HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE V. — L'EXPULSION DES ANGLAIS. - 1449-1453.

 

CHAPITRE PREMIER. — LA CONQUÊTE DE LA NORMANDIE.

 

 

1449-1450

 

Préparatifs de Charles VII pour la campagne de Normandie ; le comte de Dunois marche sur Verneuil et s'en empare ; il s'avance à la rencontre de Talbot, qui se replie sur Rouen. — Arrivée des comtes d'Eu et de Saint-Pol à la tête d'un corps d'armée ; jonction avec Dunois ; prise de Pont-Audemer, de Pont-l’Evêque et de Lisieux ; soumission de plusieurs villes. — Plan de campagne ; entrée du Roi en Normandie ; opérations des comtes d'Eu et de Saint-Pol dans la haute Normandie et du conte de Dunois sur la rive gauche de la Seine ; succès remportés par le duc d'Alençon. — Opérations du duc de Bretagne et du connétable de Richemont : soumission de la plupart des villes du Cotentin ; prise de Fougères. — Charles VII marche sur Rouen ; siège de Château-Gaillard ; concentration des corps d'armée ; attaque dirigée contre Rouen. — Négociations entamées par les habitants ; convention conclue ; démonstrations à Rouen en faveur de Charles VII ; Somerset se décide à évacuer la ville. — Ouvertures de Somerset au Roi ; traité du 29 octobre. — Entrée solennelle de Charles VII dans Rouen ; réjouissances publiques. — Poursuite de la campagne ; sièges de Barfleur et de Honfleur. — Kyriel débarque à Cherbourg à la tête d'une armée ; il occupe Valognes et reprend une partie du Cotentin. — Charles VII nomme le comte de Clermont lieutenant général ; le comte de Clermont laisse Kyriel franchir la Vire ; il se décide à marcher à sa poursuite. Bataille de Formigny ; arrivée du connétable ; déroute dos Anglais. — Reprises des places du Cotentin ; occupation de Vire et de Bayeux ; siège de Caen ; Somerset capitule et s'embarque pour Calais. — Suite des opérations : prise de Falaise, de Domfront et de Cherbourg. — La conquête de la Normandie opérée en une année.

 

La période de cinq années écoulée entre la conclusion de la trêve avec l'Angleterre et la rupture des négociations n'avait point été stérile. Charles VII avait constitué une armée nationale, soumise à une sévère discipline ; il avait opéré dans l'administration d'importantes réformes ; il avait affermi sa Puissance au dedans et augmenté son influence au dehors ; tout en travaillant à la conclusion d'une paix honorable, il avait admirablement préparé la guerre[1]. La bonne renommée de son gouvernement devait singulièrement faciliter l'œuvre de la délivrance du territoire[2].

Dès le 17 juillet 1449, le comte de Dunois avait été nommé lieutenant général dans la contrée située entre l'Oise, la Somme et la mer. Par le même acte, Dunois, Gaucourt, Brezé, et plusieurs autres[3], étaient investis de pleins pouvoirs pour recevoir la soumission des places[4]. En prévision d'une rupture, Charles VII avait concentré des troupes sur différents points : à Évreux, à Louviers, à Dieppe, à Pontoise, à Beauvais, à Ailly-sur-Noye, où le comte de Saint-Pol avait donné rendez-vous aux seigneurs de Picardie, enfin sur les frontières de la Bretagne, où le connétable de Richemont rassemblait une armée[5].

La guerre, on peut le dire, était déjà entamée. Nous avons vu que, en représailles de la surprise de Fougères, certains capitaines de l'armée royale, arborant la bannière du duc de Bretagne, avaient pris Pont-de-l'Arche, Conches et Gerberoy[6] ; un peu auparavant une tentative avait été faite sur Mantes[7]. Les habitants de la contrée n'attendaient que l'apparition des soldats du Roi pour se déclarer en sa faveur[8] ; cette manifestation se produisit parfois d'une façon spontanée, car, dès le milieu de juin, bon nombre de petites places du Perche et du Maine secouaient le joug anglais[9].

Aussitôt après les résolutions prises au château des Roches Tranchelion, le comte de Dunois se mit en campagne[10]. Floquet, qui commandait à Évreux, l'avait averti qu'il s'était ménagé des intelligences dans Verneuil, et que la place pouvait facilement être emportée. Dunois se fit précéder par Brezé et Jacques de Clermont, qui parurent devant Verneuil le 20 juillet au matin. Un meunier, chargé de faire le guet, avait été gagné : il ouvrit les portes aux deux capitaines, lesquels entrèrent ainsi sans coup férir. Le, lendemain le donjon fut pris d'assaut. La tour seule, où les Anglais s'étaient retranchés comme dans une forteresse inexpugnable, tenait encore. Dunois y fit mettre le siège[11] ; mais, apprenant que Talbot réunissait un corps de troupes pour secourir les assiégés, il laissa Florent d'Illiers devant la tour de Verneuil, avec huit cents combattants, et se porta à la rencontre du capitaine anglais. Talbot s'avança jusqu'à Breteuil (31 juillet) où il campa pendant deux jours. Ayant reconnu l'impossibilité d'attaquer l'armée française, il battit en retraite et alla s'établir à Beaumont-le-Roger. Quand, le 3 août, Dunois arriva devant cette place, elle était déjà évacuée. Talbot s'était replié vers Harcourt et campait entre Beaumont et ce dernier lieu, dans une forte position. Poursuivi par les Français, il évita toute rencontre, gagna Harcourt pendant la nuit, et marcha d'une seule traite jusqu'à Rouen[12]. La tour de Verneuil capitula après un mois de siège. Dunois s'établit à Évreux, attendant pour poursuivre les opérations l'arrivée du renfort que les comtes d'Eu et de Saint-Pol devaient lui amener de Picardie.

Partis de Beauvais au commencement d'août, les deux comtes avaient espéré un moment s'emparer de Rouen par surprise. Déconcertés par le prompt retour de Talbot, ils évitèrent la capitale de la Normandie et vinrent se loger à Pont-Saint-Pierre, sur la rive gauche de l'Andelle[13], d'où ils allèrent mettre le siège devant le château de Logempré, appartenant à Talbot. Attaquée le 8 août, cette forteresse capitula le 9 et fut réduite en cendre[14]. De là le comte d'Eu et le comte de Saint-Pol, traversant la Seine à Pont-de-l'Arche, opérèrent leur jonction avec le comte de Dunois. On se porta sur Pont-Audemer, qui fut pris le 12 août[15], sur Pont-l'Évêque (15 août)[16], et sur Lisieux, qui, grâce à l'intervention de l'évêque Thomas Basin, ouvrit ses portes le 16[17]. La soumission de cette ville entraîna la reddition d'un grand nombre des places environnantes, en particulier de Bernay (17 août). Installé à Lisieux, Dunois y reçut les ouvertures d'envoyés des habitants de Caen, de Falaise et d'autres villes[18].

Un conseil de guerre fut tenu pour examiner la marche à suivre. Devait-on se porter sur la Basse Normandie ? N'était-il pas préférable de réduire les places situées dans le bassin de la Seine, afin de faire converger tous les efforts sur Rouen, véritable boulevard de la domination anglaise ? Thomas Basin, qui assistait à la délibération, fit valoir les raisons les plus fortes en faveur du second plan de campagne ; il le fit adopter par Dunois et par les autres chefs. Gaucourt et Culant furent chargés d'aller le soumettre à l'approbation du Roi[19].

Charles VII, à ce moment, s'avançait vers la Normandie. Il avait quitté Chinon le 6 août, et après avoir traversé la Loire à Amboise, était arrivé le 12 à Vendôme. Il venait d'atteindre Chartres[20] quand le message de Dunois lui parvint. Le plan de campagne fut agréé, et le Roi se dirigea immédiatement vers la capitale de la Normandie. Traversant Verneuil et Évreux[21], au milieu des acclamations populaires, il vint établir son quartier général à Louviers[22]. Dunois, après avoir soumis Mantes (26 août) et Vernon (28 août)[23], ne tarda pas à arriver. Un conseil de guerre fut tenu le 30, sous la présidence du Roi, et la marche des opérations y fut définitivement arrêtée[24].

Les deux armées, qui jusque-là avaient opéré simultanément, se séparèrent. L'une, celle des comtes d'Eu et de Saint-Pol, marcha sur Gournay, qui capitula le 2 septembre[25], et entra dans le pays de Bray, où la ville et le château de Neufchâtel furent occupés (8-22 septembre)[26]. L'autre, celle de Dunois, passant sur la rive gauche de la Seine, acheva la réduction des places au pouvoir des Anglais, savoir : Harcourt (1er-14 septembre)[27], Chambrais (15-20 septembre)[28], Exmes[29], enfin Argentan, qui capitula le 4 octobre[30]. De là Dunois se dirigea sur Pont-de-l'Arche, où le Roi concentrait ses troupes pour attaquer Rouen.

Tandis que ces rapides succès semaient l'épouvante dans les rangs ennemis, le duc d'Alençon se mettait en campagne et s'emparait de Séez, d'Essay et d'Alençon[31] ; la garnison de Dieppe occupait Fécamp et Arques, et le maréchal de Jalognes obligeait la garnison du château de La Roche-Guyon à capituler[32]. D'un autre côté, le comte de Foix tenait les Anglais en échec dans le Midi, où il réduisit Mauléon[33]. Enfin, l'armée de Bretagne entrait en scène à l'extrémité de la Basse Normandie.

C'est seulement dans les premiers jours de septembre[34] et contre l'avis de son Conseil que le duc de Bretagne, entraîné par son oncle le connétable, quitta son duché à la tête de sept à huit mille combattants[35]. Laissant son frère Pierre devant Fougères, à la tête d'un corps de troupes, il se porta sur Coutances par le Mont Saint-Michel (6 septembre) et Granville (8 septembre). La ville, assiégée le 10, se rendit aussitôt (12 septembre)[36]. Saint-Lô, qui n'attendait que l'approche de l'armée bretonne pour secouer le joug ennemi, ouvrit ses portes le 15[37]. Du 15 au 19 septembre, divers détachements s'emparèrent, grâce à la connivence des habitants[38], d'un grand nombre de forteresses du Cotentin[39]. Il n'en fut pas de même à Carentan, où la population se montrait hostile ; mais l'armée du duc s'était renforcée d'un contingent de volontaires s'élevant à plus de dix mille hommes : on eut bien vire raison de cette résistance ; la ville dut capituler le 30 septembre[40]. De Carentan, le maréchal de Lohéac et l'amiral de Coëtivy allèrent réduire Valognes, tandis que le duc de Bretagne et le connétable se repliaient sur Coutances. Puis Richemont alla assiéger Gavray, qui, attaqué avec vigueur, se rendit le 11 octobre[41]. Les habitants de Coutances pressaient le duc d'achever la conquête du Cotentin ; mais ce prince et ses conseillers avaient hâte de reprendre le chemin de la Bretagne, où Pierre, frère du duc, avait mis le siège devant Fougères (5 octobre). On les décida cependant à attaquer Vire[42]. L'armée s'ébranla le 13 octobre ; le 14, elle était à Villedieu, quand arriva un message de Pierre de Bretagne : celui-ci, ayant rencontré une vive résistance devant Fougères, suppliait le duc de venir à son secours. Un nouveau conseil fut tenu : la retraite sur Fougères fut décidée[43]. Le 15 octobre, le duc coucha au Mont Saint Michel ; le 16 au soir, il campait devant Fougères, qui devait retenir jusqu'au 5 novembre l'armée bretonne sous ses murs[44]. La prise de Fougères termina la campagne. Une épidémie s'était déclarée parmi les troupes ; l'hiver approchait : le duc congédia son armée, qui fut répartie dans les garnisons, et prit le chemin de Rennes, tandis que le connétable allait se reposer dans son château de Parthenay, où il resta jusqu'au mois de février[45].

Charles VII, lui, ne songeait point à. prendre du repos. Tandis que l'armée de Bretagne, interrompant le cours de ses succès, battait en retraite, il se préparait à occuper Rouen.

Le Roi s'était ménagé des intelligences dans la capitale de la Normandie. Un religieux augustin, dont l'histoire a conservé le nom[46], lui servait d'intermédiaire avec les habitants. Le jour même où était tranchée la question de paix ou de guerre (17 juillet), un manifeste aux Rouennais avait été lancé. Charles VII, — sachant que ses bons, vrais et loyaux sujets les gens d'église, nobles, bourgeois, marchands, manants et habitants de Rouen étaient disposés à se remettre en sa loyale obéissance, comme à celle de leur souverain naturel et droiturier seigneur ; se souvenant de l'héroïque résistance que jadis ils avaient opposée à l'invasion anglaise, et des duretés, peines, travaux et dépenses endurés par eux durant le siège qu'ils avaient eu à subir, qui sont, disait-il, chose qui nul temps ne se doivent oublier ; ayant également en mémoire les dangers et périls en quoi plusieurs se sont mis, par diverses et maintes fois, pour trouver manière de remettre et réduire nos dites ville et cité en notre obéissance, en quoi de bien en mieux a toujours été connu et aperçu la persévérance et continuation où ils ont toujours persisté et demeuré en leur loyauté, vraie intention et bon propos envers nous ; étant enfin dûment informé que, quelques serments, obéissance, aide, faveur, secours ou service qu'ils aient fait ou donné aux dits adversaires, ce a été par force et contrainte, et contre leur gré et volonté, et qu'ils ont aussi parfait et bon vouloir envers nous que jamais sujets peuvent avoir envers leur souverain, — déclarait que tous ceux qui retourneraient à lui et se remettraient en son obéissance auraient pleine et entière abolition, et jouiraient des prérogatives, privilèges, franchises et libertés qu'ils avaient avant l'occupation anglaise[47].

Charles VII avait séjourné à Louviers durant le mois de septembre ; il attendait que ses lieutenants eussent terminé leurs opérations dans la Basse-Normandie, le Perche et le pays de Bray. De toutes parts lui arrivait un perpétuel bulletin de victoire[48]. A la fin de septembre, le Roi fit mettre le siège devant Château-Gaillard, une des plus fortes places de Normandie, située sur un rocher baigné par la Seine. Le maréchal de Jalognes, Brezé et Denis de Chailly dirigèrent les opérations, auxquelles le Roi voulut prendre part en personne. Chaque jour, de Louviers, il se rendait au siège pour présider à la construction des bastilles et encourager les assiégeants. Château-Gaillard ne pouvait être réduit que par la famine : au bout de six semaines, la garnison anglaise se résigna à capituler[49].

Dans les premiers jours d'octobre, les armées de Dunois, du duc d'Alençon, des comtes d'Eu et de Saint-Pol convergèrent dans la direction de Rouen. Le 6, le Roi se porta de Louviers sur Pont de l'Arche, à la tête d'une brillante compagnie, où figuraient le roi René, le comte du Maine, le vicomte de Lomagnee le comte de Castres, le comte de Clermont, le chancelier Jouvenel des Ursins, le sire de Culant, grand maître d'hôtel, Ferry et Jean de Lorraine, le maréchal de la Fayette, le comte de Tancarville, les sires de Gaucourt, de Précigny et un grand nombre d'autres seigneurs[50]. Les habitants de Pont de l'Arche s'avancèrent en foule au devant du Roi, demenant grande joye et faisant grands esbatemens pour le subget de son joyeux advenement[51]. Reçu avec grande révérence, Charles VII s'installa à Pont de l'Arche, et envoya aussitôt une sommation à la ville de Rouen[52]. Mais, contrairement aux lois de la guerre, le duc de Somerset et les capitaines anglais ne permirent pas aux hérauts de remplir leur mission : la sommation royale fut arrachée de leurs mains ; Talbot la déchira et la foula aux pieds. Les hérauts n'échappèrent à la mort que grâce à une prompte retraite. Une seconde sommation n'obtint pas un meilleur résultat : elle fut arrêtée au passage[53].

Justement irrité d'un tel procédé, Charles VII donna à son armée l'ordre de marcher en avant. Lui-même s'ébranla le 9 octobre et parut sous les murs de Rouen, où il resta pendant toute la journée[54].

Ce n'était là qu'une simple démonstration militaire : le Roi espérait que, encouragés par le voisinage de son armée et par sa présence, les habitants de Rouen se décideraient à prendre l'offensive contre les Anglais.

Trois jours s'écoulèrent, signalés par de légères escarmouches. Une pluie torrentielle inondait les troupes ; Dunois donna l'ordre de se replier sur Pont-de-l'Arche.

Le 16 octobre, au matin, une tentative plus sérieuse fut faite. Charles VII avait été averti qu'on complot se formait pour lui livrer la ville : les bourgeois qui se trouvaient de garde à la porte Saint-Hilaire et sur les remparts devaient en profiter pour donner accès à l'armée royale. Le comte de Dunois s'avança du côté des Chartreux, tandis que le sire de Culant et le maréchal de Jalognes dirigeaient une attaque simulée contre la porte Beauvoisine. L'opération était au moment de réussir ; déjà les Français étaient maîtres des remparts et commençaient à pénétrer dans la ville, quand Talbot accourut à la tête de trois cents hommes et planta sa bannière sur la muraille. Après une lutte acharnée, où plusieurs bourgeois furent tués à côté des assaillants, il fallut battre en retraite. Le Roi, qui s'était avancé jusqu'à Darnétal, reprit, le soir même, le chemin de Pont-de-l'Arche[55].

Mais l'attaque du 16 octobre devait porter ses fruits. Effrayés, d'une part, des conséquences qu'entraînerait une occupation à main armée ; indignés, d'autre part, du meurtre de plusieurs de leurs concitoyens, passés au fil de l'épée par les soldats de Talbot, les habitants de Rouen s'assemblèrent à l'Hôtel de Ville le 17 au matin, et résolurent d'envoyer un message au Roi.

Charles VII avait prévu cette ouverture : dès la veille au soir, sur la demande de plusieurs bourgeois, avait donné des lettres par lesquelles il s'engageait à ne point attaquer la ville jusqu'au samedi suivant (18 octobre) et accordait un sauf-conduit à Richard Olivier, official de la cathédrale, et à Jean Le Roux, l'un des échevins, ayant en leur compagnie cinquante bourgeois ou gens d'église[56].

Les députés de Rouen partirent immédiatement. Accueillis avec empressement par le Roi, ils rapportèrent un nouveau sauf-conduit pour l'archevêque et d'autres notables habitants.

Le duc de Somerset était en proie à de vives alarmes. Sentant sa faiblesse et redoutant une attaque des bourgeois, il se résolut à. entrer dans leurs vues : il décida qu'il se ferait représenter à la conférence qui allait être ternie avec les représentants de Charles VII. C'est le 18 octobre que l'archevêque Raoul Roussel, Jean seigneur de Saonne, et les autres envoyés de la ville de Rouen, accompagnés de Jean Hanneford, chevalier, et de Jean Dampson[57], représentants du gouverneur anglais, se rendirent à Port Saint-Ouen, où ils trouvèrent le comte de Dunois, le chancelier Jouvenel et les autres commissaires royaux[58]. La discussion fut entamée entre l'archevêque et Dunois ; une convention ne tarda pas à être signée : les habitants de Rouen s'engageaient à remettre la ville aux mains du Roi ; en, retour celui-ci leur accordait une amnistie plénière, confirmait leurs privilèges, et leur rendait même certaines prérogatives dont la domination étrangère les avait privés[59].

Le soir, fort tard, la députation rouennaise rentrait dans la ville. La nouvelle se répand aussitôt de proche en proche.

De toutes parts éclatent des transports de joie. Les habitants revêtent la croix blanche, prennent les armes, dressent des barricades. Pendant toute la nuit, les Anglais sont tenus en échec. En même temps un message est envoyé au Roi pour lui annoncer que les portes sont ouvertes et implorer son assistance.

Le 19, dès six ou sept heures du matin[60], l'official de Rouen, Richard Olivier, et d'autres députés de la ville, se présentaient devant le duc de Somerset pour l'informer de ce qui s'était passé à Port Saint-Ouen. L'official ne laissa pas ignorer au gouverneur anglais les déclarations que les représentants de Charles VII avaient formulées à son sujet : Si le duc, avaient-ils dit, consent à livrer incontinent la ville, le Roi lui permettra de se retirer librement où bon lui semblera ; mais qu'il se hâte, car sans cela il ne s'en tirera pas à si bon marché. Et si, par aventure, la ville est occupée d'une autre manière, on ne se souciera guère des forteresses ni de la personne du duc : on lui fera payer la guerre de cette année.

Somerset répondit que la chose était bien dure et qu'il aimait mieux mourir que de se rendre. De quoi avez-vous peur ? dit-il aux députés. Vos murs sont intacts, vos ennemis déconfits, vos forts encore bien garnis d'archers et autres gens de guerre. Et, se tournant vers l'official, il ajouta : Certes, vos ennemis ne fussent point venus si vous ne les fussiez allé quérir ![61]

Pendant que Somerset récriminait de la sorte, de graves événements se produisaient. Une foule considérable, à laquelle s'étaient mêlés des Anglais, se portait à l'Hôtel de Ville. Chacun attendait avec impatience la relation de l'ambassade envoyée à Port Saint-Ouen. L'effet produit par l'exposé des députés fut immense. De joyeuses acclamations retentirent. Le peuple tout entier se déclara prêt à reconnaître Charles VII pour seigneur. Les Anglais, sentant que toute résistance était désormais impossible, se retirèrent la rage dans le cœur.

Le jour même, le duc dé Somerset se résignait à faire évacuer la ville, ne conservant que les trois points suivants : le Palais, le château, la barbacane qui commandait l'entrée du grand pont[62].

En réponse au message des Rouennais, Charles VII avait donné ordre à. son lieutenant général, le comte de Dunois, de leur prêter main forte. Dunois ne tarda point à paraître : il reçut la soumission du fort Sainte-Catherine et se présenta devant la porte Martainville. Les bourgeois s'étaient avancés à sa rencontre ; ils lui remirent les clés de la ville. L'évêque de Lisieux, Thomas Basin[63], et Jean d'Estouteville, seigneur de Blainville, à la tête de cent lances, pénétrèrent les premiers dans Rouen. Le soir même et le lendemain les portes s'ouvrirent à de nouveaux détachements de l'armée royale. Dunois s'installa devant le palais ; le seigneur de Mauny, lieutenant de Floquet, entre le palais et le château ; Brezé devant le château.

La situation du gouverneur anglais devenait fort critique. Dès le 20, il dut abandonner la barbacane. Le 22, il se vit attaqué à la fois dans le palais et dans le château[64]. Il sollicita une audience de Charles VII, qui était venu le 19 se loger à l'abbaye de Sainte-Catherine. Le 23 octobre Somerset se rendit à l'abbaye, et fut reçu dans une chambre basse où il trouva Charles VII entouré des princes du sang, des grands officiers, des chefs de son armée et de ses conseillers. Le duc ayant réclamé l'exécution de certaines conditions qu'il prétendait lui avoir été offertes par Dunois, le Roi répondit qu'il ignorait si des promesses avaient été faites par le comte de Dunois, mais que, non pas pour Rouen et pour le duché de Normandie, mais pour tout un royaume, il ne voudrait faire chose qui fut à déshonneur, et que si quelque chose avait été promis, soit par lui, soit par d'autres ayant pouvoir de lui, pour rien au monde il ne le voulait enfreindre[65]. Une enquête fut ordonnée, et une commission, désignée par le Roi, entra en pourparlers avec Somerset[66]. Après six jours de négociations, pendant lesquels les hostilités furent suspendues, le lieutenant général de Henri VI dut subir les conditions du vainqueur. Par un traité en date du 29 octobre[67], il s'engagea à évacuer le palais et le château ; à rendre les villes de Caudebec, Tancarville, Honfleur, Arques et Montivilliers ; à payer cinquante mille écus dans le délai d'un an ; enfin à remettre aux mains du Roi, à titre d'otages, le sire de Talbot[68] et plusieurs seigneurs et capitaines. Pendant son séjour à Sainte-Catherine, le Roi avait reçu la visite du fameux capitaine anglais. Celui-ci s'étant mis à genoux, il le prit par la main, et le faisant lever : Talbot, lui dit-il gaiement, vous soyez le bien venu. Nous sommes bien joyeux de votre venue et entendons que venez pour faire le serment à nous. — Sire, pardonnez-moi, répondit Talbot, je ne suis point encore conseillé à ce faire[69]. Talbot, auquel la ville de Dreux fut assignée comme résidence, ne tarda pas à être mis en liberté sans rançon, et, comblé de présents, il partit pour le grand pardon de Rome[70]. C'était un des traits du caractère de Charles VII de se montrer courtois à l'égard de ses adversaires[71] : en se rendant à Sainte-Catherine, il avait rencontré une garnison anglaise (composée de cent vingt hommes environ) qui venait d'évacuer la place ; il recommanda à ces gens de ne rien prendre sur le pays sans payer. Les Anglais ayant répondu qu'ils n'avaient ni argent ni logis, le Roi leur fit délivrer cent francs ; on rapporte même qu'il les fit revenir à Sainte-Catherine, où il les hébergea la nuit suivante[72].

Le lundi 10 novembre, Charles VII faisait son entrée solennelle dans la ville de Rouen.

Quittant le fort Sainte-Catherine, où il avait célébré la fête de la Toussaint[73], le Roi s'avança vers une heure de l'après-midi, à la tête du plus imposant cortège qu'ait jamais eu souverain rentrant en vainqueur dans une ville soustraite à son obéissance[74]. Moult belle chose estoit, dit le chroniqueur officiel, de veoir alors l'armée du Roy, car il n'estoit point de memoire qu'on oust veu oncques à Roy une si belle armée et si leste compagnie tout à une fois, ne mieux garnie et remplie, tant de seigneurs, barons, chevaliers, escuyers, comme d'autres gens de fait et de main[75]. Longeant les remparts jusqu'à la porte Beauvoisine, Charles VII fit son entrée triomphale par cette même porte que, le 20 janvier 1419, le roi d'Angleterre Henri V avait franchie à travers une population décimée par la famine.

Le Roi était armé de toutes pièces. Sa tête était coiffée d'un chaperon de castor gris doublé de satin vermeil, avec une houppe de fils d'or et de soie, et, sur le devant, un fermail orné d'un beau diamant. Son cheval — un palefroi de moyenne grandeur comme ceux qu'il aimait à monter — était entièrement recouvert d'un drap de velours bleu, semé de fleurs de lis d'or.

A un trait d'arc de la ville, on vit apparaître l'archevêque de Rouen, accompagné des évêques de Lisieux, de Bayeux et de Coutances, de plusieurs abbés, et d'un grand nombre de gens d'église. Ils furent présentés au Roi par le comte de Dunois, et après les salutations accoutumées, ils reprirent le chemin de la ville.

A la porte Beauvoisine attendaient deux cents bourgeois portant les couleurs royales : robes bleues, chaperons rouges ou mi-partie de rouge et de blanc. Guillaume Cousinot, en sa qualité de bailli de Rouen[76], présenta les bourgeois. L'un d'eux, des plus notables, s'avança et voulut prononcer une harangue ; mais l'émotion lui coupa la voix[77]. Alors Dunois, qui était un des plus beaux parleurs de la langue de France[78], prit la parole : Sire, dit-il, voici vos bourgeois de Rouen qui vous supplient humblement que les ayez pour excusez de ce que si longuement ont attendu à retourner et eux remettre en votre obéissance, car ils ont eu de moult grandes affaires et ont été forts contraints par les Anglois vos anciens ennemis ; et aussi que ayez souvenance des grandes peines et tribulations que jadis ils souffrirent, avant qu'ils se voulsissent rendre auxdits Anglois vos adversaires[79].

Le Roi répondit qu'il était content des habitants et les tenait pour excusés. Puis, prenant les clefs et se tournant vers Pierre de Brezé, il les lui remit en disant : Sire de la Varenne, jà soit ce qu'autrefois on nous ait rapporté aucunes choses de vous que l'on disoit avoir été faites de votre part en notre préjudice, et desquelles nous avons autrefois fait faire aucunes informations par les gens de notre parlement, néantmoins, tout vu et considéré, nous vous tenons bien pour déchargé et connoissons que toujours nous avez servi loyaument. Et pour ce vous baillons les clefs de notre châtel et cité de Rouen, et vous en avons fait et faisons capitaine. Si en faites bonne garde. Brezé remercia le Roi de l'honneur qu'il lui faisait : Sire, dit-il, je vous ai servi et servirai toute ma vie loyaument, et tant que, au plaisir de Dieu, ne serai trouvé en aucune faute[80].

Le cortège se mit alors en marche dans l'ordre suivant :

Les gens d'église, tant séculiers que réguliers, revêtus de leurs chapes, avec les croix et les bannières, portant des reliques, et chantant le Te Deum ;

Les archers des princes et seigneurs, au nombre de six cents, sous le commandement de Pierre Frotier, seigneur de Preuilly, et de Georges, seigneur de Clère ; les archers de la grande garde du Roi avec leurs jacquettes aux couleurs royales, rouge, blanc et vert[81], et trois cents lances sous les ordres de Theaulde de Valpergue ;

Les trompettes du Roi et des princes, qui, dit le chroniqueur officiel, sonnoient si très fort que c'estoit grande melodie et belle chose à oyr ;

Les hérauts et poursuivants d'armes, revêtus des cottes d'armes de leurs maîtres, au nombre d'environ vingt-quatre ;

Le sire de Gaucourt, premier chambellan, monté sur un coursier couvert d'un drap de satin cramoisi, avec la croix blanche ;

Le comte de Dunois, lieutenant général, Pierre de Brezé et Jacques Cœur, portant tous trois des jacquettes de velours violet, fourrées de martre[82].

Le sire de la Fayette, maréchal de France, et Guillaume Cousinot, bailli de Rouen ;

Le chancelier Jouvenel des Ursins, vêtu d'un manteau d'écarlate, monté sur une haquenée blanche : devant lui deux valets de pied conduisaient une haquenée blanche portant, sur une selle de femme recouverte de velours fleurdelisé, un riche coffret qui contenait les sceaux royaux ;

Pierre de Fontenil, écuyer d'écurie du Roi, qui tenait en écharpe le manteau royal, d'écarlate pourpre, fourré d'hermine ;

Poton de Saintrailles, grand écuyer, portant l'épée de parement du Roi.

Le Roi, s'avançait ensuite, sous un dais de satin vermeil que soutenaient quatre des plus notables bourgeois, et entouré de quatre pages à cheval, vêtus de robes vermeilles, ayant entre leurs mains les armes du souverain, la lance, la javeline, la hache et le cranequin[83].

Rogerin Blosset, écuyer d'écurie du Roi, marchait après, portant l'étendard royal en satin cramoisi, semé de soleils d'or, et sur lequel était figuré saint Michel. Puis venaient : Jean Havart, premier valet tranchant, portant le pennon royal, en velours azuré, avec trois fleurs de lis d'or ; le roi de Sicile et le comte du Maine, armés à blanc, avec leurs pages ; Jean de Lorraine et le seigneur de Beauvau ; le comte de Nevers ; le comte de Tancarville et le seigneur de Montgascon ; le sire d'Orval et le vicomte de Lomagne ; le comte de Clermont, suivi de vingt hommes d'armes commandés par Jacques de Chabannes ; le sire de Culant, grand maître d'hôtel ; le comte de Saint-Pol ; le comte de Castres ; Guillaume de Courcelles avec quatre pages ; les seigneurs de Précigny, de Brion, de Villequier ; Antoine de Chabannes, comte de Dammartin, et une foule d'autres seigneurs.

Six cents lances, sous le commandement du sire de Culant, fermaient la marche. Tous ceux qui figuraient dans le cortège étaient armés à blanc, et leurs chevaux étaient recouverts de velours ou de soie. Chaque cheval portait la marque nationale, c'est-à-dire la croix blanche, qu'on voyait aussi sur les riches habillements d'un grand nombre de seigneurs.

Le boulevard, la porte d'entrée et les tours étaient tendus de draps à la livrée royale, semés d'écussons aux armes de France. Les rues étaient, selon l'expression des chroniqueurs, tendues à ciel. Dans les carrefours, des mystères étaient représentés ; des ménestrels jouaient de divers instruments ; çà et là, des personnages allégoriques : un groupe de gens d'église, nobles et bourgeois présentant au Roi une femme à genoux et les mains jointes qui personnifiait la ville ; deux belles demoiselles, placées sur un échafaud, tenant un grand cerf volant avec une couronne au cou, lequel, par mystère, s'agenouilla devant le Roi. Les fenêtres étaient garnies de dames, demoiselles et bourgeoises, parées de leurs plus riches atours. Une foule innombrable faisait éclater sa joie. Les cris de Noël ! Noël ! mille fois répétés, se mêlaient au joyeux carillon des cloches sonnant à toute volée.

Sur le pares Notre-Dame, on apercevait aux fenêtres la comtesse de Dunois, ravie d'un si beau spectacle, et, non loin de là, la duchesse de Somerset, entourée du sire de Talbot et des autres otages, moult pensifs et marris en leur cœur. Pourtant Talbot faisait contre fortune bon cœur : interpellé par les assistants, il ne put s'empêcher de témoigner son admiration à l'égard de Charles VII : J'aimerais mieux, dit-il, combattre en la compagnie du Roi avec dix mille combattants que sous un autre chef avec vingt mille[84].

Arrivé sur la place de la Cathédrale, le Roi mit pied à terre. L'archevêque, les évêques de Lisieux, d'Évreux et de Coutances, portant la mitre eu tête et suivis de leur clergé, l'attendaient sur le parvis et lui présentèrent des reliques. Charles VII s'agenouilla, baisa les reliques ; puis, après avoir prêté serment de maintenir les privilèges ecclésiastiques, il alla prier moult dévotement devant le grand autel.

Les habitants de Rouen étaient dans l'ivresse. Partout s'allumaient des feux de joie ; des tables, dressées de place en place, offraient aux passants les mets à profusion. Pendant plusieurs jours les travaux demeurèrent suspendus. Par ordre de l'archevêque, des processions solennelles eurent lieu à travers les principales rues. Enfin, le 12 novembre, une très belle proposition fut faite devant le Roi par un notable maître en théologie, sur ce thème : Benedictus qui fecit nobis misericordias, dedit nobis jucunditatem cordis, et fieri pacem in diebus nostris[85].

Durant les dix-huit jours qu'il passa dans la capitale de la Normandie, logé dans l'hôtel de l'archevêque, Charles VII reçut le serment des gens d'église et de plusieurs seigneurs, accorda des lettres d'abolition aux habitants[86] et confirma leurs privilèges[87], reçut les députations de plusieurs villes, et rendit de nombreuses ordonnances[88]. Le vendredi 17 novembre, il assista à une messe solennelle célébrée dans la cathédrale et présenta à l'offrande une somme de vingt écus[89]. Cédant aux sollicitations de ses nouveaux sujets, il résolut, malgré l'approche de l'hiver, de continuer la campagne. Harfleur n'était point compris dans la capitulation de Rouen ; Honfleur, occupé par le capitaine Richard Cursun, refusait d'ouvrir ses portes : le siège de ces deux places fut décidé, et des mesures furent prises aussitôt en vue d'une attaque[90].

Le 28 novembre, Charles VII partit de Rouen, se dirigeant vers Caudebec, où il séjourna jusqu'au 5 décembre. De là il se rendit à Montivilliers, d'où il surveilla les opérations qui commencèrent le 8 décembre devant Harfleur, sous la direction de Dunois. La place était très forte, et un hiver précoce et rigoureux ajoutait encore aux difficultés de l'entreprise. Le Roi y prit une part active : chaque jour il visitait les travaux, descendant dans les tranchées, s'avançant par les fossés et les mines, la salade en sa tête et son pavois en sa main, faisant tirer sous ses yeux les seize grosses bombardes qui battaient les murs de la ville[91]. Le siège fut si vigoureusement mené qu'au bout de quinze jours les deux mille Anglais composant la garnison demandèrent à capituler. Le traité de reddition fut signé le 25 décembre ; le 1er janvier le capitaine, Thomas Aurigan, remettait à Dunois les clés de la ville et des tours du Havre[92].

L'année 1450 s'ouvrait sous de favorables auspices. Toute la haute Normandie était au pouvoir de l'armée royale. La basse Normandie était entamée et les opérations se poursuivaient dans le Perche, où le petit corps d'armée du duc d'Alençon avait reçu des renforts[93]. Assisté de Saintrailles, qui était venu le joindre, le duc avait mis, à la fin de novembre, le siège devant Bellême, dont la garnison ne tarda point à entrer en composition. Deux mille Anglais s'avancèrent par Thorigny et Thury pour secourir la place ; mais, apprenant que les Français occupaient une très forte position, ils reculèrent. Le 20 décembre, le capitaine, qui n'était autre que le fameux Mathew Gough, dut évacuer Bellême[94]. Vers le même temps un engagement eut lieu à la Croix de Vaujoux, près de Mortain, entre les garnisons françaises de Gavray et des places voisines et les Anglais qui occupaient Vire ; ceux-ci, au nombre de douze cents, furent taillés en pièces[95].

Le 5 janvier, le Roi, quittant l'abbaye de Montivilliers, vint s'établir à l'abbaye de Jumièges, tandis que ses troupes remontaient la Seine pour aller assiéger Honfleur. La maladie, puis la mort d'Agnès Sorel, survenue le 9 février, le retinrent à Jumièges ; il partit le 16 et arriva le lendemain à l'abbaye de Grestain[96], à peu de distance d'Honfleur. La ville, assiégée depuis le 17 janvier par Dunois, était à la veille de se rendre : elle capitula le 18 février, et c'est en vain que les Anglais attendirent le secours qui leur aurait permis de ne point l'évacuer[97]. De là Charles VII se rendit à l'abbaye de Préaulx, près de Pont-Audemer, où il fit un court séjour. Puis, passant par Bernay et Essay, il vint s'établir à Alençon (15 mars), d'où il envoya assiéger Fresnay-le-Vicomte, qui se rendit le 22[98]. S'occupant des moindres détails, le Roi avait fait construire un charriot d'un nouveau modèle, destiné au transport de l'artillerie : ce charriot lui fut livré pendant son séjour à Alençon[99].

Tandis qu'il était dans cette ville, Charles VII apprit qu'une armée anglaise, commandée par Thomas Kyriel, venait de débarquer à Cherbourg (15 mars[100]). Les Anglais avaient résolu de tenter un dernier et suprême effort. Pour lever ce corps de troupes, Henri VI avait engagé ses joyaux ; des instructions furent données aux capitaines occupant les places restées Anglaises, des munitions envoyées à Cherbourg et à Caen[101]. Kyriel, à la tête de quatre à cinq mille hommes, se porta sur Valognes, défendue par Abel Rouault avec une faible garnison. En voyant arriver ce renfort, le duc de Somerset reprit courage : Ô Charles, Charles ! s'écria-t-il, vous nous avez traqués en chasseur impitoyable ; à notre tour de vous serrer de plus près ![102] Le gouverneur anglais aurait voulu que l'armée d'Angleterre marchât sur Caen pour protéger cette ville contre une attaque imminente ; mais Kyriel, cédant aux instances du bailli du Cotentin, préféra enlever aux Français leurs récentes conquêtes. Le duc se décida alors à lui envoyer deux mille hommes, provenant des garnisons de Caen, Bayeux et Vire, sous les ordres de Robert Vere, Mathieu Gough et Henri Norbury. Ce corps d'armée réussit à franchir les gués Saint-Clément, que la garnison française de Carentan eut le tort de ne pas défendre, et put, devant Valognes, librement opérer sa jonction avec Kyriel. Abel Rouault n'avait rien négligé pour s'assurer du secours : à la nouvelle du débarquement de Kyriel, il avait adressé un pressant appel au duc de Bretagne et au connétable[103]. Valognes, investi aussitôt, subit un rude assaut le r mars ; le capitaine français, réduit à ses seules forces, fut, au bout de trois semaines, obligé de capituler ; il sortit avec les honneurs de la guerre. La reddition de Valognes entraîna celle de la plupart des places du Cotentin[104].

Que faisaient pendant ce temps le duc de Bretagne et le connétable, plus spécialement chargés du soin de veiller sur les conquêtes opérées par leurs armes ? Le duc était à Dinan, où son conseil le retenait dans l'inaction. Le connétable, après avoir quitté Parthenay, avait passé huit jours à Nantes et était venu rejoindre son neveu. N'ayant pu déterminer celui-ci à marcher contre les Anglais, il se décida à entrer en campagne. Mais les messages qu'il reçut du Roi, à plusieurs reprises, pour lui annoncer d'abord la descente, puis les progrès de Kyriel ; celui qu'il reçut d'Abel Rouault, le capitaine de Valognes, ne semblent pas lui avoir fait accélérer sa marche : le 5 avril, il était encore à Dol, où il fit ses Pâques. La longue inaction du duc de Bretagne et du connétable ne laissait pas d'indisposer le Roi : voyant que le duc n'usait pas des pouvoirs qu'il lui avait de nouveau conférés pour le représenter et recevoir la soumission des places de basse Normandie[105], il désigna, au mois de février, comme lieutenant général, son gendre le comte de Clermont[106].

A la nouvelle du débarquement de l'armée anglaise et du siège de Valognes, Charles VII avait concentré ses troupes et donné ordre au comte de Clermont de marcher au secours de cette ville. Mais soit lenteur, soit prudence exagérée, le jeune comte laissa Abel Rouault sans assistance. Il ne fit même aucun effort pour barrer le passage à l'armée anglaise qui, partie de Valognes à la date du 12 avril, s'avançait vers les Veys avec l'intention de pénétrer dans le Bessin. On estimait qu'en l'absence du connétable, auquel message sur message avait été envoyé pour l'aviser de la marche de l'ennemi[107], toute attaque devait être évitée. Dans un conseil de guerre tenu par les capitaines qui entouraient le comte de Clermont, Brezé, Coëtivy, Jacques de Chabannes, Joachim Rouault, etc., il fut décidé que l'on n'attaquerait point l'ennemi dans le Cotentin, où son infanterie ne pouvait être battue que par des forces supérieures, et qu'on ne s'opposerait pas à son entrée dans le Bessin, de peur de compromettre la vie des prisonniers que Kyriel traînait à sa suite.

Mais les événements devaient bien vite faire modifier cette résolution et forcer l'armée française à livrer bataille.

Le 14 avril, Kyriel était arrivé au gué Saint-Clément, où, à marée basse, on pouvait facilement franchir la Vire. Déjà la plus grande partie de son armée avait traversé cette rivière quand une poignée de gens, hommes d'armes, archers, guisarmiers, auxquels se mêlaient des paysans, indignés de l'inaction où ils étaient retenus, s'élancèrent sans ordre, par bandes, contre l'arrière-garde ennemie, au moment où s'achevait le passage du Grand Vey. A leur tête se trouvait un homme d'armes de la compagnie de Geoffroy de Couvran, du nom de Malortie.

Tout en désapprouvant l'attaque, Joachim Rouault, et après lui Couvran et Brezé, s'élancent sur les traces de ces braves, qu'ils ne veulent point abandonner. Une action s'engage. Mais les assaillants sont trop peu nombreux pour soutenir le choc de l'ennemi si un retour offensif se produit ; ils vont se trouver en péril, quand la marée montante les sépare des Anglais[108].

Ceux-ci avaient réussi dans leur dessein : échappant à un péril redoutable, ils avaient pénétré dans le Bessin. On raconte que, dans l'ivresse de ce premier succès, Matthew Gough, parvenu sur l'autre rive de la Vire, se jeta à bas de son cheval et baisa la terre en s'écriant : Chiens enragés ! nous voilà passés malgré vous ![109]

Si la joie était grande dans le camp ennemi, une vive indignation éclatait au sein de l'armée française. Chacun estimait qu'il eût suffi d'un mouvement bien combiné pour arrêter les Anglais et jeter la déroute dans leurs rangs. Le bruit courait que Hue Spencer, le bailli anglais du Cotentin, avait traversé Carentan la veille et avait été reçu avec la plus grande courtoisie, familièrement même[110], par les habitants, qui lui auraient servi les meilleurs vins. Gens de guerre et paysans — car le sentiment populaire faisait explosion — étaient furieux à l'envi. On allait jusqu'à dire que Spencer avait acheté à prix d'or, la liberté du passage des Anglais. Ou criait à la trahison. Malortie, exaspéré, jeta ses armes et les foula aux pieds, jurant qu'il ne se battrait plus.

En présence d'une telle manifestation, l'hésitation n'était plus possible : l'attaque fut décidée pour le lendemain. Des courriers furent expédiés de tous côtés et en particulier vers le connétable, afin d'opérer la concentration des forces dont on disposait.

Si jamais le Dieu des batailles manifesta la protection que parfois il accorde aux combattants, ce fut, à coup sûr, à Formigny, dans cet engagement improvisé où toutes les chances étaient en faveur des Anglais : ils avaient pour eux le nombre, l'unité du commandement, la situation topographique, et pourtant ils succombèrent, on va le voir, et de la façon la plus désastreuse.

Le 15 avril, à la première heure, le comte de Clermont s'élança à la poursuite de Kyriel. Il avait fait dire au connétable, alors à Saint-Lô, de se trouver bien matin sur le chemin de Carentan à Bayeux, où le premier arrivé attendrait l'autre pour livrer bataille[111].

Les Anglais avaient passé la nuit dans les villages de Trévières et de Formigny ; ils s'attendaient si peu à une attaque que Matthew Gough était parti, de très bonne heure, pour Bayeux, dont il était capitaine. Déjà ils se mettaient en marche pour le rejoindre. Tout à coup, sur leurs derrières, par la route de Carentan, au sommet d'une colline qui domine le vallon de Formigny, apparaît un faible détachement : ce sont les coureurs du comte de Clermont : vingt lances sous le Commandement d'Odet d'Aydie et de Guillaume de Ricarville. L'avant-garde, commandée par le sire de CoUivy, les suit de près. Étonnés, mais sans croire d'abord qu'ils vont avoir affaire à une armée, les Anglais se concentrent dans le village de Formigny et s'y rangent en bon ordre. A l'aile gauche, Robert Vere, et bientôt Matthew Gough, qu'on est allé chercher en toute hâte, prennent le commandement de la cavalerie, peu nombreuse (huit cents à mille hommes), qui défend un pont situé sur la route par laquelle arrivent les Français. Thomas Kyriel masse le surplus de l'armée, composée principalement d'infanterie, en arrière de Formigny, au milieu de plantureux vergers qui s'étendent jusqu'au ravin qu'occupe la cavalerie et au delà.

Trois heures s'écoulent, durant lesquelles les deux armées s'observent sans en venir aux mains : le comte de Clermont attend l'arrivée du connétable pour engager l'action. Kyriel emploie ce temps à fortifier ses positions, à faire creuser des fossés et des trous, à planter des pieux, de façon à rendre le passage impraticable à la cavalerie et à prévenir toute surprise. Le comte de Clermont n'est qu'à trois traits d'arbalète de l'ennemi ; il a fait descendre de cheval une partie de ses archers, situés non loin du ruisseau occupé par la cavalerie anglaise ; les hommes d'armes restent montés.

Au bout de quelque temps des couleuvrines, placées sur une hauteur, entament, sous la direction du maître canonnier Giribault, alors renommé dans son art[112], un feu nourri contre les Anglais. Soixante lances et deux cents archers s'approchent, et des escarmouches s'engagent, tant pour protéger le tir des couleuvrines que pour donner au connétable le temps d'arriver.

Sous le feu des Français, qui leur cause un sérieux dommage, les Anglais se décident à l'attaque. Matthew Gough lance cinq cents archers pour s'emparer des couleuvrines. Les artilleurs sont dispersés. Deux couleuvrines tombent au pouvoir de l'ennemi. Floquet et Mauny, qui commandent les troupes chargées de défendre l'artillerie, ne peuvent retenir leurs soldats : ceux-ci se replient en désordre sur le corps d'armée du comte de Clermont. Mais Brezé descend de cheval ; il fait mettre à pied ses hommes d'armes et charge vigoureusement les Anglais, qui reculent ; les deux couleuvrines sont reprises.

Pendant cet engagement Matthew Gough aperçoit, dans la direction de Trévières, un corps de troupes qui s'avance. Est-ce le duc de Somerset qui amène un renfort ? Les Anglais n'en doutent pas et, pleins de joie, poussent des hurrahs. Mais bientôt ils peuvent distinguer des fleurs de lis sur les enseignes[113] : ce n'est point Somerset, c'est le connétable de Richemont, arrivant de Saint-Lô avec trois cents lances et huit cents archers[114]. Parvenu près d'un moulin à vent situé sur la pente qui descend vers Formigny, le connétable s'arrête. D'un coup d'œil il reconnaît la situation : il met ses gens en bataille ; il lance son avant-garde et ses archers dans la direction du pont occupé par les Anglais. Lui-même ne tarde point à arriver et à opérer sa jonction avec le comte de Clermont. On tient conseil. Richemont, emmenant avec lui l'amiral de Coëtivy, s'avance Pour observer les Anglais de plus près : Que vous en semble ? lui dit-il. Comment les prendre ? par les bouts ou par le milieu ? Coëtivy répond qu'il doute fort que les Anglais abandonnent leurs positions. — Avec la grâce de Dieu, reprend le connétable, je voue à Dieu qu'ils n'y demeureront point[115].

Richemont avait raison : alarmé de l'arrivée de ce renfort, croyant avoir affaire à toute une armée, Mathew Gough se décide à quitter ses retranchements : il se retire avec ses gens Près du village de Formigny[116], où il range ses troupes en bon ordre pour faire face aux Français.

Cependant les archers du connétable et du comte de Clermont réussissent à emporter le pont défendu par les Anglais. Les hommes d'armes passent à leur tour. Une mêlée générale s'engage. Brezé propose au connétable de s'avancer dans la direction de Bayeux et d'aller planter son étendard sur un retranchement situé à l'aile gauche des Anglais. Richemont hésite un instant ; puis il donne son assentiment. Le vaillant sénéchal s'élance à la tête de sa compagnie, charge furieusement, culbute les ennemis, et les passe au fil de l'épée.

Pendant ce temps les gens du connétable s'avancent en belle ordonnance, traversent le ruisseau du Val et marchent sur Formigny. Débordés de toutes parts, les Anglais lâchent pied. On en fait pendant trois heures un horrible carnage. Dans cette guerre d'extermination, les paysans se joignent aux soldats. Cinq cents archers, cernés dans un verger entouré de haies, se jettent à genoux, criant merci : ils sont massacrés sans pitié. Le relevé des morts a été fait : on en compte trois mille sept cent soixante-quatorze[117]. Mathew Gough et Robert Vere ont réussi à s'échapper ; mais Kyriel, Norbury, et quarante-trois seigneurs anglais sont pris ; le nombre des prisonniers est de douze à quatorze cents. Chose inouïe ! les pertes des Français ne sont évaluées qu'à dix ou douze hommes[118].

Cette victoire était la revanche d'Azincourt et de Verneuil. Charles d'Orléans, le prisonnier de 1415, pouvait à bon droit s'écrier :

Resjoys toy, franc royaume de France !

..... A present Dieu pour toy se combat ![119]

Le connétable alla passer la nuit à Trévières ; le comte de Clermont coucha sur le champ de bataille : si la venue du connétable avait décidé du succès, c'est à lui principalement qu'appartenait l'honneur de la journée[120].

Le comte de Clermont et le connétable, après avoir fait enterrer les morts, allèrent se reposer à Saint-Lô. De là, ils envoyèrent demander au Roi s'il fallait marcher sur Vire ou sur Bayeux ; Charles Va donna l'ordre d'attaquer Vire. La ville ne tint que peu de jours ; le capitaine, Henri Norbury, était au nombre des prisonniers de Formigny ; c'est avec lui que fut passée la capitulation[121]. Les deux chefs se séparèrent ensuite : le connétable alla joindre le duc de Bretagne, qui était rentré en Normandie et faisait le siège d'Avranches ; le comte de Clermont alla assiéger Bayeux[122]. Avranches capitula le 12 mai[123]. L'armée du duc se porta ensuite sur Tombelaine, qui ne tarda pas à être pris ; puis, tandis que le duc, tombé malade au Mont Saint-Michel ; regagnait ses États où il mourut bientôt (17 juillet), le connétable se dirigea sur Bayeux, laissant son lieutenant, Jacques de Luxembourg, avec une partie de ses troupes, achever la réduction des places du Cotentin. Saint-Sauveur seul opposa quelque résistance ; Briquebec et Valognes s'empressèrent d'ouvrir leurs portes[124].

Bayeux était déjà conquis quand le connétable y arriva : l'armée du comte de Clermont, grossie de celle de Dunois, qui vint prendre le commandement, et du contingent da duc d'Alençon, avait eu facilement raison de la garnison anglaise ; la capitulation avait été signée le 16 mai par Dunois[125]. De là, on traversa l'Orne et l'on occupa la contrée, en attendant le moment de marcher sur Caen.

Le connétable quitta Bayeux le 3 juin et vint s'installer à Cheux, où il fut rejoint par le détachement de Jacques de Luxembourg. Le 5, après avoir séjourné à Alençon, à Séez et à Argentan pendant les mois de mars, d'avril et de mai, Charles VII, ne voulant prendre aucun repos tant que les Anglais ne seraient point chassés de la Normandie[126], s'avança par Saint-Pierre-sur-Dives et Argentes jusqu'au faubmirg de Vaucelles. Il prit son logis dans l'abbaye d'Ardaines. Caen fut 'investi de trois côtés à la fois. Dunois, Culant, le maréchal de Valognes occupaient Vaucelles ; le connétable et le comte de Clermont l'abbaye de Saint-Étienne ; quelques jours plus tard, les comtes d'Eu et de Nevers s'établirent dans l'abbaye aux Dames. Une attaque, à laquelle le Roi assista en personne, fut dirigée du côté de Vaucelles et amena l'occupation de ce faubourg[127]. Du côté opposé, le connétable faisait tomber la muraille de la ville. Une puissante artillerie battait sans cesse les murs, et un assaut eût suffi pour triompher de la résistance des Anglais. Mais Charles VII avait horreur du sang : il préféra accueillir les offres du duc de Somerset. Par un traité en date du 24 juin, le gouverneur anglais s'engagea à livrer Caen le 1er juillet. Ce jour-là, les clés furent apportées au connétable, qui les remit à Dunois. La ville fut aussitôt occupée, et Charles VII y fit son entrée le 6[128].

Après avoir présidé à l'évacuation et à l'embarquement de Somerset, qui fit voile pour Calais avec les derniers débris de son armée, Richemont partit pour Cherbourg, la dernière place du Cotentin restée au pouvoir de l'ennemi. On avait hésité, faute d'argent, à poursuivre la conquête : une avance, généreusement faite par Jacques Cœur, permit de continuer les opérations[129]. Trois places résistaient seules : Cherbourg, Falaise et Domfront.

Saintrailles et Jean Bureau commencèrent le 6 juillet le siège de Falaise. Charles VII, qui ne cessait de payer de sa personne, arriva bientôt sous les murs de cette ville. Il présida aux négociations pour la remise de la place ; le traité fut signé le 11 : Falaise devait être rendue le 21 juillet si la garnison n'était secourue dans l'intervalle ; le capitaine, qui n'était autre que le fameux Talbot, recouvrait sa liberté, mais à la condition de s'en aller au grand pardon de Rome[130]. Domfront fut attaqué le 13 juillet par les sires de Culant et de Blainville et Par Jean Bureau ; la ville capitula le 24 et fut livrée le 2 août[131]. Cherbourg résista plus longtemps aux efforts du connétable : pour s'en emparer, il fallut un siège en règle. Les assiégeants y perdirent deux de leurs meilleurs capitaines : l'amiral de Coëtivy et Tugdual de Kermoysan, dit le Bourgeois[132]. Les frères Bureau firent des prodiges avec leur artillerie, plantant des batteries jusque sur la grève, où, à chaque marée la mer inondait les pièces, qu'on renfermait dans des sacs de cuir[133]. Enfin Thomas Gower, le capitaine anglais, dont un des fils était au nombre des otages de Rouen, se décida à entrer en composition. Cherbourg fut évacué le 12 août, et les mille Anglais composant la garnison firent voile vers l'Angleterre[134].

C'était le 12 août 1449 que Pont-Audemer avait ouvert ses portes aux troupes royales. En un an[135], grâce à un persévérant labeur, à la bonne direction donnée aux opérations, à la forte organisation de l'armée, grâce surtout à la protection manifeste de la Providence, la campagne de Normandie avait été menée heureusement à son terme. Ce merveilleux succès fut considéré comme tenant du prodige, et de toutes parts des actions de grâce montèrent vers le Ciel. Charles VII, après avoir pris l'avis de son Conseil, voulant témoigner sa reconnaissance à Dieu, auquel principalement, disait-il, doit être attribué l'honneur et la gloire, ordonna que des processions et des messes solennelles seraient célébrées le 14 octobre dans tout le royaume et décida qu'à l'avenir elles auraient lieu à perpétuité le 12 août, jour anniversaire de l'entière délivrance de la Normandie[136].

Ajoutons que Charles VII sut reconnaître les services qui lui avaient été rendus en cette circonstance solennelle : il les récompensa avec sa libéralité habituelle[137].

 

 

 



[1] Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. III, p. 143.

[2] Pœne apud omnes publica disseminaverat fama, quod Francorum Rex sibi subditos in bona justitia et libertate conservaret, suosque milites a rapinis atque injuriis provincialium severissime coerceret. Th. Basin, t. I, p. 217.

[3] Bertrand de Beauvau, seigneur de Précigny ; Charles, sire de Culant, Guillaume Cousinot et Jean de Bar, seigneur de Baugy.

[4] Ordonnances, t. XIV, p. 59. Ces lettres sont en vidimus dans le ms. fr. 20382, n° 9. Dans des lettres données à Pont-Audemer le 21 août 1449 (éditées par Vallet de Viriville, t. III, p. 187, note A), Dunois s'intitule : cappitaine general sur le fait de la guerre pour le Roy nostre sire.

[5] Chronique du Mont Saint-Michel, publiée par M. Siméon Luce, t. I, p. 45 ; Chartier, t. II, p. 80 ; Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 184, et 188-189, etc.

[6] Voir t. IV, chapitre XI.

[7] Par Robert de Floques, dit Floquet, et Jacques de Clermont. Voir lettres de Simon du Hamel, lieutenant de Richard Merbury, en date du 30 avril 1449, dans Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 365. Il est fait allusion à cette tentative dans le Protocole des conférences de Louviers. Voir D. Morice, t. II, col. 1475. C'est sans doute à la marche sur Mantes qu'il faut rattacher l'exécution capitale mentionnée dans un document du 4 août suivant (ms. fr. 26079, n° 6134). Voir en outre une quittance, en date du 3 juin 1449, de 31 l. 14 s. 8 d. p. pour travaux de défense exécutés à Mantes (id., n° 6115).

[8] La plus grant partie des bourgois, du commun et du peuple ne desiroit aultre chose que de retourner en l'obeissance du Roy de France. Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 195.

[9] Voir la lettre de Guillaume Fortin, vicomte d'Alençon, aux gens des comptes du roi d'Angleterre à Rouen, en date du 19 juin 1449 (Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 366-370). Il en résulte que Saint-Severin (Saint-Celerin), Bonmoulins, Aunou-sur-Orne, Chailloué, La Ferté-Bernard, Nogent-le-Bernard, Beaumont-sur-Sarthe, Clinchamps et La Guierche étaient déjà au pouvoir des Français, qui, disait le vicomte d'Alençon, continuellement habitent sur le païs. — On voit dans les instructions données à Huart le 3 juin 1449 que, avant la rupture de la trêve, des ouvertures avaient été faites à Charles VII pour lui livrer Arques (Id., p. 226). La complainte des Normans envoyée au Roy nostre sire (durant la trêve) montre bien avec quelle ardeur le sentiment populaire se manifestait ; elle débute ainsi (ms. fr. 2861, f. 230) :

Tres noble Roy Charles François

Entens la supplication

Des Normans contre les Anglois

La desolée et male nacion.

Vueillez avoir compassion

De la duché de Normandie

Et le fay sans dilacion,

Trestout le peuple si t-en prie.

Le plus noble des crestiens

Et la fleur de liz pour sa part

Delivre nous de ces faulx chiens

De leur finesse et de leur lieppart.

N'y soit souldoyé nul couart

Mais baillé à homme loyal

Et se conseille au sang royal.

[10] Dunois s'était rendu le mois précédent en Bretagne avec le sire de Précigny, et avait combiné le plan de campagne avec le duc de Bretagne et le connétable de Richemont. Huitième compte d'Etienne de Bonney : Cabinet des titres, 685, f. 135.

[11] Berry, Chronique, p. 251, et Recouvrement de Normandie, dans Narratives of the expulsion of the English from Normandy, par M. J. Stevenson, p. 257 ; Blondel, De reductione Normanniæ, dans le même ouvrage, p. 53 ; Chartier, t. II, p. 81 ; Lettre de Guillaume Cousinot au comte de Foix, dans Thesaurus novus anecdotorum, t. I, col. 1814. Nous reproduisons aux Pièces justificatives ce très intéressant document, qui, depuis sa publication par D. Martène, n'a jamais été réimprimé.

[12] Lettre de Guillaume Cousinot, col. 1814-1815 ; Robert Blondel, p. 56-60 ; Th. Basin, p. 207-208 ; Berry, Recouvrement, p. 260-261 ; Chartier, p. 83.

[13] Aujourd'hui commune de Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre (Eure).

[14] Chartier, p. 84-85 ; Mathieu d'Escouchy, p. 190 ; Blondel, p. 60.

[15] Voir, outre les chroniqueurs déjà cités et la lettre de Cousinot, la curieuse déposition du capitaine anglais Osburn Mundeford, publiée dans les Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 354 et s.

[16] Voir lettre de Guill. Cousinot, l. c., et Mathieu d'Escouchy, p. 192. Cf. document du 7 septembre 1449 : Ms. fr. 26079, n° 6149.

[17] Th. Basin, p. 211-216 ; Chartier, p. 94 ; Berry, Recouvrement, p. 266 ; lettre de Cousinot, l. c., col. 1816, etc. Le traité de reddition, en date du 16, est dans les Ordonnances, t. XIV, p. 61. Cf. Th. Basin, t. IV, p. 174 et suivantes. Item ledit jour (16) par la composition de ladite cité furent délivrés les chasteauls et fortes places Orbec, Courtonne, Auvilliers, Crèvecœur, Le Breul et Fauguernon et Argensez. Document publié par M. Stevenson, t. II, p. [621]. Cousinot nomme en outre Leinervot (sic), La Rivière Thibouville, Beaumesnil, Bugles et La Ferté-Fresnay. Dans des lettres du mois de mars 1451 (Archives, JJ 181, n° 277) Charles VII dit : Au temps de la redducion de nostre pais et duchié de Normandie, ladicte cité de Lisieux fut la première de tout nostre dit duchié qui liberalement nous tist obeissance.

[18] Th. Basin, t. I, p. 216-217 ; lettre de Cousinot, l. c. ; Stevenson, t. II, p. [621].

[19] Th. Basin, t. I, p. 218-220.

[20] C'est ce qui résulte de son itinéraire.

[21] On lit dans le Journal d'un bourgeois de Paris (p. 391) : En cel an fut le grant pardon general en la cité d'Evreux, et y vint lv Roy de France.

[22] Et partout où il venoit, estoit receu très-honnourablement et en grande liesse de tous les subgectz et habitans des bonnes villes. Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 197. Verneuil : Fut moult honnourablement receu et à grant joye de ceulx de la ville, qui furent au devant de lui aux champs atout les processions, faisans les feux et criant Noël. — Évreux : Fust receu grandement des habitans de ladicte cité, en criant Noël, pareillement que on avoit fait audit Vernueil. — Louviers : Fut receu à grant joye. Berry, Recouvrement, p. 263, 271, 272. — Cf. Jean Chartier, t. II, p. 101-102 et 110.

[23] Sur le rôle joué par Dunois à Vernon, voir les curieux détails donnés par Jean Chartier, t. II, p. 104 et suivantes.

[24] Chartier, t. II, p. 116 et suivantes.

[25] Archives, JJ 179, n° 374.

[26] Les dates sont controversées. Nous suivons la version de Berry. — Jean Chartier, dont la chronologie est assez embrouillée, donne (p. 119) pour l'attaque de Neufchâtel la date du mardi 21 et dit que le jeudi ensuivant fut icelle ville prise d'assaut. Or, le 21 était un dimanche.

[27] Chartier dit (p. 115) que le siège dura quinze jours et que la place fut rendue le 15 septembre. Berry (Recouvrement) dit que la reddition eut lieu le 5 ; mais M. Stevenson donne en note une addition d'un autre ms. qui constate que le siège avait duré quinze jours, et dans l'édition de M. Hellot (p. 115) on trouve la date du 16 (dans la Chronique, il y a : 15 septembre). La date du 13, pour la reddition, est donnée par Cousinot (col. 1811) : Dimanche dernier, XIIIe jour de ce mois de septembre. Il faut lire 14, car le 13 était un samedi.

[28] Encore des dates controversées. Chartier dit que le siège fut mis le 18 septembre, et qu'il dura environ huit jours. — Berry (Recouvrement) donne la date du 15, et, dans sa Chronique, celle du 19 pour la capitulation. — Cousinot dit dans sa lettre, datée du 25 septembre : Lequel chastel s'est aujourd'huy rendu, environ dix heures (col. 1817). Mais plus loin on lit, à propos de la reddition de La Roche-Guyon : hier eut huit jours, qui fut XIIe jour de ce mois de septembre ; ce qui porte à croire que la lettre devrait être datée du 20, et donnerait cette date pour celle de la capitulation de Chambrais (aujourd'hui Broglie). — Le 20, Dunois était à Bernay (Fontanieu, 121-122).

[29] Le 21, d'après Berry (Recouvrement) ; le 28, d'après le même (Chronique), et Blondel ; le 30, d'après Chartier. Cf. Archives, JJ 180, n° 2.

[30] Le traité de reddition est dans Ordonnances, t. XIV, p. 73. — Le 27 septembre le sire de Blainville avait pris le château de Touques (Chartier, t. II, p. 130).

[31] Berry, Recouvrement, p. 272 et 279, et Chronique, p. 437 et 439 ; Blondel, p. 87 et 114 ; Chartier, p. 121 et 126 ; lettre de Cousinot, col. 1816-17 ; Stevenson t. II p. [623] et suivantes ; Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 197 et 206.

[32] Le 3 septembre, d'après Chartier, t. I, p. 117. Cousinot donne la date du 12, qui est sans doute celle de l'évacuation de la forteresse.

[33] Ce fait d'armes eut lieu dès le mois d'août, et non vers la fin de septembre, comme le pense M. Yann (t. III, p. 158). La date est établie par la lettre de Guillaume Cousinot au comte de Foix (25 septembre), répondant à une lettre du comte annonçant l'événement. — Voir sur la prise de Mauléon, Berry, Recouvrement, p. 280 ; Chartier, p. 127-130 ; Mathieu d'Escouchy, p. 206-209, etc.

[34] Mathieu d'Escouchy dit que le duc quitta Dol vers le 15 août ; mais ce prince était encore à Dinan le 4 septembre et il n'arriva que le 6 septembre au Mont Saint-Michel. Les dates, pour cette campagne, sont données d'une manière très précise (sauf des erreurs légères en ce qui concerne la reddition de certaines places) par une chronique anonyme attribuée à un moine du Mont Saint-Michel dont M. Léopold Delisle a publié, en 1867, dans son Histoire du château et des sires de Saint-Sauveur le Vicomte (d'après le ms. lat. 5696 de la Bibl. nat.), la partie relative aux événements de 1449-50 (p. 269 et suivantes), et qui a fait l'objet d'une publication spéciale de M. Luce, en 1879, sous le titre de Chronique du Mont Saint-Michel. C'est à cette édition que nous renverrons.

[35] C'est ce qui résulte de la comparaison des chiffres donnés par les auteurs contemporains.

[36] Le traité de reddition est dans le ms. fr. 4900, f. 42 ; il a été donné par Quenault, Recherches archéologiques sur la ville de Coutances, 2e édition, p. 20-23, d'après l'original dans les archives du Chapitre.

[37] Blondel, p. 94 ; Chronique du Mont Saint-Michel, p. 48 ; Berry, Recouvrement, p. 279 ; Chartier, p. 124 ; Gruel, Chronique d'Arthur de Richemont, p. 198-199. À partir de ce moment, nous citons l'excellente édition que vient de publier M. A. Le Vavasseur, sous les auspices de la Société de l'histoire de France.

[38] Blondel, p. 97.

[39] Thorigny, La Motte, Neuilly, Hambie, Regnéville, La Haye du Puits, Pirou, Colombières, Barneville, etc. — Le Hommet fut pris le 25.

[40] Archives, JJ 185, p. 61. La ville fut remise le 29. Lettres de Charles VII de novembre 1419 et du 11 juin 1453, publiées dans le recueil des Ordonnances, t. XIV, p. 74 et par M. de Pontaumont, Histoire de la ville de Carentan, p. 103. — Les habitants de Saint-Lô avaient envoyé un détachement pour prendre part à l'attaque. Voir les curieux détails donnés à ce sujet par Robert Blondel, p. 99-102.

[41] Sur le siège de Gavray, voir Cosneau, le connétable de Richemont, p. 402.

[42] Th. Basin (t. I, p. 222) fait prendre à ce moment le château de Vire, qui ne fut soumis qu'au mois de mai de l'année suivante. — M. J. Quicherat n'a pas relevé cette erreur, et il en commet une lui-même en disant en note, à propos de la prise de Coutances, de Saint-Lô, de Carentan, de Valognes, etc. Toutes ces conquêtes sont du commencement de l'année 1450 ; postérieures par conséquent à la reddition de Rouen racontée dans le chapitre qui suit. Chose bien rare, l'éminent érudit s'était ici un peu brouillé avec la chronologie ; ce qui est encore plus étrange, c'est qu'il ne s'en soit pas aperçu au cours de l'impression : pas le moindre erratum à la fin des quatre volumes !

[43] Ces mouvements et ce revirement soudain nous sont révélés par la Chronique du Mont Saint-Michel, t. I, p. 52.

[44] Sur le siège de Fougères, voir Gruel, p. 201 ; Mathieu d'Escouchy, p. 201 ; Berri, Recouvrement, p. 321 ; lettre de François de Surienne, dans Stevenson, t. I, p. 293-294.

[45] C'est ce dont convient naïvement son écuyer Guill. Gruel, sans donner d'explication à ce sujet : Puis s'en vint le duc à Rennes et monseigneur le connestable s'en vint à Partenay et y sejourna celui yver (p. 201).

[46] A Frère Jehan Convyn, religieux de Saint-Augustin à Rouen, la somme de XX l. XII s. VI d. t., en quinze escuz, laquelle le Roy nostre sire lui a ordonnée avoir pour chascun an, sa vie durant, à commancer du 1er jour d'octore 1449, pour le recompenser des services qu'il a faiz audit seigneur depuis son entrée en ce pais de Normandie pour le recouvrement d'icellui des mains des Anglois, et de ce qu'il est venu par plusieurs foiz en grant dangier de sa personne, partant de Rouen, à Louviers et au Pont de l'Arche devers ledit seigneur, pour lui faire savoir l'estat de ladicte ville de Rouen, et des termes qu'il avoit à tenir pour la recouvrance d'icelle. Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 383. Cf. Lettres du 13 novembre dans Beaurepaire, De la Vicomté de l'eau de Rouen, p. 60, et quittance du religieux en date du 28 septembre 1450 dans Fontanieu, 121-122.

[47] Lettres du 17 juillet 1449. Archives municipales de Rouen, Registre A, f. 52. Nous en avons donné le texte dans le Bulletin de la Société de l'histoire de Normandie, année 1883-1884, p. 346 et suivantes.

[48] Et en effet, Monseigneur, disait Guillaume Cousinot dans sa lettre au comte de Foix, nous avons tous les jours tant de bonnes nouvelles de toutes parts et nous vient tant de biens de tous cousiez que nous ne scavons auquel entendre. Thesaurus, etc. t. I, col. 1818.

[49] Berry, p. 440, et Recouvrement, p. 288 ; Chartier, t. II, p. 134 et 172.

[50] Chartier, t. II, p. 110-111 et 133 ; Berry, p. 441.

[51] Chartier, t. II, p. 137.

[52] A ce moment, le Roi prescrivit des prières publiques pour le succès de ses armes : le 13 octobre 1449, à Paris, une procession d'enfants se rend de Notre-Dame aux Innocents de la rue Saint-Denis. Archives, LL 219, f. 668, cité par M. Vallet, t. III, p. 160 note. — On lit dans le Journal d'un bourgeois de Paris (p. 392). Item, en cel an, fut faicte une procession bien piteuse, le XIIIe jour d'octobre, des enffans de quatre ordres mendians et de toutes les escolles de Paris, de valetons et de pucelles, et furent nombrez à XII mil Vc enfens et plus.

[53] Nous suivons la version de Berry (Recouvrement, p. 291) et de Math. d'Escouchy (p. 213). Les autres auteurs et Berry lui-même, dans sa Chronique, placent la seconde sommation après la démonstration armée.

[54] M. Vallet dit que ce fut le 6 ; mais on n'aurait pas eu le temps nécessaire pour les formalités qui précédèrent la marche de l'armée. La date du 10 est donnée par les documents publiés par M. André Pottier, d'après un manuscrit de la Bibliothèque de Rouen, dans son opuscule intitulé : Siège de Rouen par le roi Charles VII (Rouen, 1837, gr. in-8° de 14 p., n° 3 de la Revue rétrospective normande ; une copie de cette relation se retrouve à la Bibliothèque nationale dans la collection V C Colbert, 275, 2e partie, p. 1) : Tous prisonniers sujets du prince oncle, prins et saisis depuis sa venue devant cette ville de Rouen, qui fut le vendredi dix octobre, seront délivrés, etc. (p. 11) ; cf. p. 13. — Mais Cousinot dit en propres termes dans le post-scriptum de sa lettre du 25 septembre : Le IXe jour de ce mois d'octobre, le Roy fut en personne devant Rouen et y demeura tout le jour (col. 1818).

[55] Voir Berry, Recouvrement, p. 293 et Chronique, p. 441 ; Chartier, p. 140 ; Blondel, p. 121-127 ; Mathieu d'Escouchy, p. 214-216 ; Th. Basin, p. 223-224, etc. — Il parait que le Roi blâma cet assaut ; on lit à ce sujet dans le Jouvencel (t. I, p. 29) : Si est vray que durant la prinse de Rouen fut donné ung assault à la ville sans le sceu du Roy, combien que en la fin dudit assault se trouva si prez qu'il le povoit veoir. Et pour ce eust-il congnoissance de la chose ainsi faicte ; pour quoy bailla assés de raisons, en remonstrant par là raison de la guerre que ainsi ne devoit estre fait.

[56] L'original de ce sauf-conduit, daté de Pont de l'Arche, le 16 octobre 1449, est conservé aux Archives municipales de Rouen, tiroir 128. Nous l'avons publié dans le Bulletin de la Société de l'histoire de Normandie, année 1883-1884, p. 351 et suivantes. Cf. l'exposé des faits qui se trouve dans le ms. fr. 4054, f. 149-151.

[57] Sans doute Jean Dawnson.

[58] M. Vallet de Viriville a confondu ces deux ambassades et ne mentionne que celle-ci, à la date du 17 (t. III, p. 160). Il aurait dû suivre M. Chéruel, qui précise les dates et nous permet de rectifier le récit des chroniqueurs contemporains, lesquels placent dans la même journée le voyage de Richard Olivier à Pont de l'Arche et le voyage de l'archevêque et des autres députés à Port Saint-Ouen. La députation serait revenue tard le 17 ; elle aurait fait son rapport dans une assemblée des bourgeois tenue le 18 au plus matin ; puis la sédition aurait éclaté aussitôt et se serait prolongée pendant la journée et la nuit, jusqu'à l'entrée de Dunois le dimanche 19. Nous rétablissons les faits dans leur exactitude. — Avec Dunois et le chancelier, il y avait Brezé, Précigny, Jean de Bar et Jacques Cœur.

[59] Le texte aux archives municipales de Rouen. Voir Chéruel, p. 125.

[60] Siège de Rouen, par M. André Pottier, p. 5. De mane hora sexto. Ms. fr. 4054, f. 150 v°.

[61] Siège de Rouen, p. 5-6.

[62] La nouvelle des événements accomplis à Rouen se répandit avec rapidité dans le royaume : dès le 13 octobre une procession solennelle était faite à Compiègne, pour les nouvelles de la reddition de Rouen. Extraits des Comptes de Compiègne, dans D. Grenier, XX bis, 2e partie, f. 21 v°. Cf. Bibliothèque de l'École des chartes, t. XXIV, p. 496.

[63] Le témoignage de Thomas Basin lui-même est à cet égard plus considérable que celui des autres chroniqueurs, bien qu'il montre souvent peu de précision et d'exactitude dans ses récits.

[64] Les chroniqueurs prétendent que cette attaque fut postérieure à une première ouverture faite par Somerset au Roi ; mais ils sont contredits par la relation publiée par M. A. Pottier (p. 3), de laquelle il résulte quo les négociations furent ouvertes le 23 seulement par le gouverneur anglais. — La date du 22, pour l'attaque des positions encore occupées par l'ennemi, est fournie par Chartier (p. 154).

[65] Siège de Rouen, p. 34. Cf. Blondel, qui place tout un discours dans la bouche du Roi (p. 139-140).

[66] Voir Siège de Rouen, l. c. Cf. Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 224-228 ; Blondel, p. 146-42 ; Berry, Recouvrement, p. 306-308 ; Chartier, t. II, p. 157-158.

[67] Le texte de ce traité, avec les lettres de Charles VII qui le confirmaient, a été publié dans les Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 359-64. M. Stevenson en a donné un texte moins complet et assez fautif, d'après la Worcester's collection dans le tome II de son recueil p. [608.14617] ; ici le traité est inséré dans les lettres approbatives de Somerset du même jour. Cf. Additionnal manuscripts, 22724, f. 1, au British museum.

[68] Voir un engagement souscrit à Dunois par Talbot, en date du 4 novembre, pour le paiement de ce qui pouvait être del par lui et par son serviteur Robert Stafford. Archives, J 1039, n° 8.

[69] Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 230.

[70] Talbot fut détenu au Palais (voir paiements pour sa garde. Pièces originales, 2180 : PAIGNON). Ce fut Jean d'Aulon qui fut préposé à sa garde et chargé de le mener à Dreux, où il resta prisonnier. Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 375-377 ; Berry, Recouvrement, p. 362 ; Blondel, p. 229-230 ; Martial d'Auvergne, t. I, p. 57 ; t. II, p. 104 ; Th. Basin, t. I, p. 261 ; Continuateur de Monstrelet, t. III, f. 55 ; Chronique martinienne, fol. CCXCIIII v°.

[71] Martial d'Auvergne dit dans ses Vigilles du Roy Charles VIIe (t. I, p. 57 et 71-72)

Leur a pour injure enferrant

Rendu doulceur et courtoisie.

Doulz termes si leur a tenu

Quant ils ont eu de luy affaire.

Il estoit fort pilent : et debonnaire,

Humble, courtoys et de si bonne affaire

Qu'estoit prisé des Angloys ennemis,

Car prisonniers prins de partys contraire

Où d'autres gens qu'avoient de luy affaire

Le deffendoit et gardoit com'amys...

[72] Berry, Recouvrement, p. 301-302 ; Martial, t. II, p. 64.

[73] En grant joye et liesse de ce qu'il voyoit ainsi ses ennemis succomber et aller en decadence, en remerciant tousjours Dieu de la bonne fortune et des continuelles prosPerttez qu'il lui envoyoit de jour en jour. Chartier, t. II, p. 161.

[74] En triomphe et magnificence aussi noble que jamais Roy en ville. Cronique martinienne, fol. XXCVI v°.

[75] Jean Chartier, t. II, p. 152.

[76] Il avait été nommé par lettres du mois d'août.

[77] Y ot ung des plus notables bourgois qui lui presenta les clerz de la ville, mais à grant paine peu parler, de forche de plorer, dont il fit mal au Roy et en eut pitié. Math. d'Escouchy, t. I, p. 232.

[78] Jean Chartier, t. II, p. 105.

[79] Mathieu d'Escouchy, p. 232-233.

[80] Mathieu d'Escouchy, p. 233.

[81] Berry, p. 315 ; Chartier, p. 161. — Par lettres du 17 octobre 1437, Charles VII avait accordé aux arbalétriers de Châlons, qui s'étaient distingués au siège de Montereau, le droit de porter en leurs robes, tuniques et gipons lesdictes couleurs que faisons à present porter en nos livrées aux gens de nostre hostel, c'est assavoir les robes ou tuniques de drap vermeil et sur l'un des quartiers blanc et vert, avec une fleur de ne m oublies mie par-dessus. Histoire de Châlons-sur-Marne, par Ed. de Barthélemy, p. 66.

[82] Ces robes étaient un présent du Roi. On lit dans un rôle de dépenses du 2 avril 1451 : A Monseigneur le comte de Dunois, messire Pierre de Brezé, seigneur de la Varenne, et Jacques Cuer, argentier du Roy, douze cens quatre vins huit l. sept s. six d. t., pour avoir chascun une robe et autres habillemens pour l'entrée du Roy en la ville de Rouen, après la reduction d'icelle en l'obeissance dudit seigneur. Supplément aux Preuves de la Chronique de Mathieu d'Escouchy, p. 29. — A l'occasion de la campagne, le Roi donna des chevaux à Dunois, au grand maitre d'hôtel (le sire de Culant), au comte de Dammartin (Chabannes), à Brezé, à Bueil et à Jean d'Estouteville, seigneur de Torcy. Id., ibid., p. 25.

[83] Mathieu d'Escouchy élève ici le ton ; avec un enthousiasme bien justifié, il dit (t. I, p. 237-238) : Et apprès entra ce très excellent et très puissant et souverain prince, Charles, Roy de France, Vile de ce nom, à l'exaltation duquel et pour exhausser sa haulte magnificence et domination tous les autres princes, ducs, comtes, barons, chevalliers, escuiers et nobles hommes là estans, s'estoient efforchiez, chascun en droit soy et selon leurs puissances, de eulx et leurs gens mettre en estat souffisant et honnourable pour le acompaignier à ceste journée et entrée en sa dessusdicte cité de Rouen.

[84] J'ay ouy dire et reciter que quant vous fistes vostre entrée à Rouen que ce vaillant chevalier le seigneur de Talbot estoit à une fenestre et vit vostre compaignie, et luy demanda l'en se ilz estoient bien habillés et armés, et il respondit que de leurs paremens ne tenoit-il compte, et que ce n'estoit que donner courage et appetit à ceulx qui les combateroient de gaigner, mais il prisoit fort vostre personne, en disant que il aymeroit mieulx estre en vostre compaignie à combattre ennemis à dix mil combatans, quo avec ung autre chef à XX mil. Épître de Jouvenel des Ursins. Ms. fr. 2701, fol. 94 v°.

[85] Voir sur l'entrée de Charles VII à Rouen, Berry, Recouvrement, p. 309-320 et Chronique, p. 215-247 ; Chartier, p. 100-170 ; Math. d'Escouchy, p. 229-243 ; Blondel, p. 145-148 ; relation publiée dans la Revue anglo-française, t. III, 1835, p. 115-117. Je n'ai pas cité Jacques du Clercq pour tous ces faits, car son récit ne contient absolument rien d'original.

[86] Lettres du 18 novembre 1449. Ms. fr. 20993, f. 7.

[87] Ordonnances, t. XIV, p. 75.

[88] Une des premières porte la date du 10 novembre, le jour même de son entrée ; elle fut donnée en faveur d'un vieil écuyer du nom de Pierre Goret, et portant autorisation, si ledit écuyer était dans les conditions fixées par la coutume de Normandie, de le mettre hors de garde et de lui attribuer la jouissance de ses biens (Pièces originales, GORET). — Le 13, le Roi donnait au moine augustin Jean Convyn une rente viagère de quinze écus (Beaurepaire, De la Vicomté de l'eau de Rouen, p. 60). — Par lettres du mois de novembre, Jean Le Roux, bourgeois de Rouen, fut anobli en considération de la part qu'il avait prise à la reddition de la ville (JJ, 180, n° 9). — Des largesses furent faites aux églises, en mémoire de l'heureuse recouvrance de Rouen (Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, t. VIII, p. 395 ; cf. Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 334).

[89] Registres capitulaires de la cathédrale, cités par Fallu, Histoire de l'église métropolitaine et du diocèse de Rouen, t. II, p. 471-418.

[90] Dès le 15 novembre, le Roi donnait des lettres au sujet du concours que les habitants de Pont-Audemer devaient prêter pour ces opérations. Chartes royales, XV, n° 215.

[91] Jean Chartier, qui était là comme témoin oculaire, endurant de grandes froidures et souffrant beaucoup de vexations, raconte ainsi les faits : Devant ladicte ville furent assorties seize grosses bombardes, lesquelles le Roy, qui estoit logé à Monshervilliers, vint luy-mesme faire tirer et gecter contre la ville. Et avoit devant grans tranchées et profondes, pour aler seurement ; et s'abandonna et bazarda fort le Roy à. venir voir battre les murs d'icelle ville, et fut en personne ès fossez et mines, armé, la salade en sa teste et son pavois en la main (p. 178). — Voir, sur le soin apporté par le Roi aux opérations, le rôle de dépenses du 4 novembre 1450, dans les Preuves de Math. d'Escouchy, p. 373 et 377.

[92] Chartier, p. 176-180 ; Berry, p. 23 et 417 ; Basin, p. 232 ; Blondel, p. 151-152 ; liste des places, dans Stevenson, t. II, p. [629].

[93] Plusieurs chevaliers et escuyers jusques au nombre de trois cents lances, sans les archiers, et sans en ce comprendre plusieurs gens de defense de ses pals, de la conté du Maine et de Vendosme, qui étaient estimez jusques à trois mille combatans. Chartier, p. 174.

[94] Chartier, p. 174-176 ; Blondel, p. 156 ; Berry, p. 328 et 449.

[95] Blondel, p. 108-111 ; Chartier, p. 176 ; Mathieu d'Escouchy, p. 275-276, etc.

[96] A l'abbé de l'église et abbaye de Grestain en Normandie, en laquelle le Roy nostre sire a esté logié par l'espace d'un moys que le siège a esté devant Honnelleu, près de ladicte abbaye, qui estoit occuppé par les Anglois, qui par force a esté mis en obéissance du Roy nostre dit seigneur, la somme de IIc l. t., à luy donnée par ledit soigneur, tant pour lui aider à reffaire et reédifier son église, que pour aucunement le recompenser des dommaiges et interestz qu'il a euz durant ce que ledit seigneur a esté logié en ladicte abbaye... — Rôle de dépense du 13 novembre 1450, dans les Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 385.

[97] Chartier, p. 188-189 ; Berry, p. 327 et 448 ; Blondel, p. 154-155.

[98] Chartier, p. 190 ; Berry, p. 329-30 et 449 ; Blondel, p. 156-7. Cf. Robert Triger, Fresnay-le-Vicomte de 1417 à 1450, p. 94-97 et 168.

[99] Robert Triger, l. c., p. 95. Cf. Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 381.

[100] Le 16 mars, Grenoble, héraut du Dauphin, qui se trouvait à Coutances, alla en toute hâte porter au Roi une lettre de Geoffroy de Couvran, capitaine de Coutances, annonçant la nouvelle. Voir document du 28 mars 1450, dans Fontanieu, 121-129. Le Roi reçut aussi un message des habitants de Saint-Lô (Blondel, p. 161). — Le chiffre de l'armée anglaise est controversé. Chartier et Berry : 3.000 ; lettres de Guillaume le Coq du 1er avril 1450 (M. d'Escouchy, t. I, p. 277 note 1) : 2 à 3.000 ; autre lettre du môme en date du 28 mars (id.) : 4 ou 5.000 ; Blondel : 5.000 ; Basin : 6 à 7.000.

[101] Voir les documents publiés par Stevenson, t. I, p. 502 à 513. Celui de la p. 510, qui est daté par l'éditeur de l'année 1450, nous parait se rapporter à 1436.

[102] O Karole, Karole ! Vos venas nostra acri venatu constrinxistis ; sed nunc vestras acerbiori constringam. Blondel, p. 160.

[103] Voir l'acte en date du 1er avril cité dans notre édition de Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 277 ; il a été publié depuis par M. Cosneau, l. c., p. 628.

[104] Blondel, p. 159-162 ; Chartier, p. 191-192 ; Berry, p. 303 et 449 ; Mathieu d'Escouchy, p. 177, etc.

[105] Ce document, en date du 16 janvier 1450, a été publié par M. Cosneau, l. c., p. 626.

[106] Ce fait résulte de plusieurs passages des chroniqueurs (Chartier, p. 193, 194, 199 ; Mathieu d'Escouchy, p. 278), et des lettres données postérieurement par le comte de Clermont, devenu duc de Bourbon (Voir Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, année 1824, p. 693).

[107] Le connétable, étant encore en Bretagne, fut informé que les Anglois vouloient passer les grèves ; un nouveau message lui fut envoyé, annonçant que lesdis Anglois avoient conclu de brief passer les grandes grèves, Mathieu d'Escouchy, p. 279.

[108] Tous ces détails nous sont fournis par Robert Blondel.

[109] Crudelissimis canibus invitis, transivimus. Blondel, p. 169.

[110] Familiari curiatitate à majoribus receptus. Blondel, p. 169.

[111] C'est ce que dit formellement Mathieu d'Escouchy (p. 280). Gruel prétend (p. 205) que le comte de Clermont et les autres chefs de 2rmée avaient fait prévenir le connétable qu'ils chargeraient toujours les Anglais en l'attendant, ce qui est démenti par les faits.

[112] Blondel le nomme Giraud, regiarum machinarum unus magistrorum ; c'était un Génois, du nom de Louis Giribault. Voir rôle du 13 novembre 1450, dans Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 381-382.

[113] Blondel, p. 174.

[114] Gruel donne des détails qui prouvent que Richemont ne se pressa peut-être pas autant qu'il aurait pu le faire : Et au point du jour mondit seigneur fut le premier qui ouyt appeler le guet et fist lever les gons pour ouvrir la porte, et incontinent fisc sonner ces trompettes à cheval et s'arma bien diligemment ; puis ouyt la messe Après que monseigneur le connestable eut ouy la messe à Saint-Lo, il alla à la porte de l'église et monta à cheval, et n'avoit pas six hommes avecques lui au partir ; puis chevaucha environ une lieue et se arresta pour mettre ses gens en bataille ; puis fist ses ordonnances... et chevaucha en bonne ordonnance le plus diligemment que faire se povoit. (p. 205-206).

[115] Gruel, p. 207.

[116] Chartier prétend (p. 196) qu'il prit aussitôt la fuite : Incontinent que lesdits Anglois qui là estoient apperçurent la venue d'iceluy connestable, hlathago et maistre Robert Ver, avec bien mille Anglois et leur compaignie, s'enfouyrent à Caen et à Bayeux. Le fait ne se produisit qu'un peu plus tard.

[117] Ce chiffre résulte d'un bulletin officiel, rédigé sur le champ de bataille, et dont M. L. Delisle a trouvé, sur une ancienne couverture de manuscrit, des fragments qu'il a donnés dans son Histoire de Saint-Sauveur le Vicomte, p. 273, note 2. Il est reproduit par tous les chroniqueurs français, sauf Gruel, témoin oculaire, qui accuse en bloc 6.000 mors et prins et en fuite. — Dans la liste des places prises, rédigée par les Anglais, et publiée par M. Stevenson, on lit : jusques au nombre de lx cens prysonniers et deuls mille trois cens mors en la place (p. [630]). — Dans une lettre écrite le 5 mai, insérée dans les Paston letters (Éd. Gairdner, t. I, p. 124-126) on lit : Sir Thomas Kiriel is take prisoner and aile the legge harneyse and abowte III ml Englishe men slayn. — Voir sur la bataille de Formigny, J. Chartier, p. 195-198 ; Math. d'Escouchy, p. 270-286 ; Berry, p. 332-338 et 449-480 ; Gruel, p. 205-208 ; Blondel, p. 170-176 ; Basin, 236-238, etc.

[118] Le chiffre de douze est donné par Blondel, p. 175. Chartier dit huict personnes seulement ; Berry et Mathieu d'Escouchy donnent cinq ou six. Le chiffre de six se retrouve dans la Chronique du Mont Saint-Michel, t. I, p. 57.

[119] Poésies de Charles d'Orléans, éd. Champollion-Figeac, p. 194.

[120] Je crois, écrivait Prégent de Coëtivy quatre jours après la bataille, que Dieu nous y amena Mgr le connestable ; car s'il ne fust venu à l'heure et par la maniere qu'il y vinst, je doubte que entre nous qui les avions atteints les premiers et fait mettre en bataille, d'une part, et nous estions mis en bataille d'autre part devant eux, n'en fussions jamais sortis sans dommaige irreparable, car ils estoient de la moitié plus que nous n'estions. D. Morice, t. II, col. 1521.

[121] Gruel, p. 208 ; Chartier, p. 201-202 ; Berry, p. 338 et 480 ; Math. d'Escouchy, P. 286-87. Le Roi donna le château et la capitainerie de Vire au connétable.

[122] Le connétable rejoignit le duc le 30 avril, à Avranches (Gruel, p. 209). Berry dit que le siège de Bayeux commença environ le IIIe jour du mois de may (Recouvrement, p. 340).

[123] La Chronique du Mont Saint-Michel dit le 12 juin ; mais il y a évidemment une erreur dans le mois, sinon dans la date. — Nous avons une curieuse lettre écrite à la date du 3 mai, à Rennes, par Pierre de Bretagne à son conseiller, chambellan et maître d'hôtel Roland de Carné, auquel il raconte les opérations : Le siège est à Avranches et y est Monseigneur le duc, beaux oncle le connestable, Monseigneur le maresclial et l'admirai de France, et a entour le siège que Bretons. L'artillerie de Bretaigne y est toutte, et est belle chose de la voir. Les Anglais n'ont encore fait nulle saillie sur nos gens, ny n'en ont encore rien tué et blessé dont en soit faite mention... Ils ne sont dedans la Place que de huit-vingt à deux cents Anglois, et n'ont pas grandement vivres, ainsy que m'a esté rapporté. Je cuide que de bref diront le mot tant par beau (?) qu'autrement ; et cela fait, il fera bon reposer une piecze en notre pais. Pour ceste heure je ne vous en escri plus. Je vous prie rompre cestes lettres incontinent que les aurez vues. Copie moderne, dans le ms. fr. 10186, f. 14 (avec la date fautive de 1449).

[124] Math. d'Escouchy, p. 291-292.

[125] Chartier, p. 204-207 ; il donne le texte du traité (p. 207-211).

[126] Nolens rex torpere aut quieti se dare, donec Anglos penitus Normannia expulisset et cœptam victoriam feliciterque prosecutam ad complementum usque et consummationem perduceret. Th. Basin, t. I, p. 239. — Se conclud de parachever sa conqueste et qu'il seroit en personne ou pays et au plus prez de ses gens, affin que les choses se feissent plus seurement. Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 305.

[127] Et quand iceulx engiens furent bien fais et preparez, on le seignillia et fist savoir au Roy Charles, qui estait logié en une ville nommée Argence, à quatre lieues prez d'illec, et que, se son plaisir estoit, lesdis comtes estaient deliberez de assaillir ladicte bastille. Et quand le Roy eut oy ces nouvelles, il leur manda que pas ne feissent ledit assault jusques à ce qu'il y seroit, car son intencion estoit de y vouloir estre en personne.... Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 308.

[128] Voir sur le siège de Caen, Chartier, p. 216-21 ; Berry, p. 348-356 et 452-454 ; Math. d'Escouchy, p. 301-313 ; Gruel, p. 401-402 ; Blondel, p. 214-219 ; Basin, p. 239-242. — Le traité de reddition, en date du 24 juin, est en Vidimus aux Archives nationales, K 68, n° 45. En même temps le Roi accorda aux habitants des lettres d'abolition générale (Ordonn., t. XIV, p. 97, et Hippeau, l'Abbaye de Saint-Étienne, p. 142). Le gouvernement anglais, encore plein d'illusions, faisait, pendant le siège de Caen, rédiger par Fastolf des instructions pour le général qui devait marcher au secours de Somerset. Voir Stevenson, t. II, p. [595]. — Pendant la campagne le Roi avait fait crier que tous ceux qui seroient trouvez menus vivres aux Anglois qu'ilz feussent prins et arrosiez. Pendant le siège de Caen, il en fut ainsi pour des marchands de Bernay qui apportaient des grains à l'ennemi. Lettres de rémission de juin 1460. Archives, JJ 190, n° 120.

[129] Th. Basin, p. 242-243 ; Math. d'Escouchy, t. II, p. 286 et note. Voir, sur le prêt de Jacques Cœur, Notes complémentaires, à la fin du volume.

[130] Chartier, p. 223-225 ; Berry, p. 358-360 et 454 ; Blondel, p. 227-228. Le traité de reddition est dans Stevenson, t. II, p. [735].

[131] Chartier, p. 227-228 ; Berry, p. 363-365 et 455 ; Blondel, p. 230-231. Stevenson, t. II, p. [633].

[132] Kermoysan venait d'être nommé (31 janvier 1450) bailli de Troyes.

[133] Quand on fit les fondements du nouveau port en 1739, on retrouva toutes ces batteries, avec des murailles fort bien faites et des pièces de bois dont quelques-unes avaient plus de quarante pieds de longueur. Voisin La Hougue, Histoire de Cherbourg, publiée par Verusmor (Cherbourg, 1835), p. 83.

[134] Gruel, p. 213-75 ; Chartier, p. 225 et 231-33 ; Berry, p. 361, 366-68 et 455 et 459 ; Blondel, p. 231-36 ; Stevenson, t. I, p. 517-518, 521 et t. II, p. [634]. Le traité de reddition du 12 est dans les lettres confirmatives du Roi. Archives, JJ 185, n° 75.

[135] Lettres du 31 août, publiées parmi les Pièces justificatives. Cf. Berry, p. 368 et 456 ; Chartier, p. 234 ; Blondel, p. 236 ; Basin, p. 245.

[136] Voici le texte de l'antienne qui se chante dans les églises des diocèses de la Normandie, en mémoire de la délivrance de la province : Hœreditas patrum nostrorum injustæ ab inimicis nostris aliquo tempore possessa est : nos vero tempus habentes, vindicamus hœreditatem patrum nostrorum. — Dans l'antique sanctuaire de Notre-Dame de la délivrance, près Coutances, on célèbre encore par des pèlerinages et des actes de piété le souvenir de l'expulsion des Anglais. Voir le Monde du 1er octobre 1888.

[137] Voir à ce sujet une note complémentaire, à la fin du volume.