HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE IV. — CHARLES VII PENDANT LA TRÊVE AVEC L’ANGLETERRE - 1444-1449.

 

CHAPITRE XII. — RELATIONS AVEC LE DUC DE BOURGOGNE ET AVEC LES PRINCES ALLEMANDS.

 

 

1446-1447

 

Extension démesurée de la puissance bourguignonne ; lutte d’influence qui se prépare en Allemagne entre Charles VII et Philippe le Bon. — Avertissement indirect donné au duc par le Roi à propos du titre par la grâce de Dieu ; réponse faite par ce prince. — Le duc d’Orléans et le sire de Gaucourt à la Cour du duc ; échange d’ambassades avec le Roi. — Conférences à Langres et à Chaumont pour régler des questions locales ; le duc en appelle à l’autorité du Saint-Siège relativement aux infractions au traité d’Arras dont il se plaint. — Le duc se préoccupe des affaires d’Italie ; il est constamment en relations avec le duc d’Orléans et avec le Dauphin. — Démêlé du duc de Clèves et de l’archevêque de Cologne ; intervention du Roi ; la guerre se prolonge durant plusieurs années. — Démarches faites par le duc en vue d’alliances matrimoniales entre sa maison et la maison impériale ; négociations entamées avec le duc Albert d’Autriche, puis avec Frédéric III ; exposé de ces négociations, où Philippe poursuit à la fois le mariage du comte de Charolais avec une fille du duc de Saxe, et l’érection en royaume de ses possessions du nord. — La négociation, mal conduite par le duc, se termine par un échec complet.

 

Par l’occupation du duché de Luxembourg, en 1443[1], Philippe le Bon avait, une fois de plus, révélé ses ambitieux desseins. Relier entre elles ses possessions du nord et de l’est, qui formaient comme deux tronçons séparés l’un de l’autre par le Luxembourg et la Lorraine, tel est le projet que semble avoir conçu le duc. Déjà, sur la route de la Bourgogne, il avait réussi à s’assurer deux étapes, Clermont en Argonne et Neufchâteau, qu’il s’était fait livrer en gage par le roi René. En relations amicales avec la ville de Metz, située dans le voisinage du territoire qu’il venait d’occuper ; avec la ville de Verdun, un moment placée sous sa protection, il lui était facile, au cas où le passage à travers le royaume lui eût été fermé, de faire prendre cette voie à ses armées pour gagner la Bourgogne. Enfin, du côté de l’Alsace, où il n’avait pas renoncé à faire valoir des prétentions, le duc était en bons rapports avec le comte de Wurtemberg, qui lui devait hommage pour plusieurs seigneuries relevant de son comté de Bourgogne, et qui, au printemps de 1444, vint le visiter à Bruxelles[2].

Mais le duc Philippe devait rencontrer de sérieuses difficultés dans la poursuite de ses desseins. En France, on ne pouvait voir d’un œil indifférent l’extension nouvelle donnée à la puissance bourguignonne. En Allemagne, si le duc avait trouvé chez le chef de l’empire un témoin complaisant et peut-être un complice, il rencontra chez plusieurs princes électeurs des adversaires déclarés. Le duc de Saxe et son frère Guillaume étaient compétiteurs de Philippe le Bon dans le Luxembourg. Quant aux archevêques de Trêves et de Cologne, ils ne pouvaient voir sans inquiétude s’établir auprès d’eux un prince dont l’insatiable soif d’agrandissement pouvait un jour ou l’autre s’exercer à leurs dépens. C’est ce sentiment qui contribua sans doute à les rapprocher de la France et à leur faire contracter avec elle une étroite alliance. Désormais l’Allemagne est le champ de bataille où vont se heurter l’influence française et l’influence bourguignonne : autant le duc de Bourgogne se montre de facile composition en ce qui concerne l’expansion de la France du côté de l’Italie, autant il redoute l’ascendant qu’elle pourrait prendre en Allemagne. Tous ses efforts tendront à resserrer son alliance avec Frédéric III, car, une fois assuré du concours de ce prince, il pourra marcher à son but en bravant tous les obstacles.

Charles VII avait compris les nécessités que lui imposait la Politique bourguignonne. Les alliances conclues avec l’archevêque de Trêves, l’archevêque de Cologne, le comte Palatin, le due de Saxe, semblent avoir eu principalement pour but d’opposer une digue aux envahissements successifs du duc Philippe, et de permettre, à un moment donné, de s’y opposer par la force. Si le Roi, faisant preuve d’une résignation commandée Par les circonstances, avait subi les dures conditions du traité d’Arras, il possédait à un trop haut degré le sentiment de sa dignité et le souci des intérêts de la Couronne pour ne point s’opposer résolument à l’exécution de desseins qui étaient à la fois une atteinte à sa puissance et une menace pour son royaume.

Avec une rare intelligence de la situation, Charles VII sut mettre le doigt sur le point délicat. Au lendemain des conférences de Châlons, comme s’il eût voulu montrer à son ambitieux cousin qu’il n’était point dupe de l’attitude mélangée d’arrogance et de vaines démonstrations de respect qu’il n’avait cessé d’avoir depuis le traité d’Arras, il fit formuler par son procureur général une protestation contre un usage que le duc tendait à introduire dans les actes émanés de sa chancellerie : celui de s’intituler duc par la grâce de Dieu, et lui demanda raison de cette prétention.

En présence de cette réclamation, Philippe fit partir deux ambassadeurs pour la cour de France[3]. Ses envoyés avaient mission de fournir des explications au Roi. Le duc exprimait tout d’abord son étonnement au sujet de la protestation royale. A la vérité, le duché de Bourgogne était tenu du Roi, ainsi que les autres terres et seigneuries qu’il possédait dans le royaume ; le Roi y était souverain, sauf l’exemption d’hommage dont le duc, à titre personnel, bénéficiait en vertu du traité d’Arras[4]. Mais le duc n’avait rien dit, rien fait qui pût porter atteinte à la souveraineté royale, et il ne voulait point méconnaître que ces terres et seigneuries fussent tenues du Roi. Le titre qu'il prenait ne portait donc point désaveu ou méconnaissance de fief. Les ambassadeurs avaient charge de le proclamer hautement, et d’en faire, par acte notarié, déclaration expresse devant le Conseil. En même temps, ils devaient constater qu’en prenant possession des duchés de Brabant et de Limbourg, des comtés de Hainaut, de Hollande et de Zélande le duc en avait usé comme ses prédécesseurs. Si, dans l’énoncé de ses titres, il se qualifiait en première ligne duc de Bourgogne, c’était pour garder l’honneur et la prééminence de son duché et par là de la Couronne de France, car nul n’avait été plus jaloux que lui de conserver cette prééminence. C’était à sa requête que le titre de duc de Bourgogne avait été déclaré le premier en honneur, après les Rois, et avant tous autres ducs et princes de la chrétienté, fussent-ils électeurs de l’empire : en quoi il croyait avoir soutenu grandement l’honneur de la Couronne de France. On devait, en outre, faire observer que d’autres princes s’intitulaient de la sorte : ainsi le roi de Sicile, qui était duc d’Anjou et de Bar ; le duc de Bretagne, dont toutes les terres relevaient de la Couronne. Les mots par la grâce de Dieu n’emportaient donc pas, en eux-mêmes, souveraineté, désaveu ou méconnaissance de fief, car tous les princes de l’empire usaient de ce titre, aussi bien que les archevêques, évêques et autres prélats, lesquels toutefois avaient pour souverain, les uns l’empereur, les autres le Pape. Ce n’était point, d’ailleurs, la première fois que le duc prenait ce titre : il l’avait pris lors de la conclusion du traité d’Arras, comme le prouvaient plusieurs lettres patentes, faisant mention de ce traité, que le Roi avait eues pour agréables ; il l’avait pris encore lors du mariage du comte de Charolais avec Madame Catherine de France, comme il résultait de lettres que le Roi avait pareillement vues et reçues, et dans d’autres lettres patentes de nomination aux offices et cas royaux présentés au Roi et à son Conseil, et reçues sans difficulté. Les ambassadeurs, en conséquence, devaient demander que. le Roi, pour le présent et pour l’avenir, voulût bien s’en montrer content, et qu’il mît à néant la protestation de son procureur général, en tenant compte de la déclaration faite au nom du duc[5].

Nous n’avons pas de renseignements sur l’issue de cette ambassade ; nous savons seulement que les remontrances du duc furent présentées au Roi, à Chinon, le 28 mars, et remises aux mains du chancelier de France[6].

Charles VII était engagé en ce moment dans des négociations secrètes avec le duc de Savoie, relativement à l’occupation de Gênes et à la conquête du Milanais[7]. Fort intéressé dans la question, le duc d’Orléans profita sans doute de son séjour à la cour de Bourgogne, lors de l’assemblée solennelle de la Toison d’or (11 décembre 1445), pour entretenir son cousin de ses vues sur le Milanais et le rendre favorable à ses desseins. Le 15 février suivant, le sire de Gaucourt se trouvait près du duc à Louvain[8]. Or, nous avons constaté plus haut que, dans le courant de l’année 1444, cet habile diplomate avait été chargé par le duc d’Orléans de faire des ouvertures au roi des Romains relativement à l’affaire d’Asti. C’est Sans doute pour entretenir le duc et la duchesse de Bourgogne des intérêts du duc d’Orléans que Gaucourt entreprit le voyage de Flandre. D’autre part, il est présumable que la mission donnée peu après à Bertrandon de la Broquière n’était point étrangère aux projets d’intervention en Italie. La Broquière séjourna pendant plus de six mois à la cour de France[9]. A peine était-il en route qu’un second ambassadeur vint le rejoindre : c’était Pierre de Bauffremont, seigneur de Charny[10]. Peu après (15 mai), un message fut envoyé au duc d’Orléans, qui résidait alors à Chauny[11]. Le duc Philippe, à ce moment, est en correspondance suivie avec le Roi, avec Brezé, avec son ambassadeur La Broquière[12].

L’état de la jeune comtesse de Charolais, qui inspirait alors de vives inquiétudes, amenait aussi un fréquent échange de communications entre les deux Cours[13]. Catherine de France était tombée malade à Bruges, au mois de janvier ; malgré les soins qui lui furent prodigués et la venue de deux des meilleurs médecins de Charles VII, le mal alla s’aggravant et fut bientôt sans remède : le 28 août, la fille du Roi succombait à la fleur de l’âge[14]. Cette mort venait rompre un des liens qui rattachaient encore la maison de Bourgogne à la Couronne. Philippe fit célébrer un service funèbre en grande pompe[15] ; puis il renvoya les dames et seigneurs attachés à la personne de la princesse, en leur remettant des lettres closes pour le Roi, la Reine et le Dauphin[16].

Nous avons la preuve qu’au milieu de cette année le duc de Bourgogne se décida à intervenir dans les affaires italiennes : le 10 août il fit partir une ambassade, composée des plus habiles diplomates de son Conseil : Guillebert de Lannoy, Jean Jouffroy et Toison d’or[17]. L’ambassade avait mission de se rendre successivement en Savoie, à Milan, à Venise, à Rome, et enfin à Naples, près du roi d’Aragon. Le même jour un chevaucheur alla porter des lettres closes au Roi et au Dauphin[18]. D’un autre côté plusieurs ambassadeurs français, parmi lesquels figuraient Jean d’Estouteville, seigneur de Blainville, et Etienne Chevalier, se rendirent à la cour de Bourgogne[19].

Au milieu de ces continuels échanges d’ambassade, une mission spéciale fut donnée à l’ancien serviteur de Brezé, Georges Chastellain, devenu l’un des pannetiers du duc : il était chargé de faire des remontrances au Roi relativement à un fait dont nous avons parlé plus haut[20] : l’ajournement lancé contre le duc en pleine assemblée des chevaliers de la Toison d’or[21]. Un autre ambassadeur fut envoyé au duc d’Orléans, avec lequel Philippe ne cessait d’être en relations[22], et auquel il avait Promis une assistance armée pour soutenir ses droits sur le duché de Milan[23].

Les difficultés pendantes entre les cours de France et de Bourgogne étaient l’objet de fréquents pourparlers. Le Roi avait voulu faire publier en Bourgogne une ordonnance relative à un droit imposé sur certaines denrées ; le conseil du duc s’y était opposé, au grand mécontentement du Roi[24]. D’autre part, le duc ayant manifesté l’intention de donner le comté d’Auxerre au comte d’Étampes, son neveu, Charles VII avait refusé d’y consentir[25]. Le Roi faisait relever avec soin tous les faits à la charge des gens et officiers du duc[26]. A la date du 20 juillet 1446, Philippe donna commission au président Armenier et à Philippe de Courcelles, bailli de Dijon, pour se rendre à Langres et à Chaumont et y régler, de concert avec les commissaires royaux, la question des limites des comtés d’Auxerre, de Bar-sur-Seine et pays voisins[27]. Un des points en litige reçut alors une solution conforme aux désirs du duc : sur sa demande le Roi rétablit à Marcigny le grenier à sel qui avait été supprimé[28]. Ce n’étaient là que des points de détail ; le duc ne cessait de porter plainte relativement à des infractions au traité d’Arras. Usant de la faculté que lui donnait le traité, il résolut de s’adresser au Saint-Siège. A la date du 29 octobre, le pape Eugène IV désigna l’évêque de Liège pour prendre connaissance de l’affaire[29].

Les intrigues de la Cour étaient surveillées de près par le duc de Bourgogne. Nous avons vu que Guillaume Mariette entretenait avec lui une correspondance régulière ; dans le courant de 1445 et de 1446, il vint en personne à la cour de Philippe[30]. Après l’installation du Dauphin en Dauphiné, un commerce presque incessant s’établit entre le duc et l’héritier du trône. Durant l’année 1447, un des pannetiers du duc est constamment en mission près du Dauphin[31]. Au moment où le projet d’intervention en Italie est à la veille de s’effectuer, Philippe est en relations avec le duc d’Orléans et avec le Roi : nous avons la trace de plusieurs messages et ambassades envoyés par le duc à partir du mois de mars[32].

Mais, plus encore que les affaires d’Italie et les intrigues du Dauphin, les affaires d’Allemagne occupaient le duc de Bourgogne. Philippe était engagé dans deux négociations fort délicates : l’une relative au différend survenu entre le duc de Clèves et l’archevêque de Cologne ; l’autre ayant trait à des projets d’alliance avec le duc Albert d’Autriche et la maison impériale.

Le démêlé du beau-frère de Philippe le Bon avec Théodoric de Meurs remontait à plusieurs années. Dès le commencement de 1444, des pourparlers avaient été entamés pour arriver à une pacification ; une conférence était alors projetée[33]. Lors de la diète de Nuremberg, l’évêque de Verdun vint en ambassade vers le roi des Romains et les électeurs de l’Empire ; il avait mission de s’occuper non seulement de l’affaire du duc de Clèves, mais de la pacification de l’Église, et surtout de la conclusion définitive des arrangements relatifs au Luxembourg[34]. Le différend entre le duc de Clèves et l’archevêque de Cologne, loin d’être apaisé, fut bientôt compliqué par la lutte ouverte qui s’engagea entre Gérard, duc de Juliers et de Berg[35], et Arnold, duc de Gueldre, beau-frère du duc de Clèves, au sujet de la possession du duché de Juliers. Les chroniques du temps nous apprennent que le duc de Gueldre ne tarda pas à être mis en pleine déroute[36]. L’archevêque de Cologne était soutenu dans sa querelle par la plupart des princes allemands : le comte Palatin du Rhin, les ducs Frédéric et Guillaume de Saxe, le margrave de Brandebourg, le duc Guillaume de Brunswick, etc., etc. ; le duc de Clèves, dont le fils Jean soutenait la cause les armes à la main, n’avait pour auxiliaires que quelques seigneurs — le duc de Juliers[37], Bernard et Simon de Lippe[38], — et quelques villes — Osnabrück, Paderborn, etc. — ; mais bientôt il eut l’appui de la chevalerie bourguignonne.

Sur la demande de l’archevêque de Cologne, devenu son allié, Charles VII ne tarda point à intervenir. Il écrivit au duc de Clèves, charitablement et amicalement, pour lui demander de donner satisfaction à l’archevêque et de s’abstenir de toute agression. Mais le duc fit la sourde oreille[39]. Il déclara que c’était bien plutôt à la partie adverse de lui faire réparation[40]. Théodoric offrit alors au duc de Clèves de soumettre le différend à l’arbitrage du roi de France et de son Conseil. Charles VII, avisé de cette démarche, s’adressa de nouveau au duc de Clèves, lui exprimant son mécontentement de ce qu’il était demeuré rebelle à ses instances, se déclarant prêt à s’occuper de rétablir la concorde, le priant de cesser toute voie de fait et de lui faire connaître s’il acceptait l’arbitrage proposé. Le Roi ajoutait que, uni à l’archevêque par un traité d’alliance, il ne pourrait, au cas où il en serait requis, lui refuser son assistance[41].

Ce cas se présenta bientôt : Gérard de Loos, comte de Blanckenheim — le même que nous avons vu, en compagnie du duc de Juliers, conclure un pacte avec Charles VII, — vint, au nom de l’archevêque de Cologne, implorer l’assistance royale. Charles VII n’hésita pas : il promit de mettre à la disposition de son allié quatre cents hommes d’armes et douze cents archers, pour le servir pendant un an, ou tout au moins pendant huit ou neuf mois, aux dépens du trésor royal ; en outre, pour hâter le départ de ce contingent, il donna l’ordre de faire aussitôt une distribution d’argent aux capitaines[42].

La situation de l’archevêque de Cologne était d’autant plus grave que, sur ces entrefaites, Eugène IV, mécontent de l’appui prêté par ce prince et par son collègue, l’archevêque de Trêves, à l’antipape Félix, venait de déposer les deux prélats et de remplacer l’archevêque de Cologne par le jeune Adolphe de Clèves, frère cadet de Jean[43].

Pendant plusieurs années, toute l’Allemagne fut remplie du bruit de la lutte entre le duc de Clèves et l’archevêque de Cologne ; de part et d’autre, de très nombreuses armées y furent engagées. La ville de Soest, principal objet du débat, qui avait ouvert ses portes à Jean de Clèves, vit autour de ses murs, s’il en faut croire une chronique allemande, quarante mille fantassins et vingt mille cavaliers[44]. La guerre ne se termina qu’au printemps de 1449, grâce à l’intervention du cardinal de Saint-Ange, légat du Pape[45].

Par sa politique ambitieuse, le duc de Bourgogne s’était aliéné plusieurs des électeurs de l’empire : le duc de Saxe, son antagoniste dans le Luxembourg ; les archevêques de Trêves et de Cologne ; le comte Palatin du Rhin, qui avait abandonné l’alliance bourguignonne pour l’alliance française. Il était d’une haute importance pour Philippe d’avoir l’appui du chef du saint-empire et de la maison à laquelle il appartenait.

La maison d’Autriche était l’alliée de la France : c’est contre la Bourgogne qu’avaient été conclus les traités des 22 juillet et 15 septembre 1431[46] ; il fallait donc l’arracher en quelque sorte à cette alliance ; il fallait surtout mettre un terme aux longs différends entre la maison d’Autriche et la maison de Bourgogne, qui, plus d’une fois, avaient failli aboutir à une guerre ouverte[47]. L’entrevue de Besançon avait été un premier pas dans cette voie[48] ; l’ambassade à Nuremberg en fut un second. Le roi des Romains se prêtait à un rapprochement, et le mécontentement que lui fit éprouver l’occupation de l’Alsace contribua à fortifier ses bonnes dispositions à l’égard du duc.

A Besançon, le duc de Bourgogne avait mis en avant un projet de mariage : celui de Catherine d’Autriche, sœur de Frédéric, avec le fils du duc de Clèves[49] ; à Nuremberg, l’évêque de Verdun revint à la charge, et entretint le roi des Romains d’autres affaires d’une grande importance pour l’empire. Frédéric, avec cette indécision qui formait le fond de son caractère, éluda toute réponse définitive : il fut convenu qu’à Noël 1444 une nouvelle ambassade du duc viendrait chercher la solution. Mais l’ambassade ne fut point envoyée : le duc se fit excuser par un message.

Cependant le duc Albert, resté dans ses États héréditaires, tandis que l’empereur était retourné à Vienne, écrivait, à la date du 22 février 1445, à un conseiller de l’empire que le duc de Savoie et la ville de Berne avaient envoyé une ambassade au duc de Bourgogne pour contracter une alliance, et qu’il serait fort utile que le duc, au moyen de négociations habilement conduites, fût amené à une entente avec la maison d’Autriche au sujet des affaires pendantes entre lui et l’empire. Le duc offrait de s’employer dans ce sens[50].

Frédéric répondit à son frère qu’il ne fallait point entamer une négociation nouvelle, et qu’il convenait d’attendre la venue de l’ambassade du duc. Mais en même temps il chargea Albert de faire porter au duc, sans délai, une lettre dont il lui donnait copie ; le duc Albert devait transmettre la réponse, après qu’il en aurait pris connaissance[51]. La lettre de Frédéric contenait une demande d’assistance contre les Suisses[52].

C’est à ce moment que Frédéric III, ayant reçu une ambassade des États du Tyrol, se décida à laisser enfin son pupille Sigismond maître de ses actions. Nous avons une lettre (d’ailleurs sans intérêt politique) adressée de Nancy, le 12 mars, par Charles VII à son très cher et très amé fils[53]. Elle dut parvenir à Sigismond au moment où il prenait possession du Tyrol[54]. A la fin de l’année 1445, la question de l’administration des États héréditaires de Sigismond fut réglée par un acte passé entre Frédéric III, le duc Albert, le duc Sigismond et les États du Tyrol, sous la médiation du margrave de Bade et du margrave de Brandebourg[55].

C’est le duc Albert qui avait été chargé de la direction des négociations avec le duc de Bourgogne. Autant Frédéric était mou et indécis, autant Albert se montrait remuant et résolu. Agé seulement de vingt-six ans, il commençait cette carrière brillante et agitée qui le fit surnommer l’Achille de l’Allemagne[56]. Albert transmit au duc Philippe le message de son frère ; au mois de juillet 1445, il reçut une lettre de Philippe, lui demandant une réponse au sujet des ouvertures faites au roi des Romains. Sur ces entrefaites, Frédéric III fit savoir à son frère qu’il consentait à ce qu’une conférence fût tenue à Besançon, le 11 septembre, avec les ambassadeurs du duc de Bourgogne. Albert en donna aussitôt avis au duc[57]. Au jour fixé, les ambassadeurs bourguignons se rendirent à Besançon ; mais ils n’y trouvèrent personne : dans l’intervalle, le roi des Romains avait prorogé au 18 décembre la réunion de la conférence. Il est probable que ce prince, rencontrant chez sa sœur une vive résistance au sujet du projet de mariage dont il était question[58], cherchait à gagner du temps. Nous ne voyons point, en effet, que, malgré l’acceptation donnée par les ambassadeurs bourguignons à une prolongation de la conférence[59], aucune réunion ait été tenue.

Au mois d’avril 1446, Frédéric III se décida à reprendre les négociations. Par lettres du 3 avril, il déclara donner en fief à son frère Albert les biens non relevés de l’empire que possédait le duc de Bourgogne, savoir le duché de Brabant et les comtés de Zélande, de Hollande et du Hainaut[60], l’autorisant en même temps à entrer en arrangement avec un autre prince relativement à une vente ou à un échange[61]. Par un autre acte, en date du 7 avril, il déclara que, des dissentiments s’étant élevés autrefois entre l’empereur Sigismond et le roi Albert, d’une part, et les ducs de Bourgogne, de l’autre, au sujet du Brabant, de la Hollande, de la Zélande, du Hainaut, et de leurs dépendances, ainsi que des fiefs dont le duc Philippe avait hérité de son père en Bourgogne et en Flandre, et considérant la demande faite par le duc d’être investi desdits fiefs et pays au nom de l’empire, il chargeait son frère le duc Albert de traiter avec le duc des points en litige, lui donnant pleins pouvoirs à cet effet[62].

Il n’est pas sans intérêt de constater que, le même jour, Frédéric III déclarait approuver le contrat de mariage de sa sœur Catherine avec le margrave Charles de Bade[63].

Le 8 avril, Frédéric III signait des instructions pour le duc Albert. Ce prince devait sonder le duc de Bourgogne relativement à la cession des fiefs de Brabant, Hollande, etc., dont il avait reçu l’investiture, cession qui serait ensuite confirmée par le roi des Romains ; si le duc ne consentait pas à ce qu’on procédât de la sorte, Albert était autorisé à faire usage d’une lettre conférant l’investiture au duc pour les fiefs dépendant de l’empire ; pour ceux de Bourgogne et de Flandre, on n’aurait qu’à reproduire les lettres d’investiture données par l’empereur Sigismond au père du duc. Albert avait mission de négocier une alliance du duc et de ses successeurs avec Frédéric, en tant que roi des Romains. Il devait négocier une autre alliance avec la maison d’Autriche — c’est-à-dire avec le roi Frédéric et le duc Albert — au mieux des intérêts de cette maison. Il devait obtenir du duc, pour lui et ses héritiers, une renonciation à toute prétention sur le comté de Ferrette et autres territoires situés dans l’Alsace et le Sundgau. Si l’on demandait que les duchés de Lothiers et de Limbourg et le margraviat fussent compris au nombre des fiefs, il devait céder ; mais il ne devait point se montrer aussi accommodant relativement à la cession de la Frise ; si l’on insistait, il se bornerait à abandonner ce qui, de tout temps et de droit, faisait partie du comté de Hollande. Les lettres d’investiture seraient rédigées en latin, si on l’exigeait, mais la traduction devrait reproduire exactement le texte allemand. Enfin, le serment du duc devrait être prêté conformément à une formule remise à Albert[64].

La négociation était délicate et pleine de difficultés. Le duc Albert voulait avoir un intermédiaire pour l’entamer avec des chances favorables. Après avoir cherché vainement[65], il se décida à la confier à Guillaume de Hochberg, margrave de Röteln, et à deux conseillers de l’empire[66], et leur remit d’amples instructions[67]. Elles portaient sur deux points : 1° ce qui devait être conclu avec le roi des Romains et la maison d’Autriche ; 2° ce qui concernait le duc Albert seul. Ce prince voulait s’unir à la maison de Bourgogne par un mariage, obtenir une dot d’au moins cent mille florins et un prêt de cinquante mille pour six ans ; en tout cas il sollicitait l’appui du duc contre les Suisses, en cas d’attaque, et aussi contre le duc de Savoie, qui se montrait hostile au roi des Romains, bien qu’il tînt de l’empire nombre de possessions.

Au moment où l’ambassade du duc Albert se rendait à la cour de Bourgogne, un traité de protection mutuelle était passé, pour deux années, entre l’archevêque de Mayence, le comte Palatin du Rhin, le duc Othon de Bavière, le duc Albert d’Autriche, le margrave Jacques de Bade, les margraves Jean et Albert de Brandebourg, le burgrave de Nuremberg et les comtes Louis et Ulric de Wurtemberg (6 juillet 1446)[68]. On voit que les archevêques de Trêves et de Cologne et l’électeur de Saxe, alliés de, Charles VII, demeuraient étrangers à ce pacte ; seul, parmi les signataires des traités du 13 février 1445, le comte Palatin du Rhin s’y était associé.

Le duc Albert était encore à cette époque, au moins nominalement, l’allié de Charles VII : nous avons une lettre de recommandation pour un serviteur allemand du Roi, adressée à ce prince à la date du 24 août 1446[69]. Charles VII était aussi en rapport avec le jeune roi de Hongrie : au mois d’août un ambassadeur de ce prince se trouvait à la cour de Chinon[70]. Enfin le Roi entretenait des relations avec le duc Sigismond d’Autriche[71] et avec le duc Guillaume de Saxe[72].

Que se passa-t-il à Bruxelles entre le duc de Bourgogne et les ambassadeurs du duc Albert ? Une lettre de ceux-ci donne quelques détails sur les relations qu’entretenait le duc Albert avec le roi d’Aragon, dont les envoyés se trouvaient alors à la cour de Bourgogne, mais ne nous renseigne point sur l’accueil fait aux ouvertures de la maison d’Autriche : Le duc de Gueldre est ici, écrivent les ambassadeurs à la date du 17 août ; les affaires sont toujours au même point ; nous sommes dans l’attente d’une réponse. Nous vous rapporterons verbalement, à notre retour, quelle tournure les choses auront pris[73].

La présence du duc de Gueldre à la cour de Philippe le Bon n’était point sans intérêt pour le duc Albert, car il s’agissait précisément de faire épouser au frère du roi des Romains Marie de Gueldre, dont il avait été question autrefois pour Charles d’Anjou[74]. La première ambassade n’amena aucun résultat, car, au bout de quelques mois, nous voyons le duc Albert en envoyer une seconde, qui arriva à Bruxelles au mois de février 1447.

Cette fois, nous ne sommes point réduits à des conjectures : nous avons les rapports du margrave de Röteln et des autres ambassadeurs.

Fort gracieusement accueilli par le duc et la duchesse, le margrave eut, dès le lendemain de son arrivée, un entretien particulier avec la duchesse Isabelle. Elle l’engagea — et c’est aussi ce qu’avaient fait les conseillers du duc de Bourgogne — à laisser de côté, pour le moment, tout ce qui était étranger aux deux questions principales : l’affaire de l’empire et celle du mariage ; le reste s’arrangerait ensuite facilement. Après de longues conférences avec l’évêque de Tournai, le seigneur de Croy, le seigneur de Montagu et le chancelier Rolin, le margrave obtint de celui-ci une réponse. Le duc aurait désiré pouvoir régler immédiatement l’affaire de l’empire ; mais si le duc Albert désirait en référer au roi des Romains, il était prêt à attendre jusqu’à la Pentecôte. Quant à lui, si le roi voulait lui donner l’investiture et remettre à cet effet ses pleins pouvoirs au duc Albert, il remplirait son devoir à l’égard de l’empire comme l’avaient fait ses prédécesseurs. Une fois ce point réglé, le duc était disposé à accueillir favorablement les autres demandes dont le duc Albert avait entretenu la duchesse. Relativement au mariage projeté, le duc en avait parlé au duc et à la duchesse de Gueldre, parents de la princesse ; mais ils étaient déjà en pourparlers avec le roi de Danemark, et il fallait attendre le résultat de cette négociation.

Peu de jours après, le margrave fut mandé par le duc. Philippe lui dit, sous le sceau du serment, avec défense d’en parler à nul autre qu’au duc Albert, que plusieurs électeurs s’étaient adressés à lui, et qu'il croyait pouvoir disposer de deux ou trois voix en faveur d’Albert. Le margrave en conclut qu’on songeait à déposer le roi des Romains, et que le duc de Bourgogne était mal disposé à l’égard de ce prince. Dans une nouvelle entrevue, la duchesse témoigna de son vif désir de voir aboutir l’affaire du mariage.

Les difficultés ne tardèrent point à surgir. Quand les ambassadeurs du duc Albert eurent conféré avec l’évêque de Tournai, le chancelier, le maréchal de Bourgogne et le sire de Montagu, désignés par Philippe pour suivre les négociations, il fut facile de voir qu’on n’arriverait pas à une entente. Le duc de Bourgogne ne voulait point accepter l’investiture pour tous les pays désignés par le roi des Romains ; il n’acceptait point la formule préparée par la chancellerie impériale[75]. Le duc se refusait à reconnaître qu’il fût tenu à quelque service à l’égard de l’empire et n’admettait pas que l’investiture ne fût accordée qu’à ses héritiers directs. Autre source de contestations : on vit se reproduire toutes les anciennes réclamations de la maison de Bourgogne contre la maison d’Autriche au sujet de la dot de Catherine de Bourgogne, mariée à Léopold, duc d’Autriche, à ses bijoux, aux biens meubles et bijoux du duc Léopold, qu’on évaluait à huit cent mille florins. Enfin le chiffre de la dot de Marie de Gueldre était loin de répondre aux espérances du duc Albert : au lieu des cinq cent raille florins demandés par lui, on n’en voulait donner que cinquante mille[76].

Après de longs pourparlers, on se mit pourtant d’accord sur deux points : ceux concernant les possessions tenues en fiefs et l’investiture[77]. Le 18 mai 1447, à Bruges, fut passé un traité particulier portant alliance entre le duc de Bourgogne et Albert, duc d’Autriche, et contenant divers arrangements entre les deux princes[78].

Sollicité de donner une adhésion au traité du 18 mars, le duc Sigismond répondit qu’il ne pouvait le faire sans réserves, soit relativement à une alliance contractée avec le duc de Bourgogne dans les termes de cet acte, soit au point de vue des conventions spéciales faites entre le duc et son cousin le duc Albert. Pourtant, ne voulant point entraver les négociations entamées par le duc Albert et, en contribuant à leur échec, causer un notable préjudice à la maison d’Autriche, Sigismond consentait à donner son adhésion dans la forme où il pouvait équitablement le faire, moyennant caution du roi des Romains et du duc Albert contre tout ce qui pourrait léser ses droits et venir à l’encontre de la convention passée par lui pour six ans[79] avec le roi des Romains et Albert[80]. L’acte d’adhésion du duc Sigismond porte la date du 13 septembre 1447[81].

Aussitôt après la conclusion de son traité particulier avec le duc Albert, Philippe le Bon envoya une ambassade ad roi des Romains[82]. Il s’agissait de reprendre les projets agités à Besançon et à Nuremberg et de consommer l’alliance de la puissance bourguignonne avec l’empire.

Voici sur quelles bases cette alliance devait être conclue.

La main d’Élisabeth, fille du roi Albert et sœur du jeune roi de Hongrie Ladislas, serait donnée au comte de Charolais ; par ce mariage on assurerait à la maison de Bourgogne les droits que Ladislas avait sur le Luxembourg et aussi sur les comtés de Hainaut, de Hollande et de Zélande ;

Une nièce de la duchesse de Bourgogne, sœur du roi de Portugal, serait unie au roi Ladislas ;

Toutes les possessions septentrionales de la maison de Bourgogne seraient constituées en royaume indépendant[83].

Le duc de Bourgogne s’était entendu secrètement avec Gaspard Schlick, le célèbre chancelier, qui se montrait disposé à seconder ses desseins.

Le porteur des propositions du duc était un simple héraut, Henri von Heessel, qui s’intitulait roi d’armes du saint Empire romain[84]. Il était à Vienne au milieu du mois de juillet et remit aussitôt les lettres de créance de Philippe à Gaspard Schlick et au comte Ulrich de Gilly. Après plusieurs conférences secrètes avec l’envoyé du duc, ces deux personnages se chargèrent de faire eux-mêmes les ouvertures au roi des Romains. Dès le 29 juillet 1447, une première réponse fut donnée au nom de ce prince. Les propositions relatives au mariage du comte de Charolais avec Elisabeth d’Autriche étaient accueillies avec faveur ; des réserves étaient faites au sujet du Luxembourg et du mariage de Portugal ; quant au titre royal, le roi des Romains était disposé à entendre les ambassadeurs qui viendraient à ce sujet, pourvu qu’ils fussent munis de pleins pouvoirs[85].

Une nouvelle consultation eut lieu le 4 août entre les envoyés de Philippe le Bon et le chancelier de l’empire. Il résulte du rapport des diplomates bourguignons que, en ce qui touchait à la Couronne, les désirs du duc pouvaient facilement être réalisés, mais à deux conditions : la première, qu’il se prêterait à certaines exigences du roi des Romains ; la seconde, qu’il ouvrirait sa bourse toute grande, et qu’il comblerait de ses largesses le roi des Romains et ses conseillers... sans oublier le négociateur[86].

Le 6 août, Henri von Heessel envoya son fils Guillaume rendre compte au duc de Bourgogne de sa mission[87]. Il rédigea en outre plusieurs mémoires qui furent transmis successivement à Philippe. J’espère, disait Heessel dans l’un d’entre eux, qu’avec la grâce de Dieu, par le mariage et par le royaume auxquels vous aspirez, vous arriverez un jour à assurer à votre race la couronne impériale... Votre Altesse verra, par mes réponses écrites et verbales, que le roi des Romains incline tout à fait en notre faveur. J’ajouterai qu’au sujet de plusieurs points, Gaspard m’a fait comprendre qu’il y avait à la Cour du roi des personnages qu’il serait bon de gratifier de quelque dix à douze mille florins. Il ne faut point lésiner quand il s’agit d’obtenir de l’empire un titre royal et une couronne. Le duc devait d’autant moins perdre de temps que la main de la sœur du roi Ladislas était en ce moment sollicitée par le roi de Pologne et par le Dauphin, qui l'un et l’autre avaient des envoyés à la cour impériale[88].

Dans un autre mémoire, un peu postérieur[89], Heessel faisait savoir au duc que le roi des Romains avait renvoyé à Noël la réponse à donner au roi de Pologne et au Dauphin ; il en concluait que Frédéric inclinait plutôt en sa faveur. Mais il engageait le duc à se hâter de faire partir son ambassade, et à la composer d’hommes capables et sûrs, car, à sa propre cour, il y avait des personnages — le fils de Heessel devait les désigner plus clairement — capables d’agir secrètement contre ses intérêts. Heessel ajoutait que l’archevêque de Trêves intriguait contre le duc ; qu’à Lyon il avait fait savoir au Dauphin que, si ce prince lui accordait un secours de six mille chevaux, il saurait bien amener le duc de Saxe à envahir le Luxembourg. A propos du duc de Saxe et du Luxembourg, continuait Heessel, votre altesse a dû remarquer un paragraphe de la réponse du roi des Romains où il est dit que le droit sur le Luxembourg appartient à la couronne de Bohême. Vous comprenez que Guillaume de Saxe, faisant part au roi de Bohême de la chose, le Pousse à force d’argent et de belles paroles à secourir l’archevêque de Cologne contre monseigneur de Clèves. Si les choses marchent à leur gré en Westphalie ; si d’autre part l’archevêque de Trêves obtient du Dauphin les six mille chevaux, Saxe et Bohême traverseront le Rhin, et Trêves, arrivant de son côté, tous ensemble tomberont sur le Luxembourg et sur votre altesse[90].

Le 20 septembre, à Vienne, Frédéric III signait des lettres portant investiture au duc de Bourgogne pour le Hainaut, la Hollande, la Zélande et la Frise ; en même temps il donnait en fief au duc les duchés de Brabant, de Lothier et de Limbourg, et le marquisat du Saint-Empire[91]. Peu après on rédigea la formule du serment que Philippe devait prêter[92].

A la réception des messages de Henri von Heessel, le duc de Bourgogne se décida à faire partir une ambassade. Mais, au lieu de désigner de notables conseillers, il fit choix d’un obscur secrétaire, Adrien van der Ee, garde de ses archives de Brabant et de Limbourg[93]. Les instructions qu’il lui remit portent la date du 22 octobre 1447 ; elles ont trait : 1° aux mariages projetés, dont on devait poursuivre l’accomplissement ; 2° au fait du royaume et de l'intitulation. Sur ce point délicat, le duc donnait charge à son envoyé de dire que l’initiative n’avait point été prise par lui, et que c’était à messire Gaspard et à ses autres amis et bienveillans de par delà de poursuivre l’affaire. Van der Ee devait se conformer aux instructions données à Heessel. Au sujet des limites du nouveau royaume, on devait demander qu’elles fussent fixées ainsi et par la manière que le Roy Lothaire, fils de l’Empereur Charles le Grant tenoit son royaume qu’il eut par partage avec ses frères, enfans dudit Empereur Charles. Le duc ne voulait point envoyer d’ambassade notable, ni faire une démarche publique à cet égard, sans être certain que les choses aboutiraient à la fin désirée, car honte seroit d’estre refusé en tel cas. Mais, alors même que l’on ne pourrait aboutir sur ce point, le duc comptait bien envoyer une notable ambassade pour conclure les mariages en question, et notamment celui du comte de Charolais.

Adrien van der Ee partit aussitôt pour Vienne[94] ; il était porteur de lettres de créance dit duc et d’une lettre de la duchesse Isabelle pour le duc Albert d’Autriche, qu’il devait voir au passage[95].

On fut très étonné à la cour de Vienne de voir apparaître un négociateur de si mince importance ; on ne fut pas moins surpris de ce que le duc de Bourgogne se montrait fort exigeant au sujet de la dot de la princesse Elisabeth. Après de longues discussions, on finit par offrir au duc, qui demandait cent vingt mille florins, une somme de soixante-dix mille florins, et on le mit en demeure de donner une réponse définitive avant la Saint-Jean-Baptiste. En ce qui concernait le mariage avec une princesse de Portugal, le roi des Romains se réservait d’envoyer secrètement un message à la cour de Portugal, Pour lui faire un rapport à ce sujet, afin de donner suite au projet si cela lui convenait. Quant au titre royal, Frédéric voulait bien accorder au duc cet avantage, mais à certaines conditions déterminées par lui[96].

Van der Ee retourna près du duc de Bourgogne. A la date du 3 juin 1448, il fit connaître, par une lettre adressée au duc Albert, à Cilly et à Schlick[97], les dispositions de son maître. Philippe, ne trouvant point les négociations assez avancées, se refusait à l’envoi d’une ambassade solennelle. La vérité est que, n’ayant pas rencontré à la cour impériale une adhésion assez formelle à ses propositions, notamment au sujet de l’abandon par le roi Ladislas de toute prétention sur le Luxembourg en faveur de sa sœur, le duc de Bourgogne reculait. A la date du 17 août, le duc Albert fit savoir à ce prince qu'il ne pouvait ni ne voulait agréer sa demande au sujet de la constitution de ses possessions en royaume[98]. Le 6 septembre suivant, Cilly et Schlick donnèrent une dernière réponse, où étaient précisés les motifs de ce refus[99]. Les négociations furent rompues ; le double projet d’union entre le comte de Charolais et Catherine d’Autriche, d’une part, entre le duc Albert et Marie de Gueldre, de l’autre, demeura abandonné.

 

 

 



[1] Voir Tome III, chapitre XII.

[2] Voir Olivier de la Marche, t. II, p. 53. Les savants éditeurs relèvent l'erreur commise par le chroniqueur, au sujet de l'hommage de Montbéliard. — On a vu plus haut (t. III, c. XII) que le droit sur l'avouerie d'Alsace faisait partie de la cession faite au duc par Élisabeth de Gorlitz. Il faut remarquer aussi que, pour obvier à ce que les places de Granges, Passavant et Clereval, au bailliage d'Amont, fussent mises aux mains des gens du Dauphin, quand celui-ci s'avança sur Montbéliard, le duc les avait fait occuper par le maréchal de Bourgogne. Voir lettres du duc données à Lille le 20 mars 1446. Archives nat., K 1965.

[3] C'est le 1er mars 1416 que partirent les ambassadeurs ; ils furent employés dans cette mission jusqu'au 31 juillet. Archives du Nord, B 1991, f. 70. — Avant le départ de ces deux ambassadeurs, plusieurs messages avaient été envoyés au Roi : le 12 janvier partit de Gand un chevaucheur de l'écurie, porteur de lettres closes traitant de certaines matières secrètes (Archives du Nord, 13 1988, f 143 v°) ; le 2 février, un autre chevaucheur partit de Louvain, avec des lettres closes (Id., ibid., f. 147 v°).

[4] Article XXVIII du traité d'Arras. Item, et que mondit seigneur le duc de Bourgoingne ne sera tenu de faire aucune foy, hommage ne service au Roy des tenus et seigneuries qu'il tient à présent ou royaume de France, ou de celles qu'il doit avoir par ce présent traictié, et pareillement de celles qui lui pourront escheoir cy après par succession audit royaume, mais sera et demourra exempt de sa personne en tous cas de subjection, hommage, ressort, souveraineté et autres du Roy, durant la vie de lui. Mémoires d'Olivier de la Marche, t. I, p. 229.

[5] Instructions en date du 21 janvier 1446. Bibl. nationale, V C Colbert, 64, p. 762.

[6] Note en marge de l'inventaire des lettres et documents emportés par Étienne Armenier. Archives de la Côte-d'Or, B 11906.

[7] Voir plus haut, chapitre VIII.

[8] Nicolas le Bourguignon, secrétaire du duc, va le 15 février, par ordre du duc, de Louvain à Bruges en la compagnie du seigneur de Gaucourt. Archives du Nord, B 1994, f. 75.

[9] Le 21 mars 1446, Bertrandon de La Broquière est envoyé au Roi pour certaines matières secrètes. Il est employé à cette mission jusqu'au 6 octobre suivant. Archives du Nord, B 1991, f. 77 ; cf. ibid., f. 82 v°, et 1988, f. 152 v°. — Étienne Armenier, président au parlement de Bourgogne, accompagna La Broquière (B 1991, f. 92).

[10] Départ de Bruges le 11 avril 1446 ; retour le 9 juillet. Archives du Nord, B 1994. f. 81.

[11] Lettres closes du duc, pour affaires secrètes. Archives du Nord, B 1991, f. 96 v°.

[12] 26 juin chevaucheur envoyé de Bruges avec des lettres closes pour le Roi, le seigneur de la Varenne et La Broquière, pour aucunes choses et matières secrètes. (B 1991, f. 99 v°.) — 20 juillet chevaucheur envoyé de Bruxelles avec des lettres closes pour le Roi et La Broquière (Ibid., f. 103 v°).

[13] 2 février : envoi d'un chevaucheur, porteur de lettres closes, vers le Roi quelque part qu'il soit ; 3 février : arrivée d'un poursuivant porteur de lettres du Roi pour la duchesse de Bourgogne ; 15 février : envoi d'un chevaucheur porteur de lettres pour le Roi et pour ses phisiciens ; 9 mars : envoi de semblables lettres, etc. Archives du Nord, B 1988, f. 147 v°, 149, 149 v°, 150, 151, 152. Cf. B 1991, f. 90, 91 et s., 116.

[14] Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 110 ; Olivier de la Marche, t. II, p. 111-112.

[15] Voir les comptes cités par les éditeurs d'Olivier de la Marche, l. c. ; Archives du Nord, B 1991, f. 106 v° .

[16] Archives du Nord, B 1991, f. 124 v° et 109 v°. Joachim de Montléon, pannetier du duc, fut chargé de présenter un rapport sur l'estat et la maladie de laquelle feue madame la comtesse de Charrolois estait trespassée. (Id., f. 84 v°.)

[17] Les ambassadeurs ne revinrent de cette mission que l'année suivante : Toison d'or le 1er février, Jean Jouffroy le 1er mars ; quant à Guillebert de Lannoy, de la Sicile il se rendit en pèlerinage à Jérusalem. Archives du Nord, B 1991, f. 85, 86, 104 ; Potvin, Œuvres de Ghillebert de Lannoy, p. 174 et s., 217 et s.

[18] Voyage de Jean de Montlay. Archives du Nord, B 1991, f. 109.

[19] Huitième compte de Jean de Xaincoins. Cabinet des titres, 685, f. 104 v°.

[20] Voir chapitre IV.

[21] Le voyage de Georges Chastellain dura du 27 septembre au 15 novembre. Archives du Nord, B. 1991, f. 77 v° ; Kervyn de Lettenhove, Œuvres de Georges Chastellain, t. I, p. XVII, note 2.

[22] Voyage de Louis Dommessent : 30 octobre-26 novembre 1447. Archives du Nord, B 1991, f. 78. — Lettres du duc et de la duchesse au duc et à la duchesse d'Orléans, en date du 17 décembre. Id., ibid., f. 128.

[23] Histoire de Bourgogne, t. IV, p. 263.

[24] Extrait du sixième compte de Jean de Visen, dans Collection de Bourgogne, 65, f. 162.

[25] Voir lettres patentes du duc de Bourgogne, en date du 11 juillet 1446. Histoire de Bourgogne, t. IV, preuves, p. CXCIV.

[26] On trouve aux Archives nationales plusieurs mémoires, plus ou moins développés, mais contenant l’exposé des mêmes faits ; l’un d’eux, qui forme un rouleau sur papier (J 258, n° 32), porte cet en-tête : Cy s’ensuit ce qui s’est peu trouver pour faire declaración à Sens par Mgr le procureur general du Roy nostre sire touchant plusieurs excès et entreprises faictes par les gens et officiers de monseigneur de Bourgongne contre des officiers royaux et aucuns subgez du Roy nostre sire et touchant les limites et juridicions du Roy nostre dit seigneur. — Dans un autre (J 258, n° 30), on lit : Pour remonstrer au Roy nostre sire et à nos seigneurs de son conseil, et ailleurs où il sera de nécessité, les euvres de fait, entreprinses et autres excez et delitz commis et perpetrez par les gens et officiers de monseigneur de Bourgongne et autres leurs aliez et complices, plaise à reverend pere en Dieu monseigneur l’evesque et duc de Laon veoir et visiter ces présentes mémoires, lesquelles sont vrayes et notoires. Les faits relatés remontent à 1438, mais se rapportent plus spécialement à l’année 1445. Parmi les griefs énoncés se trouvent les suivants (J 258, n° 25) : Item, avec ce lesdiz de Bourgongne ont desborné le royaume, sans consulter aucuns officiers du Roy, et ont mises les bornes x lieux et plus ou royaume en plusieurs lieux, et mis pennonceaulx armoyez des armes du conté de Bourgongne en plusieurs villes qui de toute ancienneté sont de l’élection de Langres. — Item, ilz appellent les subgiez du Roy qui vont ès pays de mondit seigneur de Bourgogne : Traîtres, villains, serfs, allez, allez, paier vos tailles ! et plusieurs autres villenies et injures. — Item, avec ce ilz ont ordonné XVI ou XVII compaignons en habiz de merchans et autres en habit dissimulé, et aucunes fois vont en armes couvertement, lesquels ont ordonnance de tuer tous officiers du Roy qu’ilz trouveront sur les limites audit païs de Bourgongne, et vuellent appointer à eulx et mettre en débat plusieurs villes desquelles jamès ne fut contestación fors puis ung an en ça.

[27] Collection de Bourgogne, 23, f. 6.

[28] Lettres du Roi, en date du 27 juillet. Archives de la Côte-d’Or, B 11178.

[29] Cet acte est mentionné dans la bulle de Nicolas V, du 23 mai 1447 ; voir plus loin. Cf. Histoire de Bourgogne, t, IV, p. 263.

[30] Voir les mémoires rédigés par Guillaume Mariette, dans les Preuves de la Chronique de Mathieu d'Escouchy, p. 268 et suivantes ; les lettres de Mariotte au duc, p. 280 et suivantes, etc.

[31] C'était Joachim de Montléon. Voyages du 10 mars au 22 avril ; du 16 juillet au 3 octobre ; du 24 décembre 1147 au 14 avril 1448. En septembre-octobre un chevaucheur du Dauphin est à Bruxelles, près du duc. Archives du Nord, B 1996, f. 10 et 10 v° ; 1998, f. 42 ; 2000, f. 53 v° ; 1994, f. 110.

[32] Voyage de Nicolas de Bourguignon vers le Roi et le duc : 1er mars-6 avril 1447 ; Voyage de Louis Dommessent vers le duc : 17 mars-27 avril. (Archives du Nord, B 1994, f. 79 r, 78 v°, 94.) — Le 30 mars, Jean Vignier est envoyé en France, par devers certaines personnes, pour certaines ses affaires secrez (B 1994. f. 80 v°). — Le 2 avril, un chevaucheur part de Bruges avec des lettres closes pour le Roi (B 1994, f. 90 v°). — De son côté, le Roi envoya au duc un de ses échansons, Raoulin Regnault (B 1994, f. 159 v° ; neuvième compte de Xaincoins, f. 117). — Au même moment, Jehinet Martin, chapelain de la Reine, vint à Bruges de la part de sa maîtresse pour aucuns affaires secrez. (B 1994, f. 169 v°.)

[33] Le 18 avril 1444, le duc de Bourgogne écrivait à ce sujet au comte de Meurs, qui se rendait près de l'archevêque de Cologne (Archives du Nord, B 1982, f. 77 v°). — La conférence devait se tenir à Utrecht le 20 juin ; elle fut contremandée (B 1982, f. 93 v°).

[34] L'évêque fut employé à cette ambassade du 13 avril au 31 octobre. Archives du Nord, B 1982, f. 89 v°, 90 v°, 95 v°, 106, 117 v°, 119 v° ; B 1983, n° 29.

[35] Voir un acte du 28 novembre 1444, dans Lacomblet, Urkundenbuch, t. IV, p. 320.

[36] Dans un engagement qui eut lieu le 3 novembre 1444. Zantfliet, dans Amplissima collectio, t. V, col. 452 ; Chronicon Monasterii Campensis, dans Annalen des historischen Vereins für den Niederrhein, t. XX, p. 321 ; Munstereifiler Chronik, dans le même recueil, t. XV, p. 201 (avec la date fautive de 1445).

[37] Traité du 4 mai 1445. Lacomblet, l. c., t. IV, p. 323. — On a peine à comprendre cette alliance, contractée pour cinq ans, entre le duc de Juliers et le damoiseau de Clèves, un mois après le traité passé entre Charles VII et le duc de Juliers. (Voir chap. II.)

[38] Traité du 10 mars 1445, Lunig, Spicil. secul., I Theil, p. 470, et Lacomblet, p. 321.

[39] Dans une lettre au Roi, en date du 28 mars 1445, le duc de Clèves allait jusqu'à dire que personne à sa cour ne comprenait bien le français ... Als ich dat vyt uwer genaden Brieff, die in walsch gescreiben was, des hier ayemant opt liante en nauste et versteet verstaen heb. Original, Ms. fr. 20587, n° 42.

[40] Comme, disait le duc, sur divers points, qu'il serait trop long de mettre par écrit, j'ai souffert et ai été persécuté de sa part pendant nombre d'années, et que, malgré mes réclamations fondées sur notre accord et traité, je n'ai pu arriver à aucun accommodement, la nécessité nous a contraints, mon fils aîné et moi, à devenir ses ennemis ; et je ne doute pas que votre grâce royale, considérant les grandes injustices que m'a faites l'archevêque susdit, l'arrogance et la présomption dont il a fait preuve envers moi et envers mon pays, ne les voie avec déplaisir, comme tous les honnêtes gens, et qu'elle ne préfère se montrer favorable et secourable envers moi et mon fils, plutôt que d'accorder son appui à l'archevêque susdit. Je dois la traduction de ce document à mon ami M. God. Kurth, professeur à l'Université de Liège.

[41] Lettre du Roi au duc de Clèves, sans date, dans le Ms. latin 5414A, f. 77 v° et 79, éditée par d'Achery, Spicilegium, t. III, p. 286, et par Leibniz, Codex juris gentium, p. 413. Cette lettre doit avoir été écrite avant le départ du Roi de Nancy.

[42] Lettre du Roi à l'archevêque de Cologne, sans date, dans le Ms. latin 5414A, f. 73 v°. Datum Cagnone (sans autre indication), dans d'Achery et Leibniz. Je suppose qu'il faut lire Cayurne, comme pour les documents cités plus haut (chap. II, in fine), et que la lettre fut écrite pendant le séjour du Roi à Kœur, en mai 1445.

[43] Cet acte doit avoir été rendu à la fin de 1445 ; dès l'année précédente, le pape Eugène IV avait soustrait le duché de Clèves à la juridiction de l'archevêque de Cologne. Schaten, Annallum Paderbornensium Pars II, p. 639.

[44] Chronicon Brunwglrense, éd. Godefr. Eckertz, dans Annalen, etc., t. CVIII, p. 138. La Chronicum Belgicum magnum porte le chiffre à cent mille combattants (Freher, t. III, p. 442). La Chronicon Elwangense dit que le marquis de Misnie envoya un secours de 26.000 hommes : Misit XX millia Bœmorum. (Freher, t. I, p. 686.)

[45] Voir Clevische Chronik, nach der original Handschrift des Gert van den Schuren, publiée par M. Rob. Scholten (Clèves, 1884, in-8°), p. 116 et suiv,, 150 et suiv. ; Annalium Paderbornensium Pars II, auct. R. P. Nic, Schaten, S. J. (1698, in-fol.) ann. 1444 à 1449.

[46] Voir plus haut, tome II, chap. XIII.

[47] Voir tome II, chap. XIII.

[48] Voir tome III, chap. XII.

[49] C’est ce qui résulte d’une lettre du roi des Romains à son frère le duc Albert d’Autriche, en date du 23 février 1445 (Chmel, Materialien, t. I, p. II, p. 165). Nous avons là l’explication du passage de la charte du 29 janvier 1443 cité plus haut (t. III, chap. XII) : il s’agissait du fils à naître du mariage projeté entre Jean de Clèves et Catherine d’Autriche.

[50] Lettre du roi des Romains, l. c.

[51] Lettre du roi des Romains, l. c.

[52] Lettre sans date, écrite à Vienne. Lettre du roi des Romains, l. c., p. 166.

[53] Lettre en faveur de Wersich de Stauffenberg. Archives de Vienne (commutation de M. A. d'Herbomez). Cette lettre a été publiée par Chmel, Geschichte K. Friedrichs IV, t. II, p. 762, avec la date fautive de 1450.

[54] Voir Jäger, Der Streit der Tiroler Landschaft mit K. Friedrich III, p. 125 et suivantes.

[55] Voir Chmel, Geschichte K. Friedrichs IV, t. II, p. 356 et suivantes.

[56] Quibus ex rebus non injuria Teutonicus Achilles appellatus est, dit Æneas Sylvius (Europæ Status, cap. XXXI), qui fait de lui un pompeux éloge ; il devait en 1461 ternir sa réputation par sa révolte contre son frère.

[57] Lettre du 18 juillet 1445, dans Chmel, Geschichte K. Friedrichs IV, t. II, p. 372, note.

[58] Le 2 juillet, Catherine d'Autriche écrivait à son frère Albert, suppliant qu'on ne lui tint point rigueur au sujet de son intention d'entrer en religion ; elle avait fait vœu à Notre-Dame de rester dans le célibat jusqu'à la fin de sa vie ; on devait comprendre par là qu'il lui était impossible de consentir à un mariage, quelque peine et quelque préjudice que cela pût causer au roi son frère. Chmel, Materialien, t. I, part. II, p. 173.

[59] Lettre des ambassadeurs bourguignons au duc Albert, en date du 8 octobre 1445, dans Chmel, Geschichte K. Friedrichs IV, t. II, p. 373, note.

[60] Document visé par Chmel, Regesta chronologico diplomatica, n° 2058.

[61] Chmel, Regesta chronologico diplomatica, n° 2059.

[62] Chmel, Materialien, t. I, part. II, p. 203.

[63] Herrgott, Monumenta augustæ domus Austriacæ, t. IV, part. II, p. 116. — On voit que la vocation religieuse de la princesse n'avait pas été de longue durée. Le mariage de Catherine avec le marquis de Bade eut lieu le 25 mai 1447.

[64] Chmel, Materialien, t. I, part. II, p. 205.

[65] Voir la lettre de l'évêque Jean d'Eichstädt au duc, en date du 18 juin 1446. Chmel, Materialien, t. I, part. II, p. 208.

[66] Pouvoir donné par le duc Albert à Guillaume, margrave de Röteln, et aux conseillers André Holnegher et Berthold von Stein, en date du 9 juillet. Chmel, Materialien, t. I, part. II, p. 208.

[67] Le texte de ces instructions a été publié par Chmel, Geschichte K. Friedrichs IV, t. II, p. 742 et suivantes.

[68] Chmel, Materialien, t. I, part. II, p. 209.

[69] Magnifico ac patente principi duci Austrie, etc., consanguineo et federata nostro carissimo. Chinon, 14 août (1446). Archives de Vienne. Communication de M. A. d'Herbomez. La lettre a été publiée par Chmel, Gesch. K. Friedrivhs IV, t. II, p. 763, avec la date fautive de 1450.

[70] Messire Vincent de Bala Balachu (?), ambassadeur du Roy de Hongrie, peur soy deffrayer en la ville de Chinon, au mois d'aoust 1446, IIc l. Huitième compte de Xaincoins, l. c., f. 103 v°.

[71] Voir une lettre de Sigismond au Roi, en date du 15 décembre 1446. Original, ms. fr. 50587, n° 43.

[72] Don d'un harnais et de six aunes de damas cramoisi à Lambert de Zideveuil, écuyer d'écurie du duc de Saxe (1er décembre 1446). Rôle publié dans les Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 253 et 256.

[73] Fragment publié par Chmel, Gesch. K. Friedrichs IV, t. II, p. 477, note 2.

[74] Voir plus haut, tome III, chapitre XII.

[75] Lettre du 5 avril 1447. Chmel, Gesch. K. Friedrichs IV, t. II, p. 747.

[76] Lettres des 14 et 23 avril. Chmel, Gesch. K. Friedrichs IV, t. II, p. 748 et 749.

[77] Lettre du 29 avril. Chmel, Gesch. K. Friedrichs IV, t. II, p. 750.

[78] Materialien, t. I, part. II, p. 247 et suivantes.

[79] Cette convention est du 6 avril 1446. Le texte dans Chmel, Materialien, t. I, part. I, p. 61.

[80] Observations du duc Sigismond (sans date), dans Fontes rerum austriacarum, Diplomata et acta, t. II, p. 135.

[81] Le texte est dans Chmel, Materialien, t. I, part. II, p. 247-255.

[82] Le traité du 18 mai était à peine signé qu'un chevaucheur de l'écurie du duc partait hastivement, jour et nuit pour joindre les ambassadeurs du duc Albert et porter à l'un d'eux certaines lettres secrètes. (Archives du Nord, B 1994, f. 97.) Le 3 juin et le 15 août, le duc Philippe écrivait au duc Albert, en réponse à ses lettres du 7 mai et du 17 juillet. Materialien, t. I, part. II, p. 240 et 241.

[83] Voici comment le duc de Bourgogne envisageait la chose : Item et quant à ce que ledit messire Caspar a chargié ledit Henry de dire et reporter à mondit seigneur le duc que, s'il lui plaisait estre Roy et prendre courene au titre d'aucun de ses pays, comme de Frise, qui de ancien temps a esté royaume, ou de Brabant, qui est la plus ancienne et excellent duchié de toute la chretienneté... il a esperance de conduire le fait à bonne fin... respondra ledit Henry... et au surplus l'advertira de trois choses : l'une qu'il semblerait en ce cas que non mie seulement les pays de Brabant et de Frise, mais aussi tous les autres pays de mondit seigneur, comme Haynau, Hollande, Zeelande, Namur, et autres de par deça estans en l'empire, devroient estre tous uniz soubz la monarchie dudit royaume ; secondement que les duchiez de Guelres, de Julliers, des Mons et autres duchiez, contez et seignouries estans en Basses Alemaignes, devraient estre feodales et subgettes audit royaume et couronne ; et tiercement que l'empereur devroit, en faisant royaume de tous lesdiz pays, donner et transporter à mon dit seigneur, avecques le tiltre et couronne de royaume, tous les droit tant de domaine, de souveraineté, que aulrres quelzconques à lui appartenus en tous les pays dessusdiz, et especialement en pays de Wstfrise. Instructions à Henri de Heessel, dans Der Œsterreichische Geschichtsforscher (Vienne, 1838, 2 vol., t. I, p. 235-236. — Ces curieux documents, publiés par M. Ernest Birk, en 1838, dans le recueil que nous venons de citer, ont été reproduits pour la plupart, en 1842, dans le Messager des sciences historiques de Belgique, p. 422-472.

[84] Dans une lettre du 19 juillet, il s'intitule : H. de Heessel, Osterich nuncupatum heraldum et regem armorum sacri Romanorum imperii sub titulo de Ruir. Œsterreichische Gesehichtsforscher, t. I, p. 231. — Voir le texte des instructions qui lui titrent données, id., t. I, p. 233 et suivantes.

[85] Document en allemand publié par Chmel, Œsterreichische Geschichtsforscher, t. I, p. 237-39 ; cf. même document en latin, inséré dans la relation de Guillaume von Heessel, publiée par Chmel, Materialien, t. I, part. II, p. 242.

[86] Voir le rapport en date du 4 août : Œster. Geschichtsf., t. I, p. 239-240. — Henri von Heessel s'exprime de la sorte à ce sujet : Sunder ir mogt wol verstanden han das mir van zweyen conigen gross versprochn ist, aber ich acbte des nicht ich wil meinen hern van Bourgonien in den sachn dienen und meinant anders und walt auch gern wissen warumb das ich dienen solt so wer ich auch dester vleissiger.

[87] Voir les lettres de Henri von Heessel au duc et à la duchesse de Bourgogne (Vienne, 6 août 1447) dans Œster. Geschichtsf., t. I, p. 245-246, et le rapport de Guillaume von Heessel, dans Materialien, p. 243-245.

[88] Memoriale Henrici de Hessel. Œster. Geschichstr, p. 242-245 ; cf. Materialien, p. 243-245.

[89] Il y est question de la présence de l'archevêque de Trêves à Lyon, ce qui ne permet pas de placer la date de ce document avant le mois de septembre.

[90] Mémorial de Guill. von Heessel, dans Œster. Gegchichtsforscher, 1.

[91] Mais ces actes portent la formule : Non transicit. Les originaux furent annulés. Chmel, Regesta, n° 2330 et 2331.

[92] 13 novembre 1447, Materialien, l. c., p. 271.

[93] Instructions à Adrien van der Ee, 22 octobre 1447. Texte français et texte latin dans Œster. Geschichtsforscher, t. I, p. 248-261.

[94] Son ambassade dura du 26 octobre 1447 au 26 janvier 1448. Archives du Nord, B 1998, f. 8.

[95] Simple lettre de créance en date du 24 octobre. Le texte est dans Chmel, Gesch. K. Friedrichs IV, t. II, p. 751.

[96] Ex parte autem corone, etc., majestas regia, potsquam deliberaretur de illa conferenda, affecta esset domino duci impendere onmem honorem, decorem et coronam regie dignitatis, extollereque eum in regem Brabancie, illique regno subjicere, terras illas quas d. dux ab imperio hunc tenet et possidet, reservatis tamen imperio illis subjectione, homagio, servicio debito ac recognicione, quibus ille terre pro nunc obliganlur sacre imperio, proviso edam quod ipsa rnagestas regia pro tali beneticencia gracia et honore per d. ducem debitis honoranciis recognosceretur, profit concordari posset, sed dare terras principes et immediate subditos imperii ad aliam obedienciam et per ilium modum ab imperio alienare, majestas regia neque vult neque potest, nec eciant qui nomen Augusti tenet expediret minorare vel dimembrare imperium, sed illud si augere non potest, saltem in statu quo troc suscepit Deo adjuvante manu tenere intendit. Réponse de Cilly et Schlick à van der Ee, l. c., p. 263.

[97] Œster. Geschichtsf., t. I, p. 268-270.

[98] Lettre du duc Albert, dans Chmel, Geschichte K. Friedrichs IV, t. II, p. 492, note.

[99] Voir ce document dans Œster. Geschichtsf., t. I, p. 270-271.