HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE VI. — CHARLES VII PENDANT SES DERNIÈRES ANNÉES. - 1454-1461.

 

CHAPITRE X. — LE PROCÈS DU DUC D'ALENÇON.

 

 

1456-1458.

 

Instruction du procès ; le duc déclare ne relever que de le Cour des pairs ; Charles VII consulte le Parlement ; sur l'avis de ce corps il convoque les pairs à Montargis, — Sommation adressée au duc de Bourgogne ; mécontentement de ce prince ; il envoie Toison d'Or au Roi. — Exposé de l'ambassadeur ; Charles VII autorise le duc à se faire représenter par une ambassade ; préparatifs de guerre faits de part et d'autre ; désignation d'ambassadeurs par Philippe ; dispositions du duc et de son entourage. — Sommation adressée au duc de Bretagne ; attitude prise par le nouveau duc ; il refuse de comparaître. — Délai apporté à l'ouverture du lit de justice ; Charles VII le transfère à Vendôme. — Arrivée du Roi dans cette ville ; ouverture du lit de justice ; première audience. — Interrogatoire du duc d'Alençon ; examen de la procédure. — Discours de Jean Lorfèvre, l'un des ambassadeurs bourguignons ; réponse de l'évêque de Coutances. — Discours du duc d'Orléans en faveur de son gendre ; discours de l'archevêque de Reims. — Sentence de condamnation ; elle est signifiée au duc d'Alençon.

 

Aussitôt après l'arrestation du duc d'Alençon, Charles Vil avait ordonné de procéder à une- enquête sur les faits à sa charge. L'instruction du procès commença le 14 août 1456. Le Roi avait désigné à cet effet un martre des requêtes, Gérard Le Boursier, quatre conseillers au Parlement, Jean de Sauzay, Jacques Nynart, Guillaume de Corbie et Joachim Jouvelin, et Jean de Longueil, lieutenant criminel de la prévôté de Paris[1]. Les dépositions recueillies furent accablantes pour l'inculpé : Il fut établi que le duc avait offert au gouvernement anglais de lui faciliter la conquête de la Normandie ; qu'il avait mis ses places à la disposition de l'ennemi, et qu'il avait envoyé des émissaires dans plusieurs villes pour y pratiquer des intelligences en vue de les livrer aux Anglais. Près de deux années s'écoulèrent pourtant[2]. Le duc avait décliné la compétence des premiers juges et refusé de répondre juridiquement à leurs interrogatoires, prétendant que, en sa qualité de prince du sang, il ne relevait que de la Cour des pairs. On avait perdu de vue les formalités à remplir pour procéder contre un pair de France. Le Parlement fut consulté : Jean Tudert, conseiller et maitre des requêtes de l'hôtel du Roi, posa les questions à résoudre. Après avoir consulté les registres contenant les procès de Robert d'Artois, de Jean de Montfort et de Charles, roi de Navarre, le Parlement donna sa réponse, à la date du 20 avril 1458. Tout pair de France, accusé d'un cas criminel, devait être jugé par le Roi en personne, assisté des pairs de son royaume, d'autres hauts personnages, prélats et nobles, et de gens de son grand Conseil ; non seulement les pairs de création ancienne, mais les princes en possession de nouvelles pairies devaient être convoqués ; si certains pairs se refusaient à répondre à la convocation, le Roi devait procéder en leur absence ; sa présence au procès était indispensable : jamais le Roi ne s'était fait remplacer par un délégué[3].

Conformément à l'avis du Parlement, une ordonnance royale, rendue à Montrichard le 23 mai 1458, convoqua à Montargis, pour le ter juin, les pairs de France et les princes du sang tenant pairie[4]. Mais le Roi n'avait point attendu jusque-là pour adresser une sommation au duc de Bourgogne, doyen des pairs[5]. Philippe se trouvait alors à Gand, où les habitants, voulant lui faire oublier les fâcheux souvenirs de 1453, l'avaient reçu avec les plus grandes démonstrations de respect. Ce fut là que, le 13 avril, un huissier du Parlement se présenta, et l'ajourna à comparaître le ter juin, à Montargis, au lit de justice tenu par le Roi[6]. Avez-vous charge, de la propre bouche du Roi, de venir ici ? demanda le duc. — Oui, Monseigneur. — Ah ! vraiment ! Mais savez-vous bien certainement qui vous devez ajourner en propre personne, et Monseigneur le Roi vous a-t-il commandé de le faire ainsi ?Certes, Monseigneur, oui, le Roi me l'a commandé de bouche et m'a dit ces mêmes paroles ; et, pour tant, je vous supplie très humblement qu'il vous plaise à moi pardonner, car de main d'autrui je ne l'eusse osé entreprendre. — Véritablement, reprit le duc, il me poise que le Roi ne me l'a fait savoir plus tôt et de plus longue main, car le jour est bien bref, et pour aller en une telle assemblée où le Roi doit avoir tous ses pairs, il sied bien de l'accompagner comme il appartient. Je ne vis oncques le Roi ; je voudrois aller devers lui bien accompagné et le mieux que je pourrai. Donc, s'il me l'eût fait savoir plus tôt, peut-être que j'y fusse mieux allé en point que je ne le pourrai maintenant. Mais, puisqu'il lui plaît que ainsi en soit, je me disposerai à y alter le mieux que je pourrai. Le duc se tut un instant ; puis, se tournant vers l'huissier, il poursuivit : Quant à ce qui est du Roi, je ne me plains pas de lui, et je n'espère en lui que tout bien ; mais de vous autres (gens du Parlement), je me plains à Dieu et au monde des torts, injures et rudesses que vous m'avez fait et me faites tous les jours, tant en mon honneur comme eu mes seigneuries, volontairement et par haine. Mon intention est de ne le plus souffrir. Je me vengerai une fois si je puis, et je prie Dieu qu'il me donne de tant vivre que j'en puisse prendre vengeance à l'appétit de mon cœur. Je ne le dis pas ici que je ne veuille bien que cela leur soit rapporté, car vous-même vous en êtes, et à cette cause je vous le dis. L'huissier, tout interdit, resta muet. On le reçut, toutefois, avec courtoisie. Il repartit au bout de trois jours, après avoir été festoyé par l'évêque de Toul et les autres conseillers du duc[7].

Cependant Philippe résolut d'envoyer Toison d'Or, en toute hâte, pour savoir au juste ce qu'il en était et si le Roi persisterait dans son intention[8]. L'ambassadeur avait mission de s'adresser à sa propre personne et de lui faire observer que, aux termes du traité d'Arras, le duc n'était susceptible, sa vie durant, d'aucun ajournement et ne devait se rendre aux mandements royaux que suivant son plaisir ; que, au contraire, il était exempt de telles hauteurs, et qu'il espérait que le Roi ne voudrait enfreindre les conditions du traité, car il ne le tolérerait point. Si le Roi persistait à exiger la présence du duc, l'ambassadeur devait objecter que, pour un prince d'une telle importance, le délai était bien court, eu égard à un st lointain voyage, entrepris pour aller vers un souverain qu'il n'avait jamais vu ; en outre, le duc avait, dans son pays, de sérieuses affaires auxquelles il lui convenait d'avoir et il n'avait pas, aussi facilement que beaucoup d'autres, la liberté de se mouvoir. Aussi priait-il le Roi qu'il lui plût, tenant compte de ces difficultés, de le dispenser de son voyage, ou, tout au moins, de lui donner un délai convenable pour s'y préparer. Que si l'on demandait à l'ambassadeur quelle compagnie son maître comptait amener, il devait répondre que le duc mènerait quarante mille combattants pour servir le Roi, s'il en était besoin, et que jamais il n'entrerait au royaume à moins[9]. Toison d'Or arriva, ferrant battant[10], au château des Montils, et fit à Charles VII l'exposé de sa charge. Le Roi répondit qu'il consentait à ce que le duc de Bourgogne ne se travaillât pas pour cette journée, et à ce qu'il se bornât à envoyer une notable ambassade pour le représenter et décorer la congrégation des pairs de France[11].

Charles VII avait songé à mettre en cause le comte d'Armagnac en même temps que le duc d'Alençon ; il pensait que ces deux princes avaient, d'un commun accord, tramé la conspiration ; aussi avait-il fait tenir en prison, sans les mettre à mort, tous ceux qu'ou avait pu saisir comme ayant trempé dans l'affaire. Soit que les révélations ne fussent point assez probantes, soit qu'il eût abandonné ce dessein, le Roi résolut de n'agir que contre le duc d'Alençon ; il estimait que le duc de Bourgogne n'était point étranger an complot, et il avait la volonté bien arrêtée, si ce prince se trouvait compromis, de le dénoncer devant le lit de justice pour le faire condamner avec le duc d'Alençon. C'est du moins ce que prétend le Bourguignon Georges Chastellain, dont il est impossible de contrôler le témoignage[12].

Dans cette prévision Charles VII, voulant, en cas de rupture avec le duc de Bourgogne, être en mesure de faire face aux éventualités, convoqua le ban et l'arrière-ban dans tout son royaume, et le fit publier jusque dans tes villes de la Somme, engagées en vertu du traité d'Arras. De son côté, le duc, sans attendre la réponse que Toison d'Or devait lui apporter, fit également publier le ban et l'arrière-ban dans tous ses états, et se disposa à se rendre à Montargis en grand appareil. Les préparatifs militaires se firent donc de toutes parts, à la grande stupéfaction des populations qui redoutaient de voir revenir les horreurs de la guerre[13].

Au retour de Toison d'Or, le duc de Bourgogne désigna aussitôt les ambassadeurs qui devaient se rendre à Montargis : la lettre de créance qu'il leur remit portait la date du 2 juin[14]. Il allait se mettre en route pour Arras, où il avait convoqué ses chevaliers et écuyers, quand un refroidissement le mit soudain aux portes de la mort. Le seigneur de Croy, qui s'était rendu en pèlerinage à Notre-Dame de Hal, fut rappelé, et trouva son maure qui n'avoit ni sens, ni parole, ni signe pour y espérer vie[15]. La duchesse de Bourgogne, absente de la cour depuis la querelle du duc avec son fils, accourut à la hâte ; quand elle arriva, son mari était hors de danger : la vigoureuse constitution de Philippe avait triomphé du mal[16].

A peine remis de sa maladie, le duc écrivit lettre sur lettre aux ambassadeurs qu'il avait envoyés en France[17].

Un soir, s'entretenant familièrement avec le sire de Croy et quelques autres, il s'exprima en ces termes : Je ne sais ce que le Roi me demande, et ce qui le meut d'être ainsi ennemi à lui-même, ni de faire de ses amis et serviteurs des ennemis ; car, si la paix ne lui est chose précieuse et moult délitable, il ne peut avoir guerre avec moi qu'elle ne lui soit ennuyeuse : il ne m'ôtera rien de ma félicité que je ne lui fasse un grand écart en la sienne. Dieu lui donne bon conseil et à moi de bien ouvrer ! Mais, s'il me contraint à faire ce que je ne voudrais, je lui montrerai par effet ce qu'il portera contre son gré, car je lui n'encrai quarante mille combattants en barbe, payés pour trois mois, et puis après pour trois ans, si besoin est, et sans faire engagement ni emprunt, combien que j'aimerois mieux employer mon bien ailleurs[18]. Le duc convoqua les principaux seigneurs de son Conseil et ses chefs de guerre, et recueillit l'opinion de chacun. Appelé à donner son avis, le comte de Charolais s'excusa d'abord, à cause de sa jeunesse. Enfin il prit la parole : Certes, dit-il, je suis bien jeune et ne vis oncques rien. Si me convient mal eu parler beaucoup, car ce m'est la plus grande matière qui oncques vint devant moi, et la plus à peser. Le Roi est puissant à merveille et est de grande conduite, et n'y a roi au monde aujourd'hui qui tant fasse à craindre. Si n'en saurois que dire qui bien y sied ; mais, s'il litait à Monseigneur moi envoyer en France et que besoin le contraigne à cela, j'irai, avec ce qu'il lui plaira me donner de gens, jusque devant Paris, et de là je ne retournerai jamais devers lui que premier je n'aie traversé le royaume d'un bout à l'autre. Et m'en advienne ce qui plaira à Dieu ! Le comte de Charolais avait été élevé par sa mère dans des sentiments favorables aux Anglais, et ses sympathies secrètes éclataient : les paroles qu'il prononça furent accueillies par les plus chaleureux applaudissements du duc et de ses conseillers[19].

En moine temps qu'il avait envoyé une sommation au duc de Bourgogne, Charles VII avait fait partir un de ses maîtres des requêtes, Bertrand Brissonnet, pour aller trouver le duc de Bretagne., et le mettre en demeure de se rendre à Montargis[20].

Arthur de Bretagne, comte de Richemont, venait, par suite de la mort de son neveu Pierre, survenue le 22 septembre 1457 ; de ceindre la couronne ducale. Il n'en avait pas moins conservé la charge de connétable. A la fin de 1457, Charles VII l'avait invité à se rendre à Tours pour la réception de l'ambassade de Ladislas, et Richement se disposait à partir quand il apprit la mort de ce prince. Le voyage s'effectua pourtant. Le nouveau duc arriva près du Roi au mois de février, et passa un mois à sa cour. Mais il ne fit point l'hommage accoutumé : on lui demandait l'hommage lige ; il s'y refusa, disant qu'il devait consulter à ce sujet les états de son duché. En venant requérir le duc de comparaître comme pair de France, l'envoyé du Roi ne le trouva donc pas dans de favorables dispositions. Après avoir pris connaissance de la lettre du Roi et avoir fait examiner l'affaire, il lit donner, le 11 mai, à Brissonnet une réponse par écrit[21]. Le duc de Bretagne déclarait qu'il trouvait la missive royale aussi étrange pour le fond que pour la forme. Un tel ajournement avait sujet de l'étonner après les paroles que le Roi lui avait adressées à sort départ. De tout temps il avait servi le Roi et son royaume bien et loyalement ; il était son connétable, et tenu, en raison de cet office, de se rendre au mandement du Roi. Mais, comme duc, le Roi savait et il était assez notoire que l'obéissance qu'il pouvait lui demander ne s'appliquait qu'à deux cas seulement le cas d'appellation pour déni de droit — pourvu qu'il fût dûment requis et en délai suffisant — ; le cas de faux et mauvais jugement fait par son parlement. Le présent ajournement était donc chose nouvelle et qui ne s'était jamais produite. Le duché de Bretagne n'avait rien de commun avec le fait de la pairie de France ; ses prédécesseurs avaient déclaré qu'ils n'étaient point pairs de France, et qu'ils ne faisaient et n'étaient tenus de faire à ce titre aucune redevance ni obéissance. Son intention n'était donc point de comparaître comme pair ni à Montargis, ni ailleurs.

Cependant le lit de justice convoqué pour le 1er juin ne s'ouvrait pas. Bon nombre de conseillers au Parlement s'étaient rendus à Montargis, où ne tardèrent point à arriver les ambassadeurs du duc de Bourgogne. Quel pouvait être le motif de ce retard ? Était-ce la crainte des conciliabules du duc avec les Anglais, à Calais, que le Roi connaissait par ses émissaires, dont l'un, le roi d'armes Normandie, fut arrêté à ce moment par les gens du duc[22] ? Était-ce, comme l'affirme Georges Chastellain, pour se donner le temps de réunir les preuves de complicité du Dauphin et du duc de Bourgogne dans la conspiration du duc d'Alençon[23] ? Était-ce simplement, comme le disent Jean Chartier et les documents émanés de la chancellerie royale, à cause d'une épidémie qui sévissait dans la contrée ? Toujours est-il que, par lettres données à Beaugency le 20 juillet, le lit de justice de Montargis fut renvoyé à Vendôme à la date du 12 août[24].

Charles VII se rendit dans cette ville en compagnie de son second fils, le duc de Berry, du duc d'Orléans et du comte d'Angoulême. Il fit son entrée le 21 août, à la tête d'un brillant cortège, suivi des archers de sa garde, de ses officiers et de ses cranequiniers. Monté sur un cheval bai, de moyenne hauteur, dont la selle était garnie d'or, il était armé d'un corset recouvert d'une robe de couleur sanguine à plis, et portait de vastes houseaux ; son chapeau était surmonté d'une riche bague[25].

Plusieurs réunions des pairs ecclésiastiques et des membres du Parlement eurent lieu à Vendôme. Le 26, le Roi tint son lit de justice, où les pairs laïques et les seigneurs qui avaient été convoqués siégèrent pour la première fois.

Charles VII prit place sur son trône. A. ses pieds était le comte de Dunois, grand chambellan, remplaçant le connétable que le Roi avait tenu pour excusé. A sa droite étaient Charles de France, duc de Berry, le duc d'Orléans, le duc de Bourbon et le comte du Maine ; les comtes d'Eu et de Foix, qui venaient d'être promus à la pairie ; les comtes d'Étampes, de Vendôme et de Laval ; puis, sur un autre banc, les comtes d'Angoulême et de la Marche. Au-dessous d'eux prirent place les trois présidents au Parlement : Yves de Scepeaulx, Robert Thiboust et Élie de Tourettes ; le sire de Gaucourt, grandmaitre de France ; le sire de Bueil, amiral de France ; Nicole de Giresme, grand prieur de France ; Philippe de Savoie ; le marquis de Saluces ; les quatre maîtres des requêtes. : Gérard Le Boursier, Jean Tudert, Henri de Marie et Georges Havart ; Matheiin Brachet, sénéchal de Limousin ; le seigneur de Rani-bures ; Gilles de Saint-Simon, bailli de Senlis ; deux conseillers du Roi : Denis d'Auxerre et Laurent Patarin ; enfin trente-quatre conseillers au Parlement. — A la gauche du Roi étaient le chancelier Jouvenel des Ursins, assis à ses pieds, en face de Dunois ; les six pairs ecclésiastiques : Jean Jouvenel des Ursins, archevêque-duc de Reims ; Antoine Crespin, évêque-duc de Laon ; Guy Bernard, évêque-duc de Langres ; Guillaume de Hellande, évêque-comte de Beauvais ; Geoffroy Soreau, évêque-comte de Chalons ; Jean de Mailly, évêque-comte de Noyon ; puis Guillaume Chartier, évêque de Paris ; Élie de Pompadour, évêque de Viviers ; Étienne de Cambray, évêque d'Agde ; Richard Olivier, évêque de Coutances ; Louis d'Albret, évêque d'Aire ; Philippe de Gamaches, abbé de Saint-Denis. Et au dessous : Louis, seigneur d'Estouteville, grand bouteiller de France ; Bertrand, seigneur de la Tour ; Jean d'Estouteville, seigneur de Torcy, grand maître des arbalétriers ; Jean de Levis, seigneur de Vauvert, premier chambellan ; Antoine, seigneur de Prie, grand queux de France ; Bertrand de Beauvau, seigneur de Précigny ; Antoine d'Aubusson, seigneur du Monteil, bailli de Touraine ; Guillaume Cousinot, bailli de Rouen ; Gautier de Perusse, seigneur des Cars. Sur un autre banc : les quatre trésoriers de France : Bureau, Chevalier, Hardouin et Berard ; Pierre Doriolle et Pierre de Refuge, généraux des finances ; Tristan Lhermite, prévôt des maréchaux, et Jean de la Gardette, prévôt de l'hôtel du Roi ; enfin, trente-quatre conseillers au Parlement, les deux avocats et le procureur général Jean Dauvet. Cinq greffiers assistaient la Cour des pairs[26].

Le duc d'Alençon était au milieu de la salle, sur une basse escabelle à quatre pieds.

Un tapis semé de fleurs de lis s'étendait dans toute la salle, dont les sièges et bancs étaient recouverts de draps également fleurdelisés[27].

A l'ouverture de la séance, le chancelier se leva et ordonna aux huissiers d'appeler le duc de Bourgogne, le duc d'Anjou, le duc de Bourbon et le comte de la Marche, pairs de France, qui n'étaient point présents, et de s'informer s'ils ne s'étaient pas rendus à l'appel du Roi. Les huissiers sortirent et vinrent annoncer que ces pairs étaient absents, mais qu'ils s'étaient fait représenter par des ambassadeurs, lesquels furent introduits[28].

L'accusé fut amené devant le Roi, et l'on procéda à son interrogatoire.

Plusieurs séances furent employées à cet interrogatoire et à l'examen de la procédure. Le duc d'Alençon ne chercha pas à nier tes faits : il confessa tous ses torts[29].

Dans la séance du 24 septembre on entendit les ambassadeurs du duc de Bourgogne[30].

Ce fut Jean Lorfèvre, président du Luxembourg, qui porta la parole. Il prononça un long discours, émaillé de textes tirés des livres saints, du droit romain, de Sénèque, de Virgile, et autres auteurs de l'antiquité. Invoquant de nombreux exemples de clémence empruntés à l'histoire romaine, il conjura le Roi de faire grâce au duc d'Alençon. Quatre raisons devaient disposer le Roi à la miséricorde envers le duc. La première était la hauteur, excellence et sublimité de l'état de sa dignité et majesté royale ; la seconde, la proximité du sang et lignage ; la troisième, les bons services rendus à la couronne par les ancêtres du duc d'Alençon et par lui-même, depuis Crécy jusqu'à Verneuil ; la quatrième, le caractère du duc. Ici l'orateur plaida les circonstances atténuantes : Sire, dit-il, ceux qui ont conversé et hanté souvent avec Monseigneur d'Alençon peuvent avoir connaissance, tant par son langage que par sa conduite, que en lui a toujours plus eu de négligence et simplesse que d'activité et mauvaise malice. A gens de telle condition, Sire, la loi est plus douce et plus miséricordieuse et moins rigoureuse que aux autres. Et d'autre part, Sire, si par quelque soudaine mélancolie Monseigneur d'Alençon avoit préstimé et voulu faire chose à vous préjudiciable, toutefois, Dieu merci, l'effet ne s'en est point ensuivi. Le duc de Bourgogne sollicitait donc la clémence royale : De rechef, Sire, il vous supplie, en telle humilité et de cœur que plus peut, que votre très noble plaisir soit étendre les yeux de votre très ample et piteuse miséricorde sur Monseigneur d'Alençon et sa maison, lui pardonner, remettre et abolir tout ce qu'il peut avoir mépris, méfait ou offensé à l'encontre de vous, et lui garder son honneur, sans lequel cœur de noble homme ne peut vivre. Sire, privés et étrangers, sujets et voisins, amis et ennemis connaissent par expérience votre charité et humanité, votre miséricorde et puissante bonté. Pour Dieu, Sire, n'en veuillez exclure ni debouter votre très humble parent, mais faites que, avec les autres, il puisse dire ce qui est écrit par David le Psalmiste (Ps. LXXXIII) : Misericordias Domini in æternum cantabo ; toujours et à jamais je louerai les miséricordes de mon Roi, mon prince et mon seigneur[31].

Le cardinal de Coutances répondit le 14 septembre[32] à l'ambassadeur bourguignon. Le Roi, en raison même de sa majesté royale, est tenu de taire justice, car c'est par la justice que règnent les rois. Si le duc d'Alençon est parent du Roi, d'autant plus est-il tenu au bien du Roi, et du royaume et d'autant plus l'a-t-il 'offensé en faisant ce qu'il a fait. Que si les ancêtres du duc ont rendu des services à la couronne, il n'a point suivi leur exemple, et de même que les enfants ne doivent porter le forfait du père, aussi ne doivent-ils profiter de ses bonnes actions. On veut excuser le duc en disant qu'il a bien montré qu'il n'est point sage, mais simple ; il a bien apparu du contraire, et que par grands malice et, trop grande subtilité il a voulu procéder en cette matière. Sou procès le montre clairement. Le délit a été parfait, accompli et consommé en tant que la chose le regardait, et il n'a point tenu à lui qu'elle n'ait sorti son effet. Pour quoi il est digne de punition comme si le cas était advenu. La loi le veut et ordonne ainsi. Et pour conclusion et réponse, dit en terminant le cardinal, le Roi vous fait dire qu'il fera eu cette matière par l'avis des princes et seigneurs de son sang et autres, et ceux de son Conseil qui sont près de lui. Il eût bien désiré que Monseigneur de Bourgogne y eût été, pour avoir son bon conseil ; et tant en fera que Monseigneur de Bourgogne et tout le monde en devront être contents[33].

Le duc d'Orléans voulut élever la voix en faveur de son gendre. Il divisa son discours en trois points : En toutes grandes matières auxquelles on doit donner conseil, trois choses sont à regarder : la première qui est celui qui consulte ; la seconde qui est celui à qui on donne le conseil ; la tierce quelle est la chose que l'on conseille et la manière de la conseiller. Il ne faisait qu'apporter une petite chandelle pour donner clarté entre tant de grandes et notables opinions. Tout d'abord il protesta de son dévouement à la couronne : Comme le chien est trouvé couché aux pieds de son maître, je demeurerai toujours loyalement aux pieds de votre obéissance, prêt de faire en tout ce que je devrai mon loyal devoir... Je connois que vous êtes mon souverain ; et quand je pense bien que c'est à dire de ce mot souverain, il faut qu'il porte quelque grande chose ; car vous n'êtes que un homme comme moi, de chair et d'os, sujet aux dangers, périls, adversités, maladies et tribulations de ce monde comme moi et tous autres hommes, et dont avez eu et essayé beaucoup en votre jeunesse en quoi Dieu montroit qu'il vous aimoit et chatioit pour le connoitre et vous guerdonner de grands biens et honneurs en votre plus grand âge, ainsi qu'il a fait ; car, passé a long temps, nuls de vos prédécesseurs n'ont eu le royaume si entier en leurs mains comme vous l'avez..... Et êtes appelé très chrétien Roi qu'il (Dieu) vous a mis pour être au royaume de France comme son lieutenant et représentant sa présence ; par quoi tous François sont tenus de vous servir, obéir et conseiller loyaument. Le duc d'Orléans rappelait la mort de son père, sa longue prison, le secours qu'il avait trouvé dans Sa querelle chez le père du duc d'Alençon, l'affection qu'il avait pour celui-ci et qui l'avait amené à lui donner sa fille unique en mariage. Et combien, ajouta-t-il, qu'il ait dit en la présence de tous ceux qui sont ici présents qu'il a eu fiance et amour à moi plus que à nul autre, toutefois le me montrait-il mal quand il vouloit faire perdre Normandie, en quoi m'eût fait perdre de ma terre qui a valu dix mille livres de rente, et par ce eût pu ensuivre la destruction du royaume et de nous tous François si nous fussions venus en la main des Anglais. Ici le duc empruntait, selon la coutume du temps, le voile d'une allégorie pour persuader au Roi de faire passer la miséricorde avant la justice ; il la développa longuement. Comme conclusion, il demanda cinq choses : que la vie du duc d'Alençon fût sauve, soit en ce qui concernait son corps, soit en ce qui concernait son aine ; que, pour la sûreté du royaume, il fut emprisonné et par là, empêché de mal faire ; que ses places et pays fussent mis en la main du Roi ; qu'il fût pourvu honorablement au sort de sa femme et de ses enfants ; que ceux de ses serviteurs qui n'avaient point été trouvés en faute fussent traités avec faveur. Il termina par ces paroles : Cette opinion que j'ai ici dite en si notable audience, je la veux avouer en conscience devant Dieu, en loyauté envers vous, mou seigneur, en mon devoir envers le royaume, et en mon honneur devant tout le monde. Et avec ce j'appelle en témoignage tous ceux qui l'ont ouïe au jour du jugement, devant Notre Seigneur, qui connaîtra en quel propos, intention et courage sont dites toutes opinions[34].

Les pairs ecclésiastiques avaient, par acte notarié en date du 18 septembre, fait toutes réserves relativement à leur participation au jugement. IIs déclaraient que leur présence à la Cour des pairs n'entraînait aucune autorité, adhésion ou opinion dont ou pût se prévaloir et qui impliquât une responsabilité quelconque en cas de condamnation à la peine capitale[35]. Jean Jouvenel des Ursins, archevêque dé Reims, à titre de premier des pairs de France, prit la parole le S octobre. Après avoir rappelé la protestation des pairs ecclésiastiques, il déclara qu'en présence du sentiment presque unanime qui se manifestait pour l'exécution formelle de la loi quisquis, il était de son devoir d'exhorter le Roi à préférer miséricorde à rigueur de justice.

Mon souverain seigneur, dit-il, cette matière est si haute et si grande que matière peut être, et, par la confession de Jean, duc d'Alençon, le cas par lui commis et perpétré est si damné et détestable que cas peut être ; et, supposé qu'il ne confesse pas qu'il eût aucune volonté d'attenter à votre personne, toutefois, si son intention et ce qu'il avoit entrepris fussent venus à effet contre vous et votre royaume et vos sujets, d'innumérables maux et inconvénients en fussent advenus Ce que je dis de présent n'est point par forme d'opinion, mais par manière d'une exhortation piteuse. Messire Jean, duc d'Alençon, est un de vos membres principaux ; il vous a bien servi et ses prédécesseurs aussi ; il a été prisonnier à la bataille de Verneuil, où, par votre ordonnance et commandement, il était allé ; pour se racheter de la main de vos ennemis, il a mis tout son meuble, vendu et engagé sa terre de Fougères. Et n'est doute qu'il a grandement mespris, délinqué et failli. C'est un de vos membres ; ne le rejetez ou deboutez de tout point. II est bien malade, mais vous le pouvez guérir ; il reconnoit sa faute et se soumet à votre miséricorde... Considérez les services de ses prédécesseurs où vous devez avoir grand regard, dont l'un mourut à la bataille de Poitiers où le roi Jean fut pris ; son aïeul aussi, en plusieurs et diverses manières, fit de beaux services ; son père mourut eu la bataille d'Azincourt ; et en la conquête de Normandie fut offert audit messire Jean, duc d'Alençon, par le roi Henri d'Angleterre, que, s'il vouloit tenir son parti, il lui laisseroit toutes ses terres. Mais lui, qui étoit jeune enfant, n'en voulut rien faire, et aima mieux abandonner tout le sien et garder sa loyauté envers vous que soi mettre en sujétion de vos ennemis... Et depuis se mit en armes avec Jeanne la Pucelle, et fut à votre sacre, et vous fit chevalier.

Et si ne fut oncques réputé bien sage ; et sembleroit que, combien que le cas soit grand et détestable, et digne de la punition dont je vois plusieurs être d'opinion, aussi semble-t-il, tout considéré, que lui devez faire miséricorde et la préférer à rigueur de justice ; et, en ce faisant, ferez comme Roi très chrétien, piteux et miséricordieux. Il la vous requiert, et la demandent Madame sa femme et ses enfants ; et si le cas est si grand et sa volonté mauvaise, toutefois il n'y a eu aucune perfection, ni foi ou promesse faite à vos ennemis ; et si aucune en avait faite elle était conditionnelle si on lui faisait ce qu'il demandait, laquelle chose on ne lui voulut oncques accorder ; et son fait, ce semble, n'était qu'une fantaisie et forcennerie pour cuider soi venger ou faire déplaisir à aucun particulier, sans bien penser à l'inconvénient qui en pourrait advenir à vous et à vos sujets. Et de tant que son cas seroit plus mauvais de tant en serait votre miséricorde plus grande, laquelle vous pouvez faire ; et, si le faites, vous ensuivrez la vertu et la puissance divine dont vous êtes lieutenant et vicaire en terre.

Cette argumentation était appuyée d'exemples de l'antiquité et de force citations des livres saints. L'archevêque conclut en ces termes : Et crois que, tout considéré, vous serez plats honoré et prisé de faire miséricorde et de la déclarer que procéder et donner la sentence rigoureuse dans l'arrêt en cette matière... Et si vous avez aucune volontéainsi que je crois que votre plaisir aucunement s'inclineà user en partie d'aucune miséricorde, vous la devriez faire et déclarer en la prononciation de l'arrêt, même tant au regard de la personne dudit duc d'Alençon comme des biens, en la faveur de ladite dame et de ses enfants. Et vous plaise, mon souverain seigneur, prendre en gré ce présent avertissement, en me pardonnant si j'ai dit aucune chose qui vous doive déplaire[36].

Le moment était venu de rendre la sentence. Dans la grande salle, richement ornée, le Roi reprit place sur son trône. A. côté de lui, il y avait un siège vide, celui du Dauphin ; sur un autre siège s'assit le second fils du Roi. Puis, les pairs, les prélats, les seigneurs se groupèrent de chaque côté suivant l'ordre assigné à chacun. Les portes étaient ouvertes, afin que chacun pût entendre la sentence. Les ambassadeurs du duc de Bourgogne n'avaient point été appelés et aucun siège n'avait été réservé pour leur maître ; on les avait prévenus que, s'ils désiraient être présents, ils seraient placés ; mais ils préférèrent se tenir à l'écart. Le Roy, dit Georges Chastellain[37], assis triumphamment en la manière devisée, qui moult estait belle chose à voir, tout le monde se disposa à silence. Le chancelier de France, soy levant sur pieds et tournant le visage devers le Roy, lequel il reverendoit le genoul en terre, et puis retournant le visage à tout le monde, commenta à pronuncier la sentence.

Elle contenait un exposé complet de la conspiration, et se terminait par une condamnation formulée en ces termes : Vues et visitées par nous et notre Cour, garnie de pairs et d'autres à ce appelés, les charges, informations et confrontations des témoins faites à l'encontre dudit Jehan d'Alençon, ensemble ses confessions et autres choses contenues an procès bien au long, et à très grande et mure délibération, et consideré ce qui faisait à considerer en cette partie, nous, par l'avis de notre dite Cour, garnie comme dessus, avons dit, déclaré, disons et déclarons par arrêt ledit d'Alençon être crimineux de crime de lèse majesté, et comme tel l'avons privé et debouté, privons et deboutons de l'honneur et dignité de pairie de France et autres ses dignités et prérogatives, et l'avons con damné et condamnons à recevoir mort et à être exécuté par justice ; et avec ce avons déclaré et déclarons tous et chacun des biens dudit d'Alençon être confisqués et à nous competer et appartenir, sauf toutefois réservé à nous de faire et ordonner sur le tout ainsi que bon nous semblera. Et déclare le Roi son plaisir être tel, c'est à savoir que, au regard de la personne de messire Jehan d'Alençon, il plait au Roi que l'exécution d'icelle soit différée, et la diffère le Roi jusques à. son bon plaisir. Quant aux biens, ayant en souvenir les services rendus par les ancêtres du duc et espérant que ses enfants se conduiraient comme bons, vrais et loyaux sujets ; en faveur et contemplation des requêtes que lui avait adressées le duc de Bretagne, oncle du duc, le Roi, déclarait que les biens du duc d'Alençon demeureraient à sa femme et à ses enfants, sauf l'artillerie et les harnais et habillements de guerre. Il retenait pourtant, pour les incorporer à son domaine, la vicomté d'Alençon ; les châtellenies de Domfront et de Verneuil ; les châtellenies, terres et seigneuries dépendant du duché d'Alençon ou sur lesquelles le duc pouvait avoir des droits ; fa châtellenie de Semblançay en Touraine ; les revenus de ses terres sises en la châtellenie de Tours, et les droits appartenant au duc, comme comté du Perche, sur la seigneurie de Nogent-le-Rotrou[38].

Aussitôt après le prononcé de la sentence, des copies de ce document furent mises en circulation. Un des assistants courut au logis du duc d'Alençon, et le trouva à table. Quelles nouvelles ? demanda le duc. — Monseigneur, lui répondit-on, prenez votre patience en Dieu et le remerciez : vous êtes jugé à mort. Le duc, se levant, joignit les mains en les levant vers le ciel, et murmura : Loué soit Dieu, mon créateur, de tout ! Et puisque mourir en convient, j'aime autant tôt que tard, et prendrai en gré la mort ![39] Les grosses larmes qui lui coulaient des yeux, au témoignage de Georges Chastellain, qui raconte cette scène, furent promptement essuyées quand il apprit que la clémence royale s'était étendue sur lui. Bientôt parut le président Élie de Tomettes, assisté de Jean Bureau et de plusieurs membres du Parlement et du Conseil, qui fit au duc la notification officielle de la sentence.

Le duc d'Alençon fut enfermé au château de Loches, sous la garde de Guillaume de Ricarville[40] ; il y resta jusqu'à la mort de Charles VII. Gracié par Louis XI aussitôt après l'avènement de ce prince (11 octobre 1461), il devait se révolter contre lui, subir de nouveau une condamnation capitale (14 juillet 1474), et mourir misérablement deux ans plus tard.

 

 

 



[1] Ils sont nommés dans le Procès. Ms. fr. 18141, f. 21, 56, 61, 72, 82 v° et 89. — Jean Le Bouvier figure, avec Gérard Le Boursier, Jouvelin et Longueil, parmi les commissaires qui procédèrent à Rouen le 1er octobre 1456 (f. 104).

[2] Le 6 mars 1458 un ordre de paiement était donné pour verser à Guillaume de Menypeny, conseiller et chambellan du Roi, la somme de 1.200 l. à lui ordonnée par ledit seigneur en ceste presente année, pour la garde de la personne de Monseigneur d'Alençon, estant en arrest. Ms. fr., nouv. 3643, n° 856.

[3] Archives nationales, X1a, 1484, f. 1 v° ; Du Tillet, Recueil des rangs des grands de France, p. 68-70.

[4] Le P. Anselme, Histoire généalogique, t. III, p. 258.

[5] Le duc de Bourgogne s'attendait à cette sommation. C'est sans doute en prévision de l'attitude qu'il devrait prendre que, le 21 mars 1458, il envoya, sur affaires secrètes, des lettres closes au prince d'Orange, au marquis de Rethelin, au comte de Joigny, au seigneur d'Argueil, au seigneur de Couches et à d'autres chevaliers du duché et de la comté de Bourgogne. Archives du Nord, B 2030, f. 221. — Au commencement d'avril, les cinq chevaux de guerre du duc sont conduits de Gand à Courtray. Id., ibid., f. 239.

[6] En même temps arriva à Gand Pierre de Nocy, écuyer d'écurie du duc d'Alençon. Archives du Nord, B 2030, f. 317.

[7] Chastellain, t. III, p. 418-419.

[8] Il partit de Gand le 2 mai et revint le 1er juin. Archives du Nord, B 2030, f. 198 v°. Le 1er mai, le duc envoyait des lettres closes au comte de Warwick, touchant aucunes affaires secrètes. (Id., ibid., f. 226 v°.) Le 27 mai, il envoya une ambassade à Calais, qui y séjourna jusqu'au 1er juillet. (Id., ibid., f. 235 v° et 245 ; cf. Rymer, t. V, part. II, p. 80.)

[9] Chastellain, l. c., p. 420-421.

[10] On voit par les comptes que Toison d'Or reçut un cheval en compensation de celui qu'il avait perdu et affolé dans son voyage vers le Roi. Archives du Nord, B 2030, f. 318 v°.

[11] Chastellain, l. c., p. 420-421.

[12] Chastellain, t. III, p. 422-423.

[13] Chastellain, t. III, p. 424. — Le 8 mai, de Gand, le duc envoya de nouvelles lettres closes à plusieurs notables hommes, chevaliers et escuyers des pays, duché et conté de Bourgogne. (Archives du Nord, B 2030, f. 228.) Le même jour il ordonne de faire publier des lettres patentes dans ses pays du nord, afin que incontinent et à toute diligence taus ceux qui ont acoustumé de servir (sic) les armes s'apprestent et disposent pour estre montez, armes et habillez souffisamment, chascun selon son estat, et se tiengnent prestz pour partir quand il les mandera. (Id., ibid., f. 228 et 229.) — Le 13 mai, de Bruxelles, le duc envoyait aux habitants de ses villes de Flandre de lettres par lesquelles il demandait lui vouloir prester certaine quantité de tentes et pavillons et icelles lui envoyer incontinent en la ville d'Arras, pour soy aidier ou voyage qu'il a entencion de faire brief devers le Roy en armes, accompaignié de ses feaulx vassaulx, subgectz, fieus et arrière lieuez de ses païs et seigneuries. (Id., f. 229 v°-230 -v°.)

[14] Toison d'Or, revenu le 1er juin, repartit dès le 2 avec les autres ambassadeurs du duc. Voir Archives du Nord, B 2030, f. 173 v°, 198 v°, 199 v°, 204 v°, 205, 207 v°, 233 v°, 270 ; 2034, f. 73 ; 2040, f. 141. — L'original de la lettre du duc est dans Du Puy, 762, f. 144. — Elle ne fut remise au Roi que le 22 août, à Vendôme.

[15] Voir Chastellain, t. III, p, 442-443.

[16] Le 11 juin, le duc écrivait à sa femme et à son fils pour les mander près de lui ; le même jour il leur envoyait une autre lettre, amenant qu'il estoit en meilleur point et disposicion. Archives du Nord, B 2030, f. 236 v°.

[17] Lettres des 13 juin, 24 juin, 9 juillet, 27 juillet. Archives du Nord, B 2030, f. 237, 238, 242 v°, 245 v°.

[18] Chastellain, t. III, p. 424-425.

[19] Chastellain, p. 426.

[20] Un ajournement fut également envoyé au comte de la Marche à la date du 30 mars 1448. Archives, P 13693, cote 1770.

[21] Le texte se trouve dans D. Morice, t. II, col. 1729.

[22] Voir Chastellain, t. III, p. 10, p. 428. — Normandie fut emprisonné au château de Lille. Le 25 août, le poursuivant d'armes Pontarlier le reconduisit vers le Roi, par ordre du duc. Archives du Nord, B 2030, f. 252 v°. — Le 30 août, le duc envoyait d'Arras à Guy de Bor et aux maires et échevins de Saint-Quentin des lettres closes par lesquelles il leur mandait d'être sur leur garde, pour ce que aucunes gens de guerre de l'année du Roy veullent venir descendre sur la rivière de Somme. (Id., f. 253 et 2034, f. 119.) Le même jour, des lettres étaient envoyées à Péronne, Amiens et Abbeville.

[23] Chastellain, t. III, p. 428.

[24] Archives, X1a, 8605, f. 190. — Ces lettres ont été publiées dans l'Histoire généalogique du P. Anselme, t. III, p. 261, et dans le t. XIV des Ordonnances, p. 469.

[25] J. du Clercq, l. III, ch. XXXVII. — Charles VII fut logé au prieuré du Temple. Voir dans le ms. 685 du Cabinet des titres, f. 211 v°, l'indication des travaux faits eu la chambre où le Roi prenait ses repas et à l'église du château de Vendôme.

[26] On trouve l'assiette du parlement à Vendôme dans les manuscrits fr. 5738, f. 17 ; 5943, f. 33 v° ; 2861, f. 179, et dans la Chronique des ducs d'Alençon (ms. fr. 111866 et Du Chesne 48, r. 121 v°). — Elle a été publiée assez incorrectement dans le Ceremonial français de Godefroy, t. II, p. 448, et dans l'Histoire généalogique du P. Anselme, t. III, p. 269.

[27] On conserve au musée de Vendôme une miniature, reproduction de l'original qui se trouve à la Bibliothèque de Munich et sert de frontispice à une traduction de Boccace. Cette curieuse peinture est l'œuvre de Jean Foucquet, et représente le jugement du duc d'Alençon. Elle a été décrite par M. Vallet de Viriville, en 1855, dans la Revus archéologique, t. XII, p. 511-513, et par M. A. Duvau, qui en a donné une photographie dans le t. XIII du Bulletin de la Société archéologique... du Vendomois (1814), p. 132 et suivantes.

[28] Ce détail est donné par Jacques du Clercq, t. III, ch. XXXVII ; mais il faut faire observer que le duc de Bourbon et le comte de la Marche sont mentionnés dans l'Assiette citée ci-dessus, et qu'ils furent certainement présents à Vendôme.

[29] Thomas Basin prétend que, pour s'excuser, le duc déclara que c'était en faveur du Dauphin et par ses conseils qu'il avait tramé le complot avec les Anglais. Voir t. I, p. 323.

[30] Voici comment s'exprime Georges Chastellain (Exposition sur vérité mal prise, au t. VI des Œuvres, p. 385) sur l'accueil fait à l'ambassade du duc : Oncques ambassade de prince ne fut si froidement traitée comme estoit lors celle qui y estoit de par lui, et par la reception de qui se pouvait percevoir clairement quelle amour il (le Roi) avait envers elle ni envers celui de qui estoit transmise ; et là où le procureur royal, presens tous les princes et pairs, touchant plusieurs articles graves et peints, chargea icestui duc de desobéissance, et-lui imputa plusieurs grain cas, Quidam le confondre et faire animer contre lui toute la congrogation des seigneurs, avec très froid et très povre exploit en autres matières après la demeure de six mois.

[31] Ce discours se trouve en copie du temps dans les ms. fr. 5943, f. 11 ; 5738, f. 1 ; 2851, f. 180. On le trouve inséré dans une Chronique des ducs d'Alençon (ms. fr. 10866 et volume 48 de Du Chesne (f. 125 et s.), qui contient un récit fantaisiste de la conspiration du duc. Enfin, j'en possède une copie du temps, à la suite de laquelle se trouve la réponse de l'évêque de Coutances (in-fol. de 5 pages pleines). Il a été donné par Georges Chastellain (t. III, p. 458-74) et par Du Clercq (t. III, ch. XXXVII), dont j'ai vérifié la version sur les manuscrits.

[32] Cette date se trouve dans la copie contemporaine en ma possession ; elle est confirmée par un document des archives de Dresde (Wittenberger Archiv. Luxemburgische Sachen, I, f. 171-174), qui contient l'analyse des deux discours et le résumé de la sentence.

[33] La réponse de l'évêque de Coutances se trouve en copie du temps dans les mss. fr. 5943, f. 13 v° ; 5138, f. 9 v° ; 2861, f. 482 v°. Cf. Chastellain et Du Clercq.

[34] Le discours du duc d'Orléans se trouve dans le Recueil des poésies du duc : Ms. fr. 1104. f. 49, et dans le ms. fr. 5798, f. 23. Il a été publié en bonne partie par M. Aimé Champollion-Figeac, Louis et Charles d'Orléans, p. 368-379.

[35] Du Tillet, Recueil des rangs des grands de France, p. 65.

[36] Ce discours se trouve dans le ms. fr. 2701, f. 116 v° ; il a été publié, avec certaines incorrections, dans l'Histoire généalogique du P. Anselme, t. III, p. 263 et suivantes.

[37] Chastellain, t. III, p. 478.

[38] L'original de l'arrêt de condamnation est aux Archives de la Loire-Inférieure, sous la cote E 221 ; on le trouve, en copies du temps, dans les mss. fr. 2861, f. 112 ; 5943, f. 3 ; 1218, f. 186 ; il est inséré dans la Chronique de Jean Chartier, t. III, p. 91-110.

[39] Chastellain, t. III, p. 488.

[40] Voir Instructions à Guillaume de Ricarville, dans le ms. fr. 2861, f. 183 v°.