HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE VI. — CHARLES VII PENDANT SES DERNIÈRES ANNÉES. - 1454-1461.

 

CHAPITRE XI. — POLITIQUE DE CHARLES VII EN ALLEMAGNE. - LA GRANDE AMBASSADE DU DUC DE BOURGOGNE.

 

 

1458-1459.

 

Intervention de Charles VII en Allemagne ; envoi d'une ambassade à l'empereur et aux ducs Albert et Sigismond d'Autriche ; situation de l'empire ; caractère de Frédéric III. — Poursuite des desseins du Roi sur le Luxembourg ; mission donnée à Thierry de Lenoncourt près du duc Guillaume de Saxe ; accueil favorable qu'il reçoit. — Nouvelle ambassade de Lenoncourt ; envoi d'ambassadeurs par le duc de Saxe ; exposé présenté par eux au Roi ; traité portant cession du duché de Luxembourg à Charles VII. — Conséquences de cet acte ; dispositions du duc de Bourgogne et du Dauphin ; ils comptent sur la mort prochaine du Roi, vu son état maladif, pour les délivrer de leurs embarras. — Le duc désigne des ambassadeurs pour se rendre à la cour de France. — Venue a Bruxelles d'un conseiller au Parlement ; mauvais accueil qui lui est fait ; paroles menaçantes du duc. — Arrivée de la grande ambassade à Montbazon ; discours prononcé par Jean de Gray au nom du Dauphin et au nom du duc ; double réponse faite au nom du Roi ; insistance dos ambassadeurs pour obtenir des explications plus catégoriques ; déclaration du Charles VII.

 

En présentant son fils Charles comme candidat au trône de Bohême, Charles VII montrait qu'il entendait jouer un rôle dans les affaires de l'Allemagne. L'élection de Georges Podiebrad fut accueillie par les princes électeurs avec une vive indignation. Leur mécontentement ne fut pas moindre quand ils virent Mathias Corvin monter sur le trône de Hongrie. De profondes divisions existaient toujours au sein de la maison d'Autriche. Charles VII résolut d'intervenir comme médiateur entre l'empereur Frédéric ILI, sou frère Albert et sou cousin Sigismond : il donna mission à Jean, seigneur de Fenestrange, maréchal de Lorraine, et à Jean de Champdenier, commandeur d'Issenheim[1], de se rendre en Allemagne et d'agir auprès de Frédéric et d'Albert en faveur de Sigismond, dont les droits étaient méconnus. Ces ambassadeurs étaient chargés en même temps de travailler à réconcilier Sigismond avec les Cantons suisses, alliés du Roi, auprès desquels celui-ci s'employait dans le même but ; ils avaient pour instructions d'engager Sigismond à ne point hésiter à se mettre en possession de l'Alsace, du Landgau, du Brisgau et de toutes les terres situées sur les rives du Rhin, si ces seigneuries venaient à lui échoir, sans s'inquiéter des charges dont elles étaient grevées. Le Roi promettait de le soutenir énergiquement et de l'aider de ses deniers. Enfin, les ambassadeurs avaient mission de ménager une alliance de la maison d'Autriche avec le duc de Calabre, qui gouvernait le duché de Lorraine, et avec les autres princes et seigneurs dont les possessions avoisinaient la Lorraine[2].

Quelle était alors la situation de l'empire ? Un rapport détaillé, que Champdenier adressa à ce moment au Dauphin, donne à cet égard de curieux détails[3].

Georges Podiebrad venait de se faire couronner à Prague (1er mai). Mathias Corvin voulait en faire autant à Bude ; mais les nouvelles de Turquie l'avaient obligé à ajourner la cérémonie les Turcs s'étaient emparés des possessions du despote de Rassie et avaient traité avec les héritiers de ce prince ; ils s'étaient portés ensuite sur les frontières de la Hongrie et assiégeaient une place qui était la clé du royaume. Mathias Corvin et le cardinal Carvajal avaient à la hâte rassemblé tout ce qu'ils avaient pu se procurer de troupes pour repousser cette nouvelle invasion ; mais le contingent dont ils disposaient était faible : personne ne se mettait en branle pour suivre les Hongrois, par dépit de ce qu'ils avaient élu roi un homme de si basse condition. Il était donc à prévoir que les Turcs feraient des progrès en Hongrie et obligeraient Mathias à conclure une trêve. Ainsi, écrivait Champdenier, sera la chrétienté en grand péril, car l'empereur et les ducs Albert et Sigismond d'Autriche, qui sont tous trois en cette ville de Vienne et devroient résister audit Turc, sont en grand débat chaque jour, jusqu'au couteau traire à soi tuer, pour la succession du feu roi Lancelot. L'empereur dit qu'il doit avoir tout le gouvernement de la duché d'Autriche, comme l'aîné ; chacun des deux autres dit qu'il ne doit avoir que le tiers comme chacun d'eux. Les ambassadeurs s'étaient efforcés de les mettre d'accord ; jusque-là ils n'avaient pu y parvenir, à cause de la grande ambition de l'empereur. Au fort, ajoutait Champdenier, nous avons tant fait, comme le Roi nous avait Commis, que nous avons accordés et joints ensemble les ducs Albert et Sigismond ; et ledit Sigismond a recouvré tout le pays que tenoit ledit Albert près de Bâle, où vous fûtes autrefois ; et crois que, si le Roi y veut tenir la main, il aura ledit pays pour peu de chose. Dont l'empereur est très mal content, car il croit que nous avons ceci fait. Nous avons été violentés et injuriés par ces gens cette semaine, et en péril de mort.

Voici le portrait que Champdenier traçait de Frédéric III. En vérité, quand j'avise ses conditions, tant plus j'y trouve à redire, car c'est un homme endormi, lâche, morue, pesant, pensif et mérencolieux, avaricieux, chiche, craintif, qui se laisse plumer la barbe à chacun sans revenger, variable, hypocrite, dissimulant, et à qui tout mauvais adjectif appartient, et vraiment indigne de l'honneur qu'il a. Champdenier montrait au Dauphin les heureuses conséquences qui pouvaient résulter de sa réconciliation avec son père : Et si Dieu, par sa grâce, donnoit que le Roi, vous et Monseigneur de Bourgogne fussiez en bonne intelligence, je ne doute point que la très chrétienne maison de France en bref eût en main et l'empire, et les royaumes de Hongrie et de Bohême, et l'honneur de secourir la Foi, laquelle, si par le Roi et vous n'est secourue, assez aura affaire ; et sais que plusieurs grands seigneurs et presque tout le commun peuple d'Allemagne s'attendent que ainsi advienne et le désirent. Champdenier ajoutait en terminant que l'impératrice avait mis en avant le double projet d'un mariage entre le roi de Portugal et Madeleine de France, et entre la sœur de ce prince et le duc de Calabre, se faisant fort que si Charles VII était disposé à-réaliser ces alliances, le roi d'Aragon consentirait à assurer, sans conditions, au duc de Calabre sa succession au trône de Sicile.

La mission remplie par Fenestrange et Champdenier se poursuivit à Innsbruck, où, le 16 août 1458, le duc Sigismond passa, en leur présence, un acte aux termes duquel il faisait remise à la duchesse Éléonore d'Écosse, sa femme, des droits qu'il possédait sur le comté de Kyburg, et sur un certain nombre de villes, châteaux et seigneuries des cantons de Zurich, Thurgovie et Saint-Gall, et même sur Fribourg en Uechtland. Les ambassadeurs français devaient se rendre dans ces seigneuries, en compagnie d'un conseiller du duc Sigismond, pour y recevoir, au nom de la duchesse, le serment de fidélité des habitants[4]. Tous ces domaines devaient être mis sous la protection de Charles VII[5]. On voit que la politique qui avait inspiré l'intervention en Suisse et en Alsace n'était point abandonnée[6].

La lettre de Jean de Champdenier au Dauphin nous ouvre des horizons nouveaux sur les desseins de Charles VII eu Allemagne. Malheureusement de tels plans étaient chimériques : l'obstination du Dauphin dans sa révolte et sa constante opposition à tout ce qu'entreprenait son père paralysait les efforts de la diplomatie royale. Tant que Charles VII ne l'aurait pas forcé à la soumission, tant qu'il n'aurait pas détruit ce foyer d'intrigues qui, de la Cour de Bourgogne, se répandait de tous les côtés, il se trouverait réduit à l'impuissance : les plus beaux plans devaient rester à l'état de projets, sans pouvoir être mis à exécution.

C'est dans l'espoir d'arriver eut ii à imposer sa loi au Dauphin et au duc de Bourgogne que Charles VII poursuivit la réalisation de ses desseins sur le Luxembourg. Ce qu'il n'avait pu faire, de concert avec Ladislas, au moyen du mariage de ce prince avec Madeleine de France, il voulut le faire par une alliance avec le duc Guillaume de Saxe, dont la fille aurait épousé Charles de France, en lui transmettant les droits de la duchesse sa mère sur le Luxembourg.

Aussitôt après l'élection de Georges Podiebrad comme roi de Bohême, Thierry de Lenoncourt, l'ambassadeur de Charles VII à la diète, avait écrit au duc Guillaume de Saxe et à la duchesse Anne que, conformément aux ordres de son maître, il allait se rendre auprès d'eux pour leur porter l'expression de la profonde condoléance du Roi au sujet de la mort du roi Ladislas ; il ajoutait qu'il comptait se transporter à Coblentz et demandait que des envoyés du duc et de la duchesse vinssent, le mercredi après les Rameaux (29 mars), y conférer avec lui. Soit qu'il eût été retenu à Prague par l'enquête qu'il voulut faire relativement à l'élection de Podiebrad, soit qu'il craignit que Podiebrad, qui venait d'offrir au Roi de lui céder, moyennant finances et la conclusion d'une alliance, tout le duché de Luxembourg — ne fût informé de cette négociation, Lenoncourt ne se rendit point Coblentz ; il se fit représenter par Philippe de Sierck, prévôt de l'église de Trèves. Les envoyés saxons annoncèrent au prévôt que le duc leur maître était tout disposé à négocier le mariage de sa fille Marguerite avec le fils du Roi, et qu'il se proposait d'envoyer dans ce but une ambassade en France[7].

Instruit de ces dispositions favorables, Charles VII donna, à la date du 8 mai, une lettre de créance à Thierry de Lenoncourt pour le duc Guillaume de Saxe[8]. Après avoir exprimé au duc et à la duchesse la douleur que Charles VII avait ressentie de la mort de Ladislas, l'ambassadeur entama les négociations. L'accueil le plus empressé lui fut fait, et l'on se réjouit vivement de ce que le Roi paraissait disposé à soutenir les droits de la duchesse Anne. Lenoncourt repartit avec une lettre où le duc Guillaume exprimait au Roi sa gratitude, et, en attendant l'envoi de son ambassade, lui demandait de prendre en main la défense de ses droits sur le duché de Luxembourg[9].

Tandis que Lenoncourt entamait cette négociation, dont le but secret était d'amener le duc et la duchesse de Saxe à céder à la couronne de France leurs droits sur le Luxembourg[10], le duc de Bourgogne s'efforçait d'obtenir de Charles VII qu'il renonçât à la garde du duché. Le Roi n'était nullement disposé à se départir de la politique qu'il avait. adoptée ; mais, voulant gagner du temps, jusqu'à la conclusion des arrangements à intervenir avec le duc et la duchesse de Saxe, il répondit aux ambassadeurs de Philippe, venus à Vendôme pour le procès du duc d'Alençon, que son intention n'avait point été de conserver cette garde au delà du terme où le duc de Saxe, héritier de la couronne de Bohême en vertu des droits de sa femme, en aurait obtenu la paisible possession, et qu'il y renonçait aussitôt après les fêtes de Pâques de l'année suivante[11].

Cependant l'ambassade annoncée n'arrivait pas. Charles VII voulut presser la solution de la question. Il résolut de renvoyer le bailli de Vitry vers le duc de Saxe : la lettre de créance qu'il lui remit portait la date du 7 novembre[12].

Sur ces entrefaites Lenoncourt reçut une lettre du duc de Saxe. Guillaume s'excusait du délai que divers voyages et des affaires urgentes l'avaient contraint d'apporter au départ de sou ambassade ; mais elle arriverait certainement à la cour de France pour le carnaval ; le bailli était chargé de prier son maître de ne point s'offenser de ce retard[13]. Lenoncourt se rendit aussitôt près du Roi pour lui communiquer cette lettre, et repartit avec des déclarations dont il devait remettre la teneur au duc de Saxe. Le Roi faisait savoir que, sollicité à plusieurs reprises par le duc de Bourgogne de donner main levée de la garde du Luxembourg, il avait différé sa réponse, espérant recevoir l'ambassade annoncée ; mais que, sur les nouvelles instances des ambassadeurs du duc, venus à Vendôme, il avait déclaré qu'il ne prolongerait pas cette garde au delà de Pâques. Le Roi espérait que d'ici là le duc de Saxe lui aurait envoyé son ambassade, et qu'il aurait trouvé une solution conforme à son honneur et à l'intérêt de ses sujets du Luxembourg[14].

Lenoncourt arriva à la cour du duc Guillaume vers le milieu de décembre. La mise en demeure qu'il apportait[15] décida le duc et la duchesse de Saxe à donner satisfaction au Roi. D'ailleurs ils y étaient poussés par tous les princes leurs parents et alliés, auxquels, dans une assemblée tenue à Bamberg, la question avait été soumise, et qui avaient émis l'avis qu'il fallait résister au duc de Bourgogne et pour cela avoir recours au roi de France[16] ; ils y étaient également encouragés par les démarches des seigneurs Luxembourgeois, qui leur avaient envoyé une députation[17]. Par un acte passé le 2 janvier 1459, le duc et la duchesse désignèrent des ambassadeurs pour se rendre à la Cour de France et y faire à Charles VII la cession de leurs droits sur le duché de Luxembourg[18]. Le 6, le duc remit à ces ambassadeurs leur lettre de créance[19]. Ils étaient au nombre de trois : Pierre Knorre, prévôt de Wetzlar ; Jean Shenck de Humen, capitaine de Kœnigsberg, et Jean Siffridi, chancelier du duc Guillaume.

Le 3 mars 1459, les ambassadeurs saxons étaient reçus au château de Montbazon, où se trouvait alors Charles VII. Ils lui présentèrent une requête tendant à ce qu'il continuât à tenir le Luxembourg en sa garde et à ce qu'il prêtât son appui au duc et à la duchesse de Saxe pour soutenir leurs droits tant contre le roi de Bohème que contre le duc de Bourgogne[20]. A l'appui de cette requête, ils firent un historique des faits et des négociations depuis la mort de Ladislas, et un exposé des droits de la duchesse Anne sur le duché de Luxembourg ; ils insistèrent sur les lieus de parenté qui unissaient entre eux les princes allemands : le marquis de Bade et son frère l'archevêque de Trêves étaient alliés à la maison de Brandebourg ; le marquis de Brandebourg et ses frères à la maison de Saxe et à la maison de Bavière ; les comtes de Wurtemberg à la maison de Bavière ; les ducs de Saxe avaient contracté des alliances avec les maisons d'Autriche, de Hesse et de Brandebourg. Tous ces princes étaient unis, soit par ces alliances matrimoniales, soit par des traités ; ils avaient pour alliés l'archevêque de Mayence et le roi de Danemark, marié à une fille du marquis Jean de Brandebourg. Leurs relations de parenté s'étendaient jusqu'en Italie, où le marquis de Mantoue avait épousé Barbe de Brandebourg et où Galéas-Marie Sforza était fiancé à une fille du marquis de Mantoue. Après avoir fait ressortir l'importance de ces alliances, les ambassadeurs saxons revenaient à Charles VII, dont ils célébraient la puissance, qui déjà avait franchi la mer, et qui, selon le mot de l'Écriture, s'étendrait a mari usque ad mare, — même sur les côtes septentrionales et au delà jusque dans les royaumes de Danemark, de Suède, de Norvège et de Gothie, — si le Roi gagnait l'amitié des princes sus mentionnés, dont les possessions allaient des frontières de la France à ces contrées lointaines. Le discours des ambassadeurs se termina par cette pompeuse péroraison : Rien ne vous sera plus facile, à la condition que notre illustre Maison ne soit pas pour vous comme une inconnue et une étrangère. Surpassez par l'abondance de vos bienfaits la grandeur des espérances qu'elle met en vous ; alors, de la mer à la mer, dans cette région qui sera presque votre domaine, les illustres princes que nous avons nommés se réjouiront, vous aimeront et vous honoreront ; ils espéreront à l'ombre de vos ailes ; ils tressailleront de joie en disant : Vive notre Roi et seigneur de France ! Qu'il règne heureusement ! Que Celui dans les mains duquel résident toute la puissance et tous les droits des royaumes vous accorde cette faveur, et, quand vous aurez heureusement achevé votre règne terrestre, qu'il vous admette pour toujours dans le royaume éternel ![21]

Les brillantes perspectives que les ambassadeurs saxons faisaient luire aux yeux de Charles VII répondaient trop bien à ses vues personnelles pour qu'il hésitât à accepter les propositions qui lui étaient faites. Aussi, le 16 mars, il donnait ses pouvoirs pour traiter[22], et le 20 mars, dans le monastère de Saint-Martin de Tours, étaient passés, entre les conseillers du Roi — l'évêque de Coutances, le seigneur de Torcy et Pierre Doriole — et les représentants du duc de Saxe, plusieurs actes aux termes desquels le duc Guillaume et la duchesse Anne cédaient à Charles VII, pour lui et ses héritiers et successeurs, moyennant une somme de cinquante mille écus d'or, tous leurs droits sur le duché de Luxembourg et les comtés de Chiny et de la Roche. Dix mille écus devaient être payés au moment de la prise de possession ; les quarante mille restant seraient versés à la date du 1er mai 1461, Le Roi aurait jusqu'à cette époque la faculté de renoncer au traité, en prévenant six mois avant l'expiration du délai, et, dans le cas où il renoncerait au bénéfice du traité, les dix mille écus lui seraient remboursés[23].

 

Quelles allaient être les conséquences de l'acquisition du duché de Luxembourg par Charles VII ? N'allait-elle pas entraîner une rupture définitive avec Philippe le Bon ? Six semaines avant la signature des traités du 20 mars 1459, une ambassade bourguignonne avait paru à la cour de France ; elle était venue reprendre les négociations à peine interrompues par le procès du duc d'Alençon.

Les ambassadeurs envoyés par Philippe à Montargis et à Vendôme y avaient séjourné pendant trois mois. Ils avaient pu étudier de près les dispositions de Charles VII et de ses conseillers. Ils avaient su que plusieurs de ceux-ci, estimant qu'il était impossible d'arracher le Dauphin à la retraite choisie par lui et de le contraindre à la soumission, engageaient vivement leur maitre à le déshériter et à désigner pour successeur son second fils Charles[24] ; mais ils avaient pu constater aussi que la santé du Roi était fort ébranlée et qu'il paraissait atteint d'un mal incurable[25]. De son côté le Dauphin avait ses espions, qui le mettaient au courant de tout ce qui se passait à la Cour. Déjà ses familiers lui conseillaient de se rapprocher de la frontière et de se tenir prêt à marcher sur Reims pour s'y faire sacrer[26]. Louis, dont l'unique préoccupation avait toujours été de se mettre en possession du pouvoir, sentait croître chaque jour son impatience de régner ; il consultait sans cesse des astrologues, et leur faisait faire des calculs pour savoir si son père pouvait échapper au mal qui le rongeait[27]. Quand on lui rapportait que la mort était inévitable et que le terme fatal était proche, il ne se sentait pas d'aise : il semblait, dit Chastellain, languir en l'expectation de l'heure promise, tellement que toutes oreilles en estoient pleines et tous les pays embus de ceste mort future. Sa joie était, si indécente qu'elle excitait le blàme de plusieurs, qui lui imputaient à mauvais sang sa manière de faire et de soy esjoir ainsi en la mort de son père, publiquement et comme tout desnaturé[28]. Le duc de Bourgogne lui-même ne put s'empêcher de ressentir quelque éloignement pour un prince qui donnait Un. tel scandale ; il trouvait avec raison qu'il n'était point honnête de béer si publiquement sur la mort d'un homme, et par especial du fils au père[29]. Mais il n'en continua pas moins de complaire à son hôte en paroles, ainsi que le constate Chastellain, de porter la charge de sa folie, en laquelle il ne l'osa rompre, et, par reverence de sa hautesse, de le laisser parler et agir en toute liberté. En attendant qu'une mort prochaine vînt délivrer le duc de ses soucis, il voyait chaque jour Charles VII fortifier sa puissance par de nouvelles alliances, et même par des traités passés avec les communautés voisines de ses propres états ; mais il lui fallait tolérer les menaces de rupture et dissimuler son courroux, se préservant le mieux qu'il pouvait contre le péril imminent d'une guerre ouverte[30].

Au mois de décembre 1458, le duc écrivit à l'évêque de Coutances et au comte de Dunois, sans doute pour leur faire part de l'intention où il était d'envoyer au Roi une nouvelle ambassade[31]. Après s'être entendu avec le Dauphin, auquel il envoyait de fréquents messages[32], il désigna, à la date du 8 janvier, des ambassadeurs pour se rendre à la cour de France : c'étaient Jean de Croy, seigneur de Chimay ; Jean, seigneur de Lannoy, et Toison d'Or[33].

Sur ces entrefaites arriva à Bruxelles un conseiller au Parlement, Guillaume Blanchet, chargé d'une mission du Parlement de Paris. Un meurtre avait été commis par un habitant de la châtellenie de Cassel, vassal du seigneur de Thil ; condamné par arrêt du Parlement, le meurtrier avait été protégé par le bailli du duc, et la sentence rendue contre lui n'avait pu recevoir son exécution. Irrité de ce mépris de justice, le Parlement avait, conformément à l'avis du Roi, décidé qu'un de ses membres irait porter plainte au duc. Arrivé le 9 février 1459, Guillaume Blanchet alla trouver l'évêque de Toul, qui le conduisit vers Philippe, auquel il présenta ses lettres et fit l'exposé de l'affaire. Sous divers prétextes, on différa pendant plusieurs semaines de donner réponse à l'envoyé du Parlement. Blanchet protesta : J'ai charge de la Cour, dit-il, d'écrire au Roi et de lui faire savoir si j'ai obtenu satisfaction, afin que, dans le cas contraire, il saisisse de l'affaire les ambassadeurs qui se rendent auprès de lui. On lui dit que, le Roi serait obéi comme souverain, mais que le duc de Bourgogne ne supporterait point, quoi qu'il pût advenir, de se laisser ainsi fouler et contraindre. Si sous ce prétexte, ou à cause du Dauphin, ou pour tout autre motif, le Roi voulait lui faire la guerre, il était prêt : il avait ses gens, son artillerie, son argent ; les gens du Roi ne sauraient sitôt partir que le duc et son armée ne fussent en avant des agresseurs, à plus de dix lieues. On ajouta que le duc n'était pas content du Parle ment, qui retenait toutes les affaires de Flandre sans leur donner de solution. Blanchet répliqua avec fierté qu'il n'y avait nulle justice en Flandre ; que, à l'exemple du duc, les juges y mariaient les tilles contre leur gré, et que les officiers donnaient leur adjonction pour des causes insoutenables. Cependant l'affaire traînait toujours en longueur ; Blanchet voyait qu'on se moquait du Roi et du Parlement. Enfin le duc lui fit dire qu'il consentait à révoquer le bailli de Cassel. Mais le conseiller au Parlement ne se tint pas pour satisfait : c'était là une obéissance fourrée, et non pas pure et absolue. Dans une audience donnée à Blanchet, le duc lui dit qu'il n'avait point remis sa demande par écrit et qu'on ferait de même pour la réponse à y donner. Je m'ébahis, ajouta-t-il[34], comment vous avez été si hardi de me venir sommer, de par le Roi et la Cour, en mes pays, qui ne sont en rien sujets du Roi et du royaume. Je veux bien obéir au Roi ; mais, au regard de la Cour, je répute tous ceux qui sont en icelle mes haineux et ennemis mortels, car ils font à mes gens et officiers tant de torts et de griefs que merveille, et ils en usent toujours avec moi plus par volonté que par raison. Par quoi il n'est pas étonnant si à leurs arrêts je ne veux obéir. Je me suis par plusieurs fois plaint au Roi et lui ai fait remontrer qu'ils sont mes ennemis mortels. N'était l'honneur du Roi, je vous montrerois qu'il m'en déplaît. Là dessus Blanchet prit congé : il quitta Bruxelles le 25 février.

Cet incident montre à quel point la situation était tendue : la moindre étincelle pouvait mettre le feu aux poudres.

Pendant ce temps, les ambassadeurs bourguignons étaient arrivés au château de Montbazon, où résidait alors le Roi. Le jour même, 9 février, ils furent admis à l'audience royale, et présentèrent leur lettre de créance[35]. Ils remirent aussi au Roi une lettre de son fils, en date du 22 décembre : J'ai reçu, écrivait-il, les très gracieuses lettres que par les ambassadeurs de bel oncle de Bourgogne il vous a plu naguère de m'écrire, dont j'ai été et suis tant joyeux que plus ne pourrois en louer et gracier Dieu et Notre-Dame, et vous en remercie si très humblement comme je puis. Par lesquelles vos lettres, mon très redouté seigneur, et les avertissements que par icelles il vous plan de me faire, me suis enhardi d'oser envoyer devers vous pour pourchasser mon fait[36].

Ce fut Jean de Croy qui porta la parole, Il avait une double mission à remplir : l'une au nom du Dauphin, l'autre au nom du duc ; de là deux discours, prononcés dans la même audience.

Sire, dit l'ambassadeur dans son premier discours, votre très humble et très obéissant fils nous envoie par devers vous en la plus grande humilité que en ce monde faire se peut. Il nous a chargé de vous dire que le plus grand désir qu'il puisse avoir en ce monde, après son sale est de recouvrer votre bonne grâce et de demeurer en icelle, et de faire chose qui vous soit plaisante et agréable. Et quand il pense et considère qu'il est né de si haute maison comme de la très chrétienne maison de France, procréé de si noble et vertueux prime comme vous, son seigneur et père, et qu'il se voit éloigné de votre grâce, cela lui est si mortel deplaisir qu'il n'est chose en ce monde à lui possible, honnête et licite, qu'il ne voulût faire et accomplir pour retourner en votre bonne grâce et la recouvrer. Et, peur venir à cette fin, il nous envoie par devers vous pour vous supplier, en toute humilité, que, par votre bénigne grâce et par votre grande clémence et bonté, il vous plaise le recevoir en voire grâce, en votre amour et à votre service, en lui accordant par votre bénignité les deux points dont autrefois il vous a très humblement fait supplier, qui sont de sa venue et de ses gens.

Jean de Croy protesta tout d'abord contre les accusations formulées à l'égard du Dauphin. Jamais ce prince ne voudrait rien faire qui fût au déplaisir du Roi et au préjudice du royaume : s'il avait, ne fût-ce qu'en pensée, telle volonté désordonnée et dénaturée, la mort lui serait préférable ; le Roi ne devait point s'en fier à ces sinistres rapports, pas plus qu'aux sentiments qu'on prêtait au Dauphin à l'égard de certains conseillers et serviteurs du trône ; il devait ôter de son cœur tout ce qui pouvait éloigner son fils de sa grâce et de son amour. Si le Dauphin avait fait quelque chose qui pli déplaire au Roi, il en implorait le pardon : le jour où il plairait au Roi de lui pardonner et de l'en avertir, il ferait du plus triste et déplaisant fils de Roi qui vive, le plus joyeux.

Arrivant aux supplications et requêtes du Dauphin, Croy demandait que, pour faire cesser les mauvais langages qui couraient et qui portaient atteinte â l'honneur du prince, le Roi lui rendit le Dauphiné : il le gouvernerait tellement qu'on n'aurait cause d'être mécontent de lui. Eu second lieu, le Roi était sollicité d'accorder â son fils une provision convenable.

Vous savez, Sire, dit-il, que Monseigneur vient de la très noble et très chrétienne maison de France, si prochain que votre fils ainé et héritier, et qu'il est déjà âgé de trente-six ans, qui est à bien vivre la moitié de son âge ; il est marié à dame de haute et noble maison ; il vous' supplie que, pour l'honneur de la couronne de France, il vous plaise avoir regard à son fait, et lui donner provision telle que à votre fils aîné appartient, et de quoi lui et, Madame sa compagne puissent tenir leur état et supporter leurs charges. Et y mettra peine toute sa vie de vivre en la grâce de Dieu, notre benoît Créateur, et en la vôtre, Sire, qui êtes son seigneur et père, qui sont les deux choses sur toutes riens que son cœur plus désire[37].

Jean de Croy, reprenant la parole au nom du duc de Bourgogne, s'exprima en ces termes :

Sire, votre très humble et très obéissant serviteur et parent Monseigneur de Bourgogne a vu les réponses que vous avez faites aux points et articles dont vous ont parlé à Vendôme ses gens et ambassadeurs, et trouve par icelles qu'ils ont bien peu profité. Monseigneur de Bourgogne a su que, après que ses gens ont été ainsi délivrés, votre procureur, Sire, en la présence des princes et seigneurs de votre sang et autres, l'a chargé publiquement de plusieurs désobéissances, et, après aucuns cas particuliers, a dit que en quinze jours l'on n'aurait pas récité lesdites désobéissances. Par lesdites réponses et ce qu'a dit votre procureur, Monseigneur craint que vous ne soyez indigné contre lui, car il ne pourrait croire que vous lui eussiez voulu refuser si raisonnables requêtes, ni le souffrir charger par votre procureur si grandement, si vous eussiez été content de lui. Et pour ce, Sire, que Monseigneur de Bourgogne ne sait au vrai ce qu'il en est, il envoie présentement devers vous à deux fins : l'une pour vous montrer clairement et ouvertement quel il a été, quel il est, et quel il veut demeurer envers vous ; l'antre pour savoir de Vous si c'est votre bon plaisir lui faire déclarer si vous êtes indigné ou mal content de lui, et les causes pour quoi. Monseigneur de Bourgogne nous a aussi chargés, Sire, de vous déclarer en cette partie tout son courage et sa pensée, sans vous rien celer. Et vous supplie, en toute humilité, que votre très noble plaisir soit de aucunement lui faire savoir du vôtre, car par ce les entendements seront éclaircis, et tout en pourra mieux valoir.

L'ambassadeur exposa alors dans quelles conditions le traité d'Arras avait été signé ; comment le duc l'avait conclu pour l'honneur et révérence de Dieu, pour l'amour naturelle qu'il avait a la très noble maison dont il étoit parti, pour pitié et compassion du pauvre peuple ; quelles avaient été les heureuses conséquences de ce traité pour le royaume : N'avez vous pas, Sire, recouvré icellui votre royaume, en vertu de ladite paix, des mains de vos ennemis, en telle manière que aujourd'hui le tenez plus entier que n'ont fait vos très nobles progéniteurs depuis trois cents ans ? N'êtes-vous pas par elle le prince le plus honoré, craint et obéi que l'on sache ? C'est elle, Sire, qui mettra votre très glorieuse renommée, à l'exaltation de votre très chrétienne maison, en la perpétuelle mémoire des hommes, par les histoires et chroniques véritables qui s'en feront à votre louange ; et sera par ce votre nom magnifié autant et plus que nul de vos prédécesseurs. Aussitôt la paix faite, le duc de Bourgogne a ôté de son cœur toute rancune, tout déplaisir, toute injure, toute offense et malveillance, et s'est employé entièrement à aimer le Roi, à l'honorer, à le servir et à lui obéir, sans avoir égard au passé. Bien qu'il ne fût point tenu de faire la guerre aux Anglais, il l'a faite à ses dépens, tant sur mer que sur terre ; il a procuré le recouvrement de la ville de Paris, opéré par ses gens. Combien de bonnes villes et places n'a-t-il pas fait rentrer dans l'obéissance ! Ses vassaux ont pris part à la conquête de la Normandie. Tout cela, il l'a fait de bon cœur, et il eût volontiers fait davantage si le Roi l'en eût requis et si cela eût été en son pouvoir. Il est toujours disposé à servir le Roi, à le chérir, à l'honorer, à lui obéir, et il le sera jusqu'à la mort, si par tort évident il n'est contraint à faire le contraire.

Abordant la seconde partie de son argumentation, Croy posa cette question : Le Roi est-il mécontent du duc et pour quel motif ? Bien que le duc n'ait rien fait qui puisse lui faire craindre d'avoir encouru l'indignation du Roi, celui-ci ne doit point s'étonner qu'il ait des doutes à cet égard. Le Roi n'a-t-il pas cherché partout des alliances contre lui : en Danemark, à Liège, à Berne, avec le roi Ladislas, l'empereur, les électeurs de l'empire et d'autres princes d'Allemagne ? Ne négocie-t-il pas, pour lui nuire, une trêve avec les Anglais ? Si ces alliances se font par l'ordre du Roi on de son sçu, il est clair qu'il n'est pas content du duc ; et quand il plaira au Roi de lui faire connaître les causes de ce mécontentement, il espère répondre de telle façon que le Roi s'apercevra qu'il a été accusé à tort et le tiendra en sa bonne grâce.

Bien que le duc ne sache point pour quel motif le Roi doive être mécontent de lui, on lui a donné à entendre que le Roi avait vu d'un mauvais œil la retraite du Dauphin à sa cour et le séjour de ce prince dans ses pays. Le duc répond à cela que plusieurs des alliances susdites Ont été faites avant la venue du Dauphin ; qu'il n'a cessé de s'employer à ménager un rapprochement ; que le Dauphin, depuis lors, n'a rien fait qui puisse déplaire au Roi, et qu'il ne fera rien de semblable, car tout son désir est de servir le Roi et de lui obéir comme un fils doit faire à l'égard de son père.

On dit encore que le Roi est mécontent de ce que, à son insu, le duc a conclu des trêves avec les Anglais ; le duc ne croit avoir encouru aucun blâme sous ce rapport, car, après le traité d'Arras, alors que pour rendre service au Roi il faisait la guerre aux Anglais, les gens d'armes du Roi, au lieu de le protéger, se sont jetés sur ses pays, où jusque-là ils n'avaient jamais paru, et ont commis tous les excès imaginables, rançonnant ses sujets, auxquels cils ont extorqué plus de cent mille écus comptant. Sur les plaintes faites par le duc au Roi, celui-ci répondit qu'il n'était pas en son pouvoir d'y remédier pour lors. Le duc a donc été amené à conclure des trêves avec les Anglais, car ce lui eût été trop grande charge de leur faire la guerre et d'avoir affaire en même temps aux gens du Roi. u ne les a prises d'ailleurs que pour le Boulonois et une partie de l'Artois, et à trois mois de dédit. Depuis, il a plu au Roi de faire le mariage de la tille du roi de Sicile avec le roi d'Angleterre. Le duc fut alors averti que cette alliance se faisait contre lui, et qu'on devait donner la Hollande et la Zélande eu dédommagement de la Normandie, qui devait revenir à la Couronne avec toutes les terres qui en dépendaient. Le surplus des terres et seigneuries du duc devait être conquis par le Roi et par les Anglais. On voulait ainsi détruire entièrement le duc. Celui-ci se décida alors à prendre des trêves avec les Anglais pour tous ses pays, à un en de dédit. Doit-on le charger pour avoir agi ainsi ? Certes non, car s'il ne voulait tout mettre en aventure, il ne pouvait s'eu passer à moins.

On dit encore qu'une des causes du mécontentement du Roi tient à ce que ni lui ni son Parlement ne sont obéis dans les pays du duc. Le duc proteste contre ce qu'a dit à cet égard, à Vendôme, le procureur du Roi, en présence des princes ; il demande que le Roi ordonne à son procureur de faire remettre au duc par écrit l'énumération des charges formulées contre lui, et il y répondra de telle manière que le Roi, les princes, en présence desquels il a été accusé, et tous verront que cela a été sans cause et contre raison.

Prenant alors l'offensive, l'ambassadeur bourguignon poursuivit en ces termes :

Hélas ! Sire, si l'heure et le temps étaient que plaintes et doléances dussent être ouvertes et déclarées, mon dit seigneur a trop mieux cause de soi plaindre et douloir que nul autre. Vous pouvez considérer premièrement, Sire, si le traité de la paix qu'il a avec vous est fourni et accompli. Sire, certes il est clair que non. Et néanmoins mon dit seigneur a toujours souffert et dissimule sans se plaindre ou douloir, espérant que, par trait de temps, tout se parferoit, ce qui n'est encore advenu.

D'autre part pensez, Sire, si mon dit seigneur de Bourgogne a cause de soi, douloir des manières que on tient envers lui et les siens. Votre cour de Parlement ne veut entendre à vider chose qui soit pour lui ou pour ceux qui sont à lui... Si ses armes, son nom ou sa devise sont mises ou peintes par votre royaume, tantôt ils sont percés et vilainement souillés. Si ses gens écrivent leurs noms ou devises, l'on peint par-dessus gibets par dérision. Quand ils passent par votre royaume, chacun, et singulièrement a vos gens et officiers, les fuit. En votre propre hôtel, ils n'en trouvent qui veuillent converser avec eux, et les communs langages de plusieurs des vôtres sont l'un à l'autre : Tu est plus traitre que un Bourguignon !

Hélas ! Sire, Monseigneur de Bourgogne est issu de votre très chrétienne maison et votre prochain parent, comme chacun sait. Et, grâces à Notre Seigneur, entre les autres princes de votre royaume il a puissance de vous servir et le vouloir. L'honneur que Dieu lui a donné et les biens entièrement, il les tient à avoir au moyen de la très noble couronne de France. Si est chose bien étrange que, au propre lieu dont il tient et répute avoir les bonheurs et biens terriens de quoi aujourd'hui il jouit, il est à lui et aux siens tenu autres manières qu'a nuls autres princes ni à leurs serviteurs. Il est assez émerveillé d'où vient la cause, car, à la vérité, elle ne vient de lui ni des siens, parce qu'il ne sera pas trouvé que, depuis le traité de la paix, mon dit seigneur ni les siens aient fait à vous et aux vôtres sinon tout honneur, tout service, et se démontrer tels qu'ils doivent et sont tenus d'être.

Pour conclusion, Sire, mon dit seigneur vous supplie en toute humilité que votre très noble plaisir soit de l'avoir en votre très noble grâce, et le tenir et lui faire comme à votre parent et serviteur. Et, au plaisir de Dieu, vous le trouverez toujours bon, vrai, franc, loyal, humble et obeissant ; et si aucune chose avez en votre cœur qui vous meuve à être mécontent de lui — qui lui seroit le plus grief de plaisir que en ce monde lui puisse advenir —, plaise vous, Sire, le déclarer et le lui faire signifier, car il espère, a au plaisir de Dieu, vous bailler tel apaisement que serez et a demeurerez content, et que percevrez que n'aurez cause de le tenir s hors de votre bonne grâce[38].

Le lendemain de l'audience royale, Toison d'Or remit au chancelier le texte des deux discours.

Le 7 mars suivant, en présence du Roi, qu'entouraient le duc d'Orléans, le duc de Bretagne, le comte du Maine et les autre seigneurs et membres du Conseil, une double réponse fut donnée aux ambassadeurs bourguignons.

En ce qui concernait le Dauphin, voici ce que Charles VII faisait répondre.

Le Roi n'a cessé de faire savoir au Dauphin que tout son désir était qu'il se voulût redresser, venir et réduire envers lui comme bon et obéissant fils est tenu faire envers sou bon seigneur et père, et que, moyennant cela, le Roi était toujours disposé à le recevoir et à le traiter en toute faveur et douceur, et à mettre en oubli toutes les déplaisances passées. Il n'a demandé qu'une chose, savoir que le Dauphin vint devers lui pour lui obéir et servir le royaume et la chose publique, accompagné de gens notables, ainsi qu'il appartient à son état. Quant aux deux requêtes présentées par le Dauphin, le Roi y a déjà fait répondre à plusieurs reprises. Il y a douze ans que le Dauphin est éloigné du Roi ; accéder à ses requêtes, en lui accordant un délai pour son retour, serait approuver sa longue absence et ses torts, et mécontenter les princes du sang et les notables du royaume, qui tous ont manifesté le désir que le Dauphin revînt résider près de son père. Le Roi ne peut donc que répéter ce que plusieurs fois il a fait dire : le Dauphin doit revenir auprès de lui. Si le Dauphin conserve encore ces peurs et craintes dont tant de fois il a parlé, le meilleur moyen de les dissiper est de venir s'entretenir avec le Roi : il peut le faire en toute sécurité et avec tels gens qu'il lui plaira d'amener, et, après cette explication, il sera libre de rester ou de s'en retourner si bon lui semble. Quant aux rapports 'qui auraient été faits au Roi contre le Dauphin, le Roi n'a pas coutume d'ajouter foi légèrement à de tels rapports. Le Dauphin sollicite le pardon du Roi s'ils. fait quelque chose où celui-ci ait pris déplaisir : le Roi est toujours prêt à pardonner et à oublier le passé, quand son fils viendra vers lui comme il doit le faire. Si le Roi a mis en sa main le Dauphiné, c'est parce que le Dauphin est parti soudainement, laissant plusieurs places aux mains d'étrangers et de gens mal famés ; à ce sujet, le Roi ne peut que répéter ce qu'il a déjà dit : quand le Dauphin viendra près de lui et lui obéira, ainsi qu'il est tenu de le faire, le Roi le pourvoira si bien et si grandement qu'il en devra être content[39].

En ce qui concernait le duc de Bourgogne, le Roi faisait répondre, article par article, aux plaintes et aux insinuations contenues dans l'exposé des ambassadeurs.

Le duc se plaint de ce que les réponses faites à ses ambassadeurs, durant leur séjour à Vendôme, étaient peu concluantes : ce qui a été dit à Vendôme aux gens du duc, l'a été au nom du Roi, conformément aux avis et délibérations des princes du sang et d'autres notables membres du Conseil ; la réponse était bonne et raisonnable, et telle que le duc en aurait dû être content.

Le duc se plaint des accusations formulées contre lui par le procureur général, en présence des princes du sang : le Roi, ayant été averti que, en plusieurs cas particuliers, les arrêts de son Parlement, ses mandements et les ordres de ses officiers n'avaient point reçu d'exécution dans les terres et seigneuries que le duc possède dans le royaume, fit dire et remontrer aux ambassadeurs, par son procureur général, certains de ces cas, afin d'en avertir le duc pour y donner et y faire donner par ses gens telle obéissance qu'il est tenu de faire.

En Ce qui concerne le traité d'Arras, le Roi sait les grands biens qui, en tous royaumes, adviennent au moyen de la paix ; aussi, pour l'honneur et révérence de Dieu, et pour le soulagement de son peuple, quand des ouvertures de paix lui furent faites, il y donna libéralement son assentiment, oubliant, toutes choses passées, et Sans vouloir y épargner du sien, bien qu'alors il eût déjà recouvré une grande partie de sa seigneurie et qu'il n'y eût pour lui aucune nécessité de conclure ce traité.

Quant aux services rendus par le duc en faisant la guerre aux Anglais, le Roi avait confiance que, après le traité d'Arras, le duc s'emploierait contre ses ennemis, comme tous les princes de son sang sont tenus de le faire ; il se souvient de l'armée levée alors par le duc ; si celui-ci lui eût communiqué ses intentions, le Roi lui aurait indiqué ce qui lui semblait le plus utile, et s'y fia tellement employé, tant de ses gens que de sa personne, qu'il eût pu s'en suivre un grand bien pour le royaume. Paris a été occupé par le connétable et par le comte de Dunois, à la tête d'une armée royale, et, grâce aux dispositions favorables de la population ; il est vrai que le seigneur de l'Isle Adam et autres, avec des gens du duc, au nombre de six à sept cents, s'y comportèrent honorablement : aussi le Roi en fut-il alors très content. Quant à la conquête de la Normandie, le Roi ne se souvient pas qu'il y soit venu des gens de la part du duc ; il reconnaît pourtant que, en la compagnie des comtes d'Eu et de Saint-Pol, parents, sujets et serviteurs du Roi, plusieurs chevaliers, écuyers et autres sujets du Roi, tant de Picardie que d'ailleurs, vinrent combattre à ses propres dépens, et se comportèrent bien et honorablement à sa satisfaction.

Le duc déclare que, depuis la conclusion de la paix, il n'a cessé de chérir et honorer le Roi : celui-ci sait quels amour, charité, service, honneur et obéissance le duc de Bourgogne et les autres princes du sang doivent avoir envers lui ; aussi n'a-t-il jamais voulu ni ne voudrait-il faire chose pour laquelle le duc aurait raisonnablement cause d'avoir autre volonté envers lui que celle qu'il doit avoir.

Le duc se plaint des alliances contractées par le Roi et dit qu'il a été avisé que ses haineux ont poussé le Roi à prendre de telles alliances contre lui. Le Roi est bien émerveillé de ce que, contrairement à la vérité, le duc ait été ainsi avisé de ces choses. Toutes bonnes alliances et confédérations sont bien requises entre les rois et princes souverains. Si le Roi a fait alliance avec le roi de Danemark, il ne sera pas trouvé que, dans le traité, il soit fait mention d'aucune chose contre le duc ni à son préjudice ; au contraire, comme proche parent et sujet du Roi, cette alliance peut être à son avantage, aussi bien qu'à celle des autres princes du sang, et cela doit être chose agréable à tous les princes et seigneurs du royaume de voir un si puissant prince que le roi de Danemark devenir l'allié du Roi.

Si le prévôt des maréchaux a été à Liège, ce n'est pas pour y chercher des alliances contre le duc, mais pour un fait particulier concernant la justice et intéressant l'honneur du Roi. Celui-ci n'avait pas besoin d'envoyer à Liège pour contracter des alliances, car les Liégeois ont toujours eu le Roi et la couronne de France en grand honneur, amour et révérence, et plusieurs fois ont offert de le servir contre ses ennemis. -

En s'alliant avec la communauté de Berne, le Roi n'a rien fait qui fût préjudiciable au duc.

Quant à l'alliance avec le roi Ladislas et au mariage de ce prince avec Madame Madelaine, il n'a été fait aucune alliance et point n'en était besoin, car, de grande ancienneté, il y a eu des alliances perpétuelles entre les royaumes de France et de Bohême ; et, pour le mariage, chacun sait qu'il n'est pas défendu, entre princes chrétiens, de traiter du mariage de leurs enfants, car par ces mariages plusieurs biens adviennent souvent. Rien, dans le traité entre le Roi et le duc, n'empêche le Roi d'agir ainsi. Parmi les princes chrétiens, il n'y avait point alors de plus grand mariage que celui-là et dont vraisemblablement il pût résulter plus de biens et d'honneur, notamment en vue de la défense et de l'exaltation de la Foi. Le Roi n'a point su d'ailleurs qu'il y eût publique inimitié entre le roi de Bohême et le duc.

Si le Roi s'est allié avec l'empereur, les princes électeurs et les autres princes d'Allemagne, il s'est conformé en cela à ce qui a été fait de tout temps ; et, dans ces alliances, il n'a rien été stipulé qui fût au préjudice du duc.

Le duc prétend que le Roi veut faire des trêves générales avec les Anglais dans le but de lui nuire : le duc peut se rappeler les bons termes dont le Roi a usé à son égard lors de la conclusion de la trêve de 1444, où ses ambassadeurs furent présents, où lui-même a été nommément compris comme les autres princes du sang. Le Roi ne cherche point présentement à conclure de trêve avec les Anglais ; mais, ayant été plusieurs fois exhorté par le Pape et par les légats envoyés en France à conclure la paix ou une trêve avec les Anglais, en vue de la défense de la Foi, il a toujours déclaré que, pour l'honneur de Dieu principalement, il était disposé à y entendre par tous bons et raisonnables moyens.

En ce qui concerne l'asile donné au Dauphin, le Roi a déjà répondu au duc ; mais, bien que celui-ci ait déclaré qu'il s'emploierait volontiers à ramener le Dauphin à l'obéissance, le Roi ne s'est point aperçu que, depuis le temps que ce prince est entre ses mains, il en soit résulté quelque bon effet.

Le duc prétend s'excuser relativement aux trêves conclues par lui avec les Anglais ; mais il ne peut ignorer que, par suite des malheurs de la guerre, les gens d'armes du Roi commettaient alors, à son vif déplaisir, de grands excès, tant dans ses pays que dans les autres contrées du royaume. Le Roi y a mis ordre dès qu'il l'a pu. Et supposé que certains excès aient été commis dans les pays du duc, ce n'était point un motif suffisant pour conclure des trêves avec les ennemis du royaume sans le congé du Roi. Jamais, lors de la conclusion du mariage de la fille du roi de Sicile avec le roi d'Angleterre, il n'a été question des arrangements dont parle le duc ; le Roi s'étonne que celui-ci ait ajouté foi et qu'il persiste à croire à des choses aussi contraires à la vérité. S'il avait des doutes à cet égard, il devait s'adresser au Roi, pour être éclairé, et non point prendre des trêves préjudiciables au Roi et à la chose publique.

Le duc demande que le procureur général du Roi lui fasse connaître les faits produits à sa charge à Vendôme, en présence des princes du sang, déclarant qu'il aura réponse à tout : le Roi a reçu des plaintes relativement à l'exécution des arrêts de son Parlement et les a fait communiquer à Vendôme aux ambassadeurs du duc, afin d'obtenir satisfaction ; ce n'est pas la première fois que de telles réclamations ont été produites, sans que le duc y ait fait droit. Le Roi écrira à son procureur général et fera dresser un état de ces plaintes et doléances, qu'il communiquera au duc par une ambassade qui sera envoyée à cet effet.

Le duc se plaint du Parlement : le Roi s'est enquis à Vendôme auprès des membres de sa Cour, qui ont déclaré qu'il y a eu autant et plus de causes expédiées pour les pays du duc que pour les autres contrées du Royaume ; néanmoins, le Roi mandera derechef à son Parlement de faire bonne et brève expédition de justice relativement aux causes du duc et de ses sujets.

Le duc prétend que le traité d'Arras n'a point été exécuté : il semble au Roi que le duc n'a point de plaintes à formuler à cet égard. Le Roi n'a rien fait qui soit contraire au traité. Au duc d'aviser si, de sa part, le traité a été bien observé. Le duc devrait bien se souvenir des paroles qui furent dites lors du mariage de 'feue Madame Catherine avec le comte de Charolais.

Le duc se plaint des injures qu'il prétend avoir été faites tant à lui qu'à ses gens : de telles choses doivent déplaire à tous princes, et quand elles viennent à leur connaissance, ils en devraient faire punition ; mais, d'ordinaire, elles sont faites par des gens de mauvaise volonté et de petite réputation ; et bien qu'il ait été souvent dit et fait plusieurs choses graves contre la personne du Roi, il s'abstient d'en parler pour le moment.

Quant à la requête faite au Roi par le duc de le tenir en sa bonne grâce et à l'assurance qu'il donne de sa fidélité, le duc peut assez connaître par expérience que, depuis le traité d'Arras, le Roi lui a tenu bons et raisonnables termes, comme il appartient de faire à l'égard d'un bon parent et serviteur. Le Roi serait bien joyeux que le duc se gouvernât toujours tellement envers lui qu'il eût cause de continuer, et de l'avoir et tenir en sa bonne grâce[40].

Les ambassadeurs bourguignons ne se tinrent pas pour battus : le lendemain, 8 mars, Toison d'Or présenta en leur nom au chancelier et aux membres du Conseil une cédule dans laquelle ils déclaraient n'avoir point reçu de réponse aux deux points qui avaient fait le principal objet de leur ambassade ; ils demandaient donc à connaître à cet égard la volonté et le bon plaisir du Roi[41].

Le 11 mars, Charles VII leur fit donner la réponse suivante :

Depuis la réponse faite, de par le Roi et en sa présence, à vous messire Jean de Croy, seigneur de Chimay, messire Jean de Lannoy, gouverneur de Hollande, et Toison d'Or, conseillers et ambassadeurs de monseigneur de Bourgogne, vous avez baillé une cédule, par laquelle dites que vous avez été envoyés devers le Roi pour deux points : l'un pour ouvertement et clairement lui faire déclarer quel a été monseigneur de Bourgogne, quel il est, et quel il veut demeurer envers le Roi ; l'autre pour savoir si le Roi est indigné et mécontent de mon dit seigneur de Bourgogne et les causes pourquoi ; et que, si le Roi a aucune chose au cœur qui le meuve à être mécontent de mon dit seigneur de Bourgogne, que son plaisir soit le déclarer et le lui signifier. Et dites que auxdits deux points, qui sont la principale cause de votre venue, n'a rien été répondu ; par quoi vous suppliez au Roi que sur ce vous puissiez savoir son vouloir et bon plaisir.

Pour répondre à laquelle cédule le Roi vous fait dire que, par les réponses qui vous ont été baillées, vous pouvez bien voir et connaître que, à chacun desdits deux points dont vous parlez, et à tous les articles que vous avez baillés par écrit, a été bien et suffisamment répondu de par le Roi ; et néanmoins, pour ce que requérez avoir plus ample déclaration sur le contenu en votre dite cédule, le Roi enverra devers monseigneur de Bourgogne aucuns de ses conseillers, pour lui faire savoir sur ce son vouloir et intention, et pour connaître si monseigneur de Bourgogne est et veut être par effet envers le Roi tel que vous avez dit et baillé par écrit[42].

La situation restait toujours aussi tendue ; et le ton de plus en plus péremptoire des déclarations de la chancellerie royale montrait bien que Charles Vil était décidé à en finir : il était évident que, si le duc de Bourgogne ne lui donnait pas satisfaction, le Roi n'hésiterait pas à l'y contraindre par la voie des armes[43].

 

 

 



[1] Son vrai nom parait avoir été Jean Bretonneau. Voir lettres du mois d'avril 1459. Archives, JJ 188, n° 70.

[2] Voir le texte des instructions données aux ambassadeurs. Fontes rerum austriacarum, Diplomatoria et acta, t. II, p. 302-304.

[3] Ce rapport, en date du 8 juin 1158, e trouve dans le ms. fr. 15537, f. 165 ; il a été publié assez incorrectement par Duclos, Recueil de pièces, etc., p. 167-171. — Il résulte de ce document que deux messages avaient été précédemment envoyés au Dauphin. Champdenier, en s'adressant ainsi à l'héritier du trône, voulait indirectement le pousser à se réconcilier avec son père.

[4] Denkschriften der K. K. Wiener Akad. der Wissenchaften. Philos. histor. Classe, t. IX, p. 273.

[5] Fontes rerum Austriacarum, l. c., p. 303.

[6] Voir Mandrot, Etude sur les relations de Charles VII et de Louis XI avec les Cantons suisses, p. 39-42.

[7] Ces détails sont tirés de l'exposé fait à Charles VII, le 3 mars 1459, par les ambassadeurs saxons (Lünig, Codex Germaniæ diplomaticus, t. III, col. 1705-1706) ; des instructions données par le duc de Saxe à ses ambassadeurs, et du rapport de ceux-ci (Archives de Dresde, Wittenberger Archiv, Fransörische Suchen, f. 24 et 29).

[8] Original aux Archives de Dresde, Urkunden, n° 7620.

[9] Projet de lettre du duc de Saxe, aux Archives de Dresde, Wittenberger Archiv, Luxemburgische Suchen, I, fol. 188.

[10] Longtemps auparavant que les gens desdis duc et ducesse arrivassent devers le Roy, il (le duc de Bourgogne) fut averti que le bailly de Vitry estoit allé en Allemaigne, notamment devers ledit duc de Saxe, adfin de traictier avec luy touchant lesdis duchié et conté, et tant faire que lesdis duc et ducesse voulsissent transporter au Roy iceulx pays. Réponse du duc de Bourgogne aux ambassadeurs de Charles VII, décembre 1459, Ms. de Bruxelles, n° 14487-14488.

[11] Exposé du 3 mars 1459, l. c., col. 1768 ; Réponse du duc de Bourgogne.

[12] Original aux Archives de Dresde, Urkunden, 7649.

[13] Lettre datée de Cobourg, 24 novembre. Archives de Dresde, Wittemb. Archiv, Luxemb. Sachen, f. 153.

[14] Declaracio dicendorum per dominum baillirum Vitriaci ex parte christianissimi Regis Francorum domino Guillermo duci Saxonum. Archives de Dresde, Wittemb. Archiv, Luxemb. Sachen, f. 163.

[15] Mémoire remis par Lenoncourt le 19 décembre 1458. Archives de Dresde, l. c., f. 157 et suivants.

[16] C'étaient Jean et Albert de Brandebourg le landgrave de Hesse, les représentants des archevêques de Trêves et de Mayence, de Frédéric, électeur de Saxe, et de Frédéric, électeur de Brandebourg. Instructions du duc à ses ambassadeurs en France, citée par Van Werveke, Definitive Erwerbung, etc., p. 14.

[17] Instructions, etc. l. c., p. 15.

[18] Original aux Archives de Dresde, Urkunden, n° 7599 ; publié par Berthollet, t. VIII, Preuves, p. LXXXVII, et Würth-Paquet, Publications, etc., t. XXXI, p. 24.

[19] Archives de Weimar. Cité par Van Werveke, Definitive Erwerbung, p. 16. Le texte se trouve dans Acta legationis, etc. Ludewig, Reliquiæ manuscriptorum, 1731, t. IX, p. 727.

[20] Requête dos ambassadeurs, en date du 3 mars 1459. Ludewig, l. c., p. 708 et suivantes. ; Lünig, Codex Germaniæ diplomaticus, t. II, col. 1704 et suivantes.

[21] Ludewig, Reliquiæ manuscriptorum, t. IX, p. 707-736, et Lünig, Codex Germaniæ diplomaticus, t. II, col. 1704 et suivantes.

[22] Original aux Archives de Dresde, Urkunden, n° 7606.

[23] Originaux aux Archives de Dresde, Urkunden, n° 7607 et 7608. Éd. Lünig, l. c., col. 1702 ; Berthollet, Histoire du duché de Luxembourg, t. VIII, preuves, p. XCIII ; Würth-Paquet, dans Publications, etc., t. XXXI, p. 40 ; Du Puy, 157, f. 31 ; Moreau, 432, f. 267. Cf. Van Werveke, l. c., p. 20-21.

[24] Voir Chastellain, t. III, p. 441. Cf. Thomas Basin, t. II, p. 3 et 26. — Le comte de Foix, dans son rapport à Louis XI, en date du 6 août 1461, déclare que Charles VII ne voulut jamais rien faire au préjudice des droits du Dauphin. Duclos, Recueil de pièces, etc., p. 249.

[25] Lui attribuoit-on mal incurable en une jambe qui toudis couloit et rendoit matières incessamment, qui le mettoit à fin. Chastellain, t. III, p. 444.

[26] Chastellain, t. III, p. 445.

[27] Chastellain, t. III, p. 446.

[28] Chastellain, t. III, p. 447-448.

[29] Chastellain, t. III, p. 449.

[30] Chastellain, t. III, p. 450. — A partir de la fin de 1458, nous allons être privés de la précieuse source d'informations que nous offrait la chronique de Georges Chastellain. Le fragment retrouvé en 1842 par le major Renard, et publié intégralement en 1864 par M. Kervyn de Lettenhove, s'arrête ici, et le récit du chroniqueur ne reprend qu'à l'avènement de Louis XI.

[31] Le 18 décembre, Pontarlier allait porter des lettres closes à l'évêque et à Dunois, étant vers le Roi. Archives du Nord, B 2030, f. 280, et 2040, f. 141 v°.

[32] Lettres closes envoyées au Dauphin les 1er et 10 décembre et 5 janvier. Archives du Nord, B 2030, f. 275 v° et 280 v° ; 2034, f. 98 v°.

[33] Archives du Nord, B. 2034, f. 73 v°, 94, 97 v°.

[34] Procès-verbal de Guillaume Blanchet, aux Archives nationales, J 1039, n° 9 ; cf. Le Grand, vol. VIII, f. 129.

[35] Lettre en date du 8 janvier 1459. Original, Ms. fr. 5044, f. 37.

[36] Cette lettre se trouve en copie moderne dans Le Grand, VIII, f. 247. Nous n'avons pu en retrouver l'original. Elle a été publiée par Duclos, p. 154, et par M. Charavay (Lettres de Louis XI, t. I, p. 84), avec la date fautive de 1456. Voir à ce sujet une note supplémentaire à la fin du volume.

[37] Ms. fr. 17517, f. 19-90 ; Bibl. royale de Bruxelles, n° 7244, f. 245. — Le 13 février, l'évêque de Coutances, Jean Tudert et Étienne Le Fèvre vinrent trouver en leur hôtel à Tours les ambassadeurs bourguignons, et leur demandèrent des explications au sujet des prétentions du Dauphin. Ils reçurent la note suivante, qui se trouve dans le ms. de Bruxelles, f. 948 v° : Pour declairer ung point qui est contenu ou second article des paroles que les ambaxadeurs ont dit touchant monseigneur le Daulphin, où il est dit que mon dit seigneur requiert au Boy qui luy plaise accorder les deux points dont autrefois luy a fait supplier et requerir, qui est de sa venue et de ses gens, l'entendement est tel que requiert au Roy qui puist demeurer en sa franchise et passer encuves ung peu de temps jusques à ce qu'il soit hors d'aucunes crainctes et ymaginarions qui encores l'occupent et travaillent, et qu'il plaise au Roy son seigneur et père estre contant de ses serviteurs, et que mon dit seigneur se puist servir de euh pour ce qui les a plus accoustumez et a leurs services plus aggreabtes que ne auroit d'autres nouveaulx qui luy pourroient survenir, desquelx il ne auroit point si plénière ne familière congnoissance.

[38] Ms. fr. 17517, f. v°-54 ; Bibl. royale de Bruxelles, n° 7244, f. 254 v° et suivants.

[39] Ms. fr. 17517, f. 26-28 ; Bibl. royale de Bruxelles, n° 7244, f. 249. Éd. Jean de Reilhac, etc., t. I, p. 42-46.

[40] Ms. fr. 17517, f. 13-18, Doat, IX, f. 356 ; 74. Éd. Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 395-414 ; Histoire de Bourgogne, t. IV, Preuves, p. CCXXX-CCXXXIV ; Jean de Reilhac, etc., t. I, p. 48-58.

[41] Cette cédule se trouve dans le ms. fr. 17517, f. 24 v°.

[42] Ms. fr. 17511, f. 18. Ce document est inséré dans la Chronique de Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 411-415 ; il se trouve aussi dans de l'Histoire de Bourgogne, t. IV, Preuves, p. CCXXXIV, et dans Jean de Reilhac, etc., t. I, p. 58.

[43] Jà soit ce que le duc de Bourgoingne euist faict et envoyé par escript au Roy plusieurs notables remonstrances, en se humiliant, il ne avoit eu que rigoureuse reponse ; et sur chascun article que le duc avait envoyé par escript, on luy avoit respondu par escript très poignamment. Pour quoy on craignoit que ledit Roy ne voulust esmouvoir guerre contre le duc. Jacques du Clercq, t. III, ch. XLIV.