HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE VI. — CHARLES VII PENDANT SES DERNIÈRES ANNÉES. - 1454-1461.

 

CHAPITRE V. — LA FUITE DU DAUPHIN.

 

 

1454-1456

 

Attitude du Dauphin ; ses intrigues ; il se brouille avec le duc de Savoie. — Menacé d'une guerre avec le Dauphin, le duc de Savoie est en mauvais termes avec le Roi, qui le presse en vain d'exécuter le traité de Cleppé ; négociations à ce sujet ; le duc cède enfin et s'en remet à l'arbitrage du roi, qui rend sa sentence dans l'affaire des nobles. — Le duc demande au Roi de le protéger contre le Dauphin, qui repousse toutes ses ouvertures ; Charles VII envoie Dressay à son fils : conférence d'Annecy, où la pacification est opérée. — Charles VII ne cesse de surveiller le Dauphin et de mettre le duc de Savoie en demeure de remplir ses engagements ; mission donnée à Dunois et à Richemont près du duc : instructions du Roi à Chabannes ; le Roi s'avance en Bourbonnais pour agir à la fois contre le duc de Savoie et contre le Dauphin. — Le duc de Savoie vient le trouver à Saint-Pourçain et fait sa paix avec lui. — Inquiétudes du Dauphin à l'arrivée du Roi ; il cherche de tous côtés des alliés, et se décide à entrer en négociations avec son père. — Envoi d'un cordelier ; ambassade de Guillaume de Coursillon ; ouvertures faites au nom du Dauphin ; réponse du Roi. — Démarches du Dauphin auprès du duc d'Orléans et d'autres princes : nouvelle ambassade au Roi : Coursillon et le prieur des Célestins ; exposé de la charge des ambassadeurs ; entrevue particulière du prieur des Célestins avec le Roi ; réponse donnée aux ambassadeurs. — Troisième ambassade du Dauphin : Gabriel de Bernes et le prieur des Célestins ; échec de leur mission : lettre du Roi au Dauphin. — Louis, affolé, prend la fuite ; lettre qu'il adresse de Saint-Claude à son père avant de gagner la Flandre.

 

Georges Chastellain, dont le témoignage est si précieux pour tout ce qui concerne le Dauphin, peint en ces termes l'attitude de ce prince à cette époque. Il se contint en son Dauphiné, faisant bonne chière ; amoit par amours ; maintenoit gens d'armes ; travailloit fort son pays ; ses voisins visitoit, et le duc de Savoie son beau père ; ploia tout à sa guise, mesmes par armes et par haute main à peu d'occasion... Ja soit ce qu'il n'estait point d'avis d'aller devers son père, pour les doutes qu'il avait bouté en sa teste, voulut toutevoies bien et desiroit estre en sa grâce, sauf que demorer pust en liberté, sans venir à court et sans mettre changement ne mutation en ses serviteurs[1].

Le Dauphin ne se contentait pas de rester en état d'insubordination à l'égard de son père ; il intriguait de tous côtés ; il entretenait des relations avec le duc de Bourgogne, le duc d'Alençon, le comte d'Armagnac ; il était en correspondance avec le duc de Mitan. Lui qui se plaignait de sa pauvreté, il se donnait le luxe d'une garde de cinquante gentilshommes, payés à raison de vingt écus par mois, sans compter les archers et les arbalétriers[2]. C'était peut-être dans l'intention de se mettre sur le pied de guerre, car à ce moment, il venait de rompre avec le duc de Savoie et se disposait à envahir la Bresse.

Le duc de Savoie se trouvait alors dans une situation fort précaire. Menacé d'une attaque de la part de son gendre, il n'était pas sans craintes du côté de la France, car il n'avait tenu aucun des engagements contractés lors du traité de Cleppé.

Durant l'année 1453, Charles VII n'avait cessé de réclamer l'exécution de ce traité[3]. Sollicité par les seigneurs savoisiens qui déclaraient n'avoir d'espérance qu'en Dieu et en lui[4], Charles VII avait, à la date du 25 juin, adressé au duc un nouvel appel : Nous vous prions que ausditz nobles veuilliez tenir et accomplir de point en point le contenu de ladite cedule, ainsi que nous avez fait savoir et écrit que le vouliez faire. Afin d'obtenir une prompte solution, il lui envoya de nouveau Jean Tudert, en compagnie d'un procureur des nobles savoisiens[5].

Au mois de juillet, une conférence, où le Roi se fit représenter par Élie de Pompadour, évêque d'Alet, Gérard Le Boursier et Jean d'Aulon, fut tenue à Lyon[6]. Ces pourparlers se prolongèrent pendant l'automne, et une nouvelle conférence paraît avoir eu lieu à Lyon au mois de novembre[7]. Les difficultés résultant de l'obstination du duc à ne point remplir ses engagements se compliquèrent, dans l'été de 1453, par le refus de livrer passage aux troupes françaises qui se rendaient en Lombardie sous les ordres du roi René[8].

Tout en persévérant dans sa conduite peu loyale, le duc de Savoie prétendait conserver de, bons rapports avec le Roi. Il lui envoyait de fréquents messages[9] et des félicitations au sujet de la conquête de la Guyenne[10]. Une ambassade partit à ce moment pour Genève, afin d'insister une fois de plus sur l'observation du traité[11]. A. peine était-elle revenue près du Roi, que celui-ci apprit que le duc prétendait que, s'il n'avait point, ainsi qu'il s'y était engagé, rappelé les nobles bannis par lui, c'était en vertu d'une entente secrète avec Charles VII. Le Roi protesta aussitôt, par une lettre en date du 10 juin, et déclara au duc que, s'il éprouvait quelque dommage par suite de l'inexécution de ses engagements, la faute en retomberait sur lui[12]. Sur ces entrefaites, Charles VII fit partir le sire de Gaucourt, Blaise Greslé et Jean de Lornay[13]. Ces ambassadeurs avaient une double mission près du duc de Savoie et près des cantons suisses. Berne était en démêlés avec le duc Sigismond d'Autriche : ils devaient travailler à pacifier ce différend. Des conférences furent tenues à Berne, pendant les mois de juillet et d'août, sans amener de résultat[14].

Cependant le duc de Savoie s'efforçait de calmer le mécontentement du Roi. A la date du 27 juin, il lui écrivait : Mon très redouté seigneur, veuillez croire et être certain que, par moi ni par autre, de mon sçu et consentement, jamais ne fut dit que j'eusse entendement secret avec vous ; et suis grandement ébahi d'où partent tels langages... Mais j'ai ferme espérance et confiance que la vérité a et aura plus de lieu et de puissance près de vous que de vagues accusations... Et puisque ainsi est, eu vérité, que de telles paroles ne suis cause ou occasion, et que vous êtes te prince du monde en qui j'ai plus de confiance, je ne puis penser que veuilliez souffrir eu aucune manière que je sois foulé ; car si bien j'avais fait chose dont raisonnablement grief ou dommage me dût advenir, j'ai ferme espérance que, sans requérir, me aideriez et secoureriez. Le duc chargeait en même temps un de ses serviteurs de mettre le cardinal d'Estouteville, qui était alors en France, au courant de la situation, et de lui demander d'agir en sa faveur auprès du Roi[15].

Le duc de Savoie ne tarda pas à se convaincre que le Roi, auquel les seigneurs savoisiens avaient adressé un nouvel appel[16], ne se contenterait point de vaines paroles et qu'il fallait des actes : aussi, le 2 juillet, il donna des lettres patentes par lesquelles il déclarait s'en remettre à la décision de Charles VII relativement à l'affaire des nobles bannis de ses États[17] ; le 7, par d'autres lettres, il protesta de sa ferme intention de rester fidèle aux engagements pris envers le Roi[18] ; en même temps, il envoya des ambassadeurs, chargés de porter ces documents au Roi[19]. Le 6 août suivant, à Pressigny, Charles VII rendit sa décision : le duc était tenu de casser la sentence donnée par lui au Pont de Beauvoisin le 17 avril 1451, de rétablir les seigneurs savoisiens dans leurs biens, charges et offices, de rebâtir leurs châteaux et de payer au sire de Varembon, dans un délai de trois années, la somme de douze mille écus[20]. Le 23 août suivant, le duc donnait ses lettres de ratification[21] ; le 30 septembre il déclarait, par lettres patentes, rétablir dans leurs biens, charges et honneurs les gentilshommes bannis de ses États[22].

En rentrant en grâce auprès du Roi, le duc de Savoie lui avait demandé de le protéger contre le Dauphin qui, au mois de mars, était entré en Bresse à main armée, portant le ravage dans la contrée, occupant Montluel, détruisant trente villes ou villages[23]. Charles VII y consentit. Il envoya une ambassade à la cour de Savoie et désigna Regnault de Dresnay pour aller trouver le Dauphin[24]. Dresnay devait en même temps visiter le duc de Milan qui, à ce moment (30 août), venait de conclure un traité de paix avec le duc de Savoie[25]. De son côté, le duc de Bourgogne, à la daté du 1er août, désigna des ambassadeurs pour se rendre auprès du duc de Savoie et du Dauphin et travailler à la pacification[26].

Le duc de Savoie avait tout fait pour calmer l'irritation de son gendre : il lui avait envoyé une ambassade, avec mission d'offrir toutes les concessions qu'il était en son pouvoir de faire[27] ; ses ouvertures avaient été repoussées. A. la date du 18 juillet, il écrivit au Dauphin : Plût à Dieu, Monseigneur, que bien sussiez le bon vouloir que j'ai de vous servir et complaire, le déplaisir aussi où je suis, voyant que vous n'êtes pas content de tout ce que je puis faire, car, en vérité, de rien à moi possible je ne vous voudrois éconduire. Si vous prie et requiers, Monseigneur, que les ouvertures et offres faites par mes ambassadeurs vous plaise agréablement recevoir. Et si du tout au tout je n'accomplis votre demande, pensez que ce n'est pas pour vous vouloir aucunnement faillir ; mais les choses ne sont d'elles-mêmes point faisables[28]. Cette nouvelle démarche n'eut pas plus de succès que la précédente ; il était temps que l'intervention du Roi vint tirer le duc d'embarras.

Le 21 août, Dresnay était auprès du Dauphin et lui présentait la lettre que le Roi l'avait chargé de lui remettre. Louis répondit qu'il avait l'intention d'envoyer vers son père pour lui faire savoir comment les choses s'étaient passées ; ce qui était advenu était imputable au duc de Savoie plutôt qu'à lui. Il consentit pourtant à une suspension d'armes jusqu'au 12 septembre[29]. Le 29 août, Dresnay écrivait au duc : Soyez bon père à Monseigneur, car, par Dieu, je suis sûr qu'il sera bien bon fils, comme j'ai espérance de vous le dire bien bref plus au long[30].

Le 2 septembre, le duc de Savoie écrivit au Roi. Il le remerciait de son intervention dans sa querelle avec le Dauphin ; cette intervention était fort nécessaire, car les choses allaient empirant, et il n'avait obtenu aucune satisfaction ; il annonçait l'envoi d'une ambassade pour mettre pleinement le Roi au courant. Je pense, ajoutait-il, que quand vous aurez tout ouï vous aurez bien grand déplaisir de ce que les choses soient allées si avant[31].

Le sire de Gaucourt était revenu de Bresse en compagnie de Blaise Greslé[32]. Il se rendit à Annecy, où s'ouvrit une conférence à laquelle prirent part les ambassadeurs du duo de Bourgogne[33] et des envoyés de la ville de Berne. Un accord ne tarda point à s'opérer ; il fut signé à la date du 14 septembre[34].

 

Durant l'année 1455, Charles VII ne cessa de poursuivre ce double but : déjouer les intrigues du Dauphin ; obliger le duc de Savoie à remplir ses engagements envers la Couronne.

Au mois de mars, il envoie Guillaume Toreau en Savoie et en Milanais : cet ambassadeur est chargé de porter à Sforza une lettre dans laquelle le Roi lui demande de ne conclure aucun traité avec le Dauphin[35], ce à quoi le duc de Milan s'engage[36]. Le 31 mars, le duc de Savoie écrit an Roi et lui envoie un ambassadeur pour l'informer de l'attentat commis par Jean de Compey contre Pierre de Menton et son fils, au moment même où le duc s'employait, conformément au traité, à ménager un accord entre Compey et les nobles bannis de la Savoie[37]. Charles VII répond, à la date du 20 avril, qu'il compte que le duc va faire de ce crime telle réparation que son honneur et l'honneur du Roi seront saufs[38]. En même temps il fait partir Chabannes, avec mission d'empêcher le duc de prêter l'oreille à des propositions du Dauphin, qui cherchait à obtenir son appui contre le Roi.

Le 25 avril, Charles VII écrit à Chabannes : J'ai reçu présentement les lettres que vous m'avez envoyées de beau cousin de Dunois, lesquelles je vous renvoie ; et me semble que vous devez faire diligence ainsi que déjà vous avez commencé, car lui-même par les lettres le conseille[39]. Chabannes réussit à contrecarrer les menées du Dauphin. Le 2 mai, il est de retour auprès du Roi[40], et lui fait part du résultat de sa mission. A la fin de mai, Jean de Lornay revient de Savoie et apporte de bonnes nouvelles des dispositions du duc[41]. C'est le moment où Charles VII entreprend son expédition contre le comte d'Armagnac et où Chabannes va occuper militairement le Rouergue. Le 31 mai, le duc de Savoie envoie trois ambassadeurs au Roi ; le 30 juin, il donne commission à sou maréchal, Jean de Seyssel, de se rendre à Macon, où une conférence doit se tenir à la fin de juillet[42] pour régler définitivement l'affaire des nobles savoisiens[43]. Au mois d'août, une mission importante est confiée à Dunois et au connétable : ils partent pour Genève afin de régler toutes les questions en litige entre le duc et le Roi[44]. En même temps Chabannes est envoyé à Lyon pour diriger, s'il y a lieu, les opérations militaires. Le Roi a résolu d'agir avec vigueur contre son fils révolté. Mais, auparavant, il faut être assuré du concours ou tout au moins de la neutralité du duc de Savoie.

Sur ces entrefaites on est avisé qu'un homme d'armes de la compagnie de Pierre de Brezé, Robert du Sel, est parti subitement pour le Dauphiné : on craint qu'il n'y ait là quelque trahison de la part du Dauphin. Le 19 septembre, Pierre Doniole, l'un des conseillers du Roi, entièrement à la discrétion de Chabannes, écrit à celui-ci : Soyez sûr, Monseigneur, que monseigneur de Dunois, que le Roi appelle le chasseur de marée, et aussi monseigneur du Maine, ont fait du pis qu'ils ont pu contre vous ; mais les oiseaux qui chantent la nuit ne vous ont point oublié. Et pareillement le Roi vous écrit que faites faire diligence, partout ou convenablement sera possible, de trouver ledit Robert du Sel... Grâces à Notre Seigneur, le Roi est en bon point et fait bonne chère[45].

Charles VII avait, en effet, été pris d'une subite indisposition elle n'eut pas de suite. Le 26 septembre, il écrivait à Chabannes : Et à ce que nous écrivez que avez envoyé maître Pierre Burdelot par deça pour savoir au certain de l'état et disposition de notre personne, pour ce que nouvelles ont été par delà que avons aucunement été mal disposé... nous avons deux ou trois jours été un peu mal disposé d'un côté, mais, grâces à Notre Seigneur, nous sommes très bien guéri, et aussi en bonne santé et disposition que fûmes longtemps a. Le Roi ajoutait : Et comme naguères vous avons écrit, sommes prêt et bien disposé pour marcher avant et faire tout ce qui seroit pour le bien des matières... Et, pour ce, ne vous donnez point de mélancolie pour doute de la disposition de notre personne, mais toujours faites et vous employez vigoureusement à l'exécution des matières dont vous avons donné charge, comme bien y avons la confiance[46].

Dans les premiers jours d'octobre, on attendait à Lyon le prince et la princesse de Piémont, que Dunois et le connétable avaient été chargés de ramener[47]. Le 15, ils arrivèrent, en compagnie de la duchesse de Savoie[48]. Charles VII donnait en même temps à Jean d'Aulon une nouvelle mission auprès du duc de Savoie[49], et ordonnait à son procureur général Jean Daudet de prendre en main l'affaire des nobles savoisiens[50].

Pour être plus à portée de suivre les événements, Charles VII avait quitté le Berry dans les premiers jours d'octobre, et s'était rendu en Bourbonnais. A la date du 13 novembre, dans une réunion du Conseil, tenue à Saint-Pourçain, on examina les questions relatives à l'interprétation du traité de Cleppé, et on délibéra sur les réponses à faire aux demandes d'explication présentées à cet égard par le duc de Savoie[51]. En même temps, Jean de la Gardette, prévôt de l'hôtel, fut envoyé à Genève : il avait mission de procéder à l'arrestation de certains Chippriens, Chippriennes et autres estrangiers qui dominaient à la cour de Savoie et que le duc avait abandonnés à la justice du Roi pour procéder contre eux ainsi qu'il appartiendrait[52].

Le duc ne tarda pas à se rendre à Saint-Pourçain, en compagnie de la duchesse et du prince et de la princesse de Piémont. Le 13 décembre, il y donnait des lettres par lesquelles il réglait la question de l'apanage du prince de Piémont[53]. Le 16, il confirmait les stipulations faites à Cleppé au mois d'octobre 1452 et désignait les deux cents chefs d'hôtel qui devaient jurer et garantir l'exécution du traité[54]. Le duc fit un long séjour à Saint-Pourçain[55] : il y était encore le 25 février 1456, date où il donna des lettres par lesquelles il s'engageait à convoquer les États de ses pays pour ratifier lys conventions passées avec Charles VII[56]. Cette réunion, à laquelle Charles VII se fit représenter par l'évêque de Viviers, Chabannes et deux autres conseillers, eut lieu au commencement de mai. Le 5 juin suivant, le due écrivait au Roi qu'il avait reçu les lettres que le comte de Dammartin et les autres ambassadeurs lui avaient apportées et annonçait qu'il avait, conformément à sa promesse, fait ratifier les traités[57].

Tandis que le duc de Savoie, poussé dans ses derniers retranchements, se décidait à céder et scellait sa réconciliation avec le Roi, dont désormais il devait être l'allié fidèle, le Dauphin voyait grossir Forage qui allait fondre sur lui. Pris de cette peur sauvage dont parle Georges Chastellain[58], que justifiait non la sévérité de son père, dont l'indulgence n'avait été que trop prolongée, mais la conscience des torts irrémissibles qu'il s'était donnés, Louis cherchait de tous côtés du secours pour parer le coup qui le menaçait. Il était en relations avec le due de Bourgogne[59], avec le duc de Bretagne[60], avec le comte d'Armagnac[61], avec le duc d'Alençon. Mon parrain, mon parrain, écrivait-il à ce dernier, ne me faillez pas au besoin et ne faites pas comme le cheval au pied blanc[62]. Son humeur inquiète le faisait réputer, dans toutes les cours, pour un prince fort à redouter, Quand le duc d'Alençon avait envoyé des émissaires en Angleterre dans le dessein de nouer des intelligences avec les conseillers de Henri VI, ceux-ci avaient demandé avec anxiété si le Dauphin n'était point en Normandie ; on leur avait dit que le Roi lui avait donné cette province et ils craignaient fort qu'il ne vînt s'y établir. Grande fut leur satisfaction quand ils apprirent qu'il n'en était rien[63]. En rapportant le fait à son maître, l'envoyé du duc d'Alençon ajouta que, autant qu'il avait pu s'en apercevoir, le Dauphin était l'homme de France que les Anglais craignaient le plus[64].

Si le Dauphin eût été la terreur des ennemis du royaume — terreur bien mal fondée puisqu'un jour il devait se faire leur auxiliaire — la chose ne pouvait que lui faire honneur ; mais c'est avec 'raison que, à la cour de Charles VII, on redoutait qu'il ne fût capable de quelque mauvais coup. Dans un Conseil tenu le 18 décembre 1455 à Saint-Pourçain, auquel assistaient le connétable, le chancelier, Dunois, Chabannes, l'évêque de Coutances, et plusieurs autres notables conseillers du trône, des résolutions furent arrêtées au sujet d'une mesure arbitraire que venait de prendre le Dauphin : il avait établi un impôt sur les blés venant du royaume. Le Conseil décida qu'il convenait de faire agir les officiers royaux à Lyon, les officiers de l'archevêque et les gens du Conseil de ville, sans que leur intervention parût procéder de l'autorité du Roi, et de réclamer le retrait d'une mesure préjudiciable à toute la contrée. Si le Dauphin ne cédait pas, le Conseil estimait qu'on devait établir un droit sur les blés venant du Dauphiné[65].

Le Dauphin avait été fort ému à la nouvelle de la venue de son père en Bourbonnais. Quand il le vit s'y installer, il faillit perdre la tête. Ses conseillers ne savaient plus quel parti prendre. La continuation et la demeure du Roi par deça, lisons-nous dans un document émané de la chancellerie royale, les a mis et met en telle crainte que force leur sera de venir à la fin et conclusion qu'ils doivent, car ils ne voient plus de remède de pouvoir continuer les folies et les termes du temps passé[66]. Louis imagina d'envoyer au Roi un Cordelier qui semblerait agir auprès de lui de sa propre initiative et sans avoir reçu de mandat officiel. Ce moyen n'ayant pas réussi, le Dauphin fit partir un de ses conseillers et chambellans, Guillaume de Coursillon, pour voir si, par belles paroles et humbles[67], le courroux du Roi pourrait être calmé.

Le 29 avril 1456, au château du Châtelier, Coursillon présentait la lettre de créance du Dauphin, en date du 17[68]. A. son grand étonnement, le Roi, sans demander des nouvelles du prince[69], prit la lettre et la passa au chancelier, qui la lut à haute voix. S'adressant alors à l'envoyé du Dauphin : Dites pourquoi vous êtes venu, lui dit-il, je l'entendrai volontiers. Coursillon répondit, conformément à la rédaction préparée à l'avance : Sire, Monseigneur se recommande à votre bonne grâce et vous supplie le plus humblement qu'il peut qu'il vous plaise lui pardonner de ce qu'il n'a plus tôt envoyé devers vous. Sire, il m'a çi envoyé pour vous prier et supplier très humblement qu'il vous plaise, en l'honneur de Dieu et de Notre-Dame, lui pardonner toute déplaisante que vous pourriez avoir eue à l'encontre de lui. Sire, comme vous savez, cette chose çi a en bien longue durée, et ne peut être qu'il n'y ait eu des rapports sans nombre, et de bien étranges, et par lesquels pouvez avoir eu de grandes suspections, et lui de grandes craintes. Il vous supplie très humblement qu'il vous plaise, de votre grâce, vous contenter et assurer de lui, car il y veut mettre et son cœur et son âme. Et, Sire, pour non vous ennuyer, et aussi qu'il n'appartient point de vous présenter chose tant que on sente si elle vous est agréable, s'il vous plaît, vous commettrez quelque homme féable à qui je puisse clairement parler de cette matière ; et puis sur ce vous pourrez aviser â votre bon plaisir[70].

Le Roi congédia alors l'envoyé du Dauphin, en lui disant de se rendre â Gannat, où résidaient les gens du Conseil : là il déclarerait ce qu'il avait à dire. Une fois arrivé dans ce lieu, Coursillon produisit un troisième document, également signé de la main de son maître, et contresigné par deux secrétaires : c'étaient les offres du Dauphin. En voici la teneur :

Si c'est le plaisir du Roi, Monseigneur sera content de faire ce qui s'ensuit :

Premièrement, fera tous serments et suretés qu'il plaira au Roi de le servir envers tous et contre tous, sans nuls excepter, et de ne tenir parti que le sien.

Item, sera content de renoncer à toutes alliances, si aucunes en avoit faites, et promettra que jamais n'en fera nulles, et pareillement qu'il ne passera la rivière du Rhône, ni entrera au royaume, sans le sçu, congé et licence du Roi.

Parmi ce, qu'il plaise au Roi, attendu les soupçons et rapports faits eu cette matière, dont mondit seigneur a de grandes craintes, que, touchant sa personne et ses serviteurs, il soit et demeure à son bon plaisir et franc arbitre, sans être contraint en cette matière, sinon à sa volonté, et que de ce il Plaise au Roi l'en bien assurer[71].

Il résulte de ce document que le Dauphin ne consentait à se soumettre qu'à la condition de rester en Dauphiné, si cela lui convenait, et de garder ses serviteurs : c'était un blanc-seing qu'il demandait à son père. Il n'est pas étonnant que le Roi ait trouvé ces prétentions bien estranges[72].

Après mûre délibération, tant à Gannat qu'au Châtelier, où le Roi tint un conseil extraordinaire, auquel assistaient les comtes de Clermont et d'Étampes, Coursillon fut appelé devant le Roi. On avait fait venir également frère Basile, le cordelier envoyé par le Dauphin en premier lieu. Là, le chancelier donna lecture de la réponse dont le texte avait été arrêté en conseil.

Le Roi a fait examiner les lettres et instructions du Dauphin. Sur le premier point de la créance, les ouvertures sont bonnes et semblent procéder d'un bon désir. Le Roi en est très content et désirerait singulièrement que le Dauphin se voulût bien gouverner. Quand le Dauphin voudra se conduire envers le Roi comme il est tenu de le faire et de façon à ce que le Roi puisse prendre confiance et sûreté qu'il le veuille servir et obéir, et ne plus retourner aux termes du temps passé, le Roi le recevra bénignement et lui fera comme bon et naturel père doit et son bon et obéissant fils. — En ce qui concerne le second point, le Roi et les gens de son conseil ont été bien étonnés, car il n'est point conforme aux lettres du Dauphin ni à ce que Coursillon a dit de sa part. En se refusant à venir vers le Roi, le Dauphin ne se met pas en l'humilité et obéissance qu'il lui doit, et ne montre pas qu'il veuille rompre avec le passé. Dans cette situation il ne pourrait accomplir son service envers le Roi et le royaume comme il est tenu, et l'esclandre et murmure causés par son éloignement ne seraient point apaisés. —Sur le troisième point, la condition qu'il pose n'est ni juste ni raisonnable : en voulant retenir auprès de lui ceux qui l'ont amené à tenir les termes qu'il tient, le Dauphin montre qu'il veut y persister, ce dont de plus grands inconvénients pourraient résulter en Dauphiné. Et pour ce que, disait en terminant le chancelier, le Roi connoit bien et chacun peut connoitre que Monseigneur est très mal conseillé et que ceux qui sont autour de lui y ont grande faute, le Roi, par avant votre venue, a, par bonne et mûre délibération de conseil, ordonné d'y pourvoir ; et sans charge de conscience ne pourrait plus dissimuler qu'il n'y pourvût[73].

Après que le chancelier eut terminé sa lecture, frère Basile s'approcha de Coursillon et l'engagea vivement à transmettre au Dauphin la réponse si favorable qui lui était faite : si ce prince ne s'y conformait point et ne rentrait dans l'obéissance, Dieu, qui est au-dessus de tout, pourrait l'en punir et cela lui porterait malheur ; en outre, la croisade contre les Turcs ne manquerait pas d'être entravée.

Coursillon demanda au Roi de lui permettre de conférer avec le chancelier, Jean Bureau et Pierre Doriole. Le Roi y consentit. J'ai entendu par la réponse qui a été donnée, dit l'envoyé du Dauphin, que le Roi ne prend point en gré ce que Monseigneur a fait dire qu'il ne passeroit pas le Rhône sans son plaisir, Monseigneur, eu égard à aucunes choses qui lui ont été dites, le croyait faire en bonne intention et comme fils obéissant. Coursillon répéta qu'il était chargé de supplier le Roi de vouloir bien autoriser le Dauphin à ne point revenir près de lui pendant un certain temps et à conserver ses serviteurs.

La conversation se prolongea. Après cet échange d'observations, les, conseillers du Roi vinrent rendre compte de l'entretien. Au commencement, leur dit le Roi après qu'il eut entendu cet exposé, mon Conseil n'avait pas bien compris l'offre que faisoit Louis de non passer le Rhône ; tenant compte de ce qu'a dit Coursillon, je la prends à bon entendement et j'en suis bien content. Mais, au regard de l'autre point touchant ses serviteurs, attendu que, le temps passé, ils l'ont conseillé et maintenu eu cette erreur et l'y tiennent  encore, il n'y a point de réponse à faire.

Les paroles du Roi furent rapportées à Coursillon. On lui dit en outre : Vraiment, ce n'est ni honnêtement ni sagement fait de marchander ainsi à son père. Remontrez donc à Monseigneur que de tous points il se soumette au Roi, car meilleur ni plus sûr conseil il ne pourroit trouver pour sa personne ni plus honorable pour son état. — Je vois bien, répondit Coursillon, que le Roi et tout son Conseil tendent à tout bien. Je le rapporterai à Monseigneur ; mais je sais qu'il est en telles craintes que je doute de le persuader en si peu de temps.

Coursillon fut alors introduit auprès du Roi pour prendre congé. Je prends à bon entendement, lui dit le Roi, et j'en suis bien content, les promesses que Louis fait de non passer le Rhône sans mon consentement. Au commencement il n'avoit pas bien été entendu. Là-dessus l'envoyé du Dauphin fut congédié[74].

Sur ces entrefaites le Roi apprit la conspiration du duc d'Alençon. Il fit partir aussitôt le comte de Dunois pour prendre les mesures commandées par les circonstances. Le 15 mai, il lui envoya Odet d'Aydie, bailli de Cotentin, porteur de ses instructions. Le bailli était chargé en même temps d'ex poser à Dunois tout ce qui s'était passé, depuis qu'il l'avait quitté, relativement au Dauphin, et de lui communiquer la réponse faite à Coursillon[75].

Le Dauphin, voyant que la démarche faite auprès de son père n'avait point eu de succès, résolut de s'adresser au duc d'Orléans, afin qu'il intervînt en sa faveur. A la date du 18 mai, il lui écrivit qu'il avait fait au Roi des offres bien raisonnables et avait reçu bien estrange responce ; il envoyait au duc le double de tous les documents, en le priant de se transporter le plus tôt possible auprès du Roi, ou d'envoyer vers pour lui supplier ou requérir, disait-il, au nom de la Passion de Notre-Seigneur, qu'il lui plaise de sa grâce nous octroyer les deux points dessusdits — prolongation de séjour en Dauphiné et maintien de ses serviteurs —, qui n'est pas grande chose, tout considéré. Si le Roi y consentait, le Dauphin demandait que le duc d'Orléans et les autres princes du sang fussent réunis avec le Conseil pour entendre les motifs de la desplaisance du Roi à l'égard de son fils. Le Dauphin se faisait fort, au plaisir de Dieu, de s'excuser tellement que Dieu, le Roi et tous les pritices et seigneurs du Conseil en devraient par raison être satisfaits. Enfin, il demandait au duc de solliciter le Roi de l'entendre : Qu'il lui plaise, lui qui est prince de justice, ne vouloir concevoir une si grande mérencolie contre nous sans que premièrement nos raisons et excusations soient aides, qui est chose que ne se devrait dénier au plus étranger du monde[76].

Le Dauphin ne se contenta pas d'écrire au duc d'Orléans : il s'adressa à plusieurs autres princes du sang pour les prier de prendre sa cause en main[77] ; il écrivit aussi ou fit écrire à des membres du grand Conseil[78].

En attendant le résultat de cette intervention, Louis résolut d'envoyer une nouvelle ambassade à son père pour lui faire prendre patience. Le 28 mai, Guillaume de Coursillon et Simon Le Couvreur, prieur des Célestins d'Avignon, partirent de Romans. Reçus par Charles VII le 8 juin, Us présentèrent aussitôt leur lettre de créance[79] et firent, en présence du Conseil, l'exposé de leur mission.

Sire, dirent-ils, Monseigneur se recommande très humblement à votre bonne grâce et a été très joyeux de ce qu'il vous a plu avoir agréables les offres et présentations que naguères vous a fait faire par messire Guillaume de Coursillon ici présent ; dont il vous remercie tant que plus peut. Et croyez, Sire, qu'il n'est chose possible en œ monde que Monseigneur ne veuille et désire faire, comme raison est, pour avoir et demeurer toujours en votre bonne grâce. Et pour ce, Sire, qu'il a désir de faire par effet ce qu'il vous a fait savoir, et plus si plus pouvoit faire, pour cette cause nous a renvoyés devers vous pour vous dire à part plus à plein son intention et bonne volonté, que nous vous dirons quand il vous plaira nous ouïr[80].

Les envoyés du Dauphin ajoutèrent qu'ils étaient chargés de renouveler les offres de leur maître. Le Dauphin était disposé à faire à son père tels serments et à lui bailler telles sûretés qu'il lui plairait de le servir envers et coutre tous, et de ne conclure aucune alliance sans son congé, comme aussi de renoncer à toutes alliances contraires s'il en avait conclu, et de ne point passer le Rhône sans son consentement ; mais il était déplaisant que le Roi ne lui eût point écrit, ni mandé salut, ni enquis de l'état de sa personne, et qu'il ne lui eût poilai fait donner de réponse écrite[81].

On demanda aux envoyés du Dauphin s'ils n'avaient point d'autre charge ; ils répondirent négativement. Ou les pria de remettre le texte de leur créance ; ils déclarèrent qu'ils ne le possédaient pas. On leur lut alors la réponse faite à Coursillon, et on leur dit que le Roi eût désiré qu'ils eussent eu des instructions écrites, afin de pouvoir en prendre connaissance ; puisqu'ils ne les avaient pas, ils les mettraient par écrit et les fourniraient le jeudi suivant (c'était le lendemain 9) au Conseil.

Avant la fin de l'audience, le prieur des Célestins demanda et fut admis à entretenir le Roi en particulier[82].

Le prieur exposa que, craignant de déplaire au Roi, il n'avait pas voulu, en présence de son Conseil, lui dire le déplaisir qu'avait éprouvé le Dauphin de ce qu'il avait renvoyé Coursillon à si crue response et encore sans escrit, et ne s'était point informé de l'état de son fils, comme, de sa grâce, il l'avait fait jusque-là Le Roi avait fait dire à Coursillon par son chancelier que, quand le Dauphin lui présenterait quelque requête, il ferait plus pour lui qu'il ne saurait demander ; le Dauphin l'en remerciait très humblement, et renvoyait vers lui pour le supplier qu'il lui plût, de sa grâce et en l'honneur de Dieu, être et demeurer content de lui et lui accorder sa très humble requête, laquelle, tout bien considéré, semblait être raisonnable. Sire, ajouta-t-il, quand votre bon plaisir sera la lui bénignement octroyer, ainsi qu'il eu a parfaite confiance, vous le jetterez hors de la déplaisante, qui ne peut être plus grande, et l'assurerez de la crainte où il est, qui longuement, Sire, a déjà duré[83].

Charles VII réunit son Conseil et fit examiner à loisir ce qu'il convenait de dire aux envoyés du Dauphin. Ce fut seulement le 30 juin que réponse leur fut donnée.

Le Roi avait reçu les lettres closes du Dauphin, ouï la créance présentée en son nom, et pris connaissance des deux instructions signées de la main de son fils : l'une contenant deux points : 1° que le Dauphin était joyeux de ce qu'il eût agréé ses offres ; 2° qu'il n'y avait chose au monde qu'il ne fit pour demeurer en sa bonne grâce ; l'autre contenant quatre points relatifs : 1° aux serments et sûretés offerts par le Dauphin ; 2° au renoncement aux alliances ; 3° au passage du Rhône ; 4° à l'agrément du Roi à l'humble requête du Dauphin.

La requête en question n'étant point spécifiée dans les instructions du Dauphin, le Roi a fait demander à ses envoyés en quoi elle consistait ; ils ont répondu que le Dauphin l'entendait selon la teneur des instructions données à Coursillon le 17 avril précédent, savoir : 1° que le Dauphin ne fut point contraint de venir vers le Roi sinon quand il lui plairait ; 2° qu'il put garder ses serviteurs auprès de sa personne et que le Roi voulût bien lui en donner l'assurance.

Les présentes offres n'étaient autres que. celles déjà produites au nom du Dauphin. Le Roi y avait fait donner, par son chancelier, réponse très bonne, douce et raisonnable ; il était satisfait de ces offres, et il désirait que le Dauphin les mit à exécution d'une façon effective.

Quant aux requêtes présentées, le Roi était étonné que le Dauphin y persistât, car elles étaient en contradiction avec ses offres et n'annonçaient point qu'il voulût se mettre en l'obéis sauce du Roi, comme il était tenu de le faire.

L'attitude prise par le Dauphin depuis le départ de Cour-Billion montrait bien qu'il ne voulait pas s'humilier devant le Roi, ainsi que son devoir l'y obligeait, et qu'il n'était pas disposé à abandonner les étranges termes qu'il avait si longtemps tenus. N'avait-il pas répandu partout sa première instruction — relative aux offres, — en taisant la seconde — où étaient consignées les conditions mises par lui à sa soumission, — et aussi la réponse, pleine d'aménité, que le Roi lui avait faite ? N'avait-il pas adressé certaines lettres closes et instructions à plusieurs princes du sang et à des seigneurs du grand Conseil, où il disait qu'ayant envoyé vers le Roi afin de lui présenter des requêtes pour la sûreté de sa personne et celle de ses serviteurs, il avait reçu bien étrange réponse dont il communiquait la teneur ? Cr cette teneur différait essentiellement du texte authentique. N'avait-il pas supplié les princes et seigneurs de s'employer en sa faveur auprès du Rai le plus tôt possible et, au cas où le Roi n'accorderait pas les deux choses qu'il réclamait, n'avait-il pas proposé de tenir une assemblée où le Roi ferait exposer les causes de son mécontentement et où le Dauphin serait admis à se justifier ?

Le Roi avait été fort étonné de toutes ces choses, car, par là, le Dauphin cherchait à se justifier des fautes et étranges termes du temps passé, et voulait donner à entendre que l'indisposition de cette matière était imputable au Roi et non à lui. Or, chacun savait le contraire, et comment le Roi avait toujours été enclin à toute bénignité. Il l'avait encore montré par la réponse récemment faite à Coursillon.

On pouvait juger par tout cela si le Roi devait être disposé à accorder au Dauphin sa requête relativement à des serviteurs qui l'avaient induit à s'éloigner de son père et à persévérer dans l'étrange conduite qu'il avait tenue et qu'il tenait encore.

Quant au prétexte allégué par le Dauphin au sujet des craintes qu'il prétendait éprouver, le Dauphin, à vrai dire, devait bien avoir crainte de l'offense dont il se rendait coupable envers Dieu, envers le Roi son père, envers toute la chose publique de ce royaume, en persistant si longuement dans sa conduite ; mais il ne devait pas avoir crainte de venir à bonne obéissance et de se confier en la miséricorde du Roi, étant considérée la grande bénignité, douceur et clémence qui étaient en lui et dont il avait toujours fait preuve, même envers ses ennemis. Et n'est en ce monde chose, disait-on en terminant, qui tant dût assurer Monseigneur le Dauphin que de soi trouver en la bonne grâce du Roi, car, Dieu merci, il n'a point été vu jusqu'ici que le Roi ait tenu aucuns mauvais termes à ceux qu'il a reçus en sa bonne grâce et auxquels il a pardonné[84].

Les envoyés du Dauphin présentèrent une requête pour avoir une réponse e plus aimable a et qui pût davantage satisfaire leur maître[85]. Ce fut en vain. Loin de marcher vers un apaisement, les choses s'envenimaient donc de plus en plus. Comment en eût-il été autrement ? Le Roi pouvait-il se fier aux assurances du Dauphin ? Ces assurances, Louis ne les avait-il pas déjà cent fois données ? Sa duplicité n'était-elle pas évidente, sa mauvaise foi notoire ? Charles VII ne devait se faire à cet égard aucune illusion, car il n'ignorait pas, sans doute, qu'en ce moment même le Dauphin faisait des armements, entretenait des intelligences avec plusieurs princes étrangers, et sollicitait l'assistance armée de la ville de Berne.

Cependant Louis, voulant faire traîner les choses en longueur, envoya à son père une troisième ambassade. Coursillon fut mis de côté, et c'est Gabriel de Bernes, l'ambassadeur de 1452, qui fut adjoint au prieur des Célestins. Tous deux par tirent de Grenoble le 21 juillet[86], et ils arrivèrent au Châtelier le 3 août.

L'audience royale eut lieu en présence d'Alain de Coëtivy, cardinal d'Avignon, légat du Pape Ce fut encore le prieur des Célestins qui porta la parole. Conformément aux instructions écrites qu'il avait reçues, il résuma l'état des négociations : le Dauphin avait trouvé bien dure et bien aigre la réponse faite à sou ambassade, et elle lui avait donné matière d'être toujours en plus grande suspection qu'il ne fut onques. N'avait-on pas dit qu'il avait offensé Dieu, le Roi et le monde, qui sont, en effet, toutes les villenies que l'on peut dire à un homme ? Pouvait-il être content de tels langages et être la paix de son cœur ? Le Dauphin avait un sincère désir d'en finir ; mais, si l'on comptait pour cela sur les gens du Conseil, on attendrait bien cent ans avant d'arriver à une solution. Puisque le Roi avait toujours dit que sur cette matière il prendrait l'avis des princes du sang, le Dauphin demandait que les princes fussent saisis de l'affaire, et déclarait s'en remettre à leur jugement[87].

Charles VII fit donner sa réponse, par la bouche de son chancelier, le 20 août[88]. Il se déclarait satisfait de ce que le Dauphin lui avait fait dire relativement aux serments et sûretés, aux alliances et au passage du Rhône ; mais il persistait à repousser les conditions mises par lui à sa soumission, cd ce serait déroger et venir contre les requêtes et offres faites par le Dauphin lui-même ; et, en l'autorisant à ne pas se rendre auprès du Roi, celui-ci approuverait son absence et sa conduite dans le passé. D'ailleurs, le Roi était toujours disposé à recevoir le Dauphin en sa bonne grâce, comme bon et piteux père doit faire à son bon et obéissant fils, et à tout pardonner et oublier, pourvu que le Dauphin vint vers lui sans conditions, ainsi qu'un bon et obéissant fils doit faire envers un tel père. Le chancelier termina ainsi : Et pour ce que autrefois notre Saint-Père a écrit au Roi de cette matière, afin qu'il soit averti de son bon vouloir et du devoir où il se met, le Roi a bien voulu vous faire savoir cette réponse en la présence de monseigneur le cardinal ci présent ; et aussi vous veut bien faire dire que si mon dit seigneur, à cette fois, ne se met en son devoir envers le Roi, vu la douceur et bénignité que le Roi lui montre, l'intention du Roi est de faire procéder contre ceux qui ainsi le conduisent et conseillent, selon que la matière le requiert.

Après que le chancelier eut fini, le Roi prit la parole en ces termes : Gabriel et vous prieur, vous avez ouï la réponse que je vous ai fait faire, qui est bonne, douce et raisonnable, et pouvez penser qu'il n'est personne vivant qui tant veuille le bien de mon fils le Dauphin ni qui tant désire qu'il se gouverne bien que je fais. Et pour ce, remontrez lui ces choses, et que ces étranges termes qu'il a tenus par ci-devant ont trop duré, afin que si, par jeunesse, au temps passé, il n'a été si bien adverti qu'il dût, de çi en avant, lorsqu'il est en âge de soi connaître, il redresse son fait et mette peine à soi gouverner ainsi qu'il doit ; et s'il fait aucuns doutes ou qu'il ait aucunes craintes ou suspections quant il m'en advertira, je l'en asseurrai tellement que raisonnablement il en devra bien être content et n'aura cause de rien redouter[89].

Le Roi congédia ensuite les ambassadeurs, en leur faisant remettre, avec les deux réponses par écrit, une lettre pour le Dauphin ; elle était ainsi conçue :

Très cher et très amé filz,

Nous avons receu les lettres que escriptes nous avez par Gabriel de Bernes et le prieur des Celestins, porteur de cestes, et avons oy ce que ilz nous ont dit et declaré de vostre part, tant en presence de nostre conseil que particulièrement a part, touchant les matières pour lesquelles les avez envoyez par devers nous ; sur quoy leur avons fait et fait faire response selon nostre plaisir et vouloir, et icelle leur avons fait bailler par escrit, alnsy que par eulx et par la teneur de ladicte response porez savoir plus à plein.

Donné au Chastellar près Esbruelle, le XXIe jour d'aoust[90].

L'émotion fut grande à la cour du Dauphin quand Bernes et le prieur revinrent porteurs de ce message. Bien que — comme le remarque un auteur contemporain peu suspect — la réponse fût benigne et assez raisonnable pour que le prince eu pût être content[91], il lui semblait déjà voir la menace de son. père s'exécuter, et celui-ci s'avancer en Dauphiné avec ses gens d'armes, pour l'enclore et pour prendre la souris en son trou'[92]. Sa frayeur était telle, qu'il semblait que la terre fût à peine assez grande pour lui offrir un abri[93]. Ses conseillers n'étaient pas moins alarmés et le poussaient aux résolutions extrêmes. On lui disait que le Roi voulait lui faire une très mauvaise compagnie et se proposait de lui substituer son frère, le petit seigneur[94]. Louis résolut de s'enfuir secrètement. Prenant avec lui quelques familiers, il partit le 30 août, et ne s'arrêta qu'à Saint-Claude, à l'entrée de la Franche-Comté, après une course de trente lieues à franc étrier. De là, il gagna le château de Nozeroy, résidence du Prince d'Orange : il était désormais à l'abri d'un coup de main de Charles VII.

De Saint-Claude, où il arriva le 31, vers dix heures, et où il entendit trois messes, le Dauphin adressa à son père la lettre suivante :

A mon très redoublé seigneur.

Mon très redoubté seigneur, je me recommande à vostre bonne grue tant et si très humblement comme je puis. Et vous plaise savoir, mon très redoubté seigneur, que, pour ce que, comme vous savez, beaux oncles de Bourgogne a intention de brief aller sur le Turc à la deffence de la foy catholicque, et que ma voulenté serait bien d'y aller, moyennant vostre bon plaisir, attendu que nostre Saint Père le Pappe m'en a requis et que je suis gonfalonnier de l'Eglise et en fis le serment par vostre commandement, m'on voys par devers mon dit bel oncle pour savoir son enteneion sur son allée, que je me puisse emploier à la deffence de la foy catholicque, se mestier fait, et aussi pour lui prier qu'il se veille emploier trouver le moyen que je puisse demeurer en vostre bonne grave, qui est la chose que je desire plus en ce monde. Mon très redoubté seigneur, je prie à, Dieu qu'il vous doint, très bonne vie et longue.

Escript à Saint Claude, le darrain jour d'aoust.

Vostre très humble et très obéissant fils.

LOYS[95].

Le Dauphin ne séjourna pas longtemps chez le prince d'Orange. Sous la conduite du maréchal de Bourgogne, dont il avait sollicité le concours, et, avec une faible escorte, il traversa la Lorraine et le duché de Luxembourg, En proie à une frayeur mortelle[96], craignant toujours d'être poursuivi, il marcha tout d'une traite jusqu'à Louvain. Là il s'arrêta, et écrivit au duc de Bourgogne pour lui annoncer sa venue dans ses États.

 

 

 



[1] Chastellain, t. III, p. 53 et 55. — Thomas de Réate, ambassadeur du duc de Milan, écrivait à ce prince dans une dépêche du 28 mars 1454, en parlant du Dauphin : Luy è home inquieto, et cupido de nove cose, et povero. Archives de Milan, Carteggio Sforzesco, 1454, dépêche chiffrée dont je dois la traduction à M. Adriano Cappelli.

[2] Distribution du payement des gens de la gante de Monseigneur pour le moys de mars IIIIc LIII fait à Valence. Minute, Ms. fr. 21478 (non paginé). Semblable distribution pour le mois d'avril 1454. Minute, Ms. fr. 20427, f. 8-9. Semblable pour le mois de mai 1454. Ms. fr. 21478. — Chastellain nous apprend (t. III, p. 214) que le Dauphin emmena en Flandre, en 1456, quarante gentilshommes, et le ms. 21478 contient un rôle du paiement de la garde du Dauphin à la date de février 1457.

[3] Voir tome V, chapitre X.

[4] Lettre de Jean de Seyssel, maréchal de Savoie, et autres seigneurs au Roi, en date du 20 mai. Ms. fr. 18983, n° 32. Cf. Supplication des nobles au Roi, ibid., n° 41.

[5] Cette lettre a été publiée par le marquis Costa de Beauregard, dans son mémoire sur les Seigneurs de Compey, p. 105. — Sur l'ambassade de Jean Tudert, voir le ms. 685 du Cabinet des titres, f. 161 et 176 v°, et la déposition de Tudert dans l'édition du Jouvencel, t. II, p. 371.

[6] Ces ambassadeurs sont à Lyon le 5 juillet. Archives communales de Lyon, BB 5, f. 200. — Le 9 août, l'évêque d'Alet et Le Boursier sont encore à Lyon, en compagnie du grand maître (Jacques de Chabannes). Idem, CC 463, n° 20, 21 et 24.

[7] L'évêque d'Alet et Le Boursier sont à Lyon le 8 septembre. Archives de Lyon, CC 403, n° 22, 23. Pompadour avait aussi une mission prés du Dauphin (Ms. 685, f. 160).

[8] Voir tome V, chapitre X.

[9] Lettre du 7 octobre 1453, apportée par Jacques de Bueil ; lettre du 17 novembre, apportée par Pierre d'Annecy. Ms. fr. 18988, n° 13 et 14.

[10] Lettre du 24 février 1454. Ms. fr. 18983, n° 10.

[11] Cette ambassade est mentionnée dans la lettre du duc de Savoie en date du 27 juin 1454.

[12] Lettre du duc de Savoie en date du 27 juin 1454.

[13] Me Blaise Greslé, maistre des requestes extraordinaire, IIc l. pour aller en Savoye et Allemagne en la compagnie de monseigneur de Cancane, grand maistre d'ostel, vers le duc de Savoye et d'autres, comme les Bernois et leurs alliez. — Jehan de Lornay, escuyer, conseiller du Roy, VIxx XVII l. X s. t., idem. Cabinet des titres, 685 f. 176 v°. — Il est fait mention du passage de Gaucourt par Fribourg dans les comptes du trésorier de cette ville. Archives de Fribourg, Comptes du trésorier, n° 104.

[14] Voir Liebenau, l. c., p. 34-35, 65 et 91-98 ; Mandrot, l. c., p. 28-30.

[15] Original, Ms. fr. 18083, f. 22. Cette lettre est en copie à la Bibliothèque de l'Institut, dans le Portefeuille 514 de Godefroy.

[16] Voir Supplicacion et requeste faicte au Roy par les nobles de Savoye, dans le ms. fr. 18983, n° 41.

[17] Dans, l'acte notarié du 6 août 1454. Guichenon, Histoire de Bresse et du Bugey, 4e partie, Preuves, p. 29.

[18] Minute aux Archives de Turin, Protocoli, 94, f. 530.

[19] Guichenon, l. c., 1re partie, p. 79.

[20] Guichenon, l. c., 4e partie, Preuves, p. 28-30.

[21] Archives de Turin, Protocoli, 94, f. 531 v° ; Les Seigneurs de Compey, par le marquis Costa, p. 106.

[22] Marquis Costa, l. c., p. 101.

[23] Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 265 ; Registres des délibérations de la ville de Lyon, BB 5, f. 237.

[24] Voir lettre du duc de Savoie en date du 2 septembre, citée plus loin.

[25] Archives de Turin, Trattati diversi, mazzo V, n° 9 ; éd. Lünig, t. III, col. 558.

[26] Ambassade de Guillaume Rolin, seigneur de Beauchamp, Jean de Cluny et Guyot Pot, du 1er août au 26 septembre 1454. Archives du Nord, B 2017, f. 140 v°-141 v° et 229 ; B 2020, f. 179 v°.

[27] Vous ay fait offrir et presenter tout ce qui m'est raisonnablement possible, voyre plus que povoir. Lettre du duc au Dauphin, 18 juillet 1454. Archives de Turin, Lettere principi di Savoie, mazzo I, n° 89, minute.

[28] Lettre du duc au Dauphin, 18 juillet 1454. Archives de Turin, Lettere principi di Savoie, mazzo I, n° 89, minute.

[29] Dresnay au duc de Savoie. La Tour du Pin, 22 août 1454. Ms. latin 17779, f. 61.

[30] Ms. latin 17779, f. 61 v°-62. Dans cette lettre Dresnay se plaignait des excès commis par les hommes d'armes du duc sur ses gens, et en demandait réparation.

[31] Original, ms fr. 18983, f. 15.

[32] Gaucourt passa par Lyon le 9 septembre ; il y revint le 10 octobre, après la conclusion du traité. Archives communales de Lyon, BB 5, f. 229, et CC 403, n° 46.

[33] Nous les avons nommés plus haut. — Notons ici que, un peu plus tant, Guillaume Rolin fut envoyé au Dauphin (ambassade du 12 décembre 1454 au 16 janvier 1455), pour aucunes matières secrètes dont icelui seigneur (le duc de Bourgogne) ne veult autre declaracion este faite. Archives du Nord, B 2020, f. 190.

[34] Il se trouve aux archives de Turin, Protocoli, 102, f. 65-68. Le Dauphin donna le 20 septembre ses lettres de ratification. Original, Archives de Turin, Trattati, paquet IX, n° 16 et 17.

[35] Lettre du Roi à Sforza, 18 mars 1455. Original aux Archives de Milan, Francia, Corrispondenza con Carlo VII, etc. Lettre de Sforza au Roi, 12 avril 1455, aux mêmes archives, Francia dal... al 1470 (en minute), et Bibl. nationale, ms. ital. 104, f. 53. — Sur les relations du Dauphin avec Sforza, voir Lettres de Louis XI, t. I, p. 67 et suivantes, et 258.

[36] Et pertanto videndo io che tale intelligentia è molesta alle Maesta vestra, io non la faria per condictione alcuna del mondo.

[37] Le texte de cette lettre est dans les extraits d'un Registre du Conseil publiés par M. Valois, p. 7. Cf. Créance de l'ambassadeur, John Beguet, p. 24-25.

[38] Valois, l. c., p. 6.

[39] Lettre publiée dans la Chronique martinienne, f. 298.

[40] Cette date nous est fournie par les extraits d'un Registre du Conseil. Valois, l. c., p. 15.

[41] Lettre du Roi à Chabannes en date du 27 mai (Chronique martinienne, f. 299).

[42] Archives de Turin, Protocoli, 94 f. 527 v°.

[43] Voir le long mémoire dans lequel les seigneurs savoisiens exposent ce que le duc a encore à faire à leur égard pour l'exécution de la sentence du Roi. Ms. latin 17779, f. 64-71.

[44] Le 22 août, le connétable contresigne des lettres du Roi données à Bois-Sire-Amé ; le 3 septembre, Dunois est à Lyon, où il est rejoint le 9 par le connétable et par Chabannes. Archives communales de Lyon, BB 7, f. 4 v°-6 v° ; CC 403, n° 25 et 27.

[45] Lettre publiée dans la Chronique martinienne, f. 300 v°.

[46] Lettre publiée dans la Chronique martinienne, f. 300.

[47] Archives communales de Lyon, BB 7, f. 10.

[48] Archives communales de Lyon, BB 7, f. 10 et 10 v° ; CC 403, n° 26 et 28.

[49] Il était accompagné de Jean Simon, avocat du Roi. Quittance de d'Aubin en date du 10 janvier 1458. Pièces originales, 978 : DAULON, n° 8.

[50] Dauvet s'y employa à partir du 10 novembre. Envoyé par le Roi en Languedoc comme commissaire auprès des Etats Généraux, il laissa au prévôt des maréchaux, Tristan Lermite, le soin de poursuivre l'affaire des Savoisiens et le procès des Cypriens. Archives, KK 328, f. 314 v° et 376 v°.

[51] Voir le texte de cette délibération dans Du Puy, 413, f. 117 v°.

[52] Ce fait est établi par une lettre du Roi aux syndics, conseil et communauté de Genève, datée de Montcanquier le 23 novembre. Archives d'État de Genève, Portefeuille des pièces historiques, n° 622.

[53] Guichenon, Histoire généalogique de la maison de Savoie, Preuves, p. 405, — Le 19 décembre, Emmanuel de Jacob, ambassadeur du duc de Milan, alors auprès du Roi, écrivait à son maitre : Li facti del duca di Savoia passerano bene. Et, passata la Epifania, la maiesta del Re retornera pressa a Sancto Porsano ad una lega per mettere fine al facto de quelli gentilhomini... Le duca et la duchessa farano le feste a Sancto Porsano. Ms. italien 1587, f. 101.

[54] Guichenon, Histoire de Bresse et du Bugey, 1re partie, p. 80. Cf. Archives de Turin, Trattati, paquet IX, n° 15.

[55] Voir délibération du Conseil en date du 21 janvier. Legrand, VIII, f. 71.

[56] Original, ms. fr. 18983, n° 38. La veille, le Roi donnait des lettres patentes par lesquelles il déclarait qu'en faisant faire en son nom, par le connétable et par Dunois, certaines assignations, arrêts, prises, etc., il n'avait pas entendu préjudicier aux droits du duc et de ses successeurs. Lettres données au Châtelier près Ebreuil le 24 février 1456. Ms. fr. 18983, n° 45, et sans date dans le ms. fr. 5909, f. 162 v°.

[57] Original, ms. fr. 18983, f. 9. — Les seigneurs savoisiens donnèrent en même temps leurs lettres de ratification. Voir lettres de 30 et 31 mai, 1er et 5 juin, dans ms. fr. 18983, n° 56 et suivantes. ; Pièces originales, 226 : BAUME (dossier 5088) ; Moreau, 1047, n° 56 ; Hist. patr. mon., t. XIII, col. 259-267.

[58] Ledit Dauphin estoit jà tout estrangnier de son père, à cause du long terme que tenu s'en estait absent, et aveuques francise qu'avait jà longuement prise d'entre à luy mesme sans corrigeur, sy avoit il pris une pour sauvage de Son père et un doute que si d'aventure il se fust trouvé devers luy, il reust corrigé de main mise par prison ou autrement, car avoit esté secretement averti aucunement de si faites menaces. Chastellain, t. III, p. 52-53.

[59] Un ambassadeur de Sforza à la cour du due de Bourgogne écrivait à la date da 5 mars 1455 : Monsignore le Delfino ha mandato a donare ci à monsignore de Burgogna una coluvrina et alcluini presenti, et li nostra grandi segni d'amore. Archives de Milan, Dominio Sforzesco, janvier-juin 1455.

[60] On a la trace d'une ambassade du Dauphin vers ce prince. D. Morice, t. II, col. 1686.

[61] Le 9 septembre 1455, le Dauphin donnait quittance d'une somme de vingt-deux mille écus d'or reçue du comte d'Armagnac pour le prix des quatre chatellenies de Rouergue à lui abandonnées. Doat, 219, f. 95.

[62] Cette lettre parvint au duc d'Alençon vers le mois d'octobre 145. Ms. fr. f6441, f. 80 v°.

[63] Procès du duc d'Alençon, l. c., f. 47 v° et 49.

[64] Procès du duc d'Alençon, l. c., f. 47 v°.

[65] Procès-verbal dans le Ms. fr. 15537, f. 135.

[66] Instructions du Roi à Odet d'Aydie, bailli de Cotentin, envoyé au comte de Dunois, 15 mai 1456. Original, Fontanieu 881, f. 5.

[67] Chastellain, t. III, p. 55.

[68] Original dans Du Puy, 152, f. 22 ; éd. par Duclos, Preuves, p. 99, et par M. Charavay, Lettres de Louis XI, t. I, p. 12. — M. Charavay donne, avant cette lettre, une autre lettre du Dauphin au Roi, datée de Valence le 9 mars, qu'il place à l'année 1456.  C'est inadmissible laure n'est peint de 1455 ; elle nous parait devoir être rapportée à l'année 1447, aussitôt après le départ de Louis pour le Dauphiné.

[69] Sans que oncques demandast : Comment va-t-il à Loys ? ou Comment fait-il ? Dont assez se tint esbay ledit messire Guillaume. Chastellain, p. 56.

[70] Cette réponse, dont Coursillon remit ensuite le texte, portait la même date que la lettre du Dauphin ; elle était signée par lui et contresignée par son secrétaire Jean Bourré. Original, Du Puy, 762, f. ; éd. par Duclos (Preuves, p. 100), qui n'a pas respecté l'orthographe de l'original.

[71] Ce document se trouve (avec les deux précédents} dans le procès-verbal de l'ambassade de Coursillon, dressé par la chancellerie royale. Ms, fr. 15537, f. 93. Cf. Duclos, Preuves, p. 101. — La version accréditée par Duclos et par M. de Barante, et dont l'Origine doit dire attribuée à Georges Chastellain, car nous la retrouvons plus développée dans sa Chronique, est évidemment celle du Dauphin, et par là même elle est suspecte. Le manuscrit 15337 — dont on ne saurait trop déplorer la disparition des rayons de la Bibliothèque nationale — nous offre la version de la chancellerie royale, et c'est celle-là que nous suivrons ici. — D'après Chastellain, le Roi aurait insisté pour que Coursillon exposai toute sa créance verbalement ; il l'aurait ensuite congédié sèchement, et l'aurait fait attendre quatre jours en son logis, sans le mander ni lui donner de réponse ; enfin, après l'avoir reçu en audience et lui avoir fait communiquer sa réponse par son chancelier, il l'aurait renvoyé d'une façon peu courtoise. Tout ceci est démenti par le procès-verbal officiel, qui expose les faits de la manière la plus complète.

[72] Instructions du 15 mai, citées plus loin.

[73] Ms. fr. 15537, f. 94 v°.

[74] Je suis la version de la chancellerie royale, consignée dans le ms. 15331 (f. 94, v° et suivantes.). J'ai le vif regret de ne pouvoir la revoir sur l'original, et d'être obligé de me contenter des notes prises autrefois sur le manuscrit. On voit que cette version dément absolument le récit de Georges Chastellain (t. III, p. 58-59), qu'on retrouve dans les Preuves de Duclos (p. 102-105), et qu'a suivi M. de Barante.

[75] Laquelle response, disait le Roi, est conforme à l'oppinion que mondit seigneur de Duneys deist au Roy sur ceste matiere, derrenier qu'il parti de luy. Instructions du 15 mai 1456. Fontanieu 881, f. 5.

[76] Lettre publiée par M. Étienne Charavay, Lettres de Louis XI, t. I, p. 73, d'après l'original dans son Cabinet.

[77] Cela résulte de la réponse du Roi aux envoyés du Dauphin en date du 30 juin. Voir plus loin.

[78] Il y a dans Le Grand, V, f. 76, une lettre sans date adressée aux seigneurs du Conseil et donnant les meilleures assurances su nom du Dauphin ; elle se rapporte évidemment aux démailles faites à ce moment.

[79] Original, ms. fr. 2811, n° 27 ; éd. dans la Chronique de Georges Chastellain, t. III, p. 59, et Lettres de Louis XI, t. I, p. 15.

[80] Ce document portait la date de Romans, 28 mai ; il était signé par le Dauphin et contresigné par Bourré. Original, ms. fr. 15537, f. 3 ; le texte se retrouve dans Georges Chastellain, t. III, p. 60.

[81] Ce que dirent au Roy le prieur des Celestins d'Avignon et messire Guillaume de Courcillon luy presentans les loutres closes de monseigneur le Dauphin. Copie du temps, ms. fr. 15537, f. 58 ; copie moderne, Du Puy, 762, f. 29.

[82] Même document.

[83] Les paroles du prieur des Célestins sous rapportées par Chastellain (p. 60-62), qui place dans sa bouche les offres renouvelées au nom du Dauphin, lesquelles, d'après le document émané de la chancellerie royale, avaient été produites dans l'audience publique.

[84] Minute originale et copie du temps dans le ms. fr. 15537, f. 90 et 23 ; minute dans le ms. fr. 2811, n° 28-31. Cf. Duclos, p. 104-113, et Chastellain, t. III, p. 62.

[85] Cette requête se trouve dans le ms. fr. 15537, f. 100. Ils demandaient que tous reproches et impropères cessassent et que les paroles où l'on disait que le Dauphin voulait continuer et tenait encore les termes du temps passé fussent ôtées. Le Dauphin ne se pouvait guère mettre en plus grande servitude, sujétion et obéissance qu'il ne faisait, si ce n'était qu'il requérait de ne pas être pressé de venir vers le Roi ; et encore il leur semblait que cette réserve n'aurait pas de lieu en cas d'invasion anglaise ou autre ; aucun savait que le Roi avait pardonné autrefois à aucuns seigneurs et capitaines qui étaient à sa merci et ses ennemis, et à leurs gens et serviteurs, et aussi lent avait donné de l'argent : il semblait que le Dauphin ne devait être de pire condition, s'il y avait de ses gens que nommément ils sussent être à la déplaisante du Roi, ils le rapporteraient à leur maitre, qui y mettrait telle ordonnance que le Roi en serait content. Ces choses considérées, ils demandaient que le Roi leur fit une réponse plus aimable et qui pût être plus agréable au Dauphin.

[86] C'est la date de la lettre de créance qui leur fut remise par le Dauphin. Origine ms, fr. 2811, n. 32 ; publiée dans la Chronique de Georges Chastellain, t. III, p. 161 : et dans Lettres de Louis XI, t. I, p. 76.

[87] Chastellain, t. III, p. 161-164.

[88] Minute originale et copies contemporaines clans le ms. 15537, fol. 19, 54 et 58. Cf. Duclos, p. 117, et Chastellain, t. III, p. 168.

[89] Chastellain, t. III, p. 168.

[90] Chastellain, t. III, p. 168.

[91] Ja fust-il toutevoies que benigne estoit et assez raisonnable pour en estre content. Chastellain, t. III, p. 177.

[92] Il sentoit approchier gens d'armes pour l'enclore en son Dauphiné et le Roy son père mesme venir tousjours file à file après, comme pour prendre la souris en son trou. Chastellain, p. 178.

[93] Se bouta en une toute excessive fraeur d'esprit, comme si la terre à peine n'eust esté grande assez pour lui donner garant. Chastellain, p. 177.

[94] Mais il ne fut point trouvé, dit la Chronique martinienne (f. 302). C'était une fausse rumeur.

[95] Cette lettre, qui a été imprimée par Duclos (p. 125) et dans le recueil des Lettres de Louis XI, t. I, p. 77, se trouve en original signé dans le ms. 15537, fol. 1. — Il y en a une minute dans un manuscrit de la collection Gaignières (Fr. 20855, f. 20) qui offre une particularité curieuse. La lettre y porte la date du 2 septembre, et l'an a effacé cette date pour y substituer celle du 31 août, qui se trouve sur l'original envoyé au Roi. — Une lettre circulaire, dont le texte a été donné par Duclos, p. 126, et dans le recueil cité, p. 79, fut envoyée par le Dauphin à tous les évêques de France pour colorer sa fuite du prétexte de la défense de la chrétienté.

[96] Ne pouvoit ymaginer autre chose fors que le Roy son père queroit à le prendre et le faire expedier secretement en un sac en l'eaue. Georges Chastellain. Voir tout le récit de la fuite du Dauphin, t. III, p. 186-192.