HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE V. — L'EXPULSION DES ANGLAIS. - 1449-1453.

 

CHAPITRE VI. — L'EXPÉDITION CONTRE LE DUC DE SAVOIE.

 

 

Charles VII est de nouveau sollicité d'intervenir en Italie : situation des affaires dans cette contrée ; mission donnée à Acciajuoli par la république de Florence. — Réception de l'ambassadeur Florentin ; ses entretiens avec le Roi ; difficultés que rencontre la conclusion d'un traité ; traité du 21 février 1452. — Dispositions secrètes de Sforza à l'égard de la France ; sa duplicité. — Voyage de Frédéric III en Italie ; le conflit, prêt à éclater, est retardé par sa venue. — Rupture entre Sforza et la république de Venise : Charles VII se prépare à secourir son nouvel allié. — Il profite de cette occasion pour châtier le duc de Savoie ; appel des seigneurs Savoisiens à Charles VII ; négociations avec le duc de Savoie ; elles aboutissent à une rupture ; Charles VII s'avance à main armée contre le duc. — Relations de Charles VII avec le Dauphin ; ambassades envoyées par ce prince à son père ; réponse du Roi ; nouvelles ambassades ; mise en demeure au Dauphin de réparer ses torts. — Intervention (lu cardinal d'Estouteville en faveur du duc de Savoie ; voyage du duc à Feurs auprès du Roi ; traité du 27 octobre. — Le Dauphin offre ses services au Roi contre les Anglais en Guyenne ; réponse de Charles VII ; menaces de rupture ; le cardinal d'Estouteville s'emploie à la pacification du différend ; singulières prétentions du Dauphin, qui prend une attitude de plus en plus menaçante.

 

Tandis que les relations entre Charles VII et le duc de Savoie s'envenimaient de la sorte, la France fut de nouveau sollicitée d'intervenir dans les affaires italiennes.

La prise de possession du duché de Milan par François Sforza avait modifié profondément la situation. Une ligue ne tarda point à se former contre le nouveau duc. Guillaume de Montferrat, d'abord emprisonné par Sforza, puis relâché, n'eut rien de plus pressé que de pousser son frère le marquis à s'allier contre ce prince avec la république de Venise et avec le duc de Savoie. Malgré la paix conclue entre le roi d'Aragon et la république de Florence, Alphonse V restait étroitement uni à la république de Venise. Le 16 avril 1451, un traité était signé entre le roi d'Aragon, le duc de Savoie et le marquis de Montferrat : le duc et le marquis déclaraient adhérer à la ligue existant entre le roi d'Aragon et la république de Venise, et s'engager à fournir un nombre déterminé de soldats au cas où la guerre se rallumerait. Le 20 juin suivant, Venise chassait de son territoire les marchands florentins. Alphonse V, qui méditait une entreprise sur Florence et Gênes, prenait une mesure analogue dans le royaume de Naples. Enfin, le 20 novembre, un traité particulier était conclu entre le roi d'Aragon et le duc de Savoie : il était stipulé que les conquêtes faites par les deux princes, soit en Italie, soit en Provence, seraient partagées à raison d'un tiers au duc et deux tiers au roi[1].

Au mois de juillet, le duc de Savoie, informé que Sforza cherchait à obtenir la protection de la France et se proposait même de lui offrir l'hommage du duché de Milan, avait envoyé un ambassadeur au Dauphin pour lui faire part de la situation et lui soumettre le plan d'une action commune contre Sforza[2].

Un choc formidable se préparait. D'un côté, Venise, l'âme de la ligue ; Venise qui, pour se débarrasser de Sforza, ne reculait devant aucun moyen — pas même le poison[3], — et, avec elle, le roi d'Aragon, le marquis de Montferrat, le duc de Savoie, et, derrière ce prince, le Dauphin ; de l'autre, le' duc de Milan et la république de Florence, qui venaient de sceller leur alliance par un nouveau traité (20 juillet)[4]. Pour être prêts à tout événement, les Florentins avaient procédé (12 juin) à la nomination des décemvirs de la guerre.

C'est dans ces conjonctures que la république de Florence décida l'envoi d'un ambassadeur à la Cour de France. Le choix porta sur un personnage considérable, allié aux Médicis, ami intime de Cosme, alors en possession d'une influence prépondérante : c'était Angiolo Acciajuoli, l'un des décemvirs de la guerre, rompu aux affaires politiques, auxquelles il n'avait cessé d'être mêlé depuis trente-cinq ans. Ses instructions portent la date du 10 septembre[5].

Acciajuoli avait mission tout d'abord de féliciter le Roi sur le récent triomphe de ses armes. II ne devait point tarir d'éloges à ce sujet. La cité florentine, qui s'était associée si vivement aux malheurs du royaume, avait été transportée de joie à la nouvelle des victoires de Charles VII ; non seulement les hommes, mais les femmes, et jusqu'aux enfants, avaient pris part à la commune allégresse. Pouvait-on oublier les innombrables bienfaits dont Florence était redevable à la très chrétienne maison de France, à laquelle elle devait son existence et ses développements ?

L'ambassadeur devait exposer ensuite l'état de l'Italie et la déplorable situation où la haine du roi d'Aragon avait placé la République, à cause de son dévouement à la maison de France ; les actes d'hostilité des Vénitiens, dont l'insatiable ambition tendait à la conquête de la Lombardie ; la conclusion d'une alliance entre la république de Venise et le roi d'Aragon, conduisant à un partage secret de l'Italie ; le danger qui en résultait pour la république de Florence, dont les citoyens étaient Poursuivis avec acharnement sur terre et sur mer, jusque dans leurs ports, jusque dans leurs villes. Déjà la République s'était alliée avec le duc de Milan ; mais elle avait recours au Roi, comme à son père, à son bienfaiteur, à son protecteur, en qui reposait tout l'espoir du peuple. Elle laissait au Roi le soin d'apprécier le moyen de lui venir en aide, se confiant Pleinement en sa sagesse. Et si le Roi voulait envoyer eu Italie, soit le roi René, soit un autre prince de sa maison, pour conquérir le royaume qui lui appartenait de droit, la République était prête à se mettre toute entière à sa disposition.

Acciajuoli partit aussitôt pour la France. Il s'arrêta au passage à Bologne, qui gardait la neutralité ; à Lodi, où il se rencontra avec Sforza et reçut de lui une mission spéciale près de Charles VII ; à Belgioso, où il visita madama Bianca, épouse de Sforza ; enfin chez le marquis de Montferrat, qui lui fit de trompeuses protestations d'amitié, et à la cour duquel il se croisa avec des ambassadeurs de Venise et d'Alphonse V se rendant en Savoie[6]. Le 16 octobre il était à Lyon[7], où il apprit que le Dauphin et le duc de Savoie étaient réunis à Châtillon-en-Bresse[8]. Sans se détourner de sa route pour aller les saluer[9], il se dirigea vers l'ouest de la France, où Charles VII Se trouvait alors tandis que ses capitaines conquéraient la Guyenne, et arriva le 14 novembre à Saint-Maixent[10]. Le lendemain il fut reçu par le Roi.

Il lui présenta les lettres de la Seigneurie et du duc de Milan. Puis, dans un discours latin qui nous a été conservé[11], il fit l'exposé de sa charge. Après avoir protesté du dévouement de la Seigneurie et de François Sforza à la maison de France et félicité le Roi sur ses conquêtes ; après avoir rappelé ce que la Seigneurie avait fait pour le triomphe des droits du roi René dans le royaume de Naples et témoigné des regrets qu'elle éprouvait de n'avoir pu agir plus efficacement, il se borna, sans aller du premier coup aussi loin que ses instructions l'y autorisaient, à réclamer l'intervention de Charles VII dans la lutte qui se préparait entre la Seigneurie et le duc de Milan, d'une part, et les Vénitiens et le roi d'Aragon, d'autre part ; il s'efforça de mettre le Roi en garde contre les intrigues du marquis de Montferrat et de son frère Guillaume, dont il dévoila la perfidie, les trames contre la France, l'alliance avec le duc de Savoie ; il pria- le Roi de donner à son représentant en Italie, le bailli Regnault de Dresnay, des instructions pour agir en faveur de la Seigneurie et du duc de Milan contre leurs ennemis ; enfin il lui demanda d'intervenir auprès du duc de Savoie qui, au mépris des traités passés avec le duc de Milan, et dans lesquels le marquis de Montferrat et ses frères figuraient comme hommes liges de la Savoie, souffrait de leur part des agissements qui étaient une violation formelle de ses engagements.

Le Roi répondit séance tenante à l'ambassadeur[12]. Il rendait grâce à la Seigneurie des courtoises paroles qu'elle lui avait fait transmettre, et de l'allégresse avec laquelle elle avait accueilli son heureuse fortune. Les Florentins avaient raison de, se réjouir plus que tout autre peuple, car la Couronne avait toujours aimé leur communauté ; il ne doutait nullement qu'eux et Sforza n'eussent fait tout leur possible pour éviter que le roi René fût chassé du royaume de Naples ; mais, au plaisir de Dieu, il le recouvrerait avec leur aide. Il connaissait le caractère du roi d'Aragon et savait à quoi s'en tenir sur ses dispositions à l'égard de la Couronne : le roi d'Aragon était l'ennemi des Florentins, et en raison de son sentiment personnel, et en raison de l'attachement qu'ils témoignaient pour la maison de France. Quant aux Vénitiens, il s'émerveillait de ce qu'ils se montrassent si ingrats envers la Seigneurie et si oublieux de son amitié ; mais il lui semblait qu'ils ne recherchaient que leur propre intérêt. Ce n'était point chez lui chose nouvelle d'être persuadé que les Florentins ne voudraient conclure ni paix ni ligue qui fût contraire à la maison de France, ce dont non seulement lui mais tout le monde leur était reconnaissant. Il approuvait la ligue faite avec Sforza ; quant au projet de prendre la cour de Rome pour arbitre de la Paix, il savait de qui émanait ce dessein. Il était d'ailleurs favorable à la paix, surtout si, en la concluant, la Seigneurie réservait les droits de la maison de France. Mais, étant donnés les agissements du roi d'Aragon et des Vénitiens, il lui semblait douteux que la Seigneurie pût se fier à eux. Il était nécessaire d'examiner ces choses, et, moyennant la grâce de Dieu, on arriverait à une bonne conclusion. Le Roi termina en disant qu'il voulait entretenir de nouveau l'ambassadeur, et en savoir plus long sur les desseins de la Seigneurie et du comte François, dont leur envoyé devait être bien informé.

Dans une seconde conversation avec l'ambassadeur, le Roi lui demanda quels étaient les desseins des Florentins, et ce qu'ils attendaient de lui en leur faveur et en faveur de Sforza. Acciajuoli répondit que, tout d'abord, il fallait que Sa Majesté s'occupât de pacifier la guerre de Catalogne et qu'elle examinât avec le duc de Milan et la Seigneurie le caractère de l'alliance à conclure, sous forme de ligue ou de confédération, comme il paraîtrait honnête et convenable. Après avoir entendu ces explications, le Roi réfléchit un instant et reprit en ces termes : Nous avons bien compris ce que vous nous avez dit. Pour le moment, nous ne vous ferons d'autre réponse. Mais si vous voulez examiner le moyen de réaliser ce qui nous paraît être le désir de la Seigneurie et du comte, nous sommes assez disposés à y complaire.

Le jour suivant, Charles VII envoya l'amiral de Bueil dire de sa part à l'ambassadeur qu'il savait combien il était mal logé, et qu'il l'autorisait à se rendre à un lieu, situé à dix lieues, où lui-même devait se rendre dans un délai de quatre jours. Acciajuoli écrivit à ce moment aux Dix de la Balie qu'il tenait de personnages de la Cour que le Roi avait témoigné sa satisfaction de la démarche faite au nom de la Seigneurie et du duc de Milan ; l'ambassadeur augurait favorablement du résultat de sa mission[13].

Acciajuoli se rendit à Auxances, lieu qui lui avait été assigné, et où le Roi ne tarda pas à arriver ; il n'en revenait pas de le voir se loger dans une habitation qui pouvait être convenable pour un comte, mais qui était peu digne d'un si grand prince. Dans une troisième audience, ayant sollicité le Roi de lui faire connaître son sentiment, il reçut la réponse suivante : Nous avons le désir de faire ce que nous entendons être agréable au comte François et aux Florentins, mais nous vous demandons de prendre patience pendant quelques jours. La chose est d'importance et mérite d'être examinée. Revenant ensuite sur la guerre de Catalogne et sur les affaires d'Italie, qui avaient fait l'objet des précédents entretiens, le Roi s'informa de l'état des forces du roi d'Aragon et des Vénitiens, de celles de Sforza et des Florentins. Acciajuoli entra à ce sujet dans des détails Circonstanciés. Puis il posa cette question : Votre Seigneurie pense-t-elle que la paix sera conclue avec l'Angleterre ?[14] Le Roi répondit : Cela dépend des Anglais, qui occupent injustement ce qui m'appartient. Au plaisir de Dieu, j'entends le leur reprendre[15].

Charles VII ajourna l'ambassadeur, pour poursuivre la négociation, au moment où il serait réinstallé à Tours[16].

Plus de deux mois s'écoulèrent sans qu'on pût arriver à une conclusion. Peu s'en fallut même que les choses n'aboutissent à une rupture. Dans les derniers jours de décembre, par suite d'une indiscrétion des Génois, la nouvelle parvint à la Cour qu'un traité venait d'être conclu par les Florentins et Sforza avec la république de Gênes. Charles VII eut communication de la teneur de ce traité, et n'ignora même pas les clauses secrètes qui l'accompagnaient. Grande fut l'émotion occasionnée Par cette nouvelle, et ce ne fut pas trop de toute l'habileté du négociateur pour triompher des hésitations et des répugnances du Roi[17].

Le traité avec Florence et Milan fut pourtant signé le 21 février 1452[18] ; il contenait les clauses suivantes :

Si quelque guerre, offense ou injure est faite en Italie à la république de Florence ou au duc de Milan, et que le Roi soit requis de leur venir en aide, il leur prêtera sou secours, et enverra même un prince du sang ou un de ses capitaines avec tel nombre de gens qu’il jugera convenable ; il empêchera qu’aucun de ses sujets ne donne assistance à leurs ennemis. La présente convention durera jusqu’au jour saint Jean-Baptiste de l’année suivante (24 juin 1453), le Roi espérant que d’ici-là un accord pourra s’établir par l’intermédiaire de princes de son sang ou de princes italiens. Le Pape et le roi des Romains sont exceptés du traité.

De leur côté, la république de Florence et le duc de Milan considéreront toute offense ou injure faite au Roi en Italie comme s’adressant à eux-mêmes et en poursuivront les auteurs avec toute leur puissance. Si le Roi leur envoie un secours armé, aucune paix ou trêve ne pourra être conclue sans son agrément. Pendant la durée du présent traité, aucune paix, trêve ou autre convention ne sera faite qui soit en opposition avec ce qui y est stipulé. Jusqu’au jour fixé (24 juin 1453) ils devront au Roi l’assistance quand ils en seront requis, sauf contre le Pape et le Roi des Romains[19].

Le même jour, le Roi donna des lettres patentes contenant ses engagements à l’égard de ses deux alliés[20]. Quant à ceux-ci, ils devaient adhérer au traité dans un délai de quatre mois. La république de Florence donna son adhésion le 22 mars[21] et le duc de Milan le 3 avril[22].

Nous avons une lettre écrite par Charles VII à Sforza à la date du 21 février[23]. Le Roi déclarait connaître les bon vouloir et affection que le comte François et ses prédécesseurs avaient toujours montrés à l'égard de la Couronne et de la Maison d'Anjou ; il lui en savait gré ; il avait entendu avec plaisir l'exposé fait par Acciajuoli, et lui avait donné son expédition, ainsi que l'ambassadeur le ferait savoir au comte[24].

Sforza répondit au Roi le 1er avril suivant : il se répandait en remerciements, en louanges, en protestations de dévouement[25].

Quelles étaient alors ses véritables dispositions à l'égard de la France ? Un mémoire secret, qui lui fut présenté au mois de septembre 1451, va nous les révéler.

On croyait alors à Milan à la venue prochaine du Roi à Lyon. On disait qu'une réunion des États du royaume allait se tenir Pour prendre une délibération au sujet des desseins de Charles VII sur l'Italie. L'entreprise semblait imminente et pleine de vraisemblance : il convenait d'en envisager les conséquences et d'y apporter bonne et prompte provision, afin de conjurer le Péril qui menaçait l'État de Milan et l'Italie tout entière. Le Roi veut d'abord s'emparer de Gênes ; ensuite il lui paraîtra plus aisé de prendre le restant de la Lombardie. La Lombardie Conquise, il lui semblera moins difficile de s'emparer du reste de l'Italie, car, ayant Gênes, il voudra occuper tous les ports Jusqu'à la Sicile. Une fois en possession de l'Italie, il se croira digne de ceindre la couronne impériale. Il voudra l'avoir d'une façon ou de l'autre, et ensuite rien ne s'opposera à ce qu'il ait la Papauté à sa discrétion. Après cela, il cherchera à se venger du duc de Bourgogne, du duc de Savoie, d'autres Princes encore qui, d'une façon publique ou occulte, se sont Montrés favorables aux Anglais. Que tel soit, ajoutait-on, le dessein des Français, les considérations suivantes le prouvent : leur ambition naturelle ; le désir, conforme à la raison, d'employer hors du royaume les gens d’armes dont ils n’ont plus besoin contre les Anglais ; la soif d’argent dont ils sont possédés, et la croyance qu’ils pourront s’en emplir les poches dans cette Italie qu’ils supposent toute pleine d’or. Le principal et plus sûr moyen de parer à un tel danger réside dans une paix universelle entre les États italiens, y compris Venise et le roi d’Aragon[26].

On remarquera que ce mémoire porte presque la même date que les instructions données par la république de Florence à Acciajuoli. Avant de se rendre en France, cet ambassadeur s’était entendu avec Sforza. Lui, l’envoyé de Florence, il avait paru à la cour comme représentant du duc de Milan aussi bien que de la République. Or, si l’on compare le texte de ses instructions avec le discours qu’il prononça devant le Roi, on constate que le ton d’enthousiasme lyrique, de chaleureux dévouement qu’on rencontre dans le premier document a fait place à une réserve où semble apparaître l’influence de Sforza[27]. Malgré les efforts de Blanche-Marie Visconti, toute française de cœur, pour pousser son mari à une étroite alliance avec Charles VII[28], Sforza hésitait à s’engager. A ce moment même (4 novembre), il signait avec les Florentins et les Génois le traité4 dont il a été parlé plus haut, et ce traité[29] était dirigé plus encore contre la France que contre la république de Venise[30].

C'était le moment où l'Italie tout entière était sous l'émotion d'un événement depuis longtemps attendu, mais qui allait enfin s'accomplir : le roi des Romains Frédéric III s'apprêtait à venir à Rome pour la cérémonie de son couronnement. On le savait ami des Vénitiens et du roi d'Aragon ; on craignait à la cour de Milan qu'il ne désignât Alphonse V pour son vicaire et ne fît en Italie quelque nouvelleté[31]. On ne redoutait pas moins, on l'a vu, l'influence de la France : au mois de novembre 1451, Sforza faisait dire au Pape par Nicodème de Pontremoli, son représentant à Rome, que Charles VII prétendait à rem-Pire, et qu'il ne s'endormait pas[32]. Nicodème devait insister sur les dangers que la venue des étrangers pouvait faire courir à l'Italie et même au Saint-Siège[33].

Sur ces entrefaites, Frédéric III arriva à Canale (1er janvier 1452), et se rendit à Florence en passant par Padoue, Ferrare et Bologne. Les Florentins lui firent une splendide réception (30 janvier)[34]. Sa fiancée, Éléonore de Portugal, débarquée à Livourne le 2 février, le joignit à-Sienne. Ils firent leur entrée à Rome le 9 mars. La cérémonie du mariage fut célébrée le 16 par Nicolas V, et le couronnement eut lieu le 19. De Rome, les nouveaux époux se rendirent à Naples, où leur séjour fut signalé par des fêtes magnifiques. L'empereur, qui n'avait pas voulu reconnaître Sforza comme duc de Milan, resserra les liens qui l'unissaient déjà au roi d'Aragon[35]. Puis il repartit, traversant Rome, Florence et Ferrare — où il fit, pour la forme, une vaine tentative de pacification entre les États italiens et conféra à Borso d'Este le titre de duc de Modène (18 mai), enfin Venise, où il passa dix jours (21 mai-1er juin). Il avait paru en Italie plutôt en voyageur qu'en souverain ; sa médiocrité, son avarice avaient produit une fâcheuse impression : il retourna dans son pays, dit un éminent contemporain, laissant derrière lui une piètre opinion de ses talents[36].

La présence de l'empereur avait retardé l'explosion prête à se produire ; elle éclata au moment où il regagnait l'Allemagne. Le 16 mai, les Vénitiens déclaraient la guerre au duc de Milan ; le 12 juin, le roi d'Aragon dénonçait aux Florentins la rupture de la trêve. Sforza entra aussitôt en campagne. Charles VII se trouvait par là mis en demeure de remplir ses engagements envers ses nouveaux alliés.

Dans l'intervalle qui s'était écoulé depuis la conclusion de son alliance avec Florence et Milan, Charles VII avait reçu des ouvertures du roi d'Aragon[37], et un envoyé de Sforza lui avait apporté la ratification du traité, en date du 3 avril[38]. À la nouvelle de la déclaration de guerre, il ne perdit pas un moment pour agir[39] : il fit partir un messager chargé de se rendre auprès du marquis de Montferrat et de son frère Guillaume, et de porter ses instructions au bailli Dresnay[40] ; il envoya à Venise un ambassadeur pour déclarer à la République que ce qu'elle entreprendrait contre Sforza serait considéré comme dirigé contre le Roi, et l'informer qu'un corps de dix mille hommes était prêt à marcher au secours de son allié[41] ; il écrivit au duc de Milan et à la république de Florence pour leur annoncer qu'il avait résolu d'envoyer une armée en Italie[42] ; enfin il fit dire au Dauphin de prévenir le duc de Savoie que ce prince eût à s'abstenir de favoriser les Vénitiens et leur ligue, sous peine d'avoir affaire à lui[43]. Déjà, à ce moment, le grand maître Jacques de Chabannes était parti pour Lyon à la tête de mille lances, tout prêt à se porter sur le Dauphiné et sur la Savoie[44]. Charles VII sentait la nécessité d'agir avec vigueur, afin de déjouer les intrigues de ses ennemis, qui voulaient profiter des événements Pour former une ligue contre lui[45].

Le mouvement de troupes ordonné par le Roi n'avait point pour but unique de porter secours au duc de Milan. Charles VII trouvait enfin l'occasion de se venger des offenses du duc de Savoie et d'imposer sa loi au Dauphin.

 

Certains seigneurs savoisiens, qui avaient voulu secouer le joug de Jean de Compey et des Cypriotes de l'entourage de la duchesse Anne, s'étaient vus condamnés, par une sentence du duc (17 avril 1451)[46], à un exil perpétuel, avec confiscation de tous leurs biens. Ils formulèrent un appel au roi de France, comme à celui qui est le plus haut et le plus noble Roy du monde et nommé avant tous autres le très chrestien Roy, protecteur de l'Église, chef et colonne de toute noblesse, à qui toutes gens désolés contre raison trouvent et ont coutume de trouver souverain remède[47]. Un échange d'ambassades entre le Roi et le duc de Savoie[48] n'ayant amené aucun résultat, Charles VII se décida à agir à main armée.

Dès le 15 juin, il avait notifié au duc l'alliance conclue avec les Florentins et Sforza, en lui déclarant que, s'il faisait ou laissait faire quelque chose à leur préjudice, ce serait à son très grand déplaisir, et qu'il prendrait leur cause en main, ainsi qu'il y était tenu, car son honneur était engagé dans l'affaire[49].

De Bois-Sire-Amé, à la date du 4 août, il écrivit aux habitants de la Bresse et du Bugey que le duc de Savoie, par suite du mauvais gouvernement de certains étrangers qui l'entouraient, ayant laissé le désordre s'introduire dans son pays, il s'était décidé à intervenir. Le Roi ne voulait pas laisser tomber en une telle désolation une maison qui lui était alliée d'aussi près, et à laquelle il avait donné une de ses filles, unie au prince de Piémont, héritier du duché de Savoie ; il entendait y tenir la main par toutes bonnes voies, honnêtes et raisonnables, et avait envoyé des ambassadeurs au duc pour lui remontrer ces choses en présence des gens des bonnes villes et des trois États de ses pays ; la réunion était fixée au 20 août, et une solution devait être donnée dans cette assemblée[50].

Les ambassadeurs envoyés en Savoie étaient Élie de Pompadour, évêque d'Alet, et Girard le Boursier, maître des requêtes de l'hôtel[51] ; ils avaient mission de se plaindre au duc des grands torts, entreprises et outrages que lui et les siens avaient commis, au très grand préjudice, mépris et contempt du Roi et des droits de sa souveraineté et seigneurie, et de le sommer d'en faire réparation[52].

Loin d'obéir aux injonctions du Roi, le duc de Savoie avait continué ses agissements et ses intrigues. Il était entré en pourparlers avec Gênes pour l'acquisition de toute la Seigneurie[53] ; il préparait une expédition de concert avec le Dauphin[54] ; il était en correspondance avec le comte d'Armagnac qui, pour prix de son concours, demandait que le Dauphin lui abandonnât les quatre châtellenies de Rouergue, autrefois confisquées sur lui et données par le Roi à son fils[55] ; il continuait à être en relations avec le roi d'Aragon[56]. Après avoir entendu les envoyés de Charles VII, il se borna à répondre qu'il enverrait au Roi une notable ambassade pour besogner sur la matière de façon à lui donner satisfaction.

Charles VII reçut bientôt cette ambassade[57] ; mais il constata avec surprise qu'elle n'avait nul pouvoir pour lui fournir la réparation demandée ; en outre, le duc gardait le silence sur la déclaration qui lui avait été faite relativement aux Florentins et à Sforza. Enfin, à ce moment même, le Roi apprit que le duc avait fait entrer des gens d'armes dans le duché de Milan.

Une telle attitude ne pouvait être supportée plus longtemps. Un héraut partit incontinent, porteur d'une sommation : le Roi demandait au duc, une fois pour toutes, de lui faire réparation ; sauf quoi il se mettrait en mesure d'obtenir cette réparation comme il le jugerait bon et que Dieu le lui conseillerait[58].

En recevant cette sommation, le duc de Savoie écrivit au Roi. Il était grandement merveilleux et déplaisant de ce que, par sinistres et non vraies informations, le Roi tilt tellement courroucé contre lui que les choses en fussent venues à ce point ; il n'avait jamais refusé de traiter avec le Roi ; ses ambassadeurs étaient encore auprès de lui ; son chancelier avait été député[59] pour faire connaître amplement au Roi ses raisons, et prendre conclusion. Le duc protestait contre les faux rapports adressés au Roi : il n'avait jamais envoyé de gens d'armes contre le comte François ; il s'était abstenu de le faire par honneur et révérence envers le Roi, ce qui lui avait fait éprouver de grands dommages ; il avait été jusqu'à licencier ses capitaines et autres gens d'armes étant en Milanais. Si certains de ses sujets avaient pris les armes contre le comte, cela avait été à son insu et contrairement à ses ordres. Il ne pouvait croire que, pour telles occasions, le Roi qui, de sa personne, ainsi que chacun le proclamait, était, grâce à Dieu, fourni de toute loyauté, justice et prudommie, fût disposé à agir ou à laisser agir aussi rigoureusement contre lui et ses sujets, lesquels avaient été siens et encore voulaient se montrer tels, et dont il pouvait se servir comme de ses propres sujets. Il terminait en prenant Dieu à témoin que j mais il n'avait desservi le royaume ni les pays et sujets d Roi[60].

Quand cette lettre parvint à destination, Charles VII était déjà en Forez à la tête de son armée[61]. Parti de Bourges dans les premiers jours de septembre, il avait, avant son départ, notifié à Sforza et aux Florentins sa résolution de venir s'installer à Lyon, bien accompagné de gens de guerre, pour s'opposer aux entreprises du duc de Savoie et de tous ceux qui voudraient porter dommage à Sforza et aux Florentins ; ses gens d'armes étaient sur la Saône et le Rhône ; il avait pleine confiance, moyennant la grâce de Dieu, de conduire les choses de telle façon que ni le duc de Savoie, ni aucun autre, n'attaquerait ses alliés ; il s'était employé auprès de Berne et des Suisses[62] pour empêcher leur alliance avec la ligue ennemie, et avait obtenu les assurances de concours les plus formelles en faveur de Sforza et des Florentins[63].

A. la nouvelle de l'intervention à main armée du Roi, le duc de Milan avait été transporté de joie. Dans l'effusion de sa reconnaissance, il prit soudain la résolution d'abandonner à Charles VII, comme marque de sa déférence à l'égard de la Couronne, la châtellenie d'Annono[64]. Grâce à l'intervention de De Valpergue, ambassadeur du Roi, et des envoyés du roi de Sicile, le marquis de Montferrat avait consenti, en son nom et au nom de son frère Guillaume, à s'en remettre à la médiation du Roi dans leur querelle avec le duc de Milan[65], et des négociations venaient de s'ouvrir sous les auspices de ces ambassadeurs[66]. Sforza était informé que le bailli de Dresnay, gouverneur d'Asti, avait reçu l'ordre de marcher à son secours avec toutes les forces dont il disposait[67], et de rompre avec Guillaume de Montferrat si celui-ci ne consentait à désarmer[68] : le cas ne tarda point à se produire, car les négociations avec Guillaume n'aboutirent point[69]. Le 9 septembre, les ambassadeurs de Charles VII et du roi René étaient auprès de Sforza[70], ainsi que Fouquet de Vachères, envoyé du Roi, qui revenait d'une ambassade près de la république de Florence. Le duc chargea celui-ci de remettre à Charles VII, avec une lettre[71], un mémoire où, entre autres choses, il réclamait avec instance l'envoi des quatre cents lances rassemblées à Lyon[72]. Trois jours après arrivait un nouvel ambassadeur du Roi[73], porteur de la lettre en date du 21 août, mentionnée plus haut.

Le duc de Milan n'était pas seulement en relations avec le Roi : il entretenait une correspondance avec le Dauphin, qu'il traitait avec toutes sortes d'égards et qui lui répondait de la façon la plus courtoise[74]. Et pourtant le Dauphin était le gendre du duc de Savoie, l'ennemi déclaré de Sforza ! Mais le rusé prince aimait à jouer un double jeu, et quant à l'ancien condottiere il ne lui déplaisait point d'entretenir des intelligences avec les cours qui lui étaient le plus hostiles : il s'adressait même au duc de Savoie en personne, comme s'il eût eu l'espoir de le ramener à son alliance pour agir contre les Vénitiens[75].

Les relations du Dauphin avec. son père étaient alors fort tendues. Au commencement de 1452, Louis s'était vu privé de sa pension ; de plus, il était menacé de se voir enlever les quatre châtellenies de Rouergue. Le Dauphin se hâta de faire partir deux de ses conseillers[76] pour se justifier des charges produites contre lui. Vu la surséance de la guerre, écrivait-il à son père le 27 février, je compte cette année m'employer à votre service. Je désire avoir quelque recompensation, comme Château-Thierry, comme la seigneurie d'Asti, qui touche de si près à mon beau-père de Savoie, sauf à donner quelque indemnité à mon oncle d'Orléans'[77]. Quand il vit que ses démarches étaient inutiles, et que le Roi, passant outre, avait rendu au comte d'Armagnac les quatre châtellenies confisquées sur son père[78], il conclut un traité (2 juillet) par lequel il consentait à abandonner au comte les quatre châtellenies et la seigneurie de Beaucaire en Rouergue, moyennant la somme de vingt-deux mille écus d'or[79]. Au mois de juillet, un écuyer d'écurie du Dauphin, Louis de Fontaines, était à Mehun près du Roi : il lui présenta trois chevaux offerts par le prince[80]. Quand il apprit la marche en avant du Roi[81], Louis fut vivement ému : il fit partir un de ses principaux conseillers, Gabriel de Bernes, qui joignit Charles VII à La Palisse, où il s'était arrêté un moment (10-17 septembre). Le Dauphin faisait dire à son père qu'il avait appris sa venue à la tête d'une grosse armée, et que le bruit courait que son dessein était d'envahir le Dauphiné. Le Roi était, parait-il, mécontent de lui, et voulait lui enlever ce pays ; il aurait même ordonné de le mettre en procès, disant qu'il y avait quatorze points autorisant un père à déshériter son fils, et que le Dauphin en avait déjà commis sept[82].

Charles VII accueillit avec indulgence l'envoyé de son fils — attaché par lui à la personne du Dauphin dès l'âge le plus tendre[83] —, et écouta jusqu'au bout la créance qu'il était chargé de lui exposer. Puis il prit la parole. Je n'ai pas, dit-il, entrepris mon voyage pour cette cause et je n'ai l'intention de rien demander à mou fils. Je croyais qu'il s'était du tout réduit à m'obéir et à se bien gouverner. Mais, sur mon chemin, j'ai été informé du contraire, dont moult me déplait. Vous retournerez vers mon fils, et lui direz et remontrerez l'esclandre qui est partout de son gouvernement, et le déplaisir que moi et les seigneurs de mon sang en avons, et aussi les trois états de mon royaume. Dites lui qu'il y baille provision de lui-même ; autrement je serai contraint d'assembler les seigneurs de mon sang et autres, en bon et suffisant nombre, pour avoir avis et conseil de pourvoir à son fait. Il seroit trop plus honnête pour lui que de soi même il y mît remède que je le fisse par contrainte. Quant au procès dont il parle, jamais il n'en a été fait : depuis le procès de Guillaume Mariette, aucun procès n'a été fait par mon ordonnance. Et, en ce qui touche au troisième point, bien que les enfants puissent faire contre leur père des choses qui donneroient lieu à de grandes corrections, néanmoins je n'ai jamais entendu parler de cette matière.

Gabriel de Bernes porta cette réponse au Dauphin, et ne tarda point à revenir près du Roi, qu'il trouva à Cleppé[84]. Louis avait été peu satisfait des paroles de son père, mais il faisait contre fortune bon cœur : Bernes venait annoncer que le Dauphin était décidé à faire haut et bas ce qu'il plairait au Roi de lui commander ; il suppliait donc qu'une ambassade, composée de membres du Conseil et de princes du sang, lui fût envoyée pour lui faire connaître le bon plaisir du Roi, car il craignait toujours qu'il n'y eût quelque mauvais fonds dans ce que Bernes lui avait rapporté.

Charles VII répéta qu'il n'avait nullement entrepris son voyage pour affaire concernant le Dauphin. Si celui-ci n'était résolu à exécuter ce qu'il lui ordonnerait, mieux valait qu'il y réfléchît et qu'il prît à loisir une résolution. Le Roi n'avait pas hâte d'user de contrainte. Mais si, une fois qu'il aurait fait connaître sa volonté, le Dauphin ne voulait point s'y soumettre, son mécontentement ne ferait que s'accroître.

Gabriel de Bernes insista, disant que, si le Roi ne cédait au désir de son fils et ne lui envoyait une ambassade, le Dauphin était capable de s'enfuir hors du royaume, comme tout désespéré, et d'aller en quelque lieu qui ne serait bon ni honnête[85].

Le Roi qui, comme le dit un chroniqueur, de tout son Cœur désiroit réduire et retirer à soi le Dauphin[86], se décida à faire partir un de ses conseillers et chambellans, Jean de Chambes, seigneur de Montsoreau, en le chargeant de dire à son fils qu’il avisât bien et pensât à son fait, car il était préférable que le Roi ne lui fît pas encore savoir sa volonté s’il n’était disposé à s’y rendre. Louis reçut Montsoreau avec empressement, et fit de grandes protestations de soumission. Toutes les fois qu’il le voudrait, le Roi pouvait lui faire savoir son bon plaisir et sa volonté : il y obéirait de point en point ; mais il le suppliait qu’il lui plût être content que, pour cette fois, il n’allât pas vers lui, tant par crainte des rapports qui avaient été faits sur son compte qu’à cause de certains pèlerinages qu’il disait avoir fait vœu d’accomplir avant de se rendre près du Roi.

Le sire de Montsoreau revint, accompagné de Gabriel de Bernes, et le Roi, croyant à la bonne foi du Dauphin, se décida enfin à lui faire connaître ses intentions. Il chargea donc Bernes de dire à son fils qu’il enverrait prochainement vers lui. Mais Bernes ne fut pas plutôt revenu près de son maître, qu’il fit savoir à Montsoreau que le Dauphin entendait qu’il ne fût pas question de deux points qu’il avait toujours expressément réservés, savoir de venir en personne trouver le Roi et de donner congé à certains de ses serviteurs.

On comprend qu’avec de telles dispositions les négociations ne pouvaient guère aboutir. On n’en continua pas moins les échanges d’ambassades : les seigneurs de Torcy et de Montsoreau partirent avec un mémoire détaillé contenant les griefs du Roi[87]. Ils portaient sur l’atteinte portée aux libertés de l’Église en Dauphiné, sur l’opposition faite à la prise de possession de l’archevêché de Vienne par Jean du Chastel, sur l’occupation des places appartenant à l’église de Lyon, sur certaines violences, contraintes ou menaces faites lors du mariage du Dauphin, sur la présence en Dauphiné de certains serviteurs du Roi partis sans son congé et à l’insu de leurs chefs, sur l'accueil donné à des rebelles en Dauphiné. Le Roi voulait que son fils se, conduisît honorablement, en suivant l'exemple de ses prédécesseurs les rois très chrétiens, et que sa renommée fût pure de toute tache tant dans le royaume que dans les pays voisins, car c'était une des grandes joies qu'il pût goûter que de le voir se conduire bien sagement et honorablement en toutes ses affaires ; il était disposé en ce cas à tout oublier et à lui rendre ses bonnes grâces, comme un père doit agir à l'égard de son fils.

Le Dauphin reçut froidement cette ambassade, et se contenta de répondre qu'il enverrait prochainement vers son père ; que Son intention n'était pas de se rendre auprès de lui, et qu'il n'abandonnerait jamais les serviteurs qui jusque-là lui avaient témoigné tant de dévouement[88].

Charles VII trouva la réponse bien étrange ; mais il fut encore plus étonné quand les ambassadeurs du Dauphin[89] lui remirent[90] un mémoire où ce prince, reprenant article par article les plaintes de son père, se contentait de lui donner de vaincs paroles sans offrir de satisfaction réelle[91]. Le Roi assembla son Conseil et mit l'affaire en délibération. Puis il fit venir les ambassadeurs et leur dit : Louis ne répond point clairement à certains des articles que nous lui avons envoyés par les seigneurs de Torcy et de Montsoreau ; mais, pour vous expédier, nous vous ferons délivrer notre réponse[92].

Cette réponse était une mise en demeure, nette et précise, de réparer les torts dont le Dauphin s'était rendu coupable, en le sommant de s'expliquer clairement sur les reproches qu'il avait passés sous silence et qui tous étaient fondés en termes de raison[93].

En présence de cette sommation, qui ne lui permettait aucune échappatoire, le Dauphin garda le silence[94].

 

Cependant le duc de Savoie faisait tout au monde pour apaiser le courroux du Roi ; son chancelier était venu trouver ce prince à Feurs, et de continuels échanges de communications avaient lieu entre le duc et le Roi[95]. Sur ces entrefaites se produisit une intervention qui prévint le conflit. Le cardinal d'Estouteville retournait à Rome, après avoir rempli la mission dont il avait été investi par le Pape ; il se porta médiateur, et, avec l'agrément de Charles VII, alla trouver à Genève le duc de Savoie. Celui-ci fit demander au Roi l'autorisation de se rendre auprès de lui, promettant de donner pleine satisfaction et d'accomplir tout ce qu'on exigerait de lui. Il fut convenu que le duc viendrait à Lyon, où iraient l'attendre deux ambassadeurs du Roi, l'amiral de Bueil et le grand-maître Jacques de Chabannes. Le duc ne tarda point à arriver, en compagnie du cardinal. L'amiral et le grand-maître se portèrent à sa rencontre et le conduisirent à son logis. Monseigneur, dirent-ils, faites bonne chère et ne vous souciez de rien, car vous êtes en pleine sécurité dans la ville du Roi, et vous ne devez pas plus avoir de crainte que si vous étiez à Genève. Soyez assuré que vous n'aurez mal ni déplaisir. Pourtant le duc était loin d'être rassuré ; il voulut avant tout se rendre favorables les envoyés du Roi. Il vint, un matin, trouver le cardinal d'Estouteville, et lui dit : Monseigneur mon cousin, il me semble, et vous m'en avez bien informé, que c'est très bon signe qu'il plaise à Monseigneur le Roi que j'aille devers lui. Par ma foi, je le ferais volontiers ; mais mon partement a été si hâtif que je n'ai pu disposer de beaucoup de choses comme je l'eusse voulu. Et je suis encore plus content de ce qu'il a plu à Monseigneur le Roi d'envoyer jusqu'ici son amiral et son grand-maître d'hôtel : par quoi je suis délibéré de leur faire quelque gratuité, afin qu'ils aient meilleur courage en. la conduite de mes affaires avec Monseigneur le Roi et à toujours. Car je ne doute pas, considérant ce que vous m'avez dit, que je ne m'en retourne très satisfait, et je suis décidé, s'il en est ainsi, de bien garder et entretenir, toute ma vie, l'amour de Monseigneur le Roi. On m'a dit aussi beaucoup de bien d'un nommé le seigneur de Villequier, qui passe pour très bon prudhomme, et très sage, et prudhomme de son âge. Monseigneur le Roi l'a nourri, par quoi il me semble qu'il le doit mieux connaître. Et certes, mon cousin, vous savez que, dans toutes cours faut-il avoir moyens. Or je sais qu'on a donné de moi à entendre à Monseigneur le Roi moult de choses qui ne valent guères, lesquelles ne se trouveront jamais véritables. A cette fin je veux leur faire une obligation où vous serez présent, car je n'ai pas eu espace de prendre assez grand argent pour mon voyage, à cause de mon hâtif partement[96]. Le duc fit venir alors plusieurs des seigneurs de sa suite et envoya chercher un notaire[97]. Plusieurs obligations furent souscrites en faveur de Chabannes, de Bueil et de Villequier[98]. Puis le duc fit appeler les deux premiers, et, en présence du cardinal, leur demanda de le bien servir auprès du Roi et de lui concilier les bonnes grâces de leurs amis, en particulier du sire de Villequier ; il ajouta qu'il n'épargnerait rien pour les récompenser, Promettant de leur donner largement des biens, et d'agir de Même à l'égard de tous ceux qui lui rendraient de bons offices. Si toutefois les choses ne tournaient point à son gré, il entendait que les obligations souscrites fussent de nul effet[99]. Le duc de Savoie quitta Lyon le lendemain, en compagnie des envoyés du Roi. Durant le voyage, il se montra de plus en plus gracieux, prodiguant les promesses de dons et de pensions. Tout en manifestant sa gratitude, Bueil refusa la pension qui lui était offerte, disant qu'il avait assez des biens qu'il tenait du Roi ; pour le reste, il le prendrait volontiers[100].

On arriva le 18 à Cleppé. Les pourparlers ne furent pas longs : le duc eut bientôt fait sa paix avec le Roi, car, le 27, tous les arrangements étaient pris et le traité était signé.

Le Roi, en souvenir des anciennes alliances qui existaient entre la maison de France et la maison de Savoie, voulant les renouveler, concluait avec le duc une alliance perpétuelle, avec promesse de le défendre, lui et ses successeurs, envers et contre tous, sauf le Pape, l'empereur et les rois de Castille et d'Écosse. De son côté, le duc de Savoie déclarait renoncer à toutes alliances et promesses qu'il pourrait avoir conclues au préjudice du Roi, de sa seigneurie et de ses alliés, et promettait de servir lui et ses successeurs envers et contre tous, sauf le Pape et l'empereur, jusques au nombre de quatre cents lances, — accompagnées de gens de trait, qu'il serait tenu, deux mois après qu'il en serait requis, d'envoyer au Roi, en leur donnant la solde accoutumée[101]. L'engagement pris par le duc devait être, dans un délai de deux mois, garanti par la signature de deux cents seigneurs de Savoie, choisis par le Roi[102].

D'autres actes, relatifs à l'hommage du marquisat de Saluces[103] ; au douaire de Yolande de France, fiancée depuis 1436 au prince de Piémont[104] ; à la succession du duc, assurée au prince de Piémont[105] ; à l'affaire des églises de Lyon et de Mâcon[106], furent passés le même jour. Enfin le duc de Savoie, par une cédule signée de sa main, promit de rendre leurs biens, dans un délai de trois mois, aux seigneurs bannis par lui, et d'annuler la sentence de condamnation[107].

Le duc de Savoie ne tarda pas à prendre congé du Roi, en témoignant une vive satisfaction de l'accord si heureusement opéré.

 

Le conflit avec le duc de Savoie était apaisé ; mais le différend avec le Dauphin, cause première de la guerre qui avait failli éclater, subsistait et n'était pas près de toucher à son terme.

Deux jours avant la signature du traité de Feurs, le Dauphin, dont les émissaires étaient répandus de toutes parts, écrivait à son père (25 octobre) : Mon très redouté seigneur, vous Plaise savoir que j'ai su qu'il était descendu une grosse armée d'Anglais en Bordelais ; et, pour ce que autrefois j'ai été averti' que vous fûtes aucunement déplaisant de ce que, en votre conquête de Normandie et de Bordelais, je ne vous offris mon service[108]... maintenant je vous envoie mon amé et féal conseiller et chambellan le sire de Barry, pour vous y offrir mon service et y mettre corps et biens, si votre plaisir est de me faire cette grâce de m'en donner la charge et m'y employer[109].

La lettre arriva à Cleppé le 27 octobre[110]. Charles VII ignorait encore la descente de Talbot en Guyenne. Cette nouvelle, qui aurait pu nuire' aux arrangements avec le duc de Savoie, fut soigneusement dissimulée[111]. Le Roi fit venir l'envoyé du Dauphin et, en présence de son Conseil et du cardinal d'Estouteville, lui répondit en ces termes : Au temps de la conquête du duché de Normandie, et depuis au recouvrement de la Guyenne, plusieurs choses n'ont pas été faites de la part de mon fils qui depuis ont été mises à fin sans son aide ; les gens qu'il a assemblés n'ont point été mandés pour servir à garder le duché de Guyenne ; s'il eût obéi comme il devait le faire et comme un fils le doit à son père, par raison j'eusse fait à ses offres telle réponse qu'il en eût été content[112]. Le seigneur de Barry repartit sans avoir d'autres paroles.

Pour éviter que le Dauphin, si habile dans l'art du mensonge, ne donnât le change à l'opinion, Charles VII fit rédiger, à la date du 8 novembre, une circulaire où il exposait tout au long ce qui s'était passé entre lui et son fils[113]. De son côté, Louis continua ses armements[114]. La nouvelle en vint aussitôt à Cleppé[115] ; elle excita la fureur du Roi : peu s'en fallut qu'il ne dirigeât contre le Dauphin les forces dont il disposait. Mais la descente des Anglais l'obligeait à user de ménagements. Quant au Dauphin, la signature du traité de Cleppé et les bruits qui couraient sur les desseins du Roi à son égard lui donnèrent à penser[116]. Profitant du passage d'un ambassadeur du Roi qui se rendait près du duc de Savoie[117], il rentra en pourparlers. Le cardinal d'Estouteville, qui avait à traiter avec le Dauphin des affaires intéressant la Cour pontificale, s'employa à la pacification. Il se rendit à Vienne, en compagnie de deux conseillers du Roi, Élie de Pompadour, évêque d'Alet, et Gérard le Boursier. Sur Ses instances, le Dauphin consentit à faire, en présence des représentants de son père, des excusations et justifications, et déclara s'en rapporter au cardinal[118]. Mais celui-ci était rappelé en Italie : il dut se borner à régler le démêlé survenu dans le Comtat venaissin entre les officiers du Pape et ceux du Dauphin[119].

La négociation avec le Roi se poursuivit par l'intermédiaire des ambassadeurs que nous venons de nommer. Apprenant que son fils paraissait entrer dans la voie d'une soumission absolue, Charles VII lui écrivit au commencement de décembre. Gérard le Boursier et Louis de Fontaines, porteurs de cette lettre, étaient chargés de remettre au prince des articles dont la rédaction avait été arrêtée en Conseil. A. la réception du message royal, Louis était à Pierrelatte, occupé à chasser. Après avoir écouté longuement les deux envoyés et examiné les articles, il dit que la matière était grave, qu'elle demandait à être discutée en Conseil, et s'informa du nombre des conseillers qui avaient participé à la rédaction des articles[120]. Quelques jours plus tard, on tint une conférence à Valence. Le Dauphin était retombé dans ses hésitations. Quelle sûreté lui donnait le Roi, lui qui en voulait une si ample et si étroite ? Le Roi lui avait promis, au temps où le prévôt de Montjeu se mêlait de ces matières, de lui donner sûretés raisonnables, telles de quoi il devrait être content : il était naturel que la sûreté vînt d'abord du Roi, car, disait le Dauphin, il est son Roi, père, et souverain seigneur ; sa puissance est trop plus grande sans comparaison que la sienne, et sûreté dépend de plus grand au moindre[121]. D'ailleurs, de son côté, Louis était prêt à donner telle sûreté qu'on lui demanderait, et tellement que Dieu et le Monde connaîtraient qu'il se mettait en tout devoir. Ce qu'il avait offert, il l'avait fait franchement et à la bonne foi ; si le Roi persistait à lui tenir cette rigueur, c'est qu'il voulait le déshériter, ainsi qu'on le lui avait autrefois rapporté[122].

Ainsi, c'est le Roi qui doit s'engager et non le Dauphin ! Louis veut d'abord avoir la parole de sou père ; il fera ensuite tout ce qu'on voudra, et prendra même les engagements les plus sacrés. Tel est le sens de la réponse, signée de sa main, qui fut donnée le 16 décembre[123]. En d'autres termes, le Dauphin retirait ce qu'il avait offert spontanément, et démasquait ses batteries.

Charles VII donna à Moulins, le 8 janvier 1453, sa réponse à la nouvelle communication de son fils. Il y rappelait les circonstances dans lesquelles les négociations s'étaient rouvertes, exprimait son regret du refus persistant du Dauphin de se rendre auprès de lui, et terminait ainsi : Afin que les seigneurs des susdits et autres[124] pussent dorénavant avoir aucune bonne espérance touchant la conduite de mondit seigneur (le Dauphin), le Roi fut mu d'accepter lesdites offres ; et puisque ainsi est que mondit seigneur fait aucunes difficultés ès choses dessus dites, le Roi s'en déporte, car, Dieu merci, il est assez sûr des seigneurs de son sang[125].

Le Dauphin n'avait pu réussir à faire tomber son père dans le piège qu'il lui tendait ; il ne dissimula pas plus longtemps : il poursuivit ses préparatifs de guerre, acheta des armes, réunit la noblesse du Dauphiné, fortifia ses places, envoya des émissaires de tous côtés. Furieux du traité conclu par le duc de Savoie avec le Roi, il n'attendit qu'un prétexte pour se tourner contre son beau-père et l'attaquer à main armée.

 

Un événement qui ne saurait être passé sous silence s'était accompli peu après la signature du traité de Feurs : nous voulons parler de l'alliance de Charles VII avec les Cantons suisses.

Le traité du 28 octobre 1444[126] avait été l'œuvre personnelle du Dauphin, accomplie sans aucune participation de Charles VII : c'était un acte répondant aux préoccupations du moment et n'engageant point l'avenir ; seules les relations commerciales entre le royaume et les Cantons avaient été l'objet d'une stipulation. Un auteur contemporain prétend que, après la conclusion de ce traité, les Suisses offrirent au Dauphin de le servir, au nombre de quatre mille hommes, Partout où il les voudrait employer[127]. Si cette proposition fut réellement faite, elle fut déclinée par le Dauphin, qui n'avait alors que trop de gens de guerre à son service.

Il n'en est pas moins curieux de constater que ce chiffre de quatre mille combattants se retrouve mentionné, à deux ans de distance, dans un document émané de la chancellerie royale. C'était en 1446, à l'époque où Charles VII tournait ses regards vers l'Italie ; il préparait avec la Savoie la conclusion d'un traité lui permettant à la fois d'accomplir ses desseins en Italie et d'assurer la pacification de l'Église ; une alliance avec les Cantons suisses devait être le corollaire de l'alliance avec la Savoie. Les pouvoirs et instructions donnés par Charles VII pour traiter de la conclusion de bonnes et vraies alliances, ligues et confédération précisaient les conditions du pacte à intervenir : les Confédérés devraient servir le Roi, à leurs dépens, pendant trois mois, avec quatre mille hommes ; le Roi prêterait aux Suisses la même assistance, mais à leurs dépens[128]. La négociation ne paraît point avoir été entamée. Mais, en 1448, l'intervention de Charles VII dans la querelle entre le duc de Savoie et la ville de Fribourg[129] fournit à la diplomatie royale l'occasion de nouer des relations avec les représentants des Cantons. A partir de cette époque, Charles VII joua le rôle de médiateur entre les Cantons et le prince qu'il avait pendant longtemps regardé comme son gendre et qu'il venait de marier à Éléonore d'Écosse, nous voulons dire le duc Sigismond d'Autriche, toujours en démêlés avec les Suisses. Malgré le pacte conclu pour trois années (24 juin 1450) entre Sigismond et les Confédérés, bien des difficultés subsistaient. Nous constatons la présence d'un ambassadeur français en Suisse en janvier-février et en juillet 1452[130]. Au mois d'août, Jean de Lornay, seigneur savoyard employé par Charles VII dans les négociations diplomatiques, est envoyé en Suisse pour prendre part à des conférences qui doivent se tenir à Feldkirch entre les représentants du duc Sigismond et les Suisses[131]. Ces conférences s'ouvrent au mois d'octobre ; pendant leur durée, on jette les bases d'un traité entre Charles VII et les Cantons : les députés de Berne sont chargés de rédiger l'acte à soumettre à l'approbation du Roi[132]. Dans les derniers jours d'octobre, Jean de Lornay va le porter à Cleppé[133] ; il revient avec une lettre du Roi investissant le gouvernement de Berne du mandat de donner au traité sa forme définitive et de l'expédier à sa chancellerie revêtu du sceau des Cantons[134]. Le traité fut passé le 8 novembre 1452 ; il contenait les stipulations suivantes : libre circulation dans le royaume pour les ambassadeurs, marchands et sujets des ligues ; engagement du. Roi de ne faire aucune entreprise contre les communautés de la ligue de la Ratite Allemagne et de n'accorder le passage dans ses États à aucun de leurs ennemis ; engagement des Confédérés d'observer fidèlement l'alliance avec le Roi très chrétien et ses successeurs, de n'assister aucun de ses adversaires, et de ne permettre que personne, dans l'étendue de leurs territoires, ne prête assistance ou secours d'aucun genre aux ennemis du Roi ; facilité donnée aux sujets du Roi de traverser la contrée des Confédérés, d'y séjourner et d'en revenir, à charge de ne leur causer aucun préjudice[135].

La pensée qui avait inspiré l'alliance avec les Cantons suisses apparaît nettement dans ce qui suivit la conclusion de ce traité.

Charles VII avait ajourné la réception des ambassadeurs chargés de lui apporter l'acte et d'en recevoir la ratification au Moment où il serait revenu en Touraine. Quand ils arrivèrent, au mois de février, il leur fit grande fête ; les princes et seigneurs rivalisèrent de prévenances[136]. Les ambassadeurs, émerveillés et charmés, repartirent avec les lettres de ratification, en date du 27 février 1453[137]. Le 28 mars suivant, le Conseil de Berne faisait part aux magistrats de Lucerne du résultat de l'ambassade : Notre gracieux seigneur le Roi de France, disait-il, a écrit à tous les confédérés, en recommandant aux ambassadeurs Bernois de leur dire qu'il est dans l'intention de se tirer aux champs, à bref délai, avec tous ses princes, seigneurs et gens de guerre, pour aller mettre le siège devant une ville dont les Anglais se sont emparés. Le Roi demande aux Confédérés de lui fournir mille gens de pied avec quatre hommes de bonne autorité, lesquels auront sous eux douze hommes d'armes à cheval, armés de lances, qui conduiront la troupe. Ce n'est pas que le Roi ait besoin de ce contingent, car, avec l'aide de Dieu, il a assez de monde pour combattre les Anglais. Mais les Confédérés, qui se sont toujours montrés prudents et vertueux, en seront plus redoutés dans toute la chrétienté et en retireront gloire et profit ; et aussi l'amitié et bonne intelligence qui sont entre Sa Majesté et eux en seront partout augmentées[138].

Malgré l'avis favorable de Berne, la proposition fut repoussée : les Cantons répondirent que les Confédérés n'avaient pas coutume d'envoyer leurs soldats prendre du service à l'étranger[139].

L'alliance avec les Cantons suisses, si elle ne donnait pas à Charles VII tous les résultats qu'il pouvait en espérer, devait avoir pour la France une importance considérable ; elle eut dès lors pour effet immédiat de tenir en respect le duc de Savoie et le Dauphin, de prévenir à la fois la défection de l'un, les intrigues de l'autre.

 

 

 



[1] Voir Sismondi, Histoire des républiques italiennes, t. IX, p. 386 et suivantes ; Perrens, Histoire de Florence depuis la domination des Médicis jusqu'à la chute de la république, t. I, p. 137 et suivantes ; Canetta, La Pace di Lodi, dans la Rivista storica italiana, t. II, p. 518 et suivantes, etc.

[2] Instructions à Pierre Bolomier, 14 juillet 1451. Archives de Turin, Negoz. con Francia, paquet IX, n° 14, f. 3. Dans une lettre de Sceva de Curte, envoyé de Sforza près de Frédéric III, en date du 7 février, on voit que l'ambassadeur faisait valoir à son maitre les avantages qu'il trouverait dans une alliance avec la France : Non obstando che varie et grande partiti siano offerti alla S. V. et maxime da la corona de Franza. Ms. ital. 1585, f. 180 ; Buser, Die Besichungen der Mediceer zu Frankreich, p. 369. Cf. lettre de Sforza du 15 mars, ms. ital. 1599, f. 230.

[3] Voir les indications recueillies par M. Lamemsky dans la Revue historique, t. XX, P. 110, et dans son ouvrage : Secrets d'Etat de Venise (Saint-Pétersbourg, 1884, gr. in-8°), p. 9 et suivantes, et 160-62.

[4] Le traité était fait sur ces bases : assistance réciproque pendant dix ans, avec cette réserve que ce pacte ne dérogeait point à la paix conclue un an auparavant entre les Florentins et le roi d'Aragon, sinon au cas où celui-ci, allié des Vénitiens, attaquerait l'une des parties. Voir sur la situation politique de l'Italie et sur cette alliance une lettre de Nicodème de Pontremoli, agent de Sforza à Rome (3 juin 1451), publiée par Buser, l. c., p. 370.

[5] Ces instructions se trouvent aux archives de Florence, Dieci di Balia. Legazioni e Commissarii, III, n° 8 ; elles ont été publiées par Desjardins, Négociations diplomatiques, t. I, p. 62-71.

[6] Dépêches d'Acciajuoli des 20 et 27 septembre, 3 et 8 octobre. Archives de Florence.

[7] Scrive da Lione, dove è giunto per culmine non molto usato e per luoghi male habitati, per schivare la peste da cui è afflitta Savoia e il Dalfinato. Dépêche du 16.

[8] Sans doute Châtillon-la-Palud.

[9] Non vi vado, écrit-il, perchè incomodo all'andata mia et porche ogni cose pende secundo che il Re vorra.

[10] Dépêche du 27 novembre. — Acciajuoli était accompagné d'un autre Florentin, François Ventura, d'un envoyé de la duchesse de Milan, Georges del Mayna (lettre de duchesse du 10 octobre) et de Jean Cossa, envoyé du roi René (lettre du cardinal d'Estouteville du 1er décembre).

[11] Hæc sunt ea quæ Regi Francorum dominus Angelus de Acciaolis ex parte ducis Mediolani et Communitatis Florentiæ exposuit. Du Puy, 760, f. 60.

[12] Tout ceci est tiré de la dépêche d'Acciajuoli en date du 18 novembre. Archives de Florence, l. c., f° 82.

[13] Dépêche du 18 novembre.

[14] C'était le moment où le Pape envoyait comme légat le cardinal d'Estouteville, pour travailler à une pacification entre l'Angleterre et la France. Voir le chapitre suivant.

[15] Dépêche du 3 décembre.

[16] On voit par les dépêches d'Acciajuoli à la Seigneurie et à Sforza, en date du 21 décembre, que déjà, à ce moment, Charles VII avait accepté en principe l'alliance proposée et était entré dans l'examen des conséquences de cette alliance. Acciajuoli ajoutait que le Roi avait bien cent cinquante mille hommes sous les armes, et qu'il était à croire que si, comme tout le faisait supposer, la paix aveu l'Angleterre était conclue, il ferait quelque entreprise, telle que celle de Catalogne : Non ha niuna impresa cite gli sia più commoda che quella di Catalogna, ne dove egli habbia piu juste querelle... Dora questo è quello ch'io vi so dire della intentione del Re circa alla guerra di Catalogne. Dans une autre lettre du même jour, adressée au duc de Milan, l'ambassadeur disait que, dans l'entourage du Roi, on songeait toujours à Gênes : Di questi di facti Genova me tuto parlata assai da altri che dal Re, et è loro molle a cuore. Archives de Florence.

[17] Voici comment Acciajuoli raconte l'entretien qu'il eut à ce sujet avec le Roi : Pure io deliberai parlarne col Re et dirgli di questa lega farta, et etiamdio mostrargli le cagioni che vavevano mosso, et pregare la Maestà sua che dovessi per contemplation vostra non piglare (sic) alcune admiratione, allegandogli quanto commodità si levavano a' nemici, non solo vostri, ma suoi, et che questa era la via colla quale la Signoria-Sua liarebbe da' Genovesi tucto quello che volessi sanza fare loro altro scandolo o turbatione ; et le Signorie Vostre sarebbono a questo buon mezo quando piacessi alla Signoria Sua. Le Prime sue parole furono queste : Resteranno e Fregosi signori Genova conquesta vostra lega ? Io gli risposi ch' io non havevo alcune information di questo. Stette sospeso et domandomi : Per quanto tempo voi habbiate facto questa lega ? Risposigli non havere alcun' aviso. Et non mi fece altra risposta : Se non se, stato alquanto sospeso. Dépêche du 22 janvier 1452. Archives de Florence.

[18] Dans une dépêche du 21 février, Acciajuoli exposait comment il avait pu triompher de la résistance du Roi. L'arrivée du roi René, survenue à ce moment, avait facilité la conclusion. Et è, disait-il, tuta opera di Dio et la mente buona che ha il Re di Francia et il Re di Sicilia a facti vostri... Et pensiero del Re è di mandare suoi ambasciadori da voi per intendere piu rose, ma credo che non mandera se prima non ha risposta della giuncta mia. Archives de Florence, Signori. Carteggio. Responsive. Originali, 8, f. 221 v°. — Il n'est pas inutile de faire observer que le roi René avait, dans le courant de 1451, conclu avec Sforza un accord auquel il est fait allusion dans une dépêche d'Acciajuoli en date du 3 octobre 1451.

[19] Le traité passé par Acciajuoli se trouve, sous sa forme primitive, dans le ms. Italien 1586 de la Bibl. nationale, f. 72 : c’est une copie moderne qui paraît avoir été faite sur le document de l'Archivio di San Fedele à Milan. On le retrouve, mais sans la contrepartie (engagements pris par le Roi), aux Archives de Florence : Signori. Carteggio. Responsive. Originali, 8, f. 22 v°, et dans les instruments notariés des 22 mars et 3 avril 1452, cités plus loin.

[20] Lettres de Charles VII en date du 21 février 1452. Original, Archives de Florence, Riform., Atti publici, à la date. Cf. mêmes archives, registre 8, cité ci-dessus, f. 23 ; Archives de Milan, registre intitulé : Leghe, Pace, ed altre cose d'importosa (1414-1467), f. 326 ; Bibl. nationale, ms. fr. 5909, f. 215 v° (sans date). Texte édité par Desjardins, l. c., t. I, p. 72.

[21] Instrument notarié dans Le Grand, vol. VII, f. 317 et suivants.

[22] Instrument notarié dans le ms. ital. 1586, f. 69.

[23] Il est à remarquer que le Roi ne donnait pas à Sforza le titre de duc de Milan. La lettre porte cette suscription : A nostre chier et amé cousin le conte Fransisco Sforce. Copie du temps, aux archives de Milan, Leghe, Pace, etc., f. 326 ; elle a été publiée par M. Lecoy de la Marche, Le Roi René, t. II, p. 265.

[24] En partant de Tours, Acciajuoli reçut de magnifiques présents. Les comptes de Mathieu Beauvarlet contiennent la mention suivante : Pierre de Janailhac, marchant, IIIIc IIIIxx V l. X s. t., pour deux flacons, deux pots et six escuelles d'argent presentées et données par messire Jehan de Jambes, chevalier, maistre d'hostel du Roy, à messire Angelo Aleionne, chevalier florentin, venu en ambassade devers le Roy de par les Florentins. Cabinet des titres, 685, f. 157 v°.

[25] Lettre en copie moderne dans le ms. ital. 1600, f. 141.

[26] Mémoire du 12 septembre 1451. Bibl. nat., ms. ital. 1585, f. 223. Édité en partie par Buser, l. c., p. 372-374. — Il est assez curieux de constater qu’on ait eu alors à Milan la pensée d’un accord avec Venise, alors que tous les correspondants de Sforza ne tarissaient pas sur la desonesta de Venetiani, sur leur ambitione intollerabile, et que l’un d’eux disait au Pape que c’étaient des hommes diaboliques et sans honneur : Homini diabolici et che non hanno honore, conscientia, ne Dio ¡nanti ali ochii. Lettre de Pontremoli du 4 décembre 1451, citée par M. Canetta, l. c., p. 562.

[27] Dans ses instructions du 10 septembre, Acciajuoli avait été chargé de s'entendre avec Sforza et d'agir conformément à ses intentions.

[28] Lettre du 10 octobre 1451. La duchesse avait longuement conféré avec Acciajuoli ; elle envoyait en son propre nom Georges dei Mayno en France ; elle félicitait son mari de ce qu'il avait donné le nom de Charles à leur dernier enfant : Confortiano la S. V. chel la fara hattizare el nostro pucto mettendoli omnino nome Charles, come estate dicto per reverentia de la perfecta maestra del Re de Franza. Ms. ital., 1599, f. 344.

[29] Ligue offensive et défensive pendant cinq ans. Original aux Archives de Gênes, Materie politiche, mazzo XII. Cf. Lunig, Codex Italiæ diplomaticus, t. III, col. 1588. On peut y lire la clause suivante : Et si etiam contracta et conclusa contra et adversus serenisimum et christianissimum dominum regem Francorum, ac quacumque agentem pro eo, et specialiter etiam illustrissimum principem dominum Delphinum vel etiam illustrassinum principum dominum ducem Sabaudie, ac quacumque agentem pro eis, et quolibet eorum qui post hac durante pres. federe bellum facerent aut moverent vel fieri aut movetr facerent alicui ex dictis partibus in Italia. Archives de Gênes.

[30] Dans sa dépêche du 22 janvier 1452, Acciajuoli s'exprimait ainsi à ce sujet : A XXVIII di dicembre ricevetti vostro lettere di di XV di novembre, per le quali intendo essere facta la lega de Cenovesi et il capitule secreto, et non obstante ch'io creda che fussi stato utile che tale novella havessi dimorato qualche di a sentirsi di qua, nientedimeno di tutto si vuole ringratiare Dio, et sperare che habbia a essere a utilità et di vol et degli amici vostri. Archives de Florence.

[31] Dépêche de Nicomedo da Pontremoli, en date du 22 novembre, publiée par Canetta, la Pace di Lodi, dans la Rivista storica italiana, t. II, p. 521.

[32] Recordando ad Soa Santita chel Re de Franza pretende al imperio, et non dorme. Dépêche de Nicomedo da Pontremoli, en date du 22 novembre.

[33] Dépêche de Nicomedo da Pontremoli, en date du 22 novembre.

[34] Voir Pastor, Histoire des Papes, etc., t. II, p. 134-135 ; Perrens, Histoire de Florence depuis la domination des Médicis, t. I, p. 146-147.

[35] Sceva de Curte écrivait de Sienne, le 18 avril, à Sforza : Si dice l'imperadore havere facto certe confederatione, non posso anchora quallo certo, ma so bene per rellatione fiée digna chût re d'Aragona ha havuto un singulare dispiacere de la lega del Re de Franza, e credo sera anche casone de farlo tenere lolio. Ms. ital. 1586, f. 93 ; cf. dépêche de Nicodemo da Pontremoli à Sforza (Rome, 7 mai 1452), dans Canetta, l. c.. p. 563. On lit dans une lettre du secrétaire du cardinal d'Estouteville, écrite de Bourges, le 16 juin 1452 : Per opera del Re de Aragona lo Imperatore havere facto a Napoli uno suo fratello duca di Milano, et le Re li ha cesso ogni rasone che li poria competere nelo dicte ducale. Ms. ital. 1586, f. 133. Le traité conclu par le roi d'Aragon avec l'empereur est du 15 avril. Chmel, Materialien, t. II, p. 10.

[36] Saint Antonin, archevêque de Florence, cité par Pastor, Histoire des Papes..., t. II, p. 149. Voir tout le récit de l'habile historien, p. 136-150.

[37] Acciajuoli écrivait de Lyon, à la date du 6 mars, qu'avant son départ de Tours un héraut du roi d'Aragon était arrivé porteur d'une lettre de ce prince pour le ceinte de Dunois : la quale conteneva che mandava gli ambasciatori suoi al Re di Francia con commissioni che sarebbero grate al Re. Archives de Florence, Dieci di Balla, 3, n° 18.

[38] Archives de Milan, Leghe, Paci, etc., f. 326 v°. — L'ambassadeur était Job de Palatio. — La république de Gènes protesta contre le traité, comme contraire aux stipulations faites le 4 novembre (voir quatre documents aux archives de Gênes, Materie politiche, mazzo XII). Au moment de la ratification du traité avec Charles VII, Sforza avait ordonné de rendre à Dieu des actions de grâce dans toutes les villes de sa domination.

[39] Déjà, de Tours, avant le 7 avril, le Roi avait écrit au roi René (Ms. 685, f. 159). Job de Palatio était aussi chargé d'une mission auprès de ce prince.

[40] Mission donnée à Louis de Valpergue, envoyé hastivement de Montrichard à Asti (fin mai) (ms. 685, f. 159). Voir lettre de Job de Patatiodu 1er juillet (ms. italien 1586, f. 142) ; lettre de Conrad de Foliano du 9 juillet (ms. italien 1601, f. 17.)

[41] Lettre de Georges de Annono du 20 juillet (Ms. italien 1586, f. 153).

[42] Lettres en date du 17 juillet. Celle adressée à la république de Florence a été publiée par Desjardins, l. c., p. 73, et par M. Ét. Charavay à la suite de son Rapport (p. 35 du tirage à part). Cf. ms. 685, f. 159. Sforza écrivait le 4 août à Pierre de Pastoria : Li ambassatori delli Serenissimi Re de Franza et Re Renato sonno pur ancora qua, ma te avisamo che sono venuti cum cose tante legiere che gli facianio pocho fondamento. (Ms. italien 1601, f. 76 ; cf. f. 78 v°.)

[43] Lettre de Georges de Annono.

[44] Lettre de Georges de Annono. — On lit dans une lettre écrite de Turin le 31 juillet : Vi aviso chomo nel paese di Borgo in Bressa e de Lionesse, sono gionti più di cavalli inro de la giente del Re de Franza. (Ms. italien 1586, f. 160.)

[45] Un des agents de Sforza lui écrivait de Casale, à la date du 21 avril : Et havendo noviter havuto adviso da uno mio intimo amico, persona notabile e bon servitore de la S. V., che doppoi la liga fata tra la Maesta del Re de Franza, la S. V. e la comunita di Firenze e tractata, e quasi tenese si debia concludere in palese, o vero in secret() e oceulto, lega et intelligentia fra potentissimi principi, cio e lo re d'Engilterra, duca di Bergogna, et il Dalphino cum re di Ragona, Venetiani, e duca di Savoia. Del emperatore anchora credo. (Ms. ital. 1586, f. 103.) — Il y a aux Archives de Milan (Franciadal... at 1470) une dépêche envoyée de Florence à Sforza, où l'on parle des intrigues du Dauphin et de l'impossibilité où ce prince et le duc de Savoie sont d'agir efficacement.

[46] Requeste présentée au Roy Charles VII par les seigneurs et gentilshommes chassés des estats de Savoye, dans Guichenon, Histoire de Bresse et de Bugey, Preuves, p. 26-27.

[47] La date est dans un document relatif à l'affaire des nobles de Savoie. Ms. latin 17779, f. 64.

[48] Jean de Lornay fut envoyé de Tours vers le duc de Savoie au commencement de 1452 (Cabinet des titres, 685, f. 159). Le grand maître Chabannes et Élie de Pompadour, évêque d'Alet, furent désignés pour aller en Savoie (Ms. 685, f. 159) ; mais nous voyons qu'au mois de juillet Chabannes, accompagné de Pierre de Chambes, pannetier du Roi, part de Mehun et se rend en passant près du duc de Bourbon (id., f. 159 v°). La mission de Chabannes faisait place à un commandement militaire ; la suite de la mission diplomatique fut confiée à l'évêque d'Alet et à Girard le Boursier. (Lettres du duc de Savoie du 21 septembre ; Pièces originales, 474 : BOURSIER (le).

[49] Original aux archives de Turin, Francia, Lettere principi.

[50] Lettre de Charles VII aux bourgeois de la ville de Bourg et autres des bailliages de Bresse et de Bugey, dans Guichenon, Histoire de Bresse et de Bugey, première partie, p. 83.

[51] Lettre du duc de Savoie, en date du 21 septembre.

[52] Même document, et Jean Chartier, t. II, p. 329.

[53] Le 10 février, le duc donnait ses pouvoirs à des ambassadeurs envoyés à Gênes. Archives de Turin, Protocoli, 76, f. 386. Voir Cibrario, Origine e progressi delle istitusioni della monarchie di Savoie, 2e édit., p. 95.

[54] Le 22 février, il donnait ordre au gouverneur de Nice de fournir les choses nécessaires aux navires du Dauphin s'ils abordaient dans ce port. Protocoli, 76, f. 380.

[55] Lettre du 17 avril. Protocoli, 76, f. 467.

[56] Le 20 mai, Alphonse V donnait des lettres de créance à un ambassadeur près du duc de Savoie. Archives de Turin, Trattati diversi, mazzo V, n° 8.

[57] Le pouvoir du duc de Savoie porte la date du 5 septembre. Archives de Turin, Protocoli, 94, f. 525.

[58] Lettre citée du 21 septembre. Cf. Jean Chartier, t. II, p. 329.

[59] Lettre du duc de Savoie, en date du 18 septembre, accréditant auprès du Roi Jacques de la Tour, son chancelier. Original, Ms. fr. 2811, n° 25.

[60] Lettre en date du 21 septembre. Ms. fr. 18983, n° 16. — Nous avons trouvé aux archives de Turin (Protocoli, 105, f. 25) la minute d'une lettre du duc au Dauphin, datée de Genève le 20... (en blanc). Elle nous semble être du 20 septembre. Dans cette lettre le duc se déclare décidé à faire passer ses gens d'armes en Bresse, se mestier est. — Toutevoyes, monseigneur, dit-il, à vostre bonne supportacion, il me semble que de les y fere venir ce ne sera que tousjours indigner le Roy, qui l'est assés.

[61] L'original de la lettre du duc porte : Ou conseil à Feurs, par Guienne le hérault, XXVIIe jour de septembre CCCCLII.

[62] Ambassade de Jean de Lornay. Ms. 685, f° 159.

[63] Bourges, 21 août 1452. Archives de Florence, Dieci di Balia. Carleggio. Responsive, 22, f° 204. — Nous n'avons que le texte italien de cette lettre ; elle a été publiée par Desjardins, Négociations diplomatiques, t. I, p. 75 (avec la date fautive du 31 août). — Sur les messages portés en Italie, voir les comptes : Ms. 685, f°. 159.

[64] Voir la lettre adressée par Sforza à sa femme en date du 22 août. Considerato che questo statu de Lombardia non po stare senza la appogio overo del Imperatore, o della prefatta niaesta della corona de Franza, havimo deliberato face bon fondamento in essa corona de Franza, vedendo con quanta liberalita et affectione se mossa ad questi favori nostri senza essore richiesta, per tante per monstrare uno grande signe de liberalita verso la prorata maesta, havimo deliberato di l'are mittere nette mane desso Bayli la terra et rocha nostra de Annono, perche cossi siamo confortati ad fare. Ms. Ital. 1601, f° 101. Cf. lettre du Conseil secret à Sforza, en date du 15 septembre, id., f° 157.

[65] Traité du 8 juillet. Legrand, VII, f° 381. — Voir l'accord passé le 3 juillet entre Guillaume de Montferrat et Daniel Arrigi, ambassadeur du roi René. Ms. italien 1586, f° 14.

[66] Voir pouvoir de Sforza, en date du 21 août. Ms. italien 1601, f° 99. Cf. lettre de Sforza du 22. Id., ibid., f° 100 v°.

[67] Lettre du 22 août, l. c.

[68] Lettre de Sforza du 26 août, l. c., f° 106.

[69] Sforza fit même arrêter Jean della Noce, auquel il avait donné pouvoir pour traiter et qu'il accusait de l'avoir trahi. Voir plusieurs lettres du duc, en date des 5 et 6 septembre, dans ms. italien 1601, f° 126 et suivants.

[70] Lettre du duc au roi René, en date de ce jour. Archives de Milan, Lettere missive, XIII, f° 230.

[71] Minute, aux Archives de Milan, Corresp. con Carlo VII, etc. ; copie dans Lettere missive, XIII, f° 228.

[72] Archives de Milan, Francia, Istruzioni sec. XV. — Le 8 Sforza avait adressé une lettre au Roi pour le mettre au courant de ce qui concernait les Montferrat. Id., Lettere missive, XIII, f° 228 v° ; cf. lettres à Dresnay et au cardinal d'Estouteville, f° 223 v°, 231 v°, 232.

[73] C'était Nicolas Riolay, secrétaire du Roi (Cabinet des titres, 685, f° 159) ; il est fait mention de sa venue dans une lettre de Sforza à Georges de Annono en date du 12 septembre (Lettere missive, XIII, f° 230.)

[74] Voir lettre du Dauphin à Sforza, en date du 28 mai 1452 (publiée avec la date fautive de 1450, Lettres de Louis XI, t. I, p. 42) ; lettre de Sforza du 14 juin (ms. italien, 1600, f° 219.)

[75] Voir lettres du 14 juin 1454. Ms. italien 1600, f° 216 et 219.

[76] Le sire d'Estissac, premier chambellan du Dauphin, et François Portier, procureur général du Dauphin près des États de Dauphiné.

[77] Cette lettre est visée par Le Grand, dans son Histoire manuscrite de Louis XI, t. I, f. 151 ; l'original, dérobé à la Bibliothèque nationale, où il se trouvait dans la collection Le Grand, faisait partie du cabinet de M. de Lajariette (voir le Catalogue, 1860, n° 1826).

[78] Lettres du mois de février 1454. Archives, JJ 181, n° 36 ; Fontanieu, 121-122. Cette mesure était prise par l'advis et deliberacion de nos très chiers et amez freres et cousins le Roy de Cecile et duc d'Orleans et de nos très chiers et amez cousins les contes d'Angoulesme, de Clermont et de Richemont, de Eu, de Vendosme, de Castres, de Penthievre et de Dunois. Il n'était pas fait la moindre allusion au don antérieur en faveur du Dauphin.

[79] Du Chesne, 117, f. 113. — Cession faite par le Dauphin en date du 3 juillet, sous réserve des stipulations du traité. Doat, 219, f. 3 ; Le Grand, VII, f. 338.

[80] Ms. 685, f. 158.

[81] Tous les détails qui suivent se trouvent dans Mathieu d'Escouchy (t. I, p. 424 et suivantes), qui reproduit ensuite les pièces relatives à cette négociation. Il y a aussi une relation des faits dans une lettre missive de Charles VII, en date dm 8 novembre 1452, qui se trouve en copie dans la collection de dom Grenier, vol. 100, f. 86 (d'après les Registres aux Chartres de l'hôtel de ville d'Amiens). On trouvera ce document parmi les Pièces justificatives.

[82] Il y a trois dans d'Escouchy, mais sept dans la lettre du Roi. — Je combine les deux versions, qui sont d'ailleurs généralement concordantes.

[83] Voir la notice de M. Charavay sur Gabriel de Bernes. Lettres de Louis XI, p. 360-363.

[84] Le Roi était arrivé dans ce lieu le 25 septembre.

[85] Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 427, et lettre du 8 novembre.

[86] Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 428.

[87] Le texte de leurs instructions et de la réponse du Dauphin se trouve dans Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 431 et suivantes, et dans les Mélanges de la Collection des documents inédits, t. II, p. 191 et suivantes.

[88] Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 434-435.

[89] C'étaient Jean Girard, archevêque d'Embrun, Guillaume de Courcillon, Gabriel de Bernes et Jean Fautrier doyen de Thonon. Le mémoire porte la date du 14 octobre. On a une lettre du Dauphin à son père, écrite le 13. Original, ms. fr. 2811, n° 26 ; éd., Lettres de Louis XI, II, p. 56.

[90] Le 21 octobre. Lettres de Louis XI, t. I, p. 57.

[91] Mathieu d'Escouchy, p. 436-439.

[92] Mathieu d'Escouchy, p. 440.

[93] Mathieu d'Escouchy, p. 440-441.

[94] Oncques puis ne nous feist response touchan les choses dessus dictes. Lettre du 8 novembre 1452.

[95] Jean d'Amancy, alla trois fois trouver le duc de la part du Roi. Enquête publiée parmi les pièces justificatives de l'édition du Jouvencel, t. II, p. 369 et suivantes.

[96] Déposition de Jean Valeran, trésorier d'Avranches, attaché à la personne du cardinal d'Estouteville. Ms. fr. 18983, f. 51. Édité par MM. Favre et Lecestre, le Jouvencel, t. II, p. 384.

[97] Déposition de Jean Valeran, le Jouvencel, t. II, p. 385 ; Déposition de Boniface de Valpergue, p. 382. Un autre témoin croit que les obligations ne furent passées à Lyon qu'au retour : voir p. 381.

[98] Un témoin dit que la somme totale se montait à vingt-quatre ou vingt-cinq mille écus. Il parait établi que l'obligation de Chabannes était de douze mille, et que celles de Bueil et de Villequier étaient chacune de dix mille. Voir p. 382 et suivantes ; Introduction biographique, t. I, p. CLXXXVI, note 4, et Souvenirs du règne d'Amédée VIII, par le Mis Costa de Beauregard, p. 103 note.

[99] Déposition de l'amiral de Bueil, dans l'édition du Jouvencel, t. II, p. 307.

[100] Déposition de l'amiral de Bueil, dans l'édition du Jouvencel, t. II, p. 368.

[101] Acte original, aux Archives de Turin, Trattati, paquet 9, n° 15 ; copie du temps dans du Chesne, 29, f. 22.

[102] Cet acte est en déficit dans le carton J 502 du Trésor des chartes ; l'original est à la Bibliothèque de l'Institut, portefeuille 95 de Godefroy.

[103] Lettres du duc de Savoie, Archives nationales, J 286, n° 14. — Si, dans un délai de six mois, le duc ne fournissait ses preuves, l'arrêt du Parlement adjugeant au Dauphin le marquisat de Saluces devait recevoir son exécution.

[104] Lettres du duc de Savoie. Original, Archives nationales, J 502, n° 22.

[105] Lettres du duc de Savoie. Original, Archives nationales, J 502, n° 23 (en déficit dans le carton).

[106] Lettres du duc de Savoie. Original, Archives nationales, J 502, n° 24.

[107] Archives de Turin, Protocoli. 91 f. 529 v° ; Guichenon, Histoire de Bresse et du Bugey, t. I, Preuves, p. 28. — Par un autre acte passé à Tours, le Roi restitua au duc de Savoie une somme de soixante-trois mille ducats d'or qui lui avait jadis été prêtée par Amédée VIII (Voir ci-dessus, t. III, chap. XII). Le duc de Savoie en donna quittance le 31 octobre. Archives nationales, J 475, n° 96.

[108] Ce que fis, ajoutait le Dauphin, par Estissac, Remon et Benoist, en s'adressant à beau cousin de Dunoys, non obstant que estoye en pileux estat de ma personne, et me desplaist de tout mon cuer s'il ne vint à vostre notice.

[109] Le texte, que j'avais donné dans les Preuves de la Chronique de Mathieu d'Escouchy (p. 429), a été publié par M. Étienne Charavay (Lettres de Louis XI, t. I, p. 57) d'après l'original, en sa possession. Cf. Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 442.

[110] Annotation au dos de l'original de la lettre du Dauphin.

[111] Déposition dans l'édition du Jouvencel, t. II, p. 372.

[112] Mathieu d'Escouchy, l. c.

[113] Cette curieuse circulaire, datée de Moulins le 8 novembre, a été extraite par D. Grenier (vol. 100, p. 86) d'un Registre aux chartes de la ville d'Amiens ; on la trouvera aux Pièces justificatives.

[114] Mathieu d'Escouchy, p. 442 : Et très-souvent aveuc estandars desployés se faisoient les ouvrages dessus dictes. Lettre du 8 novembre 1452.

[115] Ce fut par les gens du duc de Savoie que le Roi l'apprit. Lettre du 8 novembre 1452.

[116] Dans le rapport de Gérard le Coursier sur la mission qui lui fut donnée en décembre, il est question de la grant crainte que mondit seigneur (le Dauphin) a de sa personne, païs, serviteur et subjetz, pour plusieurs rapports qui lui ont esté faitz et font de jour en jour (Fr. 15537, f. 21).

[117] C'est ce qui résulte d'une pièce qui se trouve dans le manuscrit fr. 15537, f. 27

[118] Lettre du cardinal d'Estouteville, datée de Vienne, 10 novembre 1452, publiée par M. Charavay, Lettres de Louis XI, t. I, p. 240.

[119] Autre lettre du 22 novembre, l. c., p. 241.

[120] Dist qu'il n'y avoit eu que le Roy, messeigneurs l'admirai, de Torcy et le tresorier maistre Jehan Bureau. Relation de Gérard le Boursier, Ms. fr. 15537, f. 21.

[121] Relation de Gérard le Boursier, Ms. fr. 15537, f. 21.

[122] Et combien qu'il ne soit grant besoingne que mondit seigneur donnast nulles seurtez au Roi, consideré le bon vouloir qu'il a... toutesfois, si son plaisir est de les prandre de luy, il sera content de les bailler et se y bouter si avant que Dieu et tout le monde cognœstra qu'il se miet en tout deoir ; lui suppliant très humblement que il lui plaise de icelles prandre en toute doulceur et sans grant rigueur, ne prandre de luy chose qui ne soit bonne et honnorable ne qui ou temps avenir peust porter prejudice au Roy, son royaume, ne à mondit seigneur, yen que ce que il a offert il a fait franchement et à la bonne foy ; que quant le Roy lui vouldroit tenir ceste rigueur, seroit à presumer qu'il a entencion de le desheriter, ainsi que autresfois lui a esté rapporté. (Même relation.)

[123] En voici le texte, d'après l'original, qui se trouve dans Du Puy, vol. 762, f. 19 :

Sur les articles qu'il a pieu au Roy envoyer à Monseigneur par le Boursier d'Espaigne, dont le premier est qu'il baille son scellé et promesse, et jure et promette de ne faire ne souffrir faire à son povoir chose qui doye desplaire au Roy, semble à mondit seigneur que le Roy demande chose bien generale, veu qu'il demande les seuretez contenues si estroites.

Et touchant lesdictes seuretez qu'il plaist au Roy demander, comme dit est, pour ce qu'il n'appartient pas à Monseigneur asseurer le Roy, et aussi n'est pas chose raisonnable ne honou•able pour le Roy qu'il veille estre asseuré de luy si non que le Roy l'asseurast premièrement, mondit seigneur supplie très humblement au Roy qu'il lui plaise lui faire premièrement les seuretez qui lui sont neccessaires comme filz et maindre de trop que n'est le Roy, et puis que le plaisir du Roy est d'avoir des seuretez de lui, mondit seigneur est content pour lui obeyr de les lui bailler selon lui, et pour ce qu'il dist au Boursier à Vienne de la grant affeccion qu'il avoit qu'il se bouleroit ès dictes seuretez aussi avant que le Roy, qui seroit bien dangereuse chose pour lui, quelque dangier qu'il y ait, pour complaire au Roy comme dessus, est content de le faire, suppliant très humblement au Roy qu'il luy plaise ne prandre riens en rigueur, et eu quelque faczon qu'il plaira au Roy appointer la chose qu'il lui plaise l'avoir pour recommandé, sans souffrir que sur les appointemens on lui cercheast aucune nuysable occasion, yen qu'il le fait franchement et à la bonne foy.

Fait à Valence le XVIe jour de décembre CCCC LII. — LOYS. — Bourré.

[124] Le Dauphin avait offert de demander au roi de Sicile, au duc de Calabre, au comte du Maine, aux ducs d'Orléans, de Bretagne, de Bourbon et d'Alençon, aux comtes de Clermont, d'Armagnac, de Foix, etc., de donner leurs scellés pour garantir les promesses qu'il ferait.

[125] Ms. fr. 15537, f. 28.

[126] Voir t. IV, chapitre premier.

[127] Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 23.

[128] Ms. latin 17719, f. 49 et 50. Cf. Étude sur les relations de Charles VII et de Louis XI avec les Cantons suisses, par Bernard de Mandrot, p. 14-15.

[129] Voir t. IV, chapitre XIII.

[130] Die Beziehungen der Eidgenowenschaft zum Auslande, in den Jahren 1447 bis 1459, von Theodor von Liebenau, dans le t. XXXII du recueil Der Geschichtsfreund (1877), p. 30, d'après les Archives de Lucerne.

[131] Cabinet des titres, 685, f. 159. Cf. Liebenau, l. c., p. 31.

[132] Liebenau, l. c., p. 31 et 90.

[133] Le compte de Mathieu Beauvarlet mentionne, au mois d'octobre, un voyage d'Antoine de Lornay, envoyé de Feurs vers les Suisses (Ms. 685, f. 166 v°). Y eut-il deux personnages du même nom employés dans les négociations ? Est-ce une erreur de Copiste ? — Le 14 janvier 1453, Charles VII donnait à Jean de Lornay une pension de 300 livres (Ms. 685, f. 162 v°).

[134] Liebenau, p. 91.

[135] Amtliche Sammlung der Eidgenössichen Abschiede, t. II, p. 260 et 869.

[136] Lettre du Conseil de Berne du 23 mars, dans Liebenau, p. 92, Cf. Mandrot, p. 26.

[137] Abschiede, t. II, p. 873 ; Lenglet du Fresnoy, Preuves des Mémoires de Commines, t. II, p. 366.

[138] Lettre du Conseil de Berne, l. c., p. 4 ; traduite en partie par M. de Mandrot, p. 26-27.

[139] Lettre du Conseil de Berne du 16 juillet. Liebenau, l. c., p. 94.