1448-1449. Arrivée en France du duc de Somerset ; Charles VII lui envoie une ambassade pour se plaindre de l’occupation de Saint-James de Beuvron et de Mortain ; réponse de Somerset. — Ambassade du héraut Valois en Angleterre ; instructions données par Charles VII à son envoyé. — Conférence de Louviers ; les commissaires royaux n’obtiennent aucune satisfaction. — Réponse de Henri VI aux remontrances présentées par le héraut Valois ; lettres du roi d’Angleterre à Somerset et à Charles VII. — Relations de Somerset avec la cour de France ; il envoie Garter en Angleterre pour avoir de nouvelles instructions. — Nouvelle conférence tenue aux environs de Louviers ; résolution prise. — Troisième conférence à Louviers. — Nouvelle ambassade du héraut Valois en Angleterre ; sommation faite à Somerset. — Plaintes adressées au Roi par Somerset ; envoi de Cousinot et de Fontenil à Rouen ; on n’aboutit à aucun résultat. — Occupation de Fougères par les Anglais ; caractère de cet attentat ; attitude du Roi ; démarches faites par le duc de Bretagne auprès de Somerset et du Roi. — Ambassade de Somerset au Roi ; Charles VII demande réparation de l’attentat ; démêlés avec les envoyés de Somerset. — Ambassade de Havart en Angleterre ; instructions qu’il reçoit. — Occupation de plusieurs places par des capitaines français agissant dans l’intérêt du duc de Bretagne ; Charles VII se prépare à la lutte ; traité passé avec le duc de Bretagne. — Conférence de Louviers ; déclaration des commissaires royaux. — Première assemblée des Roches-Tranchelion ; la guerre est décidée, mesures prises par le Roi. — Dernière ambassade de Somerset ; seconde assemblée des Roches-Tranchelion ; dernière délibération au sujet de la guerre ; réponse donnée en public aux envoyés de Somerset. Les incidents qui avaient accompagné l’évacuation du Mans montraient clairement qu’une solution pacifique était désormais impossible. Tandis qu’en Angleterre Henri VI ne cessait de faire, en faveur de la paix, de belles protestations, non suivies d’effet, ses représentants en France, et surtout les capitaines placés à la tête des garnisons, repoussaient toute concession et ne songeaient qu’à reprendre les hostilités. D’ailleurs, les incessantes violations de la trêve, les prétentions qu’on faisait valoir, l’outrecuidance et la déloyauté dont chaque jour on donnait de nouvelles preuves, indiquaient suffisamment qu’une rupture était imminente. Peu après l’occupation du Mans, un nouveau gouverneur débarqua en Normandie. C’était Edmond Beaufort, marquis de Dorset, devenu tout récemment duc de Somerset par la mort de son frère aîné[1]. Cet homme léger et présomptueux, dont la seule ambition était d’accroître les immenses richesses que lui laissait le feu duc[2], allait achever de compromettre une situation déjà bien précaire. Au mois d’avril 1448, deux ambassadeurs de Charles VII, Guillaume Cousinot et Pierre de Fontenil, se rendirent à Rouen près du nouveau gouverneur ; ils venaient se plaindre des continuelles infractions à la trêve. Somerset, à la date du 22 avril, répondit en termes très brefs : il avait reçu les lettres du Roi et donné réponse à ses envoyés ; il annonçait la prochaine venue d’ambassadeurs du roi d’Angleterre qui venaient de débarquer en Normandie[3]. Peu après, Charles VII fit partir Havart pour l’Angleterre[4] et donna mission à Gaucourt et à Cousinot de se rendre à Rouen pour demander réparation des infractions à la trêve[5]. Le 12 juin suivant fut signé un traité réglant les difficultés survenues de part et d’autre et contenant certaines stipulations propres à assurer le respect de la trêve[6]. Les ambassadeurs français avaient été chargés de remettre à Somerset une nouvelle lettre de leur maître. Le Roi se plaignait de faits d’une haute gravité qui menaçaient de troubler les bonnes relations existant entre les deux Couronnes. Lors de l’évacuation du Mans, les gens de la garnison avaient été fort embarrassés pour trouver un logis : les capitaines, par crainte d’être supplantés, ne voulaient point les recevoir dans leurs places, et le gouvernement anglais, soit qu’il fût mécontent de l’insubordination dont ces gens avaient fait preuve[7], soit qu’il craignît de s’attirer de nouveaux embarras, ne se montrait point disposé à leur venir en aide. Se voyant comme abandonnez, les Anglais du Mans se décidèrent à prendre leur logement n’importe où, en attendant quelque bonne occasion de se mieux pourvoir, et sans doute avec le secret espoir d’une prochaine rupture de la trêve. Il y avait justement, sur les confins de la Normandie et de la Bretagne, deux places qui, presque détruites pendant la guerre, avaient été évacuées depuis peu : Saint-James de Beuvron et Mortain. C’est là qu’ils s’installèrent. Et aussitôt ils se mirent à réparer ces deux villes, à en relever les fortifications, à les pourvoir de vivres et de munitions[8]. Cet événement causa un grand émoi dans toute la contrée. Le duc de Bretagne vit avec un juste mécontentement son territoire menacé ; il s’empressa de prévenir le Roi, et écrivit au duc de Somerset pour exiger l’évacuation de Saint-James de Beuvron. Aux plaintes que Charles VII chargeait Gaucourt et Cousinot de lui transmettre, Somerset répondit par une lettre écrite dans un style qui froissa vivement le Roi, car les formules habituelles de respect en étaient bannies[9]. Il était, disait-il, nouvellement arrivé, et n’avait point encore grande connaissance des choses, ni même des appointements et traités passés récemment ; il allait envoyer Osbern Mundeford vers l’évêque de Chichester et Robert Roos, conseillers et ambassadeurs du roi son souverain seigneur, alors à la cour de France, car ils avaient été participants aux traités et étaient mieux au courant des affaires que lui[10]. Lors des conventions faites à Lavardin (11 mars 1448), il avait été décidé qu’une conférence se tiendrait au mois de septembre entre les représentants de chacune des parties. A la date du 12 juin, Charles VII avait déclaré accepter la désignation de Pont-de-l'Arche faite par Henri VI comme lieu de résidence des commissaires anglais et choisir Louviers pour résidence des siens[11]. En Angleterre on se préparait à cette conférence : le 18 août Henri VI donnait des pouvoirs au duc de Somerset, à l’archevêque de Rouen, à Adam Moleyns, à Talbot et à plusieurs autres pour l’y représenter[12]. Avant la réunion de la conférence, Charles VII résolut d’envoyer un nouveau message à Henri VI : le héraut Valois fut chargé de le lui remettre. Le Roi avait été heureux d’apprendre par Havart le bon vouloir, propos et intencion manifestés par le prince son neveu, relativement à la paix, ainsi que le désir témoigné par lui d’observer scrupuleusement les traités relatifs à la trêve et de faire réparation de tout ce qui pourrait y porter atteinte. Il avait, de son côté, pris des mesures pour assurer la stricte observation des traités, persuadé que le prince son neveu en ferait de même. Mais, bien que le Roi ait ainsi rempli son devoir à ce sujet, il semble que les représentants de son neveu n’aient point la volonté d’agir de même, vu les termes qu’ils tiennent. Depuis l’arrivée en France du duc de Somerset, plusieurs capitaines étant sous la charge et gouvernement du duc[13] sont venus occuper et emparer la forteresse de Saint-James de Beuvron, voisine de la Bretagne, du Mont-Saint-Michel et de Granville, et lieu contentieux, considéré comme se trouvant en l’obéissance du Roi. A supposer même que la place ne soit point lieu contentieux, on ne doit établir aucune fortification en pays de frontière ; il y a donc là une violation des traités. Le Roi a envoyé des ambassadeurs au duc de Somerset pour le sommer de faire réparation de cet excès. D’un autre côté, les conservateurs de la trêve ont, au nom du Roi, fait sommation aux infracteurs d'avoir à faire réparation : jusqu’ici aucun résultat n’a pu être obtenu. Il y a plus : lorsque les ambassadeurs du Roi ont voulu adresser à cet égard une sommation au duc de Somerset, celui-ci leur a fait dire que s’ils le voulaient sommer, il entendait savoir, avant qu’ils quittassent le château de Rouen où ils se trouvaient, quel serait celui qui lui donnerait réparation au cas où il serait trouvé qu’il avait été indûment sommé ; ce qui équivalait à dire que, si les ambassadeurs du Roi lui adressaient une sommation, il les ferait arrêter. Les ambassadeurs n’ont pu obtenir d’autre réponse du duc, sinon qu’il enverrait Osbern Mundeford vers le Roi et vers les deux ambassadeurs de son maître, alors à la Cour, pour aviser à ce qu’il y aurait à faire touchant le fait de Saint-James de Beuvron. Le duc a voulu charger les ambassadeurs d’une lettre pour le Roi, mais ceux-ci n’ont point voulu la recevoir, pour ce qu’elles estoient en un style desrogant à l’honneur du Roy, et autrement que par le duc d’York et autres seigneurs du sang du prince neveu n’avoit esté accoustumé estre fait le temps passé. Malgré les observations présentées au duc de Somerset sur cette manière insolite de s’adresser au Roi et sur les conséquences fâcheuses qui pourraient en résulter, le duc a persisté : il a remis sa lettre à Mundeford. Le Roi n’a point voulu la recevoir, bien qu’il ait consenti à entendre tout ce que cet envoyé a voulu lui dire ; or il a demandé que la chose fût mise en délai, afin de permettre d’aviser à l’appointement qu’on pourrait trouver : ouverture bien dangereuse, et dont l’acceptation aurait pu porter grand préjudice au fait de la trêve. Le Roi s’y est refusé, pour le bien des matières principales ; il a fait dire à Mundeford que, s’il voulait aller trouver l’évêque de Chichester et Robert Roos, alors en Bretagne, il enverrait avec lui certains de ses gens pour conclure un arrangement au sujet de Saint-James de Beuvron et des autres points en litige. Mundeford a refusé, disant qu’il n’avait aucune charge d’aller vers les ambassadeurs, puisqu’ils n’étaient plus en la compagnie du Roi-Malgré le tort que s’est donné le duc de Somerset, en faisant preuve dans sa lettre, de trop grande arrogance ou ignorance, et en employant des formules inacceptables, le Roi s’est décidé à lui écrire de la façon dont il avait coutume d’user avec les autres parents et lieutenants de son neveu, comme il pourra apparoir par le double de ses lettres, porté par Valois ; et cela pour l’honneur dudit prince neveu. Il semble nécessaire, afin que les choses promises lors de la conclusion de la trêve soient exécutées, et pour éviter tout inconvénient, que provision soit donnée plainement et absolument par le prince neveu, ainsi que lui et son Conseil sauront bien aviser. De son côté, le Roi est tout prêt à faire ce qu’il appartiendra, conformément à la teneur des traités et aux promesses échangées, sans aucune fiction ou dissimulation. Le héraut Valois était en outre chargé de réfuter les allégations des Anglais au sujet de réparations faites à certaines places, soit dans le pays de Caux, soit dans le Maine, et de plusieurs meurtres et larcins qui auraient été commis. Le Roi était, d’ailleurs, toujours disposé à livrer les coupables à la justice et à les punir ; il n’avait cessé d’agir de la sorte[14]. Tandis que le héraut Valois se rendait en Angleterre, les commissaires des deux parties se réunissaient à Louviers. Les représentants de Charles VII étaient Charles, sire de Culant ; Guillaume Cousinot, Jean Beson et Jean Herbert ; ceux de Henri VI, Adam Moleyns, évêque de Chichester ; Reynold, abbé de Glocester ; Guillaume Chambellan et Louis Galet. Brezé paraît s’être rendu en personne à Louviers pendant la durée de la conférence[15]. Cousinot exposa d’abord les griefs du Roi et demanda réparation au nom de son maître[16]. L’évêque de Chichester répondit en termes généraux que le roi d’Angleterre voulait l’observation de la trêve et était prêt à donner satisfaction au sujet des infractions qui auraient été commises. Il ajouta que, dans le cas présent, il n’y avait eu aucune infraction. Saint-James de Beuvron avait toujours été de l’obéissance du roi d’Angleterre ; si l’on accordait la démolition de la place, il faudrait que Charles VII fît démolir les fortifications élevées à Granville, à Beauchamps[17], à Ivry, à Louviers et dans d’autres lieux ; d’ailleurs Saint-James était sur les marches de la Bretagne et non sur la frontière de France ; le duc de Bretagne avait toujours été compris dans les trêves comme sujet du roi d’Angleterre ; l’affaire devait donc être réglée avec Michel de Partenay, que le duc de Bretagne avait envoyé à Louviers. Cousinot répliqua que la Bretagne était de l’obéissance du Roi, et que le duc de Bretagne avait été compris dans les trêves comme sujet de Charles VII. Le roi d’Angleterre avait accepté la trêve ; son honneur ne lui permettait pas d’en repousser les stipulations ; il n’avait point été défendu de réparer les places fortifiées, mais bien de fortifier celles qui ne l’étaient pas ; d’ailleurs le Roi offrait de faire démolir les fortifications de Beauchamps et d’Ivry, si le roi d’Angleterre faisait détruire celles de Saint-James de Beuvron et de Mortain, nouvellement construites à ce qu’on disait. Par le traité passé à Londres, et signé par Suffolk, il avait été stipulé que tout ce qui concernait les attentats à la trêve serait réglé dans la prochaine réunion. L’évêque de Chichester maintint que les places en question étaient du domaine du roi d'Angleterre ; avant de passer outre les commissaires anglais devaient consulter le duc de Somerset, gouverneur de Normandie ; on reviendrait le mardi suivant à Louviers avec de plus amples instructions. Michel de Partenay, envoyé du duc de Bretagne, intervint alors, et déclara que le duc son maître était compris dans les trêves comme sujet, vassal et neveu du roi de France ; il n’avait voulu ni ne voulait y être compris comme sujet du roi d’Angleterre, et avait donné à son représentant l’ordre exprès d’agir de concert avec les ambassadeurs de France. Cousinot déclara à son tour qu'il l’entendait de même. Le Roi prenait le duc de Bretagne, son duché et ses sujets sous sa protection ; il les avait compris dans la trêve avec l’Angleterre ; son intention était que les affaires concernant la Bretagne fussent traitées comme les siennes propres. Les ambassadeurs du Roi étaient résolus à ne point s’écarter des ordres reçus à cet égard. Les choses en restèrent là pour le moment : la nouvelle réunion des commissaires des deux parties ne devait avoir lieu qu’au mois de novembre suivant. Durant cet intervalle que se passa-t-il en Angleterre ? Quel fut le résultat de la mission donnée au héraut Valois ? Valois avait apporté au roi d’Angleterre une lettre de son maître[18], et lui avait fait l’exposé de sa créance, en lui remettant copie de ses instructions. Henri VI s’était montré esmerveillé et desplaisant de ce que Osbern Mundeford n’avait point été tout d’une voie rejoindre ses ambassadeurs, conformément à l’avis et au désir du Roi ; il avait témoigné l’espoir que ceux-ci étaient présentement réunis aux ambassadeurs du Roi, pour pourveoir et finalement appointer sur la matière en litige. Il avait promis d’écrire à son cousin le duc de Somerset, pour lui donner l’ordre de vaquer effectuellement à l’expédition des affaires de telle façon que raisonnablement on n’en pût donner charge ni à lui ni aux siens[19]. La lettre de Henri VI au duc de Somerset porte la date du 3 octobre. Vous savez, lui disait-il, le parfait vouloir que avons à bonne paix avec notre très cher oncle de France, par tous bons, raisonnables et honorables moyens, et comment c’est notre désir et volonté que les trêves et autres appointements faits et accordés entre nous et notre dit oncle, en espérance de plus légèrement parvenir au bien de paix, soient gardés et entretenus. Si, par aventure, aucune chose était faite ou attentée au contraire de part et d’autre, que due réparation en soit faite, ainsi que au cas appartiendra. Le roi avait en lui, et en ses ambassadeurs étant en sa compagnie, parfaite confiance ; il comptait sur sa prudence et bonne diligence ; il lui ordonnait expressément de vaquer et entendre très effectivement aux choses demandées, si diligemment et si dûment qu’on ne pût faire au roi et aux siens aucun reproche, et que son honneur y fût gardé. Et ce faites, disait-il en terminant, en telle manière que notre dit oncle ou autres dorénavant n’aient cause d’envoyer pour ces matières par devers nous, car difficile chose serait à nous et à notre conseil étant par deçà de répondre et dûment appointer des affaires de par delà, sans connaître les mérites, qualités et circonstances des cas[20]. Valois repartit, après avoir reçu, suivant la coutume, certaines gratifications[21] ; il était porteur d’une lettre missive du roi d’Angleterre, contenant les assurances les plus formelles en faveur de bonne paix, amour, inséparable union et concorde, avec la promesse que toutes choses seraient réglées à la satisfaction du Roi[22]. Pendant ce temps le duc de Somerset était en relations suivies, soit 'avec la cour de France[23] soit avec son maître[24]. A la fin d’octobre, le roi d’armes Garter arrivait en Angleterre : il était chargé par Somerset et les ambassadeurs anglais en France de poser certaines questions et d’en obtenir la solution. Il s’agissait : 1° de l’interprétation à donner aux instructions qui prescrivaient aux ambassadeurs d’agir selon qu’il leur semblerait plus expédient ; 2° de la conduite à tenir à l’égard des représentants du duc de Bretagne, au cas où ceux-ci ne voudraient prendre part aux négociations que conjointement avec les ambassadeurs de France ; 3° de la façon dont les ambassadeurs devaient entendre la clause qui leur prescrivait d’éviter toute rupture[25]. Réponse fut donnée à Garter à la date du 30 octobre. Sur le premier point, toute latitude était donnée aux ambassadeurs pour se conduire suivant qu’il leur semblerait utile au bien de la matière principale ; sur le second, les ambassadeurs devaient chercher à entamer une négociation séparée avec les représentants du duc de Bretagne, et, s’ils n’y pouvaient parvenir, faire toutes protestations et réserves sur le préjudice qui pourrait résulter pour le roi de leur présence aux négociations ; sur le troisième point, le Conseil renonçait à tracer une ligne de conduite aux ambassadeurs : ils pourraient cependant, pour éviter une rupture, proposer une prorogation de la conférence à longue échéance, durant laquelle les ambassadeurs de chaque partie en référeraient à leur cour respective, afin que de nouveaux ambassadeurs fussent désignés de part et d’autre pour tâcher d’aplanir les difficultés et prévenir la rupture[26]. La conférence qui allait se rouvrir aux environs de Louviers devait avoir une haute importance ; le choix des commissaires indiquait suffisamment l’intérêt qui s’attachait à ses délibérations. D’un côté, c’étaient un prince du sang, Charles d’Artois, comte d’Eu ; Guillaume Chartier, évêque de Paris, et les conseillers du trône qui s’étaient rendus à Louviers au mois d’août ; de l’autre, Raoul Roussel, archevêque de Rouen ; Adam Moleyns, évêque de Chichester ; Guillaume, lord Falconbridge et Robert Roos, auxquels s’adjoignirent lord Talbot, l’abbé de Glocester, Louis Galet et Osbern Mundeford. Le duc de Bretagne était représenté par Michel de Partenay. Le duc de Bourgogne avait envoyé trois ambassadeurs : Pierre de Goux, Oudart Chuperel et Jean d'Auby. La première réunion eut lieu le 2 novembre dans l’église de Saint-Ouen de Léry, non loin de Louviers ; mais c’est seulement le 11 novembre, après l’arrivée du comte d’Eu, de l’évêque de Paris et du sire de Culant, que les discussions furent entamées sérieusement. Le 15, l’évêque de Chichester déclara, en son nom et au nom de ses collègues, n’avoir pouvoir de traiter qu’avec les ambassadeurs du roi de France, et non point avec ceux du duc de Bretagne, lequel avait fait hommage et serment de fidélité au roi d’Angleterre. Les ambassadeurs de France répondirent que les ducs de Bretagne et de Bourgogne n’étaient liés à l’égard du roi d’Angleterre par aucun hommage ou serment ; le Roi les considérait comme ses bons parents, amis, vassaux et sujets ; leurs députés étaient venus en cette qualité prendre part à la conférence ; il voulait qu’ils y assistassent et qu’on leur communiquât ce qui avait été fait jusque-là. Les ambassadeurs des ducs de Bretagne et de Bourgogne firent des déclarations analogues[27]. Les conférences se prolongèrent jusqu'au 30 novembre. Une convention fut faite à la date du 25. Elle portait qu’avant le 15 mai 1449 une ambassade serait envoyée par Charles VII en Angleterre pour résoudre les questions restées en suspens[28]. Une conférence nouvelle fut tenue à Louviers, au mois de janvier 1449, entre Jean de Loucelles et Jean Beson, d’une part, et Osbern Mundeford et Louis Galet, de l’autre ; il y fut décidé que toutes voies de fait cesseraient des deux côtés et que des ordres seraient donnés à cet effet[29]. Mais il était dit que la domination anglaise succomberait sous le poids de ses propres fautes : loin de se tenir en repos, comme le commandaient les règles les plus élémentaires de la prudence, les Anglais continuèrent leurs impudentes violations de la trêve. Et pourtant le duc de Somerset ne se faisait point illusion sur les éventualités d’une reprise des hostilités ; son gouvernement avait été informé par lui de la fâcheuse situation des affaires en Normandie : la province était hors d’état de résister à une attaque ; les places étaient démantelées et sans avitaillement ; les ressources, financières épuisées ; en votant leurs derniers subsides, les États avaient déclaré que la pauvreté de la contrée était telle qu’il n’y avait plus rien à en tirer[30]. Au mois de février, Charles VII renvoya en Angleterre le héraut Valois, avec une lettre pour Henri VI ; il lui faisait savoir que chaque jour des plaintes étaient formulées relativement à des attentats à la trêve, et que le duc de Somerset restait sourd à toutes ses réclamations : rien n’avait été fait, ni à Saint-James de Beuvron ni à Mortain, malgré les ordres réitérés donnés par le roi d’Angleterre[31]. En même temps, le héraut Salins fut envoyé à Somerset pour le sommer de donner réparation au sujet de l’infraction à la trêve commise à Saint-James de Beuvron, et de faire démolir les fortifications élevées récemment[32]. Cette dernière lettre se croisa avec un message du duc de Somerset. Le gouverneur anglais écrivait qu’il avait, depuis le mois d’avril précédent, formulé à diverses reprises des plaintes au sujet de plusieurs grands attentats et délits commis par les gens du Roi, près de Louviers et ailleurs, dont il donnait une longue énumération, sans avoir pu en obtenir réparation ; loin de là, ces excès se renouvelaient chaque jour avec plus de violence, principalement du côté du Mont-Saint-Michel et de Granville, et tout récemment près de Dieppe, comme s’il y eût eu guerre ouverte. Le duc demandait que bonne et brève provision fût donnée par le Roi, conformément aux traités, afin que Dieu et le monde pussent apercevoir par effet le bon vouloir qu’il avait à l’observation de la trêve[33]. Aussitôt après la réception de la lettre du Roi, Somerset fit partir Thomas de Loraille et Jean Cousin, avec charge de lui signifier et déclarer bien au long ce qu’il estimait qu’il y eût à faire relativement au contenu de sa lettre. Les deux envoyés étaient porteurs d’une lettre de créance de Somerset[34] ; ils arrivèrent à Tours le 19 mars. Deux jours auparavant, Charles VII avait adressé de nouvelles lettres au roi d’Angleterre et au duc de Somerset. Le Roi répondait aux plaintes qui lui étaient faites au sujet de violations de la trêve dont ses gens se seraient rendus coupables[35]. Le 23 mars, il écrivit de nouveau à Henri VI[36]. Cousinot et Fontenil furent chargés de se rendre à Rouen pour s’entendre avec le duc de Somerset relativement à toutes les difficultés pendantes. Arrivés vers le 7 avril, ils firent le 16 aux commissaires anglais des ouvertures sur les points en litige : réparations ou constructions nouvelles de places fortes ; démêlés pour la possession de certains lieux ; prétention à la Jouissance de droits en des lieux occupés par les Anglais ; attentats à la trêve commis soit sur terre, soit sur mer ; dédommagements pour ces attentats. Le 23 avril, Somerset écrivait au Roi qu’aucune conclusion n’avait encore été prise sur les questions mises en délibération, et qu’il avait donné ordre à Jean Lenfant, président en la Cour du conseil de Normandie, et à Jean Hanneford, chevalier, de se rendre auprès de lui, dans l’espérance que, sur ces matières et sur d’autres concernant l’observation des présentes trêves, un bon appointement pût être trouvé[37]. Sur ces entrefaites, Charles VII avait reçu[38] du roi d’Angleterre une réponse à la communication transmise par le héraut Valois. Après les protestations accoutumées, Henri VI lui faisait savoir, à la date du 18 mars, qu’avant le départ de l’ambassade qui devait se rendre en Angleterre le 15 mai suivant, il avait décidé que de notables ambassadeurs, bien instruits de ses volontés et porteurs d’amples pouvoirs pour traiter, soit de la réparation des attentats à la trêve, soit de la matière principale de la paix, seraient envoyés en France. Ces ambassadeurs se trouveraient à Pont-de-l’Arche le 15 mai[39]. Au milieu de cet échange de correspondances, un nouvel incident se produisit ; il allait changer soudain la face des choses et précipiter la rupture. Sur les confins de la Normandie et de la Bretagne, non loin de ces villes de Saint-James et de Mortain que les Anglais avaient récemment occupées, se trouvait une opulente cité industrielle, dépendant du duché de Bretagne. Elle parut de bonne prise à un capitaine célèbre, de tout temps enrôlé au service de l’Angleterre, décoré de l’ordre de la Jarretière, et auquel les hardis coups de main étaient habituels : le 24 mars 1449, Fougères tombait par surprise aux mains de François de Surienne, dit l’Aragonais. Main basse fut faite sur les biens des riches bourgeois et marchands qui peuplaient la ville ; le butin s’éleva, dit-on, à la somme fabuleuse de deux millions en monnaie du temps[40]. L’émotion fut grande à la cour du duc de Bretagne ; elle ne fut pas moindre à la cour de France, où un messager apporta la nouvelle, bientôt confirmée par une lettre de Cousinot, alors à Rouen auprès du duc de Somerset[41]. L’étonnement fit place à une vive indignation quand certains indices révélèrent la Participation du gouvernement anglais à cette audacieuse et flagrante violation de la trêve. Ce n’était pas, en effet, de son chef que François de Surienne avait agi. L’entreprise avait été méditée de longue date : il y avait eu, à plusieurs reprises, des Pourparlers entre ce capitaine et le duc de Suffolk[42] ; au mois de septembre 1447, Surienne avait passé le détroit et était revenu comblé de faveurs[43] ; il était retourné en Angleterre au mois de janvier 1448. Dès cette époque, il avait été convenu qu’une entreprise serait faite sur Fougères[44] : le gouvernement anglais ne pardonnait pas au duc de Bretagne d’être venu en Personne faire hommage au roi de France, et avait considéré l’arrestation de Gilles de Bretagne comme une insulte Personnelle. Toutes les mesures furent prises de concert entre le duc de Suffolk et Surienne ; celui-ci, pour mettre sa responsabilité à couvert, obtint des lettres des membres du Conseil privé[45], ainsi que la promesse écrite d’être secouru en cas d'attaque[46]. Des hommes d’élite, triés dans la plupart des places, vinrent grossir les rangs de la garnison de Verneuil, où commandait Surienne, et des munitions lui furent envoyées par le duc de Somerset[47]. Enfin, après le succès de l’entreprise, il reçut les félicitations de Somerset et de Talbot, et le roi d’Angleterre en personne lui enjoignit, par une lettre signée de sa main, de bien garder la place[48]. Charles VII jugea du premier coup que la rupture était inévitable. Mais il fit preuve d’une grande modération : il s’effaça, laissant agir le duc de Bretagne, et se borna à faire faire officieusement à Somerset, par ses ambassadeurs Cousinot et Fontenil, alors à Rouen, des observations au sujet de cette nouvelle violation de la trêve[49]. Les négociations entamées entre ses représentants et les commissaires anglais ne furent point interrompues. Le duc de Bretagne avait aussitôt envoyé un héraut vers Somerset et fait partir Michel de Partenay pour Fougères, afin de sonder Surienne et d’obtenir la remise de la place[50]. En même temps il s’adressa au Roi et lui fit part de ses griefs[51]. Charles VII accueillit avec empressement les ambassadeurs du duc ; il donna ordre à l’amiral de Coëtivy et au maréchal de Lohéac, tous deux sujets bretons, de se porter au secours de son neveu, avec trois cents lances, pour le protéger contre de nouvelles agressions[52]. Peu après, deux envoyés du duc de Somerset, Jean Lenfant et Jean Hanneford, arrivèrent à Razilly (1er mai) ; ils étaient porteurs d’une lettre de créance, en date du 23 avril, dans laquelle Somerset gardait un silence complet sur l’attentat de Fougères[53]. Mais Cousinot et Fontenil, à leur retour de Rouen, avaient apporté une autre lettre, dont la teneur nous est révélée par divers documents. Tout en désavouant le cas advenu, Somerset ne se montrait nullement disposé à en faire réparation ; il demandait même au Roi de ne point s’émouvoir du fait de Fougères ; il le priait de ne donner aucune assistance au duc de Bretagne, et d’empêcher ses gens de porter secours à ce prince[54]. Justement indigné de cette singulière prétention et du silence gardé par les deux envoyés de Somerset sur la prise de Fougères, Charles VII les mit en demeure de s’expliquer à ce sujet : ils déclinèrent, au nom de leur maître, toute explication, et déclarèrent que l’affaire devait être portée devant le roi d’Angleterre, car ils n’avaient charge de s’occuper que des autres points en litige[55]. Une telle fin de non-recevoir ne pouvait être admise. Charles VII écrivit au duc de Somerset (13 mai) pour lui demander réparation de l’attentat et annoncer l’envoi de gens de son Conseil à Louviers ou à Évreux, afin de traiter de cette matière. Vous connaissez le cas tel qu’il est, disait-il[56], et les inconvénients qui, par faute de réparation, en peuvent ensuivre ; vous êtes celui qui avez la charge et lieutenance générale, de par notre beau neveu d’Angleterre, deçà la mer, et à qui on doit avoir recours ; vous êtes tenu de donner provision quand tels cas adviennent. Ainsi nous a-t-il été fait savoir de bouche et par écrit, à deux reprises, par notre dit neveu. Vous savez ce que la trêve porte, et connaissez ce qui est à faire par raison touchant ladite matière. Sur ces entrefaites, un message du roi d’Angleterre arriva à Razilly[57] ; bientôt un chevaucheur de l’écurie apporta une nouvelle lettre de ce prince, en date du 3 mai, où, sans dire un seul mot de l’affaire de Fougères, il répondait longuement aux griefs dont le Roi l’avait entretenu et témoignait de son désir de lui donner satisfaction[58]. Les envoyés du duc de Somerset étaient toujours à la Cour. Ils avaient fort à faire pour répondre aux pressantes réclamations dont ils étaient assaillis ; ils alléguaient l’insuffisance de leurs pouvoirs pour trancher une question aussi grave que celle de l’occupation de Fougères ; mais ils prêtaient le flanc aux critiques en réclamant des garanties contre toute entreprise hostile. Les discussions s’envenimèrent. Les conseillers du trône ayant refusé de prendre à cet égard aucun engagement et déclaré ne pouvoir empêcher le duc de Bretagne, ou ses parents et amis, de tirer vengeance d’un outrage dont on ne voulait point faire réparation, Lenfant s’écria : Il convient donc que chacun garde ses places le mieux qu’il pourra ! — Gardez les vôtres, lui répondit-on, et le Roi se mettra en peine de garder les siennes mieux qu’on ne l’a fait à Fougères[59]. Toutefois les négociations ne furent point rompues. Le 27 mai, Charles VII signa des pouvoirs pour Culant et Cousinot, qui devaient se rendre le 15 juin à Louviers[60] ; le 3 juin, Havart partit pour l’Angleterre, chargé d’une mission près de Henri VI et porteur de lettres pour le roi et la reine[61]. Dans les instructions qui lui furent données, on sent vibrer une indignation encore contenue, mais au moment d’éclater. L’historique des attentats à la trêve dont les Anglais s’étaient rendus coupables, est fait avec une accablante précision ; quand, dans ce long exposé, on arrive au récit de la prise de Fougères par François de Surienne, une complaisante énumération est faite des titres de ce capitaine : chevalier de l’ordre de la Jarretière, du grand conseil dudit prince neveu deçà la mer, son pensionnaire, son vassal, ayant charge et gouvernement de places et de gens sous lui. La chose, est-il dit, a été accomplie de guet apensé et par conspiration de longtemps projetée, au sçu du duc de Somerset : chose notoire et manifeste, non pas seulement au royaume de France, mais en toutes les marches voisines[62]. La déloyauté et l’aveugle obstination du gouvernement anglais allaient avoir leur châtiment. Tandis que le duc de Somerset s’efforçait, mais en vain, d’ajouter au gage dont il s’était saisi l’occupation d’autres places qu’il jugeait de bonne prise[63], des capitaines français se mettaient en campagne, et au cri de Saint-Yves ! Bretagne ! s’emparaient, par de hardis coups de main, de plusieurs villes encore au pouvoir des Anglais. Pont-de-l’Arche fut enlevé le 16 mai[64], au moyen d’un stratagème ; peu après, Conciles en Normandie, Gerberoy dans le Beauvaisis, Cognac et Saint-Mégrin en Bordelais, furent, en ensuivant la querelle du duc de Bretagne[65], soustraits à la domination anglaise[66]. Vainement Somerset, arraché tout à coup à une sécurité trompeuse[67], fit entendre ses réclamations ; vainement le Conseil anglais de Bordeaux envoya un poursuivant à Charles VII ; vainement les commissaires du roi d’Angleterre formulèrent des plaintes à la conférence de Louviers. On répondit invariablement que ces choses n’avaient point été accomplies par l’ordre et par le commandement du Roi, mais Pour réparer l’outrage fait au duc de Bretagne ; que si les Anglais voulaient rendre la ville de Fougères et tous les biens dont ils s’étaient emparés, on leur restituerait les places prises sur eux[68]. Cependant Charles VII se préparait à la lutte. Il concentrait ses troupes[69], combinait avec le duc de Bretagne son plan d’attaque, envoyait une ambassade au duc de Bourgogne pour le mettre au courant des derniers incidents et prendre son avis[70]. Au commencement de juin, Dunois, Coëtivy, Précigny et Etienne Chevalier partirent pour la Bretagne[71], où, à la date du 17 juin, fut signé un traité stipulant que le Roi prêterait assistance au duc contre les Anglais, et leur déclarerait la guerre si Fougères n’était restitué avant la fin de juillet[72]. La conférence de Louviers s’ouvrit le 15 juin, et se poursuivit, à Port-Saint-Ouen, à Venable et à Bonport, jusqu’au 4 juillet, sans amener de résultat. Les commissaires royaux, voyant qu’il était impossible d’obtenir aucune réparation, et convaincus de la mauvaise foi du gouvernement anglais, rédigèrent, à la date du 4 juillet, un acte contenant leur ultimatum[73]. Si les conditions en étaient repoussées, ils prendraient Dieu, le ciel et la terre à témoin du devoir en quoi le roi de France s’était mis, et de ce qu’il n’avait point tenu à lui que la trêve n’eût été observée. Quant à tous les inconvénients qui en pourraient advenir, le Roi s’en tenait honorablement et raisonnablement pour déchargé[74]. Le moment était venu de prendre une résolution. Charles VII, qui, selon la juste appréciation de Thomas Basin, était grave et prudent, plaçant la justice, la fidélité à sa parole et l’honneur royal avant tous avantages temporels[75], Charles VII avait épuisé les voies de conciliation. Une assemblée solennelle fut tenue le 17 juillet, au château des Roches-Tranchelion, à peu de distance de Chinon, avec le concours des princes du sang et des membres du grand Conseil. Le chancelier Guillaume Jouvenel exposa longuement les faits. Chacun fut appelé à donner son avis. Tous reconnurent que le Roi avait fait son devoir et plus que son devoir, et qu’il était en droit de déclarer la guerre aux Anglais, sans encourir le blâme de qui que ce fût. En outre, il fut déclaré que le Roi ne pouvait, sans charge pour son honneur et sa conscience, décliner le devoir qui lui incombait de défendre son peuple, d’expulser ses ennemis et de s’employer à la conservation de la chose publique de son royaume, ainsi qu’il l’avait juré à son sacre. Le Roi ordonna que des lettres patentes fussent rédigées pour son honneur et sa décharge au temps à venir[76]. La guerre étant décidée, on se mit en mesure de l’entreprendre avec vigueur. La résolution prise aux Roches-Tranchelion fut aussitôt notifiée aux princes du sang et à tous les princes alliés de la Couronne. Un appel aux armes fut lancé. Dunois fut nommé lieutenant-général dans les pays entre la Somme, l’Oise et la mer, et des pouvoirs furent donnés à plusieurs commissaires royaux pour traiter de la reddition des places[77]. Le duc de Somerset ayant, quelques jours après, envoyé une ambassade au Roi pour lui faire une nouvelle communication[78], une autre assemblée solennelle fut tenue le 31 juillet[79]. Charles VII y fit en personne l’exposé des faits et recueillit encore une fois les avis au sujet de la rupture avec l’Angleterre. L’assemblée fut aussi unanime que dans la précédente délibération. Le Roi fit alors entrer dans la salle où il siégeait, entouré de ses conseillers, les ambassadeurs du duc de Bretagne, pour leur communiquer cette détermination, qu’ils déclarèrent bonne, juste et raisonnable. Puis il fit introduire Jean Lenfant et Jean Cousin, envoyés du duc de Somerset. Par son ordre, le chancelier donna lecture d'un long mémoire[80] contenant un complet historique des négociations. Les ambassadeurs anglais tentèrent de répondre et de protester. Mais le temps des vaines paroles et des protestations illusoires était passé ; désormais la voie des armes était seule ouverte, et l’on ne pouvait en appeler qu’au jugement de Dieu. |
[1] Le duc de Somerset mourut le 31 mars 1448 ; sa mort est généralement attribuée à un suicide. Voir Turner, l. c., t. III, p. 59.
[2] Voir Thomas Basin, t. I, p. 192-193 ; cf. Stevenson, t. II, p. [718] et suivantes. L'évêque de Lisieux confond ici le gouverneur avec son frère, qui avait pour compétiteur le duc d'York. — Somerset était beau-frère de Talbot. Les instructions qui lui furent données, rédigées par Fastolf, ont été publiées par Stevenson, t. II, p. [592] et suivantes.
[3] Lettre apportée par Me G. Cousinot le derrenier d'avril CCCC XLVIII. C'est donc à tort que M. Stevenson, qui a publié (t. I, p. 241) cette lettre d'après l'original (ms. 4054, f. 97), la place en 1449.
[4] Jehan Havart, escuyer, valet tranchant du Roy, IIc LXXV l. pour son voyage en may de Tours en Angleterre. Dixième compte de Xaincoins, l. c., f. 127 v°.
[5] Pouvoir en date du 20 mai, dans D. Grenier, 100, p. 78 ; cf. Dixième compte de Xaincoins, l. c.
[6] Voir le texte dans D. Grenier, l. c. — Les commissaires désignés en vertu d'un pouvoir d'Henri VI, donné à Rouen, le 5 juin, à la relation du duc de Somerset, étaient Guillaume Chambellan, Jean Stanlawe, Osbern Mundeford, Jean Lenfant et Louis Galet.
[7] Ceci est douteux, si l'on observe que, le 12 juin, comme on l'a vu, des lettres patentes de Henri VI portaient approbation de la conduite de Mathew Gough et de Fouques Eylon dans l'affaire du Mans.
[8] Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 132-133. — Le chroniqueur dit Saint-James de Beuvron et Pontorson. Mais tous les documents sont muets au sujet de Pontorson, et, avec Saint-James, mentionnent Mortain. Voir Stevenson, t. I, p. 245 ; Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 213, 220, 227, 232, 236 ; D. Morice, t. II, col. 1434 et 1464.
[9] Il faut dire qu'elles l'étaient également de la lettre précédente, en date du 22 avril, apportée le 30 par Cousinot. Voir Stevenson, t. I, p. 241.
[10] Original, Ms. fr. 4054, f. 98 ; publiée dans les Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 201.
[11] Rymer, t. V, part. II, p. 1.
[12] Rymer, t. V, part. II, 7.
[13] On les désigne ainsi dans le document : Ung nommé Christofle a Beaulieu, Mundefort, le petit Treloy, Sendre Achatreton et plusieurs autres.
[14] Le texte de les curieuses instructions se trouve dans le ms. 4054, t. 92 ; il a été donné par M. Stevenson, t. I, p. 209-220.
[15] Messire Pierre de Brezé, chevalier, seigneur de la Varenne, seneschal de Poitou, IIIe l. pour son voyage en aoust de Touraine à Louviers, pour converser avec les Anglais des attemptats faits durant, la trêve. Dixième compte de Xaincoins, f. 128.
[16] Nous empruntons ce récit au protocole de la conférence qui se trouve dans D. Morice, t. II, col. 1430.
[17] Bemchen dans le document ; c'est Beauchamps, canton de la Haye-Pesnel (Manche).
[18] Lettre en date du 21 août, visée dans la réponse de Henri VI du 9 octobre courant.
[19] Ces renseignements sont empruntés à la lettre du 9 octobre.
[20] Cette lettre, qui se trouve en copie du temps dans le Ms. fr. 4054, f. 61, est publiée dans les Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 204. Cf., p. 205, lettre du même jour à Ogerot de Saint-Pierre.
[21] Stevenson, l. c., t. II, p. 574 note ; Vallet de Viriville, Extraits du British Museum, dans la Bibliothèque de l'Ecole des chartes, t. VIII, p. 135.
[22] Lettre du 11 octobre 1448, reçu le 30 octobre suivant. Original, Ms. fr. 4051, f. 93 ; éd. Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 207 et suivantes.
[23] Guillaume Chambellan et Jean Lenfant vinrent de Rouen à Tours, vers la fin de mai (Dixième compte de Xaincoins, f. 125). En septembre Adam Moleyn et Louis Galet vinrent trouver le Roi à Meung-sur-Loire (Lettre de Somerset du 28 février 1449).
[24] Le 17 octobre, Louis Galet partit pour l'Angleterre ; il était les 18 et 30 novembre à Vaudreuil, aux conférences dont il va être parlé ; il retourna en Angleterre et revint de Rouen le 16 janvier suivant. Pièces originales, 1267 : GALET, n° 6 et 7 ; Ms. fr. 4004, f. 103 v° et s.
[25]
La situation était dès lors fort tendue ; par lettres données à Rouen le 9
septembre 1448, à la relation du duc de Somerset, Henri VI ordonnait au bailli
du Cotentin de confisquer dans son bailliage les bénéfices des gens d'église du
parti de Charles VII, parce qu'il était venu à sa connaissance que son oncle de
France avait procedé à mettre empeschement et arrest,
ès mettes de son party et obeissance appartenans à gens d'eglise nos eaulx et
subgiez et demourans en nostre obéissance. Luce, Chronique du Mont-Saint-Michel, t.
II, p. 219.
[26] Here followen th'ansers untu th'articles wich Garter, king of armes, declared by way of credence unto the king our soveraign lord and my lords of his counsail, etc. Proceedings and Ordinances, t. VI, p. 62 et suivantes.
[27] Protocoles des conférences, dans le Ms. fr. 4054, f. 101 à 108 ; Protocole de la séance du 15 novembre, dans D. Morice, t. II, col. 1439-1441.
[28] Rymer, t. V, part. II, p. 7. Henri VI donna son approbation à la convention le 1er février 1449.
[29]
Ces renseignements se trouvent dans une lettre de Somerset au Roi, en date du
28 février. Stevenson, t. I,
p. 223.
[30] Credence
by my Lord of Somerset, etc., dans Rotuli
parliamentorum, t. V, p. 147.
[31] Lettre visée dans celle de Henri VI du 18 mars 1449.
[32] Lettre visée dans celle de Somerset du 9 mars.
[33] Voir cette longue épître, en date du 28 février, dans Stevenson, t. I, p. 223-232 ; elle est reproduite d'après l'original (Ms. fr. 4054, f. 83).
[34] Original, Ms. fr. 4054, f. 84 ;
Stevenson, t. I, p. 233.
[35] Lettres visées dans celles de Henri VI de 3 mai et de Somerset du 7 avril.
[36] Lettre visée dans celle de Henri VI du 3 mai (Ms. fr. 4054, f. 77).
[37] Lettre de Somerset, publiée dans Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 217.
[38] Le 18 avril 1440.
[39] Original, Ms. fr. 4054, f. 145 ; éd. Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 212 et suivantes.
[40] Nam nonnulli hanc prædam tanti valoris fuisse asserunt rapta Fulgeris spolia vigenti cool um millia vers æstimatione posse appretiari. Robert Blondel, p. 6 ; cf. p. 35. Voir protocole des conférences de Louviers, dans D. Morice, t. II, col. 1467, 1484, 1501 et 1500. — Sur la prise de Fougères, consulter Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 154 ; Rob. Blondel, Assertio Normanniæ, éd. par Stevenson, p. 4-6 ; Berry, Recouvrement, à la suite de Blondel, dans Stevenson, p. 239 ; Th. Basin, t. I, p. 194-197. Cf. instructions de Charles VII du 3 juin, Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 229 ; D. Morice, t. II, col. 1482 et s. ; Réponse du 31 juillet 1449, dans Stevenson, t. I, p. 249, etc.
[41] Robert Blondel et Berry disent que Charles apprit la nouvelle en montant à cheval pour se rendre à Bourges, et que, changent aussitôt son itinéraire, il se rendit à Chinon. Charles VII, en effet, quitta les Montils dans les derniers jours de mars ; il était à Montbason le 3 avril : là, il s'arrêta et, reprenant le chemin de Tours, il ne tarda pas à se rendre au château de Cousinot dit, dans la première réponse faite aux commissaires anglais pendant les conférences de Louviers (29 juin), que, quant au cas de Fougières, lui-même en a escript audit Roy de France, tantost après le cas advenu. (D. Morice, t. II, col. 1484.)
[42] Suffolk était duc depuis le 2 juin 1448.
[43]
Il avait été retenu conseiller du roi d'Angleterre à mille livres de gages,
avait reçu l'ordre de la Jarretière et 300 nobles de rente en Angleterre, plus
la terre de Porchester. Voir The
register of the most noble order of the Garter, publ. par Antis, t. I, p.
75-76.
[44] Voir : 1° l'enquête faite à Rouen, en octobre-décembre 1449, par le chancelier Jouvenel, dont l'original se trouve dans la collection Du Puy, vol. 714, f. 15 et suivantes, et qui a été publiée in extenso par M. Quicherat, dans les pièces justificatives de son édition de Thomas Basin (t. IV, p. 290-347) ; 2° la curieuse lettre de François de Surienne à Henri VI, en date du 15 mars 1450, dont l'original et une copie contemporaine se trouvent dans le ms. fr. 4054, et qui a été publiée par M. Stevenson dans son précieux recueil, t. I, p. 278-298. Cf. Documents relatifs à Surienne dans le même recueil, t. I, p. 413, 476, 478, et t. II, p. 573-574, notes.
[45] Lequel Rousselet lui dist qu'il avoit apporté audit messire François lettres de créance du duc de Sufforlk et que icellui duc de Sufforlk lui avait chargié expressement dire audit messire François qu'il lui mandait que sur tout le plaisir qu'il voulait faire au Roy d'Angleterre et à luy il mist à la fin l'entreprinse de Fougières. (Déposition de Th. du Quesne, l. c., p. 309 ; cf. p. 346.) — De son propre mouvement me parla (Suffolk) de l'entreprisse de ladicte place de Faugières et me dist que je la pouvoie prendre que ce seroit très bien besongné... et que ung bon guerroieur ne doibt jamais faire difficulté, pour chose qui sait, de prendre une bonne place sur la frontière des ennemis ou ung bon port sur mer. Lettre de Surienne, l. c., p, 483-484. Cf. p. 497. Cons vero omnes Anglorum proceres consilium laudavissent et pro ea re eidem militi suas litteras dedissent... Th. Basin, t. I, p. 196.
[46] Enquête, l. c., p. 331 et 334.
[47] Enquête, l. c., p. 293, 300, 307, 311, 315-316, 318, 327.
[48] Enquête, l. c., p. 306. Somerset écrivit à Surienne qu’il estoit plus joyeux de ladicte prise que qui lui eust donné cent mil escus d’or. Lettre de Surienne, l. c., p. 288 ; cf., pour lettre de Henri VI, p. 290.
[49] Tous les chroniqueurs contemporains disent que Charles VII envoya aussitôt ses ambassadeurs à Somerset pour le sommer de rendre la ville de Fougères. Berry (p. 432 et Recouvrement, p. 240) et Mathieu d’Escouchy (t. I, p. 158) nomment Culant, Cousinot et Fontenil ; Robert Blondel (p. 9) nomme Culant et Cousinot ; Chartier (t. II p. 62) nomme Cousinot et Fontenil. Tous se sont trompés. La preuve en résulte du passage suivant du protocole des conférences de Louviers. Voici ce qu’on lit dans la Première réponse des ambassadeurs français, en date du 29 juin 1449 (D. Morice, t. 11, col. 1488) : Quant les dessusdis ambaxadeurs, qui furent envoyez devers ledit haut et puissant duc de Somerset à l’instigation et promotion de Thomas de Loraille et maistre Jehan Cousin, ses ambaxeurs, qui estoient venus devers ledit Roy de France (le 19 mars 1449), furent depeschez, ils n’estoient encore venu, ou temps de leur despechement, nulles certaines nouvelles dudit fait de Fougières, au mains que l’on sceust au vray qui estoit chief de ladicte entreprise, ne par quelle manière ne comment elle avoit esté faicte. — Quant au nom des ambassadeurs, tous, sauf Chartier, ont confondu l’ambassade de juin 1449 avec celle d’avril. Cousinot et Fontenil arrivèrent à Rouen le 7 avril et en repartirent le 22 ; Culant et Cousinot furent désignés, par lettres du 27 mai seulement, comme commissaires aux conférences tenues au Port-Saint-Ouen, à Venables, à Louviers et à Bonport du 15 juin au 4 juillet. — La preuve des représentations faites officieusement à Rouen, relativement à la prise de Fougères, résulte d’un passage des instructions données à Havart le 3 juin (Preuves de Mathieu d’Escouchy, p. 231) et de la réponse du 31 juillet à Lenfant et Cousin (Stevenson, t. I, p. 250).
[50] Quoique les ambassadeurs bretons à la cour de Charles VII aient nié, dans l'audience solennelle du 31 juillet (Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 250), que des offres aient été faites à Surienne, il parait constant que Partenay lui offrit 50.000 écus pour la restitution de Fougères. Voir lettre de Surienne dans Stevenson, t. I, p. 296, et déposition de Jacquemin de Molineaux, dans les Preuves de Th. Basin, t. IV, p, 326.
[51] Cette ambassade parait être arrivée le 10 avril à Razilly. — Le duc écrivait qu'il avait su par des gens de la garnison de Fougères, faits prisonniers à Saint-Aubin du Cormier, que la chose avait été faite du consentement de Somerset. Protocole des conférences de Louviers, dans D. Morice, t. II, col. 1485. — Ce protocole se trouve aussi, en copie moderne, dans le ms. fr. 13974.
[52] Ce fait est rapporté par Robert Blondel, p. 21 ; il est confirmé par les lettres du duc de Bretagne en date du 27 juin 1449 (D. Morice, t. II, col. 1452).
[53] Cette lettre est publiée dans les Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 217-218.
[54] Voir le protocole de la conférence du 20 juin, dans D. Morice, t. II, col. t467, et les instructions du 3 juin, Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 230 et 232-233. — Sur la participation de Somerset à l'acte qu'il désavouait, voir le Mémorandum des questions à poser au duc quand il fut revenu en Angleterre. Stevenson, t. II, p. [718] et suivantes.
[55] Premier mémoire des ambassadeurs anglais, dans D. Morice, t. II, col. 1476 ; instructions à Havart, Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 232.
[56] Lettre du 13 mai 1449, dans D. Morice, t. II, col. 1456.
[57] Annotation la lettre de créance d'Edward Grimeston, en date du 3 avril. Ms. fr. 4054, f. 146.
[58] Le texte de cette lettre, apportée par Perrinet le chevaucheur le 18 mai, se trouve dans les Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 218-224.
[59] Instructions du 3 juin. Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 537. — Voir sur ces négociations : Réponse de Cousinot au Port-Saint-Ouen, dans D. Morice, col. 1468 ; Premier mémoire des ambassadeurs anglais et réponse des ambassadeurs Français, Id., col. 1475-1476 et 1484, 1488-1490 ; Réponse du 31 juillet, dans Stevenson, t. I, p. 255-253 ; Discussion des differendz entre les Roys de France et d'Angleterre : mémoire adressé à Louis XI et imprimé par Leibniz dans Mantissa codicis juris gentium Diplomatici. Hanov., 1700, in-fol., f. 63-97 (voir f. 93 bis v°) ; Chronique de Jean Chartier, t. II, p. 61.
[60] Dom Morice, t. II, col. 1454.
[61] Ces lettres se trouvent en minute parmi les Chartes royales, vol. XV, n° 208 et 209. Nous en donnons le texte aux Pièces justificatives.
[62] Ce remarquable document se termine ainsi : Item, et pour ce que peut estre on auroit donné ou pourroit-on donner à entendre audit très hault et puissant prince neveu autrement que ainsi que dessus est dit et que la vérité est, le Roy nostre dit souverain seigneur envoye présentement ledit Havart par devers icelui très hault et puissant prince neveu, pour lesdictes choses lui exposer et remonstrer bien au long, qui sont véritables, et est la vraye et pure vérité de tout le demené des matières, afin que ledit prince neveu, les seigneurs de son sang, les gens de son grant conseil et les autres dudit royaume, puissent cognoistre le grant devoir en quoy le Roy s’est mis de sa part, les èxcez et attemptaz qu’il a enduré estre faiz sur ceulx de son obeïssance à rencontre et ou prejudice des trêves, les grans parolles qui à çeste occasion se dient à la charge de lui et de ceulx qui ont aidiés à entretenir les matières en doulceur, et que l’en voie le bon vouloir et entencipn que le Roy a tousjours eu et a au bien et entretenement desdictes matières pour parvenir au bien de la paix, à quoy il a toujours esté enclin et est, ne à lui n’a tenu ne tendra en tous moyens raisonnables et honourables. Preuves de Mathieu d’Escouchy, p. 238-39.
[63] On avait dit que les Français avaient voulu prendre Mantes ; les ambassadeurs répondirent à ce sujet (Protocole de conférences de Louviers, 29 juin) : Monseigneur de Bretaigne a de grans parens amis et serviteurs... et pour ce, se aucuns de ses serviteurs ou amis ont fait aucunes entreprises sur ledit Mante et ailleurs, on ne s’en doit pas donner merveilles, car il y a bien grant cause et couleur. Mais, outre ledit cas de Fougières, avoir voulu prendre la ville et cité de Xainctes, Taillebourg, Dosnis (Domme ?), Auberoche, Montegnac-le-Conte, Chasteaugontier, La Ferté-Bernard, Dreux et autres places en l’obéissance dudit Roy de France, lesquelles choses ont esté entreprises par ceulx de la part d’Angleterre et paravant la prise du Pont de l’Arche et des autres places de l’obéissance dudit prince neveu, et partie d’icelles cuidé estre executées auparavant de ladicte prise, et dont aucuns des coupables ont esté pris et punis par justice, c’est bien chose où il y a bien mendre couleur et de quoy on se doit donner bien plus grans merveilles. D. Morice, t. II, col. 1488. Cf. Discussion des differendz, fol. 95 v°.
[64] Tous les historiens disent le 15 mai : ce fut dans la nuit du 15 au 16. Voir Protocole des conférences de Louviers, l. c., col. 1477.
[65]
Mathieu d’Escouchy, t. I, p. 168. Laquelle cause,
dit Guillaume Cousinot dans sa lettre au comte de Foix en date du 25 septembre
1449, aucuns amis et serviteurs de Mgr de Bretaigne,
voyant l'outrage lequel luy avoit esté fait, et qu’il n’en pouvoit obtenir
aucune provision de la part desdits Anglois, et que iceulx Anglois avoient
rompu les treves et faisoient guerre ouverte, trouvèrent moyen de prendre le
chastel et ville de Conches et le chastel de Gerberoy, etc. Thesaurus novus anecdotorum, t. I, col. 1812.
[66] Voir Berry, p. 433-434, et Recouvrement, p. 246-252 ; Blondel, p. 23-31; Th. Basin, t. I, p. 199-205 ; Chartier, t. II, p. 60-74 ; Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 163-169.
[67] Voir sur les terreurs de Somerset et la fureur de la duchesse sa femme, Th. Basin, I, p. 202-204, et Robert Blondel, p. 26 et suivantes.
[68] Voir Protocole des conférences de Louviers, l. c., col. 1490 ; Lettre de Cousinot au comte de Foix, l. c., col. 1813 ; Chartier, t. II, p. 76. — Les commissaires anglais ayant prétendu que le Roi faisait la guerre à leur maître sans la notifier, Cousinot et Culant répondirent qu'ils appliquaient au Roi ce qu'ils auraient dû appliquer au prince neveu, car celui-ci ou tout au moins ses gens étaient venus prendre Fougères et faire guerre ouverte en Bretagne, qui était de l'obéissance du Roi, sans que le Roi fit guerre ni demandât aucune chose au prince neveu et à ses sujets. Il est donc bien cler, ajoutaient-ils, qui a commencé la guerre et dont la chose procède, ne pour un tel pays que le duchié de Normandie ledit Roy de France ne vouldroit avoir esté commenceur d'ung tel cas. (D. Morice, t. II, col. 1491.) — Mais les Anglais ne voulaient rien entendre : n'allèrent-ils pas jusqu'à prétendre qu'ils n'étaient point les premiers attempteurs ? (Id., col. 1494.)
[69] Des troupes furent dirigées sur Pontoise, Beauvais et Dieppe (Mathieu d'Escouchy, P. 184). Bientôt une concentration fut opérée, d'un côté à Louviers, de l'autre sur les confins de la Bretagne et de la Basse Normandie (Chronique du Mont-Saint-Michel, t. I, p. 48 ; Chartier, p. 80). Des lettres furent envoyées aux bonnes villes situées sur les frontières.
[70] Voir la réponse du duc de Bourgogne à l'ambassade de Charles VII, réponse communiquée au Roi le 24 juillet, dans Stevenson, t. I, p. 264-273. — Le duc approuvait pleinement la marche suivie et insistait seulement sur la nécessité de ne déclarer la guerre qu'après avoir tenu conseil avec les princes du sang. Cf. Math. d'Escouchy, p. 186-188.
[71] Leurs pouvoirs sont du 3 juin ; le texte a été publié dans les Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 239-242. Coëtivy était déjà en Bretagne, comme on l'a vu plus haut.
[72] Lettres des ambassadeurs, dans D. Morice, t. II, col. 1508 ; lettres du duc, id., ibid., col. 1452. — La ratification de Charles VII est du 26 juin.
[73] Cet ultimatum était le suivant : Fougères serait rendu, avec tous les biens dont on s'était emparé, avant le 25 juillet ; douze jours après les Français rendraient Pont de l'Arche, Conches et Gerberoy, et mettraient lord Falconbridge en liberté. D. Morice, t. II, col. 1503. Cf. Lettre de Guill. Cousinot, l. c., col. 1813, et Discussion des différends, l. c., f. 95.
[74] D. Morice, t. II, col. 1507 ; Discussion des différends, f. 95 v°.
[75] Ipse vero, qui gravis et prudens erat, quique justitiam et fidem honoremque suum omnibus temporalibus commodis anteponeret, cbarioresque haberet... Thomas Basin, t. I, p. 198.
[76] Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 185-186 ; Réponse du 31 juillet, dans Stevenson, p. 259-262 ; Blondel, p. 37 ; Chartier, p. 76-79 ; Lettre de Guillaume Cousinot, col. 1814 ; Discussion des différends, f. 96, etc. Les motifs de la rupture sont très nettement énoncés dans les lettres du 17 juillet donnant des pouvoirs pour traiter de la reddition des places en Normandie. Voir Ordonnances, t. XIV, p. 59-60.
[77] Lettres du 17 juillet, nommant le comte de Dunois lieutenant-général des marches au delà des rivières de Somme et d'Oise jusqu'à la mer (Ms, fr. 20382, f. 5). — Lettres du même jour donnant pouvoir à Dunois, Gaucourt, Brezé, le sire de Précigny, Culant, Cousinot et Jean de Bar (Ordonnances, t. XIV, p. 59), — Il est remarquable que ce soit Dunois qui ait exercé les fonctions de capitaine-général sur le fait de la guerre. — c'est le titre qu'il prend dans des lettres en date du 21 août 1449, publiées par M. Vallet, p. 167, note A, — et que le connétable de Richemont ait été laissé au second plan. Il est vrai que le jeune duc de Bretagne avait grand besoin d'un lieutenant-général. — Sur le commandement en chef de Dunois, voir Robert Blondel, p. 46, 56, 65, etc.
[78] Voir lettre de Somerset, en date du 9 juillet, reçue le 24 à Razilly. Stevenson, t. I, p. 243-244.
[79] Procès-verbal de l'assemblée des Roches-Tranchelion. Minute dans le ms. fr. 4054, f. 153 ; éd. Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 245 et suivantes.
[80] Ce document nous a été conservé : il se trouve en copie du temps dans le ms. fr. 4054, f. 36, et M. Stevenson l'a publié (t. I, p. 243-264), mais en le plaçant à tort en avril 1449.