HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE VI. — CHARLES VII PENDANT SES DERNIÈRES ANNÉES. - 1454-1461.

 

CHAPITRE XIII. — POLITIQUE DE CHARLES VII EN ANGLETERRE. - SUITE DES DÉMÊLÉS AVEC LE DUC DE BOURGOGNE.

 

 

1458-1459.

 

Marguerite d'Anjou au pouvoir ; elle se réconcilie un moment avec le duc d'York ; ouvertures faites par ce prince au Roi, qui les repousse. — Relations du duc de Bourgogne avec le parti Yorkiste ; menaces d'invasion des Anglais. — Double négociation ouverte par le gouvernement anglais avec Philippe le Bon et avec Charles VII ; Wenlock et Gallet à Mens, puis à Rouen ; leurs propositions sont transmises au Roi ; réponse qu'il y donne ; intelligences secrètes de Wenlock avec la duchesse de Bourgogne. — Philippe le Bon fait ses préparatifs pour résister à une attaque de Charles VII ; la guerre parait imminente. — Naissance de Joachim, fils du Dauphin ; lettre du Dauphin à son père ; réponse du Roi : — Affaire du Luxembourg ; Charles VII agit comme soigneur du duché ; échange des ratifications du traité ; le Roi songe à donner le duché à son fils Charles ; adhésion du duc Guillaume de Saxe à ce dessein. — Démarches multipliées du duc de Bourgogne à la Cour de France ; ambassade de Toison d'Or ; le duc apprend que le bailli Longueval veut introduire à Amiens des gens du Roi ; mission du comte d'Étampes ; arrestation du vidame d'Amiens. — La situation en Angleterre : le guerre recommence entre les deux partis ; défections dans l'armée Tunisie, qui se disperse ; triomphe de la reine ; expédition de Somerset à Calais ; il échoue et reste bloqué à Guines. — Retour de Toison d'Or de son ambassade ; au moment de le faire repartir, le duc apprend l'envoi d'une ambassade de Charles VII ; arrivée de l'évêque de Coutances, — Discours de l'évêque de Coutances et de l'évêque de Tournai ; réplique faite au nain du Roi ; réponse du duc sur l'affaira du Luxembourg. — Déclaration dos ambassadeurs au Dauphin ; réponse de ce prince.

 

Nous avons vu que, au mois d'octobre 1456, Marguerite d'Anjou avait réussi à reprendre possession du pouvoir[1]. Les rivalités ne cessèrent point, mais, durant quelque temps, elles ne dégénérèrent point en lutte ouverte. La reine tenait son mari éloigné de Londres, afin de le soustraire à la domination du duc d'York. Au commencement de 1458, une tentative eut lieu pour réconcilier la reine et le duc. Dans un grand conseil tenu à Londres le 14 février, un arrangement intervint, et la paix fut assurée pour une année[2]. Le comte de Warwick, l'ami du duc de Bourgogne, restait maitre des forces navales ; il en profita pour détruire une flotte de vingt-huit vaisseaux espagnols qui croisait dans la Manche[3]. Sans cesse les Anglais redoutaient de voir Charles VII opérer une nouvelle descente sur leurs côtes[4]. Vers le mois de mai, le duc d'York fit des ouvertures à Charles VII, lui promettant de grands avantages s'il consentait à le soutenir dans sa querelle avec la reine ; ces propositions furent repoussées[5]. Au mois de juin, des conférences furent tenues à Calais entre le comte de Warwick et des ambassadeurs du duc de Bourgogne[6], qui ne tarda pas à envoyer une ambassade en Angleterre[7]. Il est fort probable que, dès ce moment, une convention secrète fut passée par le duc avec le parti Yorkiste. Les pourparlers entamés à Calais et à Londres se poursuivirent à Bruges, au mois d'août[8]. Il n'était bruit alors en France que d'une descente des Anglais sur les côtes de Cotentin et sur d'autres points : nous voyons Charles VII prendre des mesures énergiques pour repousser cette invasion[9].

Ici se place une négociation assez obscure, poursuivie par les Anglais à la fois avec le duc de Bourgogne et avec Charles VII. Le 29 août une ambassade débarquait à Anvers ; elle se composait de Jean Wenlock, ancien chambellan de la reine, qui, après la bataille de Saint-Alban, s'était jeté dans le parti Yorkiste, et de Louis Gallet, maître des requêtes de l'hôtel de Henri VI[10]. Après avoir visité le duc de Bourgogne, elle avait mission de se rendre à Rouen pour s'y rencontrer avec des représentants de Charles VII[11]. Le duc de Bourgogne reçut les ambassadeurs anglais à Mons, à la fin d'octobre[12]. Le bruit courait qu'ils venaient lui faire des propositions d'alliance et négocier le triple mariage de la fille du comte de Charolais et des princesses de Bourbon et de Gueldre avec les fils du roi d'Angleterre, du duc d'York et du duc de Somerset[13]. De Mons, les ambassadeurs, munis d'un sauf-conduit que leur apporta Maurice Doucereau, serviteur de Pierre de Brezé[14], se mirent en route pour la Normandie.

Les négociations s'ouvrirent à Rouen, au mois de décembre, entre Wenlock et Gallet, et les commissaires désignés par Charles VII, savoir Louis d'Harcourt, archevêque de Narbonne, Pierre de Brezé et Jean Le Boursier. On examina les moyens d'arriver à une pacification. Les ambassadeurs anglais se déclaraient disposés à traiter de la paix par tous bons moyens honorables et raisonnables ; ils proposaient, pour y parvenir, de conclure plusieurs mariages : ceux de la fille du Roi et des filles du duc d'Orléans et du comte du Maine, avec le fils du roi d'Angleterre et des fils des ducs d'York et de Somerset ; ils demandaient que, en vue de faciliter les négociations, on conclût une trêve, soit d'un an, soit de deux ou trois ans, à la volonté des deux princes.

L'affaire fut portée devant le Roi et mise en délibération, au sein de son Conseil, le 31 décembre 1458. On décida que, pour répondre au désir exprimé, à plusieurs reprises, par le Saint-Siège, il était à propos d'entrer en négociations, dans le but d'arriver, par toutes bonnes, honorables, licites et raisonnables voies, à la conclusion d'une paix finale. Le Roi faisait dire aux ambassadeurs anglais qu'il consentait à examiner les propositions relatives aux mariages ; que, bien qu'il trouvât un peu étrange la proposition concernant la trêve, il ne refusait point de l'accueillir, et que, quand il verrait des gens ayant désir, vouloir et pouvoir de icelle paix trouver et traiter, il ne refuserait nuls moyens raisonnables de parvenir à icelle. Cette réponse fut transmise aux ambassadeurs anglais le 15 janvier 1459[15].

Wenlock et Gallet retournèrent en Angleterre par Boulogne[16]. Avant de s'embarquer, ils écrivirent au duc et à la duchesse de Bourgogne pour les mettre au courant de leurs négociations avec le Roi. En même temps Wenlock recommandait au duc qu'il gardât et entretînt Monseigneur le Dauphin, sans soi en défier pour chose quelconque ; il l'assurait que ceux de la partie de France désiraient beaucoup plus avoir trêves entre les deux royaumes que ne faisoient ceux de la partie d'Angleterre. Le motif en était, selon lui, que, si lesdites trêves étaient prises, le passage des Anglais sema rompu de venir à l'aide de Monseigneur le duc, si besoin et nécessité lui en était pour guerre ou autrement. — La duchesse de Bourgogne répondit à Wenlock qu'elle et, son mari étaient tout disposés à poursuivre les négociations quand le roi d'Angleterre et le duc d'York leur enverraient des personnes habiles à conduire de telles matières, mais qu'il ne devait s'attendre à recevoir aucune communication jusqu'à ce qu'elle fût mieux informée des intentions du roi et du duc[17].

Charles VII avait fait accompagner les ambassadeurs par son héraut Maine, chargé de rapporter la réponse du gouvernement anglais. A leur arrivée à Londres, loin de travailler à la pacification, les ambassadeurs mirent tout le monde en émoi par l'annonce que Charles VII préparait une armée pour assaillir l'Angleterre[18]. Cependant, au mois de mars, il était encore question de la venue d'une ambassade en France[19]. Mais c'était avec le duc de Bourgogne que les négociations devaient se poursuivre[20], et, dès ce moment, le duc avait résolument pris parti en faveur des Yorkistes et contre la reine. La lutte s'établissait, là comme ailleurs, entre la politique française et la politique bourguignonne.

 

Au début de l'année 1459, tandis que ses ambassadeurs sont encore auprès de Charles VII, nous voyons le duc de Bourgogne prendre ses mesures dans l'éventualité d'une rupture. Les bruits qui lui viennent de France ; certains vers qui circulent jusque dans son hôtel, et où l'on fait allusion aux projets hostiles du Roi[21] ; les avis qu'il reçoit secrètement[22], tout l'engage à se tenir prêt. Au mois de février, le duc Louis de Bavière et le comte de Wurtemberg viennent le visiter à Bruxelles, où ils séjournent pendant quinze jours[23]. Philippe est en correspondance avec l'évêque de Liège et avec l'archevêque de Cologne[24]. A peine ses ambassadeurs sont-ils de retour, que, craignant une attaque du côté du Luxembourg[25], il mande auprès de lui ses deux plus intimes conseillers : Antoine de Croy, qui était alors en Picardie[26], et Jean de Croy, revenu à Mons après son ambassade[27]. Le 15 avril, un chevaucheur de son écurie porte, en toute diligence, des lettres closes aux nobles et aux bonnes villes du duché de Luxembourg, afin qu'ils fussent sur leurs gardes pour aucunes nouvelles qui lui étaient survenues[28]. Le 24, nouvelles lettres closes à plusieurs chevaliers et écuyers du même duché, pour leur ordonner de se mettre en armes, le plus secrètement possible, et de le venir servir quand il les manderait[29]. Le même jour, le duc appelle à lui tous ses baillis de Flandre. Apprenant que les Liégeois ont envoyé une ambassade au Roi, il écrit à l'évêque de Liège de se rendre auprès de lui[30]. Enfin, il fait contracter en Bourgogne un emprunt de vingt mille écus d'or[31].

Au mois de mai, la guerre parait imminente[32]. Le duc s'attend à recevoir une déclaration du Roi relativement à la violation du traité d'Arras et à la non-exécution de certaines modifications apportées au traité lors du mariage du comte de Charolais avec Catherine de France : il ordonne à son chancelier de se transporter à Dijon, et d'y prendre tous les documents permettant d'élucider la matière et de s'opposer aux prétentions du Roi[33]. En même temps, il fait déposer dans les archives de son palais ducal un duplicata de l'original des lettres apostoliques qu'il vient d'obtenir du Pape, et par lesquelles Pie II renouvelait les déclarations de ses prédécesseurs contre les infracteurs du traité d'Arras[34]. Le 5 juillet ; Philippe mancie Toison d'Or, et lui donne l'ordre de se rendre auprès de Charles VII, au sujet de l'affaire du Luxembourg[35]. Le 12, il appelle tous ses baillis de Flandre et de Hollande, comme s'il s'agissait d'une prise d'armes[36] ; il correspond sans cesse avec le Dauphin[37].

Sur ces entrefaites, un événement d'une certaine importance s'accomplit à Genappe : Le 27 juillet, la Dauphine mettait au monde un fils[38]. Le duc fut parrain de l'enfant, et ordonna à cette occasion des réjouissances publiques[39]. Le Dauphin s'empressa d'écrire à son père : Mon très redouté seigneur, disait-il, vous plaise savoir qu'il a plu à notre benoît Créateur et à la glorieuse Vierge, sa mère, délivrer cejourd'hui au matin ma femme d'un beau fils ; et le remercie très humblement de ce que, par sa clémence, il lui a plu si bénignement me visiter et donner connaissance de ses infinies grâces et bontés. Lesquelles choses, mon très redouté seigneur, je vous signifie en toute humilité, afin de toujours vous donner à connaître mes nouvelles, et mêmement quand elles sont bonnes et joyeuses, comme raison est et tenu y suis[40]. Le même jour, le Dauphin fit part de la nouvelle à son frère, à sa sœur la princesse de Piémont, aux princes du sang, à l'évêque et à la ville de Paris, au Parlement, à la Chambre des comptes, à plusieurs seigneurs et à toutes les bonnes villes du royaume[41].

Charles VII reçut froidement la communication du Dauphin : Très cher et très amé fils, lui écrivit-il de Champigny, à la date du 14 août, nous avons reçu vos lettres, par lesquelles nous faites savoir que, le vingt-septième jour du mois de juillet dernier passé, notre très chère et très amée fille la Dauphine fut délivrée d'un beau fils. Nous nous donnons bien merveille que par avant ne nous avez aucune chose notifiée de sa grossesse, car, combien que ne soyez par devers nous comme dussiez être et que de tout notre cœur le désirons, ainsi que plusieurs fois le vous avons fait savoir, ce nonobstant que vous n'en eussiez averti, nous eussions volontiers envoyé devers elle pour y faire et garder[42] les formes et solennités en tel cas requises et accoutumées en la maison de France. Et nous semble bien que désormais serait temps que vous avisassiez de vous conduire et redresser envers nous comme y êtes tenu et que, pour votre bien et honneur, devez sur toutes choses désirer[43].

Le ton de cette lettre montre assez que Charles VII était décidé à en finir. Un agent de Sforza, bien placé pour être informé de ce qui se passait en France, lui écrivait à la date du 2 juillet : Le Roi a l'intention de faire la guerre au duc de Bourgogne[44].

 

C'était toujours l'affaire du Luxembourg qui semblait devoir mettre le feu aux poudres. Philippe n'ignorait pas que Charles VII était désormais — comme les ambassadeurs Saxons l'écrivaient à ce prince à la date du 11 avril — le vrai seigneur du duché et des comtés[45] ; il avait dû être informé de la nomination faite par Charles VII d'Adam de Dalstein comme prévôt de Thionville[46], et de Geoffroy de Saint-Belin comme gouverneur du duché de Luxembourg[47], aussi bien que de l'envoi d'une nouvelle ambassade à la cour de Saxe. Le 24 avril, le Roi avait fait partir Thierry de Lenoncourt et Nicolas du Breuil[48], chargés d'une double mission : ils devaient opérer le paiement de dix mille écus sur les cinquante mille, conformément au traité du 20 mars, et rapporter les lettres de ratification du duc et de la duchesse de Saxe. Le 31 mai, à Coblenz, en présence des ambassadeurs, Antoine Raguier, trésorier des guerres, comptait les dix mille écus à Pierre Knorre et aux autres représentants du duc Guillaume[49] ; le 23 juin, le duc et la duchesse donnaient leurs lettres de ratification[50]. Nous avons une lettre sans date, mais qui fut écrite à ce moment par le duc Guillaume à Charles VII. Il le remerciait, en son nom et au nom de sa femme, d'avoir pris leur cause en main ; si le Roi n'avait interposé sa puissance pour venger leur injure, nul autre ne s'en serait chargé ; il avait appris avec joie que le Roi songeait à. donner le duché de Luxembourg à son fils Charles. Si quelque jour, disait-il, votre illustre fils, mon très cher cousin, est incorporé parmi les princes de la nation allemande, moi vivant, je n'aurai de repos que je n'aie mis à exécution, Dieu aidant, tout ce que je pourrai concevoir pour la gloire de Votre Majesté et l'extension de sa domination[51]. Les relations de Charles VII avec le duc de Saxe se poursuivirent dans le courant de cette année. Après avoir reçu la ratification du traité du 20 mars, le Roi donna à son tour ses lettres confirmatives[52]. Le 6 septembre, il écrivait au duc pour le remercier du zèle que lui et la duchesse sa femme témoignaient en faveur de la Couronne et lui annoncer l'envoi de la ratification du traité[53].

 

On a vu plus haut que Toison d'Or avait été envoyé à la cour de France. Quel allait être le résultat de son ambassade ? Le duc de Bourgogne était décidé à suivre jusqu'au bout la voie des négociations. Le 13 août, il faisait partir son héraut Pontarlier, avec des lettres pour l'évêque de Coutances et le comte de Dunois : le héraut avait charge de rapporter la réponse[54]. A ce moment le duc reçut un message du duc de Milan qui, en rompant avec Charles VII, cherchait à nouer des relations avec tous tes adversaires de ce prince[55].

A. travers ses perplexités sur l'attitude que va prendre le Roi, le duc apprend tout à coup que le bailli de Charles VII à Amiens, Arthur de Longueval, d'accord avec quelques habitants de cette ville, se prépare à y introduire des gens de guerre. Philippe envoie à la hâte sou neveu, le comte d'Étampes, pour déjouer le complot. A l'arrivée du comte, le bailli se jette dans un petit bateau sur la Somme et parvient à s'échapper. Le comte d'Étampes fait appréhender le vidame d'Amiens, Jean d'Ailly, son beau-frère, qui était l'époux d'une fille bâtarde du duc, et l'envoie à celui-ci, lequel fait mettre le vidame en prison. Grand émoi à la cour de Bourgogne : on se demande quel peut être le motif de cet emprisonnement. Le vidame était besogneux ; il devait de grosses sommes au comte du Maine ; on redoutait, qu'il ne se laissât entraîner, pour se libérer, à céder à ce prince son château de Picquigny. Le comte d'Étampes s'empressa de mettre à Picquigny une forte garnison[56].

La lutte qui se poursuivait en Angleterre entre les partis rivaux avait son retentissement dans les relations de Charles VII et de Philippe le Bon. Le duc avait sans cesse les yeux tournés de ce côté[57]. Or, dans le courant de l'année 1459, de graves événements vinrent modifier la situation. La guerre civile se ralluma. Lord Audley, envoyé par la reine Marguerite pour procéder à l'arrestation du comte de Salisbury, père du comte de Warwick, fut battu à Bloreheath (23 septembre). La reine prit les armes, entraînant son mari à la tête de ses troupes. De leur côté, le duc d'York, le comte de Salisbury, le comte de Warwick, accourus de Calais, marchèrent contre la reine. Le 12 octobre, les deux armées étaient en présence, et l'on n'attendait que le moment d'en venir aux mains. Sur l'initiative de Marguerite, une proclamation fut lancée au nom de Henri VI, promettant le pardon aux rebelles ; cette proclamation produisit un effet inespéré. André Trolop, l'un des capitaines venus de Calais eu compagnie du comte de Warwick, abandonna l'armée Yorkiste et se rangea sous la bannière du Roi avec son corps de troupes, livrant le plan des confédérés. Le débandade se mit dans leur camp : jetant leurs étendards, ils s'enfuirent de tous côtés. Le duc d'York, avec son second fils, le comte de Rutland, gagna le pays de Galles ; son fils aîné, le comte de March, et les comtes de Salisbury et de Warwick prirent la route du Devonshire, où ils s'embarquèrent pour Guernesey, et firent voile ensuite vers Calais[58]. Aussitôt la reine assembla le Parlement à Coventry. Le 20 novembre, le duc d'York et ses partisans étaient déclarés traîtres à la couronne ; le commandement de la flotte était donné au duc d'Exeter ; le jeune duc de Somerset remplaçait Warwick comme capitaine de Calais. Bientôt une expédition fut entreprise pour aller occuper cette ville : le duc de Somerset partit en compagnie de lord Roos et de lord Audley. Mais Warwick était déjà arrivé à Calais : Somerset se vit refuser l'entrée du port ; il prit terre à Scale's Ctiff, et alla s'installer à Guines. Une cruelle humiliation l'attendait : à peiné était-il débarqué que les commandants de ses navires allèrent offrir leurs services au comte de Warwick, auquel ils livrèrent les seigneurs lancastriens restés à bord, qui furent décapités. Le duc de Somerset se trouva enfermé à Guines ; lord Audley était aux mains de Warwick ; lord Roos avait pu gagner la Flandre. Si la reine Marguerite avait réussi à se rendre maîtresse du pouvoir, le parti Yorkiste restait redoutable : il disposait de la flotte, et il avait pour lui la force qui réside dans la sympathie populaire[59].

En revenant de son ambassade auprès de Charles VII, Toison d'Or n'avait rapporté aucune nouvelle satisfaisante[60], et le duc de Bourgogne s'apprêtait à le faire repartir pour la France[61] quand il apprit que Charles VII se disposait à lui envoyer une ambassade. Le Roi avait désigné, comme chef de cette ambassade, Richard Olivier, cardinal-évêque de Coutances, que nous avons vu deux ans plus tôt chargé d'une mission analogue ; il était accompagné par Jean du Mesnil Simon, bailli de Berry ; François Hallé, premier valet tranchant du Roi, et Jean Le Roy, l'un de ses secrétaires[62].

Le 21 décembre l'évêque de Coutances prononça un long discours[63]. Reprenant l'argumentation développée par les ambassadeurs du duc de Bourgogne, au mois de février précédent, il divisa sa harangue en trois points : Que doit être le duc envers le Roi ? Qu'a-t-il été ? Quelle conduite le Roi entend-il que le duc tienne à son égard ?

Or donc, Monseigneur, dit-il, j'ai à vous dire et déclarer premièrement quel vous êtes envers le Roi et ce que lui devez. Et, pour particulariser ce premier point, je considère que vous êtes en trois grandes singularités et spéciales qualités envers le Roi notre souverain seigneur : la première, que vous êtes issu de la très digne et très chrétienne Maison de France et attenez le Roi en prochaineté de lignage ; la seconde, que vous avez été issu deux fois pair de France, et comme duc de Bourgogne et comme comte de Flandre ; la troisième, que vous êtes vassal du Roi à cause de plusieurs grandes et notables seigneuries et fiefs que tenez dans le royaume. Par raison de la première, vous devez honorer le Roi naturellement ; par raison de la seconde, vous le devez aimer et être uni avec lui inséparablement ; et, par raison de la troisième, vous le devez servir et obéir.

L'évêque développa longuement le premier point. Sur le second, tout en reconnaissant les services rendus par le duc et en le félicitant de la gloire qu'il s'était acquise, il revint sur les motifs de plainte que le duc avait donnés au Roi : il avait reçu le Dauphin dans ses États ; il avait conclu des trêves avec les Anglais sans l'assentiment du Roi ; il avait méconnu, dans celles de ses seigneuries qui dépendaient du royaume, l'autorité du Roi et du Parlement. Le premier point touchait l'honneur paternel du Roi ; le second à son autorité royale ; le troisième à sa souveraineté et à sa justice. Et comme preuve à l'appui, l'évêque apportait par écrit l'énumération de vingt-huit attentats commis par les Anglais, à l'ombre des trêves, contre les sujets du Roi ; de vingt-deux cas d'excès, de vingt-neuf cas de désobéissance, de treize entreprises contre l'autorité du Roi et de son Parlement,

Arrivant au dernier et principal point de son discours, l'évêque poursuivit en ces termes :

Monseigneur, le Roi veut et désire de tout son cœur que vous connaissiez clairement, et en toute douceur, amour et charité, sa vocation et la vôtre. Vous êtes son prochain parent, issu de la Maison royale : faites-lui donc honneur et révérence en toute humilité et bonté du cœur. Vous êtes, sous lui et sous sa digne Couronne, eu excellente dignité de pairie, et par deux fois : soyez donc joint et uni avec lui inséparablement, en vraie amitié et parfaite union, gardant l'ordre de majorité et minorité par entre vous, ainsi qu'il appartient. Vous êtes son sujet et vassal, très puissant et très honorable : veuillez donc le servir et lui obéir, et lui donnez conseil, confort et aide en toutes choses, ainsi que raison est. Et pour abréger, veuillez, mon très redouté seigneur, être au Roi, par effet, à toujours, bon et vrai parent, franc et loyal, pair humble et obéissant vassal, afin qu'il vous trouve et soyez envers lui tel que lui avez fait dire par vos ambassadeurs, c'est assavoir qu'il vous trouvera bon, vrai, franc, loyal, humble et obéissant, car tel est le vouloir et intention du Roi que par effet vous soyez envers lui, et, tel vous trouver toujours le désire de tout son cœur. Et afin que toutes occasions de mécontentement et doléances soient totalement rejetées, faites en outre que, sur toutes les choses ci-dessus touchées, soit par vous donné bonne provision et apaisement, ainsi que les matières le requièrent, et que le Roi en soit content. Car je suis certain que, cela fait, et en vous mettant et en faisant votre devoir envers lui, ainsi que le devez et êtes tenu de le faire, vous trouverez le Roi si bon, si doux et si raisonnable envers vous que par raison en devrez être content. Et Dieu veuille que ainsi soit !

Ce fut l'évêque de Tournai[64] qui répondit à l'évêque de Coutances. Voici la substance de son discours[65].

Le duc de Bourgogne remercie le Roi de ce qu'il lui plaît de le tenir pour son très humble parent et parti de sa très chrétienne maison.  Le duc est en effet issu de la maison de France par trois fleurs de lis, et son duché de Bourgogne lui est venu par quatre Marguerites, lesquelles représentent les quatre vertus cardinales : prudence, force, tempérance et justice[66]. Le Roi ne trouve pas que le duc l'ait honoré et revérencé comme il le doit en recevant le Dauphin dans ses pays et en l'y retenant : le duc déplore que le Roi ait cette imagination, car, autrefois, il s'est fait excuser à ce sujet, protestant qu'il n'avait rien su de la venue du Dauphin jusqu'à son arrivée et l'affirmant par serment ; ce que le duc avait fait, il l'avait fait pour l'honneur du Roi, car l'honneur rendu au Dauphin est un honneur rendu au Roi. Si, par suite de sinistres rapports, le Dauphin se trouve éloigné du Roi, le duc espère que, par la grâce de Dieu, le Roi, mieux informé, sera content de son fils. Le duc n'a rien épargné, d'ailleurs, pour persuader au Dauphin de complaire au Roi ; il n'est point las de continuer et de s'y employer de très bon cœur, avec l'aide de Dieu ; il conseille au Roi d'user envers son fils de douceur et prudence plutôt que de rigueur : s'il plaît au Roi de lui témoigner sa clémence, le Dauphin fera ce que requiert l'amour paternel.

Le duc ne nie pas que le Roi soit son chef, ni qu'il ne lui doive amour et union ; mais il n'admet pas que cet amour ait été refroidi par les trêves qu'il a prises avec les Anglais ; il a protesté et proteste encore contre les accusations dont il a été l'objet à cet égard. Comment peut-on lui reprocher ce qui est plutôt à sa louange ? Il n'a pris ces trêves que pour les pays voisins de Calais, et à trois mois de dédit, afin de demeurer intact pour pouvoir servir le Roi, s'il eût plu à celui-ci, comme, par sa très ardente amour, il désirait et encore le désire faire. C'est parce que le duc fut averti que le mariage du roi d'Angleterre se faisait contre lui, et pour partager ses terres avec les Anglais, qu'il a dû prendre les moyens de préserver ses sujets : en cela il n'a fait chose qui soit à reprendre et qui doive déplaire au Roi. En concluant des trêves avec les Anglais, il a constamment excepté les sujets du Roi, et n'a donc nui en rien aux intérêts du royaume. D'ailleurs, eu vertu du traité d'Arras, il est dispensé de servir le Roi, et libre de faire la guerre à ses ennemis, si cela lui plaît, tant dans le royaume qu'au dehors.

On prétend que le Roi est seigneur et que le duc est son sujet, à cause des belles et notables pairies et autres seigneuries qu'il tient de la Couronne. Le duc reconnaît cette souveraineté ; mais, s'il doit obéissance et service, c'est dans les limites de son exemption. On veut obliger le duc à respecter les arrêts du Parlement ; mais le Parlement ne remplit pas les conditions de la justice : les réformes promises par le Roi, qui, pour les opérer, devait appeler le duc et les autres princes du sang, n'ont jamais été faites ; mais la juridiction du Parlement ne s'étend point hors du royaume. Le duc ne saurait donc tolérer les empiètements que font chaque jour les seigneurs de cette Cour : c'est une usurpation sur sa seigneurie.

Le Roi, prétend être honoré par le duc comme un fils à l'égard de son père, et il entend qu'il lui obéisse comme un sujet obéit à son seigneur. Mais le Roi oublie que, aux termes du traité d'Arras, le duc n'est tenu de faire foi, hommage eu service ni pour les terres. qu'il tient présentement du royaume de France, ni pour celles qui lui doivent échoir dans le royaume, soit en vertu du traité, soit par succession. Le duc entend demeurer inséparablement uni au Roi ; il le supplie de le tenir toujours en sa bonne grâce. Ce n'est pas de son côté, au plaisir de Dieu, que viendra la rupture ; il reconnaît que le Roi est seigneur et souverain de son royaume ; mais le loi ne peut ignorer le privilège de son exemption.

Si les gens et officiers du duc ont commis des actes dignes de répréhension, le duc veut les faire réparer, tant et si avant qu'il appartiendra, et tant en faire que par raison le Roi devra être content.

Si vous plaise très révérend père en Dieu et vous, très honorés seigneurs, dit l'évêque en terminant, faire au Roi sur tout tel rapport que la bonne paix et concorde, la bonne amour et union que Dieu a mis en ce royaume y puisse toujours persévérer ; car c'est celle sans laquelle on ne peut salut acquérir ; témoin saint Paul qui dit : Pacem sequamini cum omnibus, sine qua nemo videbit Deum. C'est la chose dont se glorifioit ce grand roi Assuérus, car, combien qu'il fût tant puissant que nul 'félon pareil à lui, il ne vouloit oncques toutefois abuser de sa puissance ; mais en bénigne clémence et tranquillité de paix conduisit toujours ses sujets.

Les ambassadeurs de France répliquèrent à l'évêque de Tournai[67]. Le duc de Bourgogne n'avait pas de motifs suffisants pour prendre des trêves avec les Anglais ; il ne pouvait conclure ces trêves sans le congé du Roi ; le traité d'Arras n'autorise pas le duc à se servir de ceux de ses sujets qui habitent le royaume soit au dedans soit au dehors, car l'article en question doit s'entendre d'une guerre licite et même entreprise par l'autorité ou congé du souverain. Les trêves générales de France et d'Angleterre, dans lesquelles était compris le duc, étaient conclues quand le duc a fait sa trêve particulière, et elles furent faites en vue du mariage : d'où il résulte que le traité de mariage n'était point fait avec l'intention de nuire au duc et que celui-ci n'avait aucun besoin de prendre trêve avec les Anglais. De même que, en vertu du traité d'Arras, le Roi ne peut faire traité ni paix avec les Anglais en dehors du duc, de même le duc ne peut le faire en dehors du Roi : or ladite trêve est une paix à temps. Le Parlement est une notable cour, pourvue par le Roi de gens notables, ainsi qu'il pouvait le faire de sa seule autorité et sans le concours de princes de sang ou d'autres.

Les discussions se poursuivirent longuement entre les ambassadeurs et les conseillers du duc, sans apporter au débat aucun élément nouveau : c'étaient, de part et d'autre, les mêmes reproches, les mêmes dénégations. Plus on discutait, moins on était près de s'entendre[68].

L'affaire du Luxembourg fut débattue dans un mémoire spécial, où la question était traitée à fond.

Le duc contestait le droit que le Roi prétendait avoir sur le duché de Luxembourg qui, ainsi que lui-même l'avait reconnu, était une dépendance du royaume de Bohême. Or, Georges Podiebrad avait été élu roi de Bohême, et l'empereur, duquel ce royaume était tenu en fief, avait approuvé son élection. Le duc n'avait point eu connaissance que le duc et la duchesse de Saxe eussent revendiqué le duché de Luxembourg comme héritiers du roi Ladislas, ni qu'ils eussent contesté l'élection de Georges Podiebrad, avaient au contraire reconnu comme roi de Bohême. Quant à l'acquisition du duché de Luxembourg par le Roi, le duc était convaincu que celui-ci n'avait point agi en cela de son chef, car il le savait être si franc et si honorable qu'il ne l'eût jamais fait, mais qu'il avait cédé aux conseils de certains haineux et malveillants du duc, qui avaient voulu trouver matière à un conflit entre le Roi et le duc. D'ailleurs, le duc et la duchesse de Saxe n'avaient point qualité pour vendre le duché de Luxembourg pour que le traité de cession pût être valable, il eût fallu qu'il fût fait par l'autorité de l'empereur et que celui-ci y eût donné son consentement ; le duché était inaliénable, comme membre inséparable de la couronne de Bohême. En acceptant le transport, le Roi aurait pu être noté de vouloir entreprendre sur le duc, qui est son parent et très humble serviteur : il n'est point admissible que le Roi ait voulu le faire. Le duc se confiait en la bonté du Roi et était persuadé qu'il se déporterait de l'acceptation par lui faite et laisserait le duc jouir en paix du duché de Luxembourg, comme il devait le faire ; de son côté le duc, conformément à ce qu'il avait fait dire à Vendôme par ses ambassadeurs, serait toujours prêt, quand le Roi en aurait besoin et qu'il l'en requerrait, à le servir, non seulement en raison du duché, mais de toutes ses autres terres et seigneuries. Le duc repoussait donc les motifs allégués au nom du Roi relativement à l'acceptation du transport ; il réclamait que restitution lui fût faite de Thionville et des autres places du Luxembourg autrefois occupées par lui. Le duché lui appartenait à titre de bonne et juste gagerie, et les lettres de gagerie portaient que le duc n'était tenu de le rendre qu'au duc de Luxembourg, roi de Bohême. Or, le roi de Bohême actuel le réclamait comme membre de son royaume et en avait requis la délivrance par lettres patentes dont copie avait été envoyée au Roi. Il c'était donc point au pouvoir du duc de remettre le duché aux mains du Roi, comme celui-ci le demandait. Si le Roi persistait dans ses prétentions, il devrait tout d'abord s'adresser à l'empereur et obtenir de lui confirmation du transport dont il se prévalait ; et d'un autre côté il devrait s'adresser au roi de Bohême pour avoir son consentement et lui réclamer les lettres de gagerie qu'il devait avoir pour les remettre au duc en temps et lieu. Le Roi pourrait alors demander au duc de lui restituer le duché de Luxembourg moyennant finances ; il le trouverait disposé à accueillir ses offres. Si le Roi ne se rendait point à ces raisons, le duc espérait qu'il voudrait bien prendre journée pour traiter l'affaire à l'amiable, de façon à ce qu'on pût arriver à une bonne et fructueuse conclusion[69].

Les ambassadeurs de Charles VII avaient été chargés de faire au Dauphin une déclaration ; ils la formulèrent en ces termes le 22 décembre :

Mon très redouté seigneur, vous savez que, par plusieurs fois, tant par les ambassadeurs que vous avez envoyés vers le Roi que par ceux de Monseigneur de Bourgogne envoyés à Saint-Symphorien d'Auzon et dernièrement à Montbazon, et aussi à nous autres en cette ville de Bruxelles, vous avez toujours dit et fait savoir au Roi que vous la deviez honneur et obéissance pour faire ce qu'un bon fils doit à son seigneur et père ; mais que l'on vous avoit fait certains rapports qui vous avaient donné des craintes, et que vous suppliiez le Roi de vous laisser en votre franchise et de patienter jusqu'à ce que ces craintes fussent dissipées. Le Roi nous a chargés de savoir de vous si le temps que vous avez demandé pour vous rassurer et vous mettre hors de ces craintes est écoulé. Le Roi désire le savoir, et ce n'est pas merveille, car il y a douze ou treize ans que vous ne fûtes en la présence de votre seigneur et père.

En outre, mon très redouté seigneur, le Roi nous a commandé de vous remettre en mémoire le grand devoir, et plus que devoir, en quoi il s'est mis envers vous. Vous savez, Monseigneur, que le Roi a toujours désiré et voulu que vous vinssiez devers lui, et mêmement accompagné des gens de votre hôtel, tels que bon vous semblera, pour deux causes : l'une parce que, sur toutes choses, il vous désire voir pour son plaisir et délectation ; l'autre pour votre bien et grand honneur. Et aussi il lui a toujours semblé que la plus couvenable manière pour dissiper les peurs et craintes, si vous en avez aucunes, est de les lui dire et déclarer. Et, le Roi a été content que, cela fait, vous puissiez demeurer ou vous en retourner, avec ceux de votre compagnie, où bon vous sernbleroit[70].

En présence de cette déclaration, le Dauphin se décida à faire un pas en avant. Il formula ses prétentions dans un mémoire portant ce titre : Effet des choses de quoi Monseigneur se contenteroit.

Le Dauphin offrait premièrement de requérir pardon, bien qu'il n'eût en rien offensé le Roi, et qu'il l'eût été, et qu'on lui eût Oté son pays de Dauphiné, — moyennant qu'on lui restituât son pays et qu'on lui rendît sa pension de vingt-quatre mille livres ; et en outre que le Roi lui promit qu'on n'entreprendrait rien contre sa personne ni contre ses serviteurs. — En second lieu, malgré le juste mécontentement qu'il avait à l'égard de plusieurs des officiers et serviteurs du Roi, le Dauphin offrait, si ceux-ci se voulaient employer pour ses besognes et affaires, de bien pardonner et d'ôter toute rancune et malveillance qu'il pourroit avoir contre eux, et de leur donner toutes les assurances qu'ils demanderaient. — En troisième lieu, le Dauphin offrait, pour obtenir la bonne grâce du Roi, pour laquelle il n'est rien à lui possible qu'il ne voulût faire, de le requérir, par lettres signées de sa main, en toute révérence et humilité, comme il appartenait, qu'il lui pardonnât toute déplaisante et malveillance qu'il pourrait avoir eue contre lui ; et, si cela ne suffisait pas, d'envoyer la Dauphine en personne pour solliciter le pardon du Roi. Enfin, si le plaisir du Roi était qu'il requît lui-même le pardon, il consentait à faire, à genoux, cette requête à celui que le Roi députerait vers lui[71].

 

 

 



[1] Voir plus haut, chapitre VIII.

[2] Voir Gairdner, Introduction aux Paston Letters, t. I, p. CXXXI-CXXXIII ; cf. Jean de Wavrin, éd. de Mlle Dupont, t. II, p. 187.

[3] 29 mai 1458. Voir Gairdner, p. CXXXIII et 428-29. Cf. Du Clercq, l. III, ch. XL.

[4] Voir Paston Letters, t. I, p. 425 ; cf. p. CXXXII ; Proceedings and ordinances, t. VI, p. LXXXII et 295.

[5] Rapport du comte de Foix à Louis XI, 6 août 1461, dans Duclos, Recueil de pièces, etc., p. 247-248.

[6] Le 14 mai, Henri VI donnait des pouvoirs au comte de Warwick et à d'autres ambassadeurs (Carte, Rolles gascons, t. II, p. 442) et un sauf-conduit aux ambassadeurs du duc (Rymer, t. V, part. II, p. 80). Ceux-ci furent employés à cette négociation du 27 mai au 1er juillet (Archives du Nord, B 2030, f. 235 v° et 245). Le 3 juin ils étaient à Calais (Paston Letters, t. I, p. 428), où, sous prétexte du renouvellement des trêves, ils agitèrent des questions politiques (Chastellain, t. III, p. 427-428).

[7] Sauf-conduits de Henri VI en date du 12 juillet 1458. 48th Report of the Deputy Keeper, p. 428 et 429.

[8] Sauf-conduits de Henri VI en date du 20 sont. 48th Report, p. 429.

[9] Document en date du 10 août 1458, publié par Delisle, Histoire de Saint-Sauveur-le-Vicomte, p. 345 : Lettres de Charles VII du 29 août. Archives, K 69, n° 28.

[10] Carte, Rolles gascons, t. II, p. 342 ; 48th Report, p. 429.

[11] Le 26 octobre, on porte de Vendôme un sauf-conduit à Jean Wenlock, à Rouen ; le 3 novembre, le Roi envoie un message à Pierre de Brué et à Jean Le Boursier. Cabinet des titres, 685, f. 212 v°.

[12] Le 24 octobre, le duc écrivait de Mons pour qu'on y ni venir les ambassadeurs, qui étaient alors à Bruxelles. Archives du Nord, B 2030, f. 267 v°. Cf. Jacques du Clercq, l. III, ch. XI.

[13] Rapport adressé à Charles VII, publié par Stevenson, t. I, p. 361 et suivantes. Cf. Jacques du Clercq, l. III, ch. XI ; le chroniqueur dit que ces propositions furent écartées par le duc.

[14] Mandat de paiement à Doucereau, pour son voyage, en date du 31 octobre 1458. Stevenson, t. I, p. 358.

[15] Les documents concernant ces négociations sont les suivants : 1° Copie des articles dont Wanelok envoya le double à Monseigneur de Bourgogne. Ms. fr. 5041, f. 130 ; éd. Stevenson, t. I, p. 300-377 ; 2° Rapport de l'archevêque de Narbonne. Ms. fr. 4054, f. 170 ; 3° Délibération du Conseil à Tours, le 31 décembre 1458, Baluze, Armoire I, vol. XVII, f. 11 ; M. La Roque, Histoire de la maison d'Harcourt, t. III, p. 525 ; 4° Rapport présenté au Roi par un de ses agents à la cour du dut de Bourgogne. Ms. fr. 5044, f. 34 ; éd. Stevenson, t. I, p. 361-369.

[16] On lit dans la chronique de Jacques du Clercq (t. III, ch. XLII) : Audict an aussy cinquante huict, environ la Chandeleur, revinrent les ambassadeurs d'Angleterre qui avaient este devers le Roy de France pour cuiller trouver alliance à luy par marriage un trefves ; et avaient mené plusieurs hacquenées en esperance de les donner ; mais la Royne ne voullut parler à eulx, ne homme de sen royaulme ne de sa cour prendre nulle de leurs hacquenées ; ains s'en retournèrent sans riens faire et ne passèrent point la ville de Rouen. — Les ambassadeurs anglais avalent été défrayés largement pendant leur séjour à Rouen : c'est ce qui résulte d'un ordre de paiement de 200 l. en date du 20 mars 1459. Pièces originales, 405 : BONNAIRE.

[17] Rapport présenté à Charles VII. Stevenson, t. I, p. 363 et suivantes.

[18] Ils ont tout esmeu la coste depuis le north jusques à west, disans que l'armée de France se preparoit de y venir à puissance. Rapport présenté à Charles VII. Stevenson, t. I, p. 367. — Le voyage du héraut Maine est également mentionné dans un rôle du 16 mars 1459 (Pièces originales, 1685 : LENONCOURT), et dans une quittance du 19 janvier 1459 (Ms. fr. 26085, n° 7193).

[19] On lit dans le rôle du 16 mars 1459 : A lui (Maine) la somme de IIIIxx X l. t., que ledit seigneur lui a ordonné pour ung voyaige qu'il fait presentement en Engleterre, pour porter le sauf-conduit aux embassadeurs qui doivent venir dudit pays devers ledit seigneur. — Les démêlés sur mer entre les deux pays étaient alors continuels. Nous voyons que, le 25 mai, Georges de Vouhec fut envoyé en Normandie pour faire la restitution de marchandises prises aux Anglais sur mer (Cabinet des titres, 685, f. 212), et que, le 22 juin, Henri VI délivrait un sauf-conduit à des marchands normands allant en Angleterre traiter de la rançon d'un Anglais fait prisonnier dans la Tamise près de Queensborough et emmené à Dieppe (48th Report, p. 430). Un peu auparavant, des navires anglais avaient été capturés sur la Gironde. La chose occasionna de longs débats. (Ms. fr. 26085, se 1277 ; Additional charters, au British Museum, n° 4085 ; Pièces originales, 474 : BOURSIER (le), n° 46 ; 2517 : ROCHEFOUCAULD (la) ; 447 : BOULENDIER.)

[20] Sauf-conduit de Henri VI à deux conseillers du duc de Bourgogne, en date du 10 avril 1459. Carte, l. c., t. II, p. 344 ; 48th Report, p. 434.

[21] Le poète, qui n'était autre que Georges Chastellain, mettait ces paroles dans la bouche du Roi (Voir Œuvres, t. VI, p. 217-218) :

Boutte où tu veux feu, en paille ou eu feurre,

Petit je crains ton fier bras sagittaire.

Mais je vivrai Roy regnant solitaire

S'il plaist à Dieu qu'en vain je ne labeure.

[22] Pendant le séjour des ambassadeurs en France, le duc correspond sans cesse avec eux (lettres des 7 et 27 février, 3 mars) et communique au Dauphin et au comte de Charolais les nouvelles qu'il reçoit. Archives du Nord, B 2034, f. 103, 107, 109, 113 v°, 114.

[23] Du 22 février au 7 mars 1459. Archives du Nord, B 2034, f. 110 v°, 111, 114.

[24] Le 23 février, deux secrétaires du duc sont envoyés vers ces deux princes. Archives du Nord, B 2034, f. 106 v° et 107.

[25] L'Artésien Jacques du Clercq se fait l'écho des bruits qui couraient au retour des ambassadeurs (t. III, ch. XLIV) : Et disoit-en qu'ils avaient peu ou neant besoingnié et que jà soit ce que le duc de Bourgoingne euist faict et envoyé par escript au Roy plusieurs notables remonstrances, en se humiliant, il n'avait su que rigoureuse response ; et sur chascun article que le duc avoir envoyé par escript on lui avoit respondu par escript très poignamment. Pour quoy ou craignait que ledict Roy ne voullust esmouvoir guerre contre le duc.

[26] Lettres des 27 et 29 mars, 5 et 8 avril, mentionnées dans les comptes. Archives du Nord, B 2034, f. 114 v°-117 v°.

[27] Lettres portées hastivement de Bruxelles, par lesquelles le duc lui mande incontinent venir devers lui pour parler à lui d'aucunes choses secrètes. B 2034, f. 120.

[28] Archives du Nord, B 2034, f. 119.

[29] Archives du Nord, B 2034, f. 120 v°.

[30] Archives du Nord, B 2034, f. 120 et 120 v°.

[31] Archives du Nord, B 2034, f. 123 et 123 v°. — Le 5 juin, le duc donne l'ordre de faire escorter jusqu'à Bruxelles le clerc qui apporte les 20.000 écus. Id., f. 128 v°.

[32] Le 16 mai, le duc envoie hastivement porter des lettres closes au seigneur de Renti, gouverneur du Luxembourg, et à Guillaume de Saint-Seine, son lieutenant, touchant aucunes nouvelles du conté de France. Le 25, il écrit pour renvoyer du 8 au 25 juin, obstant aucunes affaires qui lui estoient survenues, la journée qui devait se tenir relativement à un différend entre deux seigneurs de sa cour. Archives du Nord, B 2034, f. 127 v° et 125.

[33] Lettre du duc à Nicolas Rolin, en date du 11 juin. Le Grand, VIII, f. 137.

[34] Voir lettres de Gérard de Plaine du 21 mai (Collection de Bourgogne, 99, p. 516). La bulle de Pie II, datée de Sienne, 10 avril 1459, est aux Archives nationales, J 251, n° 42, et dans la collection Du Puy, 493, f. 161.

[35] Fusil, poursuivant d'armes, va le 5 juillet de Bruxelles à Abbeville porter des lettres closes à Toison d'Or, lui enjoignant d'aller incontinent vers le Roi, pour aucunes matières secrètes. Le 10 juillet, Toison d'Or part pour pourter hastivement lettres closes au Roy pour aucunes affaires et matières secrètes. — Le 24 juillet, le duc envoie des instructions à Toison d'Or, étant devers le Roi, pour le fait des pays de Luxembourg et conté de Chiny. Archives du Nord, B 2034, f. 123 v°-124, 134, et 131.

[36] Archives du Nord. B 2034, f. 135.

[37] 20 juin et 3 juillet : lettres portées à Genappe. — 13 juillet : lettres touchant certaines nouvelles survenues du costé de France. — 23 juillet : autres lettres touchant matières secrètes. Id., ibid., f. 130, 132 v°, 135, 137.

[38] Sur cette naissance, voir Du Clercq, livre III, chap. XLVII, et le Livre des trahisons, dans la Collection des chroniques belges, p. 229. — L'enfant mourut le 29 novembre suivant.

[39] Lettres du duc, en date du 27, envoyées à ses baillis de Termonde, Gand, Bruges, etc., pour leur signifier l'accouchement de la Dauphine, afin qu'ils en fassent la solennité qu'il est accoustumé de faire en tel cas. Archives du Nord, B 2031, f. 136. Réjouissances en Bourgogne : Collection de Bourgogne, 21, f. 99. Cf. Du Clercq, t. III, ch. XLVII.

[40] Original, ms. fr. 15537, f. 2 ; Lettres de Louis XI, t. I, p. 104.

[41] Voir Lettres de Louis XI, p. 105-109 ; Mss. fr. 20491, f. 91 v° ; 26427, f. 10-12 v°. — Les comptes du duc de Bourgogne mentionnent l'envoi de chevaucheurs dans toutes les directions pour porter ces lettres. Archives du Nord, B 2034, f. 138-139. Les habitants de Bourges renvoyèrent la lettre du Dauphin au Roi, pour ce que, disaient-ils, en nostre temps n'avons von advenir le cas pareil, et quo cette chose nous est nouvelle. Lettres de Louis XI, t. I, p. 281.

[42] Il faut évidemment ici garder, au lieu de regarder.

[43] Copie faite au XVIIIe siècle sur l'original appartenant à M. d'Hérouval, dans le ms. fr. 15537, f. 4. J'ai publié en 1815 ce texte (qui diffère essentiellement de celui donné par Duclos (p. 184) avec la date de Compiègne, 7 août, dans le Caractère de Charles VII (Revue des questions historiques, t. XVII, p. 422).

[44] Lettre d'Angelo de Amelia, datée de Carpentras. Archives de Milan, Francia dal... al 1470. — Le même écrivait le 12 août, au sujet du Dauphin : Dello acordo del Dalfino dice non n'é facto niente, ne spera se faccia, perche et Dalfino voria tornare nel Dalfinato, et non passare per terra del Re, che non se fida, et le Re non vuol rendere et Dalfinato, et quale lene tucto a sua mano perche non se fide del figlio. Il paraîtrait qu'à ce moment il y eut des négociations secrètes, car, dans une lettre de Carlo Cacherano, en date du 31 août, nous lisons : Anchora intendo como in el secreto la pace del Dalphino al Re suo padre se debia concludere, et in duce de Borbon et certi altri signori de Franza andaruno dal Dalphino si la pace se concludera.

[45] Lettre du 11 avril. Archives de Dresde, Wittenb. Archiv, Luxemb. Sachen, I, f. 189.

[46] Lettres du 21 avril, où le Roi prend le titre de duc de Luxembourg et comte de Chiny et de la Roche. Original aux Archives de Clairvaux. Éd. Publications de la section historique de l'Institut royal grand ducal de Luxembourg, t. XXXVI, p. 123.

[47] Il est fait allusion à cette nomination dans le mémoire sur l'affaire du Luxembourg remis aux ambassadeurs de Charles VII quelques mois plus tard, et qui est cité à la fin de ce chapitre.

[48] Lettre au duc de Saxe, datée de Razilly le 24 avril. Original aux Archives de Dresde, Urkunden, n° 7610.

[49] Reçu des 10.000 écus. Publications..., t. XXXI, p. 50.

[50] Publications..., t. XXXI, p. 51.

[51] Archives de Dresde, Wittenberger Archiv, Luxemb. Sachen, I, f. 234. — La réponse du Roi à cette lettre est du 6 septembre 1459. Original aux Archives de Dresde, Urkanden, n° 7641.

[52] 11 août 1459. Original aux Archives de Dresde, Urkunden, n° 7637.

[53] Original aux Archives de Dresde, Urkunden, n° 7641.

[54] Archives du Nord, B 2034, f. 151 v°.

[55] Archives du Nord, B 2034, f. 193.

[56] Voir Du Clercq, t. III, ch. XLVI. — Le 22 juillet, le duc envoyait des lettres closes au comte d'Étampes sur la prise du vidame d'Amiens. Archives du Nord, B 2034 f. 136 v° ; cf. f. 142 v°. — Le mois suivant il fit un don de 60 livres à Yolande, bâtarde de Bourgogne, vidamesse d'Amiens. Id., ibid., f. 192.

[57] Le 22 mai, le duc envoie à Gravelines pour savoir au vrai des nouvelles d'Angleterre ; le 8 juillet, il écrit au capitaine de Gravelines et à plusieurs seigneurs de la frontière, touchant aucunes nouvelles qui lui sont survenues du côté d'Angleterre. Archives du Nord, B 2034, f. 121 et 133 v°.

[58] Le duc de Bourgogne se mit aussitôt en rapport avec le comte de Warwick. Une conférence eut lieu à Gravelines, où le duc envoya le maréchal de Bourgogne et le seigneur de Lannoy. Le 5 novembre, Charolais, maréchal d'armes de Brabant, se rendait à Calais auprès de Warwick et fut employé à cette mission jusqu'au 5 décembre. Deuxième compte de Robert de la Bouverie, aux Archives du Nord, B 2010, f. 155 v°. Nous sommes privés, à partir du ce moment, d'une précieuse source d'informations : le premier compte de Robert de la Bouverie, receveur général des finances du duc de Bourgogne, allant du 1er octobre 1459 au 30 septembre 1460, est en déficit aux Archives du Nord. Nous n'avons pour nous renseigner que les rares mentions du compte suivant se rapportant à des faits antérieurs.

[59] Sur les événements accomplis en Angleterre, voir An englisli Chronicle, ed. by Rev. Davin, p. 81-84 ; With. Wyrcester annales, dans Stevenson, t. II, p. [711-712] ; Jean de Wavrin, t. II, p. 191-196 et suivantes ; Jacques du Clercq, l. IV, ch. I. Cf. Gairdner, Introduction aux Paston Letters, t. I, p. CXXXIV-CXXXVI ; Turner, History of England, t. III, p. 215-222.

[60] Le 24 juillet un chevaucheur allait porter des instructions à Toison d'Or, étant à Champigny près du Roi ; ce chevaucheur revint le 2 septembre. Archives de Nord, B 2034, f. 137 et 149 v°.

[61] Toison d'Or, mandé par le duc pour aller vers le Roi, part de son hôtel d'Abbeville le 3 novembre ; il arrive à Bruxelles, où le duc le retient, à cause de la venue des ambassadeurs de France, jusqu'au 6 décembre. Archives du Nord, B 2040, f. 134.

[62] Le 17 novembre, de Chinon, le Roi annonçait aux habitants de Tournai l'envoi de son ambassade vers le duc. Archives de Tournai.

[63] Ce discours, qu'on a toujours confondu avec celui que le même prélat prononça lors de sa première ambassade, en septembre 1457, ne se trouve, à notre connaissance, que dans le ms. 1243-51 de la Bibliothèque royale de Bruxelles, aux folios 285-307.

[64] L'évêque de Tournai était alors Jean Chevrot ; mais il était à la veille de permuter avec Guillaume Fillastre, évêque de Toul, qui jouait alors un rôle prépondérant dans les conseils du duc de Bourgogne ; c'est donc évidemment celui-ci qui a di prononcer le discours.

[65] Ce discours se trouve dans le ms. 7243-51 de la Bibliothèque de Bruxelles, fol. 301 v°-340. Nous l'avons rencontré également dans un manuscrit acquis par nous et qui contient d'autres documents, relatifs à la même ambassade, qu'on chercherait vainement ailleurs. Ce manuscrit, derelié et incomplet, se compose de huit cahiers cotés de A à I (le cahier C est en déficit) ; il est de format in-4°, et son écriture est de la fin du XVe siècle.

[66] Marguerite de France (Madame d'Artois), mariée au comte Louis de Flandre l'ancien ; Marguerite de Brabant, mariée au second comte Louis de Flandre ; Marguerite de Flandre, mariée au duc de Bourgogne Philippe, frère de Charles V ; Marguerite de Bavière, épouse du duc Jean.— L'orateur, après cette digression sur l'origine du duché de Bourgogne, ajoutait : Ces quatre Marguerites sont les quatre vertus cardia/des, c'est assavoir, prudence, force, attemperance et justice, qui regardent la conduite des affaires terriens, et les trois nobles fleurs de lia sont les trois vertus théologales, assavoir foy, esperance et carité, qui regardent la conduite de l'âme ; et, sur ce thème, il brodait fastidieusement deux pages durant. Tout le discours est rempli de semblables développements oratoires. Il ne contient pas moins de trente-sept pages pleines dans notre manuscrit.

[67] L'analyse de cette réplique est donnée dans le manuscrit de notre Cabinet.

[68] Notre manuscrit donne ici une Duplicque de par mondit seigneur le duc Philippe. Il ne sera pas inutile d'en donner une brève analyse. Le Roi reproche au duc d'avoir donné asile à son fils ; le duc estime qu'en recevant le Dauphin, il a rendu par là un bien grand service au Roi et au royaume : si par désespoir le Dauphin se fût retiré en pays étranger ou dans l'hôtel d'un prince qui n'eût pas été si serviteur ou bienveillant du Roi, il en fût résulté quelque inconvénient ; le duc est donc à louer et non à reprendre. N'a-t-il pas engagé le Dauphin à laisser le Dauphiné venir aux mains du Roi, sans travail ou coûtage ? N'est-ce pas grâce à l'intervention de ses ambassadeurs, munis des pouvoirs du Dauphin, que les États ont cessé leur opposition et que les capitaines ont ouvert leurs places ? Le duc n'a cessé de conseiller au Roi et il lui conseille encore de rendre le Dauphiné à son fils. D'autres, qui ne sont point si proches du trône, ont reçu de grands biens et honneurs : il semble que le Roi ferait bien d'en faire autant et même davantage pour le Dauphin. Et quant au séjour du Dauphin à sa cour, pendant deux années, et aux insinuations produites à ce sujet, le duc répond que le Dauphin est en pleine liberté d'aller, de venir, et d'être où il lui plaira ; il ne répute pas que le Dauphin est en son hôtel, mais que lui-même est en l'hôtel du Dauphin.

Au sujet des trêves prises avec les Anglais, le duc maintenait que les gens du Roi, formés en grandes compagnies, se jetaient sur ses pays, et que ceux qui leur résistaient étaient poursuivis en Parlement et obligés parfois de prendre des lettres de rémission ; il rappelait qu'il n'était peint tenu à demander le congé du Roi, car, en vertu du traité d'Arras, il était exempté de toute sujétion : de sa personne, il n'y mit point de souverain en France durant la vie du Roi. Quant à l'interprétation que le Roi prétendait donner à certains articles du traité, c'était, en cas de différend, un débat à porter devant le Pape ou le Concile général, auxquels le Roi et le duc s'étaient soumis.

Le duc revenait avec détail sur l'affaire du mariage de Marguerite d'Anjou ; aux dénégations qui s'étaient produites sur ce que ce mariage avait été conclu contre lut il opposait les faits. Le mariage de la fille du roi de Sicile avec le comte de Nevers était arrangé et le traité passé ; déjà le duc et la duchesse se disposaient, de Dijon où ils étaient, à envoyer chercher la jeune princesse pour la célébration des noces, quand on mit en avant le mariage d'Angleterre. Le duc et le comte de Nevers, sachant que c'était le vouloir du Roi, qui le leur fit signifier, s'inclinèrent et supportèrent patiemment leur Injure. Mais, depuis ce temps, le duc s'aperçut bien, en maintes manières, qu'on travaillait à l'éloigner de la bonne gracie du Roi. Le duc fut alors informé que le mariage se traitait et se faisait contre lui ; il eu fut averti par un homme qui avait alors en l'hôtel du Roi aussi grande autorité et connaissance des secrets conseils et affaires privées qu'aucun autre conseiller du trône. Point n'était besoin de le nommer : il l'avait été au Roi, à Caen, en présente du comte de Dunois.

Le duc repoussait tous les attises reproches qui lui avaient été adressés au sujet de la conclusion de ses trêves avec les Anglais : Monseigneur le duc n'est pas à comprendre comme aucuns autres princes, car, à cause des nobles pairies qu'il tient, il lui est licite de faire guerre à ses ennemis de sa propre autorité, comme on l'a vu par expérience du temps de ses prédécesseurs ducs de Bourgogne et comtes de Flandre, et il ne voudrait à son pouvoir laisser diminuer los droits et prérogatives de ses pays et seigneuries ; il ne voudroit aussi entreprendre contre l'autorité du Roi, ni préjudicier à icelle.

Enfin une longue énumération était faite des griefs du duc contre le Parlement ; on insistait sur tous les excès commis contre l'autorité du duc et dont il n'avait jamais pu obtenir réparation. — Notre manuscrit ne nous donne pas la fin de cette Duplicque, à cause de la lacune qui s'y trouve. Le reste du manuscrit (cahiers D-I) est rempli par des mémoires rédigés postérieurement pour établir les droits de Marie de Bourgogne sur les diverses parties de ses États.

[69] Ce mémoire se trouve à la Bibliothèque royale de Bruxelles, dans le ms. 14887-88, où il remplit les folios 36 à 51 v°.

[70] Ce document se trouve dans le ms. fr. 15537, f. 167, et, en copie moderne, dans Le Grand, vol. VIII, f. 141.

[71] Ce document a été publié par Duclos, dans son Recueil de pièces, p. 156-158. D ne peut se rattacher aux négociations de 1456, et me semble devoir être placé à ce moment, il n'est pas douteux — les lettres du 13 décembre 1459 et du 29 janvier 1460, que nous citerons plus loin, le montrent suffisamment — que le Dauphin eut alors l'intention de se rapprocher de son père. La lettre du Dauphin à son très chier et amé cousin, que M. Charavay (Lettres de Louis XI, t. I, p. 83) place au mois de décembre 1456, nous semble devoir se rattacher également à l'ambassade du mois de décembre 1459.