HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE VI. — CHARLES VII PENDANT SES DERNIÈRES ANNÉES. - 1454-1461.

 

CHAPITRE XV. — CHARLES VII ET PHILIPPE LE BON SOUS LES ARMES.

 

 

1461.

 

Le comte de Charolais fait faire, par le comte de Saint-Pol, des ouvertures au Roi. — Le Dauphin envoie un ambassadeur ; réponse de Charles VII ; dispositions secrètes de Louis ; ses prétentions ; confidences qu'il fait à l'envoyé du duc de Milan. — Nouvelle ambassade de West ; paroles du Roi. — Nouveau message du comte de Charolais ; suites de cotte négociation. — Attitude du duc de Bourgogne et du Dauphin à la nouvelle dit triomphe de la reine Marguerite en Angleterre ; leurs rotations avec les Yorkistes ; victoire de la Reine à Saint-Alban ; les Yorkistes en déroute. — Le duc de Bourgogne envoie des ambassadeurs à Charles VII ; dispositions secrètes du duc ; il est en froid avec le Dauphin. — Démarches de la reine Marguerite auprès du Roi ; changement soudain dans sa situation ; Édouard d'York est proclamé roi ; défaite de Marguerite à Towton. — La situation en Italie ; relations du Dauphin avec Sforza, les Florentins, etc. ; empressement de Sforza à l'égard du Dauphin ; négociations poursuivies par le duc de Bretagne et par le Rot ; elles n'aime tissent pas ; mauvaise tournure des affaires à Cènes ; le gouverneur français évacue la ville et se retire dans le Castelletto. — Charles VII envoie une flotte pour secourir la reine Marguerite et se prépare à la guerre contre le duc de Bourgogne. — Inquiétudes de ce prince, qui, dans l'attente d'une mort prochaine du Roi, garde l'expectative ; il voit ses pays envahis et l'Angleterre menacée d'une attaqua ; II se dispose à soutenir au besoin Édouard d'York ; le Dauphin et le duc sollicitent uns descente des Anglais en France. — Préparatifs de guerre, interrompus par l'état désespéré de Charles VII. — Dernières relations de Chartes VII avec l'Italie, l'Aragon, la Castille, l'Allemagne et l'Écosse ; ambassade des princes d'Orient et de Marguerite d'Anjou.

 

Charles VII était venu passer à Bourges l'hiver de 1460-1461. C'est là qu'il vit arriver le comte de Saint-Pol, chargé d'une mission du comte de Charolais. Louis de Luxembourg briguait alors l'épée de connétable, et, pour se mettre bien en cour, il s'était vanté que, si le Roi voulait avoir le Dauphin à sa discrétion et hors des mains du duc de Bourgogne, il le luy livreroit par les cheveux et par les tresses en sa main, qui que le voulsist defendre[1]. Le comte de Charolais sollicitait l'appui du Roi contre les favoris de son père, Antoine et Jean de Croy, avec lesquels il était plus que jamais en lutte ouverte. Il demandait, au cas où il serait chassé de l'hôtel de son père, si le Roi consentirait à le recevoir. Si celui-ci était, comme on le disait, dans l'intention d'envoyer une armée en Angleterre pour secourir la reine, il en prendrait volontiers le commandement. Brouillé depuis longtemps avec son père, Charolais était intimement lié avec le jeune duc de Somerset, ce qui le faisait incliner vers le parti Lancastrien[2].

Charles VII porta l'affaire devant son Conseil. Il fut répondu que le Roi avait le comte de Charolais en sa bonne grâce ; que, si ce prince venait pour rendre quelque service à lui ou à la chose publique, il le recevrait volontiers ; que le Roi n'était point encore décidé à donner son appui à la reine d'Angleterre, mais que, le cas échéant, il lui confierait volontiers le commandement de l'armée, et qu'il le remerciait du bon et grand vouloir qu'il avait. Le comte de Saint-Pol avait reçu une mission verbale ; la réponse qui lui fut faite demeura également verbale. Le Roi fit connaître ses intentions par son chancelier, en présence du comte du Maine, de Brezé et de Cousinot. Craignant que le jeune comte ne voulût user de voies de fait contre les Croy ou contre d'autres serviteurs du duc de Bourgogne, il insista à cet, égard auprès du comte de Saint-Pol, et lui dit en termes exprès : Pour deux royaumes tels que le mien, je ne consentirois un vilain fait[3].

Sur ces entrefaites, Charles VII reçut une lettre de son fils ; elle était datée du 13 décembre, et lui fut remise par Jean Wast, seigneur de Montespedon, premier valet de chambre du prince[4]. Le Dauphin avait été informé par Geoffroy Levrault, serviteur du comte du Maine, que le Roi s'était montré étonné qu'une communication indirecte eût été faite par son fils au comte du Maine : si le Dauphin, avait-il dit, voulait lui demander quelque chose, il n'avait qu'a envoyer un messager spécial, porteur de lettres et instructions : Qui m'a été et est, écrivait Louis, la plus grande joie qui me pût advenir de connoître que votre plaisir est que je m'adresse à vous. Là-dessus, le Dauphin s'était empressé de faire partir son premier valet de chambre, porteur de lettres de créance, d'instructions, et aussi d'une lettre de la Dauphine, avec mission spéciale de celle-ci[5].

Wast arriva à Bourges, en compagnie de Levrault, le 3 janvier 1461. Charles VII s'entretint longtemps avec lui en particulier, et ensuite en présence de l'évêque de Coutances et de plusieurs de ses conseillers[6]. Il lui donna réponse, de sa propre bouche, le 10 janvier.

Après s'être plaint, d'un ton ferme mais paternel, de ce que le Dauphin persistait à ne pas vouloir se trouver en sa présence et à ne pas venir le servir et s'employer aux affaires du royaume ; après avoir exprimé le vif désir qu'il éprouvait de le voir à ses côtés, pour partager le fardeau du gouvernement et avoir l'honneur qui lui reviendrait s'il se voulait employer au bien de l'État, le Roi ajouta :

Je vois bien que à traiter cette matière par messages, elle ne pourrait venir à bonne conclusion ; et vous même m'avez dit que la relation que lui ont faite les messagers qu'il a envoyés devers moi a été en bien grande partie cause des craintes et doutes qu'il dit avoir. Sans parler l'un à l'autre, je ne pourrais bonnement entendre son intention ni a quoi tient son cas ; aussi il ne pourrait entendre mon intention et le vouloir que j'ai de le bien traiter. Je suis père et il est fils, et chacun sait que de lui doit venir l'obéissance ; et néanmoins, pour le désir que j'ai que cette matière se redresse à sou bien, je fais ce qu'il devrait faire car il me devrait requérir de venir devers moi, et je le admoneste qu'il y vienne, afin qu'il déclare franchement son cas, comme le fils doit à son seigneur et père, aussi que je lui dise et déclare mon intention et le vouloir que j'ai envers lui. Et pour ce, vous lui direz que je désire et veux qu'il vienne devers moi, car j'ai intention de lui dire chose, pour son bien et pour le bien de la chose publique du royaume, que je ne voudrois lui écrire ni dire à autre ; et me semble que, quand il aura parlé à moi, il connoîtra bien qu'il ne doit point avoir les doutes et craintes qu'il dit avoir ; et afin qu'il n'ait cause de y faire aucun doute, je promets gi ici eu parole de Roi, en la présence de ceux de mon Conseil qui ici sont, que s'il veut venir devers moi, lui et ceux de son hôtel qu'il vouldra amener avec lui y pourront venir et être sûrement, et quand il m'aura déclaré son courage et connu mon intention, s'il s'en veut retourner là où il est, on ailleurs où bon lui semblera, il le pourra faire sûrement, lui et ceux de sa compagnie, ou demeurer si c'est sa volonté. Mais j'ai bien esperance que, quand il connaîtra mon vouloir, il sera plus joyeux et content de demeurer que d'aller ailleurs. Et suis bien joyeux que vous, Wast, qui êtes privé de lui, soyez venu par deçà afin que le puissiez mieux acertener et lui rapporter les choses dessus dites[7].

Quel était le dessein du Dauphin en se mettant de nouveau en relations avec son père ? Les dépêches de Prosper de Camulio, l'ambassadeur accrédité par le duc de Milan à la petite cour de Genappe, nous le laissent entrevoir. Toutefois, il ne faut point oublier que souvent Camulio ne doit la connaissance des faits qu'aux confidences du Dauphin, et que le Dauphin ne lui dit que ce qu'il veut lui dire, arrangeant au besoin les choses à sa guise.

En envoyant au Roi l'un de ses plus intimes confidents[8], le Dauphin cherchait à tirer le meilleur parti de la situation. Son attitude à l'égard de son père allait dépendre de l'issue de la lutte engagée eu Angleterre : si le parti Yorkiste était vainqueur, le Dauphin paraissait disposé à se rapprocher du Roi[9]. D'un autre côté, le duc de Bretagne, qui poursuivait en Italie, en faveur du duc d'Orléans, ses négociations avec la République de Venise et le duc de Modène, lui avait fait des avances et des offres de deniers[10]. Peu satisfait de Sforza qui, malgré le traité du 6 octobre, refusait de donner à son protégé Jacques de Valpergue les avantages qu'il réclamait en sa faveur[11], le Dauphin était entré en intelligence avec le duc d'Orléans et avec le roi René[12]. Louis se demandait même s'il n'interviendrait pas en personne dans les affaires italiennes. Aussi s'efforçait-il de faire persuader à Sforza, par l'intermédiaire de Prosper de Camulio, que son intérêt était d'abandonner Ferdinand d'Aragon pour soutenir Jean d'Anjou[13]. Il estimait qu'en s'employant en faveur du duc de Calabre, il aurait un moyen assuré de se réconcilier avec son père, fort mécontent de l'attitude prise par le duc de Milan[14]. Il avait donc accueilli avec empressement les ouvertures du comte du Maine, et avait chargé Wast de demander tout d'abord deux choses : 1° que le Roi lui donnât le Dauphiné, avec la provision convenable pour un fils de France, en y ajoutant les terres voisines du Dauphiné contiguës aux possessions du duc de Bourgogne ; 2° que le Roi s'engageât à laisser le duc de Bourgogne en paix[15].

L'envoyé du Dauphin avait été reçu par le Roi avec la plus grande courtoisie, et festoyé par les seigneurs de son entourage[16] ; mais il n'avait point trouvé à la cour le comte du Maine, qui y avait alors une influence prépondérante, et c'était le comte de Foix qui avait été chargé de lui faire connaître les intentions du Roi. D'après les confidences du Dauphin à Camulio, le Roi avait donné deux réponses : la première par écrit, générale, contenant les plus belles paroles et assurances que l'on pût imaginer[17], mais, eu ce qui concernait le duc de Bourgogne, une lin de non-recevoir[18] ; la seconde verbale : le Roi, alors même que le Dauphin ne voudrait pas revenir près de lui[19], consentait à lui donner, avec le Dauphiné, les terres voisines du Dauphiné et de la Bourgogne ; il lui donnerait eu entre Gènes et Asti, et le gouvernement du duc de Savoie, mais à la condition que le Dauphin favoriserait en Italie le duc Jean[20] et seconderait les vues du Roi[21].

Le comte du Maine, absent lors de la venue du message envoyé sur son initiative, s'était excusé auprès du Dauphin, l'engageant à poursuivre la négociation, promettant ses bons offices, assurant le prince qu'il obtiendrait tout ce qu'il désirait, qu'il serait le maître du foi, et que l'ascendant du comte de Dammartin serait anéanti[22].

Wast avait longtemps séjourné à la Cour. Nous avons vu que la réponse officielle lui avait été donnée le 10 janvier ; or, il ne revint près de son maître que le 7 février[23]. Le Dauphin hésita beaucoup sur le parti qu'il devait prendre. Quelques jours après, il fit venir Camulio : Prospero, lui dit-il, je voudrais que tu me résolve cette question : Si le Roi me mande en Italie pour favoriser le duc Jean et s'opposer au duc de Milan et que je prenne parti pour le Roi, et qu'en même temps je fasse une ligue avec le duc de Milan, qui est contraire au Roi, comment pourrai-je m'en tirer ? L'ambassadeur milanais répondit d'une manière évasive, disant qu'avant tout le Dauphin devait s'entendre avec son maitre[24]. Peu après, comme s'il eût voulu laisser Camulio dans l'incertitude sur le résultat de la mission de Wast[25], le Dauphin ajouta : Mais il me semble que tous ces desseins s'en vont en fumée[26]. Pourtant Louis se sentait plus que jamais porté à entrer en accommodement avec son père. D'une part, il voyait le duc de Bourgogne et le comte de Charolais eu complète mésintelligence ; d'autre part, les espérances fondées sur l'Angleterre s'étaient évanouies avec le triomphe de la reine : il lui semblait que la nécessité le forçait à se rapprocher du Roi[27]. Il répugnait d'ailleurs à vivre toujours aux dépens du duc de Bourgogne, dont il n'entendait pas être l'obligé[28].

Sur ces entrefaites, le comte de Saint-Pol fit demander au Dauphin de lui envoyer un de ses plus intimes confidents, ayant à lui communiquer des choses d'une haute importance sur son accommodement avec le Roi. Le Dauphin envoya au comte son secrétaire Jean Bourré, qui revint quelques jours plus tard, avec l'assurance que le comte de Saint-Pol et le comte du Maine feraient auprès du Roi, en faveur du prince, des choses admirables[29].

Louis n'avait pas attendu la réponse du comte de Saint-Pol pour renvoyer son ambassadeur vers son père. Wast partit vers le 4 mars[30].

Dans sa dépêche du 13 mars, Prosper de Camulio donnait à son maître, sur la situation des choses, les détails suivants : Le Dauphin est en actives négociations pour se réconcilier avec le Roi de France ; il lui renvoie son ambassadeur. Je crains que la chose ne finisse par un accommodement. D'une part, le Roi de France est depuis longtemps malade, et, pour un père qui touche à la vieillesse, recouvrer sou fils est une grande consolation, surtout quand les affaires de l'État sont d'un poids si lourd. D'autre part, le Dauphin sent la nécessité d'une solution ; sa patience est à bout, voyant la mauvaise situation où il se trouve et les affaires d'Angleterre ne point donner l'espoir d'une prochaine conclusion. Je ne serais point étonné que, renonçant à la résolution où il a été jusqu'ici, il ne se décidât à passer en France... Les conditions de l'accord avec son père sont les suivantes, d'après ce qu'il m'a dit in fide vera principis : le Roi lui donnerait Gênes et le comté d'Asti ; il aurait le gouvernement de l'État du duc de Savoie ; le Dauphiné lui serait restitué, et l'on y joindrait des terres voisines contiguës de celles du duc de Bourgogne. Si on ne lui accorde point ces conditions, le Dauphin ne quittera pas sa retraite. Le Roi de France a offert Gènes, Asti, et les autres avantages territoriaux ; mais il a laissé entendre ouvertement que le Dauphin devrait empêcher toute relation entre le duo de Savoie et Ferdinand, et favoriser la cause du roi René. La difficulté gît en certaines affaires de juridiction, concernant le duc de Bourgogne, mais qui paraissent devoir s'arranger[31].

L'ambassadeur du Dauphin avait une double mission, l'une officielle, l'autre secrète. Nous ne pouvons donner ici que ce qui concerne la première ; la seconde nous échappe désormais[32].

Wast était porteur de deux créances rédigées à l'avance ; il en donna lecture au Roi le 20 mars.

Le Dauphin avait reçu avec peine la réponse du Roi, car il s'attendait à œ qu'elle fût tout autre ; il se voyait plus éloigné de ce qu'il demandait qu'au temps où Coursillon lui apportait de bonnes paroles ; il n'avait jamais d'ailleurs refusé de venir vers le Roi, mais il avait requis qu'on n'usât pas pour cela de  contrainte, car c'était cette contrainte qui engendrait la peur ; ii se plaignait de la publicité donnée à la réponse que le Roi avait faite à Wast ; enfin il demandait que, mettant en oubli les choses passées, le Roi pourvût à son fait[33].

Dans le second document, le Dauphin déclarait n'avoir vu, dans ce que son père avait dit à Wast, que deux choses à relever : la première, que le Roi déclarait qu'il aimait mieux que l'absence du Dauphin fût imputée à celui-ci qu'à lui ; la seconde, que Wast lui ayant demandé en quel lieu le Dauphin pourrait se axer, le Roi avait répondu que, s'il était absent de la Cour, les mécontents se retireraient toujours près de lui, et qu'ainsi l'aigreur seroit plus forte que devant. Le Dauphin demandait, qu'on ne lui fît pas la réponse faite jadis à Coursillon, savoir que le Roi acceptait ses offres, mais n'entendait rien à ses demandes.

Sire, concluait Wast, vu que la chose a si longuement duré, il me semble que au moins ne pourriez vous que de l'essayer et le pourriez faire sûrement en faisant deux choses : l'une, assurez vous bien de lui de toutes les craintes que vous pourriez faire sur cette matière ; et l'autre ne lui baillez chose que vous lui puissiez ôter le lendemain au matin, si vous vous en repentez ; et se vous le faites, on ne pourra jamais dire qu'il ait tenu à vous[34].

Le Roi fit à Wast, le 21 mars 1461, la réponse suivante :

J'ai ouï ce que hier vous me dites de par mon fils le Dauphin, et aujourdui j'ai vu ce que m'avez baillé par écrit touchant ladite matière, laquelle chose j'ai fait lire en la présente de ceux de mon Conseil qui sont ici ; et ne me puis trop émerveiller de ce que vous dites que mon lits a pris la réponse que je vous avois faite l'autre fois si étrangement, ci et qu'il en avoit été courroucé et déplaisant ; car il sembloit ct bien aux seigneurs du sang et aux gens de mon Conseil que ladite réponse était si douce, si gracieuse et si raisonnable qu'il s'en devait bien réjouir et contenter, et l'avoir pour agréable.

Vous avez touché deux points ès choses que vous m'avez dites ; et me semble que c'est toujours le vieil train, et que mon fils veut que j'approuve son absence et les termes qu'il tient de ne vouloir venir devers moi, qui seroit nourrir l'erreur qui a été longtemps en ce royaume, où l'on disait que je ne voulois pas qu'il y vînt, laquelle chose, comme chacun peut assez savoir, ne vint oncques de moi, et eusse été bien joyeux que de piéça il y eût été pour s'être employé avec les autres au recouvrement de ce royaume et debouter les ennemis d'icellui, et avoir sa part en l'honneur et ès biens comme ils ont eu. Et ce que j'ai désiré sa venue par devers moi n'est pas tant pour moi comme pour lui ; car, combien que ce me seroit bien grande joie et plaisir qu'il y fût et de le voir et parler à lui, toutefois, principalement je l'ai désiré et désire pour le bien et honneur qui lui en peut advenir ; et quand il y serait et que j'aurais parlé à lui, et dit et déclaré des choses que je ne lui écrirois ni manderois par autre, je crois qu'il en seroit bien joyeux et content, et n'auroit jamais volonté de s'en retourner ; et si ainsi étoit qu'il s'en voulût retourner après que j'aurois parlé à lui, faire le pourrait sûrement, ainsi qu'autrefois je vous ai dit. Et aussi, si ainsi est qu'il n'y veuille venir, mais se absenter toujours de ma présence, ainsi que jusqu'ici il a fait, j'aime mieux qu'il le face de soi même et par son vouloir et l'avis de ceux, qui le conseillent, que y bailler mon consentement. Et m'esbahis bien dont lui viennent ces peurs et craintes dont vous avez parlé ; car il me semble que, en si long temps qu'il a été absent d'avec moi, il a eu assez d'espace pour se devoir assurer et aviser à son cas. Dont peut venir ceci ? C'est une chose bien merveilleuse[35] qu'il refuse à venir devers celui, dont les biens et honneur lui doivent venir ; et d'autre part il défait, éloigne et ne veut voir tues bons et loyaux sujets qui se sont si honnorablemement et vaillamment employés ès grandes affaires de ce royaume et à résister aux entreprises des anciens ennemis d'icellui et des autres qui l'ont voulu grever, et, pour les grands services qU'ils ‘ont faits, sont de loyauté bien éprouvés ; desquels, pour les termes qu'il leur tient et qu'il ne vient point devers moi, il ne peut avoir leur amour, ainsi qu'il auroit s'il étoit avec moi et qu'il parlât et fréquentât avec eux comme il appartient, et dont je m'acquitte.

Mes ennemis se fient bien en ma parole et en ma sûreté, et, quand je les ai eus à ma volonté et que même ils étoient abandonnés de ceux de leur parti, chacun sait que je ne leur ai pas fait cruauté. Et maintenant mon fils ne se fie pas en ma sûreté pour venir par devers moi ! En quoi il me semble qu'il me fait petit honneur : car il n'y a si grand seigneur en Angleterre, combien qu'ils soient mes ennemis, qui ne s'y osât bien fier, et serois bien déplaisant que sous ma sûreté il lui fût fait quelque chose qui lui fût préjudiciable. Et quand j'aurois ce vouloir, pensez-vous que je sois si impuissant et mon royaume si dépourvu que je ne l'eusse bien là où il est ? Que vous en semble-t-il ? Vous dites que je prenne sûreté de mon fils, telle que je voudrai, sur les choses dont vous m'avez parlé. Je n'en ai pas eu grand besoin jusqu'ici, et encore ne vois-je point qu'il soit nécessité de le faire, Dieu merci !

Et quant à la provision que avez requise pour lui, comme autrefois je vous ai dit, quand il viendroit devers moi pour faire son devoir, voire moins que devoir, et soi employer au bien de la chose publique ainsi qu'il appartient, je ferois envers lui et lui donnerois telle et si bonne provision qu'il devroit être bien content. Et si je le faisois ainsi que le requerez, ce seroit nourrir l'éloignement qu'il a eu si longtemps d'avec moi, et je ne le ferai point. Et quand les seigneurs du sang et les gens des trois États de ce royaume seroient à present devers moi, je pense qu'ils ne le me conseilleroient pas ; et s'ils le me conseilloient, ores si aimerois-je mieulx qu'ils le fissent d'eux-mêmes que d'y bailler mon  consentement. Et est affaire à ceux qui le conseillent et tiennent en ce train de lui bailler ladite provision, et non pas à moi[36].

Malgré l'état maladif dans lequel il était tombé[37] et qui faisait à tout moment répandre le bruit de sa mort[38], Charles VII avait trouvé assez d'énergie pour répondre de sa propre bouche à l'envoyé du Dauphin et lui faire entendre ee langage à la fois plein de fierté et de tendresse paternelle.

Peu de temps après le départ de Wast, un messager du comte de Saint-Pol arriva à Mehun ; il était porteur de lettres de son maitre et du comte de Charolais. Le conflit entre ce prince et les Croy devenait de plus en plus intense[39] ; le comte avait eu une vive altercation avec Antoine de Croy et avait demandé à son père dé faire procéder contre lui ; la cour de Bruxelles était tenue en suspens par cette querelle[40] ; dans les premiers jours de mars, l'affaire avait été portée devant le Conseil[41]. Le Dauphin gardait la neutralité entre le duc et le comte, mais il en résultait certains froissements qui faisaient supposer que Louis serait amené à se rapprocher de son père.

Le comte de Charolais demandait au Roi de vouloir bien expliquer certaines paroles dites au comte de Saint-Pol, et qui lui semblaient troubles et obscures. Charles VII fit examiner la requête par son Conseil ; Guillaume Cousinot et Jean Bureau furent chargés de rédiger la réponse, qui fut portée au comte de Saint-Pol par le seigneur de Genlis. La négociation se poursuivit. Genlis revint vers la Pentecôte avec une lettre du comte de Saint-Pol. Le Conseil se réunit à Mehun dans le logis du comte du Maine pour rédiger la réponse. Quand cette réponse fut soumise au Roi, elle ne lui parut point satisfaisante. J'ai été averti, dit-il, que tout ce que fait faire le comte de Charolais, par l'intermédiaire du comte de Saint-Pol, n'est qu'une fiction et un personnage joué entre le duc de Bourgogne et son fils. Le Roi fit corriger la réponse à donner au comte de Saint-Pol et qui fut portée par le seigneur de Genlis. L'affaire en resta là[42].

Le démêlé du comte de Charolais avec les Croy et avec son père, n'était pas uniquement, à la cour de Bruxelles, l'objet des préoccupations. La lutte entre la reine Marguerite et le parti Yorkiste y était suivie avec anxiété. A la première nouvelle du triomphe de la Reine, le Dauphin était accouru près du duc de Bourgogne pour conférer avec lui[43]. Bientôt était arrivée une lettre du comte de Warwick, à laquelle Philippe s'était empressé de répondre[44], et il avait envoyé une ambassade à Londres, dans le but apparent de renouveler les traités de commerce[45]. Le duc s'employait en même temps auprès de sa nièce la reine régente d'Écosse, pour empêcher qu'un secours fût donné à Marguerite[46]. De son côté, le Dauphin avait en Angleterre un de ses chambellans, le seigneur de la Barde, par l'intermédiaire duquel il correspondait avec les Yorkistes[47]. Henri VI était toujours à Londres, où l'on prétendait qu'il jouissait d'une entière liberté[48]. L'évêque de Terni, légat du Pape, continuait à travailler activement en faveur des rebelles[49]. Warwick avait écrit au Pape pour le rassurer sur l'issue de la lutte : avec l'aide de Dieu et le concours du roi d'Angleterre, qui était animé des meilleures dispositions, il espérait avoir la victoire ou une belle paix ; il demandait le chapeau de cardinal pour le légat, ce qui augmenterait son prestige[50]. Warwick s'était mis également en rapport avec Sforza[51]. On se préparait à la lutte contre la reine, et l'on comptait mettre sur pied avant peu une armée de cent cinquante mille hommes[52].

Cependant la reine Marguerite avait convoqué à York les lords de son parti. Le 20 janvier, ceux-ci prenaient l'engagement solennel de la soutenir et lui demandaient de donner son approbation à certains articles rédigés par eux à Lincluden le 5 janvier[53]. Le 22, une proclamation était lancée au nom de la Reine et du prince de Galles[54]. Le 2 février, une nouvelle bataille était livrée, où les Yorkistes avaient l'avantage ; mais cette victoire laissait les choses en suspens. Le 12 février, de pleins pouvoirs étaient donnés au jeune duc d'York pour la lutte contre les partisans de la reine, qualifiés de rebelles[55]. Warwick, resté seul a Londres avec le roi d'Angleterre, l'emmena avec lui en marchant contre la reine. Le 17 février, malgré l'infériorité de ses forces, il livrait bataille à Saint-Alban et subissait une défaite complète. Le malheureux Henri VI, abandonné à quelque distance du théâtre de l'action, fut recueilli par les vainqueurs[56] et mené vers la reine et son fils, alors âgé de sept ans, qu'on lui fit armer chevalier. Le comte de Warwick s'enfuit dans le pays de Galles. Le légat Coppini, terrifié, croyant la partie perdue[57], gagna la Hollande à travers mille périls[58]. Les deux pins jeunes fils du duc d'York furent emmenés en Flandre, pour y être placés sous la protection du duc de Bourgogne[59].

De telles nouvelles jetèrent la consternation à Bruxelles et à Genappe[60]. Craignant toujours quelque démonstration hostile du côté de la France, Philippe se décida à envoyer l'ambassade que, trois mois auparavant, il avait contremandée : le 14 mars, Jean de Croy et Simon de Lalain partaient pour Mehun, et Pierre de Goux allait joindre en Bourgogne Antoine de Rochebaron pour se rendre à Sancerre, où une conférence devait se tenir avec des commissaires du Roi[61].

A ce moment, l'ambassadeur accrédité par Sforza auprès du Dauphin se rendait de Genappe à Bruxelles. Le 16, il avait une audience du duc de Bourgogne ; le 18, il s'entretenait longuement avec Antoine de Croy. Nous pouvons, grâce à Camulio, nous rendre compte des dispositions où l'on était alors à la cour de Bourgogne. Laissons-le raconter son entretien avec Croy, dans une dépêche au duc de Milan, en date du 23 mars.

Monseigneur de Croy m'a donné à entendre clairement que l'accord du Dauphin avec le roi de France ne se fait ni du gré ni de l'aveu du duc de Bourgogne : Tout au contraire, ce prince se lamente de ce que, ayant, dés le principe, reçu le Dauphin dans ses états, et lui ayant fait hommage comme futur roi de France en même temps que comme Dauphin, il n'en a recueilli qu'un ressentiment implacable du Roi, qui est venu s'ajouter aux anciens griefs ; d'un autre côté, les affaires d'Angleterre, de l'issue desquelles dépend pour le duc la paix ou la guerre, étant encore en suspens, il ne lui parait pas honnete de faire au Roi de telles avances. Mgr de Croy trouve que le Dauphin semble n'avoir point apporté dans cette affaire toute la circonspection et la réflexion que devrait avoir un prince de sa qualité. Il a gardé envers le due. le plus complet silence sur le fait de Gènes et sur les offres concernant l'Italie. Mgr de Croy ne croit pas qu'il y ait là rien de réel ; mais si la chose était telle, il ne lui semble pas honnête qu'elle ait été tenue secrète. Mgr de Croy ne pense pas, d'ailleurs, que la paix se fasse entre le Dauphin et le Roi, et m'a dit que son frère était l'un des ambassadeurs envoyés par le duc de Bourgogne au Roi, dans le but, je suppose, de tirer à clair le fond des choses. Le Dauphin a, parait-il, été indisposé contre le duc de Bourgogne, à cause de la tiédeur que les ambassadeurs envoyés par ce prince au duc de Savoie ont témoignée pour ses intérêts. L'accord tacite qui règne entre le Dauphin et Monseigneur de Charolais est encore une des causes qui ont refroidi ce grand amour entre le Dauphin et le duc qui existait au début. En outre, le Dauphin ayant dépensé largement, surtout en aumônes, sacs compter avec sa bourse, se trouve aux prises avec une grande gène ; il n'a du duc de Bourgogne que deux mille ducats par mois, et cela semble le mettre dans la nécessité de faire la paix avec le Roi.

Mgr de Croy m'a dit que le duc de Bourgogne avait été très sensible à la visite que Votre Seigneurie lui a fait faire ; il estime que, les choses étant ce qu'elles sont, le duc de Bourgogne ne peut espérer, du vivant du Roi de France, ni bons offices ni paix solide, pas plus que du vivant des ducs de Bretagne et d'Orléans ; que, d'autre part, Votre Seigneurie ne peut rien attendre de bon du Roi, mais qu'elle doit, au contraire, être assurée que le Roi lui nuira de tout son pouvoir ; que, par conséquent, la nature des choses doit porter Votre Seigneurie et le duc de Bourgogne à se tenir étroitement unis. Tout cela m'engage à demeurer ici jusqu'à l'arrivée des nouvelles d'Angleterre. Elles sont attendues de jour en jour, ou très bonnes ou très mauvaises, car les choses en sont au dernier coup à jouer sur l'échiquier. Toute la substance des paroles de Mgr de Croy se résume en ceci : si le duc de la Marche, lits du duc d'York, et le comte de Warwick perdent la partie, il faut s'attendre à un mouvement offensif du Roi de France, et alors il faudrait, par tous les moyens, se rendre le Dauphin favorable.....

On a su ici que le Roi réunissait en Gascogne des gens d'armes et des navires ; à quelle fin, ou l'ignore. Tout porte à croire qu'il espère avoir Calais, à la faveur de la reine d'Angleterre. Et, en raison de ces desseins sur Calais, le duc de Bourgogne va se rendre dans une ville que l'ou comme Saint-Omer, sous prétexte d'y célébrer la fête de la Toison, et il a ordonné quo tous ceux qui l'accompagnent soient en armes. II sera là aussi plus à portée des choses de l'Angleterre. Mgr de Croy m'a dit que, quelle que soit la résolution du Dauphin, si le duc de Bourgogne est poussé à faire la guerre, il aura, tant en chevaux qu'en gens de pied, cent mille hommes[62].

Cependant la reine Marguerite ne négligeait aucun moyen d'affermir sa victoire. Elle fit partir Doucereau, le serviteur de Brezé qui était constamment à ses côtés, en compagnie d'un jacobin, avec mission de solliciter de Charles VII un prêt de quatre vingt mille écus et le prompt envoi d'une armée[63]. C'est sans doute à ce moment, que, voulant récompenser le grand sénéchal de Normandie du dévouement qu'il lui témoignait, elle lui donna les îles de Jersey et de Guernesey, dont Brezé resta seigneur pendant plusieurs années. L'occupation du château de Montorgueil par Jean Carbonnel, un de ses lieutenants, paraît avoir eu lieu au début de 1461[64].

Mais le triomphe de la reine devait être éphémère. La face des choses ne tarda point à changer. Le 27 février, Édouard d'York faisait son entrée dans Londres, en compagnie du comte de Warwick ; il avait trente mille hommes sous ses ordres. Le 4 mars, il se faisait proclamer roi à Westminster. Le 13, il quittait Londres à la tête de son armée et s'avançait contre la reine. Le 27 mars ? un premier engagement sans importance avait lieu à Ferrybridge. Le 29, les deux armées étaient en présence à Towton : celle d'Édouard comptait près de quarante-neuf mille hommes, celle du duc de Somerset soixante mille. La lutte allait être acharnée, car, des deux côtés, l'ordre avait été donné de ne faire aucun quartier. La bataille se prolongea, à travers la nuit, jusqu'au lendemain. L'arrivée du duc de Norfolk, avec des troupes fraîches, décida la victoire en faveur des Yorkistes. Les pertes furent égales de chaque côté : trente-sept mille hommes environ restèrent sur le champ de bataille. Ce fut, dit un historien anglais, la plus grande, la plus meurtrière et la plus décisive de toutes les batailles que les Anglais aient jamais livrées, soit sur leur sol, soit sur le continent[65].

Pendant que les événements survenus en Angleterre portaient un coup fatal aux desseins de Charles VII à l'égard du duc de Bourgogne, la fortune ne lui était pas moins contraire en Italie, où il avait à lutter contre un ennemi acharné en la personne du duc de Milan.

Depuis la conclusion du traité du 6 octobre, Sforza se tenait en relations assidues avec le Dauphin. Gaston du Lyon, premier écuyer tranchant de ce prince, était venu le trouver, en compagnie de Camulio, pour la ratification du traité. D'importants avantages territoriaux étaient offerts au duc[66], qui manifestait le plus grand empressement à servir les intérêts du Dauphin. Bientôt arriva un nouvel ambassadeur : Baude Meurin, secrétaire du Dauphin, avait mission de 's'employer, tant auprès du duc de Milan que de la République de Florence, eu faveur de Jacques de Valpergue. Le 24 décembre, Sforza donnait réponse à l'ambassadeur. Il exposait longuement tout ce qu'il avait fait pour donner satisfaction au Dauphin ; il confirmait. les arrangements pris avec Gaston du Lyon avant la conclusion du traité : en cas de mort du Roi, il mettrait toute sa puissance à la disposition du Dauphin, pour l'aider à prendre possession du trône, et l'aiderait également à soumettre le Dauphiné ; il s'était efforcé de seconder les intentions du Dauphin en ce qui concernait le gouvernement de la Savoie ; mais il ne voulait pas entrer en guerre avec le duc, qui était compris dans la ligue entre les états italiens, et qu'il fallait ménager pour qu'il ne se jetât point dans les bras du roi de France ou des Vénitiens ; il avait mis secrètement de l'argent à la disposition de Valpergue, et tenait un corps de troupes tout prêt afin que celui-ci pût s'en servir au moment opportun ; il avait envoyé plusieurs ambassades au duc de Savoie, tant pour lui exprimer son déplaisir du traitement infligé à Valpergue que pour lui faire sentir les conséquences d'une rupture avec le Dauphin[67].

En même temps, Sforza renvoya Prosper de Camulio à la cour de Bourgogne, avec d'amples instructions sur la conduite qu'il devrait tenir, tant à l'égard du Dauphin que du duc de Bourgogne. L'ambassadeur était également chargé de se rendre auprès du duc d'York et du comte de Warwick, et de leur faire part du traité qu'il avait conclu avec le Dauphin ; il devait féliciter le légat des résultats qu'il avait obtenus et qui intéressaient non seulement le roi Ferdinand et lui, mais l'Italie tout entière ; il devait, si le Dauphin avait pour agréable la teneur du traité souscrit et ratifié par lui, en demander la ratification en due forme[68].

Après avoir rempli sa mission auprès du duc de Milan, Baude Meurin se rendit à Florence, où on lui donna audience le 24 janvier 1461. Il venait demander au nom du Dauphin que la République agît auprès du duc de Savoie comme alliée de ce prince, lequel était compris dans la ligue entre les États Italiens, pour obtenir la réalisation des desseins du Dauphin, soit au sujet du paiement intégral de la dot de la Dauphine, soit en vue de soustraire le duc à l'influence d'indignes conseillers. La République de Florence ne devait pas trouver mauvais que le Dauphin intervint dans les affaires de la Savoie pour y rétablir l'ordre et y faire respecter la justice. — Les Dix de la Balie se bornèrent à répondre que la République ne s'offenserait point de son intervention, et que, en toute occasion, elle s'empresserait de lui donner un large concours[69].

De Florence, l'envoyé du Dauphin se rendit auprès du Pape et de la république de Venise[70]. Il allait s'y rencontrer avec les ambassadeurs du Roi, dont la diplomatie n'était pas moins active que celle de son fils.

Nous avons vu que, au milieu de l'année 1460, le duc de Bretagne avait envoyé une ambassade à la république de Venise. Cette ambassade avait été reçue le 10 octobre par le Sénat vénitien, qui lui avait fait une réponse dilatoire[71]. Le duc de Bretagne vint trouver le Roi pour poursuivre, d'accord avec lui, l'exécution de ses projets. Les bruits les plus alarmants circulaient à cet égard en Italie. On disait que le duo était nommé lieutenant-général d'une armée de cent mille hommes que le Roi se disposait à mettre sur pied. Était-ce pour l'envoyer en Italie ou pour agir contre le duc de Bourgogne ? On l'ignorait[72]. Durant les premiers mois de 1461, ce fut un perpétuel échange d'ambassades : vers Noël, un ambassadeur de la république de Venise partait pour la cour de France[73] ; le mois suivant, Charles VII envoyait des ambassadeurs à Venise, à Gênes, et à Rome vers le Pape et les cardinaux français[74] ; en même temps, une ambassade du duc de Savoie venait négocier le mariage du fils aîné du prince de Piémont avec la fille du duc d'Orléans[75]. Sur ces entrefaites, une nouvelle ambassade du duc de Bretagne revint d'Italie : les négociations ne paraissaient pas prendre une tournure favorable[76]. Le duc de Bretagne déployait pourtant une grande activité : il avait fait des ouvertures au duc de Bourgogne et au Dauphin, et avait offert quatre mille écus à ce dernier[77] ; au retour de ses ambassadeurs, il envoya vers le Roi pour prendre ses instructions. Charles VII répondit qu'il fallait agir en Italie par la douceur plutôt que par la violence ; que, les affaires de France n'étant point prospères pour le moment dans cette contrée, il convenait que le duc de Bretagne se tint tranquille ; l'année suivante, les choses pourraient prendre une tournure meilleure et l'on serait à même d'agir plus efficacement[78]. Le Roi paraissait alors peu disposé à soutenir le duc de Calabre, en faveur duquel le roi René sollicitait un secours armé[79] : il opérait une concentration de forces autour de Paris et faisait revenir des troupes de Gênes[80].

Les menées de Sforza ne devaient pas tarder à produire leurs résultats dans cette ville. Il dirigeait les fils d'une vaste conspiration et avait passé un traité avec les mécontents[81]. En l'absence du duc de Calabre, le gouvernement était aux mains de Louis de Laval, qui n'avait ni la capacité ni le prestige du jeune duc ; aussi les Génois avaient-ils député un ambassadeur au Roi pour demander l'envoi d'un sage gouverneur[82]. Charles VII avait fait partir Jean de Chambes pour tacher de rétablir l'ordre[83]. Cet ambassadeur est à peine arrivé qu'une sédition éclate. Le 9 mars, un citoyen obscur appelle les Génois aux armes. Durant la nuit, l'émeute aboutit à une révolution. La ville entière se met en armes. Louis de Lavai, sans même chercher à réprimer l'émeute, se retire dans le Castelletto. Aussitôt Paul Fregoso, archevêque de Gènes, arrive à la tête d'une troupe de paysans. Prospero Adorno pénètre en même temps dans la ville. Les deux factions rivales en viennent aux mains. Les Adorni semblent un moment vouloir faire cause commune avec le gouverneur. Mais un agent de Sforza intervient : il ménage un rapprochement entre l'archevêque et Adorno ; celui-ci est proclamé doge le 12 mars. Adorno se mit aussitôt en rapport avec le duc de Milan, pour obtenir son concours afin de chasser les Français. Sforza envoya de l'argent, des troupes, de l'artillerie, et Louis de Laval fut assiégé dans le Castelletto[84].

 

Charles VII avait l'âme trop fortement trempée[85] pour se laisser abattre par le double échec que sa politique venait de subir et en Angleterre et en Italie. Au moment où. le triomphe du parti Yorkiste portait un coup terrible à ses desseins, il se disposait à envoyer une flotte pour seconder la reine Marguerite et à agir contre le duc de Bourgogne, qui lui avait donné un nouveau grief par le serment qu'il venait de prêter au Dauphin comme futur roi de France[86]. Indépendamment de la démonstration navale qui se préparait, des armements considérables étaient opérés sur les frontières de la Picardie. Philippe était informé que, sous prétexte de faire lever le siège que tes Anglais de Calais avaient mis devant Hames, des gens d'armes du Roi étaient au moment d'entrer dans ses pays[87]. Fort ému de ces nouvelles, le duc se rendit en tonte hâte à Saint-Omer, où devait se tenir l'assemblée de l'ordre de la Toison d'or[88].

La nouvelle de la victoire d'Édouard d'York avait rempli de joie le Dauphin, dont la bannière avait été arborée dans les rangs de l'armée Yorkiste[89]. Il n'avait pas éprouvé une moindre satisfaction en apprenant le soulèvement des Génois : tout ce qui pouvait abaisser les princes de la maison d'Anjou, auxquels il portait une haine mortelle, leur attribuant sa brouille avec le Roi, était de nature à le réjouir[90]. Son ambassadeur venait de revenir de la cour de France, où le parti du roi de Sicile était plus puissant que jamais[91], et il ne semblait plus se soucier de recouvrer les bonnes grâces de son père. D'ailleurs, les prédictions des astrologues le rassuraient : plus que jamais ceux-ci affirmaient que la mort du Roi était inévitable, à moins d'un miracle, et que le terme fatal ne devait pas dépasser le mois d'août[92]. Dans cette occurrence, le Dauphin n'avait qu'iine chose à faire : attendre patiemment le dénouement et, se tenir fermement uni au duc de Bourgogne[93].

Philippe, lui aussi, ne cherchait qu'à gagner du temps[94]. Jean de Croy et Simon de Lalain revinrent à ce moment de leur ambassade. Non seulement ils n'avaient rien obtenu, mais Charles VII avait refusé de leur donner audience[95]. Camulio écrivait à Sforza le 15 avril : Les soupçons du duc de Bourgogne à l'égard du Roi vont toujours croissant, surtout à cause des armements de terre et de mer que fait ce prince, et qui augmentent de jour en jour. Le duc de Bourgogne paraît redouter que, sous prétexte d'une attaque contre Calais, on ne se jette sur ses pays. Le 19 avril partait un nouvel ambassadeur : c'était un conseiller et maître d'hôtel du duc, Michaut de Changy[96]. Deux autres ambassadeurs, Antoine de Rochebaron et Pierre de Goux, étaient toujours en France. Le 2 mai, le duc tint à Saint-Omer la fête de la Toison d'or, où l'on remarqua l'absence du duc d'Orléans, et où, comme pour lancer un défi à Charles VII, Philippe fit occuper par un chevalier la place du duc d'Alençon[97]. Des instances avaient été faites par Camulio pour que la Toison d'or fût donnée à Galeas Marie Sforza ; mais le duc de Bourgogne ne voulait pas se brouiller avec son neveu d'Orléans. L'ambassadeur milanais fait à ce sujet ses doléances à son maître[98]. Tout émerveillé qu'il soit de la splendeur de la fête, Camulio ne peut s'empêcher de formuler un blâme sur l'attitude du duc : Le duc de Bourgogne, dit-il[99], est tout entier à ses dévotions ; il laisse la pensée et le soin des affaires à des serviteurs chez qui ne se-trouve pas l'instinct surnaturel des princes et qui ne peuvent par conséquent porter dans cette direction la vigilance et la prévoyance que Dieu accorde aux souverains. Ailleurs il formule cette appréciation : Le duc de Bourgogne est un fleuve profond, dont le cours ne, se révèle pas à la surface[100] ; et il constate que tous les princes, le duc de Clèves, le comte d'Étampes et jusqu'au bâtard de Bourgogne, ont pris parti pour le comte de Charolais contre le duc, qui, dit-il, se fait vieux et ne brille pas par la sagesse[101].

Tout en correspondant avec les ambassadeurs qu'il entretenait à Bourges[102], le duc de Bourgogne surveillait attentivement les mouvements de l'armée royale qui occupait l'Artois[103]. Il chargea le seigneur de Créquy et Toison d'Or de se rendre secrètement sur les lieux pour faire une enquête[104], et envoya des lettres closes à Pierre de Louvain, Regnault de Giresme, et autres capitaines, pour leur demander compte de leur présence en armes sur ses terres[105]. Il était en relations avec Édouard d'York, toujours menacé d'une descente des Français en Angleterre[106] : on disait qu'une armée de vingt mille hommes avait été embarquée en Normandie et faisait voile dans la direction du golfe de Bristol ; son but était de provoquer un soulèvement dans le pays de Galles en faveur de la reine[107]. Bientôt le bruit courut qu'une bataille navale avait eu lieu près des côtes-de Cornouailles et que les Français avaient été battus[108]. Marguerite était toujours en Écosse, où elle négociait avec la reine-régente l'union du jeune prince de Galles avec une des princesses d'Écosse[109]. La reine-régente était Marie de Gueldres, propre nièce du duc : Philippe lui écrivit de nouveau pour rompre ce mariage[110], et le Dauphin joignit ses efforts à ceux du duc[111]. Mais ces démarches n'empêchèrent pas l'alliance de se conclure[112]. Le duc de Bourgogne attachait une telle importance au triomphe définitif d'Édouard d'York, qu'il paraissait décidé à lui porter secours dans le cas où Charles VII l'attaquerait[113]. Peut-être le duc avait-il conclu un pacte secret avec le parti Yorkiste. Ce qui donnerait lieu de le croire, c'est que, dans une de ses dépêches, Camulio nous révèle le fait monstrueux que voici, et qui rappelle le temps où Jean Sans Peur introduisait les Anglais en France : le comte. de Warwick et Édouard d'York avaient été requis et exhortés par le Dauphin et le duc de Bourgogne d'opérer une descente en France ! Pour Louis et pour Philippe, tous les moyens semblaient bons quand il s'agissait de satisfaire leur haine à l'égard de Charles VII ; ils n'auraient sans doute pas reculé devant un démembrement du territoire[114].

Au mois de juin, la guerre est pour ainsi dire ouverte[115]. Charles VII se dispose à lutter à la fois contre le nouveau roi d'Angleterre et contre le duc de Bourgogne. En Normandie, un mandement royal appelle sous les armes les nobles et les francs-archers[116]. Philippe put croire que l'heure de la rupture était sonnée. Nous le voyons mander à la hâte auprès de lui Antoine de Croy, qui était en Picardie[117], et envoyer des instructions au comte d'Étampes[118]. Au milieu de ces inquiétudes, le duc apprend que son fils est parti à l'improviste : il fait prévenir en toute hâte l'évêque de Tournai, chef de son Conseil, afin d'aviser aux mesures à prendre[119] ; mais il ne tarde point à être rassuré : le comte était près de sa mère au château du Quesnoy, où, le 29 juin, un chevaucheur va porter des lettres closes du duc à la duchesse et à son fils[120]. Philippe écrit lettre sur lettre au Roi ; le 1er juillet, un chevaucheur part pour Bourges en toute diligence[121] ; le 6 juillet, autre départ[122] ; le 9, à la réception des nouvelles de France, le duc envoie chercher Simon de Lalain et communique au Dauphin et au comte de Charolais les informations qui lui parviennent[123]. Quelles sont ces nouvelles ? Une lettre du Dauphin, écrite quelques jours plus tard, nous le laisse entrevoir : Très cher et bien amé, disait-il, nous avons eu en plusieurs et diverses façons des nouvelles de Monseigneur, et toutes, en effet, disent que l'on n'y attend vie ; et pour ce, si le cas advient que vous entendez dire qu'il est trépassé, nous vous prions que incontinent vous montiez à cheval et vous en venez, vous et tous vos gens en leur habillement, par devers nous vers les marches de Reims[124]. Il ne s'agit plus de préparatifs de guerre : les gens d'armes qui ont été rassemblés vont servir de cortège pour le triomphal voyage du sacre !

 

Jetons, avant de finir, un coup d'œil sur les relations de Charles VII avec les divers États pendant les derniers mois de son règne.

En Italie, le peu de succès de la campagne que poursuivait le duc de Calabre dans le royaume de Naples, et la révolte des Génois, rendaient de plus en plus problématique la réalisation de ses desseins[125]. Sachant que Charles VII n'était pas en mesure de Lui imposer sa loi, Sforza continuait à le braver. Pour produire quelque impression, les lettres comminatoires que Charles VII ne cessait de lui adresser[126] auraient en besoin d'être appuyées par renvoi d'une armée ; or le Roi avait assez à faire du côté de l'Angleterre et de la Flandre, et, avant de songer au duc de Milan, il fallait réprimer la révolte des Génois. Le roi René fut placé à la tête d'un corps d'armée qui comptait environ six mille hommes. Il débarqua à Savone dans les derniers jours de juin, et fut rejoint par les troupes venues du Dauphiné et du comté d'Asti. René soumit plusieurs forteresses et s'avança jusqu'à San Pier d'Arena. Au lieu d'attaquer immédiatement en faisant opérer sa flotte, il attendit, cédant aux instances des nobles Génois qui l'entouraient et lui faisaient espérer la soumission de Gênes. Le troisième jour (17 juillet), il ordonna de marcher en avant. Une lutte acharnée s'engagea pendant quatre heures. Déjà les Français occupaient les hauteurs quand des émissaires du duc de Milan arrivèrent, annonçant que Brandollino s'avançait avec sa cavalerie au secours des Génois. Une panique s'empara des troupes de René, qui commencèrent à reculer. La réserve de l'armée s'efforça vainement d'arrêter la fuite. Les paysans et les bourgeois se précipitèrent sur les fuyards ; ce fut bientôt une déroute générale. L'armée fut anéantie : deux mille cinq cents hommes périrent, tandis que René gagnait ses vaisseaux. C'en était fait de la domination française à Gênes. Le Castelletto fut livré à Louis Fregoso ; Savone seule resta au pouvoir de la France[127].

En Espagne, Charles VII n'avait tiré aucun parti de son alliance avec le roi d'Aragon, toujours en lutte contre le prince de Navarre Don Carlos. Celui-ci, ayant échoué auprès de Charles VII, s'était tourné vers le duc de Bourgogne et le Dauphin, avec lesquels il entretenait de fréquentes relations[128]. Il fut même question d'un traité d'alliance entre Don Carlos et le Dauphin[129]. La réconciliation qui, au printemps de 1460, s'était opérée entre Jean II et son fils, ne fut pas de longue durée[130]. Malgré la popularité que Don Carlos s'était acquise en Catalogne, ce prince avait été arbitrairement saisi (2 décembre 1460) et interné au château de Morelia, dans le royaume de Valence. La guerre recommença ; le roi de Castille Henri IV prit les armes pour soutenir Don Carlos ; la Catalogne tout entière se souleva. A ce moment. Charles VII envoya un ambassadeur vers le roi d'Aragon[131]. Quel était l'objet de sa mission ? Nous l'ignorons. Peut-être Jean II avait-il réclamé l'exécution du traité du 17 juin 1459, et Charles VII cherchait-il à pacifier le différend. On avait redouté un moment en Catalogne une intervention de la France[132] ; le soulèvement des Catalans et les succès qu'ils remportèrent obligèrent bien vite Jean II à mettre son fils en liberté : le 10 mars, celui-ci rentrait triomphalement à Barcelone, au milieu des acclamations populaires[133]. La guerre se poursuivit néanmoins, et l'on disait que Chabannes allait entrer dans le Roussillon à la tête d'une armée[134]. Enfin, grâce à l'intervention de la reine Jeanne Enriquez, la paix fut conclue entre Jean II et les Catalans (21 juin) : Don Carlos était reconnu comme primogénit d'Aragon et comme lieutenant général en Catalogue. Il ne devait pas jouir longtemps de son triomphe, car il mourut prématurément quelques mois plus tard (23 septembre)[135].

Les relations de Charles VII avec la Castille n'avaient pas en grande importance. Pourtant nous constatons que, au commencement de 1461, un ambassadeur de Henri IV vint à Mehun pour négocier le mariage de Charles de France avec une sœur du roi de Castille. Mais Henri IV demandait que le duché de Guyenne fût donné au jeune prince, et Charles VII se refusa à disposer de ce duché en l'absence du Dauphin[136].

En Allemagne, l'affaire du Luxembourg donna lieu à un incident qui ne doit pas être passé sous silence.

Le traité passé le 20 mars 1459 entre Charles VII et le duc de Saxe portait que les quarante mille écus formant la solde de la vente du duché de Luxembourg, devraient être payés le 1er mai 1461. Charles VII s'était mis en demeure d'effectuer ce versement. Il avait même, paraît-il, obtenu, moyennant finances, la renonciation d'Élisabeth d'Autriche, reine de Pologne, sœur de la duchesse Anne, aux droits qu'elle pouvait avoir sur le duché[137]. Mais un incident imprévu s'était produit : au mois de décembre 1460, Georges Podiebrad, roi de Bohême, avait adressé aux Luxembourgeois une sommation de le reconnaître pour seigneur, et, peu de temps après, il avait notifié à Charles VII sa résolution de revendiquer la possession du duché[138]. Thierry de Lenoncourt et Nicolas du Breuil, en venant à Coblenz, le 30 avril 1461, pour s'y rencontrer avec Pierre Knorre et les autres représentants du duc Guillaume de Saxe, leur firent la déclaration suivante : le Roi est en mesure d'opérer le versement des quarante mille écus ; mais il veut attendre que la question soulevée par le roi de Bohême soit éclaircie ; il demande donc que le duc Guillaume intervienne auprès du roi de Bohême, son allié ; le Roi invite les ambassadeurs à se rendre à Vitry, pour constater que les fonds s'y trouvent et pour les déposer, d'accord avec les ambassadeurs du Roi, en mains tierces, jusqu'à ce qu'une solution ait été obtenue du roi de Bohême.

Les ambassadeurs du duc Guillaume éprouvèrent un grand embarras. Leur maitre était allé faire un voyage en Terre sainte ; ils ne pouvaient le consulter ; ils se décidèrent à accorder aux envoyés de Charles VII un délai jusqu'au 15 juin pour le versement des quarante mille écus[139].

Dans l'intervalle, Charles VII écrivit à Pierre Knorre, à la date du 30 mai. En présence de l'attitude prise par le roi de Bohême, qui était venu jeter le trouble dans l'exécution du traité du 20 mars 1459, il lui demandait de se rendre auprès de lui, avec un autre représentant du duc Guillaume, pour trouver une solution qui sauvegardât à la fois les intérêts et l'honneur des parties contractantes[140].

Nicolas du Breuil se rendit à Coblenz au jour fixé, et remit à Pierre Knorre la lettre du Roi. Grande fut la perplexité des représentants du duc de Saxe. Ils déclarèrent qu'ils étaient venus en bateau, nullement équipés pour un si long voyage ; ils n'avaient point, d'ailleurs, les instructions nécessaires, et devaient aller les demander aux lieutenants de leur maitre ; ils réclamèrent donc un délai jusqu'au commencement d'août. Les seigneurs luxembourgeois, qui désiraient fort la conclusion définitive du traité de cession, s'employèrent auprès des ambassadeurs du duc de Saxe pour que satisfaction fut donnée au Roi, et résolurent d'envoyer des délégués à Charles VII. De leur côté, les lieutenants du duc de Saxe se décidèrent à faire partir une ambassade, et désignèrent ceux qui devaient accompagner Pierre Knorre à la cour de France[141].

La mort de Charles VII survint au milieu de ces préparatifs : le 3 août, Philippe de Sierck, prévôt de la cathédrale de Trèves, l'annonçait à Pierre Knorre[142]. C'était désormais avec Louis XI que les négociations devaient se poursuivre.

Les démêlés de Sigismond d'Autriche avec les Cantons suisses occupèrent également Charles VII dans les derniers mois de son règne. Le 24 octobre 1459, il avait reçu du duc et de la duchesse Éléonore d'Écosse des lettres accréditant un ambassadeur auprès de lui[143]. L'année suivante, le roi d'Écosse lui avait demandé d'intervenir auprès des Suisses en faveur de sa tante Éléonore, menacée de perdre ses seigneuries[144]. Le 15 novembre 1460, Charles VII écrivit aux Cantons suisses pour se plaindre de ce que, au mépris de la foi jurée, ils s'étaient emparés de plusieurs places appartenant à la maison d'Autriche, et leur demander d'en opérer la restitution[145]. Les Confédérés répondirent longuement au Roi, exposant les torts graves que Sigismond s'était donnés à leur égard. Sur ces entrefaites, grâce à l'intervention du duc Louis de Bavière, une suspension d'armes fut conclue (10 décembre), et une assemblée fut fixée à Constance pour le mois de mai 1461. Charles VII s'y fit représenter ; le 20 mai, il adressait aux Bernois un appel à la conciliation. Ses démarches furent couronnées de succès. Les conférences de Constance, auxquelles prirent part, avec le duc Louis de Bavière, des représentants de plusieurs princes d'Allemagne, du roi d'Écosse et du duc de Bourgogne, aboutirent, le 1er juin, à la conclusion d'une paix de quinze années[146].

Nous venons de mentionner les démarches faites par le roi d'Écosse auprès de Charles VII. Quelque temps auparavant, le Roi avait été choisi pour arbitre d'un différend entre l'Écosse et la Norvège[147], et les ambassadeurs des parties étaient venus à Bourges, au mois d'août, régler définitivement, de concert avec le Roi, les points en litige. La mort de Jacques II, tué au siège de Roxburgh (4 août 1460), vint rompre brusquement les négociations ; mais Charles VII avait posé les bases du traité, et les conditions fixées par lui semblent avoir été acceptées par les deux États, bien que le traité n'ait pu recevoir sa forme légale[148]. En juillet 1459, un échange d'ambassade avait eu lieu entre la France et l'Écosse[149] ; il s'agissait d'une réclamation au sujet du traité de novembre 1428, stipulant la cession éventuelle de la Saintonge et de Rochefort à l'Écosse[150]. Cette singulière réclamation avait été écartée[151].

La dernière ambassade reçue par Charles VII fut celle des princes d'Orient, qu'un religieux franciscain, Louis de Bologne, avait amenée en Europe pour organiser, avec le concours de ces princes, une campagne contre les Turcs. Elle se composait d'un ambassadeur de l'empereur de Trébizonde, d'un ambassadeur du roi de Perse, d'autres ambassadeurs du prince de Géorgie, du roi d'Arménie et du Prêtre Jean, roi d'Abyssinie, et arriva à Bourges au mois de mai. Charles VII était sollicité d'envoyer des gens de guerre avec son étendard : l'enseigne du roi de France, qu'ils appelaient le Roi des Rois, et un capitaine en son nom vaudraient plus de cent mille hommes. Une brillante réception fut faite à ces ambassadeurs, qui se rendirent ensuite à la cour de Bourgogne[152].

La reine Marguerite avait envoyé au Roi le duc de Somerset pour conclure avec lui un traité et contracter un emprunt[153]. A peine débarqué, ce prince fit partir une ambassade pour Bourges. Quand elle arriva, Charles VII était sur son lit de mort[154].

 

 

 



[1] Chastellain, t. IV, p. 417. — Au témoignage du chroniqueur, Louis XI canot, à cause de cela, une haine mortelle rentre le comte de Saint-Pol : J'ai lettres de luy et vive vois, disait-il plus tard au duc de Bourgogne, qui preuvent sa conspiration contre moy et ma personne, et dont justice me vengera, à l'aide de bien, non pas ma main ne mon courroux. Id., ibid., p. 418. — Il est assez curieux de rapprocher le passage de Chastellain d'une dépêche de Prosper de Camulio, en date du 28 juillet 1461.

[2] Ce fait nous est révélé par les dépêches de Prosper de Camulio, ambassadeur du duc de Milan auprès du Dauphin. Nous avons trouvé aux archives d'état de Milan ces curieuses dépêches, en grande partie chiffrées, dont nous devons la transcription, et pour quelques-unes, non encore traduites, l'interprétation, à M. Adriano Cappelli, habile et obligeant archiviste attaché à ce précieux dépôt. Elles sont au nombre de quarante-cinq, et vont du 5 février au 28 juillet 1461.

[3] Ces détails sont tirés d'une relation faite après la mort de Charles VII, et sur l'ordre de Louis XI, par un conseiller du feu Roi, qui parait être Étienne Le Fèvre. Elle se trouve dans le Ms. fr. 2895, f. 139, et a été publiée assez incorrectement par Duclos, dans son Recueil de pièces, p. 230-231.

[4] Lettres de Louis XI, t. I, p. 133.

[5] Auquel j'ay chargé vous dire aucunes choses, se s'est nostre plaisir. Idem, ibid., p. 333. — Le bruit se répandit aussitôt en Flandre que le Dauphin allait se rapprocher de son père ; des marchands gênois qui étaient à Bruges écrivaient à Gênes como lo accordio tra Re di Francia e lo signore Dalfino si stringe forte, et die di là non si dubita che l'actordio se facia. Lettre adressée à Sforza, en date du 1er janvier 1561. Archives de Milan, Francia, etc.

[6] Étienne Le Fèvre, Jean de la Réant, et Jean du Mesnil-Simon. Réponse du Roi, citée plus bas.

[7] Ms. fr. 20692, f. 221 ; Du Puy, 751, f. 1 v° ; Le Grand, VIII, f. 242 ; Fontanieu, 123-124 éd. Duclos, l. c., p. 219. — Cette réponse fut communiquée par Charles VII aux princes du sang et en particulier au duc de Bourbon : lettre du 3 février (sources manuscrites ci-dessus).

[8] Che he il più fido chel habia, equale a Gaston, dit Camulio dans sa dépêche du 5 février 1460. Chastellain dit (t. III, p. 514), en parlant de Wast : Son premier vallet de chambre de viel temps, qui estoit son tout et son seul secré, et signait mesmes toutes lettres en son nom.

[9] C'est du moins ce que suppose Camulio dans sa dépêche du 5 février.

[10] Dépêche du 17-28 février.

[11] Une dépêche chiffrée de Camulio, en date du 23 février, est remplie tout entière des réclamations du Dauphin en faveur de Jacques de Valpergue.

[12] Dépêche de février, en chiffres.

[13] Dépêche de février, en chiffres.

[14] Dépêche de février, en chiffres.

[15] Dépêche du 11 mars.

[16] Dépêche du 5 février.

[17] Dépêche du 11 mars.

[18] Dépêche du 11 mars.

[19] Ceci est en contradiction formelle avec tout ce qu'on sait des intentions de Charles VII.

[20] Dépêche du 11 mars, passage en grande partie chiffré.

[21] C'est sans doute ainsi qu'il faut entendre ce qui suit : El multe altre cose circa cio opportune, cum multi designi facti in questo proposito al modo de Franza. Dépêche du 11 mars.

[22] Dépêche du 11 mars.

[23] C'est ce qui parait résulter de la dépêche de Camulio en date du 11 mars.

[24] Dépêche du 17 février.

[25] Les détails circonstanciés donnés plus haut se trouvent dans une dépêche postérieure, en date du 11 mars.

[26] Dépêche du 11 février.

[27] Dépêche chiffrée des 3-4 mars.

[28] Dépêche du 23 février-4 mars.

[29] Dépêche du 11 mars.

[30] Dépêche chiffrée du 4 mars.

[31] Dépêche du 13 mars.

[32] Les dépêches de Camulio sont muettes à cet égard.

[33] Ms. fr. 15537, f. 87.

[34] Ms. fr. 15537, f. 18.

[35] On a effacé cette phrase, soulignée dans la minute : Et fault dire que c'est ma droicte deablerie.

[36] Cette réponse a été donnée par Duclos (p. 113-117), qui la place par erreur en 1456. Nous l'avons publiée textuellement, en 1875, dans le Caractère de Charles VII (Revue des questions historiques, t. XVII, p. 427-429), d'après la minute originale conservée dans le Ms. 15537 de la Bibliothèque nationale (f. 55), malheureusement aujourd'hui disparu.

[37] Camulio écrivait le 3 mars au duc de Milan : El he novolle qui come el Re de Franza he stato sei di malato gravemente.

[38] Voir la lettre de Johanne de Aymis et de Abraham Ardizzi, adressée d'Alexandrie à Sforza le 12 janvier 1451. Archives de Milan, Francia dal... al 1470.

[39] Voir Du Clercq, l. IV, ch. XVIII.

[40] Dépêche de Camulio du 5 février. — Dépêche du 3 mars.

[41] Dépêche de Camulio du 11 mars.

[42] Mémoire cité, dans Duclos, p. 234-236.

[43] Archives du Nord, B 2040, f. 169.

[44] 13 janvier 1461. Archives du Nord, B 2040, f. 169.

[45] Sauf-conduit de Henri VI, on date du 26 janvier, à Thibaut de Neufchastel, Jean de Lannoy et autres. Rymer, t. V, part. II, p. 102. Cf. Archives du Nord, B 2040, f. 155 et 175.

[46] Cette ambassade, à la tête de laquelle était Louis de la Gruthuse, était partie dès le 11 décembre 1460. Archives du Nord, B 2040, f. 154 v°-155, et 175.

[47] Dès le 15 septembre 1460, Henri VI délivrait un sauf-conduit au seigneur de la Barde, pour retourner sur le continent (48th Report of the deputy, etc., p. 444). Le 23 janvier 1461, il donnait un nouveau sauf-conduit à ce personnage. (Carte, Rolles gascons, t. II, p. 349 ; 48th Report, p. 447.)

[48] Lettre de François Coppini, légat du Pape, au moine Lorenzo, en date du 9 janvier. Brown, Calendar of state Papers, Venice, etc., t. I, p. 92-94.

[49] Lettre de Coppini au moine Lorenzo, l. c. Autre lettre du même, en date du 9 janvier ; Id., p. 94. Lettre d'Antonio della Torre, id., p. 95. — Ce Coppini, qui joua un rôle actif en Angleterre et eut une large part dans les événements, — où il se montra l'agent de Sforza bien plus que le représentant du Pape — fut plus tard rappelé par Pie II : poursuivi pour ses concussions et pour l'abus qu'il avait fait de sa qualité de légat, il fit une confession entière de ses torts ; privé de l'épiscopat, il mourut obscurément, quelque temps après, dans un couvent de Bénédictins.

[50] 11 janvier. Archives de Milan, Dominio Sforzesco, janvier 1461 ; cf. Calendar, l. c., p.96.

[51] Calendar, l. c., p. 97.

[52] Lettre d'Antonio della Torre à Sforza. Londres, 9 janvier. Calendar, l. c., p. 95-96.

[53] Original, portant la signature des lords, Ms. fr. 20488, f. 23 ; éd. par M. Quicherat, Œuvres de Thomas Basin, t. IV, p. 357.

[54] Ms. latin 11892, f. 187.

[55] Rymer, t. V, part. II, p. 103.

[56] Voir à ce sujet dans la dépêche de Camulio, en date du 13 mars.

[57] Coppini écrivait le 23 avril suivant, de Malines à Georges Nevill, évêque d'Exeter, lord chancelier. Lettre traduite du latin dans le Calendar de Brown, t. I, p. 107.

[58] Il écrivait le 20 février, en débarquant, qu'il était arrivé, après bien des périls, et qu'il avait failli être pris en mer par les Français. Brown's Calendar, p. 98.

[59] Voir An English Chronicle, ed. by Rev. Davin, p. 109 ; Brown 's Calendar, t. I, p. 104 et 109 ; Chronique abrégée, dans Godefroy, p. 356 ; Wavrin, t. II, p. 305.

[60] Le 9 février, le duc communique au Dauphin les nouvelles !l'Angleterre ; le 16, les nouvelles d'Écosse. Archives du Nord, B 2010, f. 171 et 172.

[61] Départ de Croy. Lalain et Goux : 14 mars. Archives du Nord, B 2040, f. 151 ; cf. f. 156 v°-57 et 174. Dès le 26 février il était question de cette ambassade dans une lettre à Sforza, écrite ex Vischiis. Archives de Milan, Bergogna, etc.

[62] Archives de Milan, Francia dal... al 1470.

[63] Lettre du comte de Foix à Louis XI, 6 août 1461. Duclos, p. 244-245.

[64] An account of the Island of Jersey, by the Rev. Phil. Falle, to which is added notes and illustrations, by the Rev. Edm. Durell (Jersey, 1831, in-8°), p. 55-56 et 293-294 ; A constitutional history of Jersey, by Charles Le Quesne (London, 1856, in-8°) p. 122-123 ; Série chronologique des gardiens et seigneurs des Îles normandes, par Julien Havet, dans la Bibliothèque de l'École des chartes, t. XXXVII, p. 220. — Je dois la communication de l'ouvrage du R. Durell à l'obligeance de M. J. Havet.

[65] Turner, History of England during the middle ages, éd., t. III, p. 249. — Le professeur Cyril Ransome a donné en juillet 1889, dans l'English Historical Review (t. IV, p. 460-466), une étude stratégique sur la bataille de Towton, accompagnée d'un plan.

[66] Instructions de Sforza à Camulio en date du 24 décembre 1460. Lettres de Louis XI, t. I, p. 339.

[67] Réponse à Baude Meurin, 24 décembre 1460. Archives de Milan. Éd. par M. Charavay, Lettres de Louis XI, t. I, p. 341-344.

[68] Instructions du 24 décembre 1460. Archives de Milan. Éd. Lettres de Louis XI, t. I, p. 337-341.

[69] Voir Négociations de la France avec la Toscane, par Ernest Desjardins, t. I, p. 105, 108 ; Lettres de Louis XI, t. I, p. 344-347.

[70] Dépêche de Prosper de Camulio du 27 février. — Baude Meurin séjourna en Italie jusqu'au mois de juillet. Voir lettre de Sforza au Dauphin en date da 13 juillet. Lettres de Louis XI, t. I, p. 353.

[71] Archives de Venise, Senato, Deliberazioni secrete, XXI, f. 21. — Communication de M. P.-M. Perret.

[72] Lettre écrite d'Alexandrie à Sforza le 12 janvier 1461. Archives de Milan, Francia dal... al 1470.

[73] Lettre écrite d'Annono à Sforza, 8 janvier. Archives de Milan, Francia dal... al 1470.

[74] Lettre écrite d'Alexandrie à Sforza, le 12 janvier ; lettre écrite de Plaisance le 11 ; lettre écrite d'Alexandrie le 16.

[75] Dépêche de Camulio, en date du 6 février.

[76] Dépêche de Camulio des 13-15 mars.

[77] Dépêche de Camulio des 13-15 mars.

[78] Ces renseignements étaient donnés par le Dauphin à Camulio ; celui-ci les consignait dans une dépêche des 23-26 mars.

[79] Dépêche du 11 mars.

[80] Lettre à Sforza en date du 22 janvier. — Autre lettre du même jour, annonçant que les troupes de Beauvau à Gênes ont eu l'ordre exprès de passare lo monte et de andare dal Re a le magiore giornate che sia possibile. Archives de Milan, Francia dal... al 1470.

[81] Lettre de Bosio Sforza au duc de Milan (19 janvier). Archives de Milan, Dominio Sforzesco, janvier 1461.

[82] Dépêche de Camulio du 11 mars.

[83] Rapport à Sforza, en date du 2.9 janvier 1161. Archives de Milan, Dominio Sforzesco, janvier 1451.

[84] Voir Sismondi, Histoire des républiques italiennes, t. X, p. 127 et suivantes. Dans une lettre du 19 mars, Bartolomeo et Marco Doria donnaient à Charles VII tous les détails sur cette révolution : Original, Le Grand, vol. IV, f. 43 ; publié par M. Quicherat dans son édition de Thomas Basin, t. IV, p. 361 ; cf. Cronica di Bologna, dans Muratori, t. XVI, col. 736 et suivantes, et Cagnola dans Archivio storico Remo, t. III, p. 153-155. — Dès le 12 mars, Adorno annonçait son avènement à Ferdinand d'Aragon, au Pape, à Cosme de Médicis, etc. (Archives de Gênes, Litterarum, 21). Le 13, une lettre collective de l'archevêque Fregoso et d'Adorno était adressée au duc de Milan (même source).

[85] Che pur é de grande mente, écrivait Camulio dans une dépêche du 15 avril.

[86] Dépêche de Camulio du 4 avril.

[87] 25 avril. Envoi de lettres closes à Philippe, bâtard de Brabant, à Claude de Toulongeon et autres, au sujet des nouvelles qui lui sont survenues que grant nombre de gens de guerre de l'armée du Roy veullent descendre en ses pais soubz umbre de vouloir lever le siège mis par tenir de Calais devant la forteresse de Hames. — 26 avril. Envoi d'un chevaucheur pour aller de Cassel, jour et nuit en la ville de Boullongne et ès marches d'illec environ, pour savoir et enquerir de la venue et descente desdiz gens de guerre, pour en rapporter response et certaines nouvelles à mon dit seigneur en sa ville de Saint-Omer. Archives du Nord, B 2010, f. 178 v° 179.

[88] Dépêche de Camulio du 4 avril.

[89] Voir Thomas Basin, t. I, p. 301, et t. II, p. 232. C'était Jacques d'Estuer, seigneur de la Barde, qui se trouvait à Towton.

[90] Dépêche de Camulio du 9 avril.

[91] Dépêche de Camulio du 15 avril.

[92] Un envoyé de Sforza lui écrivait de Saint-Omer, le 8 mai, en post-scriptum : Dapoy parlato con alcuni astrologhi et maxime con une Valente che he religioso et prelato, et dite, et cessi ha dicto già in scripte gran tempo al duce de Bergogna, che el Re de Franza in questa state porta grandissimo periculo de morte, et se ne campa sarà più tosto miraculo che corso de natura, et circa agusto se vederà l'effecto. — Coppini, dans une dépêche au Pape en date du 1er juin, dit la même chose. Archives de Milan, Francia, etc.

[93] Le duc était dans les mêmes dispositions : Au mois d'avril, il fit au Dauphin un don supplémentaire de 1.200 l., en consideracion des grans charges et affaires qu'il a à supporter et conduire, tant à cause de la despense ordinaire de son hostel et de Madame la Daulphine, comme autrement. (Archives du Nord, B 2040, f. 236.) Peu après le Dauphin contracta un prêt de dix-huit mille florins du Rhin, que lui fit Sforza. En donnant quittance, le 2 juin, Louis s'engageait à le rembourser dedans six mois après que nostre appoinctement sera fait avec Monseigneur — le Roi —, ou que nous parviendrons à la couronne de France, lequel que plus tost adviendra. (Lettres de Louis XI, t. I, p. 140, note.)

[94] C'est ce que constatait Coppini en écrivant au Pape. Dépêche citée. — Coppini s'était mis en relations avec le Dauphin, duquel il obtint la promesse de l'abolition de la Pragmatique Sanction.

[95] Dépêche de Camulio du 15 avril. — Dépêche du 28 avril.

[96] Archives du Nord, B 2040, f. 156 et 178.

[97] Voir Du Clercq, l. IV, ch. XXV.

[98] Dépêche du commencement de mai. — Pourtant, en faisant l'appel des chevaliers, on n'avait pas donné au duc d'Orléans le titre de duc de Milan. Dépêche du 9 mai.

[99] Dépêche du 9 mai.

[100] Dépêche des 23-26 mars.

[101] Dépêche des 23-26 mars.

[102] 8 mai : lettres closes portées aux ambassadeurs étant à Bourges ; 23 mai : autres lettres à Rochebaron, Goux et Changy. Archives du Nord, B 2040, f. 181-182 v°.

[103] A Cressy, poursuivant d'armes de mondit seigneur, pour estre allé hastivement (9-12 mai), par l'ordonnance de Mgr de Dreuil, de la ville d'Abbeville en la comté d'Eu, et ailleurs en Normandie, pour enquerir et savoir des gens de guerre de France pour en rapporter nouvelles ; lequel Mgr de Drueil l'envoya devers mondit seigneur en sa ville de Saint-Omer, atout lettres closes touchant lesdiz gens de guerre de France. Archives du Nord, B 2040, f. 181 et 181 v°.

[104] Archives du Nord, B 2040, f. 156 et 156 v°.

[105] Archives du Nord, B 2040, f. 201.

[106] Sur les dispositions prises à ce sujet, voir ms. fr. 26087, n° 7503 et 7612 ; Pièces originales, 22 : ALBIGES ; 474 : BOURSIER (le), n° 54.

[107] Dépêche de Camulio du 2 juin.

[108] Dépêche du 18 juin.

[109] Coppini parle de ces négociations dans sa dépêche du 1er juin, et Camulio également dans ses dépêches du 11 et du 18 juin.

[110] Gruthuse, héraut du seigneur de la Gruthuse, part le 12 mai de Saint-Omer, porteur de lettres closes pour la reine d'Écosse. Archives du Nord, B 2040, f. 181 v°. — Dépêche de Coppini du 1er juin.

[111] Dépêche de Camulio du 2 juin.

[112] Voir Du Clercq, t. IV, ch. XXIV ; Wavrin, t. II, p. 301-304.

[113] Dépêche de Camulio du 2 juin.

[114] Le passage en question se trouve dans une dépêche du 28 juillet 1461, écrite par conséquent au lendemain de la mort de Charles VII.

[115] Dépêche de Camulio du 2 juin. — Dans une dépêche en date du 18 juin, Camulio suppute longuement les chances d'une guerre entre le Roi et le duc. Tout en se prononçant pour la négative, il constate que jamais la situation n'a été plus tendue. Camulio dit que, en prévision d'un triomphe de la reine Marguerite, le duc avait rassemblé d'admirables moyens de défense.

[116] Lettres de Gérard Bureau, lieutenant général du bailli de Caen, en date du 11 juin. Pièces originales, 1984 : MOLLIÈRE.

[117] Le 14 juin, un chevaucheur portait de Hesdin, hastivement et à toute dilligence jour et nuit, des lettres closes du duc au seigneur de Croy, étant à Boves, près Corbie, ou ailleurs, par lesquelles il lui mandait de venir incontinent, pour aucunes nouvelles lui survenues. Archives du Nord, B 2040, f. 184 v°.

[118] Le 17 juin, lettres envoyées de Hesdin au comte d'Étampes, étant à Péronne ou ailleurs, par lesquelles mon dit seigneur lui escript aucunes choses secrètes. Archives du Nord, B 2040, f. 184 v°.

[119] Message du 22 juin, par lequel il lui fait savoir du partement de Mgr de Charolais et aucunes choses secrètes. Archives du Nord, B 2040, f. 184 v°.

[120] Archives du Nord, l. c., f. 185 v°.

[121] Archives du Nord, l. c., f. 187.

[122] Archives du Nord, l. c., f. 187 v°.

[123] Archives du Nord, l. c., f. 188.

[124] Lettre en minute, sans date, dans le ms. fr. 20487, f. 72 ; éd. Lettres de Louis XI, t. I, p. 143.

[125] Au mois de mars, un citoyen d'Alexandrie rapportait à Sforza les propos tenus par un secrétaire de Jean de Chleuhes, que le Roi venait d'envoyer à Gênes. Lettre du 21 mars 1461. Archives de Milan, Francia dal... al 1470.

[126] Lettre du 19 avril 1461. Original aux Archives de Milan. Voir Pièces justificatives.

[127] Voir Sismondi, t. X, p. 135-135. — Dans une lettre au Dauphin, en date du 20 juillet, Sforza, triomphant, raconte en détail l'événement. Lettres de Louis XI, t. I, p. 304-356.

[128] Le 10 avril 1461, un serviteur du prince de Navarre arrivait à Bruges, porteur de lettres de son maitre (Archives du Nord, B 5040, f. 239). On voit par une lettre du Dauphin aux États de Catalogne que ce prince était en relations avec Don Carlos, auquel il avait envoyé un de ses écuyers d'écurie, Remy de Merimont (Lettres de Louis XI, t. I, p. 142).

[129] Voir un projet de traité que Merimont apporta au Dauphin. Ms. fr. 20494, f. 38 ; cf. lettre du Dauphin dans le ms. fr. 20486, f. 76.

[130] Voir Don Carlos d'Aragon, prince de Viane, par C. Desdevises du Dezert, p. 295 et suivantes.

[131] A Jehan de la Sale, escuier, la somme de cinquante livres tournois à lui ordonnée par le Roy nostre sire pour ung voiage qu'il a fait en Aragon pour ledit seigneur. Rôle du 13 mars 1461. Ms. fr. 26086, n° 7428,

[132] Don Carlos d'Aragon, p. 342.

[133] Don Carlos d'Aragon, p. 343 et suivantes.

[134] Don Carlos d'Aragon, p. 353.

[135] Don Carlos d'Aragon, p. 359 et suivantes.

[136] Rapport adressé par le comte de Foix à Louis XI, en date du 6 août 1461. Duclos, Recueil de pièces, p. 249.

[137] Voir Palacky, Geschichte von Böhmens, t. IV, part. II, p. 86.

[138] Van Werveke, Definitive Erwerlung, etc., p. 27 et 46.

[139] Van Werveke, l. c.. p. 27-28, d'après documents des Archives de Weimar.

[140] Lettre traduite en allemand, aux Archives de Dresde, Witlenberger Archiv, Luxmb. Sachen, I, p. 272b.

[141] Van Werveke, l. c., p. 29-30.

[142] Cette lettre est aux Archives de Dresde, l. c., p. 285.

[143] Archives de Vienne, ms. n° 411, f. 461. Communication de M. Armand d'Herbomez.

[144] Lettre du 30 août 1460. Chmel, Materialen, t. II, part. I, p. 233.

[145] Cette lettre, mentionnée dans la réponse des confédérés (Amitiche Sammlung der Eidgeaossichen Abschiede, t. II, p. 301) est datée de Bourges le 15 novembre, et M. de Mandrot (p. 40) lui a donné la date de 1459 ; mais le 15 novembre 1459 le Roi était à Chinon, et il était à Bourges le 15 novembre 1460.

[146] Mandrot, Étude sur les relations de Charles VII avec les Cantons suisses, p. 46-51.

[147] Voir lettre de Christiern Ier à Charles VII, en date du 10 avril 1459, dans Spicilegium, t. III, p. 803. — Dans l'été de 1459, un ambassadeur du roi de Danemark était à Chinon (Cabinet des titres, 685, f. 909 v°). Le 2 juillet, Charles VII envoyait un poursuivant porter des lettres à Christiern (Id., f. 912 v°).

[148] Voir Tytler, History or Scotland, t. IV, p. 189-191.

[149] Archives, KK 51, f 116 v° ; Cabinet des titres, 685, f. 201 et 207 ; Ms. fr. 26428, n° 179 ; Pièces originales, 1926 : MESNYPENY, n° 8 ; Burnett, Exchequer Rolls, t. VI, p. LIX-LX et 572 ; Pinkerton's History of Scottand, t. I, p. 242.

[150] Voir t. II, chapitre VIII.

[151] Voir Tytler, History or Scotland, t. IV, p. 158.

[152] Voir Du Clercq, t. IV, ch. XXVII. Sur cette ambassade, voir Raynaldi, ann. 1460, §§ 101-102, et ann. 1461, §§ 35 et 36 ; Pastor, Histoire des Papes, t. III, p. 234 et suivantes, et W. Heyd, Histoire du commerce du Levant au moyen âge, traduite par Furcy Raynaud, t. II, p. 365-34.

[153] Voir une lettre de Marguerite au duc de Somerset, écrite à Edimbourg le 20 juillet. Original, ms. fr. 20855, f. 64. — Indication des pouvoirs donnés par Marguerite dans un inventaire (ms. fr. 20450, f. 65) qui a été publié par M. de Reilhac, Jean de Reilhac, t. I, p. 104-107 ; Rapport adressé à Louis XI, id., p. 103.

[154] Rapport du comte de Foix, dans Duclos, p. 247 ; Chastellain, t. IV, p. 65 ; Wavrin, t. II, p. 314 note.