HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE VI. — CHARLES VII PENDANT SES DERNIÈRES ANNÉES. - 1454-1461.

 

CHAPITRE XVI. — L'ADMINISTRATION DE 1454 À 1461.

 

 

ROYAUTÉ, ADMINISTRATION CENTRALE, PARLEMENT, ÉTATS GÉNÉRAUX, CLERGÉ, NOBLESSE, TIERS-ÉTAT, FINANCES, ARMÉE, COMMERCE, INDUSTRIE.

 

Grandes réformes de Charles VII ; caractère de ces réformes. — Suppression des aliénations du domaine ; opposition que rencontrent les exceptions à cette mesure. — Libéralités à l'égard des princes du sang ; hommages rendus par les ducs de Bretagne ; procès du comte d'Armagnac. — Changements dans le personnel des grands officiers ; nouveaux éléments introduits dans le Conseil ; importance croissante du grand Conseil ; part personnelle du Roi à ses travaux, — Caractère des réformes judiciaires ; la grande ordonnance d'avril 1454 ; autres règlements pour la justice ; Parlements locaux ; grands jours ; Échiquier de Normandie. — États du Languedoc ; États de Normandie ; États de la sénéchaussée des Lannes. — Relations avec la cour de Rome ; maintien de la Pragmatique ; intervention personnelle du Roi dans les affaires ecclésiastiques ; exemptions ; confirmations de privilèges ; lettres de sauvegarde ; concessions diverses ; dons aux abbayes ; mesures prises à l'égard de l'Université de Paris et d'autres Universités. — Appels de la noblesse sous les armes enregistrement des fiefs et arrière-fiefs ; enquêtes à ce sujet ; anoblissements ; légitimations ; autorisations de posséder données à des étrangers ; autorisations de fortifications ; lettres de rémission. — Politique du Roi à l'égard de la Normandie ot de la Guyenne mesures à l'égard des villes. — Administration financière ; Chambre des comptes ; Domaine ; Monnaies ; répartition des tailles, etc. — Administration militaire : enquête sur le mode de paiement des gens de guerre ; l'armée en Normandie ; les francs-archers. — Situation prospère du royaume ; mesures prises pour favoriser le commerce et l'industrie.

 

Il y eut en France, dans les dernières années du moyen âge, une époque de féconds travaux, où la justice, l'administration, les finances et l'organisation militaire furent entièrement réformées, où les institutions féodales furent définitivement vaincues par le pouvoir royal, où un nouveau système d'administration et de gouvernement fut fondé... Un prodigieux travail législatif s'accomplit pendant dix-huit années. Une multitude d'ordonnances sur les lois criminelles et civiles, sur la procédure, sur les impôts, sur les monnaies, sur le commerce, renouvellent la législation et forment de véritables codes... Du milieu des ruines sortent à la fois une nouvelle forme de gouvernement, la monarchie administrative, et une nouvelle société civile[1].

Ainsi s'exprime un historien moderne qui, tout eu incriminant avec violence la personne royale, n'a pu méconnaître tout ce qui s'est fait de grand et de fécond sous le règne de Charles VII.

Nous avons suivi, d'étape en étape, ce persévérant travail de réorganisation. Nous avons montré de quelle main prudente et habile Chartes VII toucha à toutes les branches de l'administration. Il faut maintenant achever cette étude et mettre en pleine lumière ces grandes réformes qui furent le point de départ d'une ère nouvelle et dont tes résultats se firent sentir durant de longs siècles.

La reconstitution du pouvoir royal sur de solides bases, telle a été la tâche poursuivie par Charles VII, avec l'aide des conseillers dont il avait su s'entourer. Le principe d'autorité, si fortement ébranlé par les agitations du règne précédent, si compromis par les violences et t'arbitraire qui avaient signalé l'administration du connétable de Richemont et de La Trémoille, a reconquis toute sa force et tout son prestige. La Royauté est désormais hors de pair : toutes les oppositions, toutes les intrigues se sont évanouies en face de cette politique à la fois ferme et modérée, qui s'est imposée et qui a triomphé de tous les obstacles.

Le domaine royal a été reconstitué. Le déplorable système des aliénations, trop longtemps maintenu sous l'empire de la nécessité des temps ou de l'influence du favoritisme, a été définitivement abandonné : la royauté est revenue à la stricte observation des édits qui avaient proclamé les vrais principes en cette matière. Si certains entraînements regrettables apparaissent encore, malgré l'opposition du Parlement, la royauté reconnaît que, au-dessus des caprices ou des faiblesses du souverain, il y a une règle qui s'impose et devant laquelle tout doit fléchir : le règne de la loi a succédé au règne de l'arbitraire. Quand Charles VII, après la fuite de son fils, prit en main le gouvernement du Dauphiné, il révoqua toutes les aliénations du domaine faites dans ce pays par le Dauphin[2]. Si des exceptions se produisent, elles sont rares, et il faut que le Roi ou ses conseillers interviennent pour qu'elles puissent avoir leur effet. C'est ainsi que Charles VII, ayant donné, par lettres du 22 octobre 1458, au comte de Dunois, en considération de ses grands et continuels services, les seigneuries de Parthenay, Secondigné, etc., attribuées autrefois au connétable de Richemont, et qui devaient faire retour à la couronne après le décès de celui-ci, puisqu'il n'avait pas d'héritier Male, la Chambre des comptes refusa d'entériner les lettres, et ordonna de procéder à une information sur les droits et titres et sur la valeur des biens. A la date du 6 avril 1460, le Roi adressa à ses gens des comptes une lettre missive pour leur enjoindre de remplir, sans plus de délai, la formalité de l'entérinement[3]. La même opposition se produisit au sujet des dons de biens confisqués en Guyenne, faits à Louis de Beaumont, sénéchal de Poitou, et à Antoine de Chabannes[4]. Les terres confisquées sur Pierre de Montferrant, sire de Lesparre, furent données, par lettres du 17 février 1455, à Giraud d'Albret, seigneur de Puypardin, en récompense des importants services par lui rendus[5]. Après les confiscations opérées sur le duc d'Alençon et sur le comte d'Armagnac, et la réunion au domaine de leurs possessions, nous voyons Charles VII donner à Antoine d'Aubusson la seigneurie de Semblançay (20 novembre 1458)[6], et au duc de Bourbon le comté de l'Isle-Jourdain (17 mars 1461)[7].

Les princes du sang, largement pensionnés sur le trésor royal, continuèrent d'être l'objet des libéralités du Roi. Le duc d'Orléans, qui recevait, on l'a vu, douze mille livres par an pour la garde de son comté d'Asti[8], reçut en outre, par lettres du 17 septembre 1456, une somme de douze mille livres à lever en cinq années sur les habitants de ses seigneuries situées au-delà des rivières de Seine et d'Yonne[9] ; il eut de plus le produit de la gabelle du sel dans ses terres et seigneuries[10]. La même faveur fut concédée au duc de Bourbon pour le grenier à sel de Moulins[11], et au comte d'Eu pour le grenier à sel de Neuchâtel[12]. Le roi de Sicile reçut, par lettres du 5 juin 1460, une somme de cinquante-cinq mille livres à lever sur les pays de Languedoil, pour subvenir aux dépenses de l'expédition du duc de Calabre dans le royaume de Naples[13] ; et, de plus, Charles VII lui céda une créance de vingt-cinq mille ducats d'or sur des marchands d'Avignon[14]. Le Roi ne cessa de payer une pension à Catherine d'Alençon, duchesse de Bavière[15], et désigna en 1460 des commissaires pour régler avec cette princesse des points litigieux relatifs à la succession de son père[16]. Il accorda à Charles d'Armagnac, à titre de provision, une pension de deux mille francs sur les revenus des terres confisquées sur son frère[17].

A l'occasion du procès du duc d'Alençon, les comtés d'Eu et de Foix furent érigés eu pairies en faveur de Charles d'Artois et de Gaston de Foix. Les lettres données à cet effet portent la date du mois d'août 1458[18]. Pareille faveur fut octroyée à Charles de Bourgogne pour le comté de Nevers[19].

Les difficultés qui s'étaient produites en 1430, lors de l'hommage rendu par le nouveau duc de Bretagne, se renouvelèrent en 1458 et en 1459. Charles VII exigeait que l'hommage lige lui fût rendu, et les ducs de Bretagne prétendaient ne devoir que l'hommage simple. Le comte de Richemont, devenu duc de Bretagne le 22 septembre 1457, par la mort de son neveu Pierre, rendit hommage le 14 octobre 1458, pendant son séjour à Vendôme. Quand il se présenta devant le Roi, ayant son épée ceinte, le comte de Danois, à titre de grand chambellan, lui adressa ces paroles : Monseigneur de Bretagne, vous devenez homme du Roi, mon souverain seigneur ici présent, et lui faites hommage lige à cause de votre duché de Bretagne, et lui promettez foi et loyauté de le servir envers tous qui peuvent vivre et mourir. Le comte d'Eu et Antoine d'Aubusson, constatant que le duc avait l'épée ceinte, contrairement à l'usage, s'écrièrent d'une seule voix : Faites-lui ôter la ceinture ! A quoi le chancelier de Bretagne, Jean du Cellier, répondit : Il ne le fera point, car il ne le doit faire. S'adressant alors au Roi, le duc lui dit : Tel hommage que mes prédécesseurs vous ont fait, je vous fais, et ne l'entends ni le fais lige. Le chancelier Jouvenel intervint, et fit observer au duc que ses prédécesseurs avaient rendu l'hommage lige. Vous le dites, reprit le duc, et je dis que non ; et aussi je ne le fais point lige. Charles VII coupa court à la discussion en disant : Tel que vos prédécesseurs l'ont fait, vous le faites. Mais Richemont insista : Voire, je le fais comme mes prédécesseurs l'ont fait aux vôtres et à vous, et je ne le fais point lige. Debout, l'épée au côté, le duc fut reçu au baiser ; puis il prêta l'hommage lige pour le comté de Montfort. Mais il refusa de faire hommage pour la pairie. Le chancelier lui ayant demandé si, comme pair, il ne rendait point d'hommage, le duc répondit : Je ne suis point délibéré à présent de rien en faire. Le Roi, avec sa bonne grâce habituelle, dit alors : C'est son fait ; il sait bien ce qu'il a à faire : on doit s'en rapporter à lui[20].

Quand François de Bretagne, comte d'Étampes, devenu duc à son tour, se présenta, le 28 février 1459, au château de Montbazon, pour rendre hommage au Roi, la même scène se renouvela, et le Roi témoigna pareille indulgence au jeune prince qu'à son vieux connétable[21].

Nous avons raconté la campagne entreprise en 1455 contre le comte d'Armagnac, dont toutes les possessions avaient été confisquées. Jean V fut ajourné à comparaître, le 20 novembre 1456, devant le Parlement de Paris. Le 24 novembre, un jugement de contumace fut rendu contre lui, et il fut ajourné de nouveau pour le 15 mai 1457. Le comte se décida à se présenter devant le Parlement. La cause s'ouvrit le 14 mars 1458, à huis-clos. L'avocat Poignant déclinà en son nom la compétence du Parlement : Jean V, comme descendant de la maison royale, prétendait être jugé par la cour des Pairs ; il excipait aussi de la qualité de clerc. Après de longs débats[22], le Parlement se déclara compétent. Il accorda à l'inculpé une provision du tiers de ses revenus, évalué à dix mille couronnes d'or, et le laissa en liberté, à la condition de résider à proximité de Paris. Mais, bien que prisonnier sur parole, le comte s'évada au mois de novembre 1459[23] : il alla visiter te duc de Bourgogne, qui refusa de le recevoir, et le Dauphin, qui parait lui avoir fait bon accueil, et de là se rendit à Noseroy, près du prince d'Orange[24]. Pendant ce temps, le Parlement poursuivait l'instruction de la cause : le 13 mai 1460, après trois édits de ban sur défaut, le premier président Yves de Scepeaulx prononça, eu la grand' chambre, l'arrêt déclarant le comte d'Armagnac coupable d'inceste, de rébellion, de conspiration avec les Anglais, et criminel de lèse-majesté. Le condamné avait la vie sauve, mais il était banni à perpétuité du royaume et tous ses biens étaient confisqués[25]. Jean V alla trouver le pape Pie II, qui implora en son nom la clémence royale[26]. Mais Charles VII ne céda point à ces instances : il maintint la condamnation prononcée contre lé comte, qui se retira en Aragon[27], où il vécut misérablement jusqu'au jour où Louis XI, devenu roi, lui accorda une amnistie, avec restitution de tous ses biens[28].

La charge de connétable devenait vacante par la mort du comte de Richemont, qui, tout en prenant possession du duché de Bretagne, avait tenu à la conserver. Elle fut convoitée par le comte de Saint-Pol, qui paraît même avoir voulu supplanter Richemont[29] ; mais Charles VII la laissa vacante. Il ne fit pas de même pour le poste de maréchal de France dont Philippe de Culant, seigneur de Jalognes, était titulaire. A la date du 1er avril 1454, il réunit les membres de son grand Conseil, parmi lesquels se trouvaient plusieurs princes du sang, ses connétable, lieutenants, maréchal, maître des arbalétriers, amiral et autres notables gens, afin d'aviser, chacun en droit soi et loyalement, à pourvoir à cette vacance, et, en grande solennité, il leur fit prêter serment de le bien conseiller. Et pour plus seurement proceder en icelle election, lit-on dans les lettres royales, après lesdiz seremens prias et reeeuz, ayans nous mesmes en nostre personne interrogué sur ce chascune part, affin qu'ilz nous nommassent celui qui leur sembloit, eu leur conscience, estre plus necessaire, convenable et prouffitable pour nous et la chose publique pour avoir obtenu ledit office ; en procedant en laquelle election, combien que plusieurs notables personnes nous aient quant à ce esté nommez et grandement recommandez, toutesvoies le fort et la greigneur voix de beaucoup sont escheuz à la personne de notre amé et feal conseiller et premier escuyer de corps Poton, sire de Santrailles[30].

La charge de grand écuyer, délaissée par Saintrailles, passa (20 mai 1454[31]) à Tanguy du Chastel, écuyer d'écurie du Roi, neveu de son ancien conseiller et chambellan, lequel vivait encore, retiré dans la sénéchaussée de Beaucaire, où il mourut en 1458. Au décès du duc Charles de Bourbon, la charge de grand chambrier, héréditaire dans sa maison, passa à son fils Jean ; mais Charles VII l'en investit par lettres spéciales[32], et, par d'autres lettres, il le maintint en possession des droits et privilèges de cette charge[33]. Jean Soreau, grand veneur, conserva sa charge jusqu'à la mort de Charles VII[34]. A côté du grand chambellan, nous avons rencontré un premier chambellan ; après la mort d'André de Villequier (1er juillet 1454), ce poste passa successivement à deux autres favoris : Guillaume Gour-fier, qui l'occupa jusqu'à son arrestation, en janvier 1457 ; puis Jean de Levis, seigneur de Vauvert. Nous trouvons ainsi, à côté de l'amiral, un vice-amiral : dans un acte du 7 mai 1454, Jean Fleury est mentionné en cette qualité[35].

Si nous examinons quels furent les éléments nouveaux introduits dans le grand Conseil durant la dernière période du règne de Charles VII, nous constatons l'influence de plus en plus prépondérante de ce qu'on appelait alors les gens de petit estat. En 1454, Richard Olivier, évêque de Coutances, Pierre Dorlote, Étienne Le sèvre et Henri de Marie entrent au Conseil, où ils siègent assidûment[36] ; en 1455, nous voyons apparaître Charles de Gaucourt, seigneur de Chasteaubrun, François Halle, Jean Tudert et Jean Hardouin[37] ; en 1456, Denis d'Auxerre ; en 1457, Georges Havart et Pierre du Reffuge ; en 1460, Jean de la Reauté. Les conseillers les plus influents sont le comte de Dunois, le comte du Maine, le comte de Foix, l'amiral de Bueil, Jean d'Estouteville, Jean Bureau, Étienne Chevalier, Antoine d'Aubusson et Guillaume Cousinot.

Ce qu'il faut constater aussi, c'est l'importance croissante des attributions du grand Conseil, la multiplicité des affaires qui lui étaient soumises[38], la part personnelle que le Roi prenait à ses délibérations. Il convient de rappeler ce que dit Henri Baude à ce sujet. Le Roy continuellement s'estudioit à trouver moyens bons au soulaigement de son peuple... Ce qui estoit délibéré en son Conseil estoit executé sans aucune dissimulation ou variation... Quant on lui bailloit des request es, il les faisait prendre et veoir, et, quant on lui en avoit fait le rapport, renvoyait les supplians où il appartenoit... et il en ordonnoit ainsi qu'il le trouvoit par Conseil, sans lequel il ne faisait riens. Et equipoloit-on son Conseil à une Cour de Parlement, pour les notables et grans getis qu'il y tenon. Il avoit departy le temps pour entendre aux affaires de sen royaume, et tellement qu'il n'y.avoit point de confusion. Car, le lundi, le mardi et le jeudi il besongnoit avec le chancelier et son Conseil, et expedioit ce qui estoit à expedier touchant la justice. Le mercredi, il besongnoit et entendait ou fait de la guerre avec les mareschaulx, capitaines et autres gens de guerre. Ledit mercredi, vendredi et samedi aux finances. Et se trouvoient aussi les gens des finances avec les gens de guerre. Et aucune fois il prenoit le jeudi on partie du jour pour sa plaisance[39]... Le Roy veoit chascun an et plus souvent tout le fait de ses finances et le faisait calculer en sa presence, car il l'entendait bien. Il signoit de sa main les rooles des receveurs generaulx, des estats et acquits d'icelles finances, et tellement s'en prenoit garde qu'il apperceust et conceust tout ce qu'on y pouvait faire... Les lettres qu'il escripvoit estaient juridicques, et toutes les faisait venir et mettre au Conseil ; autrement ne les eust signées. Toutes les Lettres ainsi veues et expédiées il lisait de mot à mot, et après les signait de sa main ; ne jamais n'eust cachet que la signature de sa main[40]. Les documents viennent confirmer, sous ce rapport, les dires de Henri Baude : nous avons relevé, en dehors des lettres missives, de nombreuses lettres signées de la main du Roi.

 

La dernière période du règne est celle des grandes réformes judiciaires.

Thomas Basin rend un juste hommage à ce que fit Charles VII sous ce rapport : Il honorait et aimait, dit l'évêque de Lisieux, les cours suprêmes de son royaume, et surtout cette illustre Cour du Parlement de Paris. Il apportait ses soins à y faire entrer des hommes d'un caractère intègre, d'une moralité éprouvée, d'une grande science dans le droit, et, quand quelques-uns d'entre eux venaient à manquer, il leur donnait pour successeurs des gens que ces qualités recommandaient. Il s'étudia à faire des lois et des constitutions, réforma les anciennes afin de rendre l'expédition des causes plus prompte et plus économique, faisant taire ainsi les, plaintes qui s'élevaient dans le royaume sur l'interminable et dispendieuse longueur des affaires portées devant le Parlement[41].

Henri Baude témoigne aussi du soin apporté par le Roi à l'exercice de la justice[42] : Il maintenoit et faisait maintenir et garder justice en tous ses membres, c'est assavoir en ses Cours de Parlement, bailliages, seneschaucées, prevostez, et en sa maison. Il estoit servy en icelles, en sa Chambre des comptes, finances, guerre et ailleurs, des plus notables gens et experimentez qu'il pouvait fluer, et les mectoit ès offices selon leurs vocacions. Il faisoit tenir et observer les ordonnances faictes par lui et ses predecesseurs, et par icelles n'estait permis aux conseillers de sesdictes Cours de Parlement d'estre frères, cousins, parens, ou affins, par quoy n'y avoit nulles bandes, partialitez ou factions en icelles... Les arrestz de ses Cours de Parlement estoient executez, et baillait les provisions de justice au cas appartenans, et avait la justice son cours entièrement, sans aucun empeschement, rescription ou defenses att contraire... Quelques lettres qu'il escripvist par importunité de requerans ou autrement, il n'entendait point deroguer aucunement à justice ne aux ordonnances anciennes, et, quant il estoit adverty du contraire, le faisoit reparer... Il voulait bonne et briefve justice estre administrée au povre comme au riche, et au petit comme au grant. Quant il vacquoit aucun office de judicature ou autre, il se faisoit informer de la souffi sance de ceulx à qui il le donnait. Ilne prenait ni ne vouloit estre pris argent du don des offices. Quant en ses Cours de Parlement avoit vacacion de presideus ou conseillers, il escrip voit à la Court qu'ils lui escripvissent en leurs consciences les noms de trois des plus dignes et notables pour avoir ledit office, et, ce fait, en elisoit Ling des trois plus souffisant et ydoyne.

Après la seconde conquête de la Guyenne, au mois d'avril 1454, Charles VII réunit autour de lui, au château de Montils-les-Tours, les membres les plus éminents de son Conseil, et fit rédiger la grande ordonnance sur la réformation de la de la justice.

Cette ordonnance est précédée d'un préambule remarquable. Le royaume a été opprimé et dépeuplé par les divisions et les guerres qui sévissaient à l'époque où le Roi est venu an gouvernement. Il l'a trouvé occupé, dans sa majeure partie, par les Anglais. Depuis, par la Divine puissance, il a délivré des mains de ses ennemis la Champagne, le Vermandois, la Picardie, de France et sa bonne ville de Paris. Il a mis un terme, par la réforme des gens de guerre, à la grande affliction et désolation qui régnait par suite des roberies et pilleries. Enfin il a, par la grâce de Dieu tout puissant, conquis la Normandie, le Maine et le Perche ; puis il a chassé, à deux reprises, les Anglais de la Guyenne. Dont, ajoute le Roi, nous rendons louanges et grâces à Dieu nostre createur. Et, par le moyen desdictes guerres et divisions, la justice de nostre royaume a esté moult abaissée et opprimée, et les bonnes ordonnances de nos predeeesseurs Rois de France qui avoient esté faictes sur l'entretenement et gouvernement de la justice de nostre royaume, ont esté delaissées, tant en nostre justice souveraine de nostre cour de Parlement qu'ès autres justices de nostre royaume. Les conseillers du Parlement n'ont point été si nombreux que par le passé ; la chambre des requêtes a été abandonnée. Considerant que les royaumes, sans bon ordre de justice, ne peuvent avoir durée ne fermeté aucune ; ayant égard aux grandes graces que Dieu nous a faictes, comme dessus est dit, dont nous le regracions et merdons ; voulant pourvoir à nos subjectz de bonne justice ; eue sur ce grande et meure deliberacion avec plusieurs seigneurs de nostre sang et lignage, et plusieurs prelatz, archevesques, evesques, barons et seigneurs de nostre, royaume et les gens de nostre Brant Conseil, et aucuns des presidens et autres gens de nostre dicte court de Parlement, et autres juges et prudhommes d'iceluy nostre royaume, par nous sur ce assemblez, le Roi, en suivant les ordonnances de ses prédécesseurs, déclarait avoir fait les ordonnances, statuts et établissements qui suivent, sur le fait de sa justice.

 Le Roi règle d'abord la composition du Parlement, la résidence de ses membres, la durée et la tenue des audiences, la compétence du Parlement ; il détermine la nature des causes qui seront portées devant lui, et trace aux juges la conduite à  tenir ; il fixe, avec un soin minutieux, tout ce qui concerne les devoirs des avocats et des procureurs. Les plaidoiries et écritures des avocats seront taxées avec modération ; les avocats ne recevront à l'avance aucun émolument ; ils devront être brefs dans leurs plaidoiries et ne point injurier les parties. Les causes des indigents sont recommandées au zèle et à l'équité des magistrats, car, dit l'ordonnance, est nostre Court de Parlement ordonnée pour faire droict aussi tost au pauvre comme au riche, et a le pauvre mieux besoing de briefve expedition que le riche. Passant aux tribunaux inférieurs, le Roi rappelle les anciens règlements relatifs aux sénéchaux et baillis ; il déclare qu'il sera pourvu sans délai aux places vacantes : les nouveaux titulaires seront nommés par le Roi sur une liste dressée par les officiers royaux dans chaque sénéchaussée et bailliage ; il interdit la vénalité des officiers ; il règle ce qui est relatif aux enquêtes par commissaires, aux devoirs des greffiers civils et criminels, des notaires ; il donne à tous les officiers du Parlement des instructions pour la bonne administration de la justice ; il interdit aux juges de recevoir des dons. Enfin, pour que les procès soient abrégés et les jugements rendus plus certains, il ordonne que les coutumes, usages et styles usités dans les différentes parties du royaume seront rédigés par écrit et apportés devant lui, pour être soumis aux gens du grand Conseil et du Parlement, et revêtus de l'approbation royale[43].

Telle est, en substance, cette grande ordonnance, qui ne contient pas moins de cent vingt-cinq articles, et qu'on a appelé notre premier code de procédure[44]. On y rencontre un ordre, une méthode et une lumière qui sont tels qu'elle peut être comparée sans désavantage aux meilleurs règlements modernes[45].

Il faut rapprocher de la grande ordonnance d'avril plusieurs actes en date des 15 et 16 avril 1454, par lesquels le Roi rétablit la chambre des requêtes du palais, désigna les officiers du Parlement qui devaient en faire partie, et ordonna que les causes portées devant les maîtres des requêtes de l'hôtel seraient désormais portées devant la chambre des requêtes du palais[46] ; et une ordonnance du 16 avril, fixant le rang que devaient avoir entre eux les conseillers clercs ou laïques nouvellement nommés[47].

Par lettres du 2 août 1457, Charles VII décida qu'il ne serait point déféré aux appellations interjetées quand il s'agirait de l'exécution de lettres du Roi[48].

Pour faciliter l'expédition des affaires, le Roi décida, par lettres du 3 août 1457, que les conseillers qui se trouvaient à Paris pendant les vacations pourraient procéder à l'examen des procès appointés et par écrit, pourvu qu'ils fussent en nombre suffisant, en renvoyant à la rentrée le prononcé du jugement[49]. Quelques mois plus tard, il ordonna que les présidents et conseillers emploieraient les après-dîners à l'expédition des petites causes, et leur alloua à cet effet une augmentation de gages[50].

Le jour même où il confirmait la célèbre ordonnance connue sous le nom de Charte aux Normands, Charles VII déclara que les causes concernant les régales, les princes du sang, et ses officiers ordinaires seraient portées devant ses Cours siégeant à Paris, nonobstant les privilèges accordés aux habitants de la Normandie[51].

Charles VII avait, par lettres du 22 mars 1449, exempté les officiers du Parlement de lever à leurs dépens des gens d'armes et de trait dans les fiefs et terres nobles qu'ils tenaient de la couronne ; cette exemption fut renouvelée par d'autres lettres en date du 11 mai 1453[52]. Les officiers du Parlement furent pareillement exemptés des décimes imposées sur la demande du Pape[53].

Pour prévenir les conflits qui pourraient s'élever entre le Parlement de Paris et le Parlement de Toulouse, le Roi déclara, par lettres du 14 novembre 1454, que le second devait être regardé comme ne faisant qu'un parlement avec le premier, et que les membres de l'un et de l'autre pourraient, quand l'occasion s'en présenterait, siéger soit à Paris soif à Toulouse[54]. Par lettres du 30 avril 1457, les gages des membres du Parlement de Toulouse furent augmentés[55].

Des commissaires pour la réformation de la justice furent envoyés en Guyenne et en Languedoc en 1454 ; leurs travaux se poursuivirent pendant deux années[56].

Des démarches furent faites en 1452 par les habitants de Poitiers pour l'installation d'un Parlement dans leur ville[57]. Charles VII n'y consentit point ; mais, pour donner satisfaction aux plaintes qui lui venaient de divers côtés, il décida que des conseillers au Parlement de Paris se transporteraient dans certaines villes pour y procéder à l'examen des causes et prononcer en dernier ressort[58]. C'est ce qu'on appelait tenir les grands jours. Il y eut des grands jours à Poitiers et à Montferrand en 1454[59] ; à Thouars et à Poitiers en 1455[60] ; à Bordeaux en 1456[61] ; à Orléans en 1457[62] ; à Bordeaux en 1459[63].

En recevant l'obéissance des habitants de Rouen, Charles VII leur avait promis le rétablissement de leur Échiquier : il tint parole : à partir de 1453 les sessions de l'Échiquier de Normandie paraissent avoir été tenues régulièrement chaque année[64].

Il y eut peu d'exécutions capitales sous le règne de Charles VIL Pourtant les conspirations ourdies en Guyenne pour livrer cette province aux Anglais exigèrent une sévère répression : c'est ainsi que, vers la fin de 1453, Pierre de Montferrand, soudan de la Trau et sire de Lesparre, pris en flagrant délit, fut mis en cause à Poitiers, condamné à mort et exécuté dans cette ville[65].

Une cause célèbre fut évoquée devant le Parlement de Paris, celle des Vaudois d'Arras. Soustraits, sur leur appel, à la juridiction du duc de Bourgogne, les Vaudois furent absous et mis en liberté, avec restitution de leurs biens[66].

 

Les réunions d'États se poursuivent en Languedoc avec la même régularité. Le 27 mars 1454, les États se réunissent à Montpellier ; une somme de cent vingt-six mille livres est votée, et trois mille livres sont données aux commissaires royaux[67].

En janvier-février 1455, les États, assemblés à Toulouse, votent une somme de cent seize mille livres, plus deux mille cinq cents livres pour les commissaires royaux[68].

Une nouvelle réunion fut tenue à Montpellier, au mois de février 1456, sous la présidence du procureur général Jean Dauvet, assisté de Jean d'Anion, sénéchal de Beaucaire, et d'Otto Castellain, argentier du Roi. Les commissaires royaux sollicitèrent une aide de cent trente mille livres ; on leur en accorda cent seize, à la date du 1er mars. Un important cahier de doléances, eu trente-deux articles, fut rédigé et transmis au Roi, qui l'examina et y répondit article par article[69].

Au mois de mars 1457, l'assemblée des États se tint à Montpellier et fut transférée à Pézenas, où, le 2 avril, cent seize mille livres, au lieu de cent mille qui avaient été demandées, furent octroyées au Roi, sous certaines conditions agréées par les commissaires royaux ; dix mille livres furent votées en outre pour les frais de l'ambassade de l'année précédente et pour dons aux représentants du Roi[70].

L'année suivante, en mars, les États se réunirent à Carcassonne, et une somme de cent dix-huit mille livres fut octroyée au Roi[71].

Une nouvelle assemblée fut tenue à Montpellier, au mois de décembre 1458, et l'on y vota une somme de cent quatorze mille livres[72].

La réunion suivante des États eut lieu à Béziers le 8 décembre 1459[73] : une somme de cent quatorze mille livres fut votée, sous certaines conditions énumérées dans un cahier de doléances que l'on fit présenter au Roi[74].

Le 26 novembre 1460, les États se réunirent au Puy, sous la présidence de Jean de Bourbon, évêque du Puy ; une somme de cent quatorze mille livres fut votée[75].

Enfin, une nouvelle réunion eut lieu à Montpellier, au mois de mars 1461 : on y vota une somme de cent vingt mille livres, plus neuf mille deux cent quatre-vingts livres pour dons et épices[76].

Au début, les États de Normandie ne se réunissent pas régulièrement comme les États de Languedoc. Sur la proposition des commissaires royaux chargés d'imposer la taillé des gens de guerre, Charles VII avait fixé lui-même à la somme de deux cent cinquante mille livres la taxe annuelle de la Normandie, et cette décision ne parait avoir soulevé aucune difficulté[77].

Les démarches réitérées des Normands peur obtenir l'exécution des engagements pris lors de la capitulation de Rouen finirent par triompher des hésitations et des lenteurs du Roi : d'ailleurs, on ne lui faisait jamais appel en vain quand il s'agissait de l'exécution d'une promesse. Les Normands s'étaient montrés d'une fidélité à toute épreuve : il fallait bien les récompenser de l'empressement qu'ils mettaient à soutenir le trône.

Au mois de mai 1457 les États se réunirent à Rouen : ils votèrent une aide de trente mille livres et nommèrent des députés chargés de se rendre à Paris pour y conférer avec les représentants du Roi[78]. De là ces députés se transportèrent à Tours, auprès de Charles VII[79] ; ils obtinrent gain de cause : au mois d'avril 1458 le Roi confirma la charte aux Normands, qui avait été octroyée en 1315 par Louis le Hu tin. Mais l'ordonnance royale contenait une clause très importante qui ne figurait ni dans la charte primitive ni dans aucune des lettres confirmatives dont elle avait été l'objet : Jusque là dit le savant historien de la Normandie, M. Charles de Beaurepaire, les rois s'étaient, il est vrai, interdit la faculté de lever des tailles et des subventions en Normandie si ce n'était en cas d'utilité évidente et de nécessité urgente ; mais ils restaient les juges de cette utilité et de cette nécessité qu'ils ne manquaient jamais d'alléguer comme motifs déterminants des subsides qu'ils demandaient au peuple. Charles VII, le premier, inséra dans la charte aux Normands l'obligation, pour le Roi, d'obtenir le consentement des États[80], ce qui donnait une consécration légale à cette institution et entraînait, comme conséquence, la convocation annuelle des députés des trois ordres[81].

L'année même où la charte aux Normands était confirmée, il y eut à Rouen, au mois de décembre, une réunion des États. On y vota une somme totale de deux cent quatre-vingt-neuf mille six cent soixante-quinze livres, et on nomma une députation chargée de présenter des doléances au Roi. Les députés partirent au mois de février 1459, et furent reçus par Charles VII à Montbazon et à Chinon[82].

Par lettres données à Chinon le 10 novembre 1459, le Roi convoqua les États à Rouen, pour certaines causes touchant grandement le bien de sa personne, et de ses pays et duché de Normandie[83]. La session, fixée au 1er décembre, parait s'être prolongée durant quatorze jours[84]. On y vota une somme totale de deux cent quatre-vingt-quatre mille huit cent livres, dont deux cent cinquante mille pour la solde des gens de guerre[85].

Les États furent convoqués pour le 1er décembre 1460 ; une somme de deux cent cinquante mille livres y fut votée ; les États nommèrent une députation chargée de présenter au Roi un cahier des doléances : elle partit le 10 novembre et ne revint que le 20 janvier 1461[86].

Nous venons de constater que la Normandie fut dotée d'une représentation nationale. Ce que Charles VII fit en 1458, en faveur des Normands, il l'avait fait antérieurement en faveur des Gascons. En 1443, quand il avait réussi à soumettre une partie de la Guyenne, il avait donné l'ordre au comte de Foix de réunir une assemblée d'États de la sénéchaussée des Lannes : cette-assemblée fut tenue à Saint-Loubouer le 11 mai 1443[87]. Ce fut, par suite de l'évacuation de la province, un fait isolé. Mais, après la seconde conquête de la Guyenne, de nouvelles réunions d'États eurent lieu dans la sénéchaussée des Lannes ; en janvier 1455 à Bayonne ; à Dax, de 1457 à 1459. Les États y votèrent les sommes nécessaires pour la défense du pays et rédigèrent des cahiers de doléances qui furent envoyés au Roi[88].

 

Malgré les persévérants efforts des papes Nicolas V, Calixte III et Pie II pour obtenir l'abolition de la Pragmatique sanction, Charles VII ne voulut jamais céder à leurs instances. Lorsque, sur la demande de Calixte III, il autorisa la levée d'une décime dans son royaume, il eut soin de déclarer qu'il n'entendait point par là porter atteinte aux libertés de l'Église gallicane[89]. Dans les contestations qui se produisirent, soit au sujet de l'élection de certains évêques, soit entre des évêques et des religieux de leurs diocèses, soit à d'autres occasions, les opposants ayant voulu interjeter appel en cour de Rome, Charles VII déclara qu'il voulait maintenir la Pragmatique et défendit qu'aucun appel fût porté devant le Saint-Siège[90]. Quand Alain de Coëtivy vint en France comme légat a latere, le Roi députa vers lui Jean Bastard, chantre de l'église de Paris, pour exiger de lui la déclaration que, en entrant dans le royaume, en faisant porter devant lui la croix, comme légat, et en agissant à ce titre, il n'entendait point préjudicier aux droits du Roi et du royaume, et qu'il ne ferait rien qui fût contraire à la Pragmatique sanction[91]. Charles VII alla même jusqu'à défendre d'obéir à une bulle du Pape relative à la juridiction de l'archevêque de Bordeaux et à ordonner d'ajourner les opposants à comparaître devant le Parlement[92]. Pour apprécier jusqu'à quel point fut portée l'hostilité contre la cour de Rome, il faut lire la trop célèbre protestation du procureur général Dauvet contre les discours prononcés à Mantoue par le pape Pie II, suivie d'un appel au futur Concile[93]. C'était un pas dans la voie du schisme. Pie II jugea prudent de paraître ignorer l'appel du procureur général. D'ailleurs, avant fallu entamer une longue procédure[94]. — Le Pape et le Roi de prononcer une condamnation en forme de cet acte, il eût étaient alors en démêlés au sujet de l'évêché de Tournai : Charles VII voulait le faire donner au cardinal de Coutances, et Pie II était favorable à Guillaume Fillastro, le candidat du duc de Bourgogne ; ce fut ce dernier qui eut gain de cause[95].

L'intervention personnelle du Roi dans les affaires litigieuses concernant le clergé est attestée par l'extrait d'une délibération du Conseil en date du 30 mai 1455[96]. Des plaintes très vives avaient été portées devant le Conseil au nom de l'archevêque de Bordeaux, et les membres de ce corps avaient indiqué la réponse qu'il leur semblait devoir être faite. Chaque article de cette réponse est suivi des observations du Roi, et on lit à la suite du premier, qui concerne la juridiction de la cour épiscopale et des juges ecclésiastiques : Le Roy fait aucune difficulté en ceste response, pour ce que ceulx de son grant Conseil ne sont pas informez de quelz droiz l'arcevesque de Bordeatilx, de toute ancienneté, a acoustumé de user, ne aussi se, de toute ancienneté, il a acoustumé, ne se de droit il lui appartient de ainsi le faire. Et, pour ce que ledit seigneur ne vouldroit rien oster à l'Église, il veult que on délibère bien cest article, afin que l'on ne face riens en cui qui soit à charge de conscience.

Nous rencontrons de nouvelles ordonnances rendues contre les blasphémateurs[97]. N'oublions pas l'interdiction de la fête des fous, qui donnait lieu à d'intolérables abus[98]. Des mesures furent prises pour protéger le peuple contre l'exploitation des faux quêteurs[99].

En février 1455, Jean Jouvenel des Ursins, archevêque de Reims, voulant tenir un concile dans sa province, demanda l'agrément du Roi, et le pria de désigner la ville où devrait se tenir le concile. Charles VII remercia le prélat de cet acte de déférence et le laissa libre de choisir le lieu qui lui parerait le plus convenable[100].

Les lettres d'exemption accordées à des églises ou monastères sont rares pour cette période : nous n'avons rencontré qu'une confirmation d'exemption en faveur de l'abbaye de la Sainte-Trinité près Rouen (avril 1455).

Des lettres de confirmation de privilèges sont données aux religieux de Saint-Jean de Jérusalem (janvier 1454), au monastère de Saint-Jean de Sorde au diocèse de Dax (4 septembre 1454), à l'abbaye de la Sainte-Trinité du Mont, près Rouen (avril 1455), au monastère de Sainte-Colombe au diocèse de Sens (juin 1455), au monastère de Saint-Urbain, au bailliage de Chaumont en Bassigny (août 1455), à l'abbaye de Clairvaux (avril 1456), à l'abbaye de Mozac (juin 1460).

Des lettres de sauvegarde ou de confirmation de sauvegarde sont accordées à l'abbaye de Saint-Arnoul de Metz (30 juillet 1454 et mars 1456), aux religieuses bénédictines de Saint-Laurent de Bourges (mai 1455), à l'abbaye de Sainte-Geneviève de Paris (juillet 1455), à l'abbaye des Vaux de Cernay (juillet 1455), à l'église de Saint-Junien (août 1455), au monastère de Saint-Sulpice-les-Bourges (octobre 1455), à l'hôpital du Saint-Sépulcre à Paris (novembre 1455), à l'abbaye de Saint-Ambroise de Bourges (1455), aux religieuses bénédictines de Saint-Théodfrid au diocèse d'Amiens (6 juillet 1456), à l'église de Meaux (juillet 1456), à l'église d'Auch (novembre 1456), à l'église de Viviers (février 1457), au couvent de Sainte-Marie de Porte Saint-Jean, près Sens (septembre 1457), à l'abbaye de Bonneval (14 janvier 1458), aux Célestins de Paris (juillet 1459), aux Célestins de divers monastères (idem), aux religieuses de l'abbaye de Longchamps (avril 1460).

Des lettres d'amortissement sont octroyées en faveur de l'église de Bayeux (6 mai 1454), de l'église de Toulouse (novembre 1454), de l'église Sainte-Croix de Parthenay (avril 1456), de l'église de Noyon (août 1456), du couvent de Notre-Dame du Carmel près Melun (juin 1457), du couvent de la Clarté-Dieu en Touraine (idem), du collège de Saint-Girons à Toulouse (1er juillet 1457), du couvent de Notre-Dame du Carmel près Dax (28 août 1457), de l'église collégiale de Notre-Dame de Melun (mars 1458), du collège de Toulouse (avril 1458), de l'église Notre-Darce de Mehun-sur-Yèvre (mai 1458), du couvent des Franciscains de Limoges (idem), du couvent de Saint-Laon de Thouars (24 novembre 1459), du couvent de Notre-Dame du Carmel de Bourges (mars 1461).

Nous n'avons à signaler que de rares autorisations données pour fortifier les abbayes : aux religieux de Saint-Étienne de Caen, le 29 mai 1455 ; aux religieux de la Chaise-Dieu, eu juillet 1456 ; au chapitre de Sainte-Radegonde de Poitiers, le 27 octobre 1459.

Divers octrois ou concessions sont accordés à la Sainte Chapelle de Paris (10 mars 1453 et 27 avril 1458), à l'église Saint-Martin de Tours (mai 1454), au prieuré de Sainte-Colombe près Vienne (9 décembre 1454), aux chartreux de la Fontaine-Notre-Dame en Valois (2 avril 1455), au monastère de Sainte-Colombe du diocèse de Sens (juin 1455), à l'abbaye de Clairvaux (avril 1456), au chapitre de Notre-Darne de Loches (11 mars 1460), aux chartreux de Notre-Dame de Vauvert-lez-Paris (2 avril 1460), au chapitre de Sainte-Radegonde de Poitiers (décembre 1460).

En 1455, voulant venir en aide aux abbayes de la Normandie, dont plusieurs étaient dans une grande pauvreté, Charles VII ordonna de lever en Normandie la somme de cinq mille livres pour subvenir aux charges de ces abbayes et être distribuée aux plus indigents et souffreteux[101]. De nombreuses mentions sont faites dans les actes ou dans les comptes de sommes données pour la réparation des églises et abbayes[102].

Malgré la réforme opérée dans l'Université de Paris par le cardinal d'Estouteville, et les ordonnances rendues par Charles VII pour réprimer les abus qui s'étaient introduits dans son sein, Charles VII eut plus d'une fois à intervenir. En mars 1457, Calixte III avait porté plainte au Roi contre la présomption criminelle de l'Université qui, dans sa querelle avec les ordres mendiants, avait refusé d'obéir aux bulles pontificales : le Roi déclara qu'il ne pouvait statuer avant que les prélats de l'Église de France eussent été consultés[103]. Mais si Charles VII déclarait vouloir maintenir l'Université dans le possession de ses privilèges[104], il n'entendait pas tolérer de part des empiètements de juridiction : c'est ainsi qu'il ordonne de contraindre les officiers de l'Université à révoquer les citations, monitions et censures lancées contre les fermiers et officiers des aides[105], et qu'il ajourna à comparaître, devant lui e les membres de son Conseil, les maîtres de l'Université qu'avaient pris l'initiative de ces mesures[106]. Une ambassade de l'Université se rendit à Bourges au mois de novembre, et le Roi lui imposa sa loi[107]. Toutefois il déclara que les fermiers des aides qui auraient à tort intenté des procès à l'Université ou ses suppôts seraient condamnés aux dépens[108], et il désigna connue gardien et conservateur des privilèges de l'Université le président de la cour des aides[109].

Charles VII s'occupa aussi des autres Universités dl royaume : nous avons des lettres par lesquelles il rétablissait en faveur des suppôts de l'Université d'Orléans, le privilège d'exemption de guet et de garde[110]. Nous pouvons citer aussi des lettres en faveur du collège de Foix[111].

 

Après la conquête de la Normandie et de la Guyenne, il semblait que Charles VII n'eût plus besoin d'appeler la noblesse sous les armes. Pourtant, nous le voyons, par lettre du 5 août 1454, données au château de Pressigny, ordonner au sénéchal de Limousin et autres de faire publier que tous nobles et autres vivant noblement et ayant coutume de s'armer, se mettent en état de venir le servir avant le 15 ou 16 dudit mois, et que tous les francs-archers de la région se rassemblent à Bergerac dans le même délai ; le motif apparent donné à cet appel aux armes était une descente imminente des Anglais[112]. Charles VII veillait à ce que les nobles fussent toujours prêts à se mettre en armes : par une ordonnance du 30 janvier 1455, il promulguait un règlement, déterminant de la façon la plus précise l'équipement des nobles, et il l'envoyait à tous ses baillis et sénéchaux, avec ordre que tous les nobles, dans le délai d'un mois, comparussent devant eux pour dire en quel habillement ils voudront ou pourront servir, et que des registres fussent dressés portant les noms et surnoms des nobles et l'indication des conditions dans lesquelles ils se mettraient en armes. Les nobles devaient être armés comme les hommes d'armes de la grande ordonnance et recevoir la même solde[113]. Dans le cours de cette même année, à l'occasion de l'expédition contre le comte d'Armagnac, Charles VII convoqua les nobles de la sénéchaussée de Rouergue[114]. Deux ans plus tard, le Roi ordonnait que les nobles du Dauphiné se tinssent prêts à venir le servir : Comme nous ayons entendu, de plusieurs et divers lieux, disait-il, que nos anciens ennemis et adversaires les Anglais ont fait certaine grosse armée en intention de faire descente en aucuns lieux de nostre reaume, affin de porter dommage à noz subgiez d'icelluy, et soit ainsy que, pour resister auxdictes descentes et entreprises, et obvier à ce que nosdiz ennemis ne portent ou puissent [porter dommage, soit nécessaire] faire mectre sus et tenir presti tes nobles de nostre royaume, et semblablement ceux dudit pays du Datilphiné, afin que nous puissions nous servir d'eux se mestier en est..... vous mandons et comectons par ces presentes que vous faictes assavoir et signiffier de par nous à tous et chascun les nobles dudit pays du Daulphiné qu'ils se mettent sus et. en bon et soffisant estat et abilleinent et se tiennent pretz pour nous venir servir quant il seront par nous mandez[115]. Le mandement royal porte la date du 22 mars 1458. Deux jours après, par une nouvelle ordonnance, le Roi faisait défendre aux nobles du Dauphiné de se rendre à l'appel du Dauphin ni d'aucun autre, quel qu'il fût, sans ses congé et licence, sous peine de confiscation de corps et de biens[116]. Au moment où fut jugé le procès du duc d'Alençon, il paraît y avoir eu une convocation du ban et de l'arrière-ban[117]. A la fin du règne, de nouveaux mandements furent lancés : en Dauphiné, et sans doute ailleurs, pour appeler les nobles sous les armes, à l'occasion de la révolution survenue à Gênes[118] ; en Normandie, pour mettre en armes les nobles et les francs-archers, afin de se préparer à la guerre contre Édouard d'York et contre le duc de Bourgogne[119].

Charles VII avait prescrit d'enregistrer tous les fiefs et arrière-fiefs tenus de la couronne[120]. Après la réduction de la Normandie, il ordonna que toutes les fois que les possesseurs de fiefs en Normandie rendraient hommage, il leur serait délivré un duplicata de leurs lettres pour en poursuivre l'expédition en la Chambre des comptes[121]. Par d'autres lettres, en date du 5 août 1457, le Roi donna pouvoir aux baillis et sénéchaux de champagne, Brie, Normandie, etc., de recevoir les foi et hommages de ses vassaux possédant des terres de cinquante livres de rente et au dessous, et aux généraux sur le fait des aides ordonnées pour la guerre ou au bureau de la Chambre des comptes de recevoir ceux des tenanciers ayant de cinquante cent livres de rente[122]. Nous voyons encore que le 24 mars 1458, le Roi donnait commission pour la recherche des biens acquis par des ecclésiastiques et des fiefs acquis par des roturiers dans la vicomté de Châtellerault et les chatellenies de Saint-Maixent, Melle, Civray et Chizé, pour en faire payer la finance et les droits[123]. Le 12 mai suivant, considérant que, en raison des nombreuses acquisitions faites depuis soixante ans par des gens d'église de terres, seigneuries et rentes, sans qu'elles aient été amorties, et aussi par des gens non nobles, donnait commission pour procéder coutre ceux qui seraient reconnus débiteurs[124]. Enfin, le 22 décembre 1460, une nouvelle commission fut donnée pour faire en Berry une information relativement aux acquisitions de fiefs et pour forcer les gens d'église à abandonner, dans le délai de six mois, les acquisitions par eux faites, et les nobles à remettre la déclaration de leurs fiefs et des démembrements par eux opérés ; eu cas d'opposition, les possessions acquises par les gens d'église ou les roturiers devaient être mises en la main du Roi[125].

Par lettres du 19 mai 1457, Charles VII déclara que les nobles de la sénéchaussée de Beaucaire qui, suivant la coutume du pays, devaient contribuer aux tailles pour leurs biens royaux, y seraient contraints, nonobstant leur opposition[126].

Les lettres d'anoblissement délivrées par la chancellerie royale sont de plus en plus nombreuses : nous en avons relevé plus de cinquante, pour les années 1454 à 1461.

Sont anoblis pour services rendus à la réduction de la Normandie : Martin Hautin (19 mai 1454) ; Nassot de la Roche (26 octobre 1454) ; Jean Laurence et Nicolas Peratic (février 1455) ; Jean Doucereau (avril 1461) ; Thomas Helies (9 mai 1461) ; Pierre Helies (29 mai 1461). — Est anobli pour services rendus pendant le siège d'OrPans : Aignan de Salut-Maximin (décembre 1460). — Est anobli pour services rendus lors de la conquête de Guyenne : Falconet de Verbiger (juin 1455). — Est anobli pour services rendus en Normandie et lors de l'expédition de Sandwich : Jean Toustain (mars 1459).

Parmi les autres personnages admis au privilège de la noblesse, nous citerons : Mathieu Beauvarlet, notaire et secrétaire du Roi et receveur général des finances (mai 1454) ; Jean Chastillon, greffier du Parlement de Toulouse (octobre 1456) ; Jean de Rochefort, juge du comté de Foix (décembre 1458) ; Guillaume Traverse, conseiller et médecin du Roi (décembre 1459) ; Guillaume Gauffredi, marchand à Montpellier (avril 1460) ; Laurent Guesdon, avocat du Roi à Rouen (mars 1461).

On peut signaler aussi le nombre croissant des lettres de légitimation. Nous en avons relevé cinquante-neuf pour la période de 1454 à 1461. Parmi les légitimés figurent : Jean de Metz, fils naturel de Jean, bâtard de Vergy et de Jeanne de Metz (octobre 1454) ; Jean de Brusac, fils naturel de Gautier de Brusac (février 1457) ; Jean, fils naturel du comte d'Angoulême (juin 1458) ; Claude de Vienne, fils naturel de Guillaume de Vienne, seigneur de Saint-Georges (décembre 1458) ; Benoite La Damoiselle, fille naturelle de Jean Le Damoisel, conseiller au Parlement (septembre 1459) ; Martin Henriquez de Castelli, conseiller et chambellan (mars 1460) ; Marie, fille naturelle de Jean Hardouin, trésorier de France (septembre 1460).

Nous ne rencontrons plus de lettres concédant le droit de haute-justice ; mais des autorisations pour construction de garennes sont données à Jean d'Estouteville, seigneur de Torcy (14 décembre 1455), à Robert de Flocques, dit Flocquet (mai 1459), et à plusieurs autres ; une autorisation est donnée pour la construction d'un colombier (17 avril 1456). Nous trouvons aussi une permission de chasser le loup pendant un an (17 septembre 1459) ; mais ce privilège dut être étendu, car, en raison des accidents qui arrivaient journellement, à cause de la grande multitude des loups, principalement dans les bailliages de Sens, Troyes et Chaumont, Charles VII donna, à la date du 6 octobre 1460, des lettres par lesquelles il autorisait à prendre ces fauves par tous moyens, et déterminait la prime qui serait payée pour chaque loup on louve, sur chaque feu des habitants demeurant à deux lieues à la ronde[127].

Les lettres données à des étrangers pour les autoriser à posséder des biens en France et à en disposer sont très nombreuses ; on pourrait en citer au moins trente-quatre. Nous relèverons celles données à Jean Franberger, premier écuyer d'écurie de la Reine (avril 1454), à Patrix Foulcart, l'un des capitaines de la garde écossaise (juin 1455), à Hance Havenal du pays d'Allemagne, cranequinier du Roi (idem), à Pierre Castellain, visiteur général des gabelles du Languedoc (juillet 1456), à Copin de Horenort, du pays d'Allemagne, premier valet de chambre de la Reine (septembre 1456), à Jean Adam, du pays d'Allemagne, valet de chambre et orfèvre du Dauphin (novembre 1456), à Jacob Juze, brigandier, natif de Gênes, demeurant à Tours (mai 1458), à Job Heuzelle, Westre Artus, et Robin Vernon, hommes d'armes écossais (idem), à Robin Houcere, archer de la garde écossaise (idem), à Pierre Caros, du royaume de Valence, maitre ès arts, docteur en théologie, étudiant à l'Université de Paris (11 janvier 1459), à Gilbert Acle et Thomas Arthule, archers de la garde écossaise (mai 1459), à Martin Henriquez de Castelle (mars 1460), à Jean Havart, écossais, homme d'armes de la garde du Roi, qui se retirait à Tours à cause de son grand âge (27 septembre 1460).

Nous rencontrons encore quelques autorisations pour faire fortifier les places et châteaux. Gitons celles octroyées à Jean de la Mark, pour Sedan (novembre 1455) ; à Jean de Marconac, chevalier de Saint-Jean de Jérusalem, pour sa commanderie de Lomethiant en Berry (juin 1457) ; à Guichard de Gombert, seigneur du Val en Limousin (janvier 1459) ; à François de Vendel, seigneur de Lesbauxmaye en Poitou (février 1459) ; à Jean de Monternois, seigneur de Puymorin (mai 1459) ; à Baoulin du Blet, pour son château de Quinquempois en Berry (3 août 1459) ; à Mathieu de Lescun, pour ses châteaux de Hayetineau et de Lonvigny dans la sénéchaussée des Lannes (novembre 1459) ; à Gabriel du Cros, pour son château de Liénan dans la sénéchaussée de Rouergue (10 mai 1460) ; à Bérard de Montferrand, pour son château de Belin (juillet 1460) ; à Jean, seigneur de la Rochefoucauld, sénéchal d'Angoumois, chambellan du Roi, pour son château de Verteuil (novembre 1460) ; enfin à Jean de Mondon, écuyer d'écurie du comte du Maine, pour son château de Cousteaux en Poitou (idem).

Dresser la statistique des lettres de rémission délivrées durant cette période serait chose impossible. Les registres du Trésor des chartes sont remplis de ces actes, qui se comptent par centaines, et qui concernent parfois de grands personnages comme Bertrand de Montferrand (7 mai 1454) ; Jean du Mesnil-Simon, bailli de Touraine, et Georges de la Trémoille, seigneur de Craon (août 1459).

 

En reprenant possession de la Normandie et de la Guyenne, le Roi avait à régler les conditions qui seraient faites à ses nouveaux sujets.

Charles VII, dit M. de Beaurepaire[128], ne profita pas de ses victoires sur les Anglais pour abolir les libertés de notre ancienne province. Il sut gré aux Normands d'avoir conservé le sentiment national sous le joug de la domination étrangère et de lui avoir prêté leur appui pour l'expulsion de nos ennemis. Nulle part il n'usa de rigueur : il admit au serment d'obéissance, en se gardant de leur faire un reproche de leur conduite passée, la plupart de ceux qui, s'étant laissés entraîner par la force des événements, n'avaient point eu le courage de refuser leur concours au gouvernement de Henri V et de Henri VI... Le caractère paternel de son autorité se manifesta par un fait remarquable. Dès l'année 1439, ce prince avait renoncé à se servir des assemblées d'États pour les pays de son ancien domaine ; et pourtant, trouvant cette institution établie en Normandie, il la conserva, conformément aux vœux de toute la province.

Nous avons exposé plus haut comment Charles VII accorda aux Normands le privilège d'avoir une représentation nationale et consacra leur droit de voter l'impôt. L'acte solennel par lequel cette faveur était octroyée était la confirmation de la Charte aux Normands, donnée par Louis le Hutin en 1315, et ratifiée, à la date du mois d'avril 1458, dans son texte primitif, sans les modifications qui y avaient été apportées par Philippe de Valois[129]. Quand, dans Rouen, à la convention du clergé, de la noblesse et du peuple, réunie dans le palais des archevêques, sont apportées ces lettres royales, quelles acclamations n'entend-on pas, et avec quelle joie, avec quelle solennité le chapitre va aussitôt à Notre-Dame déposer la charte de Charles VII en son trésor, auprès de celle de Louis le Hutin ![130]

Ce que Charles VII fit pour la Normandie, dont les habitants lui avaient témoigné un profond attachement, pouvait-il le faire pour la Guyenne, séparée de la couronne depuis trois siècles, et où le sentiment national n'existait plus ? Lors de la première conquête, il fit preuve d'une grande libéralité ; mais la révolte, partielle il est vrai, qui se produisit en 1452, lui imposait une juste sévérité. Aussi, dans les lettres, en date du 9 octobre 1453, par lesquelles il accordait son pardon aux Bordelais, il retint en sa main leurs privilèges, se réservant d'en ordonner suivant son bon plaisir[131]. Mais peu après, se laissant toucher par les supplications des habitants, sans acquiescer à toutes leurs demandes, il leur accorda des privilèges assez étendus, et réduisit à trente mille écus la somme de cent mille écus qu'ils étaient, tenus de payer[132].

Les habitants de la sénéchaussée des Lannes étaient restés étrangers à la révolte de la Guyenne, Charles VII, en 1451, les avait exemptés de tout impôt ou subside, hors les droits anciens ou accoutumés[133]. Après la seconde conquête de la province, le Roi nomma un sénéchal des Larmes, indépendant du sénéchal de Guyenne, et appela à ce poste un capitaine écossais qui tenait garnison à Dax, dont il était capitaine c'était Robin Petilo, qui exerçait en même temps à Dax la charge de prévôt[134], et qui devint en outre capitaine de Saint-Sever. Or, nous voyous que Charles VII prit à ce moment l'initiative d'une convocation des États particuliers de la sénéchaussée des Lannes, qui tinrent leur assemblée à Bayonne, au mois de janvier 1455. Ainsi se produisait, à l'extrémité du royaume, un fait analogue à celui qui s'accomplit un peu plus tard en Normandie. Charles VII y maintint les privilèges et les libertés du pays, en même temps que, par une sage administration, il sut rétablir l'ordre et assurer la tranquillité[135].

Quand Charles VII, après la fuite du Dauphin, mit en sa main le Dauphiné, il confirma, par lettres du il juillet 1457, les privilèges de cette province, et ordonna que les franchises et libertés des habitants fussent soigneusement respectées[136].

Indiquons rapidement, suivant notre coutume, les mesures prises à l'égard des municipalités, durant la dernière période du règne.

Des confirmations de privilèges sont données en faveur des habitants d'Ervy (mai 1456), de Saint-Émilion (idem), de Monzon (21 janvier 1457), de Prissey (22 décembre 1457), d'Angy (avril 1458), de Nogent-le-Rotrou (juillet 1459), de Libourne (avril 1460), de Lisle en Périgord (juin 1460). Dans ces dernières lettres, l'exemption de tailles et subsides, stipulée dans la charte primitive, est supprimée[137].

Des exemptions d'impôts sont accordées aux habitants de Pont-Audemer (31 août 1455), à plusieurs villages de la sénéchaussée de Carcassonne (3 juin 1457), aux habitants de l'île de Ré (septembre 1457 et septembre 1459), aux habitants du Bas Poitou (16 mars 1459), au village de Greux (6 février 1460), à la ville de Saint-Léonard en Limousin (24 novembre 1460).

Diverses concessions ou faveurs sont octroyées à la ville de Dieppe (mai 1454), aux habitants des montagnes d'Auvergne (18 juillet 1455), aux consuls de Narbonne (10 octobre 1455), à la ville de l'Ecluse en Flandre (juillet 1456), à la ville d'Eu (27 février 1461).

Des octrois d'aides pour l'entretien des villes ou la réparation des fortifications sont faits aux villes suivantes : Caudebec (2 mars 1454), Decize (idem), Compiègne (16 août 1454), Lyon (24 septembre 1454, 15 octobre 1455, 17 décembre 1456), Dieppe (5 mars 1455), Narbonne (10 octobre 1455), Reims (15 octobre 1455, 27 avril et 3 juillet 1456), Évreux (4 juin 1456), Caen (juillet 1456), Nîmes (13 juillet 1458), Rouen (novembre 1458 et 8 mai 1459), Alençon (8 janvier 1459), Dun-le-Roi (mai 1459), Pont-Audemer (1er avril 1459), Pontoise (27 mars 1460), Vernon (17 septembre 1460).

Charles VII vient aussi, par des dons d'argent, au secours de certaines villes, telles que Saint-Jean d'Angély, Montbazon, La Rochelle, Lusignan, etc.

Des autorisations de fortifications sont accordées à Romaignac (5 juillet 1456), et à Champagnac (juillet 1456).

Nous rencontrons encore des lettres d'abolition données, au mois d'avril 1454, aux habitants de Saint-Macaire, pour s'être soumis aux Anglais.

En août 1456, le Roi tint à Gannat une assemblée pour le soulagement du peuple et extirper les abus. Charles VII y réduisit au huitième le droit d'un quart qu'il prélevait sur la vente en détail du vin[138].

Une ordonnance approuvant la sentence rendue par les commissaires royaux entre les maire et échevins de La Rochelle et le procureur du Roi, relativement à la juridiction et à la police de cette ville, fut rendue à la date du 19 décembre 1460[139].

Des enquêtes furent faites en 1459, relativement à des excès commis par les consuls de Montferrant et d'Aurillac[140].

Plusieurs ordonnances furent données pour contraindre ceux qui y étaient assujettis à l'obligation de guet et garde (16 mai 1457, 8 février 1458, 19 et 20 décembre 1460). Voulant réprimer les abus qui se produisaient, Charles VII régla, par une ordonnance spéciale, les obligations des habitants des villes à cet égard (17 novembre 1458)[141].

Charles VII eut à s'occuper de Tournai et d'Épinai, villes situées hors du royaume, mais soumises à la juridiction royale. A. Tournai, les conflits étaient fréquents entre les magistrats de la ville et les officiers royaux. Après une première ordonnance, rendue à la date du 3 février 1456, Charles VII nomma des commissaires (26 juillet 1457) pour procéder à une enquête. Un règlement fut fait à la date du 9 novembre 1457, et approuvé par le Roi au mois de février suivant[142]. L'exécution n'ayant pas suivi immédiatement, Charles VII, sur la plainte des habitants, leur écrivit à la date du 25 avril 1458 pour leur annoncer qu'il enjoignait de faire, sans plus de délai, publier et enregistrer son ordonnance[143]. A Épinal, l'évêque de Metz, Georges de Bade, ayant contesté le droit du Roi de nommer le bailli et les quatre gouverneurs, parmi lesquels se trouvait l'échevin, Charles VII lui proposa de procéder à une enquête contradictoire[144]. La proposition fut agréée, et, à la date du 29 janvier 1461, le Roi annonçait à l'évêque que ses commissaires allaient partir[145].

Charles VII entretenait des correspondances avec certaines villes situées hors du royaume, soit pour leur adresser des réclamations dans l'intérêt de ses sujets, soit pour leur faire part des événements : nous avons en particulier trois lettres adressées en 1455 et 1456 aux habitants de Strasbourg[146].

Nous avons vu comment Charles VII avait apporté, dans l'administration financière, un ordre et une régularité inconnus jusqu'alors. Les revenus du domaine avaient été augmentés, grâce à la stricte observation de règles trop longtemps négligées ou méconnues, et à la vérification des titres des biens anciennement aliénés. Le produit des recettes du domaine avait été exclusivement attribué à acquitter les gages des officiers royaux, et, à assurer le service des rentes et aumônes. Le produit de la taille avait été affecté à la solde des gens de guerre. Les aides, rétablies après le traité, d'Arras, avaient été l'objet d'une réglementation minutieuse, et le rétablissement de la Cour des aides avait fait prévaloir le principe salutaire de la division des pouvoirs.

Par lettres du 23 décembre 1454, Charles VII édicta un règlement pour la Chambre des comptes. Tous les officiers des finances, receveurs du domaine, des aides, des tailles et des gabelles étaient tenus de rendre compte de leurs opérations ; les membres de la Chambre des comptes avaient leur temps d'audience déterminé ; toutes les formalités relatives à la réception des comptes des officiers de finances, aux rapports de la Chambre des comptes avec tous les comptables, étaient minutieusement réglées ; un procureur du Roi était établi auprès de la Chambre des comptes, avec mission d'y exercer les fonctions remplies jusque-là par le procureur général du Parlement[147]. L'ordonnance du 23 décembre 1454 fut complétée par une autre, donnée à Bourges au mois de décembre 1460. Le Roi ordonnait, conformément aux édits de ses prédécesseurs, que la Chambre des comptes devrait vérifier et entériner les édits et déclarations concernant le domaine, les lettres de légitimation, d'anoblissement, de dons et de pensions ; recevoir les hommages des possesseurs de fiefs relevant immédiatement du Roi ; vérifier les baux des fermes ; exercer enfin une juridiction sur toutes les affaires contentieuses se, rattachant à la gestion des comptables. La Chambre des comptes était déclarée souveraine, sans ressort au Parlement ni ailleurs, et les appels de ses décisions ne pouvaient être portés que devant le Roi ou son Conseil[148]. Par d'autres lettres, en date du 21 janvier 1460, Charles VII décida que les changeurs du trésor seraient tenus de rendre leurs comptes en personne à la Chambre des comptes[149].

Voulant remédier à certains abus qui se produisaient encore, Charles VII ordonna, par lettres du 30 janvier 1456, que les gages de ses officiers, les fiefs et aumônes, et autres charges ordinaires, seraient payés intégralement sur les recettes du domaine, avant tous doits qui auraient pu être faits[150].

Plusieurs règlements concernant les monnaies furent édictés, soit pour empêcher la circulation de monnaies étrangères[151], soit pour déterminer celles qui seraient tolérées[152], soit pour régler la valeur des monnaies et prescrire la fabrication de nouvelles espèces[153]. Par lettres du mois de novembre 1456, Charles VII établit une monnaie dans la ville de Laon[154]. Un règlement spécial fut promulgué pour les monnaies de Normandie[155].

La juste répartition des tailles fut l'objet d'une ordonnance spéciale, en date du 3 avril 1460. Comme il soit venu à nostre cognoissance, disent les lettres, que, par faute de donner ordre et forme en la manière de asseoir les tailles qui ont esté par cy devant levées et mises sus pour le bien et deffense de la chose publique et souldoyement de nos gens de guerre, soient venus et encores viennent chascun jour de grandes plainctes de plusieurs de nos subjets de divers païs, tant pour justement égaler et departir la portion desdictes tailles, en general et en particulier, le fort portant le foible, ainsy qu'il appartient et que tousjours l'avons voulu et mandé... nous, desirans pourvoir en telles matières au soulagement de nosdiz pays et subjets, et obvier à ce que telles fautes et abus ne soient doresnavaut commis ne perpetrez... par l'advis et deliberation des gens de nostre grand Conseil et de nos Comptes, avons ordonné et ordonnons par ces presentes que doresnavant, en mettant sus les tailles et faisant les imports des deniers qui seront mis sus en nostre royaume pour les causes dessus dictes, soit tenue et gardée la forme et manière cy après escrite. Suivait un règlement en dix-huit articles, donnant aux élus et autres commissaires préposés à l'imposition des tailles les règles qu'ils devaient observer[156].

Plusieurs ordonnances furent rendues pour remédier aux abus qui se produisaient relativement aux gabelles[157], ou pour favoriser l'exploitation des salines[158].

Par lettres du 3 juillet 1459, Charles VII confirma son ordonnance du 19 juin 1445, relative à la juridiction des élus sur le fait des aides, tailles et gabelles, et ordonna aux généraux conseillers sur le fait des aides de s'opposer aux entreprises du prévôt de Paris, qui avait fait renvoyer devant lui plusieurs causes touchant cette matière[159].

Par suite de la mort de Jacques Jouvenel des Ursins, patriarche d'Antioche, Charles VII avait à pourvoir à son remplacement comme président de la Chambre des comptes. Dans des lettres closes datées de Saint-Priest en Dauphiné, le 19 mars 1457, il enjoignit aux conseillers de faire choix de trois candidats, afin qu'il pût procéder à la nomination, conformément aux ordonnances par lui faites à ce sujet[160]. La Chambre des comptes donna sa réponse à la date du 8 avril : elle indiquait deux hommes d'église et un laïque, ajoutant que, si le Roi lui eût posé la question de savoir s'il fallait choisir un ecclésiastique ou un laïque, elle y aurait répondu. A la réception de cette lettre Charles VII écrivit de nouveau, pour demander à la Chambre des comptes de donner son avis, lui enjoignant, au cas où elle se prononcerait en faveur d'un laïque, de désigner trois candidats laïques[161]. L'affaire en resta là : il ne fut pas pourvu au remplacement de Jacques Jouvenel, et ce ne fut qu'après la mort de Charles VII, le 6 août 1461, que Richard Olivier, évêque de Coutances, fut appelé à la présidence de la Chambre des comptes.

 

Bien que tout ce qui concernait l'organisation de l'armée eût fait l'objet de règlements minutieux, Charles VII ne cessa de se préoccuper des améliorations à apporter, soit à la discipline des gens de guerre, soit à leur répartition dans les différentes parties du royaume, soit à leur solde. Après la seconde conquête de la Guyenne, afin d'être en mesure de résister à de nouvelles attaques des Anglais, il donna l'ordre de combler les vides qui s'étaient faits parmi les francs-archers et arbalétriers, de veiller à ce que tous fussent convenablement armés et équipés, et d'obliger les habitants des pays chargés de leur entretien à observer strictement les ordonnances faites à cet égard[162]. Dans des lettres missives adressées à la Chambre des comptes, qui paraissent être du mois de janvier 1455[163], il prescrivit une enquête sur le mode de paiement usité du temps de ses prédécesseurs, afin d'aviser aux meilleurs modes à employer. Le 30 janvier de la même année, il donnait ordre de publier l'ordonnance qu'il avait faite pour mettre et donner ordre du fait des nobles du royaume et leur donner courage et moyen d'eulx entretenir en estat et abillement couvenable, chascun selon son estat et faculté, pour venir servir toutes fois qu'ils seroient mandez[164]. Nous pouvons constater que, dans les sénéchaussées de Beaucaire et de Nîmes, les nobles se présentèrent, et qu'on dressa un état des lances et archers qu'ils étaient en mesure de fournir[165].

C'était surtout en Normandie qu'il était nécessaire d'entretenir une armée prête à se porter, en cas d'invasion, sur les points menacés. De nombreux actes attestent avec quelle vigilance le gouvernement royal pourvut aux besoins de la défense. Des commissaires étaient chargés de passer les montres des gens de guerre, d'assurer le paiement de leur solde, etc.[166].

Dans une lettre adressée à Antoine de Chabannes, à la date du 24 décembre 1457, Charles VII annonçait l'intention de faire venir aux Montils-les-Tours, à la fin de janvier, des capitaines des pays de Normandie et de Guyenne, pour donner ordre au fait de ses gens d'armes[167].

Au mois de novembre 1458, le Roi donna des instructions à Tristan Lermite, prévôt des maréchaux, relativement aux troupes qu'il avait fait rassembler en Champagne, en Beauvaisis, dans l'Ile de France et la Normandie, pour y vivre et demourer par aucun temps. De nombreux abus s'étaient produits : la résidence n'avait point été observée ; des excès avaient été commis ; les soldats s'étaient approprié les vivres sans les payer ; l'équipement était défectueux. Le Roi, qui sur toutes choses désirait que ses gens de guerre fussent entretenus en bon ordre, sans opprimer ses sujets, ordonnait au prévôt des maréchaux de se transporter dans les pays où étaient logés les gens de guerre, d'y procéder à une enquête, de faire assembler au besoin les soldats dans tels lieux qui paraîtraient convenables, et de remédier à tous les abus[168].

De nouveaux règlements concernant les francs-archers furent promulgués. Dans l'ordonnance du 3 avril 1460, relative à la répartition de la taille, on lit : Pour, ce que plusieurs plaintes sont venues à cause de ce que on dit que le fait des francs archers a esté mal egallé et party par les lieux des élections de ce royaume, nous voulons que, par tous lesdiz esleus, ès mectes de son élection, soit egallé le fait desdiz francs archers, selon le nombre des feux et la faculté et puissance de chaque paroisse, en manière que l'une ne soit pas plus chargée que l'autre. La même ordonnance stipulait que les paroisses ne seraient tenues de fournir aux francs-archers que Leur habillement de guerre, quand le Roi les manderait pour aller en expédition, et que les élus surveilleraient les distributions de brigandines faites par les capitaines des francs-archers. Les élus devaient veiller également à ce que les archers et arbalétriers des villes fussent pris parmi les gens habiles et souffisans, et ne jouissent pas indûment du privilège d'exemption de tailles ou aides qui leur était attribué[169].

La marine fut, dans les dernières années, l'objet des sollicitudes royales, et le nombre des vaisseaux destinés au transport des troupes ou au commerce fut notablement augmentée[170].

 

Martial d'Auvergne, dans ses Vigilles de Charles VII, fait un tableau enchanteur de la situation commerciale du royaume à la fin du règne :

Marchans gaignoient en toutes marchandises,

Draps de soye et pierreries exquises,

Voyre à planté.

L'en eust ou poing or et argent porté

Par tons pays reporté, raporté

Si seurement, sans estre inquieté,

Qu'on eust voulu...

Celiers, greniers estoient combles et plains

De vins, biedx, foingz, advoines et tous grains[171].

Le bourguignon Chastellain ne peut s'empêcher de constater l'état prospère où Charles VII laissait son royaume :

Pour venir au tiers membre qui fait le royaume entier, c'est l'estat des bonnes villes, des marchans et des gens de labeur... Donc et quant entre tous autres du semblable estat ailleurs je rassieds mes yeux droit cy, ne m'est nul butes voies de si grant prix ne de telle estime comme cestuy, ne qui, en ce qui luy duit de titre, soit tout près de la perfection en son degré comme cestuy en France, quant en fait de marchandise et de mutation de biens, en fait de diligence et d'embesognement, en fait de labeur et de sollicitude, il n'est autre ailleurs qui y approche[172].

Le fait de marchandise, comme on l'appelait alors, était l'objet des constantes sollicitudes de Charles VII. Dans des lettres du 16 juin 1455, il constatait que, tant à l'occasion des guerres qui bien longuement durèrent en ce royaume et des mortalités survenues en plusieurs contrées d'ycelluy que des aydes et autres charges que ont eu à cause d'ycelles les sujets de rostre royaume, la France était dépeuplée et que les anciennes et notables foires qui se tenaient avaient été ou discontinuées ou fort diminuées : pour remédier à cette situation, le Roi décida que l'exemption de l'impôt de douze deniers par livre existant sur toutes les marchandises vendues dans le royaume serait accordée pour toutes les denrées et marchandises apportées et vendues dans les foires constituées d'ancienneté dans les villes et cités à lui appartenant[173]. Pour favoriser le développement du commerce, le Roi rétablit les foires ou marchés qui se tenaient en divers lieux et autorisa l'établissement de nouvelles foires. C'est ainsi que furent rétablies les foires qui se tenaient à Sainte-Colombe-lez-Sens (mai 1455), et les marchés qui avaient été établis à Saint-Urbain au diocèse de Châlons (22 août 1454), à Nieuil (29 octobre 1454), à Vouillé (20 juin 1455 et décembre 1460), à Varaville (1er avril 1458). En outre, de nouvelles foires furent créées dans la baronnie de Marentin (7 mars 1455 et septembre 1457), à Vens en Languedoc (10 octobre 1455), à Saint-Denis en Vaux (18 février 1458), à Saint-Jouin de Marne (23 mars 1458), aux Moutiers sur le Lay (janvier 1459).

 Une disette s'étant produite en 1455, Charles VII, pour empêcher la spéculation sur les blés, que les marchands transportaient en Angleterre et en Écosse, en interdit l'exportation[174].

 La navigation des rivières était sujette à de grandes difficultés : l'administration royale employa tous ses efforts à les faire disparaître. Par lettres du 8 mars 1455, Charles VII ordonna la reprise des travaux pour rendre la rivière d'Eure navigable ; cette ordonnance montre que la navigation se faisait depuis la Seine jusqu'à une lieue près de Chartres, avec des bateaux chargés de vingt à vingt-cinq tonneaux de vin ou avec des marchandises d'un poids équivalent[175]. Le 6 octobre suivant, le Roi autorisa la construction d'un chemin de hallage le long de cette rivière ; les marchands reçurent le pouvoir d'imposer, pour les frais, un subside de quatre cents livres sur les bateaux et d'élire un procureur pour la surveillance des péages[176]. La compagnie des marchands fréquentant la Loire était chargée d'assurer la libre navigation : dans ce but, Charles VII lui avait concédé certains droits à lever sur les marchandises : ces droits furent maintenus par lettres des 2 avril 1456, 7 juin.1459 et 29 mai 1461[177]. Le Loir[178], le Maine et la Sarthe paraissent avoir été rendus navigables vers 1460, et l'on s'occupa de reprendre les travaux pour la navigation du Clain[179].

Le commerce maritime, longtemps florissant en Languedoc, subissait, dans les dernières années du règne, une notable diminution : il avait fallu le génie de Jacques Cœur pour lui imprimer une vive impulsion. Charles VII reçut à cet égard, en 1456, les plaintes des États du Languedoc, et témoigna de sa ferme volonté de remédier à cette situation et de réprimer les abus qu'on lui signalait[180]. Pourtant les relations commerciales avec l'Orient n'avaient point été interrompues. Nous avons la trace de l'envoi de galères de France, du nom de Notre-Dame, de Saint-Jacques et de Saint-Michel, envoyées sur les côtes de l'Afrique vers 1455, et dont les patrons étaient des marchands de Montpellier[181]. Deux d'entre eux s6nt mentionnés dans des lettres qu'ils étaient chargés de remettre, de la part de Charles VII, au sultan d'Égypte, et aux souverains de Tunis, de Caramanie, de Bougie, de Fez et d'Oran[182].

Les relations commerciales soit avec la Castille, soit avec l'Aragon furent aussi l'objet des sollicitudes du Roi. Les premières donnèrent lieu à de fréquentes négociations[183] ; les secondes, qui avaient été complètement interrompues, furent reprises en 1454, par suite d'un accord passé par les représentants des rois de France et d'Aragon et approuvé par Charles VII[184]. Grâce au traité passé avec Christiern Ier en 1457, des relations commerciales purent être établies avec le Danemark et la Norvège. Des mesures furent prises pour protéger les côtes de la Méditerranée contre les corsaires, qui y faisaient de fréquentes descentes[185].

Charles VII avait affermé à Jacques Cœur l'exploitation de mines d'argent, de cuivre et de plomb en Lyonnais et en Beaujolais. Ces mines étaient restées en chômage depuis la condamnation de l'argentier. Le Roi se décida à les faire exploiter. Par lettres du 17 janvier 1455, il donna mandat de retenir pour lui et faire la delivrance à son procureur des mines d'argent et de plomb de la montaigne de Pampelieu, assises ou pays de Lyonnais, et de la moitié par indivis entre Jacques Cuer et Jehan Baronnatz et les enfans et heritiers de feu Pierre Baronnatz des mynes d'argent et de plomb de la montaigne de Joz sur Tarare, ou pays de Beaujolaiz, et aussi de la moitié par indivis entre ledit Jaques Cuer et lesdiz Baronuatz des mynes à cuyvre de Saint-Pierre La Palus et de Chissieu, assises audit pays de Lyonnais, et ordonna de commettre deux officiers dont l'un aurait le gouvernement de ces mines et l'autre tiendrait le compte des recettes et dépenses[186]. Le même jour, il donnait commission à l'évêque d'Alet, Jean d'Anion, Jean Dauvet et autres, pour procéder à l'adjudication[187], et envoyait à son procureur général des instructions détaillées[188]. Nous avons le registre de comptabilité de ces mines pour les années 1455, 1456 et jusqu'au mois d'octobre 1457, époque où elles furent rendues aux enfants de Jacques Cœur[189]. On trouve dans ce registre les plus curieux renseignements sur les conditions du travail, les produits de l'opération, la situation morale et matérielle des ouvriers, et l'on peut constater de quels soins vigilants ceux-ci étaient entourés, tant au point de vue de leur bien-être que de leur moralité[190].

Le 21 mai 1455, Charles VII donna des lettres par lesquelles il exemptait d'impôts les maîtres des mines et forges à fer[191].

En ce qui concerne l'industrie, nous rencontrons encore de nombreuses ordonnances. Sont approuvés les statuts des chirurgiens de Rouen (avril 1454), de la communauté des ménestriers (2 mai 1454), des tailleurs de Caen (juin 1455), des boulangers de Dun-le-Roi (12 juin 1456), des potiers de terre de Paris (septembre 1456), des mesureurs de grains de Rouen (février 1457), des barbiers et chirurgiens de Bordeaux (26 avril 1457) et de Toulouse (avril 1457), des boulangers de Bordeaux (juillet 1457), des boulangers du Puy (17 octobre 1460)[192]. Enfin des règlements sont promulgués en faveur des drapiers de Rouen (30 octobre 1458) et de Saint-Lô (20 juin 1460)[193], et une exemption de tous subsides et charges imposés aux habitants de Tours est accordée pour dix ans aux ouvriers en drap de laine qui s'établiront dans cette ville[194].

 

 

 



[1] Dansin, Histoire du gouvernement de la France pendant le règne de Charles VII (Pais, 1858, in-8°), pages 2 et 6.

[2] Lettres du 8 avril 1457. Ordonnances, t. XIV, p. 446.

[3] Original, Moreau, 1047, n° 54. Voir le texte aux Pièces justificatives.

[4] Sur le don fait au sénéchal de Poitou, en 1451, de terres en Guyenne, en récompense de ses services au recouvrement de cette province, voir une lettre de Dunois à la Chambre des comptes, en date du 12 juillet 1458. Ms. fr. 12763, n° 245. — Sur la confirmation en faveur de Chabannes du don de la seigneurie de Blanquefort (1er avril 1454), voir une lettre d'Étienne Chevalier à la Chambre des comptes, en date du 6 août 1455 : Archives, P 2299, f. 135.

[5] Archives, P 19052, cote 6900.

[6] Lettres visées dans le ms. fr. 21405, p. 132, et dans l'Histoire généalogique du P. Anselme, t. V, p. 341.

[7] Archives P 13722, cote 2029.

[8] Voir t. V, chapitre XI.

[9] Archives, K 69, n° 23.

[10] Lettres des 9 novembre 1559 et 18 décembre 1460.

[11] Lettres du 7 novembre 1459. Ms. fr. 5909, f. 246 v°.

[12] Lettres du 13 octobre 1458. Pièces originales, 1089 : EU.

[13] Archives, KK 246. Voir Œuvres du roi René, publiées par le comte de Quatrebarbes, t. I, p. 135-139, et Le roi René, par M. Lecoy de la Marche, t. I, p. 294.

[14] Lettres du 25 février 1461, citées par Lecoy de la Marche, l. c., p. 287.

[15] Voir Cabinet des titres, 685, f. 137, 148, 150, 153 v°, etc.

[16] Lettres du 11 mars 1460 ; traité du 26 avril 1460 ; lettres du 15 juillet 1460. Archives, 1779, n° 5 ; Ms. latin 9209, n° 5 ; Du Puy, 527, f. 92 et suivants.

[17] Voir lettres du 19 janvier 1461, confirmant à Charles d'Armagnac sa pension de deux mille francs. Pièces originales, 94 : ARMAGNAC, n° 252.

[18] Elles ont été publiées dans l'Histoire généalogique du P. Anselme, t. III, p. 327 et 344. L'original des lettres en faveur du comte de Foix se trouve aux Archives des Basses-Pyrénées, E 443.

[19] Lettres du mois de juillet 1459. Le P. Anselme, t. III, p. 395.

[20] Acte de l'hommage dans d'Argentré, Histoire de Bretaigne, f. 664 v°-665 v°, et dans D. Morice, t. II, col. 1732-1733 ; cf. Gruel, p. 225-226, et Cosneau, le Connétable de Richemont, p. 450.

[21] Acte de l'hommage dans d'Argentré, f. 667-68, et dans D. Lobineau, t. II, col. 1211-1213.

[22] Archives, X2a 28, aux dates suivantes : 14, 17 mars. 7 avril 1458 ; 8 janvier, 27, 28 février, 10 mai 1459. Cf. Dixième compte de Mathieu Beauvarlet, dans le ms. 685 du Cabinet des titres, f. 213.

[23] Du Clercq, livre III, ch. XLVIII.

[24] Du Clercq, livre III, ch. XLVIII.

[25] Archives, X2a 29, f. 107 v°-118 v°.

[26] Raynaldi, ann. 1460, § 110.

[27] Voir Don Carlos d'Aragon, prince de Viane, par M. Desdevises du Dezert, p. 303 et 374.

[28] Sur l'affaire du comte d'Armagnac, voir Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. III, p. 343-346.

[29] Voir Du Clercq, l. III, ch. XXXII, et Chastellain, t. V, p. 394.

[30] Ms. fr. 5909, f. 241.

[31] Lettres visées par le P. Anselme, t. VIII, p. 489.

[32] Lettres du 12 mars 1437. Archives, J 955, n° 12.

[33] Lettres du 21 octobre 1458. Archives, J 955, n° 12.

[34] C'est à tort que le P. Anselme (t. VIII, p. 702) dit que Roland de Lescoet était grand veneur en 1457. Ce personnage était grand veneur du Dauphin, et figure à ce titre dans les comptes de ce prince dès l'année 1448. Voir Lettres de Louis XI, t. I, p. 224.

[35] Chartes royales, XVI, n° 282. Cette mention a été relevée par M. Cosneau, le Connétable de Richemont, p. 438, note 2. Voici le passage en question : A nostre bien amé Jehan Fleury, visadmiral de France, pour ung voyage qu'il a fait à venir dudit païs de Normandie par devers nous, par l'ordonnance de nostre très chier et amé cousin le conte de Richemont, connestahle de France, pour nous faire savoir des nouvelles de l'armée d'Angleterre, cinquante livres tournois.

[36] La nomination de Henri de Marle remontait au 29 août 1448.

[37] La nomination de Jean Tudert remontait au 29 août 1448, et celle de Jean Hardouin au mois de décembre 1446.

[38] Voir Fragment d'un registre du grand Conseil de Charles VII (mars-juin 1455), par M. Noël Valois (Paris, 1883, in-8° de 72 p., extrait de l'Annuaire-Bulletin de la Société de l'Histoire de France).

[39] Voir ce que nous avons dit à ce sujet, plus haut, au chapitre III.

[40] Nouvelles recherches sur Henri Baude, par M. Vallet de Viriville, p. 10-11.

[41] Thomas Basin, t. I, p. 323.

[42] Henri Baude, l. c., p. 9-10.

[43] Ordonnances, t. XIV, p. 284-313.

[44] Henrion de Pusey, De l'autorité judiciaire en France, p. 100.

[45] Dansin, Histoire de l'administration et du gouvernement de la France pendant le règne de Charles VII, p. 141.

[46] Ordonnances, t. XIV, p. 276-279.

[47] Ordonnances, t. XIV, p. 278.

[48] Blanchard, Compilation chronologique, t. I, p. 272.

[49] Ordonnances, t. XIV, p. 442.

[50] Voir les lettres du 4 février 1458. Ordonnances, t. XIV, p. 447.

[51] Lettres du 22 avril 1458. Ordonnances, t. XIV, p. 46.

[52] Ordonnances, t. XIV, p. 47.

[53] Lettres du 30 avril 1451. Ordonnances, t. XIV, p. 433.

[54] Ordonnances, t. XIV, p. 332.

[55] Lettres mentionnées dans la Collection de Languedoc, 89, f. 324. — Il y a dans le ms. 26085, n° 72113, un état des conseillers au Parlement de Toulouse et de leurs gages, fait à Montpellier le 22 décembre 1458 ; cf. D. Vaissète, t. V, Preuves, col. 20.

[56] Voir Archives historiques de la Gironde, t. I, p. 50, et t. II, p. 364 ; Archives nat., KK 52, f. 89-90 ; Collection de Languedoc, 109, f. 191.

[57] Voir Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest, t. VII, p. 442-443.

[58] Archives nationales, X1a 1483, au 14 avril 1454, et lettres du 31 août 1454, X1a 9210, f. 4.

[59] Archives, X1a 9210, f. 1 et suivants.

[60] Archives, X1a 9210, f. 112 et suivants ; cf. Clairambault., 220, f. 77.

[61] Archives, X1a 9211 ; cf. Chartes royales, XVI, n° 306 et 308.

[62] Quittance du 8 novembre 1457. Pièces originales, 191 : BARBIN.

[63] Archives, X1a 9212.

[64] Lettres du 9 février 1453. Pièces originales, 914 : COUSINOT. Sur l'Échiquier de Normandie, voir Floquet, Histoire du Parlement de Normandie, t. I, p. 231 et suivantes ; Ordonnances, t. XIV, p. 264 ; Chartes royales, XVI, n° 290 et 344 ; et les volumes suivants de la Collection des Pièces originales : 168 : BAILLET ; 422 : BOSC (du) ; 414 : BOURSIER (le), n° 39 et suivants ; 513 : BRICONNET ; 914 : COUSINOT ; 1350 : GONBAULT ; 1407 : GRESLÉ ; 1479 : n° 83 et suivants ; 2760 : SAINT-LAURENT.

[65] Voir Jean Chartier, t. III, p. 49-50. Cf. Ribadieu, Histoire de la conquête de la Guyenne, p. 379-381. — On lit dans le cinquième compte de Mathieu Beauvarlet (1453-54) : Louis de la Vernade, chevalier, président de Forastz, LX l. pour trois mois qu'il a vaqué au procès du feu sire de Lesparre. Ms. 685 du Cabinet des titres, f. 174 v°.

[66] Voir les détails donnés par M. Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. III, p. 418-422. Cf. Jacques du Clercq, l. IV, ch. VI et suivants ; Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 116-121 ; Registres du Parlement, aux Archives, X2a 28 et 32, passim.

[67] D. Vaissète, t. V, p. 19 ; Pièces originales, 474 : BOURSIER (le) n° 43 ; GO8 : CASAUX ; ms. fr. 26084, n° 6492 : ms. fr. 25467, n° 313 ; ms. fr. 26136, nos 264 el 282 ; Fontanieu, 121-122, au 23 février 1454 ; Clairambault, 172, p. 5695 ; Archive, KK 328, f. 117, etc.

[68] D. Vaissète, t. V, p. 19 ; Pièces originales, 2801 : TAULIGNAN, n° 11 et 14 ; Clairambault, 172, p. 5639 ; ms. fr. 26968, n° 692 ; ms. fr. 25986, n° 10 ; ms. fr. 26436, n° 263 et 264 ; Collection de Languedoc, 109, f.191 ; Archives, KK 648, f. 162.

[69] D. Vaissète, t. V, p. 19-20 ; Pièces originales, 7 : ACORRAT ; 27 : ALBUSSON ; 192, BARDY ; 281 : BELLION ; 1812 : MALENFANT ; 2801 : TAULIGNAN, n° 13 ; 2894 : n° 5 ; Collection de Languedoc, 109, f. 191 ; Clairambault, 172, p. 5693. — Le Cahier de doléances est publié dans les Ordonnances, avec les réponses du Roi, t. XIV p. 387-409.

[70] D. Vaissète, t. V, p. 20 ; ms. fr. 26084, n° 7051 ; Pièces originales, 2801 : TAULIGNAN, n° 15.

[71] D. Vaissète, t. V, p. 21 ; Pièces originales, 483 : BOUVIER ; 649 : CHALIGAUT, n° 5 ; 1513, HERBERT (dossier 34275) ; 4448 : PETIT, n° 73 et 74 ; Collection de Languedoc, 109, f. 193 ; Clairambault, 172, p. 5611, etc.

[72] Cette réunion, dont D. Vaissète ne parle pas, est mentionnée dans divers documents. Voir Pièces originales, 489 : BRACHET, n° 8 et 9 ; 2801 : TAULIGNAN, n° 16 ; cf. ms. latin 2502, n° 221.

[73] Voir les lettres de commission du Roi, en date du 7 novembre. Ms. fr. 2406, n° 15.

[74] D. Vaissète, t. V, p. 21 ; Pièces originales, 730 : CHEDRAC ; 2801 : TAULIGNAN, n° 12 ; 2248 : PETIT, n° 80 ; Clairambault, 137, p. 2403 ; 153, p. 3911, et 172, p. 5611 ; Collection de Languedoc, 109, f. 195 ; Archives, K 69, n° 32.

[75] D. Vaissète, t. V, p. 21 ; Pièces originales, 2027 : MONTLAUR ; Ms. fr. 26088, n° 7455 ; Collection de Languedoc, 1091 f. 195 v°.

[76] D. Vaissète, l. c.

[77] Lettres du 26 février 1454, citées par M. de Beaurepaire, les États de Normandie sous le règne de Charles VII, p. 33.

[78] Beaurepaire, l. c., p. 95. Voir sur ces États, Pièces originales, 165 : BACHELIER (dossier 1156) ; 981 : DAUVET ; 2094 : NAVE ; M. fr. 26085, n° 7180 et 7181.

[79] Beaurepaire, l. c.

[80] Beaurepaire, l. c., p. 27.

[81] Beaurepaire, l. c., p. 28. Et l'historien ajoute : Ce n'est qu'à partir de cette époque, en effet, que l'on voit se succéder leurs assemblées avec une périodicité qui ne tut guère interrompue que sous le règne de Louis XIII. — Commynes nous montre quelle était à eut égard, de son temps, l'opinion commune. Voici ce qu'il dit dans ses Mémoires (t. II, p. 141). Y a il Roy ne seigneur sur terre qui ait povoir, oultre son domaine, de mettre un denier sur ses subjectz sans octroy et consentement de ceulx qui le doibvent payer, sinon par tyrannie ou viollence ? Voir la suite jusqu'à la p. 143.

[82] Beaurepaire, l. c., p. 33-35 ; cf. ms. fr. 26085, n° 7215 ; Chartes royales, XVI, n° 338 ; Pièces originales, 1083 : ESTOUTEVILLE ; Archives, KK 648, f. 35.

[83] Beaurepaire, l. c., p. 36.

[84] Par lettres du 15 mars 1160, Charles VII ordonnait de faire payer 56 l. t. à l'abbé de Saint-Wandrille pour avoir assisté à l'assemblée des États pendant quatorze jours. Chartes royales, XVI, n° 347.

[85] Voir Beaurepaire, l. c., p. 36-37 ; Pièces originales, 509 : BREZÉ, n° 43 ; Pièces originales, 1491 : HAVART, n° 31 ; Ms. fr.10583, n° 5 ; Ms. fr. 10879, n° 115 ; Fontanieu, 123-124, au 16 août 1460.

[86] Voir Beaurepaire, l. c., p. 37-43 ; Pièces originales, 1494 : HAVART, n° 35. L'aide de 250.000 l. est indiquée dans des lettres des généraux des finances en date du 4 février 1461 : Ms. fr., nouv. acq., 3651, n° 402.

[87] Voir l'intéressant mémoire de Léon Cadier : La sénéchaussée des Lannes sous Charles VII (Paris, Alphonse Picard, 1885, gr. in-8° de 91 p., extrait de la Revue de Béarn, Navarre et Lannes), p. 4143.

[88] Le mémoire de Léon Cadier donne à ce sujet les détails les plus circonstanciés, et l'on y trouve (p. 77-87) le texte des cahiers des États pour les années 1458 et 1459, avec les réponses du Roi. Cf. Doat, 110, f. 87-90 v°.

[89] Voir lettres du 3 août 1457. Ordonnances, t. XIV, p. 443 ; Œuvres de Thomas Basin, t. IV, p. 218.

[90] Voir lettres du 7 juin 1456 (Ordonnances, t. XIV, p.385) ; Lettres du 9 juillet 1460 (Bulliot, Essai historique sur l'abbaye de Saint-Martin d'Autun, t. II, p. 273) ; Lettres du 7 juillet 1461 (Preuves des libertez de l'Église gallicane, t. III, part. IV, p. 159). Voir aussi les arrêts des 22 février et 23 juin 1455 contre l'évêque de Nantes (Preuves des libertez, t. III, part. I, p. 497 et suivantes.)

[91] Déclaration du 1er janvier1457. Preuves des libertez de l'Église gallicane, t. III, part. III, p. 60.

[92] Voir D. Devienne, Histoire de Bordeaux, t. II, p. 82.

[93] 10 novembre 1460. Preuves des libertez, t. III, part. II, p. 40-44.

[94] Pastor, Histoire des papes, t. III, p. 126.

[95] Voir Épîtres d'Æneas Sylvius, éd. de Nuremberg, n° 388 el 389 ; Raynaldi, ann. 1460, §§ 46 à 54.

[96] Noël Valois, Fragment d'un registre, etc., p. 55-57.

[97] Lettres du 4 juin 1450. Doat, IX, f. 353 ; Lettres du 14 octobre 1460 : Ordonnances, t. XIV, p. 498.

[98] Lettres du 17 août 1445. Thesorus novus anecdotorum, t. I, col. 1804. Cf. Le Moyen âge et la Renaissance, t. I ; Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. III, p. 62.

[99] Voir ms. fr. 5909, f. 65 v°.

[100] Voir la lettre de Charles VII, en date du 4 février 1455, dans Marlot, Histoire de la ville, cité et université de Reims, t. IV, p. 204 ; cf. Actes de la province de Reims, t. II, p. 726 et suivantes.

[101] Voir lettres du 2 avril 1461. Original signé, Ms. fr. 20937, f. 2.

[102] Chartes royales, XVI, n° 338 ; Cabinet des titres, 685, f. 174, 174 v°, etc.

[103] Voir Du Boulay, t. V, p. 617 et suivantes. ; Crevier, Histoire de l'Université de Paris, t. IV, p. 235 et suivantes.

[104] Lettres du 29 mai 1459, par lesquelles il déclarait qu'en confirmant la charte aux Normands il n'avait pas entendu porter préjudice aux privilèges de l'Université. Ordonnances, t. XIV, p. 476.

[105] Lettres du 14 juillet et 24 septembre 1460. Du Boulay, t. V, p. 636 et 640.

[106] Lettres du 28 août 1460. Du Boulay, t. V, p. 638.

[107] Déclaration du 14 novembre 1460. Du Boulay, t. V, p. 642.

[108] Lettres du 23 novembre 1460. Ordonnances, t. XIV, p. 504.

[109] Lettres de novembre 1469. Ordonnances, t. XIV, p. 507.

[110] Lettres du 20 janvier 1450. Les statuts et privilèges des Universités françaises depuis leur fondation jusqu'en 1789, par M. Marcel Fournier, t. I, p. 224.

[111] Lettres du 19 avril 1458, indiquées par M. Marcel Fournier, t. I, p. 845.

[112] Archives, K 69, n° 13.

[113] Ordonnances, t. XIV, p. 550. Sur l'exécution de cette mesure, voir D. Vaissète, t. V, Preuves, col. 15-18.

[114] Lettres de Charles VII à Chabannes, en date des 18 et 27 mai 1455. Chronique martinienne, fol. CCXCVIII v°-CCXCIX. — Voir aux Pièces justificatives.

[115] Archives de l'Isère, B 2961, f. 337 v°.

[116] Archives de l'Isère, B 2961, f. 340. Ces deux documents ont été publiés par M. de Reilhac, Jean de Reilhac, t. I, p. 23 et 24. Nous avons fait disparaître certaines incorrections du texte dont l'évidence aurait dû s'imposer à l'éditeur.

[117] Chastellain, t. III, p. 424.

[118] Lettres du 15 mai 1461. Archives de l'Isère, B 2961, f. 346.

[119] Lettres du 17 juin, au nom du Bailli de Caen, citées plus haut, au chapitre précédent.

[120] Voir t. III, chapitre XVI.

[121] Lettres du 14 mars 1454. Texte imprimé aux Archives nationales, dans le registre P 2299, p. 108.

[122] Texte imprimé, Archives nationales, Registre P 2299, p. 168.

[123] Ms. latin 18380, p. 263.

[124] Chartes royales, XVI, n° 331.

[125] Ms. fr. 5909, f. 318 v°.

[126] Ms. latin 9178, f. 117.

[127] Savoir deux deniers par loup et quatre par louve. Original, Fontanieu, 881, f. 11.

[128] Les États de Normandie sous le règne de Charles VII, p. 3-5.

[129] Nouveau coutumier général, t. IV, p. 98.

[130] Floquet, la Charte aux Normande, dans la Bibliothèque de l'École des chartes, t. IV, p. 50.

[131] Ordonnances, t. XIV, p.271, note.

[132] Lettres du 11 avril 1454. Ordonnances, t. XIV, p. 270.

[133] Ordonnances, t. XIV, p. 180.

[134] Dans un reçu du 8 juillet 1453, il s'intitule capitaine et prévôt de la ville de Dax. Clairambault, 955, p. 27.

[135] Léon Cadier, La sénéchaussée des Lannes sous Chartes VII, passim.

[136] Voir lettres du 11 juillet 1457. Ms. lat. 9072, f. 61.

[137] Voir Ordonnances, t. XIV, p. 49G.

[138] Archives, JJ 190, n° 209 ; Du Puy, 147, f. 176 ; Brienne, 317, f. 208.

[139] Cabinet des titres, 685, f. 192.

[140] Cabinet des titres, 685, f. 212.

[141] Mss. latin, 9214, 35, et 18399, p. 191.

[142] Ordonnances, t. XIV, p. 450.

[143] Original aux archives de Tournai ; Jean de Reilhac, t. I, p. 27, note.

[144] Lettre missive de Charles VII, en date du 18 octobre 1460. Annales de la Société d'émulation des Vosges, 1887, p. 382, et Jean de Reilhac, t. II, p. LXVII.

[145] Lettre missive du 29 janvier 1461. Mêmes sources.

[146] Voir aux Pièces justificatives.

[147] Ordonnances, t. XIV, p. 341.

[148] Ordonnances, t. XIV, p. 610. Cf. lettres du 12 avril 1460. Id., ibid., p. 489.

[149] Ordonnances, t. XIV, p. 482.

[150] Ordonnances, t. XIV, p. 371.

[151] Lettres du 16 juin 1455. Ordonnances, t. XIV, p. 357.

[152] Lettres des 16 mai 1454 et 7 juin 1456. Ordonnances, t. XIV, p. 325 et 380.

[153] Lettres des 9 mai et 16 juin 1455, 7 juin 1456. Ordonnances, t. XIV, p. 355, 357, 383.

[154] Ordonnances, t. XIV, p. 420.

[155] Voir un document en date du 8 juillet 1456. Ms. fr. 26425, n° 63.

[156] Ordonnances, t. XIV, p. 484.

[157] Lettres des 27 février 1454 et 30 avril 1455. Ordonnances, t. XIV, p. 266 et 352.

[158] Lettres du 16 mars 1459. Ordonnances, t. XIV, p. 474. Cf. ms. fr. 5909, f. 191 v°.

[159] Ordonnances, t. XIV, p. 417.

[160] Original, ms. fr. 20855, f. 12.

[161] Lettre du 29 avril. Original, ms. fr. 20855, f. 12. — Nous donnons le texte de ces deux lettres aux Pièces justificatives.

[162] Lettres sans date, dans le ms. fr. 5909, f. 165.

[163] Lettres missives du 27 janvier, données à Mehun-sur-Yèvre. Chartes royales, XVI, n° 355. Voir le texte aux Pièces justificatives.

[164] D. Vaissète, Histoire de Languedoc, t. V, Preuves, col. 15.

[165] D. Vaissète, Histoire de Languedoc, t. V, p. 15 et Preuves, col. 15. Cf. État des nobles de la sénéchaussée de Toulouse, id., ibid., col. 17.

[166] Voir Chartes royales, XVI, n° 277, 287 ; Ms. fr. 25778 (entres, XV), n° 1849 et suivants ; Clairambault, entres, nouvelle série, vol. V n° 37, 41 et suivants ; Ms. fr. 26082, n° 6637, 6648, 6653, 6689, 6765, 6173 ; 26083, n° 6790 et 6932 ; 26084, n° 6948, 1034, 7050, etc.

[167] Voir cette lettre aux Pièces justificatives.

[168] Ms. fr. 5909, f. 235.

[169] Ordonnances, t. XIV, p. 487-488.

[170] Voir Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. III, p. 391-392 et 440.

[171] Vigilles de Charles VII, t. II, p. 17.

[172] Traité par forme d'allegorie mystique sur l'entrée du Roy Legs en nouveau règne, dans les Œuvres, t. VII, p. 13-14. — Chastellain fait ici un curieux portrait des Français (p. 14-15) : En labeur sont prompts et actifs, disposés à la peine en choses utiles, eu closes necessaires, en choses honorables ; ont corps agile, non charnu, non somnolent, non paresseux ne tardif, mais toujours en œuvre, soit dos mains, soit du sens, soit de parole et de fait. Es cités et ès bonnes villes, portent soin de la police, regard à la justice et l'union des bourgeois, à la tranquillité du peuple et à toute obeissance et satisfaction à leur Roy, veillent diligemment en leurs affaires, portent constamment leurs serviteurs, supploient volontairement au plaisir des seigneurs ; et en toutes choses necessaires, profitables, honorables et redevables, solliciteur surit et curieux de leur nature.

[173] Ordonnances, t. XIV, p. 359.

[174] Lettre du 25 octobre 1455. Ordonnances, t. XIV, p. 369 ; cf. lettres du 27 novembre suivant, mentionnées par Pilate-Prevost, Archives de Douai, p. 217.

[175] Lépinois, Histoire de Chartres, t. II, p. 102.

[176] Lépinois, Histoire de Chartres, t. II, p. 103.

[177] Mantellier, Histoire de la communauté des marchands fréquentant la rivière de Loire, t. I, p. 155 et suivantes ; t. II, p. 216-217.

[178] En 1457, Jean Ligeac est commis au paiement des ouvrages pour le fait du navigage de la rivière du Loir. Cabinet des titres, 685, f. 185 v°.

[179] Voir documents cités dans les Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest, année 1840, p. 425 et suivantes. — En 1453 Jean Boileau est commis à l'ouvrage du navigage de la rivière de Clain passant à Poitiers. Cabinet des titres, 685, f. 162.

[180] Doléances des États de Languedoc et réponses du Roi, en date du 8 juin 1456. Ordonnances, t. XIV. p. 395-396 et 405-406.

[181] Ordonnances, t. XIV, p. 395.

[182] Voir le texte de la lettre au sultan d'Égypte dans le ms. fr. 5909, f. 252. Cf. Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. III, p. 440-441.

[183] Voir ms. lat. 6024, f. 51, 66, 74, etc.

[184] Lettres du 6 décembre 1454. Ordonnances, t. XIV, p. 335.

[185] Ordonnances, t. XIV, p. 387 et 408.

[186] Lettres de Jean Dauve, en date du 24 février 1455, publiées par M. Pierre Clément, Jacques Cœur et Charles VII, t. I, p. 291. Lettres de Charles VII, adressées à Dauvet, en date du 17 février. Archives, KK 328, f. 236.

[187] Archives, KK 328, f. 234 v°.

[188] Archives, KK 328, f. 232. Voir le texte aux Pièces justificatives.

[189] Archives, KK 329.

[190] Voir l'intéressant article publié par M. Siméon Luce dans la Revue des questions historiques (t. XXI, p. 189-203), sous ce titre : De l'exploitation des mines et de In condition des mineurs en France au quinzième siècle. Le texte du règlement général édicté par le procureur général Dauvet y est inséré.

[191] Ordonnances, t. XV, p. 264.

[192] Ordonnances, t. XIV, p..85, 322, 360, 409, 413, 421, 427, 436, 440, 500.

[193] Ordonnances, t. XIV, p. 472 et 493.

[194] Archives municipales de Tours, HH, liasse I.