et l’accompagnement d’un certain nombre d’esclaves. Il y avait beaucoup de misère dorée et les banqueroutes étaient à l’ordre du jour. Cet éclat trompeur du genre de vie qu’on menait à Rome, jurait avec la simplicité et les habitudes modestes de la vie municipale et provinciale, de même que l’austérité de moeurs qui se conserva notamment dans les villes de la haute Italie, contrastait avec la corruption de la capitale, où une licence effrénée, débordant partout, ne craignait pas de célébrer ses orgies avec une insultante publicité[50].

Le vacarme et le tumulte ne discontinuaient pas à Rome. Déjà Horace se plaignait de ce bruit incessant du jour et de la nuit, ainsi que de la presse dans les rues, et aimait à se réfugier de cette mer, perpétuellement agitée et battue par la tempête, dans le calme et la solitude des monts sabins[51]. Or, l’effervescence et l’agitation causées par le mouvement général des affaires s’accrurent encore beaucoup durant le premier siècle de l’empire ; peut-être étaient-elles à leur plus haut degré vers l’époque à laquelle se rapportent les descriptions de Martial et de Juvénal. Dès l’aube du jour les boulangers faisaient la criée de leurs pains ; puis les écoles d’enfants commençaient à épeler en chœur, sous la direction du ludimagister, pendant que scies et marteaux se mettaient en mouvement dans les ateliers[52]. On entendait le craquement des chariots, traînant et amenant aux places où se faisaient les constructions des blocs de pierre, des troncs d’arbre et des poutres énormes ; les porte-faix et les bêtes de somme, lourdement chargés, heurtaient les piétons ; de tous côtés on poussait et foulait le passant, en lui marchant sur les pieds, ce qui faisait en même temps beau jeu au voleur, guettant le moment de faire son coup. Ovide, dans l’Art d’aimer, ne croit pas inutile de signaler aux dames d’adroits filous, mis avec recherche, qui s’approchant d’elles, les doigts ornés de bagues, et leur tenant des propos galants, trouvent moyen de les dévaliser. Des mendiants, des naufragés vrais ou faux, demandaient l’aumône, en chantant sur le ton de nos complaintes. Des débitants, vendeurs en détail de toute espèce et marchands ambulants de purée de pois ou de saucisses fumantes, prisaient à grands cris leur marchandise. D’un côté retentissaient les hurlements d’une procession de prêtres de la grande mère des dieux, de l’autre les cris de la dévotion s’échappaient d’un temple d’Isis. Le bruit ne cessait même pas la nuit. Dans les vastes palais, où les chambres à coucher étaient généralement ménagées à une grande distance de la rue, le sommeil était à l’abri de ce trouble ; mais, dans les appartements de location on ne s’endormait pas aussi facilement. Le roulement des voitures de voyage, auxquelles le parcours de la ville était complètement interdit pendant la majeure partie du jour, incommodait le plus, surtout quand elles tournaient brusquement les coins de ses rues étroites. Il y avait ensuite le tapage que faisaient nombre de spadassins et de vagabonds, rôdant la nuit par troupes, ainsi que les sérénades des amoureux implorant la faveur d’être accueillis par leurs belles, ou cherchant même à s’introduire de force chez le beau sexe. On connaît par Sénèque le scandale des escapades nocturnes de Julie, fille d’Auguste ; par Tacite, Suétone et Pline, les orgies dans lesquelles Néron et les imitateurs de ses déplorables exemples avaient l’habitude de passer leurs nuits.

Quand maisons et tavernes étaient fermées au verrou et le silence établi, les rues, désertes et entièrement dépourvues d’éclairage, prenant alors un aspect sinistre, n’en devenaient que plus dangereuses pour le passant solitaire. L’insécurité fut grande à Rome de tout temps. Les vols, avec ou sans effraction, y étaient communs ; les exemples de personnes attaquées à main armée et dévalisées, dans les rues, assez fréquents aussi. C’est la raison pour laquelle, du temps de Pline l’Ancien, on fermait le plus souvent à volets les fenêtres donnant sur la rue. Les portes des maisons étaient munies de cloches ou timbres, en guise de sonnettes[53]. Bien des personnes avaient à craindre le poignard soudoyé d’un de ces bandits qui se rabattaient en masse sur Rome, toutes les fois que l’on faisait occuper militairement leurs repaires dans les marais Pontins et la forêt de pins au sud du Volturne. D’autres périls menaçaient le pauvre rentrant chez lui à la lueur d’un bout de chandelle, quand il avait le malheur de rencontrer un jeune seigneur revenant tard de quelque orgie, avec sa nombreuse compagnie, précédée d’éclaireurs portant des torches et des lanternes. Le pauvre diable que l’on trouvait ainsi sur son chemin était arrêté, berné[54] ou soumis à d’autres mauvais traitements. En général le tapage et les désordres nocturnes, dans les rues, comptaient alors parmi les amusements favoris de la jeunesse dorée. Au danger constant de ces mésaventures se joignait celui d’autres accidents non moins fâcheux, résultant des tuiles qui tombaient des toits, des vases que l’on vidait, ou des pots fêlés que l’on jetait des fenêtres d’étages supérieurs et qui se brisaient avec fracas sur le pavé[55].

Tout cela ne peut faire concevoir une très haute idée de la police dans la capitale du monde romain. L’obscurité des rues, non éclairées pendant la nuit, devait contraster plus encore avec ces illuminations presque générales qui font rayonner, tous les soirs, leur vive lumière sur nos grandes capitales modernes, bien que toutefois l’absence de celle-ci dût paraître, sous un ciel pur et serein comme celui de l’Italie, moins regrettable qu’elle ne le serait par les temps de brume et de pluie de contrées plus septentrionales. Mais Paris sous Louis XIV, Londres sous les Stuarts, d’après la description si curieuse de Macaulay, ne semblent guère avoir été, sous les mêmes rapports, plus avancés que Rome sous les Césars. Les splendeurs de l’éclairage au gaz, notamment, n’étaient-elles pas parfaitement inconnues aux générations qui ont précédé la nôtre ?

Une autre différence non moins frappante entre les grandes villes de notre époque et celles des temps qu’il s’agit de ressusciter ici, c’est le peu de mouvement de voitures à Rome, dans cette période. Durant tout le cours des deux premiers siècles de l’empire, la circulation de ces véhicules fut interdite, dans la métropole, par la table héracléenne, pendant dix heures à partir du lever du soleil, c’est-à-dire la partie de la journée où le mouvement des piétons y était le plus animé. Il n’y avait exception de cette défense générale que pour les chariots employés au transport des matériaux et des décombres, dans la construction des temples et dans les travaux publics ; pour les chars de cérémonie et d’apparat de certaines personnes, telles que les vestales (auxquelles on assimila plus tard aussi, pour la jouissance de ce privilège, quelques impératrices), les flamines, lors de sacrifices publics, et les généraux revenant en triomphe ; pour les chars de course dans les jeux publics, la procession du cirque notamment ; enfin, pour les voitures de marché qui, arrivées la nuit dans la ville, s’en retournaient vides ou avec du fumier. Les inégalités du terrain et le défaut d’espace dans les rues d’une ville aussi populeuse commandaient des précautions particulières. L’empereur Adrien alla même jusqu’à interdire d’une manière absolue ; sans doute dans l’intérêt de la conservation du pavé, dés égouts et des maisons, la construction de ces dernières. laissant beaucoup à désirer, sous le rapport de la solidité, comme nous le verrons bientôt, l’entrée de Rome à toutes les voitures trop pesamment chargées.

En général, le mouvement de voitures indispensable pour l’approvisionnement, les besoins des constructions particulières et l’expédition des voyageurs, resta ainsi borné aux deux dernières heures du jour, et à la nuit, jusqu’à l’aurore. La liberté de circulation, pour ces véhicules, ne paraît avoir été complète que hors des villes, près des portes desquelles devaient se trouver les stations des cochers de voitures de louage (cisiarii), qui transportaient aussi les voyageurs. On a retrouvé par exemple à Pompéji, sur la grande route, devant la porte d’Herculanum, les restés d’une écurie. Un édit de Claude rappela aux voyageurs, dans toutes les villes d’Italie, de ne les traverser qu’à pied, en litière ou en chaise à porteurs. Cependant Sénèque se plaint, sous Néron, du roulement des voitures de passage à Baïes, ce qui doit faire penser que la police, à cet égard, n’était pas observée partout aussi strictement qu’à Rome. Adrien et Antonin réitérèrent la défense de parcourir les villes en voiture et à cheval. Si Artémidor, qui paraît avoir écrit sous Commode, appelle l’usage du cheval, dans celles-ci, un apanage des hommes libres, il n’entend sans doute faire allusion, par ces mots, qu’aux cavalcades de cérémonie, d’autant plus que l’usage des voitures, d’après le même passage, n’était permis qu’aux prêtresses. Bien plus tard même, Aurélien, avant qu’il fût empereur, n’osa pas lui-même, quoique souffrant d’une blessure, faire son entrée dans la ville d’Antioche en voiture, mais la fit à cheval, pour ne pas choquer la coutume. Cependant on avait commencé à s’écarter des anciennes règles de police, à Rome, dès le troisième siècle, où l’usage des voitures, et particulièrement de voitures de luxe garnies d’argent, paraît avoir été un des privilèges attachés à la dignité des préfets du prétoire et d’autres grands officiers de l’empire, pour devenir bientôt aussi celui de tous les sénateurs et finalement commun aux particuliers même. Ammien Marcellin parle des grandes dimensions des carrosses de son temps, et du danger, pour les passants, de leurs courses à fond de train.

D’autres périls constants et sérieux menaçaient, à Rome, les habitants des maisons en location, bâties pour la plupart avec une légèreté déplorable par des entrepreneurs. Cette spéculation avait un côté tentant, mais exposait aussi de l’autre à de grands risques. Ces maisons, quand tout allait bien,’ étaient d’un excellent rapport ; seulement, avec la fréquence des incendies à Rome, on avait aussi à craindre d’y perdre tout son capital. Les entrepreneurs trouvaient ainsi leur intérêt à bâtir avec le moins de frais possible, de manière à pouvoir, même dans le cas d’un sinistre, retirer en quelques années du produit des loyers une somme excédant les frais de construction, ou du moins sauver le capital. Les étages supérieurs n’étaient qu’en bois et charpente, comme l’indiquent assez les mots tabulata, contignationes. Telle était de plus la négligence dans le mode de construction usité pour les maisons particulières, qu’on y voyait continuellement se produire aux murs des fissures et des crevasses, à une époque dont les constructions publiques nous étonnent, encore aujourd’hui, par leur indestructible solidité. Partie de nos angoisses, dit Sénèque, sont causées par nos toits. Même dans les salles des grands palais, ornées de peintures, tout le monde était dans l’épouvante et prêt à se sauver, au moindre craquement. Une grande partie des maisons en location, menaçant ruine, avaient besoin d’être étayées. On négligeait les réparations les plus nécessaires, ou on n’y pourvoyait qu’insuffisamment. Aussi, les écroulements de maisons figuraient-ils, déjà dans les derniers temps de la république, avec les incendies, parmi les calamités dont Rome était plus particulièrement affligée. La mort du philosophe Athénée de Séleucie, par exemple, fut causée par l’écroulement de nuit de la maison qu’il habitait. Catulle prise ironiquement, comme un avantage de la condition du pauvre mendiant, de n’avoir à redouter aucun de ces deux malheurs. Strabon ne cesse pas de nous entretenir de ce double genre d’accidents. Telle était la peur qu’on en avait, que cela suffisait presque, pour dégoûter du séjour de Rome les personnes craintives, et il n’est guère probable que ces dangers aient diminué dans les siècles suivants.

Les incendies, si rares dans la Rome moderne, presque entièrement bâtie en pierre et en brique, n’étaient pas seulement très fréquents dans l’ancienne, mais y avaient un caractère triplement funeste, par suite des défauts déjà signalés du mode de construction, de la hauteur des maisons et du manque de largeur des rues. Le grand nombre de bâtisses accessoires et d’échoppes en bois, adossées aux maisons, alimentaient surtout le feu et propageaient les flammes avec une effrayante rapidité par toute la ville. Il en fut notamment ainsi dans l’incendie de 237, dont parle Hérodien (VII, 12, 5). L’histoire de cette ville, sans parler des petits incendies qui s’y renouvelaient sans cesse, en mentionne une série de beaucoup plus terribles, dont les ruines et les décombres amoncelés contribuèrent beaucoup à l’exhaussement graduel des collines. Sous Tibère, il y eut deux grands incendies : en l’an 27 de notre ère ce fut le Célius, en 37 l’Aventin, qui brûla avec la partie contiguë du grand cirque. Dans ces deux circonstances, Tibère fit son possible pour réparer le dommage. Pour le second, l’indemnité accordée fut de 100 millions de sesterces, ou plus de 27 millions de francs. Caligula aussi accorda des indemnités dans des cas semblables. Les traces de ces ravages étaient encore visibles du temps de Vespasien. A l’incendie néronien en succéda, sous Titus, un très calamiteux aussi, qui sévit pendant trois jours et trois nuits au Champ de Mars. Un autre, sous Antonin le Pieux, anéantit 340 maisons d’habitation. Le plus grand après l’incendie de Néron fut celui qui éclata, sous Commode ; dans le voisinage du temple de la Paix ; il commença par détruire des magasins remplis de marchandises d’Égypte et d’Arabie, puis gagna le mont Palatin. Tous les efforts pour l’arrêter furent vains ; il ne s’éteignit qu’après avoir brûlé jusqu’à terre une grande partie de la ville, consumé, entre autres édifices, le temple de Vesta et dévoré d’immenses richesses, quand il ne trouva plus d’aliment.

Rome était aussi extrêmement sujette aux ravages d’autres fléaux naturels, revenant à des intervalles plus ou moins courts. Les tremblements de terre n’y étaient pas rares. Il y en eut un en l’an 5 de notre ère ; d’autres en 15, 51 et 59 (le 30 avril). En 191, sous Commode, l’incendie déjà mentionné fut précédé d’un tremblement de terre, et en 297 un autre, dont parle Dion Cassius, impressionna vivement la superstition populaire.

Souvent ces convulsions du sol étaient accompagnées d’inondations, en tout temps fréquentes à Rome. Nulle part les débordements du Tibre ne s’étendaient aussi loin que dans la ville même. Il en est encore ainsi de nos jours. Quoi que l’on fît, pour se prémunir contre cette calamité ; les eaux jaunâtres du fleuve, refoulées de son embouchure par les tempêtes de la mer, et gonflées par des pluies torrentielles, revenaient sans cesse, au printemps ou en automne, inonder les parties basses de Rome. Atteignant même quelquefois des quartiers plus élevés, elles emportaient nombre d’hommes et d’animaux, dans leur crue subite. C’est ainsi que fut détruit l’ancien pont en bois sur le Tibre. Des quartiers presque entièrement submergés par les flots on ne voyait plus, alors, à découvert que la partie supérieure des bâtiments les plus élevés ; pendant des jours entiers on ne traversait les rues que dans des canots, servant à ravitailler les habitants, isolés par les eaux qui interceptaient toute autre communication. De grandes inondations eurent lieu en 27, 23 et 22 avant Jésus-Christ, ainsi que dans les années 5, 15, 36 et 69 de notre ère, et, plus tard, sous les règnes de Nerva, Trajan, Adrien, Antonin et Marc-Aurèle. Il est probable que les inondations détruisirent souvent de grands approvisionnements de grains, les entrepôts et principaux magasins de céréales, voisins du Tibre, se trouvant plus particulièrement exposés à ces ravages. Aussi, le fleuve une fois rentré dans son lit, l’écroulement des bâtiments minés par les eaux, des épidémies et la famine, ne tardaient pas à s’ensuivre.

Cependant la famine, dont Rome connut les horreurs, y fut souvent aussi produite par d’autres caisses. La plus grande sollicitude des empereurs ne parvenait pas toujours à prévenir les accidents et à détourner les hasards capables d’occasionner la disette et la cherté, dans une ville dont l’immense population agglomérée n’avait que les récoltes des pays d’outre-mer pour assurer sa subsistance. Il ne leur était pas plus facile de conjurer le danger des révoltes qui pouvaient en résulter. Pendant une disette, qui suivit le débordement du Tibre, et qui de l’an 6 se prolongea jusqu’à l’an 8 de notre ère, le blé atteignit des prix exorbitants. On expulsa une multitude d’esclaves et d’étrangers de la ville, pour y rendre la misère plus supportable, et il fallut, en outre, des efforts extraordinaires pour parer à l’imminence d’une révolte. Une autre disette de l’an 19, dont parle Tacite, faillit ramener une crise du même genre. Sous le règne de Claude, il y eut deux grandes disettes, dans les années 41 et 52. La première, occasionnée par l’emploi de beaucoup de navires aux travaux du pont de Caligula, de Puteoli (Pouzzoles) à Baïes, en construction depuis l’an 39, détermina l’établissement du port d’Ostie. Lors de la seconde, causée par le manque des récoltes, il ne restait plus du blé que pour quinze jours ; une émeute éclata et Claude n’échappa qu’avec peine à la fureur populaire. Heureusement, l’hiver fut doux et les grandes primes accordées par l’empereur à la navigation et au commerce des grains se montrèrent suffisamment efficaces. De nouvelles famines sont mentionnées en 69, en 138 sous Antonin le Pieux, en 166 sous Marc-Aurèle, et en 188 sous Commode. Ce retour fréquent des disettes à Rome, nous les montre comme un des fléaux infligés en quelque sorte fatalement à la cité reine du monde.

Les germes d’épidémies destructives y ont aussi de tout temps été comme inhérents au sol. L’insalubrité de la campagne de Rome est d’une notoriété proverbiale. Déjà les plus anciens colons de ces lieux y avaient élevé des autels au mauvais génie qui donne la fièvre, dès lors endémique à Rome. Galien vit se reproduire dans cette ville seulement quatre cas d’une maladie qu’Hippocrate n’avait observée qu’une seule fois dans toute sa vie. Une lourde atmosphère pesait sur Rome, celle d’un air vicié par la fumée d’innombrables gargotes, dont les vapeurs nauséabondes se confondaient avec des tourbillons de poussière et d’autres odeurs inqualifiables, dont parle Martial. On éprouvait du soulagement quand on avait la ville à dos. Sous la république comme sous l’empire, de grandes épidémies, mais d’un caractère distinct et sans analogie avec la peste d’Orient, se succèdent à Rome, souvent à très peu d’intervalle, et y font d’innombrables victimes. Celle qui sévit en automne 65 n’épargna ni âge, ni condition, ni famille ; les maisons étaient remplies de cadavres, et les convois de morts ne discontinuaient pas dans les rues. Pendant ce seul automne 30.000 inhumations furent portées sur les registres de la Libitina[56], ou entreprise des pompes funèbres, bien qu’ordinairement elle ne se chargeât pas d’enterrer les esclaves, ni môme les indigents. L’éruption du Vésuve de l’an 79 fut également suivie d’une cruelle épidémie, à Rome. Sous Adrien, on en revit une autre, avec accompagnement de famine et de tremblement de terre. Mais la plus grande de toutes les épidémies, non seulement de Rome, mais de l’antiquité en général, fut celle que l’armée revenue, en 166, avec L. Verus avait rapportée d’Orient en Occident, et qui, s’étendant sur tout l’empire romain, finit par gagner aussi Rome, où elle éclata, vers l’époque de 187 à 189, sous Commode, avec une violence effroyable, et continua même à sévir avec plus ou moins d’intensité dans les années suivantes. S’il faut en croire Dion Cassius, il mourait alors souvent, dans cette ville, jusqu’à 2.000 personnes en un jour. Ces épidémies ne correspondaient d’ailleurs, par leurs caractères nosologiques, à aucune de celles que nous connaissons. Quelques médecins, cependant, croient y reconnaître la petite vérole.

Des maux si nombreux, si divers et si terribles, ne devaient-ils pas constamment rappeler au souvenir des habitants de cette ville dorée ces paroles de Varron : Divina natura dedit agros, ars humana œdificavit orbes (la campagne est de Dieu, les villes sont de la main des hommes), paroles que de nos jours le poète anglais Cowper a presque littéralement traduites ainsi : God made the country and man made the town.

 

 

 

 



[1] Les sept collines sont le mont Palatin, le Quirinal, le mont Capitolin ou Tarpéien, l’Aventin, le Cœlius, le Viminal et le mont Esquilin, tous déjà compris dans l’enceinte de Servius Tullius. Le mur d’Aurélien enclava en outre le mont Vatican et le Janicule, sur la rive droite du Tibre, ainsi que le mont Pincius et le Champ de Mars, sur la rive gauche du fleuve, au nord.

[2] Tite-Live, V, 55. - Tacite, Annales, XV, 43.

[3] Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XVI, 30, d’après Cornélius Nepos.

[4] Tite-Live, XL, 5.

[5] Cicéron, De lege agraria, II, 35, 96.

[6] Consolations à Helvie, 6, 3.

[7] Bunsen, dans sa Description de Rome, admet comme sauvés le 1er, le 5e, le 6e et le 14e.

[8] Vitruve, De Architectura, II, 8.

[9] Le pied romain était de 295 ½ millimètres.

[10] Épitomé, c. XIII.

[11] Martial, I, 117, 7.

[12] Voyez Becker, Gallus, 2e édit., II, 227.

[13] Cicéron, Catilinaires, IV, 7, 17. - Suétone, Néron, chap. XXXVII. - Properce, V, 8, 62. - Quintilien, VI, 3, 38.

[14] Martial, VII, 61.

[15] Ammien Marcellin, XXVII, 9, 10.

[16] Digeste, XLIII, 8, 2, § 6.

[17] Aristide, Encomium Romæ, p. 198, etc.

[18] Histoire naturelle, III, 66.

[19] Édition Didot, I, 31.

[20] Strabon, V, 3, 12, p. 239, Casaubon.

[21] Denys d’Halicarnasse, IV, 13.

[22] V. 3, p. 236.

[23] On a même cru devoir ajouter les premiers de ces thermes à la liste des sept merveilles de Rome, de Silvius Polémon, (dans son Laterculus), sur laquelle figurent le Janicule, à tort ou à raison, les égouts, les aqueducs, le forum de Trajan, l’amphithéâtre, l’odéon et les thermes d’Antonin.

[24] Lavaera in modum provinciarum exstructa.

[25] Voyez Raoul Rochette, Peintures antiques, p. 61, etc.

[26] Cassiodore, Lettres, VII, 15 ; VIII, 13.

[27] Témoins ces vers de Rutilius Numatianus :

Quid loquar inclusas inter laquearia silvas,

Vernula qua vario carmine ludit avis ?

Vere tuo nunquam mulceri desinit annus

Deliciasque tuas vicia tuetur hiems.

[28] De Aquis urbis Romæ, II, 78, etc.

[29] III, 54 ; puis XI, 240, ainsi que Plutarque, De Fortuna Rom., 12.

[30] Voir sa biographie, chap. XII.

[31] Tacite, Annales, XV, 38.

[32] Aristide, Encomium Rom., p. 200, 10, etc.

[33] Juvénal, VI, 398. — Martial, IX, 36.

[34] Pline l’Ancien, XII, 20.

[35] Dion Cassius, LXXV, 16.

[36] Suétone, Octave, chap. XLIII.

[37] Phlégon de Tralles. Mirabilia, éd. de Bâle, 1568, p. 75 et 84.

[38] M. Friedlaender en cite plusieurs. — Voir aussi Sénèque, Consolations, 6, 2.

[39] De Clementia, I, 6, 1.

[40] Chronographe de 354.

[41] Suétone, Caligula, chap. XXVI.

[42] In illo orbis terrarum conciliabulo, lit-on dans un fragment du rhéteur Annius Florus.

[43] Cité par Galien, vol. V, p. 585, 57, éd. de Bâle.

[44] Appien, IV, 47.

[45] Philostrate, Vies des sophistes, I, 8, p. 490, 20.

[46] Voilà du moins ce qui résulte de la révision soigneuse à laquelle E. de Wietersheim, dans son Histoire de la migration des peuples (tome I, p. 265), publiée en 1859, a soumis toutes les évaluations antérieurement faites à ce sujet.

[47] Le modius, de 16 sextarii, était d’un peu plus de 8 litres et demi.

[48] Juvénal, III, 165, etc.

[49] Velleius Paterculus, II, 10, 1.

[50] Tacite, Annales, XVI, 5. — Martial, XI, 16. — Pline le Jeune, Lettres, I, 14, 4 ; II, 13.

[51] Épîtres, II, 2, 72-85.

[52] Martial, XII, 57, 4, IX, 29 et XIV, 223.

[53] Suétone, Octave, chap. XCI.

[54] On le faisait sauter sur un manteau déployé comme une couverture, ce qui s’appelait, d’un nom particulier, sagatio.

[55] Juvénal, I, 1. — Gaius, Digeste, XLIV, 7, 5, § 5.

[56] Surnom de la déesse qui présidait aux funérailles.