HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE V. — L'EXPULSION DES ANGLAIS. - 1449-1453.

 

CHAPITRE II. — LA CONQUÊTE DE LA GUYENNE.

 

 

La campagne de Guyenne est décidée. — Situation de cette province. — Premiers succès obtenus en 1449. — Ouverture de la campagne ; prise de Bergerac et de plusieurs autres places ; expédition du sire d'Orval aux portes de Bordeaux ; déroute des Gascons. Charles VII se décide à marcher sur la Guyenne, mais l'hiver se passe avant que cotte décision ne reçoive d'effet. — Pouvoirs donnés au comte d'Armagnac et au sire d'Albret ; Dunois lieutenant général. — Prise de Blaye, de Bourg, de Fronsac ; soumission de Libourne, de Castillon et de Saint-Émilion. — Succès obtenus par le sire d'Albret et le comte d'Armagnac : siège de Dax ; prise de plusieurs places. — Pourparlers entamés par les Bordelais ; la situation de l'Angleterre no leur permet pas d'attendre du secours ; ouvertures du captal de Buch au comte de Foix ; les offres, transmises à Dunois, sont rejetées. — Jean Bureau entame de nouvelles négociations, bientôt couronnées de succès : traité du 12 juin 1451. — Bordeaux est livré à Dunois, qui y fait le 30 son entrée. — Soumission de toute la Guyenne, sauf Bayonne ; siège et prise de Bayonne. — Desseins de Charles VII sur Calais.

 

Voyant le succès de ses armes désormais assuré en Normandie, Charles VII tourna ses regards vers la Guyenne[1]. Après la prise de Falaise, il prit le chemin de la Touraine, et s'arrêta à Château-du-Loir, où il avait donné rendez-vous au connétable[2]. Il eut avec lui une longue conférence ; mais rien, ne transpira des résolutions prises dans cet entretien. Arrivé à Tours dans les premiers jours de septembre, le Roi tint un conseil où furent appelés les princes du sang, les principaux capitaines et les membres du grand Conseil[3]. Le connétable de Richemont fut nommé gouverneur de la Normandie ; Pierre de Brezé fut préposé à la garde de Rouen et de tout le pays sur la rive droite de la Seine jusqu'à la mer. On décida que le Roi marcherait sur la Guyenne, et qu'une armée y serait envoyée, sous les ordres de Jean de Blois, comte de Penthièvre, pour commencer les opérations[4].

La conquête de la Guyenne était une difficile entreprise. Il ne s'agissait plus, comme pour la Normandie, d'une province enlevée depuis peu d'années à la Couronne et où le sentiment français était resté profond : une possession trois fois séculaire avait inféodé la Guyenne à l'Angleterre. A la fin du quatorzième siècle, Froissart constatait que toujours Bordeaux et Bayonne et les frontières de Gascogne avoient grandement gardé l'honneur d'Angleterre[5]. En 1379, on avait vu les principales villes du Bordelais, à l'approche de l'armée de Charles V, former une ligue offensive et défensive contre les Français[6]. En 1399, lors des négociations entamées avec la France, les représentants des villes gasconnes avaient repoussé les ouvertures du duc de Bourbon en disant : Si les Français dominaient sur nous, ils nous tiendraient en leurs usages — assujettissement aux tailles, fouages, etc. — ; encore nous vaut-il mieux être Anglais quand ainsi nous sommes nés, car ils nous tiennent francs et libéraux, et ne nous point mettre en la sujétion des Français[7]. La tradition, les coutumes locales, les intérêts commerciaux, tout rattachait les Gascons à l'Angleterre ; les séparer de ce royaume, ce n'était point seulement compromettre leur indépendance, c'était porter atteinte aux conditions même de leur existence. Pendant l'occupation anglaise, ils avaient appris à se passer de maîtres, à se gouverner eux-mêmes. Sauf au temps du Prince Noir, qui avait voulu les assujettir à de lourds subsides, les Bordelais étaient demeurés exempts d'impôts. Une Cour suprême pour toute l'Aquitaine avait été instituée par Édouard III et était devenue Cour d'appel sous Henri IV. Les dix-sept communes du Bordelais, unies entre elles par une étroite alliance, avaient une entière indépendance. Bordeaux était à leur tête, et plusieurs se faisaient honneur d'être ses filleules. La capitale de la Guyenne offrait le spectacle d'une véritable démocratie : le règlement donné par Édouard III en 1376, les nouvelles franchises concédées par Richard II et ses successeurs avaient rendu la commune de Bordeaux maîtresse absolue. Au commencement du quinzième siècle, la Jurade triomphe définitivement ; elle tient entre ses mains les destinées de la province. Les rois d'Angleterre ne se mêlent pas du gouvernement ; pour peu que les Bordelais leur restent fidèles, ils les laissent libres de s'administrer eux-mêmes. Il y a peu d'Anglais à Bordeaux, point de troupes étrangères ; la suzeraineté de l'Angleterre s'est réduite à être le témoin et l'auxiliaire de son émancipation graduelle[8].

Grâce au concours du sire d'Albret, du comte de Foix et d'autres seigneurs de la contrée, des succès partiels avaient déjà été obtenus. Nous avons mentionné la prise de Cognac et de Saint-Mégrin, en mai 1449 ; la prise de Mauléon, en septembre[9]. Postérieurement, le comte de Foix avait entrepris le siège du château de Guiche, près de Bayonne, et remporté une victoire signalée sur les Anglais venus au secours de la place ; la reddition du château de Guiche avait entraîné la soumission d'une quinzaine de forteresses des environs[10].

Le comte de Penthièvre, lieutenant général du Roi, avait autour de lui le maréchal de Jalognes, le grand maître Culant, Saintrailles, le sire d'Orval. Son armée comptait cinq cents lances et un corps de francs archers. La campagne s'ouvrit par le siège de Bergerac. La puissante artillerie dirigée par Jean Bureau eut promptement raison des défenseurs de la ville, qui se rendit le 10 octobre[11]. De là on alla assiéger le château de Gensac, situé sur la rive gauche de la Dordogne[12]. Puis l'armée se scinda : une partie occupa le château de Montfourat[13], le château de la Rouquette[14], et les villes de Sainte-Foy et de La Roche-Chalais ; une autre, sous les ordres du sire d'Orval, se porta au sud, dans la direction de Bazas, qui fut occupé sans coup férir (31 octobre)[15]. Cette importante place, qui commandait toute la région jusqu'aux landes du Bordelais, devait servir de centre aux opérations. Par une marche hardie, le sire d'Orval s'avança jusque sur le ruisseau de la Jalle, entre Bordeaux et Blanquefort. Les Bordelais, sous les ordres de sir Gadifer Shorthose, maire de Bordeaux, marchèrent à sa rencontre, au nombre de huit à dix mille hommes ; mais ils étaient en désordre et mal armés. Le sire d'Orval, meu de franc et hardi courage, attendit de pied ferme, dans une position avantageuse, le choc de l'ennemi. Le jour de la Toussaint, un combat s'engagea, au village du Haillan, à huit kilomètres de Bordeaux. Les Gascons furent taillés en pièces : dix-huit cents des leurs restèrent sur le champ de bataille ; douze cents furent faits prisonniers. Durant l'action, Shorthose, abandonnant ses gens, avait pris la fuite[16]. Les Bordelais appelèrent cette bataille la male journade[17]. Enivrés de leur victoire, les chefs de l'armée française firent savoir au Roi que, s'il voulait leur envoyer trois cents lances, ils se faisaient forts de réduire la contrée, car il n'était point question que l'ennemi dût recevoir de renfort et il ne disposait guère que de quatre cents combattants[18].

 Charles VII était alors à Montbazon. Après mûre délibération, il fut décidé que, profitant de l'affaiblissement des Bordelais, il fallait poursuivre la conquête ; qu'il convenait donc que le Roi assemblât des gens de guerre et se transportât en personne sur les lieux pour en imposer par sa présence aux populations[19].

 Mais, tandis que cette résolution était prise, l'hostilité qui se manifestait an sein de la population[20] forçait le sire d'Orval à se replier sur Bazas ; il partit, emmenant avec lui ses prisonniers. D'ailleurs, la saison était trop avancée pour qu'on pût sérieusement prendre l'offensive et entamer une série de sièges ; les ressources financières n'étaient point assurées[21] ; la flotte, sans laquelle rien de décisif ne pouvait être tenté, n'était pas prête[22] : on se résigna à attendre au printemps[23]. Peut-être aussi faut-il attribuer l'inaction où resta le Roi à certaines influences qu'il subissait avec une regrettable facilité : nous reviendrons plus loin sur ce point.

C'est seulement à la fin de mars que, dans une réunion tenue à Tours, la marche des opérations fut arrêtée[24]. Le 31 mars, des Pouvoirs furent donnés au comte d'Armagnac et au sire d'Albret Pour entrer en Guyenne et recevoir la soumission des places[25]. Le comte de Dunois, désigné comme lieutenant général du Roi, partit à la tête d'une armée composée de six mille hommes environ, où figuraient le comte d'Angoulême, Jean Bureau et Pierre de Louvain ; il fut rejoint peu après par Jacques de Chabannes, Joachim Rouault et d'autres vaillants capitaines[26].

La campagne s'ouvrit (vers le 28 avril) par le siège de Montguyon[27], qui occupa l'armée pendant huit jours : le traité de reddition fut signé le 6 mai[28], et le château fit sa soumission le 11. De là, Dunois se porta sur Blaye, la plus forte place de la Guyenne après Bordeaux. Tandis que la ville était attaquée par terre, une flotte, sous les ordres de Jean le Boursier, tenait la mer. Cinq gros navires, envoyés par les Bordelais pour secourir Blaye, furent dispersés après un combat sanglant. Le Boursier donna la chasse aux vaisseaux ennemis jusqu'à l'embouchure de la Gironde ; puis il revint faire le blocus de la ville. Dans de pareilles conditions, toute résistance était impossible : le 20 mai, un assaut fut donné ; il amena la capitulation, qui fut signée à la date du 23[29].

De Blaye, Dunois, qui venait d'être rejoint par le comte de Penthièvre, s'avança dans la direction de Bordeaux et assiégea Bourg. La place capitula le 29 mai[30]. Installé dans cette ville, qui commandait l'entrée de la Dordogne, le général en chef ordonna d'assiéger Fronsac, une des meilleures forteresses de la Guyenne et la clé du Bordelais ; il ne tarda pas à y venir en personne et envoya une sommation à Libourne, qui ouvrit ses portes dès le lendemain[31]. Castillon, assiégé par le comte de Penthièvre, se rendit en même temps, et Saint-Émilion fit spontanément sa soumission (5 juin)[32]. Le 5 juin, également, était signée la capitulation de Fronsac, qui devait être livré à Dunois le 15 juin[33].

Tandis que les villes situées au nord de Bordeaux tombaient une à une au pouvoir des Français, le sire d'Albret envahissait le sud de la Guyenne[34]. Secondé par le comte de Foix, il mit le siège devant Dax[35]. D'un autre côté le comte d'Armagnac, après avoir réduit Duras et Sauveterre, marchait sur Bordeaux par la vallée de la Garonne, s'emparait de Saint-Macaire, et venait assiéger Rions[36]. Charles VII avait convoqué le ban et l'arrière-ban pour le 1er juin[37], et était venu s'installer à Lusignan. Dunois se trouvait donc en mesure d'attaquer Bordeaux. Il ordonna à Jacques de Chabannes de pénétrer dans l'Entre-deux-mers, et se disposa à le suivre. De son quartier général, à Fronsac, il fit dire au Roi qu'il était nécessaire qu'il se portât en avant et vint prendre sa résidence à Libourne[38].

Cependant les seigneurs gascons réunis dans Bordeaux, terrifiés par, la prise de Blaye et la marche victorieuse de l'armée française, s'étaient décidés à entamer des pourparlers. Ils espéraient ainsi gagner du temps et permettre au gouvernement anglais d'envoyer des secours vivement sollicités.

Mais c'était en vain que les Bordelais tournaient leurs regards vers l'Angleterre[39] ; le pouvoir royal y était aux prises avec les plus graves difficultés.

Au mois de janvier 1450, Adam Moleyns, évêque de Chichester, garde du scel privé, avait été victime d'une sédition populaire. Le mois suivant, le duc de Suffolk avait été emprisonné à la tour de Londres, sous le poids de graves accusations. Condamné pour crime de haute trahison, banni du royaume, il avait été saisi sur mer, au moment où il faisait voile pour la Flandre, et mis à mort. Au mois de juin, l'insurrection de Jack Cade, un instant victorieuse, avait failli renverser le trône déjà bien fragile de Henri VI. Le duc de Somerset, qui, depuis son retour de France, avait pris la direction.des affaires, n'était point de taille à tenir tête à l'orage qui s'amoncelait de toutes parts. Un rival redoutable se dressa en face de lui ; si le duc d'York, venu en armes de sa lieutenance d'Irlande, ne réussit point à s'emparer du pouvoir, ce ne devait être que partie remise. Somerset, resté seul maître, se trou va réduit à l'impuissance ; selon la remarque d'un historien anglais, le gouvernement était paralysé à la fois par le manque de ressources et par l'absence de direction[40]. Dans une réunion du Parlement tenue au mois de mai 1451, on demanda l'éloignement de Somerset et d'autres importants personnages : le duc put à grand'peine se maintenir aux affaires. En de pareilles conditions, comment empêcher la Guyenne de tomber aux mains de Charles VII ?

Ce fut le captal du Buch, de la maison de Foix, l'un des plus anciens et des plus illustres parmi les soutiens de la cause anglaise, qui fut désigné pour conduire les négociations : Il se rendit tout d'abord près du comte de Foix, alors sous les murs de Dax. Ce prince examina les offres des Bordelais et les transmit au comte de Dunois par Ogier de Bréquit, juge de Marsan. Le général en chef reçut le mémoire au moment où il s'apprêtait à entrer dans l'Entre-deux-mers. Après en avoir pris connaissance, il déclara que les propositions étaient inacceptables, attendu qu'elles portaient atteinte à l'honneur du Roi. Pourtant, comme les Bordelais annonçaient l'intention de se rendre, il consentit à entrer en négociations et indiqua de sa main les modifications qu'il convenait d'apporter à la rédaction.

Le captal de Buch rentra dans Bordeaux et communiqua aux gens du Conseil les observations faites par Dunois. Plusieurs réunions furent tenues, de nouveaux pourparlers entamés ; finalement les Bordelais déclarèrent que, avant de se rendre, afin de mettre leur loyauté à l'abri de tout reproche, ils devaient adresser au roi d'Angleterre une mise en demeure de leur porter secours[41].

Jean Bureau, que Charles VII avait désigné par avance pour, remplir les fonctions de maire de Bordeaux, se rendit dans la ville, muni d'un sauf-conduit. Il fit si bien qu'on convint de Procéder à la conclusion d'un traité. De part et d'autre, des commissaires furent désignés[42], et, le 12 juin, fut signé un acte portant reddition de Bordeaux et des autres places de la Guyenne au cas où, avant le 23, les Bordelais ne seraient pas secourus par le roi d'Angleterre.. De grands avantages étaient assurés, en cas de soumission,, à la ville de Bordeaux et à la Guyenne tout entière ; pleine liberté était donnée aux habitants, pendant une durée de six mois, de faire leur adhésion à Charles VII ou de se retirer là où bon leur semblerait ; enfin une entière abolition était accordée à ceux qui demeureraient, lesquels recevraient en outre d'importants privilèges : exemption d'impôts, création d'un parlement, facilités commerciales, création d'un atelier monétaire, exemption de tout droit seigneurial, etc. Comme l'a remarqué avec justesse un historien gascon, Charles VII donnait à la Guyenne plus qu'il n'accordait à la France elle-même : il lui octroyait des libertés et des franchises dont ses propres sujets n'étaient point en possession[43].

Que firent les Bordelais pendant le délai de onze jours qui leur était concédé ? On ne voit point qu'ils aient envoyé une nouvelle députation en Angleterre. Le temps, d'ailleurs, leur eût fait défaut. Mais une ambassade, à la tête de laquelle était le maire de Bordeaux, sir Gadifer Shortho se, partit pour aller trouver Charles VII et s'assurer de ses dispositions bienveillantes[44].

Le jour de bataille arriva ; aucune flotte anglaise ne parut. Le comte de Dunois fit ranger son armée devant les murs de la ville, et, le 23 juin, au coucher du soleil, un héraut anglais poussa ce cri : Secours de ceux d'Angleterre pour ceux de Bordeaux ! Personne n'ayant répondu, il ne restait plus qu'à s'exécuter.

Toutefois, les Bordelais demandèrent, pour livrer leur ville, un dernier délai jusqu'au 30 juin[45]. Dunois consentit à le leur accorder.

Le 29 juin, le comte de Dunois, le comte d'Angoulême, le comte de Nevers, le comte de Vendôme ; le comte d'Armagnac et tous les capitaines de l'armée royale vinrent par la Gironde mouiller près de Sainte-Catherine ; ils y passèrent la nuit. Le 30, au point du jour, l'armée fut rangée en belle ordonnance devant les Chartreux. Un héraut alla sommer les habitants de livrer les clés de la ville, ce qu'ils firent sans difficulté. Dunois effectua son entrée solennelle et reçut le serment des jurats ; lui-même prêta serment d'observer et de faire observer par le Roi les articles de la capitulation ; tous les seigneurs et les officiers royaux firent le même serment. Enfin, l'archevêque de Bordeaux, Pey Berland, les gens d'église, les nobles et les bourgeois jurèrent d'être dorénavant bons et loyaux sujets au roi Charles et à ses successeurs, sans jamais aller au contraire[46]. Aussitôt les couleurs françaises remplacèrent l'étendard d'Angleterre sur les murs de la ville.

De Taillebourg, où il était resté, Charles VII écrivit à ses bonnes villes pour leur faire part de cet heureux événement[47], et prescrire des processions publiques d'actions de grâce et des réjouissances[48].

Les places de la Guyenne visées dans le traité, savoir : Rions, Dax, Fronsac, etc., ouvrirent leurs portes ; mais Bayonne refusa de se soumettre : il fallut en entreprendre le siège.

Après avoir passé quinze jours à Bordeaux, Dunois marcha sur Bayonne, qui fut investie le 7 août. Le siège, vigoureuse.-ment conduit, ne fut pas de longue durée : le 20, la capitulation était signée ; le 21, Dunois entrait dans la ville au milieu de l'émotion causée par un prodige qui s'était accompli dans la nuit.

Voici en quels termes il est relaté par Dunois et par le comte de Foix dans une lettré adressée le jour même au Roi : Sire, il est vrai que, à la propre heure que vos gens prenaient possession du château de Bayonne, étant le ciel très clair et très écuré, apparut sur la ville, du côté d'Espagne, une nue, où paraissait une grande croix blanche, et là s'est arrêtée, sans remuer ni bouger, l'espace d'une heure ; elle était en forme d'un crucifix, la couronne sur la tête, laquelle couronne se tourna ensuite en une fleur de lis. Elle a été vue par tous les gens de cet ost, où étaient de mille à douze cents hommes de guerre espagnols qui sont ici en votre service[49]. Vivement impressionnés par cette manifestation de la volonté d'en haut, les habitants de la ville s'étaient signés, avaient abattu les enseignes anglaises et substitué partout à la croix rouge la bannière de France, en disant : Il plaît à Dieu que nous devenions Français et que nous portions tous la croix blanche ![50]

Toute la Guyenne était au pouvoir de Charles VII. Blaye et Bourg furent occupés par de fortes garnisons, sous les ordres de capitaines renommés. A Bordeaux, en l'absence du comte de Clermont, nommé peu après gouverneur de la province[51], Olivier de Coëtivy s'installa avec le titre de sénéchal de Guyenne.

Par une circulaire en date du 26 août, Charles VII annonça à ses bonnes villes la prise de Bayonne et leur communiqua en même temps la lettre des comtes de Foix et de Dunois relatant le fait merveilleux qui s'était produit. Lesquelles choses vous signifions, disait-il, tant pour ce que bien savons que à ouïr en bien de nos nouvelles serez joyeux, comme aussi afin que fassiez faire processions et autrement rendiez prières et louanges à Notre Seigneur, ainsi que on a coutume de faire en pareil cas quand Notre Seigneur fait de telles et si grandes grâces à nous et à notre royaume.

 

Après la Normandie, la Guyenne était conquise : il ne restait plus aux Anglais que Calais[52]. Charles VII allait-il les laisser maîtres du dernier boulevard de leur domination ? Cette question ne tarda pas à être agitée au sein du conseil ; elle faisait en Angleterre l'objet de vives préoccupations.

Dès avant l'achèvement de la conquête de la Normandie, le bruit courait que Calais allait être attaqué. Dans une lettre intime écrite de Leicester, à la date du 6 mai 1450, on parlait du siège de Calais comme imminent[53]. Le 19 août suivant, de Londres, les nouvelles de la guerre étaient données en ces termes : Ce même mercredi, on disait que Cherbourg était pris et que nous n'avions plus un pied de terre en Normandie ; Certains exprimaient même la crainte que Calais ne fût bientôt assiégé[54].

Charles VII n'y songeait point à ce moment ; mais, après l'occupation de la Guyenne, l'attaque sembla plus menaçante. Les Anglais s'émurent et prirent des mesures de défense. Au mois d'août 1451, un renfort composé d'environ cent cinquante hommes, avec douze vaisseaux, fut envoyé à Calais sous les ordres des lords Beauchamp et Sudley[55]. En même temps la charge de capitaine de Calais fut donnée au duc de Somerset[56]. Le bruit courut à Amiens que trois armées anglaises allaient débarquer simultanément, l'une à Calais, l'autre en Normandie, l'autre en Bretagne[57]. Au mois de décembre, Somerset était nommé lieutenant sur les marches de Picardie, Flandre et Artois[58]. Dans un mandement du 14 mars 1452, Henri VI disait : Nous apprenons à chaque instant, aussi bien par des lettres auxquelles nous avons tout motif d'ajouter foi et créance que par une laborieuse et diligente enquête, que notre adversaire de France et ceux qui tiennent son parti se disposent, avec tout le soin et la diligence dont ils sont capables, à venir sur les marches de Calais à la tête d'une puissance aussi grande qu'aucune qui ait été réunie en France depuis plusieurs années, dans le dessein de se rendre maîtres de Calais et d'autres places de ces marches, au moyen de sièges, et ensuite de venir en ce royaume pour le ravager et le détruire. Le roi d'Angleterre déclarait qu'il avait donné à son cousin le comte de Shrewsbury le gouvernement de ses forces sur mer ; toutes les mesures étaient prises ; des vaisseaux étaient préparés dans différents ports ; une armée était prête pour l'embarquement ; ordre était donné au lieutenant de Calais, lord Clifford, de se rendre eu toute hâte à Calais pour prendre tous les moyens de résistance contre l'ennemi[59]. En même temps Henri VI manifestait l'intention de se transporter de sa personne en France[60].

Qu'y avait-il de fondé dans ces craintes du gouvernement anglais ? On en a été jusqu'ici réduit à des conjectures : on a supposé, sur la foi d'un historien contemporain[61], que Charles VII s'était abstenu de toute attaque sur Calais en raison des ménagements que la situation lui imposait à l'égard du duc de Bourgogne. Il n'en est rien. Charles VII eut, dès le début, la pensée d'une attaque, et, au lendemain de la conquête de la Guyenne, il prit la résolution de s'emparer de Calais.

Voici, en effet, ce que nous lisons dans la dépêche d'un ambassadeur florentin envoyé, au mois de novembre 1451, à la cour de France, et que nous rencontrerons plus loin :

Le Roi fait, en artillerie et autres approvisionnements, de grands préparatifs pour se rendre à Calais en la saison nouvelle et attaquer la place par terre et par mer. Le roi d'Angleterre voudrait la paix ; une ambassade a été envoyée dans ce but ; mais le roi de France veut avoir Calais. Il estime que, n'était la crainte de ses propres sujets, le roi d'Angleterre abandonnerait Calais. Certains pensent que le mois de mars ne s'écoulera point sans que la chose ne se fasse. Les ambassadeurs du duc de Bourgogne sont auprès du Roi ; ils le sollicitent de laisser leur maitre prendre la charge de l'entreprise sur Calais. Le Roi n'a pas voulu y consentir. Les ambassadeurs ont demandé ensuite l'assistance du Roi pour entreprendre la Conquête des Lieux Saints. Le Roi a répondu que c'était là une bonne pensée, mais que tout d'abord il voulait voir ce que deviendrait la guerre contre les Anglais. Autant qu'on peut entendre les choses, le duc de Bourgogne se conduira bien à l'égard du Roi, et, s'il voulait agir autrement, ce serait à son détriment[62].

Dans une autre dépêche du 21 décembre, l'ambassadeur écrivait :

On fait toujours de grands efforts en vue d'une entente avec les Anglais. Le roi d'Angleterre s'y prêterait volontiers et abandonnerait Calais ; mais les Anglais ne le souffriraient pas. Ce roi se trouve dans une situation périlleuse, et pourrait être, de la part des Anglais, l'objet de quelque vilenie du genre de celles qu'ont éprouvées d'autres de leurs rois. Au milieu de toutes ces tentatives en vue de la paix, le Roi de France fait de grands préparatifs pour aller assiéger Calais... Il a le projet de s'y rendre avec une armée d'environ cinquante mille hommes, et il y aura sur mer deux mille navires, du port de quatre à huit cents tonneaux, tirés d'Espagne, de Hollande, d'Islande et d'Allemagne[63].

Le dessein de Charles VII est donc bien arrêté ; ce n'est point le duc de Bourgogne qui l'empêchera de le mettre à exécution ; le moment seul reste incertain : il est subordonné aux événements. Les Anglais ne se trompent pas : au mois de mars 1452 l'attaque paraît imminente. Les mesures prises par eux réussiront-elles à la prévenir ? On verra plus loin comment ils échappèrent à ce danger et parvinrent à conserver Calais.

 

 

 



[1] Le Roi était en relations avec des seigneurs du pays. Au mois de février 1450, étant à Bernay, il reçut un rapport du sire de Roquetaillade. (Voir rôle du 13 novembre 1450, dans Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 387.) Le sire de Roquetaillade était Bérard de la Mole, chevalier ; nous avons de lui une quittance, en date du 8 juin 1451, d'une somme de cinq cents livres tournois sur les quinze cents que le Roi lui avait accordées Annuellement pour avoir fait sa soumission et qu'il avait ensuite réduites à mille livres (Pièces originales, 2063, MOTE (la), n° 84). — En même temps le Roi surveillait ce qui se  passait en Angleterre, où il entretenait des espions ; nous lisons dans le Deuxième compte de Mathieu Beauvarlet : Sire Jacques Cuer, conseiller et argentier du Roy, LV l. t. baillez à certains espies qui furent envoyez en Angleterre s'enquerir secretement de la convinne des Anglois. (Cabinet des titres, 685, f. 142 v°.) Et ailleurs : A... escuyer, capitaine de Dieppe, la somme de IXxx l. t. pour VIxx escuz d'or, à lui ordonnée... pour envoyer par mer à la coste du pays d'Angleterre... expier... du fait des Angloys et le rapporter au Roy. Le héraut Maine lit plusieurs voyages en Angleterre et en Guyenne. (Ms fr. 26081, n° 6539.)

[2] Gruel dit (p. 215) que le Roi y attendit le connétable pendant trois jours. La date du 22 nous est fournie par l'itinéraire de Charles VII.

[3] Voir Chartier, t. II, p. 240.

[4] Chartier, p. 241 ; Berry, p. 458 ; Chronique martinienne, f. 293 v°. — Le 11 septembre, le Roi écrivait une circulaire pour annoncer comment luy et son armée s'en Bruit au païs de Guyenne, et pour demander des prières. Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 372. Ce qui prouve bien que le départ immédiat du Roi avait été décidé, ce sont- les nombreux dons faits à Ions les officiers de sa maison, afin de subvenir aux trais de leur équipement. Voir Deuxième compte de Beauvarlet, f. 143 et 143 v°.

[5] Froissart, livre IV, ch. XLII.

[6] Voir Livre des Bouillons, p. 440, et Henri Ribadieu, Histoire de conquête de la Guyenne par les Français, p. 40-41, et passim.

[7] Froissart, livre IV, ch. LXXIX.

[8] Sur l'administration anglaise et le mouvement communal dans le Bordelais, voir l'ouvrage de M. D. Brissaud : les Anglais en Guyenne (Paris, 1875, in-8°) et le chapitre V du livre de M. H. Ribadieu, déjà cité.

[9] Voir t. IV, chap. XI, et ci-dessus, chap. I.

[10] Chartier, t. II, p. 186-187 ; Berry, p. 448 ; Robert Blondel, p. 152-153 ; Chronique martinienne, f. 292. Voir aussi Histoire du comte de Foix, par Guillaume le Seur, dans le ms. fr. 4992, f. 23 et suivants. (L'auteur donne le fait comme s'étant accompli lors de la campagne de 1442 ; mais les détails qu'il fournit paraissent se rapporter à la présente campagne.) — Guiche, que les chroniques appellent Guichen, est au confluent de la Bidouze et de l'Adour, à vingt-cinq kilomètres de Bayonne. Il est curieux de constater que, au premier moment, la victoire des Français avait été transformée en une déroute : un solliciteur du duc de Bourgogne au Parlement de Paris écrivait de cette ville, le 3 juin, aux gens des comptes à Dijon : En oultre on dit que les Angloix ont fait en Guiaine une grosse destrousse sur les François et y sont morts comme on dit plus de IIm. Lettre publiée par MM. Beaune et d'Arbaumont dans leur édition d'Olivier de la Marche, t. II, p. 208 note. — Le 11 mai, le château d'Aubeterre (Charente) fut livré à Jean Bureau par Bertrand de Grantmont et ses compagnons (British Museum, Additional Charters, 206).

[11] Le traité de reddition est publié au t. XIV des Ordonnances, p. 109. — Charles VII fit compter au comte de Penthièvre une somme de douze cents livres pour luy ayder a suporter ses depenses, et quatre mille livres pour celle qu'il luy convint faire au siège de Bergerac et à la recouvrance de la Guyenne. Cabinet des titres, 685, f. 141 v°.

[12] Évidemment ce ne peut être Jonzac, dans la Charente-Inférieure, comme l'ont dit à tort les commentateurs de Chartier et tous les historiens.

[13] Il y a Montferrand dans Chartier, et M. Ribadieu suppose qu'il s'agit d'une petite ville du Périgord située près de Montpazier (Dordogne). Nous pensons qu'il faut lire Montfourat, commune des Églisottes, canton de Coutras (Gironde).

[14] La prise de la place de la Roquecte — c'est évidemment La Rouquette, commune de Port-Sainte-Foy — n'est mentionnée que dans une quittance de Jean de Verdun en date du 14 novembre 1451. Pièces originales, 2964 : VERDUN.

[15] Il faut se rappeler que Bazas avait été au pouvoir des Français de 1377 à 1423. Lés villes de Saint-Macaire, Rions et La Réole avaient été également, de 1317 à 1420, soumises à la domination française. Voir Ribadieu, l. c., p. 106 à 116.

[16] Chartier, t. II, p. 246-247 ; Berry, p. 458-459 ; Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 322-324 ; Chronique martinienne, f. 294.

[17] Ribadieu, p. 183 ; cf. Archives historiques de la Gironde, t. III, p. 462.

[18] Mathieu d'Escouchy, p. 324. — Charles VII reçut par Orval, héraut du sire d'Albret, auquel il fit donner 41 l. 5 s., les premières nouvelles de la desconfiture faite le 1er novembre sur les Anglois au pays de Bordelois par Mgr d'Orval. Deuxième compte de Mathieu Beauvarler : Cabinet des titres, 685, f. 142 v°.

[19] Mathieu d'Escouchy, p. 325.

[20] Sy firent une course, dit Mathieu d'Escouchy (p. 323), car, au pœuple qu'ils véoient, leur sembloit mal possible pour ceste heure avoir à faire à eulx.

[21] Le défaut d'argent, qui avait failli entraver les dernières opérations en Normandie, paraît avoir surtout été cause du retard apporté à la conquête de la Guyenne. En décembre 1450, à Montbazon, Charles VII ordonnait d'imposer une somme de cent vingt mille francs sur les provinces de Languedoil ; le 5 janvier 1451, il réglait la distribution de quatre-vingt mille livres ordonnées pour le fait de la guerre de ceste année.

[22] Dès le commencement de 1450, des ambassadeurs avaient été envoyés en Espagne et en Écosse pour obtenir des secours et l'on s'occupait de pourvoir au fait des galées. Voir lettres du 23 mars 1450 : Archives, K 68, n° 391, 395 et 393 ; requête faite par les ambassadeurs de France ait roi de Castille. Bibl. nat., ms. lat. 6024, f. 61. — On s'était également assuré le concours de navires bretons.

[23] Pendant ce temps Charles VII se tint soigneusement au courant de ce qui se passait en Guyenne : au mois de janvier 1451, il fit distribuer par Jean Bureau 192 l. 10 s. t. à certains messagers et autres qui furent en janvier ès marches de Guyenne et Bordelois pour enquerir secretement de la convinne des Anglois. Cabinet des titres, 685, f. 143.

[24] Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 329.

[25] Lettres du 31 mars. Le pouvoir au comte d'Armagnac est dans le ms. fr. 5909, f. 181 ; celui donné au sire d'Albret dans Doat, 218, f. 176. — En même temps de nouveaux pouvoirs furent donnés en Normandie au connétable de Richement pour la Basse Normandie, au comte d'Eu pour la contrée entre la Seine et la nier (ms. fr. 5909, f. 133 et 182).

[26] Chartier, t. II, p. 249-50 ; Berry, p. 459 ; Mathieu d'Escouchy, p. 329. — L'armée comprenait quatre cents lances et trois mille francs archers.

[27] Montguyon, chef-lieu de canton de la Charente-Inférieure, sur le Monzon, entre Barbezieux et Blaye.

[28] Le traité est dans Chartier, p. 250 et suivantes.

[29] Chartier, p. 250, 254 et suivantes ; Berry, p. 459-460 ; Mathieu d'Escouchy, p. 329 et suivantes. Chronique martinienne, f. 294. — Le traité est dans Chartier, p. 256-59 (avec la date du 24), et, en copie contemporaine, dans la collection Moreau, vol. 1126, p. 162 (avec la date du 23). — Le Roi reçut à Poitiers la nouvelle de la prise de Blaye et fit donner 27 l. 10 s. au héraut Guyenne qui la lui avait apportée. (Cabinet des titres, 685, f. 143 v°.) — A la fin de la campagne, Jean le Boursier reçut deux mille livres pour le recompenser des grans frais et despenses qu'il avoit faictes ou service du Roy, tant sur la rivière de la Gironde comme au siège devant Bayonne. (Rôle du 7 mai 1454, ms. fr. 20683, f. 47.)

[30] Le traité est dans Chartier, p. 262-264. — Le Roi fit donner 13 l. 15 s. au héraut Angoulême, qui lui apporta la nouvelle de la part du comte d'Angoulême. Cabinet des titres, 685, f. 145 v°.

[31] Ordonnances, t. XIV, p. 155. — Sur les sièges de Blaye, Bourg et Fronsac, voir les lettres du comte d'Angoulême en date du 25 juin. Ms. fr. 26080, n° 6362.

[32] Guadet, Saint-Émilion, son histoire et ses monuments, p. 274.

[33] Traité passé entre Jacques de Chabannes, Théaude de Valpergue, Jean Bureau et Jean le Boursier, seigneur d'Esternay, commissaires du comte de Dunois, avec le prieur et le curé de Fronsac, le curé de Villebonsie et les capitaines anglais... Le texte est dans Chartier, p. 271-275. — La journée de Fronsac fut tenue le 15, et la place fut occupée à cette date. Chartier dit le 23, bien que le traité qu'il publie indique le 15 comme date de la reddition.

[34] Le sire d'Albret reçut du Roi une gratification de 2000 l. Cabinet des titres, 685, f. 141 v°.

[35] Chartier, p. 265-268 ; Berry, p. 460 ; Cronique martinienne, f. 294 ; Histoire de Gaston, comte de Foix, par Guillaume le Seur, ms. fr. 4992, f. 36 v° et suivants. (Même observation que ci-dessus pour l'anachronisme commis par l'auteur.) — Le Roi attachait une grande importance aux opérations dirigées de ce côté. Il avait envoyé Jacques Cœur porter ses instructions au comte de Foix. D'autre part, le deuxième compte de Beauvarlet nous apprend qu'un chevaucheur de l'écurie reçut vingt livres pour son voyage de la Guierche en Touraine devers messeigneurs les contes d'Armagnac, de Foix et d'Albret, Mgr d'Orval, Poton, messire Jehan d'Erlon, chevalier, messire Martin Garcie, Robin Petit Lo, Lespinasse, Helion le Groin, et autres capitaines et chefs de guerre estans au pays de Guyenne, leur porter lettres du Roy touchant le siège qu'on avoit entrepris mettre devant Acqs. Cabinet des titres, 685, f. 145 v°.

[36] Chartier et Berry. — Anthoine de la Baume, secrétaire de Mgr d'Armagnac, XIII l. XV s. pour avoir aporté à Lesignan, de par Mgr le conte d'Armagnac, les premieres nouvelles de la reduction des places de Saint-Macaire, Duras et Sauveterre. (Cabinet des titres, 685, f. 145 v°.) Le traité de reddition de Duras est du 8 juin (Ordonnances, t. XIV, p. 135) ; celui de Sauveterre du 12 (Archives de la Gironde, t. X, p. 184). Voir des lettres de Charles VII du 25 mars 1451, relatives à l'approvisionnement de l'armée du comte d'Armagnac (Collection Doat, 218, f. 172).

[37] Lettres sans date, dans le ms. fr. 5909, f. 202 v°. — Le comte de Dunois, dans un acte en date du 30 juillet 1450, prenait le titre de chef des arrière-bans de France. Voir le P. Daniel, Histoire de la milice françoise, t. I, p. 203.

[38] Mathieu d'Escouchy, p. 336.

[39] On a la trace d'une démarche faite par des nobles gascons pendant la session du Parlement qui s'ouvrit en novembre 1450 (et non en 1449). Voir Stevenson, Wars of the english, t. II, p. [769]. Cf. Introduction placée par M. J. Gairdner en tête de son édition des Paston Letters, p. LXV-LXVI.

[40] The government vas getting paralysed like by debt and by indecision. Gairdner, l. c., p. LXVII.

[41] Mathieu d'Escouchy, p. 337-339 ; Chartier, p. 277-279.

[42] C'étaient, pour le Roi, comme délégués du comte de Dunois, lieutenant général, Poton de Saintrailles, grand écuyer ; Jean Bureau, trésorier de France, et Oger de Breguit, juge de Marsan ; pour les Bordelais, Pey Berland, archevêque de Bordeaux ; Bertrand, seigneur de Montferrand ; Galhard de Durfort, seigneur de Duras, Gadifer Shorthose, maire de Bordeaux, et trois autres seigneurs gascons. — L'original du traité du 12 juin est aux Archives de Pau ; il se trouve dans le recueil des Ordonnances, t. XIV, 140. — Le captal de Buch fit sa soumission par un traité spécial, signé le 13 juin. Voir la brochure de M. Eug. d'Auriac, la Reddition de Bordeaux sous Charles VII (Paris, 1864, in-8°), p. 20 et suivantes. Cf. Jean Chartier, t. II, p. 292 et suivantes ; Archives, n° 137. Voir aussi le scellé de Dunois, Saintrailles et Bureau, dans le Cabinet historique, t. III, p. 9, et dans l'édition de Jean Chartier, t. II, p. 298, note.

[43] Ribadieu, l. c., p. 237.

[44] Messire Gadefer de Chartreuse, chevalier, VIIxx XVII l. X s. pour bons services à la reduction de la ville de Bordeaux et pour ses despenses ès villes de Xaintes et de Taillebourg, où il estoit venu devers le Roy en ambaxade avec autres du pays de Bordelois. Deuxième compte de Mathieu Beauvarlet, dans le ms. 685 du Cabinet des titres, f. 142.

[45] Sans doute pour attendre le résultat de l'ambassade envoyée à Charles VII.

[46] Voir une relation de l'entrée de l'armée française à Bordeaux, transcrite par D. Fonteneau, et qui se trouve dans sa Collection (vol. XXIII, p. 311 : ms. lat. 18398). Cette relation, qui fut communiquée aux bonnes villes, a été mise à profit par Mathieu d'Escouchy (t. I, p. 356 et s.) ; seulement le chroniqueur avance d'un jour l'arrivée de Dunois et l'entrée dans la ville, qu'il place au lundi 28 et au mardi 29. Cf. lettre d'un poursuivant d'armes, écrite le 1er juillet, qui se trouve dans le ms. fr. 5028, f. 182, et qui a été imprimée par André du Chesne dans ses Annotations sur les œuvres de Me Alain Chartier, p. 846, et Histoire de Gaston, comte de Foix, l. c., où l'on trouve en outre des détails très circonstanciés sur le siège de Bayonne.

[47] Voir collection de D. Rousseau, l. c., p. 343 ; ms. fr. n. acq. 3248, f. 10 v°. La procession eut lieu à Paris le 6 juillet : le prévôt des marchands et les échevins y assistèrent, entourés des bourgeois, et escortés par dix sergents de la ville, auxquels on Paya 22 s. p. pour diner ensemble après ladite procession ; on paya en outre au chevaucheur de l'escurie du Roy et de monseigneur le Dauphin, 44 s. p. pour ses peines et travaux d'avoir aporté lettres du Roy étant à Saint-Jean d'Angély, faisant mention de la reduction de Bourdeaux et du pays de Guienne, et par lesquelles il signifoit ces choses aux gens d'église, eschevins, bourgeois, manants et habitants de cette ville de Paris. Extraits du 4e compte de Jean Lhuillier, receveur des aides, dans ms. nouv. acq. 3243, f. 10. — Cf. ms. 685 du Cabinet des titres, f. 145 v°.

[48] Nous avons publié cette lettre dans les Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 397.

[49] Jean Chartier, p. 320. — Voir l'attestation donnée le 20 août par Dunois, au sujet de ce prodige (ms. fr. 5028, f. 183 v°, et Du Chesne, l. c., p. 848 : Au jour duy XXe jour d'aoust à l'heure de sept heures du matin, à laquelle heure estoit promise la cité de Bayonne et y entreront les gens du Roy pour en prendre la possession, au ciel qui à celle heure estoit cler et bien puriffié s'apparut dedens une nuée une croix blanche au droit de ladicte cité devers les parties d'Espaigne ; laquelle croix, sans mouvoir, demoura l'espace de une heure. Et aucuns dient que au commenchement sur icelle croix avoit une semblance de ung crucifix, couronné d'une couronne d'azur sur chef ; laquelle couronne se mua en une fleur de liz. Dont chascun fut esmerervillés, et ceulx de ladicte ville estoient fort espœntez de veoir telles merveilles, et incontinent leur en-saigne de leur croix rouge qu'ilz avoient sur leurs portes et tours osterent.

[50] Par lettres du 28 septembre 1451. Ms fr. 5909, f. 219.

[51] Cette lettre est dans les Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 399. Sur l'envoi de la circulaire, voir ms. 685, f. 146.

[52] Les Anglais possédaient encore les îles de Jersey et de Guernesey, près des côtes du Cotentin. Mais les habitants de ces lies se montraient disposés à se donner à la rance. Dès le commencement de 1450, des ouvertures furent faites à l'amiral de Coëtivy ; nous en avons la preuve par des documents conservés dans les archives du duc de la Trémoille. En outre une lettre de rémission en date du 20 mars 1453 (Archives, JJ 181, n° 263) nous montre que Thomas de Saint-Martin, écuyer, natif de l'île de Jersey, avait prêté serment à Charles VII.

[53] Also, as ys noysed here, Calys shal be byseged withynne this VII dayes. John Crane to John Paston. Paston letters, t. I, p. 127.

[54] James Gresham to John Paston. Paston letters, t. I, p. 139. — Dans un mandement du 14 août 1450, Henri VI ordonnait de faire arrêt de navires pour être envoyés à Cherbourg et à Calais. Stevenson, Wars of the English, t. I, p. 521. — On s'attendait aussi à l'attaque de l'île de Wight. Id., ibid., t. II, p. 474.

[55] Gairdner, Introduction aux Paston letters, p. LXXXI ; Proceeding and ordinances, t. VI, p. 112.

[56] 21 septembre 1451. Bréquigny, 58, f. 105 ; cf. Proceedings and ordinances, t. I, p. XXXVII.

[57] Registres des délibérations de l'hôtel de ville d'Amiens, vol. VII, f. 64.

[58] Proceedings and ordinances, l. c.

[59] Cette lettre est publiée dans Proceedings and ordinances, t. VI, p. 119. A la sui se trouvent des lettres de créance pour lord Clifford, une nouvelle lettre à lui adressée date du 22 mars, et des instructions détaillées relativement à la flotte (p. 122-125). Voir d'autres documents dans Stevenson, t. II, p. 476-478.

[60] Voir Stevenson, t. II, p. 478. Le duc d'York, dans une lettre adressée aux bourgeois de Shrewsbury, en date du 3 février 1452, écrivait de son côté : Now daily they make their advance for te lay siege unto Calais and to other places in the marches there. Sir H. Ellis, Original letters, 1rst series, t. I, p. 11 ; Gairdner, l. c., p. LXXIII.

[61] Voir Thomas Basin, t. I, p. 247-248.

[62] Dépêche du 18 novembre 1451. Archives de Florence.

[63] Dépêche du 21 décembre 1451. Original, Bibl. nat., Ms. italien 1585, f. 234.