Affaires criminelles entre 1445 et 1451 : procès de Jean de Xaincoins ; disgrâce du sire de Précigny ; poursuites contre le grand maitre Culant. — Origine de Jacques Cœur ; ses débuts, sa rapide fortune ; sa grande situation à la Cour. — Arrestation subite de Jacques Cœur : inculpations dont il est l'objet ; on instruit son procès. — Noms des commissaires royaux ; Informations faites en divers lieux ; nombreux témoins entendus ; comment Jacques Cœur an justifie des accusations portées contre lui. — Charles VII se fait rendre compte de la procédure : déclaration que le procès n'est point en état d'être jugé ; délai accordé à Jacques Cœur pour produire ses moyens de défense. — Nouvelle commission instituée ; derniers actes de la procédure ; sentence rendue contre Jacques Cœur. — Motifs de la condamnation ; eut-elle une cause secrète ? Complicité présumée de Jacques Cœur avec le Dauphin ; faveurs accordées par Louis XI aux fils de Jacques Cœur et à tous ses amis et serviteurs. — Épilogue du procès : fuite de Jacques Cœur ; sa mort dans l'île de Chio. — Ses fils implorent la clémence du Roi ; Charles VII leur rend les biens non vendus de leur père et accorde son Pardon à tous ceux qui avaient été mêlés aux opérations de Jacques Cœur. — Louis XI autorise les fils de Jacques Cœur à faire réviser la sentence ; ils échouent devant le Parlement. Il y a dans l'histoire de Charles VII tout un coin qui nous échappe et sur lequel nous ne possédons que de rares données : je veux dire les intrigues et parfois les complots qui s'ourdirent durant la dernière période du règne. Nul doute que la main du Dauphin ne se retrouve dans beaucoup de ces affaires : aussi son premier soin, une fois arrivé au pouvoir, fut-il de se faire remettre tous les papiers de son père[1], non pas seulement, comme on l'a dit[2], dans le but de les soustraire à des regards trop curieux, mais afin de faire disparaître ceux qui pouvaient être compromettants pour lui. Nous avons un rapport présenté à Louis XI sur les poursuites intentées depuis 1445. L'auteur, l'un des conseillers du feu Roi, enregistre sous une forme brève, et parfois énigmatique, ces divers incidents. Après avoir mentionné certains procès faits à Sarry-les-Châlons en 1445, et le procès entamé contre Jamet de Tillay après la mort de la Dauphine, il ajoute : Item, à Chinon, furent faiz certains procès contre la dame d'Azay, Jaquet Chabot et Montecatin. — Item, à Chinon[3], eut certain bruit d'un homme passant par dessus les douves des fossez de Chinon, et n'ay pas souvenance que ce fut. — Item, à Maillé[4], on fut assemblé par le commandement du Roy pour remonstrer, etc., mais ne m'en demoura riens... — Item, environ l'an XLVII, le Roy trespassé fut à Bourges et là vint Mariete4[5]. — Item, l'an XLVIII, fut mis en procès messire Pierre de Brezé et ordonné commissaires à Melun. — Item, l'an XLIX, on ala en Normandie et fut mis en procès Xaincoins. — Item, du retour, on ala en Guienne et du retour fut mis en procès Jaquet Cueur ; et certain temps après fut mis en procès messire Jehan de Bur. Ausquelz je ne fuz point et se garda l'en de moy[6]. A cette énumération on pourrait ajouter le complot des Écossais, en juin 1450. Le duc de Somerset avait fait pratiquer certains Écossais de la garde du Roi : indyennant quatre mille écus d'or, et d'autres avantages qui leur étaient promis, ils devaient remettre aux mains du duc l'un des quatre principaux conseillers du Roi : le comte de Dunois, le seigneur de Villequier, Jacques Cœur ou Jean Bureau ; ils s'engageaient en outre à introduire quinze cents Anglais dans le camp royal[7]. Il y eut donc à la Cour de Charles VII, où le Dauphin continuait à avoir des amis et des agents, plusieurs affaires criminelles dont, en général, nous connaissons le dénouement, mais dont la cause première et souvent les détails nous échappent. La plupart concernent des financiers. En 1448, un clerc des comptes, Jean de Fromentières, est arrêté, poursuivi et condamné par arrêt du Parlement[8] ; en 1449, c'est le tour de Jean de Xaincoins ; Jacques Cœur lui succède ; puis Jean de Bar, l'ami de Jacques Cœur ; enfin le successeur de celui-ci, Otto Castellain. Mais les financiers ne sont point seuls en cause : avec Xaincoins on poursuit un des plus notables conseillers de la Couronne, le sire de Précigny ; en même temps, on instruit l'affaire du grand maitre Culant, qui est destitué ; un peu plus tard, c'est le mignon préféré, admis à la couche royale et parvenu au titre si envié de premier chambellan, c'est Guillaume Gouffier lui-même qui est incriminé, en même temps qu'Otto Castellain. Comment faire la lumière dans ce dédale d'affaires ? Comment en préciser la portée et le véritable caractère ? Tâche difficile, en présence de la pénurie ou de l'insuffisance des documents. Le procès de Jean de Xaincoins est comme le prélude de celui de Jacques Cœur. Pour avoir été moins retentissant, il ne fut point sans importance. Au village de Xaincoins (Cher) résidait une famille du nom de Barillet, dont le chef, Jean Barillet, fut anobli par lettres de novembre 1446[9]. Il avait deux fils : l'un, Pierre, licencié en lois et en décret, conseiller au Parlement de Toulouse, devint doyen de Tours en 1449, et fut promu en 1454 à l'évêché de Viviers[10] ; l'autre, connu sous le nom de Jean de Xaincoins, était notaire et secrétaire du Roi[11], et ne tarda pas à être investi de la charge importante de trésorier et receveur général des finances[12]. Désigné à plusieurs reprises comme commissaire du Roi aux États du Limousin, du Franc-Alleu et de la Marche[13] ; chargé, en 1442, d'imposer les sommes demandées aux provinces de Languedoil pour les besoins de la défense du royaume[14] ; préposé à l'administration des finances de la Reine[15], il entra au grand Conseil en 1448[16]. Durant la campagne de Normandie, en septembre 1449, des plaintes furent formulées contre la gestion du receveur général[17], et le Roi s'en émut : il procéda en personne, pendant plusieurs mois, à une enquête, à laquelle prirent part l'amiral de Bueil, Jacques Cœur et Étienne Chevalier[18], et, par lettres données à Bernay le 6 mars 1450, il donna commission à Jacques Jouvenel des Ursins, patriarche d'Antioche, président en la Chambre des comptes, à Jean de Bar et Jean le Boursier, généraux des finances, à Jean le Picard et Jean Hardouin, maîtres des comptes et trésoriers de France, à André le Roy, correcteur des comptes, à Jean d'Auguier, maître extraordinaire, enfin à Guillaume Ripault, clerc des comptes, de voir, examiner, reviser et rendre certains comptes de maistre Jehan de Xaincoins, receveur general de toutes les finances du Roy, et visiter les comptes jà clos et iceux corriger et affiner, et sur iceux sentencier et determiner comme ils verront à faire, et sur aucuns autres abus, erreurs et malefices imposez à l'encontre dudit de Xaincoins, sans prejudice toutefois des droits, usage, stile, statuts et prerogatives de la Chambre des comptes pour le temps à venir[19]. Cette information donna lieu à un procès, commencé le ter juillet suivant, qui se prolongea jusqu'au 9 juin 1451. Blaise Greslé, conseiller et maître des requêtes du Roi, figurait au nombre des magistrats chargés d'instruire l'affaire[20]. Mais Xaincoins n'était pas seul en cause. Avec lui étaient poursuivis : un des personnages les plus marquants de la Cour, Bertrand de Beauvau, seigneur de Précigny ; un receveur des tailles en Auvergne, Martin Roux, et un homme obscur du nom de Pierre Godeau, élu sur le fait des aides à Tours[21]. Enfin Jacques Charrier, que le chroniqueur officiel désigne comme clerc du receveur général, mais qui était alors notaire-secrétaire du Roi et changeur du trésor à Paris, était compromis dans l'affaire[22]. Le même chroniqueur dit que Jean de Xaincoins fut arrêté à Tours le seiziesme jour d'octobre ou environ, et enfermé dans le château de Tours[23] ; mais il résulte d'un document que nous avons rencontré qu'il fut d'abord emprisonné au palais de Rouen[24] : il s'agit, sans doute, du transfert de l'accusé à Tours pour y être jugé. Toujours est-il que, à la suite d'une longue instruction, Xaincoins fut, d'après ses propres aveux, reconnu coupable, non seulement de malversations, mais de faux, et déclaré criminel de lèse-majesté[25]. Comme faussaire, il était passible de la peine capitale ; Charles VII lui fit grâce de la vie. Après qu'il eut confessé les grands et énormes cas que l'accusation avait relevés contre lui, il fut, par la bouche du chancelier, condamné à tenir prison pendant un certain nombre d'années, et à payer au Roi, à titre de restitution, une somme de soixante mille écus d'or[26] ; en outre, toutes ses possessions furent confisquées[27] : le bel hôtel qu'il possédait à Tours fut donné à Dunois ; des terres ou autres biens échurent en partage à Jean de Bueil et à Guillaume Gouffier[28]. Quant aux autres inculpés, ils furent amnistiés : Jacques Chartier, bien que sa complicité ait été reconnue, reçut, après restitution des sommes perçues indûment, des lettres de rémission[29]. Martin Roux, moyennant le paiement de cinq mille livres, obtint décharge de toutes les accusations portées contre lui[30]. Enfin le silence fut fait sur ce qui concernait le sire de Précigny ; le Roi se borna à l'éloigner de sa personne, en le privant de l'office de bailli de Touraine ; il lui conserva ses titres de conseiller et chambellan et une partie de sa pension[31]. Précigny se retira en Anjou[32], où il devint, comme président du conseil ducal, le plus intime confident du roi René, qui plus tard devait lui faire épouser (en quatrièmes noces) une de ses filles naturelles. Chargé d'importantes missions par son maître, il reparut à la Cour et siégea même parfois dans le Conseil[33]. Après la disgrâce du sire de Précigny survint celle d'un des plus grands seigneurs de la Cour, le sire de Culant. Charles, sire de Culant, avait, au commencement de 1449, été investi de la charge de grand maître d'hôtel de France[34], qu'avait exercée le comte de Vendôme ; Louis de Culant, son oncle, mort en 1444, avait rempli dignement l'office d'amiral de France ; Philippe, son frère, seigneur de Jalognes, était maréchal de France depuis 1441. Conseiller et chambellan du Roi ; capitaine d'une des compagnies d'ordonnances créées en 1445[35] ; honoré à plusieurs reprises de missions de confiance[36] ; chargé, avec trois autres conseillers du trône, d'assister le Dauphin quand celui-ci s'éloigna de la Cour pour se rendre en Dauphiné ; parvenu enfin à la dignité de grand officier de la Couronne[37], le sire de Culant semblait devoir être au-dessus de tout soupçon. Durant la campagne de Normandie, il figura partout avec éclat[38] ; à l'entrée de Rouen, il avait, dit Jean Chartier, la charge et le gouvernement de la bataille, où il y avoit cinq à six cents lances. Le chroniqueur s'étend avec complaisance sur la richesse de son équipement[39]. La conquête est achevée. Culant a eu sa part des récompenses données à cette occasion[40]. Le 25 janvier 1451, il est à Tours, et l'on établit le compte du trimestre précédent, en la chambre du grand maître, en présence du titulaire et des deux maîtres d'hôtel de service, Jean de Chambes et Louis de la Rochette[41]. Soudain de graves accusations surgissent, et l'instruction qui est ouverte ne tarde point à en établir la preuve[42]. Culant a abusé de sa charge de capitaine pour s'attribuer une partie de la solde de ses gens ; il a cassé des hommes d'armes ou des archers pour les rétablir ensuite, et aperçu leurs gages durant la vacance ; presque jamais il n'a tenu sa compagnie au complet, et, pour dissimuler cette irrégularité, il a, durant la campagne de Normandie, fait figurer parmi ses gens des francs archers comme archers et valets de guerre ; enfin il n'a cessé de détourner les fonds destinés au paiement des compagnies d'ordonnances, et cela pour une somme considérable. L'enquête amène en outre une fâcheuse découverte. Tout jeune encore, à l'âge de dix-huit à vingt ans, Culant a prêté l'oreille à un complot formé contre la vie de son oncle l'amiral, dans le but de le rendre héritier de toutes les terres de celui-ci, et il n'a point dénoncé l'instigateur, lequel depuis a été incarcéré par l'amiral et est mort en prison. Le grand maître est donc en passe de subir une rigoureuse condamnation. Mais Culant a des amis nombreux et puissants ; il fait si bien que le Roi se laisse toucher par ses instances, par celles de Richemont, de Dunois, d'autres encore, qui intercèdent en sa faveur. Des lettres de rémission lui sont accordées (mars 1451) : Culant en est quitte pour la perte de sa charge de grand maître et de ses autres offices[43]. Charles VII pousse même l'indulgence jusqu'à lui faire payer les termes échus de ses pensions[44]. Tous les chroniqueurs ont gardé le silence sur sa disgrâce. Seule la Chronique martinienne nous apprend qu'il fut destitué pour ce qu'on disoit qu'il avoit pris l'argent d'ung quartier de ses gens d'armes[45]. Le procès de Xaincoins, l'affaire du grand maître Culant semblent avoir été le point de départ d'un certain nombre de poursuites judiciaires. Au commencement de 1451, un avocat du Roi au Parlement, Jean Barbin, vient s'installer auprès du Roi, qui le retient pendant presque toute l'année[46]. Des arrestations ont lieu à plusieurs reprises[47]. Des poursuites sont dirigées contre des particuliers, soit pour avoir tenu des propos injurieux contre le Roi[48], soit sous l'inculpation d'un crime de lèse-majesté[49]. Mais voici que s'ouvre, au mois d'août, un procès bien autrement important, dont la coïncidence avec la condamnation du receveur général Xaincoins[50] est à remarquer, et dont le retentissement devait s'étendre de siècle en siècle. Le procès de Jacques Cœur est un des événements les plus fameux et en Même temps les plus obscurs du règne de Charles VII. La question de la culpabilité du célèbre argentier est restée à l'état de problème ; il semble difficile de la résoudre d'une façon définitive[51]. Bornons-nous à exposer les faits, laissant au lecteur le soin d'apprécier et de conclure. On sait peu de chose sur l'origine de Jacques Cœur. Il appartenait à une famille de marchands, et l'on croit que Pierre Cœur, son père, était originaire de Saint-Pourçain. Installé à Bourges, où il se livrait au commerce de la pelleterie, celui-ci acquit une certaine richesse. C'est dans cette ville que naquit Jacques Cœur[52], à une époque restée incertaine mais qui ne peut être éloignée de l'année 1395[53]. Élevé dans une boutique, initié au négoce dès le premier âge, le jeune homme ne reçut pas une éducation très complète : nous savons qu'il était étranger aux lettres ; il devait y suppléer grâce aux dons vraiment merveilleux que le ciel lui avait départis pour tout ce qui touchait au commerce et aux matières d'administration. C'était, dit Thomas Basin, un homme sans littérature, mais d'un esprit infini et très ouvert, très industrieux pour tout ce qui concernait les affaires[54]. La première trace du futur argentier de Charles VII que nous offre l'histoire, se rencontre dans des lettres de rémission données, au mois de décembre 1429, à Ravant le Danois, maitre des monnaies à Bourges, et à ses associés, pour avoir fabriqué des écus faibles de poids. Chassé de Normandie, son pays d'origine, par l'occupation anglaise, Ravant était venu vers 1420 s'établir à Bourges, où le Dauphin l'avait nommé maître de la monnaie[55]. Jacques Cœur était un de ses associés. Ruiné par les emprunts forcés que, durant les années de détresse qui précédèrent la venue de Jeanne d'Arc, les officiers royaux faisaient sur les gardes des monnaies[56], Ravant eut recours à l'expédient dont la royauté elle-même avait, à plus d'une reprise, donné l'exemple : la fabrication d'espèces faibles de poids ; son jeune associé réalisa ainsi, pour sa part, un bénéfice qu'on évalue de cent vingt à cent quarante écus. Les commissaires sur la réformation des monnaies nommés en avril 1426, après les États généraux tenus à Poitiers[57], constatèrent le fait : de là des poursuites. Si Ravant le Danois ne s'était signalé par d'éminents services rendus au Roi pendant la campagne du sacre[58], il eût encouru un châtiment sévère : il en fut quitte pour le paiement d'une amende de mille écus d'or[59]. Que devint Jacques Cœur après cet incident ? Il parait avoir formé une association pour l'entreprise des fournitures de la Cour. C'étaient les marchands de Bourges qui devaient pourvoir à l'approvisionnement de l'hôtel du Roi, de la Reine et des enfants royaux ; une partie de ces fournitures étaient gratuites. En retour de ce sacrifice, le Roi avait concédé aux marchands des sûretés et des privilèges qui leur permettaient d'exercer librement leur négoce[60]. L'association dura jusqu'en 1439, et paraît avoir été assez fructueuse[61]. Mais l'opération principale à laquelle se livra Jacques Cœur fut celle du commerce avec le Levant : au commencement de 1433, il se trouvait en Orient, où un écuyer d'écurie du duc de Bourgogne, qui faisait le voyage de Terre Sainte, le rencontra. Nous avons cité déjà le passage de la relation de Bertrandon de la Brocquière où Jacques Cœur est mentionné[62]. On le retrouve à Bourges, où il paraît avoir repris son poste à la monnaie jusqu'au moment où il fut nommé maître particulier des monnaies dans la capitale, rentrée sous la domination royale[63]. Commis vers 1436 au fait de l'argenterie[64], et en même temps élu sur le fait des aides en Berry[65] il devint, en 1440 au plus tard, argentier en titre[66] : en cette année Radegonde et Jeanne de France donnaient quittance à Jacques Cœur, argentier du Roi, des sommes de quatre-vingt et de soixante livres parisis, à elles remises pour avoir une robe[67]. La charge d'argentier, créée vers
la fin du treizième siècle, correspondait, dit M. Vallet de Viriville,
à celle que nous avons connue dans les temps
modernes sous le titre d'intendant général de la liste civile. L'argentier
recevait en compte du Trésor une somme affectée aux dépenses et fournitures
journalières du Roi, de sa famille et de sa Cour. Il devait, en outre, tenir
provision et magasin d'étoffes, meubles, bijoux, denrées de toute espèce,
marchandises ou matières premières en nature ou manufacturées qui pouvaient
être nécessaires à cette consommation journalière[68]. En 1441, Jacques Cœur est anobli, par lettres données à Laon au mois d'avril, en considération de ses mérites et des services rendus par lui tant en sa charge d'argentier qu'autrement, et ce privilège s'étend à sa femme, Macée de Léodepart, et à sa postérité[69]. En 1440 et années suivantes, il est désigné comme l'un des commissaires royaux auprès des États de Languedoc, et, jusqu'en 1451, il est maintenu dans cette délégation fort lucrative[70]. En janvier 1443, il est l'un des commissaires ordonnés paie réprimer les excès de certains sergents-commissaires et autres du Languedoc[71]. En mai 1443, il est envoyé en Auvergne avec Guillaume Jouvenel pour faire finance d'une somme de cent vingt-cinq mille livres[72], et, de 1443 à 1445, il est délégué auprès des États d'Auvergne[73]. Il est au nombre des commissaires du Roi qui, en juin 1444, Président à l'installation du parlement de Toulouse[74], et, en janvier 1445, sont chargés de régler le différend avec les Gênois[75]. Il exploite les mines du Lyonnais et du Beaujolais[76] ; il prend part aux mesures rendues en faveur de certains corps de métier[77] ; il est nommé visiteur général des gabelles du Languedoc[78]. Membre du grand Conseil au commencement de 1416[79], il est investi d'importantes missions diplomatiques : il fait partie de l'ambassade à Gênes en mars 1447, de la grande ambassade à Rome en 1448, au cours de laquelle il préside au ravitaillement de Finale, enfin de la grande ambassade envoyée à Genève en 1449 pour la pacification de l'Église[80]. Durant cette période, la faveur de Jacques Cœur est à son apogée. Il en profite pour étendre son commerce : il a des comptoirs à Paris, à Lyon, à Marseille, à Montpellier, à Bruges, et de jour en jour il s'ouvre de nouveaux débouchés ; il a de grands vaisseaux qui sillonnent les mers : dans les parages de l'Orient, il n'est guère de mat qui ne porte les fleurs de lys ; trois cents facteurs obéissent à ses ordres[81]. On dit qu'à lui seul il réalise chaque année des gains supérieurs à ceux de tous les marchands du royaume[82]. Il fait l'étonnement et l'admiration de ses contemporains, qui s'accordent à reconnaître qu'il n'a pas son pareil au monde[83]. Jean de Village, qui a épousé une de ses nièces, est à la tête de ses galères. Vers 1447, Village parut à la cour du sultan d'Égypte, auquel il remit une lettre de Charles VII ; il rapporta, avec des présents pour le Roi, un firman contenant les privilèges les plus étendus pour les marchands français[84]. Rien n'égale le luxe déployé par Jacques Cœur. Il est magnifiquement vêtu, à l'égal des plus grands seigneurs[85]. En quelque lieu qu'il soit, il se fait servir en vaisselle d'argent[86]. Il a des maisons dans la plupart des grandes villes[87] ; son hôtel de la Chaussée à Bourges, acquis en 1443, est une merveille d'architecture, et il n'épargne rien pour en faire la plus somptueuse demeure que l'on puisse imaginer[88]. Ce n'est point assez pour lui d'avoir de nombreux comptoirs et de riches hôtels : il veut acquérir des possessions territoriales qui lui permettent de marcher de pair avec les grands seigneurs. Profitant de la gêne des uns, de la ruine des autres, il achète de tous côtés des châteaux, des terres, des châtellenies entières. Sa soif d'acquisition est insatiable, et l'on peut énumérer jusqu'à quarante seigneuries dont il s'est assuré la possession[89]. S'il veille sur ses richesses avec un soin parcimonieux[90], il sait quand il convient de se montrer libéral et dépenser sans mesure ; il fait construire à ses frais, sur un terrain attenant à la cathédrale de Bourges, une sacristie qu'on admire encore aujourd'hui. Les armes de Jacques Cœur et de sa femme sont sculptées de tous côtés, avec la fière devise qu'on lit déjà sur les murs de son hôtel : A VAILLANS CUEURS RIENS IMPOSSIBLE. Sur l'emplacement de l'ancienne sacristie, une splendide chapelle s'élève pour servir de sépulture à lui et aux siens[91]. Jacques Cœur n'a garde d'oublier ses proches, Son frère Nicolas, chanoine de la Sainte-Chapelle de Bourges le 26 juillet 1437[92], est promu en octobre 1441 à l'évêché de Luçon[93]. Son fils aîné, Jean, chanoine de la Sainte Chapelle de Bourges le 24 décembre 1442 en remplacement de Nicolas Cœur, chanoine de Saint-Martin de Tours le 11 juillet 1446, est nommé la même année, à l'âge de vingt-cinq ans, archevêque de Bourges. Son second fils, Henri, est nommé chanoine de la Sainte-Chapelle de Bourges, le 20 juillet 1446, en remplacement de Jean[94]. Sa fille Juliette est mariée, le 27 mai 1447, à Jacquelin Trousseau, fils d'Artault Trousseau, seigneur de Marville et de Saint-Palais, puis vicomte de Bourges[95]. Nous avons dit que Jacques Cœur tenait tout le monde par la bourse : il n'est seigneur de la Cour qui ne soit son débiteur. L'inventaire de ses papiers, dont une partie nous a été conservée, fournit l'énumération des personnages les plus notables du temps[96]. Fort bien vu d'Agnès Sorel, qui le désigne comme un de ses exécuteurs testamentaires, il est au mieux, tout porte à le croire, avec Antoinette de Maignelais, la nouvelle favorite. Nous savons du moins qu'il est en fort bons termes avec les mignons du Roi : il sert de témoin dans l'acte par lequel Dunois renonçait à toute prétention sur Saint-Sauveur-le-Vicomte en faveur d'André de Villequier[97], et Guillaume Gouffier, qui se fait avancer par lui, au moment de son mariage, deux mille écus pour son ménage et ses ustensiles d'hôtel[98], lui écrit familièrement en le qualifiant de parrain[99]. On sait le noble rôle joué par Jacques Cœur durant la campagne de Normandie : Sire, dit-il au Roi, ce que j'ai est vôtre[100], et il ouvre ses caisses pour faciliter l'achèvement de la conquête[101]. L'argentier devait bien cela à son maître qui, à l'entrée solennelle dans la ville de Rouen, l'avait traité à l'égal des princes[102]. En 1450 et 1451, Jacques Cœur réside constamment auprès du Roi ; il est en correspondance avec les grands et même avec les souverains : nous avons de lui une lettre à la duchesse de Bourgogne, datée de Bernay le 10 mars 1450[103] ; il reçoit du duc d'Orléans l'ordre du Camail[104] ; il est comblé de bienfaits par le Roi[105] ; outre ses charges et ses missions lucratives[106], il a les capitaineries de Saint-Pourçain, de Sommières, de Saint André-les-Avignon, de Pierre-Assise et du château de Lyon. La colossale fortune de Jacques Cœur lui attire l'envie d'un grand nombre[107], le blâme de plusieurs[108]. Le procès du receveur général Jean de Xaincoins, entamé en 1450, suscite certaines rumeurs qui arrivent aux oreilles de l'opulent argentier[109]. Des Plaintes arrivent même du dehors, formulées par des puissances alliées de la couronne[110]. Jacques Cœur ne s'émeut pas : il semble n'avoir nul souci des jalousies et des haines qu'une fortune si rapide et si inouïe devait exciter ; il ose même faire parade d'une liberté de langage qui n'épargne personne et ne respecte pas la majesté royale[111]. Le 18 juillet 1451, il donne quittance de ses gages de six cents livres comme visiteur général des gabelles[112] ; le 15, il déclare avoir reçu douze cents livres pour la garde du château de Sommières[113] ; le même jour, il donne quittance de trois cents livres pour la garde de Saint-André-les-Avignon[114] ; le 20, il donne quittance de deux cents livres sur les deux mille attribuées par le Roi aux commissaires envoyés en avril 1449 aux États de Languedoc[115] ; le 26, il donne une nouvelle quittance de sept cent soixante-deux livres, à lui données par le Roi pour m'aider à entretenir mon estat et estre plus honorablement à son service[116]. Le 30, il contresigne une ordonnance. A ce moment, Jacques Cœur écrit à sa femme : Quelque chose que l'on en dise, mon fait est aussi bon et suis aussi bien envers le Roi que j'aie jamais été[117]. Fouquet, lui aussi, deux siècles plus tard, disait à d'Artagnan, chargé de l'arrêter : Je croyais être dans l'esprit du Roi mieux que personne du royaume[118]. Le mois de juillet n'était pas achevé, que Jacques Cœur était poursuivi, sous l'inculpation d'avoir empoisonné Agnès Sorel[119]. Cette accusation était formulée par Jeanne de Vendôme, dame de Mortagne. Une première enquête fut faite immédiatement et l'on en présenta le résultat au Roi. Charles VII examina l'affaire au sein de son grand Conseil ; il fut décidé que Jacques Cœur serait arrêté, que ses biens seraient mis, par inventaire, entre les mains du Roi, et confiés à la garde de bons et sûrs commissaires, à charge d'en rendre compte quand il appartiendrait. Jacques Cœur se présenta alors devant le Roi, et, en présence des membres du grand Conseil et d'autres officiers royaux, il exposa que, par l'ordre de son maître, plusieurs de ses serviteurs lui avaient été enlevés, et qu'il avait entendu dire qu'on faisait certain procès contre lui ; il requit qu'il plût au Roi d'avoir égard à son fait, et de lui tenir termes de raison et justice ; il offrit de se constituer prisonnier et de garder tel arrêt qu'il plairait au Roi pour se justifier de ce dont on l'accusait. Après avoir délibéré sur cette requête, Charles VII fit dire à Jacques Cœur que son offre était juste et raisonnable, qu'il l'agréait, et qu'il voulait et ordonnait que l'argentier se constituât prisonnier au château de Taillebourg[120]. Jacques Cœur fut placé sous la garde de Mathieu d'Harcourt, seigneur de Rugny, commandant d'une compagnie d'archers de la garde du Roi ; mais il ne tarda pas à être transféré au château de Lusignan[121]. Là il fut confié à Antoine de Chabannes, chargé à la fois de le garder et de pourvoir à sa nourriture[122]. En même temps Simon de Varie, l'un des facteurs de Jacques Cœur, était arrêté à Tours[123]. Des ordres furent donnés aussitôt pour aller en divers lieux saisir les biens de l'argentier et les mettre en la main du Roi[124], et une commission fut nommée pour instruire le procès. On a dit que Charles VII chargea de la direction même de l'affaire les ennemis déclarés de Jacques Cœur, ceux qui profitaient le plus de ses dépouilles[125], et l'on a cité comme acteurs principaux Antoine de Chabannes, Guillaume Gouffier et Otto Castellani ou Castellain[126]. Nous sommes en mesure de donner les noms, ignorés jusqu'ici, des juges investis par Charles VII de la mission d'instruire la cause. L'un des avocats consultés en 1461 et 1462 par les fils de Jacques Cœur disait que le procès avait été dirigé par gens de grande autorité et en grand nombre[127]. Il savait évidemment à quoi s'en tenir, et il ne se trompait pas. Voici les noms des commissaires royaux : Jean Tudert, conseiller et maître des requêtes de l'hôtel du Roi ; Hugues de Couzay, conseiller du Roi et lieutenant du sénéchal de Poitiers ; Élie de Tourettes, conseiller du Roi et lieutenant du sénéchal de Saintonge ; Pierre Rocque, Denis d'Auxerre, Léonard Guerinet, Pierre Gaboureau, conseillers du Roi et praticiens en cour laye ; enfin Guillaume Toreau, notaire et secrétaire du Roi[128]. A ces personnages fut adjoint, peu après, Jean Barbin, conseiller et avocat du Roi au Parlement[129], le même que nous avons vu plus haut retenu près du Roi depuis le commencement de 1451. En même temps, Charles VII désigna deux commissaires pour mettre en sa main les biens de Jacques Cœur et les gérer pendant la durée du procès[130]. Peu après il donna commission à divers personnages, parmi lesquels figurent Guillaume Gouffier et Otto Castellain, pour procéder à des informations, soit à Montpellier, soit ailleurs[131]. L'instruction du procès suivit son cours à Lusignan, du mois d'octobre 1451 au mois de juin 1452[132]. Pour être mieux à portée d'être renseigné, Charles VII vint, au commencement d'octobre, s'établir au château de Villedieu de Comblé, situé entre Niort et Lusignan. Nous avons vu que la première accusation lancée contre Jacques Cœur était une accusation d'empoisonnement à l'égard d'Agnès Sorel : Après le décès de feue Agnès Sorelle, damoiselle, lisons-nous dans l'arrêt de condamnation, la commune renommée fust qu'elle avoit esté empoisonnée, et par icelle renommée Jacques Cueur, lors nostre conseiller et argentier, en eust esté soupçonné. Mais il y en avait une autre plus grave, sur laquelle l'arrêt reste muet, celle d'une conspiration contre la personne du Roi[133]. Dans le cours de l'instruction, de nouveaux chefs furent produits. Les voici tels que l'arrêt les énumère : Et aussy d'avoir envoyé du harnois de guerre aux Sarrazins nos anciens ennemis de la foy chrestienne, et qu'aucuns de nos subjects nous eussent fait plusieurs grandes plaintes et clameurs dudit Jacques Cueur, disant iceluy Cueur avoir fait plusieurs concussions et exactions en nostre pays de Languedoc et sur nos sujets, et avoir transporté ou fait transporter auxdiz Sarrazins par ses gens, facteurs et serviteurs sur ses gallées grande quantité d'argent blanc, et tellement que l'on disoit avoir du tout exilé et desnué nostre pays de Languedoc. Jacques Cœur était donc accusé : 1° D'avoir conspiré contre la personne du Roi ; 2° D'avoir empoisonné Agnès Sorel ; 3° D'avoir envoyé des harnais de guerre aux infidèles ; 4° D'avoir exporté chez les Sarrasins une grande quantité d'argent blanc ; 5° D'avoir commis en Languedoc des concussions et des exactions dont l'abus aurait été poussé si loin que le pays en était resté appauvri. Plus tard d'autres chefs d'accusation se produisirent et furent retenus par les commissaires. On accusa Jacques Cœur : D'avoir fait fabriquer en 1429 et 1430, étant compagnon de la ferme de la monnaie de Bourges, des écus courts de poids ; D'avoir rendu aux Turcs un jeune esclave chrétien qui s'était réfugié sur une de ses galères et qui avait été amené à Montpellier[134] ; D'avoir fait embarquer de force sur ses navires non seulement des gens de mauvaise vie, mais un pèlerin allemand qui, de désespoir, s'était jeté à la mer, et deux sergents du Roi à Montpellier[135] ; D'avoir commis des fraudes dans le navigage du sel[136] ; D'avoir fait fabriquer, à l'insu de son maître, un petit sceau semblable au petit scel de secret du Roi, lequel sceau, après son arrestation, avait été fondu secrètement par certains de ses serviteurs[137] ; De s'être fait donner par les ambassadeurs du duc de Bourbon, lors du mariage de Jeanne de France avec le comte de Clermont, et sous un prétexte injurieux pour le Roi, une obligation montant à la somme de deux mille écus d'or[138] ; D'avoir exigé indûment des marchands de Provence, de Catalogne et de Gênes, de grandes sommes, et de les avoir trompés au sujet de la marque, qui, en outre, avait servi de prétexte à des exactions[139] ; D'avoir, malgré sa qualité de conseiller et officier du Roi, été l'associé de certains fermiers, notamment en ce qui concernait les foires de Pezenas et de Montagnac, réalisant par là des profits illicites et trompant sur la valeur des fermages[140] ; D'avoir imposé sur le Languedoc, sans le sçu et consentement du Roi, de grandes sommes de deniers, en sus des tailles, et d'avoir abusé du nom du Roi[141] ; D'avoir réalisé de gros bénéfices sur les emprunts faits par le Roi[142] ; Les faits relatifs à l'envoi des harnais de guerre aux infidèles et à l'exportation des monnaies furent précisés, et les charges qui en résultaient se trouvèrent fort aggravées[143]. Il en fut de même pour les faits de concussion en Languedoc[144]. Enfin de graves inculpations étaient relevées contre Jacques Cœur, relativement à la gestion des affaires financières auxquelles il avait été[145] mêlé. De nombreux témoins furent entendus. Jacques Cœur aurait déclaré, au cours du procès, qu'ils étaient ses ennemis[146] ; mais le grand nombre des dépositions et leur concordance ne permettent point le doute sur certains faits, établis d'une façon indubitable, et reconnus d'ailleurs par l'accusé[147]. La dame de Mortagne et François de Montberon, son mari, furent appelés à Lusignan, où ils séjournèrent depuis le mois de décembre jusqu'au mois de juin[148]. À Montpellier, et ailleurs, on recueillit les dépositions de bon nombre de facteurs ou serviteurs de Jacques Cœur, de patrons de ses galères, d'officiers des monnaies et d'autres officiers royaux[149]. Nous ne possédons point — cette remarque est importante — tous les éléments de la cause[150]. Les extraits qui nous ont été conservés ne contiennent que les dépositions d'un certain nombre de témoins ; ils sont muets sur les moyens de défense employés par Jacques Cœur, dont nous n'avons ni les interrogatoires, ni ce qu'on a appelé les confessions. Pour être renseigné à cet égard, il faut recourir à des sources un peu suspectes, savoir les lettres patentes de Louis XI données à la requête des fils de l'argentier et rédigées sous leur inspiration[151], et les plaidoiries de leur avocat dans le procès intenté en 1462 devant le Parlement[152]. Voyons, d'après ces documents, ce qu'allégua Jacques Cœur en réponse aux accusations dont il était l'objet. Il va sans dire qu'en ce qui touche à la conspiration contre la personne du Roi le plus complet silence est observé. Sur l'accusation d'empoisonnement, il déclara qu'il ne l'avoit fait ne fait faire, et qu'il ne savoit que c'estoit desdictes poisons[153]. Sur la vente d'armes aux infidèles, il invoqua l'autorisation du Roi et deux brefs des papes Eugène IV et Nicolas V, portant Congé à ce sujet[154]. Sur l'exportation des monnaies, il prétendit n'avoir transporté dans le Levant que des monnaies étrangères ; de son sceu et commandement il n'en avait point été transporté d'autres, sinon en très petite quantité. Sur les concussions et exactions commises en Languedoc, il répondit qu'il ne se trouveroit point que il eust exigées aucunes sommes d'or et d'argent dont il n'eust tenu et eust vouloir de tenir bon et loial compte à son maître ; mais il ajoutait pouvoit estre que ledit pais, oultre la somme octroyée, luy auroit donné aucunes petites sommes de deniers qu'il avoit eues et appliquées à son proffit[155]. Sur la fabrication des monnaies, alors qu'il tenait le compte de la monnaie de Bourges, il invoqua les lettres de rémission données à Ravant le Danois. Sur la restitution de l'esclave chrétien, il allégua les empêchements qui, sans cela, seraient survenus pour la libre circulation de ses galères ; il n'avait agi, d'ailleurs, que sur les plaintes des marchands et sur les observations du grand maître de Rhodes, et il ignorait si l'esclave était chrétien ou non. Sur l'embarquement forcé de gens sans aveu, il invoquait à sa décharge des lettres de Charles VII, en date du 22 janvier 1443, portant autorisation à certains particuliers du Languedoc d'embarquer sur une galère les personnes oyseuses, vagabonds et autres cahyniens qui abondaient dans la contrée. Sur la fabrication d'un sceau de plomb semblable au sceau secret du Roi, il répondit que pour le fait de Gennes ou de l'Église fut ordonné qu'il en feroit un petit scel en plomb pour sceller aucuns blancs baillez, nécessaires pour la matière, et que des secrétaires avaient été désignés pour signer ces lettres en blanc et en rapporter le double ; le sceau, d'ailleurs, était resté aux mains du feu patriarche de Poitiers et de maître Jean Thierry, et il ne se rappelait pas l'avoir oncques tenu. Sur l'obligation de deux mille écus exigée des ambassadeurs du duc de Bourbon, il déclara n'avoir pris à cet égard aucune initiative et n'avoir reçu aucun paiement effectif. Sur l'affaire des marques et des sommes perçues indument des marchands ou habitants de Provence, d'Avignon, de Catalogne et de Gênes pour les faire cesser, il prétendit n'avoir agi qu'en vertu de délibérations du Roi et du Conseil ; les deniers reçus avaient été distribués conformément aux ordres du Roi ; s'il avait touché quelques sommes de deniers, en récompense du bienfait procuré, il avait pu les prendre licitement[156]. Sur l'affaire du petit sceau de Montpellier, il avoua avoir reçu cinq mille écus[157]. Sur l'abus qu'il aurait fait du nom du Roi et sur les propos tenus par lui aux États de Languedoc, disant que quand on donnait au Roi cinq ou six mille francs en sus de l'aide on lui faisait plus grand plaisir qu'en octroyant l'aide elle-même, il déclara que il le pourroit avoir dit pour induire les gens du païs à l'octroier plus legièrement, et en ce avoit tousjours fait tout le mieux qu'il avoit peu, et que de telles choses il n'avoit riens eu à son proffit. D'ailleurs il s'en rapportait à ce sujet au Roi. Quand l'instruction fut arrivée à son terme, Charles VII désigna Pierre Briçonnet comme examinateur du procès[158]. Puis il ordonna de transférer Jacques Cœur au château de Maillé près Tours[159], et le fit de nouveau interroger sur tous les points relevés à sa charge[160]. On mit ses confessions par écrit, et toute la procédure fut apportée au château de Chissay, où le Roi se trouvait alors. Le 14 juin 1452[161], en présence de plusieurs princes du sang, des membres du Conseil, des commissaires chargés de l'instruction, de plusieurs autres conseillers et de membres du Parlement[162], on examina la question de savoir si l'on devait, soit rendre une sentence définitive contre Jacques Cœur, soit procéder à son élargissement, soit poursuivre l'instruction. Après grande et mûre délibération, et conformément à l'avis unanime de l'assemblée[163], Charles VII décida que le procès n'était point en état d'être jugé. En conséquence, Jacques Cœur fut admis à faire la preuve de ses moyens de justification, et un délai de deux mois lui fut donné à cet effet. Ce délai écoulé, il devait être de nouveau interrogé ; et s'il ne monstroit et enseignoit souffisamment deddens ledit delay des choses dont il s'estoit chargé monstrer, et aussy s'il ne disoit la verité sur lesdictes charges, l'on en sauroit la verité par sa bouche, par voye extraordinaire de question, ainsi que l'on verroit estre à faire par raison[164]. Cette décision fut signifiée à Jacques Cœur le 26 juin, au château de Maillé, en présence du comte de Dammartin, de Jean Barbin, de Jean Tudert, de Hugues de Couzay, d'Elie de Tourettes, de Léonard Guerinet et d'Otto Castellain[165]. Jacques Cœur réclama contre les procédés dont on usait à son égard. Il fit observer que, 'en ce qui touchait aux matières financières, on ne le traitait pas suivant la coutume usitée en pareil cas ; il demanda qu'on lui donnât la faculté d'avoir un conseil pour répondre aux accusations dont il était l'objet. Quant au délai qu'on lui accordait, il dit que, dans la situation où il se trouvait, il lui semblait difficile de pouvoir fournir ses moyens de justification. Il ajouta : En tant que touche les congés du Pape et autres choses que j'ai dites en mes confessions, je crois avoir dit vérité et non autre chose[166]. Après s'être consultés, les commissaires répondirent qu'on n'avait pas coutume, en ce royaume, quand un officier était poursuivi pour des matières concernant son office, de lui fournir un conseil : Jacques Cœur devait répondre verbalement ; par conséquent, sa requête sur ce point n'était pas admise. Que si, pour pouvoir se justifier, il avait besoin d'un plus long délai, il n'avait qu'à le demander ; et s'il désirait se mettre en communication avec quelques-uns de ses gens, il pouvait indiquer leurs noms : on les ferait venir afin qu'il pût conférer avec eux. Jacques Cœur se borna à faire cette déclaration : Quant à moi, je m'en remets du tout à la bonne grâce du Roi. Au regard de moi et de tous mes biens, tout est au Roi et en sa disposition pour en faire à son bon plaisir. Les commissaires lui exposèrent alors les points sur lesquels, par ses confessions, il s'était fait fort de se justifier, en lui déclarant que, s'il ne produisait ses justifications, on tiendrait Ces points comme reconnus par lui, savoir : le commerce avec les infidèles et la livraison de certains harnais et ustensiles de guerre ; les abus commis en la monnaie de Bourges ; l'affaire des marques ; les sommes reçues, soit de la ville de Toulouse, Soit des États de Languedoc, soit d'ailleurs ; l'enlèvement des coquins et ruffiens[167]. Jacques Cœur ayant demandé que cette énumération fût mise par écrit, afin qu'il pût y répondre, on lui en délivra aussitôt copie[168]. La teneur des articles fut remise à l'accusé dans une seconde audience, qui eut lieu le même jour. Il se récria sur la brièveté du délai qui lui était donné, et sur l'inutilité de conférer avec ses facteurs Jean Thierry et Pierre Jobert, qu'on offrait de faire Comparaître ; il manifesta le désir de pouvoir communiquer avec l'évêque d'Agde (alors absent), avec Guillaume de Varie (qui était hors du royaume), avec son fils l'archevêque de Bourges. Finalement il se décida à se mettre en rapport avec Thierry et Jobert. Ceux-ci furent aussitôt introduits devant les juges, qui leur firent prêter serment de bien et loyaument executer ce qui leur sera chargé par ledit Jacques Cueur, au bien et prouffit d'iceluy Jacques Cueur, et à l'honneur du Roy et de sa justice, et de ne parler audit Cueur, ne monstrer par signe ne autrement fors des matières dont on leur parlera. Les deux facteurs purent ensuite conférer avec l'accusé, en présence des juges. Le lendemain, 27 juin, Jacques Cœur comparut de nouveau devant ses juges — savoir Chabannes, Barbin, Tudert, Couzay, Tourettes, d'Auxerre et Castellain, — et conféra une seconde fois avec ses facteurs, auxquels il remit un mémoire contenant des instructions pour procéder à la recherche des documents qu'il avait à produire et prendre à cet égard des informations auprès de certaines personnes[169]. Jacques Cœur fut autorisé en outre à écrire à tous ceux de ses amis auxquels il voudrait s'adresser pour produire ses moyens de défense. Le 28 juin, l'accusé, en présence des juges, conféra pour la troisième fois avec Thierry et Jobert, et leur remit quatre lettres, l'une pour l'archevêque de Bourges, une autre pour l'évêque d'Agde et les deux dernières pour deux de ses facteurs. Un délai lui fut donné jusqu'au 1er septembre pour fournir ses moyens de défense, ce qui fut accepté par lui[170]. Nous avons des lettres du Roi, en date du 17 juillet, adressées à Jean d'Estampes, évêque de Carcassonne, Otto Castellain, et autres commissaires ordonnés sur le fait de Jacques Cœur au pays de Languedoc. Par ces lettres, Charles VII déclarait que Jacques Cœur avait été et était détenu en ses prisons pour certains grands crimes, delicts et excez à luy imposez, et que, en examinant son procès, fait sur ce à grande et meure deliberation, il avait été décidé par lui, les gens de son grand conseil, et certains commissaires ordonnés pour faire le procès, qu'il serait accordé à l'accusé un délai pour fournir ses moyens de défense ; que, du consentement de Jacques Cœur, Jean Thierry, secrétaire du Roi, et Pierre Jobert devaient se rendre en Languedoc et en Provence pour procéder à des informations ; en conséquence, le Roi ordonnait que toutes facilités fussent données aux dits Thierry et Jobert pour la tâche qu'ils avaient à remplir, et que, moyennant récépissé, toutes les pièces qu'ils réclameraient leur fussent fournies[171]. Dans l'intervalle qui s'était écoulé depuis l'arrestation de Jacques Cœur, ses amis avaient agi auprès du Pape. Au mois de mai 1452, Nicolas V se décida à faire une démarche en sa faveur : un clerc de la Chambre apostolique fut envoyé au Roi, et le cardinal d'Estouteville, qui était alors en France comme légat, fut chargé d'intercéder en faveur de l'argentier[172] ; en outre, par un bref en date du trois des nones de mai (5 mai), adressé à Jacques Cœur, le Pape, en reconnaissance du dévouement dont il avait fait preuve envers le Vicaire de Jésus-Christ et l'Église romaine, et faisant droit à ses sollicitations, concédait à lui et aux patrons de ses navires certains avantages[173]. Ceci n'était d'ailleurs que la confirmation de faveurs données antérieurement, soit pour Nicolas, soit pour son prédécesseur[174]. Les démarches du Pape en faveur de Jacques Cœur coïncidèrent-elles avec la décision royale du 14 juin ? Furent-elles Pour quelque chose dans les ménagements dont on semblait user à son égard ? Nous ne savons. Ce qui est certain, c'est que Nicolas V intervint pour demander la délivrance de l'argentier. Parmi les moyens de défense employés par Jacques Cœur, il en est un auquel il s'attacha avec persévérance, espérant par là échapper à la justice séculière, savoir la revendication du privilège de cléricature. Il prétendit qu'il était clerc tonsuré, et invoqua des lettres de tonsure qui lui auraient été délivrées. On fit beaucoup de recherches pour s'assurer de la réalité du fait ; on entendit plusieurs témoins ; on interrogea les barbiers employés en divers lieux par l'argentier : on ne put arriver à faire la preuve[175]. La chose avait d'ailleurs peu d'importance, car on était en droit d'invoquer contre Jacques Cœur les décisions de la Cour romaine portant que la tonsure ne peut servir de privilège aux clercs mariés, puisqu'ils la prennent non dans un but pieux, mais dans une pensée de fraude[176]. Cependant les délais donnés à Jacques Cœur étaient expirés. Charles VII, qui était alors aux Montils-les-Tours, fit transférer l'accusé au château de Tours et ordonna de poursuivre la procédure ; une nouvelle commission fut donnée. Aux juges précédemment institués furent adjoints d'autres officiers et conseillers, soit du Parlement de Paris, soit du Parlement de Toulouse ou d'ailleurs[177]. C'est à la date du 13 janvier 1453 que fut donnée cette commission[178]. Le lendemain, Jacques Cœur subit un nouvel interrogatoire. Le procès suivit son cours jusqu'au 22 mars. Ici nous n'avons sur les faits que des témoignages fort suspects : les lettres de Louis XI de 1462 et la plaidoirie de l'avocat des fils de Jacques Cœur. D'après ces témoignages, l'accusé ayant comparu devant ses juges, ceux-ci lui dirent qu'il se advisast bien, et que, s'il ne disoit la verité, on procederoit contre luy par gehenne et torture[179]. Le lendemain, on le mit en présence des instruments de supplice et on fit venir les torturiers, qui le firent depouiller, et après le lièrent par les poings et par les jambes pour le vouloir gehenner[180]. Jacques Cœur déclara qu'il était clerc, qu'il avait été pris en habit et tonsure de clerc ; qu'on lui avait toujours fait tort et qu'on agissait encore injustement à son égard ; que, pour cela, il en appelait de la question et de la procédure[181]. Certains des juges lui dirent que, puisqu'il se mettoit en telles matières, la question luy en seroit plus dure[182]. On mit alors en délibération le point de savoir s'il jouirait ou non du privilège de clerc, et on conclut pour la négative ; on refusa également de déférer à son appel[183]. L'interrogatoire commença, et porta sur l'empoisonnement, le transport des harnais, l'enlèvement de l'esclave. En présence des menaces qui lui furent faites, dépouillé et lié comme il l'était, il dit qu'il diroit ce que l'on voudroit, mais qu'il avoit dit la verité[184]. On lui demanda s'il s'en rapportait à la déposition des frères Tainturier ; il répondit qu'ilz estoient ses hayneux, mais que, s'il sembloit aux commissaires qu'il le deust faire, qu'il en estoit d'accord[185]. Le 27 mars, on lui lut ses confessions,
où il persévéra, Par crainte de la question ; mais il persévéra aussi dans
ses justifications[186]. Et, disent les lettres de Louis XI, pour le grand desplaisir qu'il avoit d'estre si longuement
prisonnier et le double qu'il avoit de ladicte question, se confiant de la grace
de nostre feu seigneur et père, lequel en tous cas, reservé celuy des
poisons, les avoient pardonnés et aboly, se rapporta a la deposition des
tesmoings qui avoient deposé contre luy ès autres cas que desdictes poisons,
combien qu'il dist qu'il n'avoit point commis lesdiz cas, et que lesdiz
tesmoings estoient ses hayneux[187]. C'était le moment où Charles VII se préparait à partir pour sa seconde campagne de Guyenne. Il quitta Montils-les-Tours vers le 12 avril pour prendre le chemin de Saintonge. Le 2 mai il était à Lusignan. C'est là qu'il manda tous les commissaires et se fit apporter, avec la procédure entière, tout ce qui avait été produit par Jacques Cœur pour sa justification. En même temps, l'accusé fut transféré du château de Tours au château de Poitiers. Une dernière intervention se produisit alors en sa faveur : son fils, l'archevêque de Bourges, le réclama en qualité de clerc solu[188]. Sur le refus qui lui fut opposé, il protesta, demandant acte de sa protestation et en appelant du jugement qui allait être rendu. Le 29 mai, à Lusignan, le Roi, siégeant en son grand Conseil, entouré de plusieurs princes du sang, de ses conseillers, des commissaires ordonnés pour le procès, et d'autres notables clercs réunis en grand nombre, procéda à un dernier examen de la cause. Après grande et mure délibération, l'arrêt fut prononcé par le chancelier Jouvenel des Ursins. Vu les procès et confessions de Jacques Cœur et tout ce qui avait été produit pour sa décharge devant les commissaires, vu et considéré ce qui était à voir et considérer en la matière, Jacques Cœur était déclaré coupable des crimes de concussion et d'exaction, de faux, de transport de grandes quantités d'argent chez les Sarrasins, de transport de billon d'or et d'argent en grand nombre hors du royaume, et par là criminel de lèse-majesté. Toutefois, disait le Roi, pour aucuns services à nous faits par ledit Jacques Cueur, et en contemplation et faveur de nostre saint Père le Pape, qui nous a pour luy reseript et fait requeste, et pour autres consideracions à ce nous mouvans, nous avons remis et remettons audit Jacques Cueur la peine de mort, et l'avons privé et declaré inhabile à tous-jours de tous offices royaux et publics ; et avons condamné et condamnons ledit Jacques Cueur à nous faire amende honorable en la personne de nostre procureur, nue teste et sans chaperon ny ceinture, à genoux, tenant en ses mains une torche ardente de dix livres de cire, en disant que mauvaisement, induement et contre raison il a envoyé et fait presenter harnais et armes au soldan ennemy de la foy chrestienne et de nous, aussy fait vendre aux Sarrazins ledit enfant, et fait mener et transporter auxdiz Sarrazins grande quantité d'argent blanc, et aussy transporté et fait transporter grande quantité de billon d'or et d'argent hors du royaume contre les ordonnances royauz, et qu'il a exigé, prins, levé, recelé et retenu plusieurs grandes sommes de deniers, tant de nos deniers que de nos pays et subjects, en requerant à ce mercy à Dieu, a nous et à justice. En outre, Jacques Cœur était condamné a racheter l'esclave chrétien aux Sarrasins, ou sinon à en racheter un autre ; à restituer, pour les sommes recelées, indûment retenues ou extorquées sur les pays ou sujets du Roi, cent mille écus, et à payer une amende profitable de trois cent mille écus, avec emprisonnement jusqu'à pleine satisfaction. Ses biens étaient confisqués et la peine du bannissement a perpétuité portée contre lui. Enfin, l'arrêt se terminait par' cette déclaration : Et au regard des poisons, pour ce que le Procez n'est pas en estat de juger pour le present, nous n'en faisons aucun jugement et pour cause. L'arrêt du 29 mai 1453 fut enregistré au Parlement de Toulouse le 5 avril de l'année suivante[189]. En même temps que Jacques Cœur était frappé, ceux qui avaient été ses premiers accusateurs subissaient également une condamnation : nous n'avons pas la sentence rendue contre Jeanne de Vendôme, dame de Mortagne ; mais nous savons qu'elle fut condamnée à faire amende honorable devant le procureur général et bannie du royaume[190]. Tels furent les motifs apparents de la sentence rendue contre Jacques Cœur. Dans cette disgrâce soudaine qui frappa d'étonnement les contemporains[191], dans cette condamnation qui a soulevé l'indignation des historiens, faut-il voir uniquement l'œuvre de la cupidité, de l'envie et de la haine ? Jacques Cœur fut-il vraiment la victime innocente de ces chiens de palais si justement flétris par les âmes honnêtes de ce temps[192] ? N'y eut-il pas une cause secrète, soigneusement dissimulée, qui suffirait à tout expliquer ? C'est ce qu'il nous faut rechercher en terminant. Nous avons vu que l'accusation formulée au début, avec celle d'empoisonnement — accusation sur laquelle l'histoire est restée muette[193], — était une conspiration contre la personne du Roi. Le procès de 1462 nous révèle ce fait important. On distingue soigneusement des autres chefs d'accusations ce qu'on appelle les cas vilains. Le Roi, répète-t-on, avait promis d'exonérer Jacques Cœur de toute poursuite s'il était reconnu innocent relativement à la conspiration et à l'empoisonnement[194]. Or, le silence le plus complet est gardé sur la conspiration, et l'on glisse sur l'empoisonnement, au sujet duquel l'arrêt ne se prononça pas, le procès n'étant pas en état de juger pour le présent. Ce silence n'est-il pas significatif ? La brusque arrestation de Jacques Cœur ne semble-t-elle pas avoir été une mesure politique[195] ? Le Roi ne voulait-il pas atteindre en lui l'ami secret, le complice de son fils révolté, qui ne cessait, du fond du Dauphiné, de s'agiter et d'intriguer, de ce fils contre lequel il allait bientôt être, obligé de sévir, car il devenait un danger pour l'État. Un historien célèbre, dont le sens historique est si sûr lorsqu'il n'est point obscurci par les préjugés religieux ou politiques, n'a pas craint d'écrire[196] : Jacques Cœur prêtait de l'argent au Dauphin ; l'argent prêté au Dauphin pour troubler le royaume fut peut-être son véritable crime. C'est là une pure conjecture, dira-t-on. Il faut convenir que la preuve est impossible à faire : Louis XI était trop intéressé à détruire tous les indices accusateurs de son indigne conduite à l'égard de son père, et nous savons qu'il n'épargna rien pour cela ; mais certains faits doivent être notés. Nous avons des lettres de Louis XI en date du mois d'avril 1463, par lesquelles il rend à Geffroy Cœur les biens disponibles restant de la succession de son père. Or, dans ces lettres, le Roi s'exprime en ces termes : Ayans en memoire les bons et louables services à nous faiz par ledit feu Jacques Cœur[197]. A peine arrivé au trône, Louis XI donne aux fils de Jacques Cœur des lettres les autorisant à poursuivre devant le Parlement la révision du procès de leur père. Il leur prodigue ses bienfaits : Jean Cœur, archevêque de Bourges, est appelé à siéger dans le grand Conseil[198] ; Henri Cœur, en faveur duquel, étant dauphin, il écrivait une chaleureuse recommandation au chapitre de Saint-Martin de Tours[199], est nommé maître clerc extraordinaire de la Chambre des comptes[200], puis maître ordinaire et doyen[201] ; Geoffroy Cœur devient valet de chambre et échanson du Roi[202]. Jacquelin Trousseau, époux d'une fille de Jacques Cœur, est au nombre des maîtres d'hôtel du Roi[203]. Plusieurs de ceux qui étaient dans l'intimité de l'argentier de Charles VII sont l'objet des mêmes faveurs : son associé, Guillaume de Varie, prend place aussitôt parmi les conseillers du nouveau Roi et est nommé général des finances[204]. Son principal facteur, Pierre Jobert, devient receveur général des finances en Normandie, puis en Languedoc[205]. D'autres personnages, qui avaient été les amis et peut-être les complices de Jacques Cœur, ou qui avaient été à cette époque disgraciés par Charles VII, sont l'objet des faveurs les plus marquées : Jean de Xaincoins, le receveur général des finances condamné pour exaction en 1451, est nommé maître extraordinaire de la Chambre des comptes[206] ; Jean de Bar, seigneur de Baugy, l'ancien général des finances, ami de Jacques Cœur, qui fut l'objet de poursuites peu après le procès de celui-ci, entre aussitôt dans le Conseil du nouveau Roi et devient l'un de ses plus intimes confidents[207]. Bertrand de Beauvau, sire de Précigny, qui appelait Jacques Cœur son compère[208], et qui, compromis dans l'affaire de Xaincoins, avait été disgracié, est nommé président de la Chambre des comptes[209]. Ces faits doivent être enregistrés, et le témoignage public de la reconnaissance du Dauphin, devenu Roi, en faveur de Jacques Cœur, a une portée qu'on ne saurait méconnaître. Si Jacques Cœur rendait au fils révolté de si bons et louables services, ne méritait-il pas les rigueurs du père ? Ne devait-il pas être sévèrement châtié ? Les moyens employés furent blâmables ; la délation, l'envie et la haine eurent leur part dans l'affaire ; la curée qui suivit fut révoltante : le fait n'en subsiste Pas moins. Il doit être mis dans la balance de l'histoire. Le procès de Jacques Cœur a un épilogue. Le 1er juin 1453, Charles VII donnait commission à son procureur général Jean Dauvet pour exécuter l'arrêt du 29 mai. Le même jour, il chargeait Otto Castellain et Jean Briçonnet de tenir le compte des condamnations prononcées. Le 2 juin, Dauvet se transportait au château de Poitiers, en compagnie du chancelier et des juges. Malgré les suprêmes démarches de l'évêque de Poitiers, Jacques Jouvenel des Ursins, dont Jacques Cœur avait été le collègue dans les grandes ambassades de 1448 et 1449, qui envoya des délégués porteurs des lettres de tonsure qu'on avait, parait-il, enfin retrouvées et chargés de réclamer Jacques Cœur comme clerc solu, justiciable, à ce titre, de la juridiction ecclésiastique ; malgré l'appel formulé par ce prélat, et la demande de sursis jusqu'au retour du message envoyé au Roi, l'arrêt fut exécuté : le 5 juin, dans la salle du prétoire du Palais, en présence d'une foule nombreuse, Jacques Cœur, à genoux devant le procureur général, nu-tête, une torche au poing, confessa ses torts et fit amende honorable en requérant merci à Dieu, au Roi et à justice. Tandis que le procureur général se mettait à l'œuvre et
poursuivait cette laborieuse série d'opérations qui s'appelle la vente des
biens de Jacques Cœur et qui dura plusieurs années[210], l'ex-argentier
du Roi tenait prison au château de Poitiers. Il y resta jusqu'au mois
d'octobre 1454, époque où il réussit à s'évader[211]. Il se rendit
dans un couvent situé près de Montmorillon[212], mais il n'y
resta pas longtemps. Le 11 février 1455, Dauvet, étant eu Forez à parcourir
les mines exploitées jadis par Jacques Cœur, reçut une lettre du Roi.
Celui-ci, alors à Mehun-sur-Yèvre, lui annonçait l'échappement
et fuite de Jacques de l'église et franchise où il estoit, et lui
ordonnait de faire diligence le querir et serchier
partout, se on le pourroit trouver, et faire arrester et constituer
prisonnier[213]. Dauvet écrivit aussitôt à Tanguy du Chastel et à d'autres personnages en Languedoc. Il ne tarda point à apprendre que Jacques Cœur était à Beaucaire, dans un couvent de cordeliers. Enlevé peu après par Jean de Village, avec le concours de deux de ses anciens facteurs, Jacques Cœur s'embarqua sur le Rhône et gagna Tarascon, où il se trouvait sur les terres du roi René ; de là il se rendit à Marseille, puis à Nice, où il fit voile vers Rome. Il fut accueilli avec empressement par le pape Nicolas V qui, en plein consistoire, le justifia de certaines accusations concernant la Cour romaine. Nicolas V mourut le 25 mars 1455. Mais son successeur, Calixte III, mit à profit les rares facultés de l'ancien conseiller de Charles VII : il lui confia le commandement d'une flotte destinée à opérer contre les infidèles. C'est au cours de cette expédition que Jacques Cœur mourut, dans l'île de Chio, le 25 novembre 1456. Sur son lit de mort il avait recommandé ses enfants à la bonté du Roi. Cette prière ne trouva pas Charles VII insensible. Elle arriva à ses oreilles au moment même où il venait de faire arrêter le successeur de Jacques Cœur, cet Otto Castellain qui avait figuré dans le procès et qui, à tous les crimes qui lui valurent une juste condamnation, ajoutait celui de se livrer à la magie[214]. Déjà, au mois de novembre 1456, Charles VII avait fait remettre, cinq mille écus aux enfants de Jacques Cœur[215]. Au mois de février 1457, Jean de Village, Guillaume de Varie, d'autres encore, reçurent des lettres de rémission[216]. Au mois d'août suivant, Ravant et Geoffroy Cœur furent remis en possession de la maison de leur père à Bourges et de tous les biens qu'il possédait en Berry, ainsi que de diverses maisons à Lyon et des mines de Pampelieu et de Cosne ; en outre, Charles VII abandonna aux deux fils de Jacques Cœur et à Guillaume de Varie les créances et biens meubles dont il n'avait pas été fait emploi, moyennant quoi les héritiers de Jacques Cœur déclarèrent renoncer à toute revendication sur la succession de leur père[217]. Par lettres en date duit mai 1459, Charles VII autorisa ceux qui, au mépris de ses ordonnances, avaient recélé des biens, dettes et autres choses ayant appartenu à Jacques Cœur, à en faire la déclaration, afin que le profit en revînt à Ravant et Geoffroy Cœur et à Guillaume de Varie[218]. Enfin, par lettres du 28 septembre 1460, Henri Cœur fut nominé maître lay de la Chambre des comptes[219]. L'archevêque de Bourges voulut, au début du règne de Louis XI, faire réviser le procès de son père. Agissant en son nom et en celui de ses frères, il adressa dans ce but une requête au Roi. L'affaire fut introduite devant le Parlement. Mais elle n'aboutit qu'à la constatation de la régularité de la procédure, de la gravité des juges, de l'impossibilité de faire casser la sentence[220]. L'un des avocats consultés par Jean Cœur lui avait donné le conseil de s'abstenir. Le motif qu'il invoquait mérite d'être consigné ici : Ce qui le meut principalement est pour ce qu'il sait bien que la pluspart des notables gens de ladicte Cour ont si grande et si bonne estimation du feu Roy que à grande peine leur pourroit tomber en l'entendement de rescinder ou retracter ladicte sentence, mesmement consideré que ledit procès a esté conduit par gens de grande autorité et en grand nombre, et ladicte sentence donnée en grande deliberation[221]. |
[1] Le 29 juillet 1461, à Avesnes, Louis XI confirme Jean Bourré dans ses fonctions de secrétaire et lui fait remettre les papiers du règne précédent. Voir Inventaire des lettres et actes que Me Pierre Puy a baillées par commandement du Roy à Me Jehan Borré. Ms. fr. t.)0487, f. 44. — Cf. Inventaire des sacs et lettres du Roy estans à Tours (ms. fr. 2899, f. 77 et suivants) ; Inventaire des lettres baillées par nous Guillaume Juvenel des Ursins, chevalier, seigneur de Treignel, à Me Dreux Budé, conseiller, tresorier des chartres du Roy nostre dit seigneur et son audiencier, le XVIIe jour de janvier l'an M CCCC LXI. (Fontanieu, 880, n° 124.)
[2] M. J. Vaesen, le savant éditeur des Lettres de Louis XI, dans son mémoire sur Jean Bourré (Paris, 1885), p. 3.
[3] Séjour à Chinon pendant l'hiver de 1445-1446 et l'été de 1446. Voir notre tome IV, chap. VI.
[4] Le Roi est à Maillé le 2 novembre 1446 (Itinéraire).
[5] Voir t. IV, ch. VII.
[6] Advertissement de ce qui a esté fait, etc. Ms. fr. 20491, f. 31.
[7] Ce complot ne fut découvert que plus tard, et les poursuites n'eurent lieu qu'en 1455.
[8] Arrêt du 2 septembre 1448. Voir ms. fr. 5908, f. 59. Le 9 septembre, Jean de Fromentières est remplacé comme clerc des comptes par Pierre Hardouin (Cabinet des litres, 1099, f. 231 v°).
[9] Ces lettres sont visées dans le Ms. lat. 18345, f. 185 v°, et dans le ms. fr. 4139, f. 70. — Jean Barillet parait dire mort en 1449. Voir note dans le ms. latin 17029, f. 201.
[10] Son élection fut contestée, et le pape se prononça en faveur de son compétiteur, Élie de Pompadour. Voir Gallia Christiana, t. XVI, col. 580.
[11] Le 27 juin 1434, Charles VII ordonnait de payer à son secrétaire maitre Jehan de Cencoings cent florins, monnaie delphinale, pour un cheval pris de lui et donné à Louis Paviot, page du Roi (Pièces originales, 3055 : XAINCOINS). La même mention se retrouve dans une pièce du dossier BUIGNE (Pièces originales, 552, n° 8).
[12] En remplacement de Guillaume Charrier, nommé évêque d'Agde en 1438 (voir notre t. IV, Pièces justificatives). Le premier compte qu'il présenta fut celui de l'année 1438 (1er octobre)-1439 (30 septembre). — En 1441, sa sœur Jeanne épousa Étienne Petit, receveur général des finances en Languedoc. — Nous avons des extraits des Comptes rendus par lui de 1443 à 1449. Ces extraits, qui portent sur les 6e (1443-44), 8e (1445-46), 9e (1446-47) et 10e (1447-48) comptes, se trouvent dans le vol. 685 du Cabinet des titres ; nous les avons mis largement à contribution dans les pages qui précèdent.
[13] Voir Thomas, Les États provinciaux de la France centrale, t. I, p. 238, 257-258, 269 ; t. II, p. 130, 135, 156.
[14] 20 mai 1442. Ms. fr. 22406, f. 6 et 7.
[15] Lettres de Jean de Xaincoins en date du 30 avril 1443. Pièces originales, 3055 : XAINCOINS, n° 7.
[16] Vallet, Charles VII el ses conseillers, p. 24. Les premières lettres où nous trouvons sa signature comme conseiller sont de janvier 1448.
[17] Nous trouvons la mention suivante dans le ms. fr. nouv. acq. 2497, f. 29 v° : Unes lettres adreçans au Roy et signées BASTART D'ORLEANS, CULAN et BREZÉ, par laquelle ils lui rescripvent certaines choses touchant Xaincoins et le paiement des gens de guerre ; icelles lettres escriptes à Harecourt le XIIIe jour de... — La date est évidemment : 13 septembre 1449, jour où Harcourt fut rendu. Nous en trouvons la confirmation dans les lettres de rémission données à Jacques Charrier en décembre 1450 : ou mois de septembre 1449, nous estans en nostre ville de Louviers, pour ce que avions esté advertiz de plusieurs faultes, mauvaistiez, crimes et deliz commis et perpetrez envers nous et justice par maistre Jehan de Xaincoins. Archives, JJ 186, n° 62.
[18] Ce fait est consigné dans les lettres de décembre 1450.
[19] Ces lettres sont ainsi analysées en tête de l'extrait du Dixième compte de Xaincoins, Cabinet des titres, 685, f. 119.
[20] Voir la note qui suit. Jean Chartier dit (t. II, p. 244) : Il fut questionné par aucuns du grant conseil du Roy et autres clercs voyans clair et bien cognoissans en matière de finances.
[21] A maistre Blaise Greslé, conseiller et maistre des requestes de l'ostel du Roy nostre sire, la somme de 440 l. t., à lui ordonnée pour et en lieu de semblable somme dont il avoit esté assigné sur James Doujat, receveur ou hault pays d'Auvergne, et dont il n'avoit peu avoir paiement, pour la parpaye des VIIc l. t. que le Roy nostre dit seigneur lui avoit ordonné pour ses peines et salaire d'avoir vacqué par son ordonnance depuis le premier jour de juillet M CCCC cinquante jusques au IXe jour de Juing ensuivant M CCCC LI, à faire certaines informacions et procès à l'encontre de Martin Roux, maistre Jehan de Xaincoins, le sire de Precigny et Pierre Godeau. Rôle du 7 mai 1454, dans le ms. fr. 20683, f. 46. — M. Blaise Greellé, maistre des requestes de l'ostel, IIIIc XL l. restants de VIIc l. pour avoir vacqué depuis le 1er juillet 50 jusqu'au 9 avril suivant, à informer contre Martin Roux, nagueres receveur des tailles du haut pays d'Auvergne, et au procez contre Jehan de Xaincoins, le sire de Precigny, Pierre Godeau, esleu sur le fait des aydes à Tours. Deuxième compte de Mathieu Beauvarlet. Cabinet des titres, 685, f. 144 v°. Cf. quittance de Blaise Greellé du 16 juillet 1453 de cette somme de 440 l. pour avoir vacqué du 1er juillet 1450 au 9 juin 1451 au procès sus mentionné. Pièces originales, 1404 : GREELLÉ, n° 6. Sur Martin Roux, voyez Thomas, l. c., à la table.
[22] Chartier, t. II, p. 245. Jacques Charrier figure avec le titre de changeur du trésor dans le 21e compte de l'Hôtel (octobre 4450) (Archives, KK 52, éd. par Douët-d’Arcq, Comptes de l'hôtel, p. 321), et dans les rôles des 4 et 13 novembre 1450 (publiés dans les Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 372 et suivantes). Dans ce second rôle, Jacques Charrier est porté comme recevant un don de 300 l., en regard et consideracion à la charge et despense qu'il a eue l'année passée (finie le 30 septembre 1450) en la compaignie d'aucuns des tresoriers au païs de Normandie pour le fait de la recepte du demaine et des confiscations dudit pais où il a esté occupé par tout le temps de ladicte année, pour laquelle charge et occupation ledit changeur n'a eu ne prins aucuns gaiges, voyaiges ne autrement, excepté seulement les gaiges et voyaiges qui lui avoient esté ordonnez, à cause de sondit office de changeur, par avant le recouvrement dudit païs de Normandie, dont il ne pourrait bonnement vivre ne soustenir son estat, ainsi que ledit seigneur a esté deuement acertené (p. 394).
[23] Jean Chartier, p. 244.
[24] A messire Brunet de Longchamps, chevalier, la somme de I l. t. à lui donnée par le Roy oultre ce qu'il a eu pour la garde maistre Jehan de Xaincoins ou palais à Rouen. Ms fr. 26081, n° 6538.
[25] Là où il fut trouvé, par sa propre confession, avoir encouru crime de leze majesté ; c'est assavoir pour les deniers du Roy qu'il avoit desrobez en grandes et excessives sommes, comme pour certaines ratures par luy faictes en aucunes lettres. Chartier, l. c.
[26] Qui sembloit estre bien peu de chose au regard de ce qu'il avoit pillé et desrobé, comme sa propre confession le portoit, et pour faire ses plaisances mondaines. Chartier, p. 245.
[27] Dans le registre PP 118 (table du Mémorial L, f. 14), aux Archives nationales, on mentionne, d'après ce Mémorial, f. 33 v°, un arrêt du grand conseil contre Jean Barillet, dit de Xaincoins, receveur général des finances, par lequel il a esté condamné à rendre au Roi 80.000 l. t., lui privé de tous les offices royaux et déclaré inhabile d'en posseder aucuns. — On lit dans l'Inventaire des sacs et lettres estans à Tours (Ms. fr. 2899, f. 81) : Item ung autre sac de besoignes communes ouquel est l'appoinctement de Xaincoins. Nous n'avons pas retrouvé cet appoinctement.
[28] Chartier, t. II, p. 215. — Malgré ce que dit à cet égard M. Vallet de Viriville, M. Camille Favre, le patient et érudit biographe de Jean de Bueil, ne croit pas que Bueil ait eu part aux dépouilles de Xaincoins, car il n'a trouvé aucune preuve à l'appui (Introduction au Jouvencel, p. CLXIX). Mais le fait est établi par la mention suivante, que nous avons rencontrée dans le dossier GOUFFIER (Pièces originales, 1367, f. 269) Lettres patentes données à Montbason le 9 avril 1450 (vieux style), par lesquelles S. M. declare qu’à cause des crimes et delits commis par Me Jehan de Xaincoins... condamné en la somme de 80.000 l. d'amende... et en outre tous ses autres biens avoient été declarés confisqués au proffit de S. M., qui avait donné à ses amez et feaux conseillers et chambellans Jean, seigneur de Bueil, et Guillaume Courtier, partie des biens immeubles dudit Me Jehan de Xaincoins appartenant à S. M. à cause de ladicte confiscation, savoir audit seigneur de Bueil la somme de sept cents livres de rente que ledit Xaincoins avoit acquise dudit seigneur de Bueil sur son peage de Tours et sur tous ses autres biens, avec l’ostel, terre et appartenances de Meinnes que ledit de Xaincoins avoit acquis de feu Louis, frère dudit seigneur de Bueil, et audit Gouffier les Chastel, hostels, terres, fiefs et appartenances de Yron, Rochefort, le Roignon... pour en jouir par lesdits Bueil et Gouffier.
[29] Voir les deux lettres de rémission données, l'une en décembre 1450, à Montbazon, l'autre en janvier 1451, aux Montils-les-Tours (Archives, JJ 186, n° 62 et 51). Les lettres constatent que c'est grâce à ses aveux (qui avaient permis de constater la culpabilité de Xaincoins) et à l'intervention du trésorier Pierre Berard (dont il avait épousé la fille), que Jacques Charrier fut amnistié. Les premières lettres, qui furent jugées insuffisantes, sent contresignées par l'évêque d'Agde (Cambray), le grand maitre d'hôtel (Culant), l'amiral les sires de Gaucourt et de Baugy (Bar), Jean de Chambes et Jacques Cœur ; les secondes portent seulement les signatures de l'amiral et des sires de Gaucourt et de Villequier.
[30] Voir un appointement fait avec Martin Roux, le 20 janvier 1453, le Roi étant a Cosne-sur-Loire, et qui porte les signatures d'Étienne Chevalier, Pierre Doriolle et Charles Chaligaut. Ms fr. 20436, f. 65.
[31] Le sire de Précigny avait une pension de 2.000 livres et touchait en outre 800 l. comme capitaine de Sainte-Menehould. L'allocation de la pension avait été faite sur les deniers de l'équivalent aux aides en Languedoc. On voit par des lettres du 22 juillet 1151 que le Roi, après avoir ordonnancé cette somme, déclara qu'elle ne serait pas payée à Précigny, mais qu'elle serait remise à lui-même, ce qui fut fait (Pièces originales, 2374 : PRÉCIGNY, n° 11). A partir de 1452, Précigny est inscrit, comme conseiller et chambellan du Roi et capitaine de Sainte-Menehould, pour une somme annuelle de 1200 I. (Cabinet des titres, 685, f. 154 v°, 162 v°, 172 v°, etc.)
[32] Il reparut pourtant une fois au Conseil, aux Montils les Tours, au mois de février 1452 (Archives, JJ 185, n° 36).
[33] Voir Lecoy de la Marche, le Roi René, t. I, p. 275 et 442 ; t. II, p. 269.
[34] On lit dans Chartier (t. II, p. 82) : Le 20e jour de juillet (1449) arriva Mgr le comte de Dunois... accompagné du sire Charles de Culant, aussy de nouvel grand maistre d'hostel.
[35] Le P. Anselme, t. VIII, p. 365.
[36] A la fin de 1443, il est envoyé en Auvergne pour faire évacuer ce pays par les gens de guerre et les emmener en Rouergue à la suite du Dauphin (Clairambault, 157, p. 4251). En mai 1445, il est chargé, avec Jean de Bar, de l'installation de cent vingt lances dans la Basse Auvergne (Thomas, les États provinciaux, t. I, p. 155, 275 et 315 ; t. II, p. 227) ; dans la même année, il est envoyé comme commissaire aux États de la Marche (Thomas, l. c., t. I, p. 269) et de Limousin (Clairambault, 157, p. 2245). En 1446, il est chargé, avec Jean Tudert, Bertrand de Saint-Avit et autres, d'imposer dans la Marche le paiement des gens de guerre, plus une aide de cinq mille fr. (Thomas, t. I, p. 356). En 1447-1448, il est envoyé à Nevers avec son frère le maréchal de Jalognes pour apaiser des troubles survenus pendant la vacance de l'évêché (Anselme, t. VIII, p. 365) ; en juin 1449, il est au nombre des commissaires désignés pour prendre part aux conférences avec les Anglais (Chartier, t. II, p. 64 ; Math. d'Escouchy, t. I, p. 155).
[37] Ms. fr. 15537, f. 61.
[38] Voir Chartier, t. II, p. 82, 85, 97, 110, 114, 120, 133, 141, 154, 177, 204, 215, 225, 236 ; Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 198, 212, 215, 240.
[39] Armé de toutes pièces, poilant un chapel en sa teste, et estant monté sur ung coursier richement couvert de veloux bleu et rouge par bandes, par dessus aucunes desquelles bandes estoient attachées de grandes feuilles d'argent doré et sur les autres de grandes feuilles d'argent blanc ; les harnais de son cheval pareils à ladite couverture ; et avoit en son col une escharpe de fin or, pendante jusques à la croupe de son cheval. Chartier, t. II, p. 165.
[40] A Mgr de Culant, grand maistre d'ostel de France, la somme de IIc XVIII l. t. sur la somme de XVc l. t. à lui donnée. (Rôle du 13 novembre 141.0, dans Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 391.) On voit par une quittance du 18 mars 1450 qu'il reçut trois mille livres oultre et par dessus les gaiges, pensions et autres bienffaiz qu'il avait du Roi. (Pièces originales, 953 : CULANT, n° 26 ; cf. n° 33.) Octroi de quatorze muids de sel à prendre en franchise, par lettres du 16 septembre 1449. (Quittances des 18 novembre et 2 décembre 1449, au dossier CULANT, n° 24 et 25.)
[41] 21e compte de l'hôtel. Archives, KK 52 ; éd. par Douët-d’Arcq, Comptes de l'hôtel des rois de France, p. 325. — On a une quittance du 30 avril 1451, où Culant est qualifié de grant maistre d'ostel de France, gouverneur et capitaine de la ville de Mante. (Clairambault, 157, p. 4247.) Il était en outre capitaine et gouverneur de Chartres. (Ordonnances, t. XIV, p. 59 ; Cabinet des titres, 685, f. 155 v°.)
[42] Tous les détails qui suivent sont empruntés aux lettres de rémission.
[43] Lettres données à Tours, au mois de mars 1451. Archives, JJ 185, n° 73 ; publiées par Tuetey, les Ecorcheurs sous Charles VII, t. II, p. 449.
[44] Mgr de Culant, grant maistre d'hostel du Roy, sur ses gages et sa pension, IIIIc l. (Cabinet des titres, 685 f. 147 v°.) — Mgr de Culant, nagueres grant maistre de France, IIm Vc l. sur sa pension (f. 140). — Charles, seigneur de Culant, chevalier, conseiller et chambellan du Roy, nagueres grand maistre d'hostel de France, capitaine de la ville de Chartres, à IIIc l. (f. 141). — Le sire de Culant, chevalier, conseiller et chambellan du Roy, Vc l. pour entretenir son estat (f. 141 v°). — Culant est encore nommé dans des lettres du 3 avril 1451, portant confirmation d'un don de soixante-treize muids de sel fait à Dunois, à Brezé, à lui et à d'autres pendant la campagne de Normandie (Chartes royales, XVI, 245).
[45] Chronique martinienne, f. CCLXXXIX. — Le sire de Culant fut nominé maréchal et sénéchal de Bourbonnais par lettres du duc de Bourbon, en date du 16 juin 1456 ; il mourut avant la fin du règne de Charles VII, en juin 1460 (Anselme, t. VIII, p. 365). — Il est assez curieux de constater que ces deux grands disgraciés, Culant et Précigny, furent recueillis et pourvus par deux princes du sang, dont l'un était le propre beau-frère du Roi.
[46] Me Jehan Barbin, advocat du Roy au Parlement, IIc l. pour suporter ses despenses à la suitte du Roy où il a esté en janvier et fevrier ; IIIIc l. pour les quatre mois suivans ; IIIc l. pour les trois mois suivants. Deuxième compte de Mathieu Beauvarlet, f. 143.
[47] Pierre de Montalembert, escuier, huissier d'armes, XXVII l. X s. pour un voyage, en decembre (1450), de Montbason en Champagne querir certain prisonnier, et XLIIII l. en janvier pour avoir esté à Paris querir certains prisonniers et les mener à Tours. — Me Georges Havart, conseiller du Roy, XV l. pour avoir esté de Tours en Champagne faire certaines informations à luy enchargées. — Guillaume de Culan, licentié ès loix, examinateur au Chastelet, XV l., idem. — Pierre de Montalembert, escuyer huissier d'armes, XV l., idem. — Pierre de Montalembert, XIII l. XV s. pour aller de Taillebourg à Tours devers le prevost pour le fait de la delivrance d'un prisonnier. — Pierre de Dinteville, escuyer, XIII l. XV s. pour aller de Taillebourg à Tours querir certain prisonnier estant illec. Compte cité, f. 144 v° et 145 v°.
[48] Voir lettres de rémission d'avril 1451 (Archives, JJ 185, n° 70). Nonobstant ces lettres, obtenues par Jean le Sellier, prêtre, le procureur du Roi requit du Parlement son bannissement à la date du 13 avril 1451 (Bibl. nat., ms. fr. 5908, f. 61 v°).
[49] Robert Godet, ecclésiastique, prisonnier à Château-Guillard, pour soupecons d'avoir commiz crime de lese majesté. Voir document du 10 octobre 1452, ms. fr. 26081, n° 6498.
[50] On a vu que l'affaire de Xaincoins se dénoua le 9 juin 1451 ; or, c'est le 31 juillet que commencèrent les poursuites contre Jacques Cœur.
[51] M. Pierre Clément dit que la question du procès de Jacques Cœur semble destinée à n'être jamais jugée en dernier ressort. Jacques Cœur et Charles VII, préface, t. I, p. IX. Dans son Grand Testament, Villon, parlant de Jacques Cœur, s'exprime ainsi (Œuvres complètes de François Villon, publiées par le bibliophile Jacob, p. 58) :
Selon les autentiques dictz
Son lieu ne congnoistra jamais.
Quant du surplus, je m'en desmectz ;
Il n'appartient à moy, pecheur.
Aux theologiens le remectz,
Car c'est office de prescheur.
[52] Documents judiciaires publiés par Buchon dans le Panthéon littéraire (à la suite de Du Clercq et de Saint-Remy), p. 612. Cf. Raynal, Histoire du Berry, t. III, p. 53.
[53] Son fils Jean avait vingt-cinq ans quand il fut promu, en 1446, à l'archevêché de Bourges. Le mariage de Jacques Cœur ne peut donc guère être postérieur à 1420. En supposant qu'il eût alors vingt-cinq ans, cela reporte sa naissance à 1395.
[54] Virum quippe sine litteris valde ingenio callentem, et in mundanis actibus oculatum valde et industrium. Thomas Basin, t. I, 316. Ailleurs (p. 243), Basin dit encore : Vir quidam valde industrius et providus, Jacobus Cordis nominatus, civis Bituricensis, ex plebeio genere, sed profecto grandi et acri ingenio, plurimaque hujus seculi prudentia callens. — Homme plein d'industrie et de haut engin, dit Georges Chastellain (t. VII, p. 91), subtil d'entendement et de haut emprendre, et toutes choses, comme hautes fussent, sachant conduire par labeur. — Astezan, dans son poème de 1451 (Paris et ses historiens, par Le Roux de Lincy, p. 566) l'appelle cet autre Crassus, aussi grand par l'esprit que riche par les trésors :
Hic etiam dignes illustri principe vide
Ædes, quas summo studio
argenteries alti
Regis, tantum anime quantum ditissimus auro
Non secus ac notus præctaro nomine Crassus
Construit. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
[55] Il exerçait cette charge dès 1421. Voir le compte de la Chambre aux deniers pour le premier semestre de 1421 (Archives, KK 50, l 63 v°), analysé par M. Vallet dans son édition de Jean Chartier, t. III, p. 323 ; cf. Histoire de Charles VII, du même auteur, t. III, p. 251-252.
[56] Et, pour les grans et excessives charges et affaires que avons eues continuellement à supporter, ont esté les maistres et fermiers de nos dictes monnoies par nous et les gens de nos finances moult chargiez de prests et d'assignations, et tant que plusieurs d'eux en ont esté et sont demourez desduicts de leurs chevances, et entre les autres ledit suppliant, qui continuellement a frequenté et s'est tenu entour nous et les nostres, esté incessamment chargé desdiz prests assignations... Lettres du 6 décembre 1489.Ms, fr. 3868, f. 85 et suivants.
[57] Voir notre t. II, chapitre XIV.
[58] Eu regard d'autre part que, ou volage de nostre sacre et couronnement, il nous a servy et a esté continuellement en nostre compaignie, atout le nombre de dix ou douze combatans bien en poinct, où il a frayé grant argent. Lettres citées, l. c., f° 88 v°.
[59] Lettres de rémission données à Ravant le Danois, pour lui, Jacques Cœur, Pierre Godard et Jean Jubin, datées de Mehun-sur-Yèvre, 6 décembre 1429, l. c. Le Danois, loin d'avoir encouru la moindre disgrâce pour le fait en question, ne tarda pas à être nommé général maitre des monnaies, et exerça cette charge jusqu'en 1460.
[60] Vallet, Histoire de Charles VII, t. III, p. 251-252. Cf. Ms. fr. 5024, f° 81 v°.
[61] Documents publiés par Buchon, l. c., p. 636-638.
[62] Voir t. III, chapitre XVII.
[63] Dans un extrait du compte de Guillaume Ripault pour les années 1436-1438 (Cabinet des titres, 685, f° 40 v°), il est désigné comme maitre particulier des monnaies à Paris. Cf. lettres du 18 octobre 1437. Archives, Z1b 60, f° 29 v°.
[64] Le fait de l'argenterie était exercé le 16 juin 1436 par Wast de Montespedon (Pièces originales, 2016 : MONTESPEDON). — Dans un mandement de l'évêque de Laon en date du 16 octobre 1438, Jacques Cœur est désigné comme commis au fait de l'argenterie du Roy. Ms. fr. nouv. acq. 2497, n° 77. Cf. n° 64.
[65] Il exerçait encore cette charge en mars 1442, de concert avec Lambert Léodepart. Archives nationales, X1a 13, f° 39.
[66] Extraits du premier compte de Guillaume du Bec (1er octobre 1439-30 juin 1440). Ms. fr. 20684, p. 578.
[67] Pièces originales, 799, f° 170 v°. Cf. Clément, t. I, p. 289.
[68] Histoire de Charles VII, t. III, p. 257.
[69] V C Colbert, 214, f° 295 ; Ms. latin 18345, f. 183 ; Raynal, Histoire du Berry, t. III, p. 60.
[70] Voir ci-dessus, t. III, chap. XVI ; Collection du Languedoc, 89, f. 232 et 234 ; Dom Vaissète, Histoire générale de Languedoc, t. IV, p. 497, 501 ; t. V, p. 5-14. — Les conseillers du Roi qui partagèrent avec Jacques Cœur l'honneur de ces délégations furent Tanguy du Chastel ; Thibaut de Lucé, évêque de Maillezais ; Jean de Montmorin ; Hugues de Noé ; Jean d'Estampes, évêque de Carcassonne ; Jean de Chambes ; Jacques Jouvenel des Ursins, archevêque de Reims ; Étienne Petit ; Jean Barlon ; Étienne de Cambray, évêque d'Agde, et Jean de Bar.
[71] Ms. fr. nouv. acq. 2497, n° 66. — Jacques Cœur accompagna le Roi dans son voyage du Midi. On lit dans une note qui se trouve dans les archives du duc de la Trémoille et qui porte ce titre : Despense à faire au parlement du Roy de Thoulouse : A Jacques Cuer, qu'il lui est den pour Mme de Foix et autres, IIIIc LX l. — A Otto Castellain et Jacques Cuer, IIIIc l. — A Jacques Cuer, pour VIm escus fournis et autres frais IXxx l.
[72] Voir t. III, chapitre XVII.
[73] Thomas, les États provinciaux, t. I, p. 206-221, 307-308 ; t. II, p. 171 ; Ms. fr. n° 4988 ; Cabinet des titres, 685, f° 84.
[74] Voir notre t. III, chapitre XVI.
[75] Voir Saige, Documents historiques relatifs à la principauté de Monaco, p. 173.
[76] Voir t. III, chapitre XVII.
[77] Voir t. III, chapitre XVII.
[78] Par lettres du 23 décembre 1447. Pièces originales, 708 : CHATILLON (n° 16328). L'office avait été enlevé à Charles de Castillon, qui en fut dédommagé. (Rôle du 13 janvier 1448. Ms. fr. 23259, f° 11.)
[79] La première ordonnance où nous rencontrons le nom de Jacques Cœur parmi les signataires, est une lettre de rémission en faveur d'un écuyer nivernais, Guyot de Rouffignac, donnée à Chinon au mois de mars 1446 (Archives, JJ 177, n° 157). Ce n'est qu'à partir de 1448 qu'il figure habituellement parmi les conseillers présents. Mais, dès 1443, il prend le titre de conseiller et argentier du Roi.
[80] Voir t. IV, chapitre VIII et IX. Cf. Ms. fr. nouv. acq. 2497, n° 10 ; Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 251-252, et Supplément, p. 18-19 ; Pièces originales, 799, n° 8 et 9.
[81] Chastellain, t. VII, p. 91.
[82] Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 280-281 ; Chastellain, t. VII, p. 91 ; Thomas Basin, t. I, p. 243.
[83] Il gagnoit chascun au plus que ne faisoient les autres marchans du royalme. (Mathieu d'Escouchy, p. 281.) En plus haut vol de marchand du monde. (Chastellain, t. II, p. 188.) — Estoit venu de cent à cent mille et de cent mille à nombre de millions par son sens. (Id., t. VII, p. 91.)
[84] Voir Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 121 et suivantes, et Chastellain, t. IV, p. 220.
[85] Il portait robe courte à mi-cuisse, pourpoint bandé de rouge avec une chaîne d'or sur sa poitrine découverte, suivant la mode des gens de cour ; chausses d'écarlate avec souliers lacés à poulaine. Voir les dépositions des témoins dans Clément, t. II, p. 156-157.
[86] Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 282.
[87] En 1449, Jacques Cœur est rayé du rôle des tailles pour les maisons qu'il tient à Lyon, veu qu'il pourroit plus nuyre à la ville que porteraient de prouffiz lesdictes. Archives de Lyon, BB 5, f. 82 v°. Il séjournait souvent à Montpellier. Voir sur la réception qu'il y fit à Jacques de Lalain, revenant d'Espagne, le Livre des faits de messire Jacques, dans Chastellain, t. VIII, p. 158-160.
[88] Sur son hôtel de Bourges, voir Clément, t. II, p. 5 et suivantes ; la description de Mérimée dans Clément, t. II, p. 261 et suivantes ; Raynal, Histoire du Berry, t. III, p. 66 et suivantes ; Viollet-le-Duc, Dictionnaire de l'architecture, t. VI, p. 277-281 ; t. VII, p. 460-463. — Thomas Basin dit (t. I, p. 243-244) : Qum profecto tam magnifica et tantis ornamentis decorata existit, ut vis in tota Gallia, non modo secundi gradus nobilitatis, sed nec Regis, pro sua magnitudine et capacitate, domus ornatior ac magnificentior facile posset inveniri. Cf. Astezan, l. c.
[89] Voir dans Clément, t. II, p. 2-3, l'énumération de ses seigneuries. — Le 12 décembre 1445, le duc de Bourbon lui vendait la seigneurie de Bruère l'Aubépin (Archives, P 13742, c. 2436).
[90] Il résulte des dépositions des témoins entendus au procès qu'il apportait sa vaisselle quand il résidait à son hôtel de Bourges, et la remportait avec lui ; il ne laissait rien à sa femme, fort dépensière, qui dissipait tout ce qu'elle avait entre les mains, et qui était fort médiocrement vêtue. Clément, t. I, p. 234-236 ; cf. t. II, p. 22.
[91] Voir Clément, t. II, p. 22-25.
[92] Ms. fr. nouv. acq. 1367, f. 39 ; Gallia Christiana, t. II, col. 1410.
[93] Ms. fr. nouv. acq. 1367, f. 44 ; Gallia Christiana, t. II, col. 88. On a une lettre du chancelier Jouvenel au pape Nicolas V, insistant auprès de lui pour obtenir la nomination de Jean Cœur à l'archevêché de Bourges, sollicitée à plusieurs reprises (Spicilegium, t. III, p. 766). Voir une lettre de Gérard Machet, évêque de Castres et confesseur du Roi, adressée à Jean Cœur, après sa promotion. Ms. latin 8577, f. 96 v°.
[94] Girardot, La Sainte Chapelle de Bourges, dans les Mémoires de la Société des antiquaires de France, t. XX, p. 215 ; Ms. fr. nouv. acq. 1367, f. 49.
[95] Voir le contrat de mariage dans Clément, t. II, p. 269 et suivantes.
[96] On y voit figurer : le duc d'Orléans ; le comte de Foix ; Pierre de Brezé ; Philippe de Culant, seigneur de Jalognes, maréchal de France ; le sire de Culant, grand maitre de France ; le sire de Bueil ; Bertrand de Beauvau, seigneur de Précigny ; Poton de Saintrailles ; Robert de Rouvres, évêque de Maguelonne ; Adam de Cambray, premier président ; Olivier de Coëtivy ; Pierre de Louvain ; Guillaume de Rosnivinen, premier échanson ; Jean du Mesnil Simon, seigneur de Maupas ; Jean de Levis, seigneur de Vauvert ; Pierre Frolier, seigneur de Preuilly ; Jean de Hangest, seigneur de Genlis ; Jean de Haillon, seigneur de Fontaines, Fouquet Guildas, maitre d'hôtel du Roi ; Jean de Bar, seigneur de Baugy, général des finances ; Georges Havart, conseiller et maitre des requêtes de l'hôtel ; Perrette de la Rivière, dame de la Rocheguyon, etc. Pièces originales, 799 : CŒUR ; Ms. nouv. acq. fr. 2497, passim ; Archives, KK 328, passim ; lettres de Charles VII du 5 avril 1457, dans Clément, t. II, p. 354 et suivantes.
[97] Histoire de Saint-Sauveur-le-Vicomte, par M. Léopold Delisle, p. 277.
[98] Voir la déposition d'Otto Castellain, dans Clément, Jacques Cœur et Charles VII, t. I, p. 229.
[99] Une cédulle missible par laquelle Gouffier rescript : Mon parrin, je vous envoye Henriot, auquel vous prie que bailliez jusques à la somme de soixante-dix livres ce qu'il voudra prendre de vous. Ms. fr. nouv. acq. 2497, f. 18.
[100] Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 286. — C'est le mot qu'on lit dans l'Internelle Consolacion : Tout quant que j'ay est vostre. Édition d'Héricault, p. 80.
[101] Voir à ce sujet une note complémentaire aux Pièces justificatives.
[102] Voir plus haut, chapitre premier.
[103] On trouvera cette lettre aux Pièces justificatives.
[104] Cela résulte de la vente de ce collier, faite le 6 août 1453, moyennant 7 l. 2 s. 11 d. Clément, t. I, p. 213. — En 1450, le duc d'Orléans envoie quatre poinçons de vin à Jacques Cœur (Louis et Charles d'Orléans, 2e partie, p. 366).
[105] Jacques Cœur eut, pour son voyage à Rome : 1° 5.000 l. ; 2° 2.000 l. ; 3° 500 l. (Supplément aux preuves de d'Escouchy, p. 18-19) ; il eut pour le ravitaillement de Finale, 6.000 l. (Pièces originales, 799, n° 9) ; il reçut du Roi en 1450 ou 51 une somme de 10.000 l. (Note des archives de M. le duc de la Trémoille). — Sa pension de conseiller et argentier était de 1.200 l. (Ms. fr. 23259, f. 1 et 11). — Dons de 200 l. (distribution annuelle de 200 l. à Jean le Picart, à Jean de Bar, à Xaincoins et à lui) en 1447, 1448 et 1450 (ici Xaincoins est remplacé par Beauvarlet). Rôles des 19 mai 1447, 13 janvier 1448 et 27 mai 1450. Ms. fr. 23259, f. 3, 10 et 23.
[106] Pièces originales, 799, n° 6 ; Cabinet des titres, 685, f° 111, 122 v°, 141 ; Ms. fr. 26080, n° 6375 et 376 ; Supplément aux preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 13 ; Cabinet du marquis de Biencourt, etc.
[107] Ainsy envie le commença à assaillir. (Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 282.) Dont envie crut dure sur lui et s'espoantèrent les cuers des hommes de son haut contendre. (Chastellain, t. VII, p. 91.) — Le pape Nicolas V, dans sa déclaration en faveur de Jacques Cœur (16 mars 1455), constate que ce sont ses envieux qui l'ont dénoncé et qu'on avait répandu le bruit qu'il avait reçu du Pape 100.000 écus et plus (dans Quicherat, éd. de Thomas Basin, t. IV, p. 347). Il est curieux d'entendre Jean Chartier déclarer (t. II, p. 327), que Jacques Cœur fut poursuivi pour aucuns cas touchant la foy catholique.
[108] Parmi les contemporains qui ont formulé un blâme, on compte Jean Jouvenel des Ursins. L'évêque de Laon s'exprime en ces termes dans son Discours à son frère sur la charge de chancelier (Ms. fr. 2701, f° 53 v°), écrit en 1445 (la nomination est du 16 juin) : Hélas ! quels crimes, delictz et peschez de tels excez qui sont à la damnation des ames, ou deshonneur du Roy et dommage de la chose publique et au proffit d'aucuns particuliers, que on doit mieulx reputer larrons publiques que cents qui desrobent les gens en ung bois. On treuve en hystoires mité de gens ausquelz on a coppé les testes pour moins de cause ; soit advisé à ceulx qui les vendent et ceulx qui s'en entremettent de la chevance que ilz ont. J'ay veu que ce qui ne coustoit de harnois que XV ou XVI escus on l'a vendu au Roy aucunes foys XXX et XXXIIII. Il n'y a guères que je veis faire robes que le Roy avoit données. Je sceu que avoit cousté le drap : on dit que on le vendait VI vingts escus, et le cent de martre LX ou quatre-vingts. Je enquis à Paris et trouvé que on eust eu autant de drap pour quatre-vingts escus au plus cher, et les martres pour XL, voire dos de martres. Et encores en ce que bailloit le marchant y avoit une très gratis tromperie, car il vendait pour ung dos de martres ce qui n'estoit que demy dos et une partie des costez. Celluy qui le fait, naguères estoit ung povre compaignon ; niais j'ay van par lettres escriptes de sa main qui se dit presque riche de V à VI cens mille escus ; aussi il a empoingné toute la marchandise de ce Royaume et partout a ses facteurs ; qui est enrichir une personne et apovrtr mille bons marchans. Quant il fault de l'argent au Roy, comme par luy et autres ail presté, voire à belle usure merveilleuse ! Enquerez et vous trouverrés merveilles du proffit. Et encores le prest se fera en vaisselle ou bagues, in quibus cadit affectio, qui se monte plus que le principal. Et les officiers des finances, generaulx, recepveurs et particuliers, c'est merveilles de leurs chevances : et si le cuident faire secretement, mais on le voit trop evidamnent. Regardez à leurs gaiges et chevauchées, qui ne sont que toutes exactions desraisonnables. Ils n'ont point de demeure, adfin qu'ils aient pour jour quelque chose avecques leurs gaiges, qui monte plus trois foys que ils ne despendent. — Dans une épître postérieure de Jouvenel des Ursins (ms. cité, f° 116), on lit encore : Selon ce que l'on dit, et il est assez à croire, c'est merveilles des mangeries couvertes et gratis proffis que ont eu plusieurs qui ne sont pas venus à rostre congnoissance. Il y a aussi plusieurs de vos officiers qui exercitent grosses marchandises et font à peine plus que aultres ou font faire par personnes supposées contre vos ordonnances, et si ont tenu diverses offices et de tous gaiges. Reprenez ce que ils en ont eu induement.
Georges Chastellain dit (t. VII, p. 02) que Jacques Cœur fut aveuglé enfin en sa haulte et prosperant fortune, et il ajoute : S'accusa de sa faulte quant de sa haute fortune n'avoit sçu user en cremeur de Dieu et en admoderation de sa convoitise par trop extrême. — Dans sa Recollection des merveilles advenus en nostre temps, il écrit (t. VII, p. 190-91) :
Puis ay vu par mistère
Monter un argentier,
Le plus grand de la terre,
Marchand et financier,
Que depuis par fortune
Vis mourir en exil.
Après bonté mainte une
Faite au Roy par ichil.
Mais ces deux derniers vers ont une variante. Dans certains manuscrits, on lit :
Après fraulde mainte une
Faite au Roy par ichil.
ou
Faite au Roy par cas vil.
Jean Masson, auteur des Marguerites historiales, ouvrage écrit en 1497 ; consacre à Jacques Cœur un chapitre qui porte ce titre : Du vice de Jacques Cueur, argentier et conseiller du Roy Charles VIIe du nom, lequel offensa et blessa très grandement toute cristienté et le Roy son maistre et tout le royaulme de France. (Ms. fr. 955, f. 59 ; cf. Paulin Paris, Manuscrits français, etc., t. VII, p. 325.) Mais il faut remarquer que Jean Masson était un serviteur de la maison de Chabannes.
[109] Est-ce pour ce motif que, le 6 décembre 1450, le chapitre de Saint-Étienne de Bourges lit dire une messe pro domino argentario. Voir Mém. de la Société archéologique de l'Orléanais, t. II (1853), p. 84.
[110] On lit dans la réponse faite en 1450 par le roi de Castille aux requêtes présentées par les ambassadeurs de France : Et mesmement les subgiez du Roy se sont plaintz et plaingnent chascun jour de beaucoup de dommaiges et tribulz nouveaux qui, contre les privileiges qu'ilz ont ou royaume de France, confermez par son dit frere, leur sont faiz et font chascun jour contre raison et justice, et mesure à cause de son argentier, en plusieurs et diverses manières, lesquelles choses ne pevent ne le doivent faire. Ms. lat. 6024, f° 64 ; cf. f° 75 et 75 v°.
[111] Voir Vallet, Histoire de Charles VII, t. III, p. 288.
[112] Ms. fr. 26080, n° 6374.
[113] Ms. fr. 26080, n° 6375.
[114] Ms. fr. 26080, n° 6376.
[115] Ms. fr. 26080, n° 6378.
[116] Pièces originales, 799, n° 18.
[117] Interrogué si paravant la venue desdiz sires Pierre Berart et maistre Ythier de Paygirault ladite feue (Marie de Leodopart, femme de Jacques Cœur), ledit arcevesque (Jean Cœur), luy (Guillot Trepant) et autres serviteurs dudit Cuer sceurent riens de la prinse d'icelluy Cuer, dit en sa conscience que au regard de lui il ne sceut riens, et croyst que non firent ladite feue, ledit arcevesque, ni autres serviteurs dudit Cuer ; car, deux ou trois jours devant la venue desdiz Berart et maistre Ythier, maistre Jehan Thierry arriva en ceste ville de Bourges et apporta lettres dudit Cuer à ladite feue, audit arcevesque, à Pierre Joubert, Jacquelin Culou, à luy qui parle et autres, par lesquelles lettres il escripvoit que son fait estoit aussi bon et estoit aussi bien envers le Roy qu'il avoit jamais esté, quelque chose que on en dist ; et pour ce on ne se doubtoit point de sa prise. Archives, KK 328, f° 123. Passage reproduit par Clément, t. I, p. 236-237.
[118] Récit officiel de l'arrestation de Fouquet, rédigé par Foucault d'après l'ordre de Colbert. Histoire de l'administration monarchique, par Chéruel, t. II, appendice II, p. 446.
[119] Item presupposent les dicts enfans (de Jacques Cœur) que leur dict père fut prins et constitué prisonnier pour l'empoisonnement de feue Agnès Sorelle, le dernier jour de juillet 1451... Mémoire des enfants de Jacques Cœur, rédigé au commencement du règne de Louis XI, dans Clément, t. II, p. 334. Mais, d'après l'arrêt rendu contre Jacques Cœur, le 29 mai 1453, on voit qu'une première enquête précéda l'arrestation. Voir le texte de ce document dans Clément, t. II, p. 293 et suivantes, et mieux dans Buchon, l. c., p. 582 et suivantes. Thomas Basin dit (t. I, p. 314 et 316) que l'arrestation de Jacques Cœur fut motivée par les soupçons mis en avant au sujet de l'empoisonnement.
[120] Tous ces détails sont empruntés à l'arrêt de condamnation. — Les fils de Jacques Cœur prétendirent plus tard (voir Clément, t. II, p. 335) que le Roi préleva aussitôt sur la fortune de Jacques Cœur une somme de cent mille francs, pour la conduite de ses guerres, et donna tout le reste au comte de Dammartin et autres qui estoient autour de luy, cuidant avoir averé lesdiz faits desdits poisons. C'est une allégation toute gratuite.
[121] Mathieu de Harcourt, escuyer, seigneur de Rugny, capitaine et gouverneur des vingt-quatre archers de la garde du corps du Roy, pour mener de Taillebourg à Lezignen sire Jacques Cuer, conseiller et argentier du Roy, duquel il luy avoit baillé la garde. Deuxième compte de Mathieu Beauvarlet. Cabinet des titres, 685, f° 144.
[122] Anthoine de Chabannes, conte de Dampmartin, C l. pour la despense pendant mois de septembre dudit Jacques Cœur, dont il a la garde. Id. ibid. Antoine de Chabannes escuyer, conte de Dampmartin, à IIc l. par mois tant pour la garde que per la despense dudit argentier pendant ledit temps (octobre 1451-juin 1452). Id., f° 157. — Jacques Cœur n'était pas seul détenu au château de Lusignan. On lit dans les comptes (f° 159 v°) : Estienne de Laumosne, prevost de Lezignan, XX l., pour la garde et despense de certains prisonniers qu'il a eu en garde à Lezignan, durant que sire Jacques Cuer y a esté detenu prisonnier.
[123] Jehan Sinore (?) XVI l. X s., pour avoir esté de Taillebourg à Tours querir Simon de Varie qui y estoit arresté. Id., Ibid., f° 145 v°. — Mouvement de prisonniers : même source, f° 157 et 157 v°. — Deux prisonniers au château de Tours en décembre 1451. Id., f° 159 v°.
[124] Me Jehan le Roy, notaire et secretaire du Roy, XXXIII l. VII s. pour aller en juillet (?) de Taillebourg à Rouen mettre en la main du Roy les biens de sire Jacques Cuer, son argentier. — Jehan Forestier, escuyer, LX l. pour son voyage de Taillebourg à Lyon mettre en la main du Roy les biens de sire Jacques Cuer y estans. — Blaise Greellé, maitre des requestes, LV l. pour son voyage en Savoye pour la delivrance de certains draps estans des biens dudit Jacques Cuer. Cabinet des titres, 685, f° 145.
[125] Pierre Clément, t. II, p. 144-145.
[126] Pierre Clément, p. 146-147 ; Vallet de Viriville, t. III, p. 287. — On lit dans la plaidoirie de Halé, avocat des fils de Jacques Cœur, devant le Parlement (20 mai 1462) : Le lendemain (1er août) fut baillée commission adressante à Chabannes, Harbin, Torrettes, Cousay, Ducurre et M' Laurent Rouque. Puissance leur fut donnée et aux six ou quatre d'eux de faire le procès de feu Cueur. (Archives nationales, 32, à la date). — On verra plus loin que Chabannes ne figurait pas au début parmi les commissaires.
[127] Consultation dans Clément, t. II, p. 315.
[128] Ces noms nous sont fournis par le compte déjà cité de Mathieu Beauvarlet. Il ne sera pas inutile de reproduire le passage tel que nous le donne l'extrait du ms. 685 du Cabinet des titres (f° 144). Me Jehan Tudert, conseiller et maitre des requestes ordinaire, VIIIxx l. pour avoir vacqué ès mois d'aoust et septembre à Lezignan pour le fait du procès de sire Jacques Cuer, conseiller et argentier du Roy, illec detenu prisonnier. — Hugues de Cousay, conseiller du Roy et lieutenant du seneschal de Poitiers, VIIxx l. Pour lesdiz deux mois, pour semblable cause. — Helies de Tourrettes, conseiller du Roy, lieutenant du seneschal de Xaintonge, VIxx l. pour lesdiz deux mois. — Pierre Roque, conseiller du Roy, mei I. pour lesdiz deux mois, idem. — Denis Dussare (sic), Conseiller du Roy, vrai. pour lesdiz deux mois, idem. — Leonart Guerinet, conseiller du Roy, LX l. pour le mois de septembre, idem. — Pierre Gaboureau, conseiller du Roy, Pour le mois de septembre, idem.
[129] Me Jehan Barbin, conseiller et advocat du Roy au Parlement, à C l. par mois, Pour luy ayder à supporter la despense qu'il luy convint à faire à Lezignan oit le Roy l'a retenu pour le fait du procès de sire Jacques Cueur depuis le mois d'octobre jusques et y compris le mois de juin 52. Id. ibid., f° 157. Jean Barbin fut chargé de dresser l'Inventaire des documents du procès (voir Clément, t. II, p. 334).
[130] C'étaient Pierre Bérard, trésorier de France, et Ythier de Puygirault, serviteur de Guillaume Gouffier, sénéchal de Saintonge. Archives, KK 328, f° 119 et suivants, dans Clément, t. I, p. 231 et 236-237. — Une commission fut donnée un peu plus tard à Jean d'Estampes, évêque de Carcassonne, général des finances ; Tamguy du Chastel, Étienne Petit, receveur général des finances en Languedoc, et Otto Castellain, trésorier de Toulouse, pour mettre les biens de Jacques Cœur en la main du Roi. C'est ce qui résulte de lettres données plus tard en faveur de Jean de Village et de trois patrons de galères au service de Jacques Cœur, dont je dois la communication à feu M. le marquis de Coriolis (Archives du château de la Salle). — Il ne semble pas qu'on ait apporté beaucoup de soin dans l'exercice de ce mandat, car nous voyons que, vers la Toussaint de l'année 1451, Macée de Léodepart fit enlever et transporter à Menetou tout ce qui se trouvait dans l'hôtel de son mari à Bourges (Clément, t. I, p. 237).
[131] Information faite le 10 septembre 1451 par Guillaume Gouffier ; autre faite le 11 septembre par Jean de Vaux, juge du palais et Pierre Tainturier ; autre le 16 septembre Par Jean Grinion, général maitre de monnaies ; autre par Jean de Vaux et Pierre Tainturier ; autre le 26 janvier 1452 par Otto Castellain et Pierre Gravier. Procès de Jacques Cœur, ms. fr. 3868, f° 3-3 v°, 4, 7 v° et 8. M. P. Clément a confondu ces fonctions de commissaire délégué avec celles de juge. H est constant que Castellain ne figura pas tout d'abord parmi les juges ; ses pouvoirs de commissaire lui furent donnés pour informer en Languedoc (voir le procès et les lettres du 17 juillet 1452, dans le ms. 8368, f° 81).
[132] Me Jehan Tudert, conseiller et maistre des requestes ordinaire de l'ostel IIIIxx l. par mois pour semblable cause (le procès de Jacques Cœur) et durant ledit temps (octobre 1451-juin 1452). — Me Helies de Thourettes, lieutenant general de Mgr le seneschal de Xaintonge, à LX l. par mois, pour semblable cause et durant ledit temps. Pierre Roque, Denis Duxerre, Léon Guerinat et Pierre Gaboureau, tous praticiens de cour laye demeurans en Poitou, à chascun XL l. par mois pour semblable cause durant ledit temps. — Guillaume Thoreau, notaire et secrétaire du Roy, à XL l. par mois, pour semblable cause et durant ledit temps. Id. ibid., f° 157. — Me Hugues de Couzay, conseiller du Roy, C l. pour entretenir son estat et LXX l. par mois pour les despenses qu'il luy convient faire à Lezignan où le Roy l'a retenu pour le fait du procès de sire Jacques Cuer jusques y compris le mois de juin. Id. ibid., f° 156 v°.
[133] Ce point, qui n'a été relevé par aucun historien de Jacques Cœur, est établi par une source d'information à laquelle (depuis Bonamy qui s'en est servi dans son mémoire inséré au t. XX des Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres) personne n'a puisé. Nous voulons parler du procès introduit devant le Parlement par les trois fils de Jacques Cœur, le 20 mai 1462. Dans la plaidoirie de Halé, leur avocat (Archives, X1A 32, à la date), on lit : Fut fait plusieurs rapports de feu Jacques Cueur pour le credit qu'il lui donnoit, scilicet touchant conspiracion contre la personne du feu Roy et d'empoisonnement. Plus loin l'avocat dit que le feu Roy si (sic) est porté en toute justice et dit aux commissaires qu'ils se acquittassent en conscience, ne procedast contre feu Jacques Cueur s'il n'est trouvé chargé des cas touchant la personne du Roy et des poisons. — Dans sa réplique, Halé insiste en ces termes : Jacques Cueur fut emprisonné pour aucunes choses touchant la personne du Roy et pour empoisonnement, dont n'a esté trouvé. — Les commissaires avoient charge de besongner sur les cas touchant la personne du Roy et empoisonnement, à quoy ne toucherent aucunement, mais, en ce delaissant ou excedant, procederent sur d'autres matières. — Et dit que, bien visité le procès, l'intention du Roy apparoistra avoir esté que l'on ne procedast contre Jacques Cueur que pour le cas touchant sa personne et l'empoisonnement, car par icelluy procès apparoistra que fut demandé à Guillaume de Varye pourquoy s'estoit enfuivy, attendu qu'il savoit bien que on ne toucheroit sinon sur les vilains cas. — Dans une autre plaidoirie, en date du 19 janvier 1464, Halé revient encore sur ce point : Le Roy avoit déclaré que si leur dit pore n'estoit trouvé chargé des cas touchant sa personne et d'autres villains, qu'on ne procederoit point à confiscacion de ses biens. — Ajoutons que Jean Masson, dans ses Marguerites historiales (ms. fr. 995, f. 79), dit que Jacques Cœur fut emprisonné pour certains cas touchant la foy catholique et aussi crime de lèse majesté comme autrement. — Il est donc bien établi que le principal grief allégué au début fut une conspiration contre la personne du Roi, Le silence de l'arrêt à cet égard n'en est que plus significatif.
[134] Sur le fait de l'esclave chrétien livré aux infidèles, le patron de la galère, Michelet 4ailleturier, déposa qu'il était à Alexandrie lorsqu'un esclave de vingt-quatre à vingt-cinq ans vint le trouver et se jeta à ses pieds en disant Pater Noster et Ave Maria. Cet esclave, qui se nommait Aboleris, et était originaire des Indes, fut recueilli et amené à Montpellier. Jacques Cœur se fâcha et reprocha à Taincturier le danger où il mettait ses galères. Celui-ci répondit que dudit dangier ne faisoit pas grant compte, pour ce que le maistre dudit More aymeroit mieux cinquante escus que luy. Jacques Cœur répondit qu'il advisast bien qu'il avoit fait, car si dommage lui en advenoit iceluy tesmoing et son frere le repareroit. Le témoin ajouta que ledit Moro fut retourné par l'ordonnance dudit Jacques Cuer, comme on disoit, et rendu à son dit maistre, où il renia la foy des Sarrazins. Procès, l. c., f° 18 v° et suivants.
[135] Sur le fait de l'embarquement forcé, Jean Leclerc, laboureur, demeurant à Montpellier, déposa que, en la galée Saint-Jacques, de laquelle estoit patron Jean de Village, vit un jeune homme d'Alemaigne qui se jeta à la mer, duquel recouvrer fut faicte toute diligence, mais ne peurent parvenir audit recouvrement ; et croit qu'il se jecta par desplaisance. Heliot de Vaguer, fripier, déclara qu'il fut embarqué de force avec dix-sept autres, entre lesquels était un jeune allemand qui se disait homme d'église, et se jeta dans la mer ; et par avant qu'il se jetast ploroit et disoit qu'on lui faisoit tort. Procès, l. c., f° 51 et 51 v°.
[136] Procès, l. c., f° 8 et suivants.
[137] Procès, f° 10.
[138] Cette accusation est consignée dans l'arrêt de condamnation.
[139] Procès, f° 10 v° 12.
[140] Procès, f° 13-13 v°, 15-15 v°.
[141] Procès, f° 16-17, 22 et suivants.
[142] Procès, f° 15 et 24.
[143] Sur le fait des harnais de guerre, on entendit douze témoins (voir Procès, ms. fr. 8368, f° 3 et s.). L'un d'eux, Jean Nosse, déclara que, étant à Montpellier, Jacques Cœur lui monstra en son hostel deux ou trois douzaines de gisarmes et haches, et de beaux cranequins et arbalestes plus de six et au dessoubs d'une douzaine ; et y avait une belle arbaleste d'acier, un riche zazeran, une quantité de belles salades garnies d'argent, et une couppe dorée ; et disoit ledit Jacques qu'il en voulait faire present au souldan pour avoir sa faveur au fait de ses galées en acquit des debvoirs d'icelles galées. Et depuis oyt dire que ledit Jean de Village avait porté audit souldan ce que dit est. Procès, f° 4 v°.
Notons qu'on lit à ce propos dans les Chroniques de Metz, à l'année 1151 (p. 275) : Le vingt septiesme jour d'octobre passa par Metz deux moines à cheval du pays d'Albeba11Ye portant lettre de credance que les Turcques et Sarrazins estaient entrés en leur pays et ez circonvoisins subitement, oit ils avaient esté surprins ; et avaient lesdits Turcques et Sarazins tué et mis à mort et prins prisonniers plus de 300.000 crestiens, que homes, femmes et enffans ; disant que ce procedoit par ung des argentiers du Roy de 'vaine qui, pour la lucrative, leur avoit vendu et delivré harnex, armures, lances, arcarbalestres, collevrines et aultres artilleries pour argent qu'il en avait receu : dont par ce furent ainsy les crestiens meurtris et prins prisonniers. Depuis le Roy de France fist prendre et apprehendier ledit argentier, quant il fut du cais adverti, et en fist faire la justice.
Sur le fait de l'exportation des monnaies, on entendit de nombreux témoins. Dans sa déposition, Jean Nosse déposa que Jacques Cœur possédait sept galères qui devaient porter, à chaque voyage, de seize à vingt mille ducats, — Mathieu Salomonique dit que, dans un voyage qu'il fit en 1445 (et non cinquante-cinq), sur la galère Saint-Denis, on transporta de 25 à 30.000 ducats. A Rhodes, l'argent fut fondu et mis en platines poinçonnées d'une fleur de lys ; et estoit de plus basse loy de huit pour cent, dont les Sarrasins auxquels ledit argent fut delivré à Alexandrie furent mal contons, et disaient qu'ils n'avaient point accoustumé voir telles tromperies. Procès, l. c., f° 5 à 8.
[144] Voir Procès, l. c., f° 16 et suivants. — Étienne Perronne dit que ledit pays a esté fort appauvry puis la venue dudit Jacques à cause des charges plus grandes au double qu'elles n'estaient auparavant... Item que ledit pays est despouillé et appauvry d'argent blanc à cause du transport que en ont fait les galées dudit Jacques Cœur.
[145] Ledit seigneur de Clermont dépose que de Vm livres furent données et octroyées par Thoulouse, et disait ledit Jacques Cuer que ladicte somme estoit pour les espices à diviser entre le Roy et les seigneurs, et que le Roy prenait plaisir à telles petites sommes extraordinaires. Item parle de l'argent blanc transporté. Item de trois mil livres tournois qui furent tauxez pour faire les ambassades du païs à Chinon, desquelles rien n'a esté paié aux ambassadeurs, et croit que ledit Jacques Cuer les ait reçeus ; et estime que ledit Jacques Cuer a bien eu par don dudit païs de Languedoc de quarante à cinquante mil livres. Procès, l. c., f° 23 v° ; cf. f° 12 v° et suivants ; 16-17 v°, 21 v° 23.
[146] Se rapporta à la deposition des tesmoings qui avoient deposé contre luy ès autres cas que desdictes poisons, combien qu'il dist que il n'avoit point commis lesdiz cas et que lesdiz tesmoings estoient ses hayneux... Lettres de Louis XI, sans date. Ms. fr. 3868, f° 121, et dans Clément, t. II, p. 368. — Comme il soit venu à nostre congnoissance que dès pieça et par les rapports qui furent faits à feu nostre très cher seigneur et père, que Dieu absoille ! de la personne de feu Jacques Cuer, son argentier, par plusieurs ses haineux et malveillans, tendans à le depouiller et eux enrichir de ses biens, et entre les autres par Anthoine de Chabannes... Lettres de Louis XI en date du mois d'août 1463 (Ms. fr. 3868, f° 125, et Clément, t. II, p. 371). Les fils de Jacques Cœur les qualifient ainsi : Item presupposent lesdiz enfans que la pluspart des tes-moins produits esdictes informations sont paillers perdus et infasmes. Ils ajoutent que plusieurs ont esté corrompus. Mémoire rédigé en 1461 ou 1462. Clément, t. II, p. 335.
[147] En tant que touche les autres charges du harnois, de l'enfant chrestien, du scel, du scellé et des finances, combien qu'il croit assez que les malveillans dudit Cuer ont sur ce quis occasion, neantmoins, attendu qu'il en appert par la confession dudit Cuer et deposition des tesmoings auxqueulx il s'est rappourté, la chose lui sembleroit douteuse et perilleuse à mettre ledit procès en ladite Cour. Consultation des avocats (La Réaulte). Clément, t. II, p. 344-345. Cf. ms. fr. 3868, f° 67, et 23367 (non paginé), où le texte est ici plus correct.
[148] François de Montberon, escuyer, seigneur de Mortaigne, C l. pour luy ayder à deffrayer à Lezignan où il a esté par aucun temps pour le fait du procez de sir Jacques Cuer. — Mademoiselle Jehanne de Vendosme, dame dudit Mortaigne, femme dudit de Montberon, C l. pour semblable cause en decembre, et VIxx XVII l. X s. pour chascun mois depuis janvier jusques et y compris le mois de juin. Cabinet des titres, 685, f° 157.
[149] Procès, l. c., f° 3 à 17. Les extraits que nous possédons donnent les dépositions d'environ quatre-vingt témoins. Les informations furent faites les 10, 11, 16, 18 septembre, 6 et 12 octobre, 6 décembre 1451, 10 et 26 janvier et février 1452, etc. — En outre, des enquêtes extra judiciaires furent faites, ainsi qu'on le voit par la mention suivante dans le troisième compte de Mathieu Beauvarlet (f° 157) : Olivier Fretart, escuyer, à LX l. par mois, pour avoir vaqué à faire certaines informations secrètes au pays de Berry depuis le mois de decembre jusques y compris le mois de may. — Guillaume Thoreau, notaire et secretaire du Roy, à XL l. par mois, pour semblable cause, durant les mois de janvier et may. — Jacques de la Fontaine, à XL l. pour semblable cause, pour les mois de janvier, avril et may.
[150] Voir note complémentaire sur les manuscrits du Procès, dans les pièces justificatives.
[151] Ces lettres ont été publiées par M. Pierre Clément, t. II, p. 362 et suivantes. Cf. ms. fr. 3868, f° 117 et suivants.
[152] Archives, X2A 32. On retrouve ces plaidoiries à la Bibliothèque nationale dans les manuscrits français 23826, f° 348 v° et suivants, et 21500, à la date du 20 mai 1462.
[153] On lit dans la plaidoirie d'Halé : Sur le fait des poisons, respondit qu'il n'en estoit coulpable et ne sçeut oncques que Madame de Beauté fut morte de poisons.
[154] Notons que dans le Bullaire (t. III, part. III, p. 67) il y a une bulle de Nicolas V du 9 des calendes de septembre 1451 contra impios christianos mittentes et deferentes arma, victuala et mercimonia ad partes Saracenorum.
[155] On lit dans la plaidoirie d'Halé qu'il en avoit eu à plusieurs fois huit mil pour espèces et quatorze mil pour pertes et curialitez.
[156] Halé est plus explicite : il constate que Jacques Cœur avait reçu des marchands de Gênes 6.500 écus, dont grande partie fut employée pour les sallaires des commissaires, lettres et autres choses necessaires ; des marchands de Catalogne, 8.000 écus et 1.360 livres, et des marchands de Provence, 13.000 florins, qu'il ne put distribuer pour ce qu'il fut mandé hastivement par le Roy pour sa guerre de Guienne.
[157] Cet aveu ne se trouve que dans la plaidoirie d'Halé.
[158] A la date du 19 mai 1452. Ms. fr. nouv. acq. 2497, f° 27. — Le 25 mai, une nouvelle information fut faite par Bernard Nautaire, général des monnaies, Pierre Barthélemy et Pierre Taincturier, sur le navigage du sel. Voir le Procès, l. c., 9 v°.
[159] Aujourd'hui Luynes. — On voit par les comptes (ms. 685, f° 159) que Jacques Cour tomba malade au château de Maillé et que Charles VII lui envoya Guillaume Traverse, médecin du comte de la Marche.
[160] L'arrêt de condamnation constate (Clément, t. II, p. 295) qu'à Maillé il y eut adjonction de nouveaux commissaires ; lesquelles (informations) ordonasmes par iceux nos commissaires, et autres que de nouvel commismes avec eux, entre voues et visitées. Les commissaires mentionnés au procès (ms. 23367 ; ce passage manque dans le ms. 3868) sont, avec le comte de Dammartin, Jean Baillet, Jean Bureau, Hugues de Courey (Couzay), Denis d'Ausserre, Pierre Doriolle, Étienne Chevalier, Otto Castellain, Jean Palis, Jean Chambon et Jean Avin.
[161] Cette date est fournie par la consultation rédigée pour les fils de Jacques Cœur. Voir Clément, t. II, p. 341.
[162] Arrêt de condamnation. — Les actes nous révèlent la présence à Chissay des conseillers dont les noms suivent : les évêques de Maguelonne et de Maillezais, l'amiral de Bueil, le sire de la Tour, le sire de Gaucourt, Jean Barbin, Guillaume Gouffier, Jean de Levis, Étienne Chevalier et Pierre Doriole.
[163] Arrêt de condamnation.
[164] Tous ces renseignements sont tirés de l'arrêt de condamnation. Clément, p. 306, et Buchon, p. 588. Cf. mémoire des avocats des fils de Jacques Cœur, dans Clément, t. II, p. 339.
[165] Procès, dans le ms. 3868, f° 25.
[166] Procès, l. c., f° 25.
[167] Procès, l. c., f° 26-28.
[168] Procès, l. c., f° 28-29 v°.
[169] Ce mémoire se trouve in-extenso dans le Procès, f° 31 v° 33.
[170] Procès, l. c.
[171] Procès, l. c., f° 81 et suivants. — A la suite se trouve le procès-verbal dos opérations de Jean Thierry et de Pierre Jobert.
[172] Nostre dit Saint Pere lui a rescript par le clerc de la chambre apostolique qui est venu vers nous pour le fait de l'argentier qu'il se tirast pour ladicte matière vers vous. Lettre de l'archevêque de Narbonne au Roi. Original, Coll. Le Grand, IV, n° 23. Il est fait mention de cette ambassade dans le procès-verbal de la vente des biens de Jacques Cœur : Parce qu'il estoit venu de par deça ung ambaxadeur de par nostre Saint Pere le Pape pour pourchasser la délivrance dudit feu Jacques Cœur. Archives, KK 328, f° 490, dans Clément, t. I, p. 263.
[173] Ce bref a été publié à plusieurs reprises, par Buchon (l. c., p. 664), par Champollion-Figeac (Mélanges, t. II, p. 470), par Pierre Clément (t. II, p. 275), par l'abbé Albanès (Revue des Sociétés savantes, 6e série, t. II, 1875, p. 434).
[174] Bref d'Eugène IV, en date du 6 septembre 1446 ; Bref de Nicolas V, en date du mois d'octobre 1448. Procès, l. c., f° 77 et 79.
[175] Dépositions recueillies les 21 juin 1452, à Montrichard, par Tudert et Tourelles ; de juin à novembre 1452, par Tudert, Tourettes, d'Auxerre et Couzay ; le 29 juin, par Barbin et Tudert ; le 1er juillet par Barbin, d'Auxerre et Castellain. Procès, l. c., f° 51, 17 v°-18 (et double f° 53-54).
[176] Voir une décision d'Honorius III, donnée en 1218, citée par Chardon, Histoire de la Reine Bérangère, p. 71. On lit en effet dans Bouteilier, Somme rural, ou le grand costumier general de practique, civil et canon, au titre VII, Des clercs mariés : Dit la decretale que clerc marié, ja fust ce qu'il eust habit et tonsure, s'il s'entremettoit de choses layes, comme de marchandises layes, d'office lay, si ne devroit il en ce cas, ne ès pourchas qui pour ce se font, jouir de privillege de clergie.
[177] Arrêt de condamnation.
[178] Cela résulte de la plaidoirie d'Halé, où on lit : Dit que le XIIIe jour de janvier 1452 (v. st.) furent bailléez autres commissions avec les premières, scilicet à d'Aubusson, Chastelain et plusieurs autres ; leur fut baillée puissance de besongner ès procès encommencez selon la forme de l'interrogatoire donné.
[179] Lettres de Louis XI, dans Clément, t. II, p. 367. Dit que le XXIe jour de mars 1452 fut ordonné que feu Jacques Cueur seroit mis en question pour savoir la verité des matieres. Plaidoirie de Halé. — Si le fait de la torture est exact, comment se peut-il que Jean Cœur, archevêque de Bourges, l'ait passé sous silence dans son appel du 28 mai 1453 (Procès, f° 50 v°) ?
[180] Lettres de Louis XI.
[181] Plaidoirie de Halé et lettres de Louis XI.
[182] Plaidoirie de Halé.
[183] Plaidoirie de Halé.
[184] Plaidoirie de Halé.
[185] Plaidoirie de Halé.
[186] Plaidoirie de Halé.
[187] Clément, t. II, 368.
[188] C'était ainsi qu'on appelait non seulement ceux qui n'avaient point contracté mariage, mais ceux qui avaient perdu leur femme. Or, Macée de Léodepart venait de mourir. On lit dans la plaidoirie d'Halé : Depuis le procès parachevé est advenu la mort de la femme feu Jacques Cueur. Il fut requis par l'evesque de Poictiers luy estre rendu comme clerc solu en habit de tonsure, et offrit de monstrer de la clericature, niais n'en fut tenu compte, dont l'evesque de Poictiers appela. — Il parait que ce n'est qu'après le prononcé de l'arrêt que l'évêque de Poitiers intervint (Voir Clément, t. II, p. 176). — Plus haut Halé avait prétendu qu'au cours du procès l'archevêque de Tours avait réclamé Jacques Cœur comme son clerc.
[189] Nous ne possédons point le texte original de l'arrêt de condamnation ; il a été publié par M. Pierre Clément, t. II, p. 293-309, assez incorrectement, d'après les manuscrits du Procès. Nous nous sommes servi de deux copies du temps qui se trouvent aux Archives nationales, dans les registres P 1374, cote 2426, et KK 828, f° 8 v°.
[190] Chartier, t. III, p. 43-44. Cf. extrait du compte de la vente des biens de Jacques Cœur dressé par Jean Dauvet (dans Clément, t. I, p. 201), et lettres de Louis XI déjà citées (t. II, p. 369).
[191] Quis autem aliquando æstimare potuisset ut Carolus rex, cui tam fideliter ac sedulo ministrarat, et ad cujus tantam familiaritatem atque, ut a cunctis æstimabatur, accesserat, in eum postea tam durus et severus esse potuisset ? Thomas Basin, t. I, p. 316.
[192] Cum alicui bono et honesto homini aliquis canum palatinorum invidiam conflare vellet, atque in eum regiam indignationem excitare, illud sibi pro crimine velut capitali impingebatur quod de pulchra Agnete loculus fuisset. Thomas Basin, t. I, p. 313-314.
[193] Seul Bonamy, qui avait pris connaissance du procès de 1462, y fait allusion (Clément, t. II, p. 379) en ces termes dédaigneux : Par la première commission pour le faire arrêter, les commissaires n'avoient charge que de l'examiner sur les poisons, et une prétendue conspiration congre le Roi dont il se purgea aussi facilement que de l'accusation du poison donné à Agnès Sorel.
[194] C'est ce qu'on lit dans la plaidoirie d'Halé. A quoi Ganay répondait : A ce que partyes adverses ont dit que le feu Roy declara, au cas que feu Jacques Cueur ne seroit trouvé chargé des cas touchant sa personne et de la personne de damoiselle Agnès, qu'il vouloit qu'on ne luy demandant riens des autres cas, dit qu'il n'en scet riens, et en tout le procès n'en est faicte mention, et n'est recevable aucun d'alleguer chose qui vient du Roi s'il n'a mandement patent à ce.
[195] Nous trouvons dans une dépêche d'Angelo Acciajuoli, ambassadeur florentin qui se trouvait à la Cour au mois de janvier 1452 (et avec lequel le Roi, depuis son séjour à Villedieu, avait eu plusieurs entretiens relativement aux négociations diplomatiques entamées alors avec la république de Florence et le duc de Milan), le passage suivant, qui mérite d'être noté, à cause de l'allusion qui y est faite à une conversation du Roi avec l'ambassadeur au sujet de Jacques Cœur : ... Stando mi con alcuni gentilhuomini, mi fece richiamare, et ragionommi di alcune faconde appartenenti all' argentieri ; et satisfactogli di quello che mi domandava... Dépêche du 22 janvier 1452. Archives de Florence.
[196] Michelet, Histoire de France, t. V, p. 366, 376, 379 et 381. Avant Michelet, Gaillard écrivait au dernier siècle (Histoire de la rivalité entre la France et l'Angleterre, t. IV, p. 109-110) : Le préjugé le plus fort contre l'innocence du fameux Jacques Cœur se tire de ses liaisons avec le Dauphin, dont il sembla toujours rechercher l'appui contre Charles Louis XI fit revoir le procès de Jacques Cœur, et tout opposé qu'était ce Prince à l'administration de Charles VII, tout ami de Jacques Cœur, tout ennemi du comte de Dammartin-Chabannes, qui avait présidé à la condamnation de Jacques Cœur et qui avait eu part à la confiscation, Louis ne trouva pas de quoi faire réformer ce jugement.
[197] Ces lettres ont été publiées par Clément, t. II, p. 371. — Louis XI, dit P. Clément à propos de cette lettre (t. II, p. 251), Louis XI reconnaissait que Jacques Cœur lui avait rendu de bons et louables services. On a conclu de là que celui-ci avait, à l'époque de sa prospérité, prêté de l'argent au Dauphin, et que telle avait été la cause de sa disgrâce ; mais les circonstances dans lesquelles parurent ces lettres et le vague de cette accusation prouvent qu'elle n'était nullement fondée.
[198] Il contresigne en cette qualité des lettres de Louis XI, le 20 août 1461.
[199] Le 28 juin 1460, Louis, encore dauphin, écrivait de Genappe aux doyen et chapitre de Saint-Martin de Tours pour leur recommander, tant chièrement que povons et sur tout le plaisir et service que nous vouldriez faire, que la première prébende vacante fût donnée à Henri Cœur. Lettres de Louis XI, t. I, p. 141.
[200] Par lettres du 2 août 1461.
[201] Ce sont les titres que lui donne Louis XI dans les lettres pour la révision du procès.
[202] Il est qualifié de valet de chambre dans les lettres pour la révision du procès et d'échanson dans les lettres d'août 1463. — Il devint chevalier et maitre d'hôtel du Roi.
[203] Voir Lettres de Louis XI, t. II, p. 366-67.
[204] Il fut nommé, par lettres données à Avesnes le 30 juillet 1461, général conseiller sur le fait des finances.
[205] Il entra aussitôt en fonctions.
[206] Par lettres du 16 août 1462.
[207] Nommé bailli de Touraine le 3 août 1461 ; maître des comptes le 7 septembre suivant ; chambellan du Roi, général des finances, capitaine de Tours et d'Amboise.
[208] Une cedulle en papier signée B. de Beauvau, donnée le XXe jour de juillet CCCC XLVIII, par laquelle il dit : Mon compère, je vous prie que faictes delivrer... etc. Ms. fr. nouv. acq. 2497, f° 3. Cf. f° 31.
[209] Par lettres du 6 juin 1462.
[210] Le procès-verbal des opérations de Jean Dauvet se trouve aux Archives nationales, sous la cote KK 328 ; c'est un in-4° de 509 folios, et encore il est incomplet de quelques feuillets.
[211] On lit dans le sixième compte de Mathieu Beauvarlet : Hugues de Pendran, escuyer, XXVII l. X s., en faveur des nouvelles qu'il luy a apportées de la prise de Jacques Cuer, lequel s'estoit eschappé du chastel de Poitiers où il estoit retenu prisonnier (27 octobre 1454). Cabinet des titres, 685, f° 181.
[212] Messire Jehan le Damoisel, chevalier, conseiller au Parlement, XXIII l. pour avoir esté de Melun au lieu de Burat (?) près Montmorillon, devers Jacques Cuer, estant illec en franchise, pour luy dire et remonstrer aucunes choses. Cabinet des titres, 685, f° 181 v°.
[213] Archives, KK 328, f° 342 v°.
[214] On lit dans les lettres de rémission délivrées en décembre 1459 à Jean Mignon (Archives JJ 190, n° 14 ; éd. par le comte de Reilhac, t. II, p. 326) que Mignon avait fait et livré à Otto Castellain deux figures de cire dites d'envoûtement : l'une pour mettre feu Jacques Cuer, nostre argentier lors, en male grace et lui faire perdre son office ce l'autre pour faire que ledit Octo Castellan, Guillaume Gouffier et ses compagnons feussent en nostre bonne grace et amour.
[215] Archives, KK 328, f° 383 v°. — Déjà en novembre 1453, sur la requête de Ravant Cœur, Charles VII leur avait donné 5001. (Ibid., f°. 106 et 115).
[216] Rémission à Jean de Village (février 1457) JJ 191, n° 234 ; publié par Clément, II, p. 235. Rémissions pour Jean Forest, facteur de Jacques Cœur (février 1457), JJ 191, n° 235 ; pour la veuve de Guillaume Guinart, parente de Jacques Cœur (février 1447), JJ 191, n° 242 ; pour Bertrand de Naulle (15 avril 1457) JJ 187, n° 290 ; pour Étienne de Manne, employé de Guillaume de Varie (août 1457), JJ 187, n° 47 ; pour Antoine, Hugues et Rostaing Noir, employés de Jacques Cœur (idem), JJ 187, n° 68.
[217] Lettres du 5 août 1457 ; publiées par P. Clément, t. II, p. 350-58. Cf. actes de la renonciation de Guillaume de Varie et de Jean Cœur, archevêque de Bourges, Henri Cœur, doyen de l'église de Limoges, Regnaut (lisez Ravant) et Geoffroy Cœur, fils de Jacques Cœur. Bourges, 2 septembre 1455. Ms. latin 9049, f° 71 et 72 v°, et dans les manuscrits du Procès.
[218] Clément, t. II, p. 359-361.
[219] Cabinet des titres, 1099, f. 162 v°.
[220] Registres du Parlement, aux Archives nationales, X2A30, f° 125 v° ; 32 aux dates suivantes : 20 mai, 3 juin et 4 août 1462 ; 33, au 19 janvier 1464. Cf. Interpolations de la chronique scandaleuse, dans la Bibliothèque de l'École des chartes, t. XVI, p. 261.
[221] Avis de La Réaulte. Voir consultation des avocats, dans Clément, t. II, p. 345.