HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE VI. — CHARLES VII PENDANT SES DERNIÈRES ANNÉES. - 1454-1461.

 

CHAPITRE II. — LA PRISE DE CONSTANTINOPLE ET LES PROJETS DE CROISADE.

 

 

1453-1455

 

Prise de Constantinople ; appel de Nicolas V à la chrétienté ; dispositions des puissances. — Situation de la France ; Charles VII reçoit des ouvertures de Philippe le Bon au sujet de la Croisade ; vœux de ce prince et des seigneurs de sa cour ; nouvelle ambassade vers le Roi. — Le duc de Bourgogne se rond à la diète de Ratisbonne ; accueil empressé qu'il reçoit en Allemagne ; la diète n'aboutit à aucune résolution ; nouvelle diète tenue à Francfort. Philippe le Bon se rend en Bourgogne pour suivre la négociation relative au mariage du comte de Charolais avec Isabelle de Bourbon ; conférence de Nevers ; difficultés qui se produisent ; le duc brusque le dénouement en faisant procéder au mariage à Lille. — Intervention du Roi ; ambassade du bailli de Berry ; sa réception par le duc ; il apprend que le mariage est célébré ; empressement du duc de Bourbon à accepter le fait accompli. Menaces du côté de l'Angleterre ; situation de ce royaume ; Charles VII se prépare repousser une invasion. — Nouvelle ambassade du duc de Bourgogne au sujet de le Croisade ; intervention du duc d'Orléans ; réponse du Roi ; il envoie des ambassadeurs à Philippe le Bon ; instructions qu'il leur donne ; il autorise la levée d'un décime. — Réception faite aux ambassadeurs du Roi ; Charles VII reçoit la visite de deux seigneurs bourguignons ; arrivée à sa cour du chancelier Rotin et du sire de Croy ; réponses qu'il fait à leurs ouvertures ; éloge du duc de Bourgogne. — Préparatifs faits par le duc pour la Croisade ; Calixte III lui envoie une bannière et envoie la rose d'or à Charles VII. — Charles VII reçoit Nicolas Agalo, venu en Europe pour travailler à la Croisade ; Agalo se rend en Angleterre ; réponse que le Roi lui fait à son retour. — Avertissement donné au Roi par un a saint homme ; il y reste sourd ; nouvel avertissement avec menace de mort s'il résiste aux ordres du ciel.

 

Un événement qui, en d'autres temps, eût fait tressaillir toute la chrétienté et l'aurait fait courir aux armes s'était accompli dans le cours de l'année 1453 : Constantinople était tombée au pouvoir des Turcs.

La catastrophe n'était que trop prévue. Durant toute l'année 1452, des préparatifs formidables avaient été poursuivis sans relâche par Mahomet II. Six mille ouvriers, venus de toutes parts, avaient été employés à construire une forteresse sur le Bosphore, près de Galata. Les populations de la contrée étaient terrifiées : Les derniers jours de Constantinople sont arrivés, disait-on ; voici venir les signes avant-coureurs de la destruction de notre ville ; voici venir les jours de l'antéchrist ! Dans les premiers jours d'avril 1453, Mahomet II arriva avec une flotte de deux cent cinquante voiles, une armée d'environ deux cent mille hommes et une puissante artillerie. Trois assauts furent tentés les 18 avril, 7 et 12 mai. Les défenseurs de Constantinople durent céder au nombre ; d'ailleurs la division régnait dans leurs murs. Le 29 mai, un dernier assaut livra la Cité impériale aux Musulmans. L'empereur Constantin XII était tombé glorieusement les armes à la main. Pendant trois jours Constantinople fut livré au pillage, au meurtre, à tout ce que le fanatisme et la barbarie purent imaginer de plus effroyable. Quand le sac fut consommé et que les passions assouvies commencèrent à se calmer, Mahomet H fit son entrée triomphale, au milieu des acclamations de ses troupes : Je rends grâces à notre Mahomet, dit-il, de nous avoir donné cette belle victoire ; mais je le prie en même temps de m'accorder de vivre assez de temps pour vaincre et subjuguer l'ancienne Rome, qui est le siège du christianisme. Alors seulement je mourrai heureux[1].

L'événement fut connu à Rome le 8 juillet. On se refusait à y croire : le bruit courut même que Constantinople avait été reprise par les chrétiens. Mais bientôt la terrible réalité apparut. Au désespoir se joignit la frayeur : on apprit que la flotte pontificale envoyée au secours de la ville assiégée avait été Capturée et que trois cents vaisseaux allaient faire voile vers l'Italie.

Le premier soin de Nicolas V fut d'envoyer des légats dans les différents états italiens pour travailler à pacifier les querelles qui les divisaient. Puis, par une bulle en date du 30 septembre 1453, un solennel appel fut adressé à toute la chrétienté. Le Pape adjurait les souverains de se vouer corps et bien à la défense de la foi, et leur rappelait le serment qu'ils avaient prêté à leur couronnement. Une indulgence plénière était promise à quiconque prendrait part à la guerre sainte pendant six mois consécutifs à partir du jet février 1454, soit personnellement, soit en fournissant un remplaçant. Dans toute l'Europe une dîme devait être levée pour subvenir aux frais de la Croisade. Afin que rien ne vînt mettre obstacle à la sainte entreprise, le Pape voulait et ordonnait que la paix régnât dans le monde chrétien[2]. Des religieux furent envoyés de toutes parts pour prêcher la Croisade.

Mais le temps n'était plus où un tel appel avait chance d'être entendu. En dehors des États voisins de l'empire de Constantinople et directement menacés par l'invasion, personne ne bougea. Ceux-là mêmes qui, par leur situation, par les ressources dont ils disposaient, auraient été le plus en mesure de combattre la puissance musulmane, n'eurent rien de plus pressé que d'entrer en négociations avec elle : le 18 avril 4454, la république de Venise concluait un traité aux termes duquel ses relations avec Mahomet II devaient rester sur le même pied de paix et d'amitié qu'avant les derniers événements ; six mois plus tard, la république de Gênes, pour n'avoir plus à se préoccuper de ses possessions de la mer Noire, les cédait à la Banque de Saint-Georges. Alphonse V, tout entier à ses ambitieux desseins, ne prit que pour la forme le rôle de défenseur de la chrétienté contre les Turcs. Quant à l'empereur Frédéric III, il se borna à écrire aux princes chrétiens pour les engager à prendre part à la Croisade et à se faire représenter à une diète convoquée à Ratisbonne pour le 23 avril 1454 dans te but de se concerter sur les mesures à prendre[3].

Æneas Sylvius, le secrétaire de l'empereur, s'employait alors avec ardeur à lancer toutes les forces de la chrétienté contre les Turcs ; mais il ne se faisait guère d'illusion sur le résultat de ses efforts. Dans une lettre un peu postérieure[4], il écrivait : A dire vrai, je n'espère pas réussir. La chrétienté n'a plus de tête ; on ne rend plus au Pape ce qui est au Pape, ni à l'empereur ce qui est à l'empereur ; on ne rencontre nulle part respect ni obéissance. Les titres de Pape et d'empereur ne sont plus que de vains mots, de brillantes images. Chaque État a son prince ; chaque prince ses intérêts particuliers. Quelle voix pourrait être assez éloquente pour réunir sous un même drapeau tant de puissances discordantes ou hostiles ? Et, alors même qu'elles s'assembleraient en armes, qui donc serait assez audacieux pour assumer le commandement ? Quel ordre établira-t-on dans l'armée ? Quelles règles de discipline ? Comment garantir l'obéissance ? Qui nourrira cette multitude ? Qui comprendra tant d'idiomes différents ? Qui gouvernera tant d'hommes de mœurs si opposées ? Qui pourra concilier les Anglais et les Français, les Génois et les Aragonais ? les Allemands, les Hongrois et les Bohémiens ? Si l'on n'a qu'une armée peu nombreuse, elle sera écrasée ; si l'on a le nombre, la confusion sera inévitable... Que l'on considère seulement le spectacle qu'offre la chrétienté. L'Italie est divisée. Le roi d'Aragon et les Génois sont en guerre. Gênes s'armera-t-elle contre les Turcs dont elle est, dit-on, tributaire ? Venise est l'alliée des Musulmans... Les Espagnols ont leur guerre sainte contre Grenade. Le roi de France appréhende à chaque instant de nouvelles descentes des Anglais, et ceux-ci ne songent qu'à venger leur expulsion. L'Écosse, le Danemark, la Suède, la Norvège, pays reculés aux derniers confins du monde, n'ont point d'intérêts qui les attirent hors de chez eux. L'Allemagne est partout divisée : les villes sont en lutte avec les princes ; les princes eux-mêmes ne sont pas unis. Seul, le duc de Bourgogne apparaissait au secrétaire de l'empereur comme pouvant se mettre à la tête du mouvement : il ne tarissait pas d'éloges à l'égard de ce prince, auquel il prêtait les sentiments les plus élevés, les intentions les plus pures[5].

Æneas Sylvius n'était pas le seul à placer sa confiance en Philippe le Bon. Nicolas V était en correspondance suivie avec le duc, et voyait en lui le plus intrépide champion de la chrétienté[6].

Le duc de Bourgogne semblait, d'ailleurs, fort disposé à prendre ce rôle. Délivré de ses embarras du côté des Gantois, il avait obtenu d'importants avantages dans le duché de Luxembourg, dont le roi de Hongrie, Ladislas, lui contestait la possession, et avait conclu une trêve avec ce prince, par l'entremise de l'archevêque de Trèves (8 septembre 1453)[7]. Au mois de décembre, il se décida à envoyer à Charles VII un de ses conseillers, Antoine de Lornay, pour lui communiquer le dessein qu'il avait d'entreprendre le saint voyage, et pour le sonder à cet égard[8].

Quelle était alors la situation de la France ? Jamais elle n'avait été plus glorieuse et plus prospère. Le chroniqueur bourguignon Georges Chastellain, peu suspect en pareille matière, nous montre les Anglais expulsés de tout le royaume, sauf Calais ; l'ascendant de la France s'imposant à tous, car elle avait la plus belle armée du monde et la mieux organisée ; l'Italie la redoutant ; la Savoie ployant le genou devant elle ; l'Allemagne recherchant son amitié ; l'Espagne lui offrant ses services[9]. Récemment les princes allemands avaient sollicité l'appui de la France contre les communes en révolte[10], et un traité conclu avec le duc Frédéric de Bavière était venu compléter le faisceau d'alliances qui datait de 1445[11]. Maintes fois Charles VII avait promis que, s'il lui était donné d'expulser ses ennemis et de rendre la paix à son royaume, il n'aurait rien de plus pressé que de secourir les Grecs et de délivrer l'empire chrétien du joug des barbares[12]. Dans une lettre au sultan de Babylone, en date du 22 août 1451, il s'était élevé contre les mauvais traitements dont les Franciscains établis à Jérusalem étaient victimes et avait réclamé l'intervention du sultan en leur faveur[13]. Il n'était point insensible aux sollicitations qui lui étaient faites de s'employer à la défense de la foi[14], et à plus d'une reprise il avait témoigné de ses sympathies à l'égard des chevaliers de Rhodes[15]. Au moment où lui parvenait la communication du duc de Bourgogne, il reçut une longue lettre de Frédéric III, qui, lui aussi, l'engageait à prendre part à la croisade contre les Turcs et lui demandait de se faire représenter à la diète de Ratisbonne qui devait se tenir le jour de Saint-Georges (23 avril)[16]. Enfin, nous avons une épître de Zanon de Castiglione, évêque de Bayeux, écrite à ce moment, où le prélat exhortait vivement le Roi à prendre en main la cause de la chrétienté[17].

Charles VII accueillit avec faveur l'ouverture qui lui était faite au nom du duc de Bourgogne ; il déclara qu'il était bien content que monseigneur de Bourgogne entreprît en personne le voyage pour la défense du nom de Jésus-Christ et de la sainte foi chrétienne[18].

Sur ces entrefaites, Philippe le Bon tint sa fameuse fête du faisan, où il s'engagea par un vœu solennel. Le 17 février, en prononçant ces paroles : Je voue à Dieu, mon créateur, à la glorieuse Vierge Marie et au faisan, que je ferai et entretiendrai ce que je baille par écrit, il remit un pli à son roi d'armes Toison d'Or — Jean le Fèvre, seigneur de Saint-Remy — : c'était l'engagement que, s'il plaisait au Roi d'entreprendre la Croisade et d'exposer son corps pour la défense de la foi chrétienne et de résister à la damnable entreprise du grand Turc, et s'il n'avait aucun empêchement de son corps, il le servirait en personne de sa puissance au saint voyage le mieux que Dieu lui en donnerait la grâce. Au cas où le Roi ne pourrait prendre les armes en personne et où il désignerait à cet effet un prince ou autre seigneur comme chef, il l'accompagnerait ; alors même que le Roi n'irait ni enverrait, le duc s'emploierait avec les princes chrétiens qui entreprendraient le saint voyage, pourvu que ce fût du bon plaisir et congé de son seigneur, et que les pays que Dieu lui avait donné à gouverner fussent en paix et sûreté ; et si durant le saint voyage il pouvait savoir ou connaître que le grand Turc eût volonté d'avoir affaire à lui corps à corps, il le combattrait à l'aide de Dieu tout-puissant et de sa très douce mère[19].

Tous les seigneurs de la cour du duc s'engagèrent par le même serment[20].

Le duc de Bourgogne, voulant répondre à la convocation de Frédéric III, fit aussitôt ses préparatifs pour se rendre à Ratisbonne ; il envoya en même temps des ambassadeurs à l'empereur et au roi de Hongrie[21]. Avant de partir, il rédigea des instructions pour Toison d'Or, chargé de se rendre auprès du Roi ; ces instructions étaient en date du 22 mars.

Le duc avait reçu la lettre du Roi en réponse à la communication verbale qu'il avait chargé Antoine de Lornay de lui faire ; il en remerciait le Roi tant et si très humblement que faire se pouvoit. Toison d'Or avait mission de faire connaître au Roi le vœu que le duc avait fait à ce sujet, lequel il désiroit accomplir, pourvu que ses pays, seigneuries et sujets fussent en sûreté pendant son voyage ; il devait s'informer auprès du Roi de quelle façon ce prince entendrait garantir la sûreté durant son absence et lui notifier la réception de lettres de l'empereur convoquant le duc à la diète de Ratisbonne, où devaient se trouver tous les princes de l'empire, et où lui-même était convoqué à ce titre ; il avait charge de dire au Roi que le duc, tenant une partie de ses terres, pays et seigneuries de l'empire, et ayant une grande affection au bien de la matière, envoyait des ambassadeurs à la diète pour savoir ce qui y serait décidé ; car si l'empereur et d'autres princes chrétiens entreprenaient le saint voyage, le duc avait l'intention d'y aller en accomplissant son vœu ; enfin Toison d'Or devrait dire au Roi, s'adressant à lui en particulier, que le duc se proposait d'être en personne au rendez-vous donné par l'empereur, et demander qu'un sursis fût donné à l'exécution de l'arrêt rendu dans l'affaire du seigneur de Torcy contre le seigneur de Sa-yeuse, qui accompagnait le duc en Allemagne[22].

Toison d'Or était porteur d'une lettre de créance pour le Roi ; cette lettre ne fut, remise à l'ambassadeur que le 10 avril, à Noseroy, en Franche-Comté, quand déjà le duc était sur le chemin de l'Allemagne[23].

Charles VII répondit le 19 mai à cette communication ; il accordait, pour quatre années, le sursis demandé[24].

Le duc de Bourgogne était parti de Lille le 24 mars, à cinq heures du matin, avec un petit nombre de familiers. Il avait ordonné qu'après son départ fût publiée une ordonnance aux termes de laquelle il suspendait pour deux années le paiement des gages des officiers de son hôtel[25]. Le comte de Charolais était nommé lieutenant général en s'il absence. Les évêques de Toul et d'Arras, investis bientôt par le pape du titre de légats a latere, eurent mission de préparer la Croisade[26]. Le duc se rendit d'abord en Bourgogne, et de là gagna Ratisbonne, en traversant Berne, Baden, Zurich, Constance, Ravensburg et Ulm.

Partout celui qu'on appelait alors le grand duc de l'Occident fut accueilli avec enthousiasme ; on lui rendit plus d'honneur qu'on n'en eût témoigné à l'empereur lui-même les habitants des villes se portaient à sa rencontre, aux cris de Vive Bourgogne ! portant des bannières à ses armes ; on le défrayait, ainsi que toute sa suite ; on le comblait de présents ; on le prenait pour arbitre des querelles ; les princes sollicitaient sa visite et venaient le saluer : c'est ainsi qu'il vit accourir au-devant de lui le comte Ulric de Wurtemberg, le duc Albert d'Autriche, et le duc Louis de Bavière[27].

Philippe dut éprouver quelque désappointement à son arrivée à Ratisbonne : il n'y trouva pas l'empereur qui, malgré sa promesse, n'avait pas jugé à propos de s'y rendre. Le Pape était représenté par un légat, l'évêque de Pavie ; la Savoie par des ambassadeurs ; l'Allemagne n'avait envoyé que deux des princes électeurs : le margrave de Brandebourg et le duc Louis de Bavière. Le roi de Hongrie Ladislas n'avait même pas de représentant. On dut se borner à promulguer un décret portant ordre à tous les pays d'observer la paix, et l'on invita l'empereur à convoquer une autre assemblée pour le jour de Saint-Michel, soit à Nuremberg, soit à Francfort. Le duc de Bourgogne ne voulut pas perdre l'occasion de manifester hautement ses intentions au sujet de la Croisade : il déclara qu'il était prêt à entrer en campagne à la tête de soixante mille hommes si les autres princes voulaient faire comme lui[28].

La nouvelle diète se tint à Francfort au mois d'octobre. Philippe s'y fit représenter[29]. Bien que plus nombreuse que celle de Ratisbonne, elle n'aboutit qu'a la résolution d'envoyer, dans le courant de l'année suivante, trente mille hommes de pied et dix mille cavaliers au secours de la Hongrie ; d'ici là on préparerait en Italie l'envoi d'une flotte contre les Turcs[30].

Après la diète de Ratisbonne, le duc de Bourgogne n'avait pas tardé à reprendre le chemin de ses États. Une affaire importante et qui ne devait pas être sans influence sur ses relations avec Charles VII appelait son attention.

Le chroniqueur Mathieu d'Escouchy dit que, le 23 mars 1454, avant son départ pour l'Allemagne, le duc de Bourgogne avait fait les convenances primes du mariage du comte de Charolais avec sa cousine Isabelle, fille de Charles, duc de Bourbon, et d'Agnès de Bourgogne, laquelle était élevée à la cour de Bourgogne sous les yeux de la duchesse, et qu'un gentilhomme de l'hôtel du duc, Jean Boudault, avait été envoyé en Bourbonnais vers le duc et la duchesse pour demander leur agrément[31].

Le duc de Bourgogne avait longtemps attendu avant de donner à son fils une nouvelle épouse. Il rêvait de brillantes alliances au dehors, qui eussent favorisé ses ambitieux desseins : nous l'avons vu poursuivre un mariage avec Élisabeth d'Autriche, sœur de Ladislas[32] ; au moment même où une démarche était faite auprès du duc et de la duchesse de Bourbon, le duc négociait une alliance avec Anne de Saxe, fille de l'électeur Frédéric[33]. Philippe espérait sans doute profiter de son voyage à Ratisbonne pour conclure ce mariage, qui aurait eu pour lui une grande importance politique. Mais il dut bientôt abandonner son projet, et nous le voyons, aussitôt son retour en Bourgogne, se mettre en rapports avec le duc et la duchesse de Bourbon et les mander près de lui à Nevers[34].

Le duc de Bourbon, vieux et podagre, ne put se rendre à Nevers[35] ; mais la duchesse y vint, en compagnie de sa belle-fille la comtesse de Clermont, fille de Charles VII. Le duc et la duchesse d'Orléans s'y trouvèrent également, sur une convocation du duc de Bourgogne[36]. Là, au milieu de fêtes, de divertissements, de représentations de mystères[37], furent discutées les conditions du contrat de mariage. Il s'agissait tout d'abord d'avoir le consentement du Roi : la comtesse de Clermont fut chargée de se rendre auprès de lui et d'obtenir son agrément. Mais de sérieuses difficultés ne tardèrent point à surgir. Le duc de Bourgogne voulait que le duc de Bourbon donnât en dot à sa fille la baronnie de Château-Chinon, qui était enclavée dans le duché de Bourgogne. Le duc de Bourbon, qui s'était montré au début très favorablement disposé[38], ne tarda point à changer d'attitude. Ses ambassadeurs refusèrent de consentir à la cession de Château-Chinon[39]. Après trois jours de pourparlers, on était au moment d'aboutir à une rupture. La duchesse de Bourbon alla, tout en larmes, trouver son frère, et passa six heures seule avec lui, se désenflant de sa douleur, suivant l'énergique expression du chroniqueur, l'une fois par pleurs, l'autre fois par paroles piteuses[40] ; elle ne put obtenir du duc qu'il abandonnât ses exigences. Les pourparlers demeurèrent suspendus. Peu après le duc reçut une lettre de son beau-frère : le duc de Bourbon déclarait qu'il ne pouvait abandonner ni Château-Chinon, ni Dombes, dont il avait été question ; il offrait ce qu'il avait donné à sa fille de Calabre, soit cent cinquante mille écus ; si le duc de Bourgogne voulait à toute force avoir des terres — ce qui ne s'était fait pour aucune fille de la maison de Bourbon — le duc offrait des biens provenant de la succession de sa tante de Villars, et, avec ces biens, une somme de cent mille écus[41].

Malgré l'obstination dont il avait fait preuve dans l'entretien avec sa sœur, Philippe le Bon était bien décidé à passer outre : il voulait que son fils fût marié avant d'entreprendre son lointain voyage, car il craignait que, en son absence, la duchesse de Bourgogne ne négociât quelque alliance en Angleterre et que le comte de Charolais ne s'y prêtât. Il avait sollicité secrètement une dispense de Rome : il résolut de brusquer les choses. Le duc fit partir à franc étrier un de ses échansons, Philippe Pot, avec charge d'aller trouver le comte de Charolais et de lui enjoindre d'épouser incontinent Isabelle, sans contredit, car il le voulait ainsi, et de ne différer, pour mère ou autre cause quelconque, d'obéir à ses ordres. Philippe Pot était porteur d'une lettre du duc pour son fils, écrite de sa propre main, et contenant ses instructions.

Cependant Charles VII voyait avec peine la rupture du mariage : lui aussi redoutait une alliance moins favorable aux intérêts de sa couronne. Le duc d'Orléans était venu, en compagnie de la duchesse sa femme, le trouver à Romorantin pour le mettre au courant de ce qui s'était passé à Nevers et solliciter son intervention. Charles VII se décida à agir[42]. Il écrivit au duc de Bourgogne que, en se refusant à céder la baronnie de Château-Chinon, et en alléguant les engagements pris envers le Roi lors du contrat de mariage de Jeanne de France avec le comte de Clermont, le duc de Bourbon n'avait nullement cherché un prétexte de rupture et n'avait fait que se conformer à la réalité des choses ; le Roi, d'ailleurs, ne lui aurait pas permis d'aliéner Château-Chinon qui, à défaut d'héritier mâle, devait faire retour à la Couronne. Mais le duc de Bourgogne ne devait point pour cela rompre la négociation relative au mariage ; le Roi lui envoyait un de ses conseillers pour l'entretenir de cette affaire et s'employer à la mener à bien[43].

Jean du Mesnil-Simon, bailli de Berry, partit aussitôt pour Dijon, où se trouvait alors le duc, avec mission de lui demander de procéder au mariage projeté, sans venir ni à convoitise ni à autre chose, fors à l'honneur de Dieu et de commune utilité, car il avoit de Dieu des biens largement et assez. Le Roi faisait dire au duc qu'il envoyait en même temps vers le duc de Bourbon, car il avait la besogne fort à cœur[44].

Le duc de Bourgogne répondit à l'ambassadeur qu'il remerciait humblement le Roi du soin qu'il prenait ; véritablement il n'avait pas tenu à lui que tout ne fût accompli ; mais il s'y était bien employé et s'y emploierait encore, pour l'honneur du Roi et pour l'honneur de la comtesse de Clermont.

Pendant ce temps, Philippe Pot chevauchait, battant et à l'emblée, pour remplir la mission que son maitre lui avait donnée. Le bailli de Berry était à Dijon depuis huit à dix jours, bien festoyé, attendant la réponse officielle qui devait lui être remise, quand revint l'échanson du duc. Il apportait la nouvelle que tout s'était passé conformément aux instructions du duc : le mariage avait été célébré, et les époux avaient été réunis, en merveilleuse et grande admiration du monde d'un cas aussi soudain[45].

Le duc fit venir l'ambassadeur du Roi. Or ca, bailli, lui dit-il, le Roi vous a envoyé par devers moi pour une telle chose dont je le mercie humblement de quoi il lui plaît prendre tel soin. Je vous ai dit que je penserois dessus et m'y emploierois volontiers sans nulle fiction ; vous désirez bien à en avoir réponse. Voici quelqu'un qui vient de Flandre tout prestement : demandez lui des nouvelles, et oyez ce qu'il vous dira. — Quelles nouvelles, Monseigneur, demanda le bailli en s'adressant à Philippe Pot, nous portez vous de par de là ? S'il vous plaît, dites nous en. — Par ma foi, Monsieur le bailli, répondit le chevalier en riant, les plus grandes nouvelles que j'y sache sont que Monseigneur de Charolais est mariéMarié, et à qui ?A qui ? A sa cousine germaine, la nièce de Monseigneur que voici. Le duc, pendant ce colloque, riait à pleine bouche. — Comment, diable, s'écria le bailli, voici le plus terrible personnage dont oncques homme ouit parler ; et est-il certainement vrai ?S'il est vrai ? reprit le chevalier. Il doit bien être vrai, et pour preuve qu'ils ont couché ensemble, et fait et parfait les noces à leur droit. — Sy se commença le bailli, poursuit Georges Chastellain, auquel nous devons ce récit, à signer d'amiration qu'avoit et voioit en ce mistère ; et ne sçavoit à quoy tourner son sens, ou à rire avec les deux autres, ou à soy ruer à genoux devant le duc en glorification de l'œuvre. Fit toutes voies les deux personnages, et rendoit graces au duc du cas pour et au nom du Roy, et en sa personne rioit avecques les autres de la menée que jamais n'eust pensée[46].

La nouvelle qu'apportait Philippe Pot ne tarda pas à parvenir à Moulins : la nouvelle comtesse de Charolais s'empressa d'envoyer vers son père et sa mère pour leur annoncer que son mariage était célébré. Loin de se montrer courroucés de la liberté prise par leur fille, ils joignirent les mains en pleurant de joie et rendirent grâces à Dieu. Le duc de Bourbon fit repartir aussitôt ses ambassadeurs pour porter au duc ses remerciements et lui faire en son nom don et transport de la châtellenie de Château-Chinon[47]. Les choses ne traînèrent pas : c'est le 30 octobre que le mariage avait eu lieu[48] ; le 12 novembre, tous les actes étaient passés à Moulins en bonne et due forme et le contrat de mariage signé[49].

L'alliance du comte de Charolais avec une maison qui tenait de si près au trône semblait devoir être une garantie de bon accord entre les branches de la maison royale. Cet accord s'imposait d'autant plus que de nouveaux périls menaçaient le royaume du côté de l'Angleterre.

Au mois d'août 1453, Henri VI avait soudainement perdu la raison. Une réaction s'en était suivie dans les conseils de la Couronne. Le duc de Somerset, accusé de trahison, avait été enfermé à la tour de Londres ; en vain la Reine avait revendiqué le pouvoir : au mois de février 1454, le Parlement avait donné la lieutenance au duc d'York.

Charles VII parait avoir voulu profiter de cette situation pour forcer les Anglais dans leurs derniers retranchements. Une expédition sur les marches de Calais fut entreprise le jour de Noël 1453[50]. Peut-être y en eut-il d'autres dirigées de ce côté[51]. Ce n'étaient là, d'ailleurs, que les préliminaires d'une attaque en règle contre Calais, qui ne fut point tentée. Les Anglais faisaient bonne garde et s'imposaient les plus lourds sacrifices pour mettre cette place à l'abri d'un siège[52]. Une tentative fut faite sur un autre point : au mois de mai 1454, une expédition fut entreprise contre les îles de Jersey et de Guernesey ; s'il en faut croire les bruits répandus alors en Angleterre, le corps d'armée qui débarqua dans ces îles fut repoussé par les habitants avec une perte de cinq cents hommes tués ou faits prisonniers[53].

L'arrivée du duc d'York au pouvoir ; sa nomination comme protecteur à la date du 27 mars, semblent avoir été le signal d'une prise d'armes contre la France. Le duc — si nous pouvons employer le langage d'aujourd'hui — représentait le parti de la revanche. Au mois de juin 1454, une descente des Anglais sur les côtes de France était imminente. Les craintes, à cet égard, furent si vives que nous voyons Charles VII, par lettres du 5 août, convoquer le ban et l'arrière-ban dans ses provinces du sud-ouest, pour résister aux Anglais qui menaçaient les côtes de la Saintonge et de la Guyenne[54]. Dans le courant d'août des rapports sont adressés au Roi sur les mouvements de l'ennemi : on lui annonce que l'armée anglaise est sur la mer[55]. Durant toute l'année, la situation reste menaçante[56].

Mais les événements prirent bientôt une tournure plus favorable. Vers la fête de Noël, Henri VI, comme s'il fût sorti d'un long assoupissement, recouvra la raison. Un fils lui était né dans l'intervalle. Quand la reine Marguerite le présenta à son époux : Quel est son nom ? demanda-t-il. — Édouard, répondit la reine. — Dieu soit loué ! s'écria-t-il en levant les mains au ciel ; jusqu'à ce jour, je n'ai eu nulle connaissance de tout ce qui s'est passé[57]. Le protectorat du duc d'York prit fin aussitôt. Le duc de Somerset fut élargi sous caution, et, dans un conseil tenu par le Roi à la date du 4 mars, il fut déchargé de l'accusation de déloyauté intentée contre lui. Mais le duc d'York prit les armes. Vainqueur à Saint-Alban, où son rival trouva la mort, il entra à Londres en triomphe, traînant à sa suite le malheureux Roi, qu'une telle secousse replongea dans son état d'imbécillité. Le duc d'York redevint protecteur[58].

On comprend que, au milieu de semblables alternatives, Charles VII hésitât à s'engager dans une entreprise telle que la croisade contre les Turcs.

Au mois de décembre 1454, il reçut, à ce sujet, une nouvelle ambassade du duc de Bourgogne[59]. Simon de Lalain présenta, au nom de son maître, l'exposé de ce qui avait été fait dans les diètes de Ratisbonne et de Francfort et des résolutions prises. Conformément à ces résolutions, le duc, voulant prendre en main la défense de la foi catholique et résister à son pouvoir aux entreprises des Turcs, ennemis de la foi, avait l'intention de se mettre en armes et de s'employer en personne, avec nombre de ses sujets, à la guerre contre le Turc ; pour ce faire, il lui était besoin de lever dans les terres qu'il tenait du royaume une certaine quantité de gens, tant nobles que autres, à raison d'un homme d'armes par soixante feux et d'un homme de trait par trente feux ; le Pape avait autorisé la levée d'un dixième sur les gens d'église dans les pays du duc ; le duc se proposait en outre de demander une aide à ses sujets[60]. Si quelque empêchement était apporté à l'exécution de ces mesures, ce pourrait être la ruine de l'entreprise. L'ambassadeur avait donc mission de solliciter l'agrément du Roi ; il lui demandait qu'il lui plût de donner congé à son maitre d'aller combattre les infidèles, d'autoriser les seigneurs du royaume qui voudraient l'accompagner à se mettre en armes, de prendre en sa garde et protection son fils le comte de Charolais, ses pays et seigneuries Comme les siens propres, et de l'avoir en sa bonne grâce et en ses bonnes dévotions et prières ; il demandait en outre que le bon plaisir du Roi fût de mander aux gens de son Parlement, au cas où certains seigneurs, gens d'église, nobles ou autres sur qui le dixième serait levé, refuseraient de le payer et en appelleraient au Parlement, que leurs appellations ne fussent point reçues[61].

Charles VII reçut Simon de Lalain avec honneur et le fit festoyer par les plus grands seigneurs de sa cour. Après l'avoir gardé quelque temps, il lui donna toute honorable réponse, et annonça le prochain envoi d'une ambassade au duc pour traiter plus à fond de cette matière, qui était de grand poids[62].

Sur ces entrefaites une conférence fut tenue à La Charité (9-11 février 1455), entre le duc d'Orléans et son conseiller Jean, seigneur d'Amancier, d'une part, et le chancelier de Bourgogne et l'évêque de Chaton, d'autre part. On y examina longuement ce qu'il y avait à faire pour aboutir à un prompt résultat. Il fut décidé que le duc d'Orléans irait trouver le Roi pour le presser d'envoyer vers le duc qui, après avoir fait réunir à Salins les États du comté de Bourgogne afin d'obtenir une aide, avait repris le chemin de la Flandre. Le duc devait solliciter l'envoi de cette ambassade avant la Mi-carême. Une fois la réponse du Roi reçue, le chancelier de Bourgogne, en compagnie de l'évêque de Chalon et d'autres conseillers du duc, se rendrait auprès du Roi, si c'était son bon plaisir, pour se trouver à l'assemblée des seigneurs, tant ecclésiastiques que séculiers, convoquée par le Roi, où l'on devait en même temps s'occuper des affaires d'Angleterre[63].

Le duc d'Orléans se rendit aussitôt à Mehun-sur-Yèvre auprès du Roi. Le conseil fut assemblé pour délibérer sur la matière ; elle était d'une haute importance et soulevait de graves difficultés. On discuta longuement. Enfin on s'arrêta à la conclusion suivante : Nonobstant les raisons, doutes et difficultés ci-dessus exposés, le Roi, qui est le prince appelé Très chrétien, pour honneur et révérence de Dieu et le désir et affection qu'il a à la défense du peuple chrétien, aussi pour l'amour et faveur de monseigneur de Bourgogne, connaissant le haut et saint propos où il est voulant exposer en si digne œuvre sa personne, noblesse et chevance, et lequel propos redonde à l'honneur et grande exaltation de la maison de France dont il est descendu, est content d'accorder à monseigneur de Bourgogne ce qu'il demande[64]. Mais il convenait de prendre toutes les précautions commandées par les circonstances, afin qu'aucun inconvénient ne pût advenir au royaume ni à lui : aussi le Roi devait-il envoyer une ambassade au duc de Bourgogne pour lui présenter ses observations à ce sujet. Jean Le Boursier, seigneur d'Esternay, fut désigné pour se rendre près du duc, en compagnie de Jean d'Amancier.

Les instructions remises à ces ambassadeurs portent la date du 6 mars 1455. Le Roi approuvait les résolutions prises dans les assemblées de Ratisbonne et de Francfort, et se montrait satisfait que le duc participât à l'entreprise en ce qui concernait les terres relevant de l'empire. Quant au voyage du duc, à la levée d'une armée et au dixième, le Roi déclarait qu'il serait très joyeux que le duc fût accompagné comme il appartenait, car l'honneur en reviendrait à la maison dont il était issu. L'entreprise était très honorable et digne de grande recommandation, bien que le grand prix et autorité de la personne du duc, si proche parent du Roi et l'un des princes du royaume, qui pouvait s'employer à la défense de la chose publique, rendit son éloignement bien difficile, surtout en si lointaine région ; mais il fallait considérer avant tout la grandeur de l'œuvre et le bien qui en résulterait.

En même temps le Roi faisait valoir les considérations dont le duc devait tenir compte avant de donner suite à son projet.

La résolution relative au voyage a été prise à Francfort par l'empereur et par le Conseil de l'empire. Or le Roi, comme chacun sait, est empereur en son royaume et n'est tenu à s'incliner devant aucunes délibérations prises en Allemagne ou en d'autres régions étrangères, pour quelque cause que ce soit : mettre à exécution de semblables résolutions en son royaume, sans son autorité, serait déroger aux droits royaux et impériaux qui lui appartiennent à cause de la couronne de France. Le Roi sait, d'ailleurs, que le duc, qui est issu de sa maison, ne le voudrait entreprendre, mais que, au contraire, il l'empêcherait de tout son pouvoir, car ce serait également à son préjudice et, à celui de tous les autres princes et sujets du royaume.

Le voyage du duc sera, pour le royaume, un grand affaiblissement de la noblesse et une diminution de ressources ; en quoi le Roi, qui est souverain et père de la chose publique de tout le royaume, a grand intérêt et doit bien avoir égard.

Néanmoins le Roi, ne voulant point que, faute de l'aide, tant de gens que d'argent, que le duc veut avoir, sa bonne et louable entreprise ne soit entravée ou retardée, a, libéralement et de sa grâce spéciale, donné au duc pouvoir de lever partie de son armée dans les terres et seigneuries qu'il tient du royaume et de faire appel aux nobles et autres gens de guerre qui le voudront accompagner, comme aussi de faire lever sur les gens d'église le dixième accordé par le Pape et l'aide que ses sujets lui voteront : il a commandé pour cela des lettres patentes, lesquelles seront présentées par ses ambassadeurs au duc.

Les ambassadeurs recommanderont au duc de bien aviser et tellement pourvoir à la garde et sûreté des terres et seigneuries qu'il tient dans le royaume, lesquelles, comme chacun sait, sont en frontière des Anglais, qu'aucun inconvénient n'en puisse advenir.

A la suite de la conférence tenue à la Charité, le duc d'Orléans avait été chargé de demander au Roi ce qui s'était négocié avec le seigneur de Faucomberge, venu à sa Cour : les ambassadeurs devaient répondre à ce sujet que ce seigneur, prisonnier à sa requête, avait fait de lui-même plusieurs ouvertures relativement à certains bons moyens d'appointement entre les royaumes de France et d'Angleterre, et qu'aucune négociation n'avait été encore entamée à ce sujet. Quand il y aurait quelque chose touchant le bien du royaume, le Roi ne manquerait pas d'en aviser le duc[65].

Dès le 4 mars, le Roi avait écrit au chancelier de Bourgogne pour lui exprimer sa satisfaction du bon vouloir qu'il témoignait en ce qui concernait ses affaires et lui annoncer l'envoi de son ambassade[66]. Le 5, il avait donné les lettres patentes par lesquelles il autorisait la levée du dixième et l'imposition d'une aide sur les sujets du duc[67].

On était alors persuadé que le duc de Bourgogne ne tarderait point à mettre ses projets à exécution. Déjà il avait fait appel à sa noblesse. On disait que, si le duc partait, Charles VII lui fournirait cinquante lances à ses propres frais. On se réjouissait de voir le Roi et le duc en si bonne intelligence. Le bruit courait que des ambassadeurs du roi d'Angleterre étaient venus solliciter la conclusion d'une trêve de vingt années, et l'on disait que le légat du Pape s'employait activement à atteindre ce résultat[68].

L'ambassade royale joignit le duc de Bourgogne à Bruges dans les derniers jours d'avril. Jean Le Boursier présenta ses lettres de créance et fit l'exposé de sa charge : le Roi regrettait l'éloignement du duc ; tout en louant le noble courage qui lui faisait entreprendre ce saint voyage, il en redoutait les périls ; il ne voulait point l'en détourner ; toutefois il ne pouvait, par vertu du sang, taire les grands dangers qui pouvaient en résulter, en particulier pour le duc, en raison de son âge. Si estoit, dit l'historiographe bourguignon, belle chose à oyr ce que ce chevalier cy disoit et remonstroit de la part du Roy à ce prince droit ci qui y entendoit soigneux ; et mesmes le chevalier, qui moult gracieux homme estoit et de bonne nature, par la vertu des paroles à luy chargées et par l'affabilité du personnage que vit devant luy si reverent, avecques la production des mots, plusieurs fois fondit en larmes que ne pooit restraindre, remonstrant en outre au duc que tout ce qu'il y avoit fait requerir par messire Simon de Lalaing, le Roy le lui accordoit liberalement et s'y voudroit emploier de tout son povoir[69].

Pendant que Le Boursier et d'Amancier étaient à Bruges, Charles VII reçut la visite de Jean de Croy et du bâtard de Saint-Pol. Ces deux chevaliers, sans aucune mission officielle, venaient le saluer avant de partir pour la Croisade. Ils trouvèrent encore à la cour Simon de Lalaing qui, après avoir obtenu la réponse qu'il avait fait transmettre au duc, attendait l'expédition d'autres affaires. Croy et le bâtard de Saint-Pol furent accueillis avec empressement. Le Roi loua fort le dessein du duc de Bourgogne et exprima le regret que les affaires de son royaume ne lui permissent pas de prendre part à la Croisade[70].

Jean Le Boursier et Jean d'Amancier ne séjournèrent pas longtemps à la cour du duc : le 27 mai 1455, ils étaient de retour près du Roi[71] ; ils rapportaient une lettre du chancelier Rolin, où il exprimait au Roi la satisfaction que le duc avait éprouvée à la réception des ambassadeurs. Ils ne tardèrent pas à être suivis par le chancelier et le seigneur de Croy, qui arrivèrent à Bourges en grand appareil avec une suite de trois à quatre cents chevaux ; ils y trouvèrent le duc d'Orléans, qui les conduisit au château de Bois-Sire-Amé, où le Roi se trouvait alors. Le duc fit la présentation. Les ambassadeurs s'agenouillèrent ; le Roi les fit aussitôt se lever et les emmena dans une petite chambre où, en présence de quelques membres du Conseil, ils exposèrent leur charge. Le duc suppliait le Roi de prendre en sa garde tous ses pays pendant qu'il serait au voyage de Turquie ; il demandait que son plaisir fût de lui remettre la bannière de France, avec gens et argent pour fournir son expédition. Le Roi répondit en personne. Si le duc voulait remettre entre ses mains les villes de la Somme et lui envoyer son fils, le comte de Charolais, durant son absence, le Roi le laisserait jouir de tous les profits de ces villes et s'acquitterait de garder son fils et ses pays comme les siens propres ; quant à la bannière, aux gens et à l'argent, il n'était pas délibéré de le faire, car il était toujours en garde du côté de ses anciens ennemis d'Angleterre[72].

Cette réponse ne résulte pas de documents officiels ; elle nous est fournie par Mathieu d'Escouchy. Chastellain est muet à cet égard ; mais il nous rapporte d'autres paroles de Charles VII qui, sans doute, furent dites à ce moment. Le Roy sentant la fame et grant voix qui couroit en ce royaume que son beau frère le duc de Bourgongne devoit prestement partir pour aller au saint voiage de Turquie, et qu'à ce faire il se preparoit tout et disposoit en toute diligence, certes moult lui commença à attendrir le cœur et à doloir de le perdre sans qu'onques une seule fois ne l'avoit pu voir de vif œil. Sy regrettoit durement son eslonge (éloignement) et la plaignoit fort, tant pour la glorieuse fame qui estoit en luy comme pour vertu du prochain sang qui s'acquittoit en droiture. Sy me fut recordé alors qu'à ceste cause un jour, parlant de luy et sur ces termes, il dist : Saint Jehan ! Saint Jehan ! beau frère de Bourgongne s'en va en Turquie. Ce poise moy, Saint Jehan ! C'est le plus honoré prince qui vive ; il doit beaucoup à Dieu. Si je l'avoie vu une fois, j'en morroie plus aise, saint Jehan ! saint Jehan ! et premier que je ne le voie, je lui envoieray ainchois beau fils Charles en ostage ; car, s'il s'en va, il pend en grant aventure si jamais j'y recœuvre, ne luy aussi[73].

La mission du chancelier et du premier chambellan n'avait pas uniquement pour objet l'affaire de la Croisade : ils devaient s'occuper des questions litigieuses qui n'avaient cessé d'être agitées entre les chancelleries de France et de Bourgogne, et qui furent longuement discutées ; il serait fastidieux de nous étendre sur ces longs mémoires que nous avons si souvent rencontrés et dont l'analyse remplirait inutilement bien des pages[74].

Les ambassadeurs firent un long séjour à la Cour de Charles VII. La présence d'aussi notables représentants du duc de Bourgogne était un gage de bonne entente entre le Roi et le duc. Philippe avait besoin d'être tranquille du côté de la France pour l'exécution de ses desseins ; il s'occupait de la levée des deniers pour la Croisade, et se rendit en Hollande où il assembla les États pour leur demander leur concours. La guerre d'Utrecht devait l'y retenir longuement. C'est là qu'il reçut du Pape, au mois de juillet 1456, la bannière de la Croisade. En la prenant, révéremment et avec grande humilité, des mains des ambassadeurs de Calixte III, il protesta de la ferme volonté où il était toujours d'entreprendre le saint voyage[75]. Mais le temps devait s'écouler sans que le vœu si solennellement fait par le duc reçût son accomplissement.

Quant à Charles VII, il fut également sollicité par Calixte III de prendre part à la Croisade[76], et reçut la rose d'or, ce présent solennel que chaque année, le quatrième dimanche de Carême, le Pape envoyait à un souverain recommandable par son zèle pour la foi chrétienne[77]. Au mois d'août de l'année précédente, un ancien conseiller de l'empereur Constantin XII, venu en Europe pour solliciter les princes chrétiens de prendre les armes contre les Turcs, s'était rendu au château de Bridoré pour lui exposer sa requête. Nicolas Agalo s'était d'abord arrêté à Venise ; de là il avait été trouver l'empereur Frédéric III, qui l'avait engagé à se rendre près du roi de France, et ensuite près du roi d'Angleterre. Charles VII lui fit bon accueil. Il avait donné plus d'une marque de sa bienveillance à des proscrits de Constantinople, venus en France pour chercher un refuge[78] ; il envoya le chevalier grec vers le cardinal d'Estouteville, qui se trouvait alors à Rouen. Le cardinal engagea Nicolas Agalo à passer en Angleterre, où il trouverait l'archevêque de Ravenne, chargé d'une mission du Pape[79]. Après un long séjour dans ce pays, où il ne rencontra que peu de sympathie, il revint vers le Roi, au mois d'avril 1455. Déjà, par lettres, il lui avait fait part du peu de succès de son voyage : les Anglais étaient en proie à des divisions qu'il fallait du temps pour pacifier ; en outre, ils étaient fort éloignés de toute idée de pacification avec la France et ne songeaient qu'à prendre leur revanche. Agalo présenta un projet, aux termes duquel le Roi devrait envoyer une armée et employer à la fois le Dauphin, le duc de Bourgogne et le duc de Calabre ; il ferait appel au duc de Milan et aux républiques de Venise et de Florence. Le Roi fit examiner le projet et chargea son chancelier d'y donner réponse, à la date du 7 mai 1455[80]. Les demandes étaient dignes de grande louange : Agalo faisait son devoir comme bon et vertueux chevalier, et tout bon chrétien devait lui en savoir gré. Mais, ainsi qu'il l'avait rapporté, les Anglais persistaient dans leur mauvais vouloir de porter dommage au royaume et de l'envahir ; il était donc nécessaire au Roi, auquel en appartenait la défense, de veiller à sa sûreté et de préserver ses sujets de toute attaque. Le Roi avait témoigné de son bon vouloir en faveur de la défense de la foi contre le Turc ; il avait gardé longtemps le cardinal d'Estouteville, dans l'espoir que, par son intervention et celle de l'archevêque de Ravenne, on pourrait arriver à une paix avec l'Angleterre afin de faciliter les voies à une croisade. En outre, bien qu'il fût dans la nécessité d'entretenir tous ses sujets en état de résister aux Anglais, si ceux-ci voulaient lui nuire, il avait autorisé le duc de Bourgogne à entreprendre une expédition et à emmener en sa compagnie les nobles et autres gens de guerre de ses pays, qui forment une des plus grandes et plus puissantes parties du royaume, et de plus à lever un décime sur les gens d'église et à demander une aide à ses sujets. Si le Roi, à la tête de sa puissance, prenait son chemin pour aller combattre le Turc, laissant son royaume non pacifié et ses sujets sans repos ni sécurité, il s'ensuivrait premièrement la destruction de ses sujets et la perte de son armée, ainsi que de celle des autres nations chrétiennes qui l'assisteraient, et par conséquent l'exaltation du Turc et le dommage de la chrétienté. Le plus grand désir que le Roi pouvait avoir était de voir de son temps la confusion des ennemis de la foi chrétienne. Une fois les choses bien disposées et son royaume et ses sujets en bon repos et sécurité, il s'y emploierait tellement que Dieu, notre Saint-Père et tous les bons chrétiens connaîtraient par effet le bon vouloir qu'il avait toujours eu[81].

Ainsi, du côté de la France comme du côté des autres États chrétiens, nulle chance favorable ne se présentait pour une expédition contre les Turcs : la chrétienté se trouvait désarmée en présence de la puissance musulmane triomphante.

On raconte que quelques années auparavant, un saint homme était venu trouver Charles VII et lui avait parlé en ces termes : Dieu, désirant le relèvement de la chrétienté foulée, a résolu de faire de Votre Majesté, comme étant le Roi très chrétien, son instrument contre les infidèles. Il vous signifie donc par ma bouche qu'il vous donnera grâce et victoire contre vos ennemis et délivrance toute nette de votre royaume, dont, passé trois cents ans, le trône n'a eu son intégrité affranchie. Quand la prédiction fut accomplie et que le sol de la France eut été, comme par miracle, délivré de toute occupation étrangère, le saint homme reparut. II rappela au Roi l'avis qu'il lui avait donné de la part du Très-Haut, lui reprocha le désordre de ses mœurs, le mépris qu'il faisait de l'avertissement du ciel et des grâces reçues : cette gloire qui lui avait été donnée d'avoir recouvré tout son royaume n'avait point été à la glorification de sa personne ni pour lui donner haut titre, mais pour rendre service et oblation à Celui de qui il la recevait, lequel ne demandait autre chose sinon qu'il s'employât à exterminer ses ennemis les mécréants, tout entiers à leur lutte acharnée contre le peuple chrétien : Prenez à cœur le divin mandement, lui dit-il en terminant, et, vous relevant de votre endormement vicieux, hâtez-vous et mettez peine d'y pouvoir à temps ; ou sinon la main de Dieu vous touchera ; sa colère descendra sur vous, et une mort mystérieuse et étrange vous prendra dans un temps déterminé[82].

C'est à la reine Marie d'Anjou elle-même qu'est due la connaissance de ce fait. Quand son mari eut été enlevé par cette mort mystérieuse et étrange qui lui avait été prédite, sans avoir tenu compte de l'avertissement reçu, elle chargea un chevalier de son hôtel d'aller trouver le duc de Bourgogne, qui paraissait enfin au moment d'accomplir son vœu, de le féliciter de son entreprise, et de lui raconter ce qui était arrivé au Roi. Celui-ci était mort, comme par jugement de Dieu, dans le délai qui lui avait été fixé ; elle voulait, en expiation de la faute commise par lui, entreprendre un pèlerinage aux lieux saints, non avec la pompe qui appartenait à une reine, mais comme une pauvre servante tout humble ; elle lui faisait demander de l'emmener en sa compagnie, et elle annonçait l'intention d'aller le trouver pour hâter l'accomplissement de son dessein[83].

Le pieux désir de la Reine ne devait point se réaliser : le duc ne prit pas le chemin de la Terre sainte, et elle-même ne tarda pas à mourir.

 

 

 



[1] Sur la prise de Constantinople, voir parmi les travaux les plus récents et les mieux au courant : Le Siège et la prise de Constantinople par les Turcs, par M. Henri Van, dans la Revue Historique, t. XIII (1880), p. 1-40 ; Les derniers jours de Constantinople, par M. E. A. Vlasto (Paris, Leroux, 1883, gr. in-8° de 154 p.), et le chap. VII du tome II de l'Histoire des Papes du Dr Ludwig Pastor.

[2] Raynaldi, année 1453, §§ 9-11.

[3] Voir Pastor, t. II, p. 280.

[4] En date du 5 juillet 1454.

[5] Æneas Sylvius, Epistolæ, n° CXXVII. Cf. Verdière, Essai sur Æneas Sylvius Piccolomini, p. 45, et Pastor, Histoire des Papes, t. II, p. 259.

[6] Voir lettres du Pape citées par Pastor, t. II, p. 266, d'après les Archives secrètes du Vatican.

[7] Chartes du Luxembourg, citées par M. de Reiffenberg, dans son édition de Jacques du Clercq, t. I, p. 211 ; Berthelot, Histoire du duché de Luxembourg, t. VIII, p. 78.

[8] Lettre du 29 décembre. Original, ms. fr. 4054, f. 29. Cf. instructions du 22 mars 1454, citées plus loin.

[9] Chastellain, t. III, p. 50-51.

[10] Lettre adressée au Roi par l'archevêque de Mayence, le marquis de Brandebourg, le marquis de Bade et le comte Ulric de Wurtemberg, en date du 30 janvier 1450, citée dans la réponse du Roi, datée d'Alençon le 24 mars. Spicilegium, t. III, p. 796.

[11] Le duc Frédéric était le frère de Louis IV, électeur Palatin, mort le 13 août 1449, et de Robert, archevêque de Cologne ; par lettres données à Heidelberg le 1er décembre 1453, il confirma le traité d'alliance passé avec Charles VII. Ms. lat. 11827, f. 39.

[12] Voir lettre au cardinal Bessarion. Spicilegium, t. III, p. 773 ; cf. tome V, chap. VII.

[13] Ms. fr. 5909, f. 194.

[14] On a une longue épître que lui adressa François Fileffe à la date du 13 des Calendes de mars 1451, pour le presser de prendre l'affaire en main (Epistolarum Francisci Philelphi libri sedecim, lib. VIII, f. CLIX et suivants). — Vers le mois de janvier 1452, Charles VII reçut une ambassade du duc d'Albanie, sollicitant son secours contre les Turcs (Cabinet des titres, 685, f. 157 v°).

[15] Messire Nicole de Giresme, chevalier, grand prieur de France, IIc XXX l. en douze harnois complets à luy delivrez pour faire porter en l'isle de Rodhes. — Messire Ymbert de Beauvoir, chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jerusalem, IIc LXXV l. pour ses despens retournant à Rhodes. Ms. 685, f. 172 et 174.

[16] Cette lettre, en date du 9 janvier 1454, rédigée par Æneas Sylvius, se trouve dans le Spicilegium de D. Luc d'Achery, t. III, p. 795.

[17] Ms. latin 3127, f. 154 v°-57. Cette lettre a été mentionnée par le Dr Pastor, l. c., t. II, p. 266, note 3.

[18] Instructions du duc à Toison d'Or, citées plus loin.

[19] Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 160-162. Cf. le texte donné par M. Jules Finot, dans sa brochure : Projet d'expédition contre les Turcs préparé par les conseillers du duc de Bourgogne Philippe le Bon (Lille, 1890, gr. in-8°), p. 23.

[20] Voir ces vœux dans Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 168-222.

[21] Ambassade de Frédéric de Meingherne et du héraut Fribourg à Frédéric III : 20 mars-13 mai 1454 (Archives du Nord, B 2017, f. 141 et 141 v°). — Ambassade de Pietro Vasque, Jacques d'Ostende, etc. à Ladislas : 20 mars-20 septembre (Id., ibid., f. 138 v° et 224 v°).

[22] Instructions à Toison d'Or. Ms. fr. 5040, f. 87.

[23] Copie du temps. Ms. fr. 5041, f. 20 ; éditée Histoire de Bourgogne, t. IV, Preuves, p. CCXV.

[24] Copie du temps, ms. fr. 5041, f. 22.

[25] Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 243-245 ; Chastellain, t. V, p. 60.

[26] Voir le bref du Pape en date du vi des Ides de mars. Raynaldi, année 1455, § 2.

[27] Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 246 et suivantes. Cf. Chastellain, t. III, p. 6.

[28] Voir Pastor, t. II, p. 281 et 282, note 1.

[29] Ambassade de l'évêque de Toul, de Simon de Lalain, de Jean Lorfèvre, etc., pendant deux mois à partir du 11 septembre. Archives du Nord, B 2017, f. 146 v° et 148 v° ; B 2020, f. 232 v°.

[30] Pastor, l. c., p. 282-283.

[31] Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 242. — Olivier de la Marche (t. II, p. 396) et Jacques du Clercq (livre III, chap. XVI) disent même que le duc fit célébrer secrètement les fiançailles de son fils avec Isabelle, et le dernier rapporte (chap. XVII) les paroles que le duc aurait adressées au comte de Charolais, qui se montrait fort récalcitrant à l'endroit de ce mariage.

[32] Voir t. IV, chapitre IX.

[33] Nous avons la mention d'Avisamenta en date du 25 mars 1454, précisant les conditions de ce mariage. Voir l'édition de Jacques du Clercq donnée par M. de Reiffenberg, t. I, p. 212.

[34] Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 264 ; Chastellain, t. III, p. 7. Le 6 septembre, une lettre du duc est envoyée au duc et à la duchesse pour qu'ils viennent à Nevers communiquer avec lui sur matières secrètes (Archives du Nord, B 2017, f. 170). — Le 26 août, Hervé de Mériadec, écuyer d'écurie du due, partait de Dijon pour se rendre près du Roi (B 2020, f. 184). Il s'agissait des affaires du Luxembourg : voir Chastellain, t. III, p. 11.

[35] Pour cause de sa maladie des goutes dont il estoit povre martir. Chastellain, t. III, p. 11.

[36] Chastellain, t. III, p. 11. Ils furent défrayés pendant leur séjour (Archives du Nord, B 2017, f. 131 v°).

[37] Voir les extraits de comptes donnés par M. de Laborde, les Ducs de Bourgogne, t. I, p. 417-418.

[38] Voir la lettre sans date, écrite par la duchesse de Bourbon à son frère, après la réception de Jean Boudault (Histoire de Bourgogne, t. IV, Preuves, p. CCXV) et les instructions données à Charles, sire de Culant, et Pierre d'Amboise, seigneur de Chaumont, ambassadeurs du duc (Archives, P 13571, cote 347).

[39] Leurs instructions les autorisaient pourtant à céder la baronnie de Château-Chinon au comte de Charolais en réservant l'usufruit au duc de Bourbon sa vie durant.

[40] Chastellain, t. III, p. 9-10.

[41] Lettre du 20 septembre 1454, dans les Preuves de l'Histoire de Bourgogne, t. IV, p. CCXIV.

[42] Le duc d'Orléans écrivit le 18 octobre au duc que le Roi lui avait fait très bon accueil. Lettre visée dans une lettre du duc de Bourgogne au duc d'Orléans en date du 28 novembre. Ms. fr. 5041, f. 18.

[43] Lettre du 17 octobre. Archives de la Côte-d'Or, B 300 ; copie dans le ms. fr. 4628, f. 701. Voir aux Pièces justificatives.

[44] Chastellain, t. III, p. 24. — Les comptes de Mathieu Beauvarlet mentionnent plusieurs voyages de Blain Loup, seigneur de Beauvoir, sénéchal d'Auvergne, vers le duc de Bourbon (Ms. 685, f. 181 v°).

[45] Chastellain, t. III, p. 24-25. Cf. Olivier de la Marche, t. II, p. 401, et Jacques du Clercq, livre III, ch. XVIII.

[46] Chastellain, t. III, p. 25-26.

[47] Chastellain, t. III, p. 27. — Déclaration du duc et de la duchesse de Bourbon en date du 6 novembre. Archives de la Côte-d'Or, B 300 ; ms. fr. 4628, f. 703.

[48] Cette date est donnée par Jacques du Clercq (livre III, chap. XVI) ; Mathieu d'Escouchy dit (t. II, p. 270) : la nuit de la Toussaint. Chastellain donne (t. III, p. 23) celle du premier dimanche de carême, qui est inadmissible.

[49] Archives de la Côte-d'Or, B 300 ; Archives nationales, P 1364, cote 1322, et J 251, n° 40 ; Collection de Bourgogne, 70, f. 60, et 110, f. 213 ; Ms. fr. 4628, f. 701.

[50] Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 268. — La date est fixée par des lettres de rémission du mois de juin 1454. Archives, JJ 184, n° 454.

[51] Voir Proceedings and ordinances, t. VI, p. 174-176 ; Stevenson, t. II, p. 501. Au mois d'avril 1454, une flotte de navires castillans était à l'embouchure de la Seine. (Ms. fr. 4054, f. 166.) On lit dans un état des aides ordonnés pour le fait de la guerre en 1454-1455 : A plusieurs maistres de navire d'Espagne sur neuf mille livres à quoy le Roy a composé avecques eulx, mille livres (Document publié par P. Clément, Jacques Cœur et Charles VII, t. II, p. 423). Peut-être cette démonstration navale se rattachait-elle à un projet d'attaque sur Calais.

[52] Voir Gairdner, Introduction aux Paston Letters, t. I, p. CIII et CIX.

[53] Paston Letters, t. I, p. CIX, 289 et suivantes.

[54] Archives, K 69, n° 13.

[55] Le 21 août 1454, Jean Havart, bailli de Caux, donne quittance de 74 l. t. pour avoir été, par ordre du comte de Dunois, de l'archevêque de Narbonne et d'autres gens du Conseil étant en Normandie, après Guillaume de Menypeny, à Pressigny en Touraine vers le Roi lui porter nouvelles de l'armée d'Angleterre, lors estant sur la mer. Ms. fr. 26082, n° 6721. Voir lettres patentes du Roi des 7 mai et 28 novembre 1454 (Chartes royales, XVI, n° 282) ; lettre missive du 10 juillet, aux Pièces justificatives ; lettres des généraux des finances des 30 septembre 1454 (Pièces originales, 1390 : GRAND (le), dossier 31343, n° 27) et 20 février 1455 (Archives, K 69, n° 151-3).

[56] On lit dans des lettres de Charles VII du 28 novembre : Comme la saison d'esté derrenierement passée, pour resister aux entreprinses des Angloys nos anciens ennemis, lesquelx se misdrent audit temps à grant puissance et armée sur la mer, et avoyent fait publier et estoit voix et comme renommée qu'ils descendroient en plusieurs et diverses contrées de nostre royaume, comme Picardie, Normandie, Poictou, Xaintonge et Guienne... Chartes royales, XVI, n° 288.

[57] And, on the Moneday after noon the Queen came to him, and brought my Lord Prynce with her. And then lie askid what the Princes name, was, and the Queen told him Edward ; and than he hild up bis hands and thankid Cod therof. And he seid he never knew til that tyme, nor wist not what was seid to him, nor wist not where ho had be whils he bath be seke til now. Lettre du 9 janvier 1455, dans Paston Letters, t. I, p. 315.

[58] Voir Gairdner, Introduction aux Paston Letters, p. CXVIII et suivantes.

[59] Ambassade de Simon de Lalain, du 30 novembre 1454 au 1er janvier 1455. Archives du Nord, B 2020, f. 260.

[60] Le duc ne parait pas avoir attendu l'autorisation du Roi pour demander de l'argent à ses sujets. En 1454, les États du duché de Bourgogne, réunis à Dijon, lui avaient accordé une aide de 60.000 fr. Les états du comté de Bourgogne avaient été réunis à Salins et les états d'Artois avaient voté 43.000 l. avec cette réserve que, si le duc ne marchait pas contre les Turcs, cette somme ne serait point payée. Cf. Histoire de Bourgogne, t. IV, p. 286 ; Chastellain, t. IV, p. 10.

[61] Nous avons résumé la charge donnée à Simon de Lalain d'après les lettres du Roi en date du 5 mars, citées plus loin, les instructions à Jean le Boursier en date du 6 mars et la Chronique de Georges Chastellain, t. III, p. 14-15.

[62] Chastellain, p. 15.

[63] Appointement de La Charité, dans le ms. fr. 5041, f. 52.

[64] Cette réponse est donnée dans les Instructions aux ambassadeurs du Roi. Histoire de Bourgogne, t. IV, Preuves, p. CCXVI.

[65] Histoire de Bourgogne, t. IV, Preuves, p. CCXVIII-XIX.

[66] Lettre mentionnée dans la réponse de Nicolas Rolin en date du 16 avril. Ms. fr. 5044, f. 32.

[67] Original, Archives de la Côte-d'Or, B 11882 ; éd. Histoire de Bourgogne, t. IV, Preuves, p. CCXV.

[68] Dépêche de Raymond de Marliani, ambassadeur du duc de Milan, en date du 5 mars 1455. Archives de Milan, Dominio Sforzesco, janvier-juillet 1455.

[69] Chastellain, t. III, p. 36-37.

[70] Chastellain, t. III, p. 15-17.

[71] Cette date nous est fournie par une annotation de la lettre de Nicolas Rolin, Ms. fr. 5044, f. 32.

[72] Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 312-313.

[73] Chastellain, t. III, p. 31-32.

[74] Voir les réponses faites aux requîtes des doux ambassadeurs, qui contiennent vingt-six articles, et portent les signatures de Jean Le Boursier, Doriole, Dauvet et Le Fèvre. Histoire de Bourgogne, t. IV, Preuves, p. CCXIX-CCXXII.

[75] Chastellain, t. III, p. 117.

[76] Raynaldi, année 1456, §§ 3 et 43.

[77] Raynaldi, année 1457, § 51.

[78] Compte de 1453-54 : 68 l. 15 s., en aumône à un chevalier de Constantinople qui a perdu tout le sien à la prise de Constantinople ; 55 l. à deux écuyers grecs familiers de l'empereur ; 55 l. à deux autres, en pitié de ce qu'ils ont tout perdu à la prise de Constantinople, etc., etc. Cabinet des titres, 685, f. 175, 175 v°.

[79] On lit dans le même compte (f. 175 v°) : Messire Manoli Agalo, chevalier du pays de Grèce, LXVIII l. XV s. en aumosne.

[80] Cette réponse fut donnée dans une séance du Conseil où se trouvait Thomas le Franc, le médecin grec du Roi. — Nous trouvons dans le compte de 1453-54 (ms. 685, f. 175), la mention suivante : François le Franc, du pays de Grèce, neveu de Thomas le Franc, medecin du Roy, LXVIII l. XV s. pour aler à la guerre contre le grant Turcq.

[81] Fragment d'un registre du grand conseil, dans la collection du Languedoc, vol. 18f ; publié par M. Noël Valois (Paris, 1883, extrait de l'Annuaire-Bulletin de la Société de l'histoire de France), p. 11-14 et 20-21.

[82] Chastellain, t. IV, p. 368-369.

[83] Chastellain, l. c., p. 363-64 et 368-70. — Le chroniqueur bourguignon tenait le fait du bâtard de Saint-Pol, auquel la Reine, qu'il avait visitée à Saint-Jean d'Angély, en se rendant en Espagne, l'avait raconté. L'avertissement du saint homme aurait été donné au Roi, non à l'époque où nous sommes, en 1455, mais un peu plus tard, dans la dernière année de sa vie. Celui-ci était alors dans un état de santé bien précaire qui, indépendamment de toute autre considération, l'aurait empêché d'entreprendre une croisade.