1460. Succès de la politique royale en Allemagne, en Angleterre et en Italie ; le duc de Bourgogne, menacé de toutes parts, compte sur la mort prochaine de Charles VII. — Lettre de Philippe au Roi ; lettres du Dauphin à son père ; envoi de Toison d'Or ; réponse du Roi à cet ambassadeur. — Ambassade des Liégeois ; Charles VII les prend sous sa protection. — Relations de Charles VII avec la reine Marguerite par l'intermédiaire de Brezé ; celui-ci rend compte au Roi des négociations avec la reine ; mesures prises en faveur de celle-ci. — Brusque revirement des affaires en Angleterre : défaite de la reine à Northampton. — Le duc de Bourgogne est toujours menacé du côté du Luxembourg ; Charles VII envole une ambassade aux princes allemands ; instructions qu'il donne à ses ambassadeurs ; exposé de leur mission. — Nouvelle ambassade de Toison d'Or ; délibération sur la conduite à tenir à l'égard du duc ; préparatifs militaires. — La bataille de Northampton vient sus pendra l'exécution de ces desseins ; ambassade de la reine Marguerite à Charles VII ; réponse du Roi. — Intrigues de Sforza en Italie ; efforts de Roi pour obtenir le concours de la République de Florence démarches auprès de Sforza et auprès des autres États italiens. — Sforza essaie de se justifier et envoie un ambassadeur au Roi ; réponse de Charles VII. — Succès de la campagne du duc de Calabre dans le royaume de Naples. — Concours financier donné par Charles VII au roi René ; ambassade du duc de Bretagne en Italie pour soutenir les droits du duc d'Orléans sur le duché de Milan. — Nouvelles plaintes adressées par Charles VII à Sforza ; relations de Sforza avec le duc de Bourgogne et avec le Dauphin ; traité passé entre Sforza et le Dauphin. — Le duc de Bourgogne envoie une nouvelle ambassade au Roi ; elle est contremandée ; voyage secret du bâtard de Bourgogne à Paris ; délibération du conseil du Roi à ce sujet ; arrestation du prévôt de Paris. — Triomphe inattendu de la reine Marguerite. L'année 1460 semblait devoir être décisive. L'issue de la vieille querelle entre Charles VII et Philippe le Bon allait dépendre des événements qui s'accompliraient, au dehors. Les chances paraissaient favorables au succès de la politique royale. En Allemagne, le Roi avait l'appui du duc Guillaume de Saxe, et son ascendant sur les princes allemands ses alliés augmentait chaque jour. En Angleterre, la reine Marguerite, secrètement soutenue par la France, avait réussi à triompher des menées hostiles du duc d'York : le duc et ses partisans étaient en fuite, et le Parlement les avait mis hors la loi comme rebelles. En Italie, malgré la vive opposition de Sforza, la domination française s'affermissait à Gênes, et le duc de Calabre marchait résolument à la conquête du royaume de Naples. Mais si l'horizon devenait de plus en plus menaçant pour le duc de Bourgogne, celui-ci avait un allié sur lequel il comptait : la mort. Les adversaires de Charles. VII n'ignoraient point que sa vie était sérieusement menacée. Les avertissements à cet égard leur venaient de tous cotés. Au milieu de l'année 1460, un ambassadeur accrédité par le duc de Milan auprès du Pape écrivait à son maître, au sortir d'une audience : En ce qui concerne le projet d'entretenir de bons rapports avec le duc de Bourgogne et avec le Dauphin, et pareillement avec le roi d'Angleterre, sans faire aucune démonstration, de crainte d'irriter les Français, Sa Sainteté l'approuve, et m'a dit en parlant avec moi de cette matière : Otto, je suis informé que le roi de France est très gravement malade, et en péril de mort[1]. La nouvelle était connue à la cour de Bourgogne aussi bien qu'à la cour de Milan : on savait que Charles VII était vieux avant l'âge, accablé d'infirmités, et que ses jours étaient comptés[2]. Après le départ de l'évêque de Coutances, Philippe le Bon avait écrit au Roi dans les termes les plus humbles, le priant de prendre en gré la réponse qu'il avait faite à ses ambassadeurs. En vérité, disait-il, je ne désire rien tant que de faire chose qui vous soit plaisante et agréable, et j'ai la ferme espérance que, étant bien informé, vous serez content de moi. Quant aux doléances qui, sur plusieurs cas particuliers, lui avaient été présentées, il y avait fait répondre pertinemment, et il se proposait d'envoyer prochainement au Roi des ambassadeurs, ainsi qu'il l'avait annoncé. Mon très redouté seigneur, disait-il en terminant, qu'il vous plaise me mander et commander tons vos bons plaisirs, pour les accomplir, comme raison est, à mon pouvoir et à l'aide de Dieu le Tout-Puissant ![3] Quelques semaines auparavant, le Dauphin avait envoyé une lettre à son père : faisant droit au reproche que le Roi lui avait adressé lors de la naissance de Joachim, il s'empressait de faire part d'une nouvelle grossesse de la Dauphine. Charles VII l'avait remercié de cette communication. A la date du 13 décembre, le Dauphin reprit la plume. Il avait reçu les lettres qu'il avait plu au Roi de lui écrire ; il l'en remerciait très humblement ; il annonçait que la Dauphine avait déjà plusieurs fois senti remuer son enfant. De quoi, disait-il, je sais que serez bien joyeux. Et il finissait par la formule habituelle : Mon très redouté seigneur, vous plaise m'avoir et tenir toujours en votre bonne grâce et me mander et commander vos bons plaisirs, pour les faire et accomplir à mon pouvoir, priant le benoit fils de Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde et vous donne très bonne vie et longue[4]. Le 29 janvier 1460, le Dauphin écrivit de nouveau à son
père : J'ai reçu, disait-il, les lettres que, de votre grâce, il vous a plu de
m'écrire, et ouï la créance que l'évêque de Cou tances et vos autres
ambassadeurs m'ont dite de par vous, dont et de la bonne souvenance qu'il
vous plaît avoir de moi, vous mercie tant et si très humblement comme je puis.
Louis chargeait les ambassadeurs de rapporter au Roi aucunes
choses qu'il leur avait dites ; il priait le Roi de les croire et de
l'avoir toujours en sa bonne grâce, qui est,
ajoutait-il, la chose en ce monde que plus je désire[5]. Peu de jours après, Toison d'Or partit pour la France[6]. Le 4 mars, au château de Chinon, il remettait à Charles VII les lettres du duc et du Dauphin. Le Roi était au courant de toutes les intrigues qui s'agitaient à la cour de Bourgogne. A ce moment, Brezé, en lui donnant des nouvelles d'Angleterre, lui écrivait : C'est merveille des mystères qui se jouent en Flandre[7]. L'ambassadeur du duc fut reçu très froidement. On lui fit attendre sa réponse jusqu'au 27 mars ; elle était conçue en ces termes : Toison d'Or, le Roi a reçu les lettres que vous lui avez apportées de par monseigneur de Bourgogne, et ouï ce que vous lui avez voulu dire, et aussi vous a fait ouïr en son Conseil. Et, en ce qui touche la journée que monseigneur de Bourgogne requiert être tenue à Paris, le quinzième jour de juin prochain, pour le fait du duché de Luxembourg, le Roi y aura avis et délibération avec les gens de son Conseil, et sur ce fera savoir à monseigneur de Bourgogne son vouloir. Mais, au regard des matières qui touchent ses droits, les faits de son royaume et sa souveraine justice, il n'a point intention d'en journoyer[8]. Sur ces entrefaites arriva à la cour de France, en grande pompe, une ambassade des Liégeois[9]. Depuis longtemps Liège était en démêlés avec le duc de Bourgogne, qu'elle regardait comme son plus mortel ennemi[10]. En 1456, Philippe, ayant forcé Jean de Heinsberg à résigner son évêché, avait imposé aux Liégeois pour évêque son propre neveu, Louis de Bourbon, alors âgé de dix-huit ans. Le jeune prince n'avait pas tardé à entrer en conflit avec les bourgmestres, qui s'emparèrent du pouvoir. Des tentatives de réconciliation furent faites, mais sans succès. Enfin, en janvier 1460, Louis de Bourbon revint à Liège, et, d'un commun accord, il fut décidé qu'on s'en remettrait à l'arbitrage de Charles VII[11]. Le Roi n'avait cessé de traiter les Liégeois avec faveur. Dès le mois d'août 1458, il avait reçu d'eux des ouvertures[12], et il avait comblé de présents leur envoyé, qu'il avait armé chevalier[13]. La nouvelle ambassade ne fut pas moins bien accueillie : le Roi la fit festoyer par son fils, et la traita libéralement[14]. Les Liégeois ne venaient pas seulement solliciter l'arbitrage de Charles VII dans leur querelle avec Louis de Bourbon : ils avaient mission de lui demander de les prendre sous sa sauvegarde et de leur concéder certains privilèges ; on disait même qu'ils devaient proposer leur alliance contre le duc de Bourgogne, avec promesse de livrer le Dauphin à gon père. Quoi qu'il en soit du bruit répandu alors, et qui causa une certaine émotion à la cour de Bourgogne[15], les Liégeois obtinrent ce qu'ils demandaient : par lettres données aux Roches-Tranchelion le 17 avril, Charles VII, ayant en mémoire le bon et grand vouloir que de tout temps le peuple de Liège avait pour lui et pour sa couronne, et voulant le protéger contre tous ceux qui pourraient le troubler dans la jouissance de ses droits, le prenait en sa garde et protection, et désignait comme gardiens les baillis de Vermandois et de Vitry[16]. C'était un nouveau coup droit porté au duc de Bourgogne.
L'alliance de Charles VII avec Henri VI et Marguerite d'Anjou en aurait été
un autre, plus décisif encore, si elle avait pu s'effectuer. Thomas Basin dit
en termes formels que lé Roi poursuivait ce dessein, et qu'il cherchait à
détacher l'Angleterre de l'amitié de Philippe le Bon pour l'attirer à la
sienne[17]. Autant tes
sentiments personnels de Henri VI le portaient vers Charles VII, autant il
avait peu de sympathie pour le duc de Bourgogne[18]. Quant à la
reine Marguerite, devenue maîtresse du pouvoir et n'épargnant aucun effort
pour s'y maintenir[19], elle sentait
combien l'appui de Charles VII pouvait lui être utile. Mais, en même temps,
elle devait craindre de froisser le sentiment national, toujours très hostile
à la France. Pour favoriser le rapprochement qu'il n'éditait, Charles VII
ouvrit tes ports et les villes de la Normandie à tous les Anglais munis d'une
autorisation royale[20]. Marguerite
était en relations continuelles avec Brezé. La reine
votre nièce, écrivait celui-ci au Roi à la date du 24 février 1460, m'a fait savoir par Doucereau que j'allasse incontinent
devers vous pour vous parler de ceux qui doivent venir et lui faire savoir de
vos nouvelles au certain. Ce qu'elle demande, c'est que vous ayez bon vouloir
envers le roi votre neveu et elle. Elle m'a mandé aussi que je mette toute la
peine que je pourrai à gagner le navire du comte de Warwick, et que, en
toutes façons que je pourrai le grever et faire dommage, je le face ; car,
ainsi qu'il lui semble, cela servira beaucoup à son fait et à la matière pour
quoi elle entend envoyer les gens de par deça. Et, pour ce, j'ai commencé à
faire habiller le navire, et me semble que, si c'est votre plaisir, ledit
Warwick s'en sentira. Je vouloir vous dire aussi les choses secrètes qu'elle
m'a mandées, par quoi vous eussiez connu le bon vouloir qu'elle a eu et a
envers vous, qui n'est pas peu de chose. Brezé ajoutait qu'il n'était
ni possible ni raisonnable de communiquer directement avec la reine, sans
l'intermédiaire de Doucereau, car, disait-il, si les
lettres étoient prises, il ne faudroit autre procès pour la faire mourir : si
ceux qui sont à elle et de son côté savoient son intention et ce qu'elle a
fait, ils se joindroient avec les autres pour la faire mourir... Je vous supplie donc, Sire, que d'autres que maitre
Étienne Chevalier ne voient cette lettre, ni aussi ce que Doucereau vous
montrera, pour les dangers qui en pourroient survenir à votre nièce, dont
trop seriez déplaisant, et si vous en seroit grand dommage. Dans un Post-scriptum,
Brezé se recommandait en ces termes à son maître : Sire,
ne soyez envieux du bien que votre neveu et votre nièce vous font dire de
moi, car vous savez que je suis un gentil chevalier[21]. Le duc de Somerset, après sa tentative infructueuse sur Calais, était resté à Guines, et se tenait prêt à aller trouver Charles VII, qui lui avait envoyé un sauf-conduit[22]. La reine n'avait point perdu tout espoir de se rendre maitresse de Calais, car, le 5 juin, des pouvoirs étaient donnés au duc de Somerset pour recevoir la soumission des rebelles qui rentreraient dans l'obéissance[23], et Brezé s'occupait activement de réunir la flotte qui devait agir contre Warwick. Le 8 juin, il envoyait au Roi une lettre qu'il avait reçue de l'évêque de Salisbury[24], et députait vers lui le messager — lequel parait avoir été Simon Gallet[25] — porteur de cette lettre. Il vous plaira le ouir, disait-il, et me faire savoir ce qui sera votre plaisir. Et vous souvienne, Sire, que autres matières ont été perdues par faute de les conduire à leur droit et secrètement[26]. Mais les événements allaient bientôt couper court à ces négociations et faire évanouir les espérances conçues de ce côté. Le comte de Warwick avait été en Irlande s'entendre avec le duc d'York ; à peine revenu à Calais, il lança un manifeste[27], en son nom et au nom du duc d'York, du comte de March et du comte de Salisbury. Ce manifeste, adressé à l'archevêque de Canterbury, primat du royaume, et à la chambre des Communes, était un violent réquisitoire contre le gouvernement de Henri VI. Les lords y faisaient allusion à un déploiement de forces qui s'opérait en France, et qui, selon eux, était une menace pour l'Angleterre[28]. Sur ces entrefaites était arrivé à Calais un légat du Pape, chargé de travailler en Angleterre à la réconciliation des partis et de prêcher la Croisade : c'était François Coppini, évêque de Terni[29]. Loin de se conformer aux instructions de Pie II, Coppini se mit à la disposition des lords rebelles et accepta de leur servir d'intermédiaire auprès de Henri VI. Le 26 juin, le légat s'embarquait, en compagnie des coudes de Warwick, de Mardi et de Salisbury, et arrivait à Sandwich, avec mission d'aller trouver de leur part le roi d'Angleterre, de l'assurer de la sincérité de leurs sentiments à son égard et à l'égard du royaume, et de ménager leur rentrée en grâce[30]. En débarquant à Sandwich, les lords furent accueillis par l'archevêque de Canterbury, entouré d'une foule enthousiaste qui alla grossissant jusqu'à leur entrée triomphale dans Londres (2 juillet). A peine arrivé, Coppini adressa au roi d'Angleterre une longue épître, où il déclarait se porter médiateur et lui demandait d'accueillir favorablement la requête des lords[31]. Mais l'intervention du légat ne fut pas nécessaire : le sort des armes trancha la question. Le 10 juillet, l'armée royale était mise en déroute à Northampton ; Henri VI tombait au pouvoir des rebelles et était emmené à Londres. La reine Marguerite s'enfuyait avec son fils dans le pays. de Galles[32]. Le roi d'Écosse, venu à son secours, était. tué devant Hoxburg le 4 août. De tels événements ne pouvaient manquer de causer une vive satisfaction à la cour de Bourgogne. Philippe se mit aussitôt en rapports avec le parti vainqueur : le maréchal de Bourgogne et le sire de Lannoy firent voile vers l'Angleterre[33], et Henri VI désigna des commissaires pour traiter avec les ambassadeurs du duc d'une prolongation des trêves[34]. Il était temps que le triomphe du parti Yorkiste en Angleterre vînt opérer une diversion en faveur du duc de Bourgogne, car il était toujours menacé du côté du Luxembourg. Charles VII n'avait rien négligé pour soutenir ses prétentions sur ce duché. Au printemps de 1459, un changement notable était survenu dans l'état des choses. Le duc Guillaume de Saxe avait conclu un accord avec Georges Podiebrad et l'avait reconnu comme roi de Bohème ; des arrangements matrimoniaux avaient accompagné le traité[35]. Charles VII s'était ému de ce rapprochement, mais il avait été promptement rassuré par les déclarations que le duc Guillaume avait chargé le bailli de Vitry de lui transmettre[36]. À la fin de 1459, une conférence entre les princes allemands s'était tenue à Coblenz, et le Roi y avait envoyé Lenoncourt. Celui-ci avait été l'objet des démonstrations les plus empressées : le duc Guillaume et le marquis Albert de Brandebourg avaient demandé à devenir les alliés de Charles VII, à être de son Conseil, à lui prêter serment ; le comte palatin du Rhin — alors en guerre avec l'archevêque de Mayence, le duc Louis de Bavière et le comte Ulric de Wurtemberg — avait sollicité l'appui du Roi, et n'avait pas tardé à lui adresser sa requête par un ambassadeur ; tons les princes avaient assuré le bailli qu'ils étaient prêts à seconder le Roi dans ses desseins sur le Luxembourg[37]. D'un autre côté, le duc Sigismond d'Autriche et sa femme Éléonore s'étaient adressés à Charles VII pour le prier d'intervenir de nouveau auprès des Cantons suisses, avec lesquels ils étaient toujours en démêlés, malgré les efforts que le Roi n'avait cessé de faire pour apaiser ce différend[38]. Au commencement d'avril 1460, Charles VII désigna des ambassadeurs pour se rendre en Allemagne. Thierry de Lenoncourt, bailli de Vitry — l'un des gardiens de la principauté de Liège —, et son lieutenant, Jean de Veroil, étaient chargés de se rendre auprès de l'archevêque de Trèves, de l'évêque de Metz, du comte palatin, des ducs Albert et Sigismond d'Autriche, du duc Guillaume de Saxe, du marquis Albert de Brandebourg, du marquis de Bade et du comte Ulric de Wurtemberg. Charles VII leur avait remis des lettres de créance pour chacun de ces princes[39]. Ils devaient les remercier des bonnes dispositions qu'ils lui témoignaient, et communiquer à certains d'entre eux la proposition faite par le duc de Bourgogne pour la tenue d'une journée où serait discutée l'affaire du Luxembourg, proposition sur laquelle le Roi ne s'était point encore prononcé ; ils devaient s'employer à pacifier le différend existant entre le comte palatin et ses adversaires, et intervenir au nom du Roi comme médiateur, si ceux-ci s'y prêtaient ; ils étaient autorisés à conclure une alliance avec le duc Guillaume de Saxe et avec le marquis Albert de Brandebourg, conformément aux propositions faites à Coblenz par le docteur Knorre, conseiller du duc de Saxe ; ils devaient enfin demander au duc Guillaume de se faire représenter à la journée projetée, si le Roi consentait à la tenir, et d'obtenir de son nouvel allié le roi de Bohême qu'il confirmât la cession du duché de Luxembourg au Roi. A leur retour, les ambassadeurs devaient passer par Thionville, pour voir les nobles Luxembourgeois qui avaient prêté serment au Roi, et les habitants de la ville, et leur faire part de la proposition du duc de Bourgogne, en les assurant que, quelle que fût la décision du Roi à cet égard, il les aurait pour recommandés, comme ses bons et loyaux sujets, et tiendrait les promesses qu'il leur avait faites[40]. Lenoncourt revint de son ambassade le 22 avril[41]. Il n'avait pu, à cause de la guerre qui existait alors entre les princes allemands, remplir complètement sa mission ; mais il avait visité l'évêque de Metz, qu'il avait trouvé dans d'excellentes dispositions[42], et le comte palatin Frédéric, qui se disposait à marcher contre le duc Louis de Bavière[43], l'archevêque de Mayence et le comte Ulric de Wurtemberg, et qui aurait préféré à l'offre de médiation du Roi un secours de gens de guerre. Le comte palatin avait reçu très gracieusement les ambassadeurs[44], et les avait engagés à se rendre en Souabe où, sous les auspices du marquis de Bade, investi de cette mission par l'empereur, devait se tenir le 9 juin une assemblée pour travailler à la pacification. Voulant déférer à ce désir, les ambassadeurs s'étaient rendus près du marquis de Bade, qui les avait retenus pendant quatorze jours, en attendant la réunion projetée, laquelle n'avait pu se tenir. Une autre journée ayant été fixée à Francfort, au 8 juillet, sur l'initiative des archevêques de Trèves et de Cologne, les ambassadeurs, après avoir consulté le comte palatin, avaient eu le projet de s'y rendre ; mais ils avaient dû y renoncer, vu l'ajournement de la réunion. Le marquis de Bade avait dissuadé les ambassadeurs d'aller trouver les autres princes d'Allemagne pour remplir auprès d'eux la mission dont le Roi les avait chargés : ces princes étaient ou mêlés à la guerre, ou adhérents de ceux qui l'avaient engagée ; en allant visiter les uns, ils donneraient prétexte aux autres de penser que le Roi les favorisait moins. Les ambassadeurs s'étaient donc résolus à ne point aller vers le duc Guillaume de Saxe, alors eu lutte avec le duc de Bavière Louis le Riche[45], allié du comte palatin, et à se borner à lui faire remettre par un chevaucheur la lettre et les instructions du Roi, en demandant réponse. Le duc de Saxe leur avait envoyé un long mémoire, où étaient discutées, point par point, et péremptoirement réfutées, les allégations contenues dans la réponse du duo de Bourgogne aux ambassadeurs envoyés vers lui au mois de décembre précédent. Le duc Guillaume faisait savoir au Roi que, s'il lui plaisait de donner à son tus -Charles le duché de Luxembourg, il pouvait requérir l'empereur de le reconnaître comme duc ; mais que, quelle que fuit la réponse de Frédéric III, une simple réquisition suffisait, et que le Roi pouvait passer outre[46]. Dans sa lettre aux ambassadeurs, le duc Guillaume exprimait l'avis que le Roi ne devait point accepter de tenir la journée amiable proposée par le duc de Bourgogne, car son expérience lui démontrait que de telles assemblées ne produisaient guère de résultats, et que ceux qui les demandaient ne le faisaient que pour gagner du temps et en tirer profit aux dépens de la partie adverse[47]. Charles VII n'avait point attendu le retour de son ambassade pour prendre une décision à l'égard du duc de Bourgogne. Au mois de juin, Toison d'Or avait reparu à la Cour[48] ; il venait tenter un dernier effort pour conjurer une rupture imminente. Au moment même où il retournait auprès de son maitre, une importante délibération était prise. Le 26 juillet, le comte du Maine posait au Conseil cette question : Que doit-on conseiller au Roi sur ce qu'il a à faire, en cette présente année, touchant monseigneur de Bourgogne ? Deux jours furent employés à la discussion, à laquelle prirent part le ceinte de la Marche, le maréchal de Lohéac, le comte de Dammartin, Étienne Chevalier et Pierre Doriole. Il fut résolu que, vu les désobéissances dont chaque jour le duc de Bourgogne se rendait coupable dans les pays de l'obéissance du Roi, et ses entreprises contre l'autorité et la justice royales, au mépris de la souveraineté que le Roi était tenu de maintenir ; vu les trêves qu'il avait prises avec les Anglais, la faveur qu'il leur témoignait sous ce prétexte, et le préjudice qui en résultait pour la chose publique ; vu que le duc ne voulait obéir aux commandements à lui faits par le Parlement ou par les officiers royaux, ni donner réparation au sujet des rébellions et désobéissances constatées pointant par les enquêtes faites à ce sujet, le Roi avait matière suffisante et juste pour procéder contre lui par la voie des amies, afin de le contraindre à l'exécution des lettres, mandements et ordonnances royaux dans les pays dépendant du royaume et des arrêts du Parlement, et à donner réparation de tout ce qui avait été fait au mépris de la souveraineté royale. Tout d'abord le Roi devait assurer la sécurité de ses provinces, tant en Guyenne qu'ailleurs. Ensuite, il avait à désigner les compagnies d'brdonnan.ces dont il pourrait se servir et à fixer le nombre des gens de guerre qu'il ferait assembler ; il devait faire apprêter son artillerie et tout ce qui serait nécessaire pour être en mesure d'exécuter son dessein, quelque résistance que le duc voulut opposer ; car autrement les conséquences en retomberaient sur lui, et il en résulterait une guerre générale, ce qui pourrait entraîner de graves inconvénients pour le Roi et pour son royaume[49]. Mais sur ces entrefaites était survenue la bataille de Northampton : la déroute du parti de la reine Marguerite venait empêcher ou tout au moins retarder l'exécution de ces mesures. A. peine arrivée dans le pays de Galles, où elle avait cherché un refuge, Marguerite envoya un de ses chapelains à Charles VII pour le supplier d'avoir pitié d'elle et de son fils, de les envoyer chercher et de leur donner asile dans son royaume ; elle demandait qu'un Sauf-conduit lui fuit délivré. Charles Va mit l'affaire en délibération dans son Conseil. Après une longue discussion, il fut décidé qu'un ambassadeur serait envoyé à la reine pour l'engager à ne point quitter l'Angleterre et à y tenir aussi longtemps que cela lui serait possible. Si pourtant la fortune se déclarait contre elle, le Roi la recevrait volontiers. Le sauf-conduit demandé fut dressé à la date du 20 octobre[50]. Mais l'ambassadeur envoyé en Angleterre[51] ne put remplir sa mission : lorsqu'il arriva dans le pays de Galles, Marguerite en était partie et avait gagné l'Écosse. Quant au duc de Somerset, qui avait appris à Guines la ruine de son parti, il séjourna quelque temps à Montivilliers, puis à Dieppe, attendant l'issue des événements, et regagna l'Angleterre sur un navire fourni par Charles VII, lequel pourvut largement à ses besoins[52]. Le duc partait avec une lettre pour Marguerite, où le Roi donnait rassit-rance qu'il était disposé à la soutenir. Peu après un ambassadeur fut envoyé vers le jeune roi d'Écosse pour solliciter son concours en faveur de la reine ; le Roi écrivait encore à sa nièce et lui faisait remettre un nouveau sauf-conduit[53]. Il y avait en Italie un prince qui suivait d'un œil attentif les événements qui s'accomplissaient en Angleterre, espérant que la lutte des partis y causerait à Charles VII d'assez graves embarras pour le forcer à détourner son attention des affaires italiennes. Ce prince n'était autre que le duc de Milan. Sforza considérait le triomphe du duc d'York comme fatal pour Charles VII, le parti Yorkiste étant intimement uni au duc de Bourgogne et au Dauphin, et devant, une fois maitre du pouvoir, contracter avec eux une alliance[54]. Tandis que, en Angleterre et en Allemagne, Philippe le Bon et le Dauphin travaillaient à combattre l'influence de la France, Sforza s'y employait de son côté avec une infatigable ardeur. Voyons donc ce qui se passait en Italie, où Charles VII poursuivait l'exécution de ses desseins. Au commencement de 1460, Charles VII avait envoyé une ambassade à la République de Florence pour la déterminer à se déclarer en faveur du roi René[55]. La maison de France était l'héritière des droits de la maison d'Anjou sur le royaume de Naples ; c'était son propre intérêt qui était en jeu. Aucun traité ne pouvait constituer, au profit d'un usurpateur, un droit qu'il n'avait jamais eu. Déjà le succès couronnait les efforts du duc de Calabre. Si les Florentins et le duc de Milan persistaient dans leur attitude équivoque, ils auraient à redouter le juste courroux du Roi, qui se disposait à envoyer en Italie des forces imposantes. Les Florentins répondirent par la même fin de non-recevoir qu'ils avaient déjà opposée à Charles VII et au roi René : quel que nit leur attachement pour le roi de France et pour le duc de Calabre, ils étaient liés par les traités. Les ambassadeurs insistèrent en vain, disant que ces traités avaient été passés avec Alphonse en vue de la lutte contre les Turcs ; qu'ils ne liaient point la République à l'égard de Ferdinand ; que le Roi, dont la puissance s'augmentait chaque jour, avait l'adhésion de tous les princes du sang ; que le roi d'Angleterre venait de solliciter son alliance, et qu'ils devaient être persuadés que le Roi ne négligerait rien pour soutenir la cause du roi René : tout fut inutile. Les Florentins persistèrent dans leur refus, déclarant qu'ils n'auraient d'autre politique que celle des états italiens confédérés. La même réponse fut faite le 25 juin suivant à des ambassadeurs du roi René[56]. C'est à Milan que
se trouvait le nœud de la difficulté. Charles VII voulut essayer de le
trancher. Le 24 mars 1460, il écrivit à Sforza pour se plaindre à la fois de
ce qu'il favorisait à Gênes les complots du parti hostile à la France et de
ce qu'il entravait par tous les moyens eu son pouvoir l'entreprise du duc de
Calabre. Dont nous sommes émerveillé,
disait-il, attendu les plaisirs, honneurs et biens
qui out été faits autrefois par ceux de la maison d'Anjou à vous et aux
vôtres, qui sont bien notoires. Et, pour ce que cette matière touche
l'honneur de nous et de la maison de France, nous vous en avons bien voulu
écrire notre volonté qui est telle, car notre intention est de porter aide et
soutenir notre beau frère de Sicile et notre neveu de Calabre à la recouvrance
du royaume de Naples. Et ne pourrions ni voudrions réputer pour amis et
bienveillants ceux qui leur feroient au contraire ; par quoi vous prions que vous
veuilliez déporter de leur donner aucun empêchement, mais leur aider comme
raison est et qu'il nous semble que raisonnablement êtes tenu de faire[57]. Le Roi
chargeait Regnault de Dresnay de remettre cette lettre au duc de Milan. En
même temps il fit partir plusieurs ambassadeurs chargés de se rendre en Savoie,
à Venise et à Rome[58]. Loin de faire droit aux plaintes de Charles VII, Sforza envoya un ambassadeur à Ferdinand, avec lequel il ne tarda pas à s'allier par un traité[59]. En répondant au Roi, à la date du 12 mai, il protestait de la sincérité de ses intentions : si le Roi était informé de la vérité en ce qui concernait les affaires de Gênes et du royaume de Naples, il était persuadé que Sa Majesté aurait de lui l'opinion favorable qu'elle devait avoir d'un serviteur dévoué ; tel il avait été, tel il était, tel il voulait demeurer toujours ; il se proposait d'ailleurs d'envoyer au Roi un ambassadeur pour lui faire un exposé complet, qui serait de nature à lui offrir pleine satisfaction[60]. Le 24 mai, il donnait à Emmanuel de Jacob d'amples instructions, contenant une longue apologie de sa conduite : il avait gardé, partout et toujours, la plus stricte neutralité en ce qui concernait l'affaire de Gênes ; tout ce qui était survenu en Italie, depuis l'expédition du roi René en Lombardie, ne serait point arrivé si ce prince n'était pas parti ; Sforza aurait vivement désiré que René pût recouvrer le royaume de Naples ; il avait agi conformément aux traités et à la décision du Pape ; il se soumettait avec confiance au jugement du Roi, auquel il faisait remettre copie de la ligue entre les États italiens[61]. Dans un paragraphe spécial, répondant aux plaintes que Charles VII lui avait fait adresser sur ses relations avec le Dauphin et avec le duc de Bourgogne, Sforza déclarait qu'il était vrai qu'il avait reçu à deux reprises un chambellan du Dauphin, Gaston du Lyon, mais qu'il n'avait noué aucune intelligence avec ces princes, et s'était borné à donner au Dauphin le conseil de se réconcilier avec son père[62]. Charles VII ne fut pas dupe des mensongères assurances du
duc de Milan. Nous avons la réponse qu'il fit à son ambassadeur : Le Roi a fait voir ce que Manuel de Jacob a dit de bouche
et depuis baillé par écrit à son Conseil... Et,
bien que le duc Francisque — c'est
ainsi qu'à la cour de France on appelait toujours le duc de Milan, — par ce qu'il a fait dire et bailler par écrit, s'efforce
de s'excuser en plusieurs manières sur ce que le Roi lui a fait dire par le
bailli de Sens, toutefois le Roi a bien connu, et par effet, que, depuis que
sa ville et seigneurie de Gênes est en ses mains et que Monseigneur de
Calabre, son neveu, y est allé de par lui, ledit comte Francisque n'a pas
jusqu'ici tenu les termes qu'il aurait dû envers le Roi et sa seigneurie.
Touchant le royaume de Naples, il n'a pas tenu bons termes à Monseigneur de
Calabre, depuis son allée audit royaume pour la réduction d'icelui, ainsi
qu'il dût avoir fait en ensuivant le bon vouloir que ses prédécesseurs ont eu
au roi de Sicile et à la maison d'Anjou. Le Roi eût bien voulu que ledit
comte s'y fût autrement gouverné, et désireroit bien encore que dorénavant il
montrât par effet, tant au regard de la seigneurie de Gênes que du royaume de
Naples, le bon vouloir qu'il se dit avoir envers le Roi, le roi de Sicile et
Monseigneur de Calabre[63]. La lutte menaçait donc de s'engager, au nord de l'Italie, contre cet allié de la veille devenu l'ennemi du lendemain. Dans le sud, elle se poursuivait entre les prétendants au trône de Naples avec un succès croissant pour le duc de Calabre. Tout d'abord, la Campanie presque entière s'était soulevée en sa faveur ; dans les Abruzzes, une grande partie de la noblesse avait pris les armes, et l'on avait vu Hercule d'Este, enrôlé avec son contingent au service de Ferdinand d'Aragon, passer sous la bannière de Jean d'Anjou : c'était partout un entraînement irrésistible. En peu de temps Le duc de Calabre avait été maître de la Pouille et des Abruzzes. Piccinino, qui ne cherchait qu'une occasion de tirer l'épée, lui offrit ses services[64], et, malgré les efforts de Sforza pour le retenir, arriva dans les Abruzzes avec sept mille hommes. Aussitôt Sforza et Pie II envoyèrent des troupes au secours de Ferdinand. Une grande bataille fut livrée à Sarno le 7 juillet 1460[65]. Ferdinand y fut battu ; il s'enfuit à grand'peine ; toute son armée demeura prisonnière, et Simonetta, le commandant des troupes pontificales, resta sur le champ de bataille. De toutes parts on vint faire adhésion au duc de Calabre. Si le jeune prince avait marché résolument sur Naples, où s'était retiré son rival, il était maître de la situation. Malheureusement il suivit les perfides conseils du duc de Tarente, qui lui persuada d'entreprendre le siège des petites villes de la Campanie ; et, malgré une autre victoire, remportée par Piccinino sur Alexandre et Bosio Sforza (27 juillet), l'été se passa sans qu'un résultat décisif eût été obtenu[66]. Charles VII avait accordé au roi René, pour soutenir son fils, une somme de cinquante-cinq mille livres[67]. Dans la seigneurie de Gênes il obtint un important résultat : Savone se donna à lui, et il confirma aux habitants les privilèges octroyés jadis par Charles VI[68]. Mais le gouverneur de Gênes, Louis de Laval, se plaignait toujours des menées hostiles du duc de Milan, et demandait que le Roi envoyât un contingent de troupes à Savone[69]. Charles VII ne pouvait agir à main armée contre Sforza ; il résolut d'employer les voies diplomatiques. Au mois de juillet une ambassade partit pour le nord de l'Italie ; elle était envoyée au nom du duc d'Orléans, du comte d'Angoulême et du duc de Bretagne, et allait proposer au duc de Modène, marquis de Ferrare, et à la République de Venise, de former, avec ces princes, une ligue contre le duc de Milan. Les ambassadeurs devaient tout d'abord se rendre auprès du duc de Modène pour se concerter avec lui ; ils avaient mission d'offrir à la République de Venise un corps de sept à huit mille chevaux et de trois ou quatre mille archers. Le but à atteindre était de détrôner Sforza au profit du duc d'Orléans ; la République de Venise obtiendrait Crémone, le Brescian et la Bergamasque, avec ce qu'elle possédait déjà du duché de Milan ; le duc de Modène aurait Parme ; le comte Jacques Trivulce, qu'on voulait employer à cette guerre, aurait Plaisance, à moins qu'on ne préféra lui donner une somme d'argent. Si les Etats dont on sollicitait le concours ne voulaient pas s'engager dans une guerre, les princes demandaient qu'ils gardassent au moins la neutralité. Un ambassadeur du Roi accompagnait les envoyés des princes[70]. A. la date du 26 juillet, Charles VII adressa une nouvelle plainte au duc de Milan. Cette fois, il s'agissait d'entreprises contre le duc de Savoie, faites par un seigneur savoisien eu révolte, Jacques de Valpergue, qui se vantait d'avoir l'appui de Sforza[71]. Sforza répondit en protestant de ses dispositions amicales envers-le duc de Savoie ; il avait déjà envoyé à deux reprises vers ce prince ; il ne donnerait aucune assistance à Valpergue, qui ne demandait d'ailleurs qu'à se soumettre. Sforza profitait de l'occasion pour repousser les accusations dont il était l'objet auprès du Roi relativement à un secours armé qu'il aurait envoyé à Ferdinand, à une attaque dirigée contre le duc de Savoie par Guillaume de Montferrat et Robert Brandollino, à de prétendues menées à Gênes : tout cela était faux ; si le Roi voulait en avoir la certitude, il n'avait qu'à envoyer lin agent impartial pour faire une enquête. Au cas où l'on trouverait le contraire, il consentait à ce que le Roi n'ajouta plus foi à ses paroles[72]. Pendant que le duc de Milan renouvelait à Charles VII ces mensongères protestations, il se mettait en relations avec le Dauphin et avec le duc de Bourgogne, et chargeait son envoyé de conclure avec le premier un traité d'alliance dont il emportait le texte[73]. Déjà au printemps, Sforza avait reçu un ambassadeur du duc de Bourgogne, venu pour le remercier de l'accueil empressé fait par lui à l'ambassade bourguignonne envoyée l'année précédente à Mantoue[74]. Quant au Dauphin, il ne cessait de presser le duc de Milan de s'allier avec lui, et lui envoyait message sur message pour l'y décider[75]. Chose curieuse, à son chambellan Gaston du Lyon il adjoignit ce même Jacques de Valpergue contre les entreprises duquel Charles VII protestait ; il alla même jusqu'à faire des garanties à accorder à ce personnage une des bases du traité d'alliance à conclure[76]. Les 26 et 27 août, Sforza donnait ses pouvoirs[77] et ses instructions[78] à Prosper de Camulio. L'ambassadeur emportait le traité prêt à signer, car les conditions en avaient été longuement discutées avec les représentants du Dauphin, et son maître lui recommandait de le lui rapporter promptement, signé et scellé[79]. Camulio avait mission également de remettre une lettre de créance au duc de Bourgogne, et de se conduire à son égard conformément aux avis du Dauphin ; il devait chercher à pénétrer ses intentions secrètes[80], et s'informer soigneusement de tout ce qui concernait, soit le Dauphin, soit le duc de Bourgogne, soit les affaires d'Angleterre et de France, pour en faire l'objet d'un rapport détaillé[81]. L'ambassadeur milanais arriva le 23 septembre, et fut accueilli avec empressement. Dès le 29 septembre, le duc de Bourgogne répondait à Sforza[82]. Le Dauphin dit à Camulio que toute sa confiance était fondée sur le duc de Milan et sur le duc de Bourgogne, et que lui et Philippe comptaient sur l'appui de l'Angleterre ; il se montrait tout disposé à traiter avec Sforza, qui ne devait pas faire moins pour lui, comme Dauphin, que quand il serait roi de France ; il se déclarait partisan de Ferdinand d'Aragon contre le duc de Calabre ; si Sforza désirait avoir Asti, Vercelli et d'autres territoires, le Dauphin serait enchanté qu'il les obtint : tout agrandissement de la puissance du duc lui devait être plus agréable que s'il s'agissait de son intérêt propre ; il avait envoyé un ambassadeur au Pape pour obtenir son intervention auprès du duc de Savoie. Camulio fut reçu en audience privée par le duc de Bourgogne, qui manifesta un vif désir de s'allier au duc de Milan, et qui fit inviter secrètement l'ambassadeur à se fixer à la cour de Bourgogne. Il conféra longuement avec le seigneur de Croy, alors en possession d'une influence prépondérante, et fut instruit par lui de tout ce qui concernait l'alliance du Dauphin et du duc et les affaires d'Angleterre ; le duc avait la plus haute estime pour le Dauphin et faisait tout ce qu'il voulait ; pour lui complaire, un ambassadeur venait d'être envoyé à la cour de Savoie. Camulio apprit qu'une descente des Anglais en France devait s'opérer au mois de mars suivant[83] ; que les Vénitiens étaient en grandes négociations avec Charles VII ; que le Dauphin et le duc étaient hostiles au roi René, et ne désiraient rien tant que Sforza enlevât Gênes à l'influence française. Le Dauphin eut plusieurs entretiens avec l'ambassadeur, auquel il témoigna la plus grande confiance, lui prodiguant les assurances de sa bienveillance à l'égard du duc de Milan, s'informant minutieusement de tout ce qui concernait la personne de ce prince[84] ; il approuva le projet de conclure un traité secret, sans l'intervention d'aucun notaire, mais revêtu seulement de sa signature et de son sceau. Camulio donnait tous ces détails à son maitre, dans une dépêche en date du 2 octobre, où il lui annonçait qu'on était occupé à rédiger l'acte[85]. Le résultat fut promptement obtenu : dès le 6 octobre, un traité était conclu et revêtu de la signature du Dauphin[86]. Louis faisait une ligne avec le duc de Milan, qu'il appelait son très cher oncle4[87]. Les deux princes s'engageaient mutuellement à se soutenir contre tous ceux qui pourraient leur porter préjudice[88]. Le Dauphin promettait de soutenir les droits du duc de Milan. S'il en était requis, il lui fournirait, dans un délai de deux mois, quatre mille chevaux et deux mille fantassins, à ses propres dépens, soldés pour une année[89]. Le Dauphin déclarait que le traité ne portait aucun préjudice à la ligue entre les divers États italiens, qui demeurerait intacte. La présente ligue était perpétuelle et obligatoire pour les successeurs des deux princes. Le Dauphin déclarait enfin comprendre dans le traité son conseiller et chambellan Jacques de Valpergue, dont les terres étaient détenues injustement par le duc de Savoie ; le duc de Milan serait tenu de le protéger et de le défendre[90]. Sforza, aussitôt informé par son ambassadeur des bonnes dispositions du Dauphin à son égard, l'en remercia par une lettre en date du 23 octobre[91] ; et, au retour de Camulio, le 6 décembre, il fit dresser procès-verbal de la ratification par lui faite du traité passé avec le Dauphin. Les témoins jurèrent de n'en point révéler la teneur[92]. Le duc de Bourgogne et le Dauphin avaient à la Cour de France leurs espions, qui les tenaient au courant de tout ce qui se passait. Mais l'envoi d'une ambassade n'était point inutile, soit pour conjurer le péril d'une rupture toujours à craindre, soit pour être mieux informé de la situation des choses. A la fia d'octobre, le duc de Bourgogne se disposait à renvoyer Jean de Croy en France[93]. En même temps il fit partir un ambassadeur qui devait agir à la cour de Savoie, de concert avec un envoyé du Dauphin, conformément aux intérêts de ce prince[94]. Le 12 novembre, Toison d'Or partit pour se rendre vers le duc d'Orléans et ensuite vers le Roi[95]. Le 18, Philippe envoyait un poursuivant d'armes porter des lettres closes à Charles VII[96]. Le même jour l'évêque de Tournai, Jean de Croy, Simon de Lalain et Antoine de Rochebaron étaient désignés pour aller en ambassade à Bourges[97]. Ils ne tardèrent pas à se mettre en route. Mais, sur des nouvelles qui parvinrent au duc, il envoya en toute hâte (4 décembre) un chevaucheur pour joindre ses ambassadeurs et leur donner l'ordre de ne point poursuivre leur chemin[98]. Que s'était-il produit dans l'intervalle ? On avait appris à la cour de France que le bâtard de Bourgogne était venu, sous un déguisement, à Paris, où il y avait passé un jour et une nuit[99], et que le comte d'Étampes devait y venir à son tour, en habit dissimulé. On avait été fort ému de cette nouvelle. Le 14 novembre, le conseil royal mit eu délibération les décisions à prendre. Il fut convenu que le maréchal de Lohéac se rendrait à Paris et procéderait à une enquête auprès des conseillers au Parlement qui avaient dénoncé le fait ; s'il constatait que l'entreprise était en voie de réalisation, il ne devait point hésiter à procéder à l'arrestation du comte d'Étampes ; il le mettrait en lien sûr et préviendrait aussitôt le Roi. Le maréchal serait porteur de quatre lettres closes contenant en substance les décisions du Conseil : pour le Parlement, la Chambre des comptes, les Généraux de la justice et les Conseillers de la ville de Paris ; il aurait de pleins pouvoirs comme lieutenant et gouverneur des pays de par delà sans aucune réserve relativement à la charge du seigneur de Torcy, qui était absent ; d'autres pouvoirs lui seraient donnés pour agir à l'égard de l'Université de Paris et pour lui permettre de pourvoir aux éventualités[100]. Le duc de Bourgogne avait sans doute été informé par ses espions de la mission donnée au maréchal de Lohéac, et il voulait attendre pour voir quel en serait le résultat. Il apprit bientôt que le maréchal était venu à Paris, et que, de concert avec Jean Bureau, il avait procédé à une enquête, dont le résultat avait été l'arrestation du prévôt de Paris, Robert d'Estouteville[101]. L'envoi de l'ambassade bourguignonne fut ajourné. L'année 1460 allait se fermer sur un événement bien inattendu, et qui allait déjouer toutes tes combinaisons des adversaires de Charles VII. La reine Marguerite d'Anjou, à la nouvelle que le duc d'York s'était fait proclamer l'héritier du trône, au préjudice du fils d'Henri VI (9 novembre), avait repris les armes. Elle avait quitté l'Écosse et était entrée en Angleterre. Sur son chemin les comtés du nord s'étaient soulevés ; le duc de Somerset, lord Clifford, le comte de Northumberland et d'autres seigneurs lui avaient amené d'importants renforts. Le duc d'York avait marché coutre elle et avait livré bataille à Wakefield, le 30 décembre. Il avait été battu et avait perdu la vie ainsi que son second fils ; son armée était détruite ; ses partisans étaient prisonniers, et plusieurs avaient été unis à mort[102]. Le triomphe de la reine était complet. |
[1] Dépêche du 15 juin 1460, ex Balneis Petrioli, signée par Otto de Carreto et deux autres ambassadeurs milanais. Archives de Milan, Dominio Sforzesco, juin 1460.
[2] On lit dans la même dépêche : Si che tale intelligentia in quel easo caria stata opportuna, ma dapoi e guarito ; pur gli pareria che col Dalfino si dovesse strengere bene, essendo lo Re vecchio et inferno, e da credere debia vivere puoche, et ad quello regno ha pur à succedar dicto Dalfino. — Le 3 juillet 1460, Louis de Laval, gouverneur de Gênes, écrivant à Louis Doria, commandant de la flotte envoyée dans le royaume de Naples, l'assurait de l'empressement que Charles VII témoignait pour le recouvrement du royaume, et il ajoutait : Nisi in adversum valetudinem incidisset. Archives de Gênes, Letterarum, 22, à la date.
[3] Lettre du 29 janvier 1460 ; Original, ms. fr. 5041, f. 7 ; éditée incorrectement par Duclos, p. 217.
[4] Lettres de Louis XI, t. I, p. 116.
[5] Original, ms. fr. 2811, n° 47 ; Lettres de Louis XI, t. I, p. 119.
[6] Il partit le 8 février et revint le 3 avril. Archives du Nord, B 2040, f. 139 v°.
[7] Lettre du 24 février. Éd. par M. Quicherat, Œuvres de Thomas Basin, t. IV, p. 359.
[8] Copie du temps, ms. fr. 5041, f. 51.
[9] L'ambassade se composait de trente chevaux, Voir Adrien de Vieux-Bois et Zantfliet, dans Amplissima collectio, t. IV, col. 1240, et t. V, col. 500.
[10] ... Quod
eos acerbissimo ac sævissimo odio insectare Burgundiones ab antiquo sciret.
Thomas Basin, t. I, p. 295.
[11] Voir sur les démêlés de Louis de Bourbon avec les Liégeois, Louis de Bourbon, évêque de Liège, par Ed. Garnier (Paris, 1860, in-8°), et Histoire du diocèse et de la principauté de Liège pendant le quinzième siècle, par l'abbé Daris (Liège, 1887, in-8°).
[12] Lettre des Liégeois à Charles VII, en date du 17 août 1458. Ms. fr. 5040, f. 22.
[13] Don à Jean de le Bouverie, chevalier du pays de Liège. Archives, KK 51, f. 114. — Dès cette époque les Liégeois demandaient l'arbitrage de Charles VII. Voir Adrien de Vieux-Bois, l. c., col. 1238.
[14] Adrien de Vieux-Bois, l. c., col. 1240. — Dons aux ambassadeurs liégeois : Ms. fr. 20683, f. 49.
[15] Voix courut et fame que les Liégeois, du vivant du Roy Charles, avoient fait compact avecques ledit Roy de prendre et luy livrer son fils le Dauphin entre ses mains, avecques plusieurs autres articles bien grands, contraires et minatoires sur le duc dit Bourgongne. Comme vray est, ils avoient alliance avecques ledit Roy, et y avoit grand entendement entre eux. Chastellain, t. IV, p. 89. — Adrien de Vieux-Bois fait aussi allusion à ce bruit ; il dit (col. 1517) que Louis XI, parvenu au trône, se montra fort hostile à l'égard des Liégeois, parce qu'il était persuadé qu'ils avaient pris l'engageaient de le livrer à son père.
[16] Ordonnances, t. XIV, p. 491 — Par d'autres lettres Charles VII accorda aux Liégeois les facilités commerciales qu'ils demandaient. Voir Adrien de Vieux-Bois et Zantfliet.
[17] Thomas Basin, t. I, p. 496.
[18] Voir notre tome IV, chapitre V, et ci-dessus, chapitre VIII.
[19] Nombreuses mesures prises pour se défendre contre les rebelles, en date des 10, 16, 20 et 22 février, 26 mars et 14 avril 1460. Rymer, t. V, part. I, p. 91, 93, 95 ; 48th Report of the deputy Keeper, p. 440 et 413 ; Stevenson, l. c., t. II, p. 511 — Henri VI avait alors à sa solde des navires de Venise et de Gênes. Voir Stevenson, t. II, p. 516-517, et document publié par Gairdner, l. c., p. CXLIX.
[20] Thomas Basin, t. I, 497. — Un peu plus tard, le 3 février 1461, Charles VII fit publier en Normandie, à son de trompe, des lettres patentes par lesquelles il déclarait son plaisir estre tel que, par tout le pays de Normandie et les ports de mer d'icelui fussent laissés paisiblement descendre tous Anglois et Angeisches, de quelque estai qu'ils feussent et en tel habit que bon leur sembleroit, tenants et adhérants le party du Roy Henry d'Angleterre et de la Royne sa femme, sans aucun sauf-conduit avoir de lui, et de les laisser converser par tout son royaume. Livre des faits advenus au temps du roi Louis XI, dans le Panthéon littéraire, p. 240.
[21] L'original de cette lettre, qui a été publiée par M. Quicherat (Thomas Basin, t. IV, p. 358-360), est dans le ms. fr. 20428, f. 15. Nous avons aussi un mémoire envoyé par Brezé, et qui reproduit les termes de cette lettre ms. fr. 20490, n° 95 ; cf. Le Grand, VIII, f. 239. C'est sans doute pour faciliter ces relations secrètes que, le 9 avril 1460, un sauf-conduit était délivré à certains marchands normands se rendant en Angleterre, in the Grace Dieu, of Rouen, and the Michielle, of Normandy (48th Report, p. 444), et que les 18 et 22 juin d'autres sauf-conduits étaient encore délivrés à des marchands normands (id., p. 442).
[22] Lettre de Brezé à Étienne Chevalier, en date du 26 juillet, citée plus loin.
[23] Lettres données à Coventry. 48th Report, p. 142.
[24] M. Vallet de Viriville a mentionné, dans son Histoire de Charles VII (t. III, p. 305, note), un rapport de Doucereau sur une entrevue que l'agent de Brezé eut à Calais avec l'évêque de Salisbury, rapport qui se trouvé dans le ms. fr. 15537, f. 215, aujourd'hui disparu de la Bibliothèque nationale. Je ne puis que citer le passage reproduit par M. Vallet, en regrettant de n'avoir plus la possibilité de recourir à ce document. Item me dit ledit evesque que ledit Mgr le grant seneschal estoit le chevalier du monde qu'il desiroit plus veoir, tant pour ce qu'il fut cause et moien des treves et du mariage du Roy et de la Roine d'Angleterre que pour les services qu'il a oy dire qu'il a fait au Roy ; et aussi de la bonne et belle guerre qu'il a fait à Sandwich, dont il est plus grant memoire en leur pays que de chose qui y fut faicte depuis la descente du duc Guillaume, et mesmement que tous les prisonniers qu'il avoit eu entre ses mains se louoient tant de sa gentillesse et courtoisie que merveilles.
[25] Simon Galet, du parti anglais, la somme de huit vingt quinze livres tournois que le Roy nostre sire luy a ordonnée, c'est assavoir CL l. t. pour avoir esté devers ledit seigneur pour aucunes matières secrètes à Chinon et aux Roches, et LXXV l. t. pour son defray de ce qu'il a vaqué et demouré par aucun temps ou pays de Normandie depuis qu'il avoit esté depesché dudit seigneur auxdictes Roches, desquelles choses icellui seigneur n'a voulu ne veult autre declaracion estre faicte ne acquict baillé fors ce present role. Rôle du 19 janvier 1461. Ms. fr. 20683, f. 50.
[26] Plaise vous, ajoutait-il, expedier le messagier, lequel a fait troys voiages, et n'a eu que XXIIII escus. Original, de la main de Brezé, Ms. fr. 20428, f. 17.
[27] Voir le texte de ce manifeste dans An english chronicle, p. 86-90 ; cf. Gairdner, l. c., p. CXL-41.
[28] Heryng
also that the Frensche king makethe in hys land grete assemble of his peple,
whyche ys gretely to be drad for many causes.
[29] Pie II lui avait donné cette mission par un bref du 10 janvier 1460. Raynaldi, ann. 1460, §§ 15-16 ; Theiner, Mon. Vel. Hibern., p. 423.
[30] Voir lettre des lords à Coppini. Calais, 25 juin 1460. Original Letters, ed. by sir H. Ellis, 3d seriés, t. I, p. 82-88.
[31] Cette lettre est publiée par sir H. Ellis, Original Letters, p. 89-91, avec la date du 3 ; elle a été traduite, avec la date du 4, par M. Rawdon Brown, Calendar of State papers, etc. Venice and Northern Italy, t. I, p. 89-91.
[32] Le 16 juillet, de Rouen, l'archevêque de Narbonne et Brezé écrivaient à Étienne Chevalier : Depuis naguaires n'avons point escript au Roy des nouvelles d'Angleterre, pour ce que il n'en est venu riens de certain ; car tout ce qui en est venu par deça c'est de Calez ; or, comme savez assez, ilz ne sont pas des deux costés. Posé que, pour certain, le Roy est ès mains du conte de Warouik, et la Royne est vers les marches de Galles, son fils avecques elle, accompaignée du duc d'Excestre et de grant nombre de gens. La grosse tour de Londres tient encore pour elle, le sire de Scalles dedans et d'autres grans seigneurs. Original, 14. fr. 20487, f. 64. — Le 31 juillet, Brezé écrivait au même : J'ay pieça envoyé l'omme que vous savez devers vous ; à ce sourvint ung Anglois lequel le Roy d'Angleterre avoir envoyé deux fois devers moy avant que derrenièrement je alasse devers le Roy, lequel a esté ou champ où le Roy a esté prins ; et ay fait mettre par escript la fourme et la manière comme la besongne s'est portée, et envoye tout devers le Roy ; vous le verrez et cognoistrez comment le legat de nostre Saint Père y a ouvré, et aussi miment ceulx en qui le Roy d'Angleterre avoit plus de fience l'ont trahy mauvaisement. Ledit Anglois a parlé à la Royne depuis, laquelle et sont filz sont en seureté. Je l'eusse party aujourd'huy à aller devers le Roy ; mais je attendray toute ceste sepmaine, pour savoir se je auray nulles nouvelles de Doulcereau et autres que j'ay envoyez devers ladicte dame. Original, Ms. fr. 20428, f. 17 bis.
[33] Du Clercq, livre IV, ch. XIV.
[34] Pouvoir en date du 1er octobre 1460. Bréquigny, 83, f. 58.
[35] Traité passé à Eger, le 25 avril 1459, par l'entremise du marquis Albert de Brandebourg. — Albert, fils de l'électeur Frédéric de Saxe, avait été fiancé à Zdenka, fille de Georges Podiebrad ; une des filles de Guillaume l'avait été à son fils Hyenick ; enfin, une fille d'Albert de Brandebourg, gendre de l'électeur Frédéric, l'avait été à Henri, autre fils de Podiebrad.
[36] Lettre du bailli de Vitry au dur Guillaume, en date du 29 septembre 1459. Archives de Dresde, Wittenberger Archiv, Luxemb. Suchen, I, f. 251.
[37] Voir instructions données par Charles VII à ses ambassadeurs en Allemagne, en date du 6 avril 1460, citées plus loin.
[38] Lettres du duc et de la duchesse, en date du 24 octobre 1459. Archives de Vienne, ms. n° 411, f. 461 et 46t v°. Communication de M. Armand d'Herbomez. Voir, sur l'intervention de Charles VII près des cantons suisses, Mandrot, Étude, etc., p. 43 et suivantes.
[39] La lettre du Roi au duc Guillaume de Saxe, datée de Chinon le 5 avril 1480, se trouve aux archives de Dresde, Wittenb. Archiv, Luxemb. Sachen, I, f. 235.
[40] Ces instructions, données à l'Isle-Bouchard le 6 avril, se trouvent en original dans le vol. V de la collection Le Grand, au fol. 14 ; elles ont été publiées par M. Quicherat, t. IV des Œuvres de Thomas Basin, p. 349-357, avec la date fautive de 1469, qu'il fallait entendre du vieux style. Pâques étant tombé le 25 mars en 1459, et le 13 avril en 1460, l'erreur s'explique facilement. M. le comte de Reilhac a commis la même erreur en reproduisant en document : Jean de Reilhac, etc., t. I, p. 73-77, et M. Van Werveke, qui aurait dû y échapper par le contrôle des pièces si nombreuses qu'il a eues entre les mains, y est tombé également, dans son mémoire : Definitive Erwerbung des Luxemburger Landes, etc., p. 51.
[41] Relation de l'ambassade, dans la collection Le Grand, vol. V, f. 8.
[42] Il a très bon vouloir envers le Roy ; et tenons pour certain que si le Roy avait à faire de luy ou de ses places, il le trouveroit prest comme l'un de ses vassaulx et subgetz.
[43] Louis le Noir, duc de Bavière et de deux Ponts, cousin germain de Frédéric.
[44] Il nous donna à disner en son chasteau de Heidelberch, bien honorablement, et, par chascun jour que fusmes devers luy, nous envoyoit au disner de son vin en quatre grans potz d'argent, et au soupper autant.
[45] Louis le Riche, de la branche de Landshut.
[46] Ce mémoire, très détaillé, se trouve dans le ms. fr. 5040, f. 164 ; il a été publié parmi les Preuves de l'Histoire de Bourgogne, t. IV, p. CCXXVIII-CCXXIX, avec la date fautive de 1457.
[47] Relation dus ambassadeurs. — Le duc Guillaume faisait savoir au Roi, en même temps que, obtemperant à la voulenté et bon plaisir du Roy, il avait pacifié le différend entre le marquis Albert de Brandebourg et le duc de Bavière Louis le Riche, et que, quand les articles de la paix seraient rédigés, il les lui enverrait, affin qu'il sache ou nay le fondement, demené et yssue de ladicte guerre.
[48] Toison d'Or de Bruxelles le 8 juin et y revint le 3 août. Archives de Nord, B 2040, f. 139.
[49] Ms. fr. 5042 f. 32 ; éd. Histoire de Bourgogne, t. IV, Preuves, p. CXXXV.
[50] Ce document se trouve dans le ms. fr. 20417, n° 23.
[51] Le 13 décembre 1460, Jean Le Boursier, général des finances, certifiait avoir fait bailler à maître Bertrand Briçonnet, secrétaire du Roi, unes brigandines, que le Roy nostre dit seigneur nous a escript et chargié de lui faire bailler pour soy habiller et aler en la compagnie de Mgr de Genly, et autres que le Roy envoye sur la mer. Pièces originales, 513 : BRIÇONNET.
[52] On lit dans un rôle du 19 janvier 1461 : A Monseigneur le duc de Sommerset, anglois, la somme de quatorze cens livres tournois, que le Roy nostre sire lui a ordonné estre baillé par manière de don, tant pour son deffray qu'il a demeouré à Monstiervilliers, atendant son passaige, que pour les advitaillemens de la nef où il a passé dudit lieu de Monstiervilliers en Angleterre. Ms. fr. 20683, f. 51.
[53] Ces détails sont tirés d'une lettre, en date du 6 août 1461, dans laquelle le comte de Foix exposait à Louis XI ce que son père avait fait pour Marguerite. Voir ce document dans Duclos, p. 229 et suivantes. — Le second sauf-conduit, en date du 6 décembre 1460, est en original dans le ms. fr. 20401, n° 13.
[54] Dépêche d'Angelo de Rubeis à Sforza, Florence, 13 août 1460. Archives de Milan, Dominio Sforzesco, 1460, janvier-décembre.
[55] L'ambassade fut reçue le 2 mars 1460 ; la réponse définitive lui fut donnée le 7 mars.
[56] Archives de Florence, Signori. Legazione e commissorii. Risposte d'oratori, I, et Cancelleria, XLII, f. 13 v°. Cf. Desjardins, Négociations ; etc., t. I, p. 96-100. — Les registres de Florence sont remplis de la correspondance que la République de Florence entretenait à la fois avec Jean d'Anjou et avec Ferdinand d'Aragon, qui avait toutes ses sympathies. Signori. Carteggio missive. Reg. I Cancell., XLII, f. 10 v°, 35, 74 v°, 76 v° 95, — et f. 14, 14 v°, 32, 50, 90, 108, 109 v°, 122 v°, 126 v°, 137 v°, 139, 143.
[57] Original, à la Bibl. nationale, ms. ital. 1588, f. 16 ; éd. par le comte de Reilhac, Jean de Reilhac, etc., t. I, p. 59, note 5, avec quelques incorrections, et la date fautive de 1459.
[58] Le 18 avril, un agent de Sforza lui écrivait d'Alexandrie que Guillaume Toreau venait de passer par cette ville, revenant de Venise, et que Guillaume Cousinot et Nicolas Petit traversaient Alexandrie. (Archives de Milan, Francia dal... al 1470.) Le 13 juin, l'archevêque d'Auch traversait Turbina, se rendant vers le Pape, avec une suite de vingt-quatre chevaux (Id., ibid.). Dans une lettre du 17 juin, il est question d'un ambassadeur français à Venise (Id., Dominio Sforzesco, 1460, janvier-décembre). On voit par un rôle du 19 janvier 1461 que le Roi envoya, au mois de mai de l'année précédente, des ambassadeurs vers le Pape, les Vénitiens, les ducs de Bourbon et de Savoie, le prince de Piémont et autres. (Ms. fr. 26683, f. 49.)
[59] Pouvoir en date du 16 avril 1460 ; traité passé à Castelle Nuevo le 2 août suivant. Archives de Milan, Leghe, Paci, etc., f. 598 v° et 600 v°.
[60] Archives de Milan, Francia dal... al 1470. — Il y a dans le même portefeuille deux copies de la même lettre en latin. A la date du 22 mai, le duc de Milan faisait transcrire la réponse faite à Dresnay et à Guillaume Toreau sur les affaires de Gênes pour l'envoyer au doge de Venise. Mêmes archives, Dominio Sforzesco, janvier-décembre 1460.
[61] Ce curieux document se trouve aux archives de Milan, dans le portefeuille Francia dal..., et à la Bibliothèque nationale dans le ms. italien 1588, f. 3 et suivantes.
[62] Cette partie des instructions de Sforza ne se trouve qu'a Milan ; elle a été donnée d'une façon incomplète par M. Charavay au t. I des Lettres de Louis XI, p. 323. Cf. lettre de Sforza au Dauphin du 15 mai 1460, en réponse à la communication que Gaston du Lyon était venu lui faire. Idem, ibid., p. 322.
[63] Original, signé J. DE RELHIAC, aux Archives de Milan, Corrisp. con Carlo VII, etc. — Sur la réception faite à Jacob, voir une lettre de Sforza à son ambassadeur, en date du 20 juillet. Minute aux Archives de Milan, Dominio Sforzesco, 1460, janvier-décembre, et en copie à la Bibl. nationale, Ms. ital. 1619, f. 2.
[64] Le traité avec Piccinino fut passé le 28 janvier 1460. Lettre de Sforza à Georges de Annono. Archives de Milan, Dominio Sforzesco, février 1460.
[65] Le même jour le duc de Calabre faisait part à la République de Florence et au duc de Milan de sa victoire. Archives de Florence. Signori. Cartegio. Responsive. Copiari, III, f. 94 ; Bibl. nat., ms. italien 1649, f. 4.
[66] Voir Sismondi, Histoire des Républiques italiennes, t. X, p. 111 et suivantes.
[67] Cette somme devait être levée sur les pays de Languedoil, en sus de l'aide pour le paiement des gens de guerre. Lettres d'octroi en date du 5 juin 1460 dans le compte de James Louet. Archives, KK 246 ; Œuvres du roi René, publiées par le comte de Quatrebarbes, t. I, p. 135-139. Le fait était connu en Italie dès le mois d'avril : le 30 Angelo de Amelia l'annonçait à Sforza (Archives de Milan, Francia dal... al 1470). Le 20 mai, il lui écrivait de Carpentras : In queste parte se commenza ad perdere ogni speranza che Re Renato posse may obtinere il reame, perche non ha possuto havere del Re de Franza succurso de gente e de gran somma de denari, como credeva, che solemente numeravit cinquanta milia franchi... (Idem, ibid.).
[68] Lettres du mois de mars 1460. Ordonnances, t. XV, p. 183.
[69] Lettre de Louis de Laval à Dresnay, en date du 27 mai 1460. Archives de Gênes, Litterarum, 22, à la date. Mêmes plaintes dans une lettre du roi René, en date du 14 juillet.
[70] Instructions données à Tours, le 6 juillet 1460, à Guy de Brilliac, Le Galois de Rougé, Jean de Rouville et Jean d'Estampes. Archives de la Loire-Inférieure, Armoire A, cassette F, n° 14 ; Ms. fr. 2714, f. 146 ; Fontanieu, 123-124.
[71] Original aux archives de Milan, Francia, Corrisp. con Carlo VII, etc.
[72] Et se la trovara el contrario, son contento che allora la Maiestà Vestra non dagli piu credito ne fede a le mie parole. Copie du temps et minute latine aux Archives de Milan, Dominio Sforzesco, 1460, janvier-décembre ; copie moderne à la Bibl. nationale, ms. ital. 1649, f° 5.
[73] Nous avons trouvé aux archives de Milan un texte italien du traité, portant la date du mois d'août. Francia dal... al 1470.
[74] Instructions à Antoine Haveron, docteur en decret, protonotaire apostolique, etc., conseiller du duc de Bourgogne, en date du 28 avril 1460. Texte français et traduction italienne aux archives de Milan, Burgogna.
[75] Voir Lettres de Louis XI, t. I, p. 120, 292-293, 304-305, 307, 310, 322-324.
[76] Le 3 juin 1460, de Genappe, le Dauphin écrivait à Sforza pour confirmer les pleins pouvoirs donnés par lui à ses bien aimés conseillers Jacques de Valpergue, son chambellan, et Gaston du Lyon, son premier écuyer tranchant, negociandi, tractandi et concludendi que inter vos et nos per supradictum Guastonem tractata fuere. Il lui demandait en même temps de protéger Jacques de Valpergue contre le duc de Savoie, qui portait le ravage sur ses terres. Lettres de Louis XI, t. I, p. 120, d'après l'original aux archives de Milan.
[77] Mandatum ad Prosperum de Camulis. Original, Archives de Milan, Dominio Sforzesco, portefeuille d'août 1460.
[78] Archives de Milan, Francia dal... al 1470 ; éd. Lettres de Louis XI, t. I, p. 324-326.
[79] Vogli li capitali et contracto sia facto per mano de notaro et possa sottoscripti per man propria de Monsignore Delphino.
[80] Perô te sforza presto concludere et sigillare et venire via, sforzandote de intendere ben la mente, disposicione et penseri suoy.
[81] Avisandone integramente del stato et condicione d'esse monsignore Delphin et monsignore de Bergogna, et de le cose de Ingliterra et de Franza, tante particularmente quanto sia possibile, et cossi de ogni altra cosa che tu senteray della, etc.
[82] Original aux archives de Milan, Burgogna.
[83] Me disse como li cavalli et arcieri de Anglia ad marzo erano per passare in Franza.
[84] Me damandi molto studiosaniente de uly, de vostro barba, et tute le condicione vestre.
[85] Archives de Milan, Burgogna.
[86] Original aux archives de Milan ; Lettres de Louis XI, t. I, p. 236-30. Ce traité se trouve dans Lünig, Codex Italiæ diplomaticus, t. III, col. 622, et dans Du Mont, Corps diplomatique, t. III, part. I, p. 267.
[87] ..... Illustrissimum an excellentissimum principem avunculum nostrum carissimum.
[88] Dans le texte italien, il y avait : Ma questo non se intende contra il suprascritto serenissimo et chistianissimo Carlo, al presente Re de Franza, et patre d'esso prefate Monsignore Dalfino, perche a la Soa Maiestà ha portale et contiquamente porta singularissimo amore et affectione, devotione et summa reverentia. Et seria semper in adiuto et difexa del honore, stato et bent de la Soa Maiestà perche per sua gratia, benignità et clementià se tenne essere singularmente amate da quella. Dans le traité du 6 octobre, aucune réserve n'est faite à l'égard de Charles VII.
[89] Dans le texte italien, cette clause ne devait avoir son effet qu'après la mort de Charles VII, et le duc de Milan s'engageait, de son côté, à mettre à la disposition du Dauphin, pour l'aider à se meure en possession du trime, six mille cavaliers et quatre mille fantassins. En outre, le nombre des gens de guerre que fournirait le Dauphin était del à celui des forces que le duc mettrait à sa disposition.
[90] Les clauses relatives à la perpétuité et à Valpergue ne se trouvaient pas dans le texte italien.
[91] Texte publié par M. Charavay, Lettres de Louis XI, t. I, p. 330.
[92] Lettres de Louis XI, t. I, p. 331.
[93] Lettres du duc à Jean de Croy, en date des 20 octobre et 10 novembre. Archives du Nord, B 2040, f. 161 v° et 163.
[94] Le 12 octobre, Anthune, poursuivant d'armes, part avec Jean Boudault et Jean Moulin, se rendant près du duc de Savoie pour les affaires du Dauphin. Archives du Nord, B 2040, f. 144-145.
[95] Archives du Nord, B 2040, f. 141 v°.
[96] Archives du Nord, B 2040, f. 156.
[97] Archives du Nord, B 2040, f. 151 et 154 v°. Cf. Jacques du Clercq, t. IV, ch. XIV.
[98] Archives du Nord, B 2040, f. 166 à 168 v°.
[99] Voir Livre des faits advenus au temps du Roi Louis XI, dans le Panthéon littéraire, p. 238.
[100] Cette délibération fut prise dans un Conseil on se trouvaient le duc de Bourbon, le comte du Maine, le comte de la Marche, le chancelier, l'évêque de Coutances, le maréchal de Lohéac, l'amiral de Bueil, le comte de Dammartin, le sire de Montsoreau, Guillaume Cousinot, Étienne Le Fèvre, Jean Bureau, Pierre Boriole et Étienne Chevalier. Ms. fr. 5040, f. 213.
[101] Livre des faits, etc., p. 239. L'arrestation fut faite sous couleur d'aucunes injustices ou abus qu'on lui mettoit sus qu'il faisoit en exerçant son office. Le chroniqueur ajoute que les recherches faites dans les papiers du prévôt de Paris n'amenèrent aucune découverte compromettante.
[102] Les historiens anglais donnent d'affreux débits sur ces exécutions et sur le meurtre du jeune fils du duc d'York, Edmond, comte de Rutland, tué par lord Clifford.